Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule no 12 - Témoignages du 8 février 2017
OTTAWA, le mercredi 8 février 2017
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, auquel a été renvoyé le projet de loi S-233, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligations de présentation et de déclaration), se réunit aujourd'hui, à midi, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense du mercredi 8 février 2017. Je m'appelle Daniel Lang, et je suis un sénateur du Yukon. À ma gauche, voici le greffier du comité, Adam Thompson, et à ma droite, Marcus Pistor, analyste de la Bibliothèque du Parlement.
J'aimerais demander aux sénateurs de se présenter.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, de la province de Québec.
La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, sénatrice du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan. Je remplace aujourd'hui la sénatrice Boniface.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Baker : George Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le président : Nous allons aujourd'hui étudier le projet de loi S-233, la Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligations de présentation et de déclaration). Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été déféré à notre comité par le Sénat la semaine dernière. Le parrain du projet de loi, le sénateur Runciman, de l'Ontario, est ici pour présenter le projet de loi, et il est accompagné du député de Leeds—Grenville—Thousand Islands et Rideau Lakes, M. Gordon Brown. J'aimerais souhaiter tout spécialement la bienvenue à une invitée très spéciale, la sénatrice de l'État de New York, Patty Ritchie, qui fera également une déclaration.
Sénateur Runciman, je crois que vous voulez faire une déclaration préliminaire. Je vous invite à commencer.
L'honorable Bob Runciman, parrain du projet de loi : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens à vous remercier de me recevoir malgré un si court préavis et de reconnaître que les gens sont nombreux à vouloir que ce projet de loi soit adopté avant la prochaine saison de navigation, l'été prochain. Je tiens également à remercier la sénatrice de l'État de New York, Patty Ritchie, qui a modifié son horaire très chargé de façon à pouvoir venir ici aujourd'hui discuter du projet de loi S-233.
C'est la sénatrice Ritchie qui a été la première à me parler de ce problème, et cette affaire a mené à la création d'un groupe transfrontalier formé de législateurs de l'Est de l'Ontario et du Nord de l'État de New York voulant débattre d'enjeux d'intérêt mutuel. La sénatrice Ritchie et moi sommes coprésidents de ce groupe. Je suis d'ailleurs heureux de comparaître en compagnie du député Gord Brown, mon député, qui travaille sur ce dossier depuis un certain temps lui aussi.
Les circonstances qui ont abouti à la présentation du projet de loi S-233 concernent un homme de New York, Roy Andersen, qui faisait de la pêche à la dérive en eaux canadiennes, dans la région des Mille-Îles, dans le Saint-Laurent, le 30 mai 2011. Des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada ont saisi son embarcation, et il a dû payer une amende de 1 000 $; ce montant a par la suite été ramené à 1 $.
M. Andersen avait un permis de pêche de l'Ontario, mais il ne s'était pas présenté aux douanes canadiennes lorsqu'il est arrivé en eaux canadiennes. Je ne crois pas que bien des gens le savaient à l'époque, mais il s'agit d'une infraction à la Loi sur les douanes.
Depuis cette histoire, les agents de l'ASFC ont fait savoir très clairement que quiconque entre dans les eaux intérieures du Canada, même sans s'arrêter, est coupable d'une infraction s'il ne signale pas sa présence par téléphone.
L'article 11 de la Loi sur les douanes actuellement en vigueur prévoit une exception, selon laquelle les personnes qui traversent les eaux ou l'espace aérien du Canada n'ont pas à se présenter si elles se rendent directement d'un lieu à l'extérieur du Canada à un autre lieu à l'extérieur du Canada. Cette disposition est interprétée comme signifiant que ces personnes empruntent la route la plus courte possible entre deux lieux situés à l'extérieur du Canada. Dans les autres cas, les voyageurs qui pénètrent dans les eaux canadiennes doivent signaler leur présence, même s'ils ne jettent pas l'ancre ou ne touchent pas terre.
Dans la région dont nous parlons ici, cette exigence est difficile à respecter. La frontière est tout sauf une ligne droite, dans cette région, principalement parce que plus de 1 800 îles parsèment le haut Saint-Laurent sur 80 kilomètres, entre l'Est de l'Ontario et le Nord de l'État de New York; il est difficile de savoir exactement de quel côté de la frontière on se trouve. Les autres témoins que vous allez entendre aujourd'hui vous en diront davantage à ce sujet, et aussi au sujet du tort que cela a causé aux relations transfrontalières et aux économies dépendant du tourisme.
Je vais maintenant parler des dispositions du projet de loi S-233 en expliquant comment elles pourraient régler le problème.
Ce projet de loi prévoit une exemption de plus pour les personnes qui entrent dans les eaux ou l'espace aérien du Canada, à bord d'un moyen de transport, qui arrivent directement d'un autre pays et y retournent :
[...] sans descendre du moyen de transport, mouiller l'ancre, amarrer à quai ou établir de contact avec un autre moyen de transport dans ces eaux, ou en passant par l'espace aérien du Canada, sans y amarrer.
J'ajouterais que les personnes qui sont visées par l'une ou l'autre de ces exemptions pourraient quand même devoir se présenter si un agent leur demande de le faire. Le projet de loi établit en outre clairement que les Canadiens qui quittent les eaux ou l'espace aérien du Canada n'ont pas à déclarer leur présence lorsqu'ils reviennent, dans la mesure où ils respectent ces exigences.
Le projet de loi S-233 modifie également la Loi sur les douanes de façon que la même règle s'applique aux marchandises se trouvant à bord d'un moyen de transport. Il n'est pas nécessaire de les déclarer si le moyen de transport a fait un aller-retour « sans mouiller l'ancre, amarrer à quai ou établir de contacts avec un autre moyen de transport ». Encore une fois, comme la disposition précédente l'indiquait, un agent peut quand même demander que cette déclaration soit faite, peu importe l'exemption prévue.
Le projet de loi donne en outre au gouverneur en conseil le pouvoir de prescrire, par règlement, la façon dont les exemptions vont être appliquées et de définir l'expression « établir [un] contact avec un autre moyen de transport ». Les modifications visant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés visent à élargir le pouvoir de réglementation afin de traiter les exemptions prévues dans ce projet de loi.
Il y a aussi une disposition de coordination portant sur les modifications de la Loi sur les douanes proposées dans le projet de loi C-21, lequel a été présenté à la Chambre en juin et qui doit bientôt passer en seconde lecture.
Vous remarquerez qu'aucune des exemptions prévues dans le présent projet de loi S-233 ne sont laissées ouvertes. Dans tous les cas, l'agent conserve le pouvoir d'exiger une déclaration; de plus, le projet de loi prévoit un pouvoir de réglementation qui permettra de préciser les détails.
Mon but, en présentant le projet de loi S-233, n'est pas de rendre notre frontière plus poreuse, et je ne crois pas que le projet de loi aura ce résultat. Mon but, c'est que, dans certaines circonstances spécifiques, par exemple quand il s'agit d'une région géographique plutôt floue comme la région des Mille-Îles, les déclarations à la frontière se fassent selon la logique. Le même problème se pose dans d'autres régions du Canada, et je crois que cette loi nous permet de réaliser ce but, monsieur le président. Merci beaucoup.
Le président : Sénatrice Ritchie, s'il vous plaît.
La sénatrice Patty Ritchie, Sénat de l'État de New York, à titre personnel : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Merci de m'avoir invitée à venir ici parler d'une question importante aux yeux des gens que je représente, dans une région qui borde le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent. C'est un privilège rare et historique que d'être invitée, en tant que membre du Sénat de l'État de New York, à venir dans la capitale nationale du Canada pour faire part de mes réflexions sur un problème qui touche les électeurs des deux côtés de la frontière.
Je représente une région qui partage avec le Canada la plus grande portion de la frontière internationale de l'État de New York, laquelle s'étend sur 450 milles, et j'ai toujours été très fière de la relation unique qu'entretiennent mes électeurs avec les habitants du Canada.
Quand on m'a invitée à venir ici aujourd'hui, je me suis souvenue de mon premier voyage au Parlement et à Ottawa, à l'occasion d'une sortie de classe faite il y a quelques années seulement, quand j'étais en sixième année. J'habite en banlieue d'Ogdensburg, à quelques minutes de la frontière avec le Canada, c'est-à-dire à moins de 50 milles de distance d'Ottawa. Quand mes enfants étaient jeunes, il m'arrivait souvent de les amener à une pratique de hockey dans des patinoires de l'Ontario. Nous faisons souvent des visites en famille à Ottawa, Brockville, Prescott et Montréal.
Il y a six ans, lorsqu'un plaisancier américain a été arrêté par des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada, dans le passage de Gananoque, j'ai été ébahie, et je suis loin d'être la seule, d'apprendre que les agents avaient saisi son embarcation. Ils lui ont dit que s'il ne payait pas immédiatement, sur-le-champ, une amende de 1 000 $, il serait menotté et couché au sol, pendant que son embarcation serait remorquée au Canada, où il pourrait devoir payer une amende d'un montant allant jusqu'à 25 000 $.
Étant donné que je vais souvent avec des amis me promener en bateau sur le fleuve, pour admirer le magnifique littoral de l'Ontario, je me suis dit que cette mésaventure aurait aussi bien pu m'arriver à moi ou à un membre de ma famille.
Ceux qui, parmi nous, appellent leur chez-soi la région des Mille-Îles savent que la frontière internationale ne s'étend pas en ligne droite et qu'elle ne suit même pas le milieu du fleuve. Elle serpente entre les îles en traversant parfois la voie maritime que les citoyens de nos deux pays ont construite de concert il y a un demi-siècle seulement.
La région frontalière que je représente est un lieu très spécial, et bon nombre de mes électeurs, et moi aussi, d'ailleurs, sont fiers de pouvoir retracer leurs ancêtres jusqu'au Canada. Pour tous ceux qui d'entre nous qui sont chez eux dans la vallée du Saint-Laurent, le fleuve est davantage un voisin qui nous rapproche qu'une ligne qui nous divise.
Malheureusement, depuis que c'est arrivé, j'avoue que ma famille et moi, tout comme bien d'autres personnes, ne sommes plus allés nous promener en bateau le long de la rive du Canada. L'événement a eu l'effet d'une douche froide dans les collectivités frontalières que je représente en relevant d'une coche le niveau d'incertitude, au moment où les questions de sécurité à la frontière amènent déjà de plus en plus de gens à y penser deux fois avant de se rendre au Canada.
J'aimerais personnellement et publiquement remercier mon ami, votre collègue, le sénateur Runciman, qui a pris le gouvernail dans ce dossier très important. Lorsque cet événement troublant a eu lieu, je ne le connaissais pas. J'ai communiqué avec lui parce qu'il était un de mes homologues, un législateur représentant des collectivités le long de la rive du fleuve Saint-Laurent. Je lui ai demandé de se pencher sur cette question parce que je m'inquiétais de ses répercussions possibles sur les relations entre nos deux nations. Le sénateur Runciman a pris position publiquement en faveur de notre amitié internationale à une époque ou bien des gens étaient prêts à sacrifier notre relation unique en raison de préoccupations qui n'avaient rien à voir avec la sécurité aux frontières.
Cet incident international a menacé de déchirer les gens qui vivent le long de notre frontière commune, mais il a également favorisé un rapprochement. Et c'est ce qui a fait que le sénateur Runciman, le député Brown et moi avons mis sur pied ce groupe international avec d'autres membres du Sénat de l'État de New York, qui nous permet de discuter de problèmes communs et des moyens de travailler ensemble pour que nos électeurs puissent poursuivre la relation qu'ils ont mis des siècles à établir. Aujourd'hui, votre comité se voit offrir une occasion historique de réunir de nouveau les gens que nous représentons tous les deux et de resserrer les liens qui font que notre relation est si unique, dans un monde dangereux.
Je vous remercie, et je répondrai avec plaisir à toutes les questions que vous pourriez avoir.
Le président : Merci, madame.
Monsieur Brown, veuillez commencer.
Gord Brown, député de Leeds—Grenville—Thousand Islands et Rideau Lakes, à titre personnel : Merci, monsieur le président, merci mesdames et messieurs. C'est un honneur de m'être fait demander de comparaître aujourd'hui devant votre comité en compagnie du sénateur Runciman et de Mme Ritchie, sénatrice de l'État de New York.
Comme la sénatrice Ritchie l'a expliqué, nous avons participé à un certain nombre de réunions sur ce sujet, au cours des dernières années. Il conviendrait de signaler que j'ai déposé devant la Chambre des communes un projet de loi similaire, un projet de loi d'initiative parlementaire, qui arrive juste un peu plus loin sur la liste des priorités. Nous espérons que le projet de loi sera adopté par le Sénat puis, évidemment, par la Chambre des communes. Plus tôt cela se fera, mieux ce sera, nous l'espérons, pour la prochaine saison de navigation.
Mesdames et messieurs, le projet de loi qui vous a été soumis a pour but de modifier des règlements qui sont non seulement disproportionnés par rapport à leur objectif, la protection des Canadiens, mais en outre contraires aux principes de l'impartialité juridique que défend le Canada et nuisibles pour les petites entreprises qui constituent l'épine dorsale de notre industrie du tourisme. Il est important d'apporter ces changements maintenant, de façon que nos lois reflètent les besoins des Canadiens d'aujourd'hui plutôt que les besoins de ceux qui vivaient il y a près de 90 ans, lorsque la loi a été adoptée pour mettre fin à la contrebande d'alcool entre nos deux pays. Les États-Unis ont fait d'énormes progrès, ils ont adopté des règlements qui, non seulement favorisent des déplacements faciles entre nos deux pays, mais qui, également protègent efficacement leur pays contre tous les risques potentiels liés à la navigation. Le Canada n'est pas encore rendu à ce point d'équilibre, puisque ses lois sont tellement sévères que de nombreux citoyens américains en sont venus à se dire qu'il ne vaut tout simplement pas le risque ou la peine de circuler sur les eaux canadiennes. Les châtiments infligés à ceux qui se retrouvent en eaux canadiennes seraient jugés rigoureux, même si les citoyens américains étaient bien au courant du règlement. Ce n'est malheureusement pas le cas.
Les Américains pénètrent régulièrement dans les eaux canadiennes, pensant qu'ils ont le droit de le faire tant qu'ils ne jettent pas l'ancre ou qu'ils n'abordent pas. C'est une ancienne pratique, chez les pêcheurs, qui s'est transmise de père en fils, de toute évidence, et elle n'est interrompue que rarement, lorsque des gens de l'Agence des services frontaliers du Canada interceptent un vaisseau qui ne s'était pas déclaré, comme cela est arrivé il y a quelques années. Dans de tels cas, sans même savoir qu'ils avaient contrevenu à la loi, ces personnes risquent de voir leur vaisseau saisi immédiatement, peut-être de façon permanente, d'être soumises à des contraintes physiques humiliantes, d'être obligées de payer sur-le-champ une amende de 1 000 $ ou de se voir infliger d'autres amendes dont le montant peut s'élever à 25 000 $.
Le pire, dans tout ça, c'est que ce traitement dégradant est souvent imposé après que les agents de l'ASFC ont déterminé que les personnes visées n'avaient aucun casier judiciaire et qu'il n'existait aucune raison de croire qu'ils représenteraient un risque pour le Canada. Ce comportement contredit clairement les principes juridiques que les Canadiens ont toujours considérés comme étant un aspect fondamental de l'impartialité juridique dans notre pays.
Ces principes englobent des concepts si importants pour nous que nous les avons inscrits dans la Charte : chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives; chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités, ce qui comprend l'usage excessif ou abusif de la force par des agents d'exécution de la loi. Ces lois ont été rédigées avec le plus grand soin de façon que nul ne soit victime de discrimination en territoire canadien, et pourtant, nous nous empressons d'en faire fi dès que se présente un cas des plus anodins, le cas d'un pêcheur qui passe une journée en plein air avec sa famille. C'est une honte. Notre Charte mérite qu'on la respecte davantage.
Certes, la Cour suprême a reconnu, dans l'arrêt Simmons, que nous avions le droit de contrôler les gens et les marchandises qui traversent nos frontières, mais cela n'excuse pas le traitement indigne que certains ont reçu. Bien que les mesures prises puissent être considérées comme justifiables, voire nécessaires, appliquées à de plus gros navires ou à des transporteurs de marchandises, elles sont inutiles pour la réglementation des petites embarcations.
Toutes les craintes devraient déjà être dissipées, étant donné que les États-Unis acceptent depuis un certain nombre d'années la circulation fluide des petites embarcations, sans que des problèmes soient soulevés, et que les embarcations de plaisance des Américains circulent déjà dans les eaux canadiennes sans que cela préoccupe les Canadiens.
Au-delà des répercussions morales et juridiques des lois en vigueur, nous devrions aussi prendre le temps d'envisager les répercussions que cela pourrait avoir sur l'industrie touristique canadienne. Un certain nombre de chambres de commerce du Canada ont dit qu'elles craignaient que ces incidents aquatiques ne nuisent à leurs efforts de marketing. J'ai discuté avec des intervenants d'autres régions frontalières, où la frontière court sur l'eau, par exemple la région de Sarnia et la région de Kenora, ou des régions de l'Ouest du Canada. Ces intervenants, tout comme une kyrielle de petites entreprises touristiques, s'efforcent de présenter le Canada comme un endroit accueillant et chaleureux, qu'il fait bon visiter, mais les journaux américains ne cessent d'affirmer que le règlement dont il est ici question témoigne du fait que nous ne voulons absolument pas recevoir des visiteurs américains.
Dans ma propre circonscription, celle de Leeds—Grenville— Thousand Islands et Rideau Lakes, il y a déjà eu de nombreux incidents liés à l'application de ce règlement, et ils ont donné lieu à bien des anecdotes négatives.
Cela est particulièrement préoccupant quand on pense au fait que l'industrie touristique crée plus d'un million d'emplois, souvent occupés par des jeunes et des immigrants, qui ont toujours de la difficulté à trouver et conserver un emploi stable. Le Canada devrait faire tout son possible pour faire connaître au monde entier notre beauté naturelle, notre riche histoire et notre diversité culturelle. Il devrait le faire non seulement à notre avantage, mais aussi pour enrichir nos relations internationales, en particulier celles que nous entretenons avec nos voisins des États-Unis.
Les amendements proposés dans ce projet de loi seront avantageux pour toutes les parties concernées, et ils auraient dû être adoptés il y a longtemps. Il est temps de laisser tomber ces règlements qui ne nous aident aucunement. J'ai bien hâte que le comité renvoie le projet de loi au Sénat; j'espère qu'il sera très rapidement déposé devant la Chambre des communes. Merci beaucoup.
Le président : C'est à coup sûr l'intention du comité, si je puis parler en son nom, et du Sénat, j'en suis certain.
J'aimerais commencer la série de questions en donnant la parole d'abord au sénateur Dagenais, puis à la sénatrice Saint-Germain.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Bienvenue au Canada. C'est toujours un honneur de rencontrer un sénateur des États-Unis, et plus précisément, de l'État de New York. Je remercie le sénateur Runciman et M. Brown. Je comprends bien la situation, puisque j'ai déjà eu un bateau de plaisance. La région des Mille-Îles est un très bel endroit pour faire une promenade en bateau.
Toutefois, j'aimerais que vous nous donniez des précisions, parce qu'il est difficile de distinguer la frontière entre les deux pays, surtout dans la région des Mille-Îles. Est-il possible de localiser la frontière en utilisant un GPS? Y a-t-il des patrouilleurs qui surveillent la frontière pour éviter qu'on se retrouve dans des situations embarrassantes? Je vais vous laisser répondre à Mme Ritchie. Ensuite, le sénateur ou M. Brown voudront peut-être ajouter des commentaires. Il s'agit d'une situation difficile pour les navigateurs à l'heure actuelle.
[Traduction]
La sénatrice Ritchie : Les embarcations qui se promènent dans ce coin-là sont souvent de petites embarcations. Elles ne sont pas équipées d'un GPS. Si vous parlez de GPS, vous éliminez d'emblée un nombre important des embarcations qui circulent dans ce coin-là. Entre chez moi et Prescott, c'est difficile à dire, parfois, quand vous êtes au milieu du fleuve, où vous vous trouvez vraiment. Et, quand vous approchez des Mille-Îles et que vous vous promenez d'une île à l'autre, il est à peu près impossible de savoir si vous êtes en eaux américaines ou en eaux canadiennes.
Le sénateur Runciman : Je dirais que c'est exact. En outre, si vous utilisez un téléphone intelligent, vous éprouverez de gros problèmes de réception, dans cette région — nous sommes tous au courant —, puisque les frais d'itinérance sont assez élevés.
En ce qui a trait à la loi, elle n'aura aucune incidence, parce que nous voulons que les gens puissent circuler d'un pays à l'autre. Les plaisanciers canadiens qui entrent en eaux américaines ne font pas face à des problèmes de ce type. La situation est différente au Canada.
Les représentants de l'ASFC ont pris part à des assemblées publiques et expliqué que la loi était la loi et qu'ils allaient l'appliquer. Le fait qu'ils aient pris la peine d'aller aux États-Unis pour livrer leurs messages en des termes on ne peut plus clairs est la raison même pour laquelle Gord et moi avons jugé qu'il était nécessaire de présenter un projet de loi sur cette question.
M. Brown : Merci de poser la question.
Je vis dans la région des Mille-Îles, un peu à l'est de Gananoque. Il y a sur le fleuve toute une série de petites îles. En général, vous savez où vous êtes, mais il peut aussi arriver que vous vous trouviez en eaux américaines sans en avoir vraiment conscience. Nous faisons toujours la même blague aux gens que nous amenons en promenade. Nous leur disons : « Regarde par-dessus bord, tu verras une ligne blanche sous l'eau. » Malheureusement, il n'y a aucune ligne visible qui vous dit dans quel pays vous êtes. Il se peut que des Américains se trouvent en eaux canadiennes, et vice versa, sans le savoir. Ce ne sera pas facile de définir cela.
La sénatrice Saint-Germain : Je suis particulièrement heureuse de vous souhaiter la bienvenue, sénatrice Ritchie, en tant que femme sénatrice. Je fais des séjours fréquents dans l'État de New York. J'adore les gens et j'apprécie notre amitié avec les citoyens de l'État de New York. Je viens de Québec, de la Ville de Québec.
[Français]
Le projet de loi fait souvent référence à l'expression « sous réserve des règlements ». On sait que, dans la mise en œuvre d'une loi, souvent, l'enjeu de faisabilité, le pragmatisme et les difficultés se retrouvent dans les règlements. Alors, ma question pour le sénateur Runciman ou pour M. Brown est la suivante : pouvez-vous nous donner à ce moment-ci quelques précisions sur la nature et la portée du ou des règlements qui seront considérés? Avez-vous eu des échanges avec les autorités, notamment avec le ministère de l'Immigration et l'Agence des services frontaliers du Canada à ce sujet?
[Traduction]
Le sénateur Runciman : Je crois qu'il est nécessaire de prévoir un pouvoir de réglementation si l'on veut s'assurer que l'ASFC ait en main les outils nécessaires pour protéger nos frontières.
Il s'agit d'un deuxième projet de loi. J'avais tout d'abord déposé un projet de loi qui ne s'appliquait qu'aux plaisanciers, à l'automne, l'an dernier. Des représentants de l'ASFC avaient communiqué avec mon bureau; j'ai encore devant moi les diapositives qu'ils avaient présentées pendant cette réunion. Ils avaient demandé une réunion avec nous pour discuter de ce projet de loi. Ils étaient entièrement d'accord avec son objectif. C'est le message qu'ils nous ont communiqué. Toutefois, ils estimaient que le système de déclaration n'était pas assez complet et pensaient qu'il fallait également apporter des changements à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
À ce moment-là, nous avons tout arrêté et avons laissé mon projet de loi mourir au Feuilleton. Nous avons travaillé avec les représentants de l'ASFC, avec l'aide du Bureau du légiste parlementaire. Ils nous ont expliqué ce qui était pertinent, ce qui répondrait à leurs besoins et atténuerait leurs préoccupations. Nous avons intégré tout cela au projet de loi. C'est pour cette raison que je suis très optimiste quant à ce projet de loi, étant donné que nous avons l'appui de l'ASFC et du gouvernement, qui veulent qu'il soit adopté. Les changements, en ce qui concerne la réglementation, répondent en fait à leurs demandes. Je le répète, nous respectons leurs exigences. Nous ne voulons pas qu'ils aient les mains liées au moment d'assurer la sécurité de nos frontières.
La sénatrice Lankin : Bienvenue, sénatrice Ritchie, bienvenue, monsieur Brown. C'est un honneur que de vous recevoir ici. Nous apprécions le fait que vous preniez le temps de discuter avec nous.
Sénateur Runciman, je crois que votre dernière réponse visait les questions que j'aurais pu avoir. Elle concernait les enjeux techniques que l'ASFC aurait pu soulever. J'apprécie le travail que vous avez fait pour déposer ce projet de loi. Je suis tout à fait en faveur du projet de loi et je vais travailler avec vous pour faciliter son adoption.
Je dois vous présenter mes excuses ainsi qu'aux témoins suivants. Je dois maintenant partir. Le comité ne se réunit pas, habituellement, à cette heure-ci. Si nous l'avons fait, c'est pour faciliter l'adoption de votre projet de loi. Je suis membre d'un autre comité et je dois assister à une autre séance. Je m'excuse, mais sachez que j'apprécie, puisque je représente moi aussi l'Ontario au Sénat, l'initiative que vous avez présentée ici et à la chambre. C'est important, et j'aimerais beaucoup moi aussi que la loi soit en vigueur à temps pour la saison de navigation.
La sénatrice Beyak : J'aimerais moi aussi souhaiter la bienvenue à une camarade sénatrice. C'est un honneur de vous recevoir.
Vous avez déjà parlé des préoccupations de vos électeurs, je l'ai bien compris. Pourriez-vous en dire un peu plus au sujet des consultations publiques, des circonstances dans lesquelles elles se sont déroulées et de leurs résultats?
Le sénateur Runciman : Dans mon cas — et dans le cas de Gord, je crois, mais il vous en dira plus —, les consultations publiques se sont principalement déroulées dans la région des Mille-Îles et ont réuni les représentants des chambres de commerce, des associations de plaisanciers de la région, des conseils municipaux et des organismes touristiques. Nous avons également reçu un témoin représentant le secteur du tourisme de l'État de New York, la sénatrice Ritchie et d'autres collègues représentant eux aussi l'État de New York. Mais c'était au sujet du premier projet de loi, celui que j'ai par la suite retiré.
Les consultations subséquentes, qui concernaient certains changements plus complets, en fait, sont un résultat de nos discussions de travail avec l'Agence des services frontaliers du Canada et le Bureau du légiste parlementaire du Sénat. Nous avons tous travaillé ensemble pour nous assurer que les échanges étaient constants, pendant sept ou huit semaines.
Au moment de la deuxième lecture, si vous vous en souvenez, je voulais entre autres remercier haut et fort le Bureau du légiste parlementaire du Sénat. La personne à qui a été confié ce dossier a énormément travaillé et y a consacré un grand nombre d'heures. Ce travail a été une grande source de frustration — elle a dû s'arracher les cheveux —, mais elle a fait un travail formidable. Cela en dit beaucoup sur les gens du Bureau du légiste parlementaire du Sénat, qui font vraiment du bon travail. Ils ont tout fait pour respecter les échéances en espérant que le projet de loi soit adopté avant le printemps suivant; elle a mis les bouchées doubles, voire peut-être plus, pour nous aider à y arriver.
M. Brown : Merci de poser la question. Bon nombre de mes électeurs m'ont parlé de ce dossier.
De plus, vous allez entendre un peu plus tard le témoignage de Gary DeYoung, qui représente le 1000 Islands International Tourism Council. Il y a aussi un groupe de résidants des Mille-Îles, des deux pays, qui s'appelle la Thousand Islands Association. Ces membres m'ont présenté ces dernières années de nombreuses observations sur la façon dont le dossier pourrait se régler de façon à assurer l'harmonie entre les deux pays. Nous discutons vraiment beaucoup, en particulier dans le cadre de l'initiative Par-delà la frontière, de l'harmonisation des règlements. Voilà un exemple de règlements qui ne sont pas harmonisés. Le soutien est sans contredit très grand.
Nous trois, vos trois témoins d'aujourd'hui, nous connaissons bien le dossier étant donné que les gens de notre région nous en parlent, mais, comme je l'ai dit plus tôt, nous prêtons aussi l'oreille à des gens habitant sur la rive d'autres plans d'eau frontaliers, dans d'autres régions frontalières. Le problème n'est pas unique à la région des Mille- Îles; il concerne en réalité toute la frontière entre le Canada et les États-Unis, partout où la frontière traverse l'eau.
Le sénateur White : Avez-vous cherché à savoir si ce projet de loi s'appliquerait aussi, par exemple, sur la côte Ouest, en particulier le littoral du nord de la Colombie-Britannique? Il y a beaucoup de circulation entre la pointe sud de l'Alaska et le nord de la Colombie-Britannique. Je sais qu'il y a eu quelques problèmes, à la fin des années 1990, j'en suis certain. Des gens étaient arrêtés même s'ils n'avaient rien fait, et d'autres étaient arrêtés pour avoir pêché illégalement. On peut quand même débattre de la question de savoir si le poisson était citoyen américain ou citoyen canadien; tout dépendait de son accent, j'imagine.
Le sénateur Runciman : Nous allons nous occuper de ce genre de préoccupations.
Le sénateur White : Il ne s'agit donc pas seulement d'eaux intérieures?
Le sénateur Runciman : Non.
Il y a d'autres préoccupations; je ne veux pas m'étendre sur les détails, mais prenons, par exemple, l'observation des baleines dans le golfe du Saint-Laurent. La loi couvrira des cas comme celui-là.
Le sénateur White : Je sais qu'il y a de véritables problèmes liés à la contrebande de drogues illicites et d'armes à feu entre l'État de New York et l'Ontario et le Québec. Avez-vous eu des discussions avec les différents services de police, y compris la GRC, pour savoir s'ils étaient préoccupés par un projet de loi comme celui-ci et s'ils se demandaient s'il n'aurait pas des répercussions négatives sur leur capacité d'accomplir leurs devoirs?
Le sénateur Runciman : Non, nous n'avons reçu aucun commentaire. Il est certain que, dans la région de la vallée du Saint-Laurent, il y avait beaucoup de publicité au sujet de ce projet de loi, et le public tient à ce qu'il soit adopté. Je dois avouer que je n'ai pas communiqué avec les autorités policières, mais il est évident que l'ASFC a un rôle essentiel à jouer, dans ce domaine-là, tout comme la GRC et d'autres services.
Nous allons entendre, dans le prochain groupe, un témoin qui pourra peut-être mieux répondre à cette question. Je n'ai entendu aucun commentaire négatif de la part de représentants d'un service de police quelconque, mais il reste que l'ASFC a participé à l'élaboration de ce projet de loi.
Le sénateur White : Je vous remercie tous d'être venus ici, vous en particulier, madame.
Le sénateur Baker : Quand la loi a été adoptée, en 1985, nous ne pensions pas qu'elle aurait un résultat si absurde que cela. Lorsque nous avons adopté cette loi — et je m'inclus, de même que le ministre MacKay, en 1985, je crois me souvenir —, nous avions tous deux souligné que cela n'était pas le but du projet de loi, et nous sommes cités dans la jurisprudence, aujourd'hui. Malheureusement, la Cour d'appel de l'Ontario, dans la décision R. c. Cook, a interprété la loi comme les fonctionnaires l'avaient interprétée : en respectant le libellé.
Toutefois, le sénateur Runciman, le député Gord Brown et la sénatrice Patty Ritchie ont pu s'appuyer sur la Cour fédérale du Canada. J'aimerais que cela figure au compte rendu, monsieur le président. La cour a affirmé, dans la décision no 962, la décision Flavell c. Sous-ministre du Revenu national, dont le sommaire précise que le ministère soutient que toutes les marchandises qui entrent au Canada sont importées, même si elles ont été acquises au Canada au titre du paragraphe 12(1) de la Loi sur les douanes... le citoyen ordinaire n'interprète pas le mot « importées » de cette manière; des marchandises « importées » sont implicitement des marchandises d'origine étrangère; l'interprétation du ministère a un effet punitif contraire aux valeurs exprimées dans la loi.
La Cour fédérale poursuit en disant que, si certaines dispositions sont ambiguës, il faut les interpréter de manière à ce que le résultat n'en soit pas absurde. Si l'on s'en tenait à l'interprétation du ministère, on tolérerait que des citoyens mal informés et sans méfiance soient traités de façon systématique et différentielle dans un but punitif.
Donc, Mme Ritchie, le sénateur Runciman et le député Brown ont pu étayer ces changements à l'aide des déclarations de la Cour fédérale. De plus, je suis responsable de ce projet de loi en ce qui concerne les membres du Sénat qui représentent le gouvernement.
Je tiens à féliciter le sénateur Runciman de tout le travail qu'il a fait pour coordonner les modifications avec les fonctionnaires du gouvernement et ceux du ministère de la Justice.
Je suis ici pour vous dire que nous soutenons tous ce projet de loi, maintenant, et il est à espérer, comme M. Brown l'a souligné, qu'il sera rapidement adopté au Sénat et passera ensuite à la Chambre des communes, puisque le gouvernement a fait savoir qu'il est maintenant en faveur du projet de loi du sénateur Runciman.
Le président : Avez-vous des commentaires à formuler, sénateur Runciman?
Le sénateur Runciman : Non, mais j'aimerais remercier le sénateur Baker, encore une fois, de ses recherches, lui qui consacre de nombreuses heures, tous les jours, à lire de la jurisprudence. C'est très utile pour le comité... parfois.
Le président : Merci, sénateur Baker, d'être resté bref.
Le sénateur Kenny : Quels commentaires avez-vous reçus de la GRC? La contrebande sévit dans toute la région entre Kingston et Cornwall. La GRC a créé un détachement spécial de 50 gendarmes pour lutter contre ce problème, en particulier la contrebande de tabac. J'aimerais bien savoir ce que vous avez entendu dire à ce sujet, sénateur Runciman.
Le sénateur Runciman : J'ai répondu à cette question déjà, sénateur Kenny. Je vais vous le dire sans détour : je n'ai pas communiqué avec la GRC, puisque l'ASFC avait décidé de soutenir le projet de loi compte tenu des changements qu'elle avait recommandés.
J'ai bien dit que, dans la région qui va de Cornwall à Kingston, le public s'est beaucoup intéressé à la question et au projet de loi qui a été déposé, et il réclame ce type de loi depuis plusieurs années. Aucun service de police ne nous a approchés, Gord Brown ou moi en disant s'inquiéter du fait que ce projet de loi pourrait d'une façon ou d'une autre compliquer son travail.
Je ne vois pas pourquoi il aurait ce résultat, mais je dois dire, monsieur, que nous n'avons pas communiqué avec ces services. Le prochain groupe de témoins, ou du moins un des témoins de ce groupe, représente peut-être les services de sécurité et pourra répondre plus explicitement à cette question que moi.
Le sénateur Kenny : Je crois que, en tant que membre d'un comité, nous devrions nous assurer que la GRC a eu l'occasion de présenter ses commentaires, monsieur le président.
Si on affecte un bon nombre d'agents supplémentaires dans une région donnée, comme la GRC le fait dans la région de Cornwall, la première chose qui se passe, habituellement, c'est que les activités criminelles se déplacent. Elles vont se faire plus en amont ou plus en aval. Mais les gens savent qu'il n'est pas bon pour leur santé de rester dans la région de Cornwall s'il y a trop de policiers.
Je crois qu'il vaudrait la peine de demander l'opinion de la police. Cela pourrait aider notre comité à adopter plus rapidement le projet de loi, peu importe ce que le sénateur Baker peut en penser.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question porte sur le même sujet que celui qu'a soulevé le sénateur Kenny.
Je m'en souviens très bien parce que, dans les années 1990, j'ai travaillé à la réserve d'Akwesasne que traverse le fleuve Saint-Laurent. Il y avait, je crois, quatre corps policiers qui travaillaient sur la réserve amérindienne à l'époque : la GRC, la Police provinciale de l'Ontario, la New York State Police et la Sûreté du Québec, évidemment. Cette réserve s'étend du Québec à l'État de New York en passant par l'Ontario. N'y aurait-il pas lieu d'assurer une concertation entre les différents services de police et l'Agence des services frontaliers? C'est une région assez stratégique et, comme le mentionnait le sénateur Kenny, qu'on le veuille ou non, il y a toujours de la contrebande de cigarettes, et peut-être de la contrebande d'autres produits dont je n'ai pas besoin de parler ici.
Peut-être que les prochains témoins pourront nous informer des moyens qui sont mis en place. Les Mille-Îles sont un endroit de loisirs et de tourisme, mais la région de Cornwall sert à autre chose aussi, malheureusement.
[Traduction]
Le président : Je pourrais peut-être poser deux ou trois questions avant de laisser partir les témoins.
Le sénateur Kenny : Veuillez rester bref, monsieur le président.
Le président : Je serai bref. Mon mentor, le sénateur Baker est présent, et je fais toujours ce qu'il dit.
Je pourrais peut-être vous adresser ma question, sénatrice Ritchie. Vous avez entendu les préoccupations des organismes d'application de la loi, et en même temps, vous avez une loi fédérale — j'imagine que c'est une loi fédérale — en vigueur qui permet aux embarcations de plaisance du Canada de passer du côté américain sans être arrêtées.
À votre avis, et de l'avis de vos organismes d'application de la loi, est-ce que ces derniers se préoccupent de la loi en vigueur du côté américain permettant l'utilisation actuelle des embarcations de plaisance du Canada et les autres activités qui se font sur ces voies navigables? J'ai eu le plaisir d'emprunter ces voies navigables avec le sénateur Runciman, et je comprends qu'il y ait une certaine confusion.
La sénatrice Ritchie : Justement, j'ai rencontré les responsables de notre patrouille frontalière pour en discuter. Apparemment, les agents du Canada n'ont pas appliqué cette disposition pendant des années, car le cas ne s'était jamais présenté avant.
Mais suite à cet incident, nous avons organisé un certain nombre de réunions pour en discuter, pour savoir s'il s'agissait tout simplement d'un incident isolé et s'il y avait eu confusion, mais on nous a dit qu'au contraire, c'était ainsi que les choses allaient désormais se passer. Le Canada allait appliquer la loi en vigueur; une personne qui se promène en bateau et traverse de quelques pieds seulement la frontière du Canada, sans le savoir, faisait face à cette éventualité.
Cela ne s'est pas passé ainsi de notre côté. J'ai rencontré les organismes d'application de la loi, et cela n'est pas un enjeu. Personne n'a déclaré que c'est ainsi que les choses se passeraient si un Canadien devait entrer dans les eaux américaines.
Je vis dans cette région, et tout cela préoccupe énormément de nombreux résidants de la région, et aussi de nombreux touristes, sans oublier les entreprises qui affrètent ou louent des embarcations. Si vous louez un bateau, la première chose que l'on vous dira, aujourd'hui, c'est ceci : « Quand vous serez rendus, ne vous éloignez pas trop de la rive, vous ne savez pas ce qui pourrait se passer. » Je ne sais pas si on a exagéré tout cela, je l'ignore, mais cela a attiré beaucoup d'attention.
Les gens qui ont vécu toute leur vie dans cette région craignent aujourd'hui de trop s'éloigner de la rive, car ils ne savent pas ce qui pourrait se passer.
Le président : On peut donc aller droit au but, de façon que le compte rendu le reflète clairement, et dire que, du point de vue des lois américaines, il n'y a rien de préoccupant, et les embarcations de plaisance peuvent continuer à circuler et les autres activités peuvent se poursuivre? Les plaisanciers ne doivent pas craindre d'être arrêtés, sauf, évidemment, s'ils commettent un acte criminel. Le fait est que vos organismes d'application de la loi n'y voient aucun problème. En conséquence, il faudrait que cela se passe de la même manière du côté du Canada?
La sénatrice Ritchie : Je représente uniquement l'État de New York, je ne suis pas une représentante du gouvernement fédéral. Nous avons rencontré les responsables de nos organismes d'application de la loi locaux à de nombreuses reprises après cet incident. Nous leur avons demandé de tenter d'éclaircir les choses avec les résidents du coin, qui craignaient de remettre leur embarcation à l'eau. Nous n'avons jamais entendu les organismes d'application de la loi de notre côté dire qu'ils s'y opposeraient ou qu'ils pourraient faire quelque chose de semblable au traitement qui a été réservé à ce monsieur qui a traversé la frontière en bateau.
Le sénateur Runciman : J'y réfléchis simplement un peu plus. Je ne vois pas en quoi cela va influer sur le maintien de l'ordre d'une manière ou d'une autre. Quand on pense aux circonstances dans lesquelles nous menons nos activités, normalement, les gens ne se font pas arrêter et saisir leur bateau. Il est question de ne pas jeter l'ancre, de ne pas s'amarrer ou de ne pas toucher un autre bateau. En soi, le projet de loi confère les pouvoirs nécessaires pour intervenir et procéder à des arrestations, si on juge que c'est nécessaire.
Je ne considère pas que cela ait une incidence réelle du point de vue de l'augmentation de la contrebande dans la région du fleuve St-Laurent, puisque le pouvoir est conservé. Si les circonstances justifient la prise de mesures, des mesures peuvent être prises.
Le président : Je veux que cette question soit clarifiée aux fins du compte rendu, du point de vue des Américains par rapport au nôtre. Je veux donner suite à la question, si vous me le permettez, monsieur le sénateur Runciman.
Dans le cadre des consultations qui ont mené à la rédaction du projet de loi soumis à notre étude, j'aurais cru que les ministères qui ont fourni des conseils relativement à la rédaction du projet de loi auraient au moins rencontré officieusement — si ce n'est officiellement — les organismes d'application de la loi afin de savoir en quoi le projet de loi d'initiative parlementaire leur poserait problème. N'est-ce pas exact?
Le sénateur Runciman : Le ministère appuyant le projet de loi est responsable de la GRC. Je pense que cela en dit très long.
Le président : Monsieur le sénateur Runciman, avez-vous quoi que ce soit d'autre à ajouter à l'intention du comité?
Le sénateur Runciman : Non.
Le président : Je voudrais remercier nos témoins et offrir un accueil spécial à la sénatrice Ritchie. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre présence. Il est certain que nous accordons de la valeur à votre amitié. Il est à espérer qu'il s'agit ici — comme l'a indiqué le député Brown — d'un autre texte de loi visant à harmoniser les activités des deux côtés de la frontière, ce que nous faisons et ce que nous devrions faire.
Le sénateur Runciman : Au sujet de la sénatrice Ritchie, j'aimerais simplement préciser, aux fins du compte rendu, qu'elle a dû faire quatre heures et demie de route à travers toute une tempête, hier soir, pour se rendre d'Albany jusqu'à Ogdensburg, New York, afin d'être présente. Alors, elle mérite des remerciements spéciaux.
Le président : Un merci très spécial. C'était une belle façon de revenir, après votre visite ici quand vous étiez en sixième année. J'espère que les routes se sont améliorées.
Chers collègues, M. Gary DeYoung, directeur du Tourisme, 1000 Islands International Tourism Council, se joint maintenant à nous, de même que M. Scott Newark, consultant en politiques publiques, DSN Consulting, qui a travaillé sur des questions touchant la sécurité frontalière.
Je crois savoir que vous avez chacun une déclaration préliminaire. Veuillez commencer, monsieur DeYoung.
Gary DeYoung, directeur du Tourisme, 1000 Islands International Tourism Council : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs.
Le Thousand Islands International Tourism Council a été formé en 1956 afin de promouvoir le tourisme dans la région binationale des Mille-Îles. Il s'agit d'un partenariat d'intervenants canadiens et américains qui considèrent que la collaboration et la coopération sont essentielles pour attirer vers la région des touristes de partout dans le monde.
Le ministère du Tourisme de l'Ontario estime que les dépenses effectuées par les visiteurs en 2014 s'élevaient au total à 946 millions de dollars dans sa région du « Great Waterway », située dans l'est de la province. L'État de New York estime que 497 millions de dollars ont été dépensés par des visiteurs en 2015 dans une région semblable, du côté américain. Ces dépenses soutiennent des milliers d'emplois canadiens et américains.
Le fleuve St-Laurent est l'attrait principal de la région. Par exemple, environ un million de billets par année sont vendus pour des excursions en bateau dans les Mille-Îles. La navigation privée, la pêche, la plongée et le canotage sur le fleuve sont également populaires. Des attraits exclusifs, comme l'aquarium de Brockville et l'Antique Boat Museum, à Clayton, New York, sont des destinations touristiques fondées sur le patrimoine maritime de la région. En bref, l'économie de notre région dépend de sa réputation en tant que destination conviviale pour les plaisanciers.
L'incident de 2011 que le sénateur Runciman a abordé relativement au projet de loi a marqué un changement au chapitre de la compréhension traditionnelle et a miné la réputation de la région en tant que destination accueillante. À juste titre ou non, les Américains considèrent la politique actuelle comme un affront et comme une indication du fait qu'ils ne sont pas les bienvenus au Canada.
Les plaisanciers sont maintenant confrontés à des politiques contradictoires et mêlantes. D'une part, les autorités américaines affirment que le simple fait de naviguer dans les eaux canadiennes et de revenir aux États-Unis ne constitue pas un départ du pays. D'autre part, les autorités canadiennes affirment que ces mêmes voyages devraient être déclarés comme des passages frontaliers.
Dans le passé, il était entendu que les pêcheurs à la ligne pouvaient pêcher à la dérive dans les eaux des deux pays, pourvu qu'ils détiennent un permis d'État ou provincial valide et qu'ils ne jettent pas l'ancre. Cependant, les Mille-Îles sont une région unique, où le tracé de la frontière zigzague entre les îles. Il n'est pas toujours facile de déterminer sa position par rapport à la frontière, surtout pour les visiteurs qui ne connaissent pas très bien les canaux.
À la lumière de la publicité entourant l'application des règles frontalières, certains plaisanciers ont décidé de simplement éviter la région au lieu de s'occuper de la frontière. Ironiquement, ce qui avait été un des attraits les plus populaires de la région — la navigation dans les Mille-Îles — est maintenant un inconvénient.
La situation est également une source d'irritation pour les pêcheurs à la ligne, les résidents et les propriétaires de chalet. La frontière peut passer très près de la rive des îles. Là où je vis, le canal qui sépare New York de l'île Wolfe, en Ontario, fait près de deux kilomètres de largeur. Mais la frontière passe à moins de 200 mètres de la rive sud de cette île. Afin de rester au Canada lorsqu'ils naviguent, certains habitants de l'île Wolfe doivent éviter 90 p. 100 du canal situé devant leur propriété.
Le fleuve St-Laurent a façonné la culture des Mille-Îles, appuyé notre économie et défini notre sentiment d'appartenance à l'endroit. Ainsi, même si le projet de loi pourrait simplement sembler être un exercice purement législatif, il s'agit vraiment d'un signe de respect à l'égard des Canadiens et des Américains qui considèrent les Mille-Îles comme une collectivité plaisancière commune.
Pour en revenir à la situation des pêcheurs à la ligne, nous découvrons que les organisateurs de tournoi doivent maintenant tenir compte de la politique frontalière. Des capitaines de bateau nolisé ont changé leurs itinéraires afin d'éviter de traverser la frontière, et certains pêcheurs sont réticents à visiter la région par crainte d'avoir accidentellement des démêlés avec des agents.
Il est difficile de quantifier les pertes. Selon des données empiriques, certains tournois et certains pêcheurs à la ligne se tiennent à l'écart. Le nombre de permis de pêche à court terme et de non-résident vendus par les fournisseurs des comtés de St. Lawrence et de Jefferson, New York, est un indicateur. Ce sont les deux comtés qui bordent le St-Laurent et New York. Ce sont les types de permis habituellement vendus aux touristes. En 2010, les ventes locales de ces permis dépassaient les 18 000. En 2015, les ventes des mêmes permis ont chuté à moins de 11 000.
Le projet de loi que vous envisagez codifiera les règles sur le St-Laurent. Il dissipera la confusion et harmonisera les politiques américaine et canadienne. Il encouragera les visiteurs à recommencer à profiter pleinement d'une superbe ressource naturelle et améliorera notre capacité de vendre une belle région au monde.
Merci d'envisager ce changement sensé qui atténuera les conséquences de ce que certains intervenants de l'industrie du voyage appellent les « tracas frontaliers ». L'industrie dépend d'une sécurité publique efficace et accorde de la valeur aux politiques gouvernementales qui protègent les résidents et les visiteurs, mais elle est aussi très susceptible de subir les effets négatifs des politiques qui nuisent à la libre circulation des voyageurs, qu'il s'agisse d'une perception ou d'une pratique.
Le président : Merci beaucoup, monsieur.
Nous allons maintenant passer à M. Newark.
Scott Newark, consultant en politiques publiques, DSN Consulting : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à me présenter à la séance. C'est un honneur particulier que de comparaître devant le comité.
Je suis les travaux du comité depuis longtemps; cela remonte même à l'époque où j'étais l'agent exécutif de l'Association canadienne des policiers. Comme certains d'entre vous le savent, je faisais partie des gens qui ont effectué l'examen qui a mené à l'armement des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada, initiative qui — c'est le moins qu'on puisse dire — n'a pas été particulièrement bien reçue par les responsables de l'ASFC, à l'époque. C'est votre comité qui avait posé des questions précises relativement à certains des enjeux liés à l'application de la loi et exposé des lacunes dont les gens n'étaient pas vraiment au courant, ce qui a donné lieu à beaucoup d'améliorations.
Tout récemment, il y a eu l'étude de l'ASFC, que vous avez menée au sujet de la sécurité nationale. Je suis sincèrement honoré de comparaître devant un comité qui a une belle histoire et qui effectue ce genre de travaux. Je sais que, parfois, quand on est en plein milieu, ça peut vous échapper, mais, faites-moi confiance, les travaux que vous effectuez sont incroyablement importants pour ce qui est de veiller à ce que nous soyons dotés de politiques importantes et efficaces, d'un point de vue opérationnel.
Je dois admettre que, tout comme le sénateur Runciman, j'habite à Brockville, mais je ne suis pas un plaisancier.
Le président : Vous n'avez pas de conflit d'intérêts?
M. Newark : Je ne pense pas. Comme je le dis toujours, beaucoup de mes amis sont des plaisanciers. L'indignation qu'ils ont décrite au moment où l'incident s'est produit était réelle. Les gens n'arrivaient pas à y croire.
Brockville est une ville relativement — j'emploierais presque le terme conservatrice — ancrée dans ses habitudes. Le fait que cela se produise était un choc absolu pour les gens.
Pour être franc, ma réaction initiale ne concernait pas tant l'inconvénient pour les plaisanciers que le point de vue de l'application de la loi, si vous voulez. Que faisaient nos agents des services frontaliers à arrêter quelqu'un qui ne faisait que passer et avait traversé les eaux? Pourquoi faisaient-ils cela au lieu, par exemple, de faire du travail mobile d'application de la loi entre deux points d'entrée, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire, ou de participer au programme Shiprider, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire? Voilà ce qui m'a frappé à propos de l'incident, notamment le gaspillage de ressources opérationnelles que constituait le fait d'amener des gens à adopter ce genre de comportement, lorsqu'il y a du travail beaucoup plus important qui pourrait et devrait être fait.
Je me souviens d'une occasion, immédiatement après le 11 septembre, où le ministre Runciman, à l'époque, le chef du Service de police de Toronto de l'époque, Julian Fantino et moi étions en voyage à Washington pour quelque chose. La sécurité avait été renforcée au moment où nous sommes passés par l'aéroport, c'est le moins qu'on puisse dire. J'avais été frappé à l'époque — et je pense que c'est pertinent par rapport à la question, au moment où on le faisait — par le fait que plus de sécurité ne constitue pas nécessairement une meilleure sécurité. Voilà ce qui me frappe au sujet des ressources de l'ASFC qui sont affectées et consacrées à cela. Je pense que la description que vous avez obtenue de certains des témoins était très exacte, qu'une fois que cet incident s'est produit et que l'indignation a éclaté, l'ASFC a redoublé d'ardeur quant à la position qu'elle adoptait.
Ce que le projet de loi a de vraiment important, c'est que, premièrement, il laisse aux agents le pouvoir discrétionnaire résiduel nécessaire pour faire appliquer la loi au niveau le plus strict, si vous voulez. Qui plus est, il contient des exceptions explicitement désignées, selon lesquelles cette nouvelle exemption ne s'appliquera pas, par exemple, si vous accostez dans l'autre pays. C'est assez évident; nous devrions avoir cette restriction. Si vous jetez l'ancre, c'est un problème qui attire au moins une certaine attention. Celui qui, selon moi, est le plus important, ce sont les bateaux qui s'amarrent ensemble.
L'étude sur l'« armement » a été lancée par le syndicat des agents de première ligne. Je continue à travailler avec eux ainsi qu'avec diverses entreprises de technologies de sécurité qui sont précisément liées à la sécurité frontalière et à certains des éléments qui sont visés par le projet de loi. Par exemple, comme il s'agit maintenant de ce qui pourrait être la loi et qu'on dispose de ces exceptions, comment allons-nous pouvoir détecter le fait que l'amarrage de ces bateaux est en train d'avoir lieu?
La bonne nouvelle, c'est qu'il y a des façons de le faire. Je pourrai aborder ce sujet dans un petit moment. Cela faisait partie de l'accord et du plan d'action Par-delà la frontière, dans le cadre duquel le Canada et les États-Unis ont mis au point de concert une évaluation des lacunes et des vulnérabilités. Cette évaluation a été menée à bien.
L'accord contenait également un libellé important selon lequel les deux pays allaient acheter et déployer conjointement — et j'insiste sur le mot « conjointement » — des technologies qui allaient leur permettre de corriger les vulnérabilités qui avaient été recensées.
En fait, cela n'a pas eu lieu. On aurait dit que cela allait avoir lieu en 2013. Je peux entrer dans les détails à ce sujet précisément, mais ce genre de projet de loi, qui met davantage l'accent sur les meilleures priorités relativement aux enjeux touchant la sécurité frontalière, pourrait être l'occasion de poser des questions précises au sujet des raisons pour lesquelles nous ne le faisons pas et pour lesquelles nous ne l'avons pas fait, et de nous assurer que les agents de première ligne disposent des outils dont ils ont besoin pour faire face à la réalité de la contrebande transfrontalière. Parce qu'elle est réelle...c'est incontestable. Cette mesure pourrait libérer des ressources du personnel pour faciliter ce travail important.
Comme je l'ai dit, le projet de loi, en soi, a conservé le pouvoir discrétionnaire général, et il prévoit aussi des exceptions précises à ce pouvoir. Je ne pense pas qu'il y ait nécessairement quoi que ce soit à craindre relativement au fait que certaines des définitions seront prévues par règlement. Alors, c'est quelque chose qui, selon moi, améliorerait le ciblage des ressources et des priorités. Il y a d'autres mesures opérationnelles que nous pouvons prendre, qui ne requièrent pas de loi et qui vont faciliter l'atteinte du but ultime qu'est la coexistence d'échanges commerciaux et de voyages légitimes et d'une sécurité axée sur le renseignement.
Je veux terminer là-dessus. Le Canada a un dossier étoffé en matière d'application de la loi axée sur le renseignement et d'opérations de forces interarmées. Tout ce que vous avez à faire, si vous étudiez la sécurité frontalière, c'est regarder une carte de la frontière entre le Canada et les États-Unis. Nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour que tout le monde soit là, alors l'application de la loi axée sur le renseignement est un élément fondamental de notre façon de faire les choses, et je pense que le projet de loi est favorable à ce type d'application de la loi.
Le président : Merci beaucoup. Simplement pour souligner cet élément avant que nous cédions la parole aux sénateurs : nous ne partageons pas que la frontière avec nos voisins des États-Unis d'Amérique; nous partageons aussi la défense de l'Amérique du Nord. Je pense qu'il s'agit d'un principe important à comprendre et qu'il transcende toute la question de l'Agence des services frontaliers du Canada, des douanes américaines et de notre façon de le faire.
Une chose que je voudrais déclarer avant de poursuivre, c'est la façon dont certains agents font appliquer la loi et dont ils abordent les gens. Je pense que, dans certains cas, nous avons des problèmes des deux côtés de la frontière relativement aux situations où le bon sens devrait être appliqué, mais où il ne l'est pas. Lorsque ces situations se produisent, cela ne nous aide pas à devenir des amis. Nous pourrions aborder ces situations plus tard.
Nous allons commencer par la sénatrice Wallin.
La sénatrice Wallin : J'ai deux questions à poser. L'une d'entre elles pourrait ne pas être très rapide, et nous aurions pu la poser aux témoins précédents, au sujet des ardeurs redoublées — comme vous l'avez décrit — de l'ASFC. La situation semble avoir découlé d'un seul incident, car aucun autre incident aussi dramatique n'a eu lieu. La décision des agents a été contestée, et l'amende a dû être réduite. Ils se sont rebiffés et ont dit : « Surveillez cet espace ». Cela décrit-il la dimension psychologique de la situation à laquelle nous en sommes arrivés?
M. Newark : C'était mon impression... Vu de loin.
Il s'agit de l'un des autres éléments : je n'ai jamais vu de données empiriques qui montrent que les plaisanciers qui évoluent d'un côté à l'autre de la frontière présentent une quelconque menace sur le plan de la criminalité. Je n'ai jamais vu de données empiriques à ce sujet. L'ASFC a établi une politique, et elle était fondée sur le libellé de la loi selon laquelle elle a le pouvoir de le faire, mais, comme vous le dites, il semble y avoir eu cet incident unique qui a causé des remous, pour ainsi dire.
La sénatrice Wallin : Peut-être que ma question de fond est plus facile à expliquer. Certains éléments seront définis par règlement, et l'un de ces éléments, c'est l'établissement d'un contact, notion qui est assez vaste. Il pourrait s'agir de lancer quelque chose d'un bateau à un autre, ou bien de faire des signes de la main. À qui incombe-t-il d'en décider?
M. Newark : C'est dans le règlement, mais je peux vous dire précisément que la question des bateaux qui entrent en contact a été désignée par les forces de l'ordre, auprès de l'une des entreprises de technologies avec laquelle je travaille un peu, comme un gros problème potentiel, qu'il s'agisse de traite de personnes, de contrebande de drogues, d'armes à feu ou de quoi que ce soit d'autre, parce qu'ils viennent de côtés opposés. S'ils arrivent de côtés opposés de la frontière et qu'ils établissent un contact, la police doit être alertée.
L'une des grandes difficultés, contrairement à beaucoup d'environnements de guerre ou militaires, c'est qu'on ne surveille pas une cible unique; on reconnait que l'avancée d'une telle cible vers son installation pose une menace. C'est qu'il y a un nombre incalculable de bateaux. Il faut être à l'affût des comportements qui déclenchent une alarme. D'après mon expérience, ces comportements sont généralement connus au sein des forces de l'ordre, et nous disposons d'une technologie qui fonctionne et qui est en place dans les organismes d'application de la loi de partout au Canada, en particulier dans les Grands Lacs. Je pourrai vous donner plus de détails à ce sujet, si cela vous intéresse.
La sénatrice Saint-Germain : Concernant cette technologie, c'est aussi ce qui m'intéresse. Monsieur Newark, à une époque, vous avez participé à titre de consultant à une étude menée par Recherche et développement pour la défense Canada sur l'utilisation de petits radars réseautés pour assurer la connaissance de la situation de l'environnement maritime entourant le G20 tenu près du lac Ontario, en 2010. Le radar qui avait été utilisé dans le cadre de l'étude avait été fourni par une entreprise appelée Accipiter, qui a des bureaux à New York et en Ontario et qui se décrit comme une « entreprise nord-américaine ».
L'étude a révélé que :
[...] la technologie du radar en réseau améliore l'efficacité opérationnelle et la rentabilité des efforts de sûreté maritime. Grâce à la connaissance de la situation maritime et à l'image commune de la situation opérationnelle, les utilisateurs ont signalé qu'il leur a été possible d'interdire des navires pendant le Sommet, ce qui, autrement, aurait pu ne pas pouvoir se faire. Grâce à la technologie, il a été possible de détecter et de suivre des navires d'intérêt en rapport avec les activités transfrontalières.
À votre avis, en quoi les exemptions de déclaration proposées dans le projet de loi S-233 influeraient-elles sur la connaissance de la situation dans la région des Grands Lacs ou de la voie maritime du St-Laurent?
M. Newark : Comme je l'ai dit, je suis heureux de constater qu'il y a des définitions des exceptions à la règle générale selon lesquelles on n'est pas tenu de faire de déclaration.
Vous avez tout à fait raison : il y a une petite histoire liée à l'étude de RDDC. Accipiter, qui fait partie des entreprises avec lesquelles je travaille, produit un radar analytique automatisé vraiment chouette afin que la police puisse déterminer quelle technologie nous intéresse. Les deux bateaux qui s'amarrent ensemble étaient un exemple : on avait programmé le logiciel afin qu'il fasse le suivi de tous les navires. Une fois qu'il en voit deux entrer en contact, il génère une alerte automatisée et l'envoie aux forces de l'ordre afin qu'elles puissent décider si elles veulent intervenir et vérifier de quoi il s'agit.
Le siège social de l'entreprise était situé à Fonthill, dans la péninsule du Niagara, et elle avait reçu une subvention de ce qu'on appelait à l'époque le Programme technique pour la sécurité publique — ou le PTSP —, qui fait partie de RDDC. Elle a mis sur pied une unité au Centre des opérations de la sûreté maritime dirigé par la GRC, dans l'ouest des Grands Lacs. Quand le sommet du G20 est arrivé à la dernière seconde — si vous vous rappellerez qu'on a décidé de le déplacer à Toronto —, tout le monde a cherché à déterminer rapidement comment on allait arriver à connaître la situation du domaine maritime.
Je pense que c'est la GRC qui a constaté que nous disposions de cette unité. Alors, elle a vérifié aux alentours, et l'entreprise avait un radar sur son toit et un autre à un endroit protégé, dans les environs de Hamilton, je pense. Elle avait doté l'aéroport de l'île de Toronto de nœuds de radar pour la détection des impacts d'oiseaux. On a été en mesure de tout mettre en place, et ça a été un succès.
Après coup, quand RDDC s'est rendu compte que cela avait été une réussite, une séance de débreffage a été tenue à ce sujet. On m'a demandé si j'acceptais d'aider les responsables à effectuer un examen plus détaillé qu'à l'habitude à ce sujet, alors j'ai interrogé les agents des diverses unités de police qui avaient participé afin de contribuer à la rédaction du rapport.
Là où ce sera pertinent par rapport au contenu du projet de loi, selon moi, c'est que le même genre de leçons que celles qui ont été tirées du sommet du G20, c'est-à-dire ce que nous pouvons faire pour obtenir cette meilleure connaissance en matière de renseignement et pour connaître la situation du domaine maritime — et aussi en ce qui concerne les avions volant à basse altitude, en passant, comme les drones — s'appliqueront à ces situations. Cela n'exige aucune mesure législative. On n'a pas besoin de loi pour faire cela.
Il y a des années, l'entreprise avait mené une étude avec — je pense — le service de police de l'État de New York, et les policiers détectaient des navires provenant des eaux canadiennes qui traversaient la frontière. C'était le premier signal d'alarme. Ils n'intervenaient pas nécessairement en envoyant qui que ce soit, puisqu'un millier de bateaux le faisaient. Mais, au moment où les bateaux se rapprochaient de la frontière américaine, cela générait une deuxième alerte. Ensuite, s'ils se dirigeaient vers un point d'entrée non désigné aux États-Unis, c'est à ce moment-là que les policiers dépêchaient un bateau ou, s'ils n'en avaient pas, un véhicule pour aller à la rencontre des personnes au quai. C'est le genre de choses que, selon moi, nous pourrions faire.
La bonne nouvelle, c'est qu'en 2013, dans le cadre de ce qui a été selon moi la réalisation de l'accord Par-delà la frontière, il a été annoncé que la GRC s'était vu accorder 92 millions de dollars pour la lutte contre la contrebande de tabac afin qu'elle puisse déployer des capteurs depuis la frontière entre le Québec et le Maine jusqu'à la frontière d'Oakville. Rien ne s'est passé. En 2014, le financement a de nouveau été annoncé — j'étais à la conférence — en tant que programme de perfectionnement de la technologie de l'intégrité des frontières — ou le PPTIF —, soit 92 millions de dollars pour faire exactement la même chose; on avait simplement réaffecté les sommes.
Cela n'a jamais été fait. Les capteurs n'ont pas été déployés. J'ai entendu diverses versions quant au fait que la GRC avait connu des problèmes d'approvisionnement ou qu'il y avait eu une concurrence institutionnelle au sein des organismes américains. Mais le programme est conçu pour déployer ces technologies de captage dans cette région frontalière... cela voudrait dire que nous contribuerions à permettre que soient prises le genre de mesures qui ont été prévues dans le projet de loi. Je pense qu'il existe des ressources et des mécanismes qui aideront à rendre le projet de loi encore plus efficace pour ce qui est d'atteindre son objectif.
La sénatrice Wallin : J'ai une question de suivi à poser, et je pense que vous y avez répondu. Cette technologie est- elle en jeu?
M. Newark : Oui.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je vais revenir à la question de la technologie. J'ai cru comprendre que vous étiez à l'Association canadienne des policiers. Dans la région de Cornwall, il doit y avoir un protocole en matière de surveillance policière, soit de la part du Québec, de l'Ontario, de la GRC ou des services frontaliers.
Sur le lac Champlain, il est relativement facile pour l'Agence des services frontaliers d'arraisonner les bateaux. En d'autres mots, il n'y a pas de ligne de démarcation. Pourtant, la frontière sur le lac Champlain est plus facile à localiser. Certains navires ont été détectés par des radars. La technologie a-t-elle été utilisée dans la région des Grands Lacs et sur la Voie maritime du Saint-Laurent? De nombreux bateaux en provenance de Cornwall doivent traverser les écluses de Sainte-Catherine à Montréal. Ils sont enregistrés, mais par la suite, on ne sait pas ce qui se passe sur le fleuve. Savez- vous si la technologie est utilisée sur une partie du fleuve Saint-Laurent, notamment sur la voie maritime ou les Grands Lacs?
[Traduction]
M. Newark : Oui. Elle se trouve au COSM, dans l'ouest des Grands Lacs — au lac Ontario —, qui est une force conjuguée de la GRC, de l'ASFC, du ministère de la Défense nationale et de Pêches et Océans. Maintenant, cette technologie est aussi de plus en plus déployée dans la région de Windsor Lakes/St. Clair, et il y a eu un déploiement transfrontalier au Québec, à un plan d'eau intérieur transfrontalier. Les radars se présentent sous la forme de divers nœuds. La GRC dispose de nœuds fixes et mobiles et de remorques. Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne la pertinence de leur application dans la région de Cornwall.
Le président : J'aimerais revenir là-dessus, car nous n'arrêtons pas de parler des organismes canadiens, et principalement de la GRC. Toutefois, nous n'avons pas abordé la responsabilité américaine, car les Américains ont leur part de responsabilité dans la même région.
Monsieur DeYoung, avez-vous des informations concernant exactement ce qui se passe du côté américain? Nous n'avons pas besoin de deux drones au même endroit.
M. DeYoung : Je suis une personne qui fait la promotion du tourisme. Je peux vous dire qu'il y a beaucoup de présence des forces de l'ordre du côté américain, à l'échelon de l'État comme à celui du gouvernement fédéral... la garde côtière, les douanes et l'immigration, la police d'État. Même les shérifs de comté sont sur l'eau à bord de bateaux et surveillent.
M. Newark : Surtout dans la région de Detroit, où les États-Unis ont commencé à utiliser la technologie, ainsi qu'à une frontière située plus au sud que celle qui sépare le Canada et les États-Unis : la frontière entre les États-Unis et le Mexique.
L'argument que vous faites valoir au sujet de l'importance du fait qu'il s'agit d'un déploiement conjugué est, à mon avis, absolument crucial, car nous n'avons pas besoin d'avoir un système et qu'ils en aient un autre, puis de devoir tenter de déterminer comment nous allons intégrer les systèmes. Une partie du génie de l'accord Par-delà la frontière tenait à la quantité de détails qu'il comprenait, plus précisément en ce qui a trait à ce genre d'efforts conjugués. Nous allons non seulement augmenter grandement l'efficience du déploiement, mais il en coûtera aussi deux fois moins cher.
L'autre leçon tirée dans le cadre de cette étude, c'était qu'on peut utiliser la technologie à plusieurs autres fins que la simple sécurité frontalière. Par exemple, les nœuds qu'on a utilisés étaient destinés à la détection des impacts d'oiseaux à l'aéroport de l'île de Toronto. On n'avait pas besoin des renseignements relatifs à la sécurité frontalière, mais les nœuds de radar pouvaient être branchés dans le vaste système afin d'offrir une protection élargie.
Si vous êtes à un port de mer ou à une centrale nucléaire située au bord de l'eau, il y a des enjeux relatifs à la sécurité du périmètre dont les responsables veulent être au courant. Ils obtiennent cette information, mais ils branchent le nœud de radar dans le vaste système afin de réduire les coûts uniques, de répartir les coûts et d'obtenir un déploiement plus étendu et plus rapide de la technologie. Il s'agit de l'un des éléments au sujet desquels plusieurs des agents de police que j'ai interrogés — des organismes — ont formulé des commentaires. Ils voyaient la valeur de cette information.
Il s'agissait d'un bon exemple de l'importance de certaines des conséquences des politiques, car ils se plaignaient notamment du fait qu'il était très difficile d'obtenir des autorisations afin de communiquer l'information. On avait un peu pour réflexe de supposer qu'on ne pouvait pas le faire.
Dans ce contexte, j'ai fini par mener une étude sur les documents autorisant la communication d'information entre organismes d'application de la loi, donc la Loi sur la GRC, la Loi sur l'ASFC, la LIPR, la Loi sur les services policiers provinciale et la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il y a vraiment beaucoup d'autorisations de communication d'information relatives à l'application de la loi ou fondées sur la sécurité. Ma préférée est prévue à l'alinéa 8(2)m) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui prévoit que la personne qui détient ce qui, autrement, constituerait des renseignements personnels peut les communiquer ou les publier si elle détermine que l'intérêt public lié à la publication des renseignements l'emporterait sur l'intérêt de les cacher pour protéger la vie privée. Lorsqu'il est question d'application de la loi et de sécurité, honnêtement, ce sont des choses qui constituent un très bon argument pour justifier que nous communiquions certains de ces renseignements.
La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Mes questions étaient les mêmes que celles du premier groupe, au sujet des consultations publiques et de l'appui de ces changements par le Canada, et vous y avez répondu assez bien en me parlant de l'indignation qu'ont ressentie les Canadiens à l'égard des deux poids, deux mesures. Y a-t-il quoi que ce soit que vous voudriez ajouter?
M. DeYoung : Je peux seulement dire que, dans mes souvenirs, si je remonte à 2011, notre organisme a travaillé avec d'autres organisations américaines, comme l'Antique Boat Museum, à Clayton. Nous avions rempli une salle de l'Antique Boat Museum de Clayton de 50 ou 60 plaisanciers et capitaines de bateau nolisé. Nous avions invité l'ASFC et les autorités américaines à se présenter pour répondre à des questions. Le consensus clair des plaisanciers américains et canadiens, c'était qu'ils avaient été offensés par l'incident en question. L'intervention allait à l'encontre de leur tradition. Même si, maintenant, cela remonte à six ans, je ne pense pas que les opinions aient beaucoup changé.
Le président : Monsieur DeYoung, vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire que nous avons observé une diminution du nombre de permis de pêche, qui est passé de 18 000 à 10 000 — je pense que c'étaient les chiffres —, et cette diminution est assez importante. Je présume, d'après ces chiffres, que les Canadiens achètent les permis et que c'est essentiellement eux que vous servez du côté américain. À ce que je crois comprendre, si je vivais là-bas, je pourrais avoir un permis canadien et américain, alors la question de savoir à qui le poisson appartient ne se poserait pas. Est-ce exact?
M. DeYoung : Exact. Si vous alliez sur le fleuve St-Laurent et que vous aviez l'intention de pêcher dans les eaux de l'Ontario et de New York, vous détiendriez un permis pour la province et un autre pour New York. Il n'y a là aucune réciprocité. La plupart des permis dont je parlais appartenaient à des personnes qui viennent pour une courte période. Beaucoup de ces gens étaient des New-Yorkais et des Ontariens, mais la région est aussi très populaire auprès des pêcheurs pennsylvaniens. Des Américains d'autres États y viennent et trouvent les règles particulièrement déroutantes.
Le président : Avez-vous conclu une entente de réciprocité dans le cas de l'Ontario et de New York?
M. DeYoung : Pas pour les permis de pêche, non.
Le président : Simplement à titre d'information, je représente le Yukon, et nous avons conclu une entente de réciprocité avec l'Alaska relativement à l'achat de permis de pêche. Vous devez encore en acheter un, mais vous n'avez pas à payer de droits lorsque vous sortez de l'État. Vous êtes considéré comme un résident, et les Américains sont considérés comme des résidents dans notre région. L'entente fonctionne très bien. Je vous transmets cette information comme un autre domaine dans lequel les gens peuvent travailler ensemble en bons voisins.
Monsieur Newark, je veux revenir sur le fait que la loi actuellement en vigueur du côté américain est essentiellement la même que celle que nous voulons du côté canadien et qu'elle est appliquée de la même manière que nous le voudrions. Je crois savoir, que du côté américain, on est très heureux de la façon dont on fait appliquer les lois américaines en octroyant des permis à ces bateaux de plaisance et à d'autres et en leur permettant de mener leurs activités sans craindre d'être appréhendés. Est-ce exact?
M. Newark : Je n'ai jamais entendu dire le contraire, monsieur, mais les interactions que j'ai eues étaient avec les forces de l'ordre. Elles portent principalement sur des questions touchant l'application de la loi. Je n'ai jamais entendu quiconque me dire que ces plaisanciers posaient un problème majeur.
Il y a assurément des problèmes de contrebande transfrontalière, et je peux vous dire que, comme l'ont prouvé les événements récents, il vaudra la peine de garder l'œil ouvert sur les passages illégaux de notre frontière. Ces passages ne seront pas limités à un domaine ou à un autre. On aura aussi besoin de cette connaissance axée sur les renseignements. Toutefois, c'est pour plus tard.
Le président : Chers collègues, je veux remercier les témoins, surtout M. DeYoung, qui a fait un très long voyage pour être des nôtres. Nous sommes très heureux d'avoir pu vous accueillir.
Merci, monsieur Newark, de nous avoir offert une mine d'informations fondées sur vos antécédents et sur les divers postes que vous avez occupés sur une longue période. Nous accordons de la valeur à vos conseils.
Chers collègues, nous allons probablement soumettre de nouveau le projet de loi à l'étude du comité vers la fin de février. Je vais tenter de voir si je peux accélérer le plus possible le processus afin que le Sénat puisse envisager son adoption et qu'il puisse être renvoyé à la Chambre des communes afin qu'elle l'étudie. Il faudra beaucoup de collaboration pour faire adopter le projet de loi.
Encore une fois, merci beaucoup.
(La séance est levée.)