Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule no 20 - Témoignages du 26 février 2018
OTTAWA, le lundi 26 février 2018
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à 15 h 1, pour étudier afin d’en faire rapport les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense.
La sénatrice Gwen Boniface (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bienvenue au Comité de la sécurité nationale et de la défense. Avant de commencer, je demanderais aux sénateurs de bien vouloir se présenter, en commençant par notre vice-président.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, Nouveau-Brunswick.
Bienvenue au Sénat, général Vance.
Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario. Bienvenue.
La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, Manitoba. Bienvenue.
[Français]
Le sénateur Brazeau : Patrick Brazeau, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.
La présidente : Cet après-midi, en vertu de l’ordre de renvoi nous chargeant d’étudier afin d’en faire rapport les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense, nous sommes très heureux d’accueillir de nouveau le général Jonathan Vance, chef d’état-major de la Défense.
Le général Vance va nous entretenir de la situation qui prévaut au sein des Forces armées canadiennes. Je sais qu’il va notamment aborder un aspect qui intéresse tout particulièrement notre comité, à savoir la participation du Canada aux opérations de maintien de la paix. La séance se terminera à 16 h 30.
Général Vance, je vous invite maintenant à nous présenter vos observations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. Bienvenue.
Général Jonathan Vance, chef d’état-major de la Défense, Défense nationale et les Forces armées canadiennes : Merci, madame la présidente. Je suis heureux de me présenter devant votre comité aujourd’hui pour vous donner un aperçu de la situation qui prévaut au sein des Forces armées canadiennes et de quelques-unes des opérations que nous menons actuellement. Je profite de l’occasion pour féliciter les nouveaux membres de votre comité. C’est toujours un plaisir pour moi de comparaître devant vous pour discuter de ces enjeux.
Même si toutes les institutions militaires connaissent leur part de difficultés, je suis convaincu que nous sommes en bonne position en ce moment.
Tous les services des Forces armées canadiennes — la marine, l’armée, l’aviation, les Forces d’opérations spéciales du Canada, le Commandement du personnel militaire, le Commandement du renseignement des Forces canadiennes et le groupe du vice-chef d’état-major de la Défense — font un travail exceptionnel pour défendre le Canada au pays et à l’étranger. Je crois que nous tournons la page sur une année extrêmement positive qui a notamment été marquée par notre contribution à la défaite de Daech sur le champ de bataille en Irak. J’y reviendrai d’ailleurs tout à l’heure.
[Français]
Le point culminant de 2017 a été le dévoilement de la nouvelle politique de défense du Canada intitulée Protection, Sécurité, Engagement. La politique PSE, c’est plus de 70 p. 100 d’augmentation du financement sur 10 ans. Cela nous permettra de moderniser notre équipement, de transformer notre culture opérationnelle et notre capacité à mener des opérations pour plusieurs années à venir.
PSE nous permettra aussi d’ajouter 3 500 militaires à la Force régulière pour atteindre un effectif de 71 500. La Réserve pourra ajouter 1 500 personnes pour accroître son effectif à 30 000 et nous embaucherons plus de 1 100 civils.
[Traduction]
Mais, surtout, la politique nous donnera la flexibilité nécessaire pour anticiper les menaces courantes et nouvelles, s’y adapter et agir en conséquence.
La politique confie aux Forces armées canadiennes le mandat de se préparer à mener beaucoup plus d’activités sur la scène internationale. C’est son volet le plus important qui est intitulé « Conduite d’opérations simultanées ». Il est expliqué en détail à la page 81 du document, et tout tourne autour de ce concept, y compris la façon dont nous allons devoir dorénavant gérer notre personnel.
La politique prévoit le déploiement d’un maximum de 4 000 militaires dans le cadre de quatre opérations internationales prolongées, et de 2 500 militaires supplémentaires dans le cadre de trois opérations internationales de plus petite envergure et de moins longue durée. En plus de ces sept opérations, la politique nous demande d’avoir la capacité d’exécuter simultanément un déploiement de l’Équipe d’intervention en cas de catastrophe (EICC) et une opération d’évacuation de non-combattants. Somme toute, cette politique ouvre la porte au déploiement de plus de 6 500 militaires dans le cadre d’un maximum de neuf opérations à l’étranger, le tout s’ajoutant à nos responsabilités au Canada et à nos obligations envers le NORAD et l’OTAN.
Pour mettre ces chiffres en perspective, disons que nous comptons actuellement quelque 1 800 militaires déployés dans le cadre d’une vingtaine d’opérations un peu partout dans le monde. Cela vous donne une idée de la portée de la politique Protection, Sécurité, Engagement. Je vais traiter dans un instant des opérations en cours, mais je voudrais d’abord attirer votre attention sur l’annonce faite pour le gouvernement en novembre concernant le soutien de la paix.
[Français]
Nous avons désormais le mandat de fournir jusqu’à 600 militaires pour assister l’ONU dans le cadre de situations précises où nous savons que nous pouvons faire une différence. Nous fournirons à l’ONU de la formation, du transport aérien et une force opérationnelle aérienne avec des hélicoptères armés. Nous aurons aussi la capacité de déployer une force de réaction rapide d’environ 200 soldats.
Nous profiterons de toutes les occasions que nous aurons pour appliquer les Principes de Vancouver en vue de cesser le recours aux enfants-soldats. Nous nous emploierons également à accorder une plus grande place aux femmes dans le domaine du maintien de la paix.
[Traduction]
Les opérations de maintien de la paix peuvent être dangereuses, et elles le sont effectivement dans la plupart des pays où nous y participons. Nous fournissons toutefois à nos militaires l’équipement et les règles d’engagement permettant d’assurer leur succès. Les missions de maintien de la paix exigent au départ des compétences militaires de base et avancées dont les Forces armées canadiennes disposent en abondance.
Je vais maintenant aborder nos trois opérations actuellement les plus importantes de manière à vous donner une bonne idée de la contribution du Canada au maintien de la sécurité mondiale.
En Irak, nous avons eu jusqu’à 850 militaires déployés en même temps sur le terrain. Nous nous sommes engagés dans plusieurs domaines : la formation, le ravitaillement en vol, le transport aérien tactique, le renseignement et les services médicaux. De plus, nous dirigeons une équipe qui conseille le gouvernement irakien pour l’aider à reprendre le contrôle de son territoire. Je dois dire que je suis fier du rôle joué par tous nos militaires pour empêcher Daech de concrétiser son ambition d’établir un califat en Irak.
En Europe centrale et en Europe de l’Est, nous sommes engagés dans deux opérations visant à dissuader les agressions menées par la Russie contre ses voisins. Plus précisément, 450 militaires sont déployés en Lettonie où nous dirigeons un groupement tactique multinational. Par ailleurs, 240 autres militaires combattent les séparatistes soutenus par la Russie dans l’est du territoire ukrainien. Nous avons aussi déployé plusieurs autres ressources dans la région, y compris une frégate intégrée à la force opérationnelle maritime de l’OTAN et des CF-18 qui ont participé à des opérations de police aérienne.
En outre, nous entretenons une relation mutuellement bénéfique avec les Forces armées ukrainiennes qui affrontent les séparatistes soutenus par la Russie. Grâce à la formation que nous leur avons donnée, il y a moins de morts sur les champs de bataille de l’Ukraine. L’armée ukrainienne a aussi gagné en capacité et en confiance. La formation dispensée a aussi contribué au long processus de réforme de la défense. Pendant ce temps, nous en apprenons davantage sur les méthodes des séparatistes et de leur commanditaire, qui combinent la puissance de feu classique et les formes de guerre hybrides, notamment la guerre cybernétique.
À la lumière de cette expérience, le Canada et ses alliés de l’OTAN sont mieux à même d’élaborer leurs propres méthodes pour contrer les tactiques de la Russie. La nouvelle politique canadienne nous donne plus d’outils pour aider le Canada à intervenir et à améliorer ses pratiques dans des domaines comme le cyberespace, le renseignement, les opérations d’information et l’espace.
Plus près de chez nous, nous collaborons avec la garde côtière des États-Unis pour lutter contre le trafic de stupéfiants et le crime organisé dans les Caraïbes et dans l’est du Pacifique. L’an dernier, nous avons ainsi contribué à la saisie ou la perturbation du trafic de quelque 11,5 tonnes métriques de drogues illicites.
À l’intérieur de nos frontières, les Forces armées canadiennes ont un mandat très clair : protéger les Canadiens et les Canadiennes, ce qui est notre rôle le plus important. Sur ce plan, 2017 a été l’année la plus occupée de la décennie, avec plus de 5 000 militaires de la Force régulière et réservistes déployés pour aider les Canadiens à se relever de plusieurs catastrophes.
Nous avons procédé à deux déploiements particulièrement importants, soit pour aider la population touchée par les inondations printanières au Québec, et pour combattre les feux de forêt tout au long de l’été exceptionnellement chaud qu’a connu la Colombie-Britannique. Nous avons aussi procédé à de plus petits déploiements à la suite d’une tempête de verglas au Nouveau-Brunswick, d’inondations dans le Nord de l’Ontario et de feux de forêt au Manitoba.
Je dois aussi souligner le courage de nos équipes de recherche et sauvetage. Elles sont intervenues à la suite de tout près de 1 000 incidents survenus l’an dernier dans une zone de responsabilité couvrant plus de 18 millions de kilomètres carrés de terre et d’eau.
[Français]
L’Arctique, l’une des régions dans laquelle nos équipes de SAR devront assumer une responsabilité croissante, constitue une priorité clé. Je n’ai pas le temps d’énumérer toutes les mesures que nous avons prises et tous les exercices que nous avons menés ces dernières années.
[Traduction]
Disons simplement que le Canada a un énorme rôle à jouer en Arctique, une région que les changements climatiques rendent plus propice au transport, au développement économique et à la concurrence entre pays.
J’ai mentionné au départ que notre nouvelle politique exige des forces plus imposantes. Si nous souhaitons recruter les gens talentueux dont nous avons besoin pour garantir la mise en œuvre complète de la politique, nous devons devenir l’un des premiers choix qui vienne à l’esprit des Canadiens de tous les âges et de tous les milieux qui réfléchissent à leur avenir. Nous livrons concurrence au secteur privé pour recruter les Canadiennes et les Canadiens les plus compétents et les plus brillants, et ce, au moment même où la couverture médiatique des problèmes liés au personnel au sein des forces armées n’est pas particulièrement positive.
Un sondage mené par une firme privée révélait dernièrement que les Forces armées canadiennes offrent d’excellentes perspectives d’emploi. Je suis d’accord, et je pense que nous sommes déjà un employeur formidable. Nous devons toutefois en faire plus pour bâtir un effectif diversifié, résilient et bien appuyé, et nous devons tâcher de mieux communiquer cette réalité aux Canadiens.
Dix minutes ne me suffiront pas pour faire le tour des nombreuses autres mesures adoptées au cours des trois dernières années pour réaliser ces objectifs, mais je me ferai un plaisir d’en discuter avec vous si la chose vous intéresse.
Nous investissons plus d’argent pour soutenir nos militaires malades ou blessés, et nous faisons des efforts supplémentaires pour maintenir en poste les militaires compétents qui sont malades, blessés ou ne peuvent pas être déployés dans l’immédiat. Nous nous efforçons aussi de mieux aider les militaires qui quittent les forces pour réintégrer la vie civile.
La mise en œuvre de l’opération HONOUR est aussi couronnée de succès. Comme vous le savez peut-être, c’est le premier ordre que j’ai donné en 2015. Il s’agit de débarrasser les forces armées des comportements sexuels dommageables et inappropriés. Je serai ravi de vous en parler plus amplement en répondant à vos questions.
Je devrais ajouter que nous avons réussi dans une certaine mesure à accroître le nombre de femmes au sein de nos forces. Par exemple, la proportion de femmes inscrites au Programme de formation des officiers du Collège militaire royal s’est élevée en moyenne à 18 p. 100 au cours des dernières années. En 2017-2018, nous avons atteint un taux record de 25 p. 100. Nous continuerons d’appliquer nos meilleures stratégies de recrutement pour poursuivre sur cette lancée.
Madame la présidente, je vais m’arrêter ici, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La présidente : Merci, général Vance. Aux fins du compte rendu, je souligne que deux sénateurs se sont joints à nous depuis que leurs collègues se sont présentés.
La sénatrice Griffin : Sénatrice Diane Griffin, Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Richards : Sénateur David Richards, du Nouveau-Brunswick.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, général Vance, de votre présentation et également de votre disponibilité. Bienvenue au comité. Je vais orienter ma première question sur l’opération IMPACT en Irak. Avez-vous une estimation du nombre de Canadiens qui ont combattu avec les forces du groupe État islamique en Irak ou en Syrie? Si oui, y a-t-il des membres des Forces armées canadiennes qui ont rencontré de tels combattants pendant leur mission, à votre connaissance?
Gén Vance : Merci, sénateur.
[Traduction]
Je n’ai aucun chiffre à vous donner quant au nombre total de Canadiens qui auraient combattu dans les rangs de Daech en Irak et en Syrie. Je ne peux pas non plus vous parler de cas où nos forces armées auraient eu à combattre directement des Canadiens s’alignant auprès de Daech.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Êtes-vous au courant de l’existence de ces Canadiens qui auraient pu revenir au pays après avoir combattu en Irak ou en Syrie, et qui pourraient avoir été entraînés par le groupe État islamique? Savez-vous si de tels individus seraient rentrés au pays?
Gén Vance : Merci, sénateur.
[Traduction]
Je sais que le phénomène existe, mais ce n’est pas le rôle des Forces armées canadiennes de suivre à la trace les Canadiens qui rentrent au pays et de prendre quelque mesure que ce soit à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je ne peux m’empêcher de vouloir vous poser une question au sujet des CF-18. Vous savez comme moi que les CF-18 sont utilisés pour les opérations REASSURANCE et dans l’opération IGNITION, je crois. Les CF-18 auront bientôt 40 ans — corrigez-moi si je me trompe. Pouvez-vous nous donner une idée du moment où l’âge du CF-18 va devenir problématique par rapport à son déploiement dans les missions à l’extérieur de l’Amérique du Nord? On sait que le gouvernement veut acheter des CF-18 usagés de l’Australie. On ne sait pas si c’est pour les pièces ou pour les avions eux-mêmes, mais il va y avoir un moment, j’imagine, où l’âge des CF-18 sera problématique pour l’utiliser dans certaines missions. Avez-vous une idée quand ce moment pourrait survenir, au-delà duquel l’âge de ces appareils sera problématique au point où on ne pourra plus les utiliser pour ces missions?
Gén Vance : Merci pour votre question.
[Traduction]
Comme la durée de vie d’une cellule d’aéronef ne se calcule pas en années, il est impossible de déterminer en quelle année il convient de mettre hors service un appareil donné. La durée de vie se calcule en heures de vol. Plus un aéronef est utilisé, plus on risque de devoir décider rapidement qu’il n’est plus fonctionnel en se fondant sur des évaluations techniques et des aspects comme l’usure structurale.
Si nous avons besoin actuellement d’une flotte supplémentaire, c’est notamment — et peut-être surtout — dans le but de pouvoir répartir le nombre d’heures de vol requises entre un plus grand nombre d’appareils — soit nos propres F-18 et les F-18 australiens, lesquels sont en bon état de marche — de telle sorte qu’ils puissent durer jusqu’à l’arrivée de notre nouvelle flotte de chasseurs.
Selon le commandement de l’Aviation royale du Canada et nos propres mécaniciens, tout indique que cette solution devrait nous permettre de mener à bien cette transition vers une nouvelle flotte.
Il est également important de bien comprendre que nous devons sans cesse investir pour que nos aéronefs demeurent aptes à livrer bataille et à participer aux différentes opérations qu’exige la complexité de notre monde actuel, autant dans l’espace aérien canadien que sous d’autres cieux. Cela peut toucher aussi bien les équipements à utiliser dans le cockpit que les armements dont il faut se servir.
Dans l’état actuel des choses, nous estimons que l’apport additionnel des F-18 australiens, notamment quant à la possibilité de répartir les heures de vol, et notre capacité d’entretenir la flotte afin de la maintenir suffisamment à niveau pour soutenir la concurrence dans notre espace aérien et ailleurs, nous permettront de tenir le coup jusqu’à ce que nous puissions compter sur la capacité opérationnelle intégrale de nos nouveaux chasseurs.
Le sénateur Gold : Bienvenue, général. De nombreuses sections du document Protection, Sécurité, Engagement traitent des défis associés à la cyberguerre. On indique ainsi à la page 72 qu’une posture de cyberopérations exclusivement de nature défensive ne suffit plus et que des cyberopérations actives sont désormais nécessaires.
Pouvez-vous nous aider à mieux comprendre la nature des menaces qui guettent les militaires et la population canadienne en général dans le contexte de la cybersécurité, et les raisons pour lesquelles une posture exclusivement défensive n’est plus suffisante?
Gén Vance : C’est une excellente question qui est tout à fait d’actualité.
Je vais essayer de vous donner une idée de la nature de ces menaces, et je suis persuadé que la chef du Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et d’autres spécialistes de la cybernétique pourront vous en dire plus long. Au sein des Forces armées canadiennes, nous travaillons sans cesse à la défense de nos propres réseaux, et cette cyberdéfense s’articule uniquement autour des mesures que nous pouvons prendre à l’intérieur même de ces réseaux. L’ensemble du gouvernement fait l’objet d’attaques semblables, et c’est la même chose pour l’industrie. Nous sommes visés des millions de fois par année. Il ne faut pas croire que toutes ces attaques atteignent leur cible, mais nous devons constamment défendre nos réseaux.
Dans un cyberespace où un adversaire peut désormais agir en toute impunité en disposant d’un vaste choix de moyens pour nous attaquer, une éventuelle intrusion dans nos réseaux apparaît comme une perspective inévitable. Les conséquences pourraient être catastrophiques ou mineures, mais il y aura néanmoins bel et bien intrusion.
Les Forces armées canadiennes sont autorisées à mener des cyberopérations offensives. Nous travaillons actuellement en partenariat avec le CST et d’autres services pour nous donner les moyens de pouvoir le faire efficacement. Il est en effet loin d’être sage de laisser un ennemi potentiel agir en toute liberté sans n’être contré d’aucune manière pour simplement aligner ses cyberarmes dans le but de profiter éventuellement d’une faille de notre système.
C’est un peu comme une équipe de hockey qui enverrait seulement un gardien de but sur la glace. L’adversaire va finir par trouver le moyen de compter. Vous devez pouvoir utiliser une certaine capacité offensive pour vous défendre.
Voilà pour les opérations défensives.
Dans les limites de ce que prévoient la politique, les dispositions des lois canadiennes et les règles de gouvernance quant aux cibles visées, nous envisageons différents types de cyberopérations offensives à l’encontre d’un adversaire ou d’un ennemi dont nous souhaitons enrayer les capacités ou les velléités d’attaque à notre endroit.
Le cyberespace est donc un domaine d’intervention au même titre que l’espace physique. Il nous faudra en quelque sorte ériger un système de systèmes pour pouvoir nous protéger et mener des opérations offensives.
Le sénateur Gold : S’agit-il de capacités dont vous disposez ou que vous êtes en train d’acquérir au sein des forces armées, ou est-ce plutôt le CST qui travaille pour votre compte, si je puis m’exprimer ainsi?
Gén Vance : C’est un peu des deux. Nous avons déjà commencé à investir dans le développement d’une cybercapacité au sein des Forces armées canadiennes. Nous voulons pouvoir compter sur un plus grand nombre de militaires et de civils travaillant dans le cyberespace, et nous allons investir considérablement à ce chapitre en partenariat avec le CST. Je suis persuadé que les gens du CST pourront vous en dire davantage à ce propos. Étant donné le mandat du Centre et les nouveaux projets de loi qui ont été présentés, il deviendra possible pour les forces armées et le CST de mener des opérations conjointes.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Général Vance, bienvenue au comité. Je vais continuer avec des questions qui portent sur le même sujet que mon collègue, le sénateur Dagenais. Combien de membres des Forces canadiennes ont combattu avec les alliés en Irak ou en Syrie?
[Traduction]
Gén Vance : Nous avons le mandat de fournir jusqu’à 850 militaires pour l’opération IMPACT. Cela comprend tout aussi bien l’équipage aérien, les spécialistes du renseignement, le personnel chargé des opérations de soutien tactique et les membres des Forces d’opérations spéciales du Canada.
Si je puis me permettre un commentaire, je ne dirais pas que nos membres « ont combattu » comme vous l’indiquiez dans votre question. Ceux qui se sont retrouvés à l’occasion le plus près de l’action ont dû combattre pour se défendre et défendre les partenaires qui les accompagnaient. Conformément à leur rôle premier, ils passent le plus clair de leur temps à entraîner, conseiller et assister les forces de sécurité irakiennes. Ils l’ont d’abord fait auprès des Kurdes pour assurer la mise en place de conditions gagnantes à Mossoul, et ensuite auprès des forces de sécurité irakiennes autres que les Kurdes, à l’est puis à l’ouest de Mossoul.
Le soutien offert visait principalement à faire en sorte que leurs opérations soient planifiées et menées aussi professionnellement que possible de manière à éviter les dommages collatéraux et les pertes au sein de leurs troupes elles-mêmes, le tout pour les aider à atteindre les objectifs visés.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J’essaie de comprendre votre raisonnement. Vous dites qu’environ 800 officiers ont encadré les forces armées des deux pays afin de les préparer au combat. On sait que le retour des étrangers ayant combattu aux côtés des forces islamiques, qu’ils soient Anglais, Français ou Canadiens, était quelque chose de très connu. Certains pays ont adopté des positions assez fermes. Je pense entre autres à l’Angleterre qui ne permettait pas le retour des combattants.
En réponse à une question du sénateur Dagenais, vous avez dit ne pas être au courant de ce mouvement de retour des combattants canadiens. Est-ce que c’était bel et bien votre réponse ou ai-je mal compris?
[Traduction]
Gén Vance : Le rôle des forces armées ne consiste pas à surveiller les Canadiens qui rentrent au pays ni à intervenir d’aucune manière en pareil cas. Ces questions relèvent d’autres agences de sécurité.
En ma qualité de chef d’état-major de la Défense, il est bien certain que je suis au fait de l’existence du phénomène, et je crois que c’est effectivement ce que j’ai indiqué dans ma réponse. J’ai pu prendre connaissance des informations recueillies à ce sujet, mais il n’incombe pas aux forces armées de se préoccuper du sort des Canadiens qui sont coincés à la frontière, de retour au Canada ou même en transit. C’est un dossier qui ne relève pas du tout de notre rôle ou de notre mandat.
Je vous rappelle que nous ne livrions pas bataille sur le terrain en Syrie. Si nous avions croisé le fer avec un Canadien dans ces circonstances — et ce ne fut pas le cas — nous l’aurions considéré simplement comme un combattant. Si une personne cesse de combattre et que nous pouvons déterminer qu’elle a la citoyenneté canadienne, d’autres processus entrent en jeu pour son rapatriement au pays. Nous n’avons toutefois pas vécu de situation semblable.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Dans le cas où les combattants ont été encadrés, est-ce que la Syrie et l’Irak ont demandé aux Forces canadiennes ou au gouvernement canadien quelle était leur position à l’égard des Canadiens qui ont été arrêtés et qui combattaient aux côtés de l’État islamique?
Est-ce que vous deviez conseiller les gens qui étaient au front, ceux que vous encadriez sur le plan militaire? Avez-vous été appelé à émettre une opinion quant à la façon de traiter les combattants canadiens qui sont arrêtés?
[Traduction]
Gén Vance : Je veux m’assurer de bien comprendre la question. Est-ce que vous voulez savoir ce qui serait advenu si les Forces armées canadiennes avaient capturé un Canadien lors d’opérations de combat?
Le sénateur Boisvenu : Ou s’il avait été capturé par des militaires d’autres pays sur le terrain. Est-ce que vous les avez conseillés sur la façon d’agir dans ce genre de scénario?
Gén Vance : C’est une situation purement hypothétique, car rien de tel ne s’est produit. Nous savions que certains Canadiens combattaient là-bas. Nous croyons que quelques-uns d’entre eux ont pu être tués lors de combats, non pas par des Canadiens, mais par nos alliés, mais ce ne sont que des suppositions.
Il est difficile de traiter de situations hypothétiques, mais il y a un élément qu’il ne faut pas perdre de vue. Comme tous nos alliés, sans exception, travaillent auprès des forces de sécurité irakiennes pour les entraîner, les conseiller et les assister, le scénario le plus probable verrait une unité irakienne conseillée par des alliés tuer ou capturer un citoyen d’un autre pays que l’Irak. Il pourrait être de l’une ou l’autre de nos nations alliées.
En pareil cas, c’est le droit des conflits armés qui s’applique. Il s’agit de combattants. Ce serait donc les forces armées irakiennes qui les prendraient en charge. Si nous devions par la suite établir avec certitude qu’il s’agit d’un citoyen canadien, on passerait très rapidement du traitement purement militaire d’un combattant à un cas consulaire à régler par le gouvernement du Canada avec l’aide des forces militaires.
Vous vouliez peut-être aussi savoir si nous avons eu des consultations avec nos alliés quant à la manière de traiter ou de cibler expressément les Canadiens. Je peux vous assurer que ce n’est pas le cas. Nous ne travaillons pas de cette manière.
En situation de combat, nos alliés traitent les individus en cause en application du droit des conflits armés. Il n’est pas question de cibler expressément les Canadiens. Nous n’avons conclu aucune entente spéciale quant à la manière de les attaquer. Je tiens à apporter ces précisions, car vous avez laissé sous-entendre par votre question que les alliés avaient indiqué comment ils comptaient traiter des situations de la sorte, ce qui tient vraiment de la plus haute spéculation.
Nos alliés voient à l’application du droit des conflits armés et s’en remettent à ce droit pour traiter les individus en situation de combat.
La sénatrice McPhedran : Je suis ravie de vous voir parmi nous, général Vance. Il est plutôt rare que nous accueillions un si haut gradé sans qu’il ne soit accompagné de ses subalternes. Merci de vous présenter ainsi seul au front.
Je voulais commencer par vous féliciter de trois initiatives : premièrement, l’opération HONOUR; deuxièmement, les efforts conjoints déployés par Affaires mondiales Canada et les Forces canadiennes dans le cadre de l’Initiative Elsie; et troisièmement, les Principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats. Le Canada fait ainsi preuve d’un solide leadership.
J’ai une question en plusieurs parties qui porte sur ces trois initiatives. Est-ce que je peux mentionner les trois parties, ou vous préférez que je procède autrement?
Gén Vance : Ce qui convient à madame la présidente. Je serai heureux d’y répondre dans l’ordre qui vous conviendra. Si vous les posez une à la fois, je vais m’efforcer d’y répondre rapidement. Si vous les posez toutes en même temps, je vais digresser longtemps.
La sénatrice McPhedran : C’est ma réponse, merci. L’Initiative Elsie met beaucoup l’accent sur la formation. Est-ce que l’équivalent ou la relance du Centre canadien d’entraînement au maintien de la paix dans le monde Lester B. Pearson est dans les cartons? J’étais présente aux deux journées de l’Initiative Elsie la semaine dernière, et j’ai rencontré quelques soldates qui ont pu profiter de la formation offerte au centre les années précédentes. Y a-t-il des discussions en cours à ce sujet? Recommencerons-nous à offrir de la formation de façon importante pour les opérations de maintien de la paix?
Gén Vance : Merci. On ne prévoit pas relancer le centre Pearson pour l’instant. Nous offrons de la formation au Centre de formation pour le soutien de la paix à Kingston. Nous voulons offrir la formation à plus de gens, mais pour l’instant, les efforts de formation sont axés sur notre programme d’instruction et de coopération militaires. Nous déployons des formateurs partout dans le monde. Il s’agit parfois de formation linguistique, parfois de formation sur les compétences de base, parfois sur une compétence particulière dont un pays a besoin. C’est un programme très utile qui nous permet de former beaucoup plus de gens que le centre Pearson a pu le faire par le passé.
La sénatrice McPhedran : Très bien. Merci. Ma deuxième question porte encore une fois sur l’opération HONOUR et le changement de culture que vous avez dit être déterminé à instaurer, soit l’engagement pris dans Protection, Sécurité, Engagement, la nouvelle politique nationale, en ce qui concerne l’Analyse comparative entre les sexes plus. C’est une question très précise.
Pouvez-vous nous dire si les FAC ont embauché des conseillers en matière d’égalité entre les sexes?
Gén Vance : Certainement, sénatrice. Nous en avons à tous les échelons, depuis mon état-major stratégique jusqu’aux opérations interarmées. Tous les services ont des conseillers en matière d’égalité des sexes. Et ils n’agissent pas seulement à titre de conseillers. Il est convenu qu’ils fassent partie de l’état-major de planification. Toute l’utilité de l’Analyse comparative entre les sexes plus réside dans le fait de comprendre l’environnement au tout début de la planification, de tenir compte de l’égalité entre les sexes dès le départ, et non pas de greffer cela à la fin.
Nous avons des officiers d’état-major — qui font partie de l’état-major stratégique — qui s’en occupent. Un conseiller en matière d’Analyse comparative entre les sexes plus est toujours à la disposition du commandant chaque fois qu’une force opérationnelle est déployée, afin qu’il ne perde pas cela de vue dans les plans en cours de chaque théâtre d’opérations. C’est la même chose du côté de la sous-ministre. Elle a aussi cela.
Nous sommes aussi en train de repenser notre façon de gérer nos champions au sein de la Défense. Nous avons une première méthode utilisée pour les champions de la diversité et de l’inclusion dans les opérations, soit de faire intervenir le niveau d’instruction deux étoiles avec des niveaux une étoile, des majors-généraux, des brigadiers-généraux, pour veiller à ce que cela imprègne l’institution des forces armées toute entière et non pas seulement les opérations. C’est une vaste entreprise.
La sénatrice McPhedran : Merci. Ma dernière question porte aussi sur l’opération HONOUR et le changement de culture que vous vous êtes engagé à instaurer.
Entre 2014 et 2017, selon les informations que j’ai pu obtenir, il y a eu 17 procès devant une cour martiale pour des cas d’agressions sexuelles, dont quatre ont mené à un verdict de culpabilité, soit environ 23 p. 100. La comparaison n’est pas parfaite parce qu’il s’agit d’une année seulement, mais au civil, en 2014-2015, le taux de verdict de culpabilité dans les cas d’agressions sexuelles a été de 43 p. 100. J’aimerais savoir si vous pouvez nous aider à comprendre cette différence importante.
Gén Vance : Je ne pense pas que vos chiffres soient exacts, sénatrice. Je n’ai pas tous les chiffres à ma disposition.
Nous venons de procéder à un examen des cas non fondés, qui sont instruits à nouveau, et d’après les rapports qui m’ont été remis, nos taux de condamnation sont en fait plus élevés que dans le secteur privé ou la population.
Permettez-moi de vous revenir, de vérifier les chiffres que notre directeur des poursuites et notre juge-avocat général ont à cet égard. Nous avons eu une série d’entrevues avec les médias dernièrement sur la question. Je ne connais pas les chiffres par cœur, mais je dirais que vos chiffres ne sont pas tout à fait justes, alors nous allons vous aider.
La sénatrice McPhedran : Je vous remercie de cette clarification. Merci.
Le sénateur Oh : Bienvenue, général Vance. J’ai deux questions à vous poser. Ma première porte sur l’utilisation des drones. Les drones joueront un rôle important dans nos guerres futures. Sommes-nous avancés dans ce domaine? Réussissons-nous bien?
Gén Vance : Merci. Drone est le nom commun des véhicules téléguidés. Nous en utilisons. Nous le faisons depuis un certain temps. Nous en avons utilisé divers types en Afghanistan. Nous avons donc une certaine expérience de leur utilisation. Nous avons maintenant des petits VTG ou UAV à notre disposition, tous les types de petite taille jusqu’à la taille moyenne en quelque sorte, et aucun n’est armé à l’heure actuelle.
La politique prévoit que nous achèterons et déploierons des UAV armés également. Nous sommes essentiellement à l’étape des discussions stratégiques pour l’achat de flottes d’UAV pour différentes raisons. Alors les UAV ou les véhicules téléguidés sont certainement dans notre mire, oui, monsieur.
Le sénateur Oh : Ma deuxième question porte sur les changements démographiques dans la population canadienne. Déploie-t-on des efforts pour recruter au sein des communautés culturelles? Je sais que les membres de la deuxième génération possèdent tous des diplômes universitaires, que beaucoup sont bien éduqués. Avez-vous un programme de recrutement spécial pour les attirer dans les forces armées?
Gén Vance : Je vous remercie de poser la question, car c’est très certainement une des choses les plus importantes que nous tentons d’accomplir en ce moment, soit élargir la diversité des membres que nous recrutons au sein des forces armées. Nous ciblons sciemment les femmes et les divers groupes culturels partout au pays. Si vous regardez nos vidéos de recrutement, vous constaterez que notre programme vise à l’heure actuelle à attirer le plus possible les groupes non traditionnels. J’espère que nous pourrons cesser de les appeler non traditionnels et qu’ils feront partie des groupes traditionnels très bientôt.
J’aimerais prendre quelques minutes pour vous dire pourquoi. Cela fait partie des bonnes choses à faire. Nos forces armées devraient, dans toute la mesure du possible, être le reflet de la mosaïque culturelle, la composition, de notre pays. C’est un fait.
Mais pour moi, c’est surtout une question de survie. Nous devons recruter au sein du bassin le plus large possible de la société canadienne — les Autochtones, les néo-Canadiens, les femmes, et cetera —, car autrement, nous allons manquer de recrues, et nous ne serons pas en mesure de soutenir la concurrence. Nous sommes en concurrence avec le gouvernement, avec le secteur privé et avec les autres pays pour attirer des Canadiens dans les forces armées.
Il faut aussi aller au-delà de la diversité culturelle et de la diversité des parcours pour englober l’âge et les capacités physiques. Nous devons avoir le plus grand bassin possible pour ensuite pouvoir choisir les meilleurs candidats pour garnir les rangs des forces armées.
C’est l’objectif que nous visons à l’heure actuelle dans tous nos efforts de recrutement. L’opération HONOUR a pour but premièrement de traiter tous nos membres de façon honorable, mais c’est aussi pour que les futures générations de femmes que nous recruterons éventuellement sachent que les forces armées sont un bon endroit pour travailler, et l’opération HONOUR se veut une preuve qu’elles seront protégées et qu’elles vivront une belle expérience au sein des forces armées.
Alors, oui, sénateur, il est absolument indispensable que nous recrutions au sein de la population la plus vaste possible. Ce ne sont pas tous les gens qui sont attirés naturellement par les forces armées, et ce, pour diverses raisons. Certains viennent de pays où les militaires étaient loin d’avoir une bonne réputation. Nous sommes appelés à nous déplacer. Nous devons être en grande forme physique. Nous sommes un service, alors il faut être prêt à servir. On ne renonce pas à ses droits, mais on renonce certainement à certains éléments de confort et à un certain degré de liberté au quotidien pour devenir membre des forces armées. Ce n’est pas nécessairement ce qui est le plus attrayant pour les générations montantes.
Toutefois, je dois souligner qu’on peut avoir des cheminements de carrière dans des centaines d’emplois différents. Si une personne veut de la variété, nous pouvons lui en offrir. Si une personne veut une carrière, nous pouvons lui en offrir une. Nous offrons aux gens la possibilité de servir leur pays, si c’est ce qu’ils souhaitent, mais aussi de vivre toutes sortes d’expériences pour l’avenir. Les gens sont attirés par les forces armées pour diverses raisons. J’aimerais accroître les sources de motivation à joindre les forces armées et éliminer celles qui ont l’effet contraire. C’est notre objectif. Je vous remercie d’avoir posé la question.
Le sénateur Oh : Très bien. C’est une bonne nouvelle. Merci.
Le sénateur McIntyre : Soyez le bienvenu au comité, général. Ma première question est, en fait, une question de suivi à celle du sénateur Oh. Elle concerne les drones.
Les drones que le gouvernement prévoit acheter seront-ils armés de missiles, ou serviront-ils uniquement à la surveillance et à la collecte de renseignements?
Gén Vance : Nous aurons différentes flottes. Notre intention est d’en avoir au moins une qui sera armée, dans le seul but de pouvoir utiliser la force à partir de cette plateforme, tout à fait.
Le sénateur McIntyre : Ma prochaine question porte sur le financement des Forces armées canadiennes. Comme vous l’avez mentionné dans votre exposé, la PSE, la nouvelle politique de défense du gouvernement, prévoit une augmentation d’environ 70 p. 100 du financement accordé aux Forces armées canadiennes au cours des 10 prochaines années. Je note toutefois que le ministère de la Défense nationale devra en faire la demande officielle au ministère des Finances chaque année dans le cadre du budget. Cela veut donc dire que le gouvernement actuel, ou un futur gouvernement, pourrait réduire les investissements prévus.
Ma question est donc la suivante : si nous avons une récession et que les finances du gouvernement sont mises à mal, est-ce que vous recevrez toujours les fonds promis?
Gén Vance : Vous devrez poser la question au futur gouvernement. Selon moi — et c’est une excellente question, sénateur —, l’argent est disponible et fait partie du cadre financier. C’est une procédure tout à fait normale; tous les ministères doivent passer par un cycle annuel pour demander des fonds, et ils le font à nouveau pour les budgets supplémentaires. C’est tout à fait normal et attendu. Cela ne veut pas dire que la Défense est traitée de façon différente ou pire que les autres. C’est ainsi que le gouvernement actuel distribue les fonds, mais les fonds sont là.
Pour l’heure, je n’ai pas d’autre choix que d’être tout à fait confiant — et je le suis — d’avoir procédé à l’exercice d’établissement des coûts sans doute le plus rigoureux jamais fait avec des outils opérationnels — notamment parce que les outils opérationnels sont disponibles — et qui correspond aux pratiques exemplaires de nos alliés les plus avant-gardistes, afin de fournir au gouvernement les renseignements de la meilleure qualité possible sur ce que les forces armées coûteront en matière de qualité et de quantité au cours des années à venir.
La politique a été élaborée de telle façon que les investissements importants se feront, en fait, dans deux domaines importants. L’un des domaines est les extrants — soit les opérations qu’on peut mener, qui sont assorties d’une composante quantitative et qualitative —et l’autre domaine est nos gens. La bonne nouvelle est que si on doit réduire le budget des forces armées, il pourra au moins y avoir une discussion utile, pointue, sur ce que les forces armées mettront de côté. Est-ce que nous n’investirons pas dans nos troupes ou dans nos opérations? Dans le passé, nous n’avions pas ce degré de précision sur l’affectation des fonds. Ce n’est pas un gage que cela ne se produira pas. Si un futur gouvernement veut modifier le parcours, il le fera.
Le sénateur McIntyre : Ce sera une décision politique à ce moment?
Gén Vance : C’est toujours le cas. En fait, la politique Protection, Sécurité, Engagement, l’augmentation de 70 p. 100, est aussi une décision politique. Je veux simplement souligner que le travail qui a été fait — par toutes les personnes qui ont participé à l’exercice au sein du ministère et des forces armées — visait à faire en sorte qu’il soit clair que l’argent en moins aurait des répercussions sur les troupes ou sur les opérations en matière de qualité ou de quantité.
Je pense que nous sommes dans une bonne position, car on peut avoir une discussion raisonnable, pointue, et le gouvernement peut prendre la décision qui s’impose à ce moment, et c’est une bonne chose.
Le sénateur McIntyre : Je note que la PSE prévoit une augmentation du nombre de membres des forces armées et de la Réserve. Vous l’avez mentionné dans votre exposé.
Pourquoi n’a-t-on pas opté pour augmenter en priorité le nombre de membres des forces spéciales à qui on a fait appel de plus en plus souvent au cours des dernières années?
Gén Vance : On les augmente, monsieur. Le Commandement des forces d’opérations spéciales augmente.
Le sénateur McIntyre : Il augmente?
Gén Vance : De beaucoup.
La sénatrice Griffin : Merci d’être avec nous. C’est merveilleux. Quelqu’un d’autre a lancé la discussion sur les CF-18, mais je vais poursuivre sur le sujet avec lui.
Je crois comprendre qu’ils n’ont pas servi en Afghanistan dans les opérations de combat, mais est-ce que l’ARC a besoin d’un avion de combat supplémentaire qui peut offrir un soutien aérien rapproché aux membres des Forces canadiennes qui se trouvent sur le terrain?
Gén Vance : Oui, madame. L’énoncé des spécifications du futur avion de combat exige certainement qu’il doive disposer d’une plateforme de soutien aérien rapproché.
La sénatrice Griffin : Merveilleux. Prochaine petite question : quel est le nombre minimal d’Hornet que nous devons avoir pour respecter nos engagements nationaux, internationaux et auprès du NORAD?
Gén Vance : Si j’ai bien compris votre question, 88 est le nombre de chasseurs perfectionnés, alors le prochain appel d’offres sera pour 88 avions. Ces 88 avions sont le nombre dont nous avons besoin pour respecter nos obligations auprès du NORAD et de l’OTAN simultanément.
La sénatrice Griffin : Merci.
Le sénateur Richards : Merci d’être avec nous, général. Je veux parler moi aussi des CF-18. Je me demande à quel point ils sont dépassés en matière de manœuvrabilité par rapport aux chasseurs de pointe de l’époque? Ils datent de 40 ans, et je me demande si c’est un vrai problème pour nous.
Nous sommes devenus en quelque sorte un pays d’acheteurs au cours des 40 dernières années, depuis que l’Avro Arrow est allé finir ses jours dans le lac Ontario. Je me demande à quel point c’est une bonne chose pour nous. Nous achetons nos sous-marins de l’Angleterre, et nous achetons nos avions des États-Unis. Nous avons cessé de produire notre seul porte-avions, en 1970 je crois, le NCSM Bonaventure. Vous avez dit avoir besoin des meilleurs techniciens pour nous aider dans les forces armées. J’aimerais aussi qu’ils s’enrôlent dans les forces armées. Toutefois, si nous continuons à être un pays d’acheteurs et continuons d’opter pour l’expertise d’autres pays, comment ferons-nous pour attirer les meilleurs techniciens et les meilleurs scientifiques dans le monde?
C’est ce que j’observe depuis longtemps et je me demande ce qu’il faut faire maintenant. Vous vous souviendrez que, après l’Avro Arrow, nos meilleurs techniciens sont presque tous allés travailler aux États-Unis. Je me souviens que Gerald Bull, un génie rebelle de son temps au Canada, a été renvoyé. Si nous sommes un pays d’acheteurs, comment peut-on attirer les meilleurs Canadiens et les inciter à rester au pays pour aider nos forces armées, au lieu d’aller travailler en Californie ou en Floride?
Quel est l’échéancier de remplacement des CF-18? Nous avons acheté tout un escadron de F-18 australiens, alors ils sont en quelque sorte cannibalisés. Quel est l’échéancier pour avoir un nouvel escadron d’avions?
Gén Vance : Il y a beaucoup d’éléments, sénateur, alors je vais commencer par répondre à vos premières questions.
L’industrie canadienne et ISDE — Innovation, Sciences et Développement économique Canada — s’inquiètent principalement de la main-d’œuvre dans l’industrie aéronautique qui produit les navires et les aéronefs que nous achetons au bout du compte. Je vous rappelle que tous les équipements ne sont pas achetés à l’étranger. La plupart des appareils que nous finissons par utiliser au Canada ont été partiellement construits ici. Par exemple, notre industrie aéronautique est très active. Nos navires sont construits au Canada.
Le sénateur Richards : J’aurais dû mentionner cela. En effet, c’est bien le cas.
Gén Vance : C’est un peu un mélange. Si nous avons la capacité industrielle et si le tout est concurrentiel — et, là encore, ce ne sont pas les forces armées qui décident comment l’appel d’offres se déroulera, qui s’occupera de la construction et quel produit que nous obtiendrons —, je crois que la politique canadienne en matière de défense prévoit des investissements massifs dans les équipements. La plupart d’entre eux seront construits ici ou en partenariat avec de grands fournisseurs qui mettront également à contribution l’industrie canadienne.
De façon générale, cette main-d’œuvre est importante pour le Canada à bien des égards, mais elle se trouve à l’extérieur des forces armées. Les équipements que nous achetons seront entretenus au sein des forces armées, mais ils sont achetés à l’extérieur.
Quant à l’échéancier prévu pour remplacer les CF-18, il y a deux facteurs qui entrent en ligne de compte. D’abord, nous devons occuper une position de force en ce qui a trait à notre flotte provisoire. Avec la flotte provisoire des F-18, nous pourrons tenir le coup jusqu’au début des années 2030, ce qui est très bien. Je n’ai pas d’inquiétude à cet égard. Tant que les cellules de ces aéronefs tiendront la route et tant que nous pourrons nous en servir pendant des heures — conformément à ce qui est prévu —, nous aurons lancé entretemps un appel d’offres pour acquérir de nouveaux aéronefs. Je crois qu’ils seront prêts dès 2025. Donc, d’ici le début des années 2030, nous utiliserons des appareils flambant neufs.
Soit dit en passant, les F-18 qui font partie de la flotte provisoire et qui sont sans cesse modernisés constituent d’excellents appareils. Nous les trouvons satisfaisants pour l’instant. Leur compétitivité opérationnelle par rapport à celle d’adversaires éventuels commencera à baisser entre le milieu des années 2020 et les années 2030. C’est pourquoi nous devons mettre en place les nouveaux aéronefs. C’est justement ce que nous faisons.
L’acquisition de ces nouveaux aéronefs sera soumise à la concurrence. Je crois que la demande de propositions à cet égard sera lancée en 2019. Telle est l’intention : déclencher le processus de demande de propositions sans tarder. Au terme d’un concours, le soumissionnaire retenu sera choisi, et les aéronefs feront leur apparition vers le milieu des années 2020. J’en parle de façon générale parce qu’il y a toujours des dérapages. Cela peut se produire d’une manière ou d’une autre, mais ce n’est pas toujours le cas; tout dépend des soumissionnaires et de celui qui en sort gagnant.
Le sénateur Richards : Merci beaucoup. C’est excellent. Oui, nous fabriquons la plupart des pièces, et une grande partie des services proviennent du cadre canadien et sont offerts par des Canadiens. Le problème, selon moi, c’est que, depuis l’Avro Arrow, les appareils sont conçus par quelqu’un d’autre, c’est-à-dire qu’ils font partie de l’expertise d’autrui avant que nous en ayons possession. En tout respect, je crois que cela ne rend pas service aux Canadiens dans le contexte militaire parce que les forces armées sont là pour nous; elles sont là pour protéger le Canada. Nous pouvons certainement acquérir de l’expertise dans n’importe quel domaine si nous nous y mettons vraiment.
Je ne suis pas un grand militariste, mais en 1950, il y a bien longtemps, Truman était préoccupé par le Canada. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, notre pays avait la troisième marine et la quatrième armée en importance au monde. Ce n’est pas ce qui compte pour moi, et notre pays n’a pas besoin de cela, mais si nous faisons constamment appel à d’autres pays pour obtenir l’expertise qu’ils ont conçue — peu importe si nous collaborons ou non avec eux —, au bout du compte, cela risque de rendre un bien mauvais service au Canada. C’est tout ce que j’essaie de dire, monsieur.
Le sénateur Brazeau : Merci, général, d’être des nôtres aujourd’hui. Pour ma part, permettez-moi de vous remercier du travail que vous faites pour notre pays.
Gén Vance : Merci.
Le sénateur Brazeau : Vous parliez des stratégies de recrutement en ce qui concerne les femmes, les néo-Canadiens et les peuples autochtones. Y a-t-il une stratégie particulière pour ce qui est d’accroître le nombre d’Autochtones dans les forces armées?
Gén Vance : Merci de la question. En fait, une de nos meilleures séries de programmes d’initiation aux étapes préliminaires est celle qui s’adresse aux jeunes Autochtones, que ce soit le programme Bold Eagle offert par l’armée, la période d’introduction pour les recrues potentielles à St-Jean ou encore, le programme AILA au CMR.
Je vous invite, sénateur, à vous y investir autant que vous le souhaitez parce qu’il s’agit d’une excellente série de programmes que les forces armées ont élaborés en partenariat avec des aînés, des chefs tribaux et des familles à l’intention des jeunes Autochtones, dès qu’ils manifestent un intérêt à l’égard des forces armées, afin de les encourager à tenter le coup; ils ont ainsi l’occasion de voir à quoi cela ressemble.
De toute évidence, un des défis pour les peuples autochtones, particulièrement les jeunes, c’est le fait de devoir quitter leur région et de s’éloigner de leur foyer, puis de se déplacer partout au pays, sans pouvoir retourner à leurs terres et à leur culture. Cela peut s’avérer une situation incroyablement stressante. La plupart des Autochtones qui ont la possibilité de voir à quoi ressemblent les forces armées aiment beaucoup leur expérience. C’est comme une autre famille. Je crois qu’il a été très sage de notre part de respecter la culture autochtone au sein des forces armées. Les militaires autochtones se caractérisent par leur détermination et leur dynamisme. Nous portons avec fierté le bâton à exploits partout où nous allons. Certains militaires les plus hauts gradés des forces armées sont des Autochtones, et nous faisons tout en notre pouvoir pour encourager la présence d’Autochtones grâce à ce genre de programmes d’essai. C’est d’ailleurs ce que nous avons fait l’année dernière, quoiqu’à une échelle bien plus modeste, pour le recrutement des femmes. Le taux de conversion des jeunes intéressés qui s’enrôlent dans l’armée est assez élevé.
J’ai eu l’occasion d’aller à St-Jean et de me retrouver devant un peloton de 24 jeunes de partout au Canada et, après le défilé, 22 d’entre eux ont exprimé l’intention de s’inscrire au cours suivant, ce qui confirmerait leur enrôlement dans les forces armées. C’est vraiment bien. Je ne pense pas qu’ils aient pris cette décision simplement parce que j’ai prononcé un discours inspirant. Je crois que cela venait du fait que lorsque ces jeunes se sont joints à l’armée, ils ont rencontré des aînés de la région, lesquels ont joué un rôle actif auprès d’eux. Leur culture était respectée dès le début. Ils ont ainsi pu se rendre compte qu’il existe une carrière qui non seulement respecte leur culture et leur héritage, mais qui les valorise en tant qu’individus pour ce qu’ils sont et ce qu’ils peuvent accomplir.
Il s’agit donc d’un grand sujet de conversation. Je serai heureux de vous en parler en tête-à-tête, si jamais cela vous intéresse, car, étant donné le taux de natalité au sein des communautés autochtones, il y a amplement d’occasions pour permettre aux enfants de considérer les forces armées comme une option viable.
Je me suis un peu écarté du sujet, mais cette question me tient à cœur. Nous devons examiner nos emplacements dans l’ensemble du pays. Il sera impossible d’instaurer une unité de réserve ou une unité quelconque à proximité de toutes les Premières Nations partout au pays. Cependant, nous pouvons faire mieux quant à l’emplacement des unités de réserve afin d’attirer les jeunes Autochtones vers celles qui sont plus près de chez eux. Nous comptons apporter des changements considérables à nos réserves afin que nous puissions obtenir un apport opérationnel en permanence à partir de cette force à temps partiel. C’est une excellente façon de suivre une formation d’initiation; vous pouvez le faire pendant un certain temps près de chez vous et, si le domaine vous intéresse et que vous êtes doué en la matière, alors vous pouvez peut-être vous enrôler dans la Force régulière et vous déplacer ailleurs ou encore, rester sur place et vous occuper d’importantes tâches opérationnelles.
Il se passe beaucoup de choses, sénateur, et j’en suis vraiment fier.
Le sénateur Brazeau : Merci de votre réponse, et merci aussi de me tendre la branche d’olivier; c’est là une invitation que je vais sûrement accepter. Il y a bien des lunes, j’étais moi-même membre de la Réserve navale. À l’époque, c’était certainement une très belle expérience, même si j’avais des craintes quant à l’enrôlement; quoi qu’il en soit, ce fut une expérience qui a changé ma vie. Il est important que les Autochtones soient au courant des possibilités que l’enrôlement dans les forces armées peut leur procurer. Je vous en remercie.
Connaissez-vous par hasard le nombre d’Autochtones qui sont actuellement enrôlés dans les forces? Dans la négative, pourriez-vous faire parvenir l’information plus tard au greffier pour que nous ayons une idée?
Gén Vance : Nous vérifierons les chiffres exacts et le pourcentage précis à l’heure actuelle. Nous sommes loin d’atteindre les objectifs escomptés. Il faut travailler là-dessus. En tout cas, nous prendrons bonne note de votre question. J’ai l’information quelque part dans mes documents, mais il me faudrait probablement plus de temps pour la trouver. Nous ne manquerons pas de l’envoyer.
Je le répète, nous avons besoin de membres hauts placés et bien respectés de la communauté autochtone —- des aînés comme vous —- pour qu’ils puissent en faire la promotion. Les forces armées ne peuvent pas en assumer la responsabilité à elles toutes seules. Cela doit venir de la communauté.
Le sénateur Brazeau : Je comprends. Ma dernière question porte sur le trouble de stress post-traumatique au sein des forces armées. Que fait au juste l’armée pour aider les gens qui ont reçu le diagnostic ou qui présentent des symptômes du trouble de stress post-traumatique?
Gén Vance : C’est là un autre domaine qui a fait l’objet de nombreux travaux. Le trouble de stress post-traumatique est relativement nouveau du point de vue des données scientifiques à l’appui de cette maladie, mais je pense que cette affection existe depuis toujours. La science a évolué, mais il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’en arriver à un traitement réussi qui permet à la personne de se rétablir de toute blessure.
Tout d’abord, il s’agit d’un phénomène et d’une blessure bien réels. Ce trouble doit être pris au sérieux au même titre que n’importe quelle autre blessure qui est plus facile à comprendre du fait qu’elle est visible. C’est tangible.
Je ne suis pas un expert en médecine, mais j’ai beaucoup d’expérience relativement aux conditions qui amènent des gens ayant subi des incidents traumatiques à souffrir du trouble de stress post-traumatique. Les guerres modernes, depuis la Première Guerre mondiale, les situations de violence et les situations qui mettent en danger la vie d’une personne pendant une période prolongée peuvent avoir une telle incidence. Nous prenons beaucoup de mesures concrètes au sujet du trouble de stress post-traumatique au sein des forces armées. D’abord et avant tout, nous nous employons à rendre nos troupes résilientes face aux stress afin qu’elles ne soient pas touchées par le trouble de stress post-traumatique. Nous faisons beaucoup de travail à cet égard. Un militaire sain et résilient — que ce soit un soldat, un marin ou un aviateur —est beaucoup plus susceptible de résister aux effets du trouble de stress post-traumatique. Il existe des techniques opérationnelles. Il y a des façons dont on peut se comporter lors des opérations. Certaines de ces méthodes fonctionnent, mais comme pour toute blessure, certaines personnes finiront par en souffrir. Par ailleurs, il faut une intervention très efficace.
Le trouble de stress post-traumatique se manifeste au moins cinq ans après les événements traumatiques qui le déclenchent; cela pose donc un vrai défi. Vous pourriez avoir vécu une situation durant votre enfance, pendant votre entraînement initial ou au cours des opérations. Vous n’avez peut-être jamais participé à une opération, mais vous pourriez tout de même souffrir de trouble de stress post-traumatique. Parfois, on peut le confondre avec d’autres troubles de santé mentale ou traumatismes cérébraux. La santé mentale et le trouble de stress post-traumatique font l’objet d’études médicales et scientifiques uniques dont les exigences de rétablissement sont légèrement différentes.
Le médecin général des forces armées est extrêmement préoccupé par ce problème. À vrai dire, la population canadienne l’est tout autant. De plus en plus de scientifiques nous aident à comprendre la santé des anciens combattants, ainsi que notre propre santé mentale. Comment peut-on développer ou accroître sa résistance? Comment s’y prendre pour qu’une personne soit plus apte à faire face à ces conditions? Ensuite, que doit-on faire lorsqu’une personne finit par en souffrir, même si les symptômes se manifestent plus tard dans sa vie?
Nous en savons beaucoup sur le trouble de stress post-traumatique. Nous connaissons bien ses effets sur la vie des gens. Par contre, nous ne sommes pas allés aussi loin que je l’aurais voulu. Je crois que tout le monde conviendra qu’il nous reste encore beaucoup à faire pour assurer une plus grande certitude quant au rétablissement. Il faut beaucoup plus de recherches et de données scientifiques sur les moyens de guérir les gens.
Puisqu’il s’agit d’une blessure, on devrait pouvoir s’en remettre. Les forces armées comptent de nombreuses personnes atteintes du trouble de stress post-traumatique qui ont une vie professionnelle très productive et couronnée de succès. Ces gens réussissent très bien, même s’ils sont aux prises avec un trouble de stress post-traumatique. Toutefois, il y en a d’autres qui sont complètement affaiblis par leur expérience. Pourquoi la différence? Que pouvons-nous faire? Toutes ces questions demeurent encore sans réponse de la part des scientifiques. C’est très important. J’aimerais qu’on mette l’accent sur la résilience et les soins appropriés à donner aux gens pendant qu’ils sont dans les forces ou même après leur libération.
La présidente : Nous passons maintenant à la deuxième série d’interventions. J’ai une question sur l’opération HONOUR. Ce dossier m’intéresse, surtout compte tenu de la couverture médiatique dont les forces armées ont fait l’objet. Évaluez-vous, d’une façon ou d’une autre, les progrès réalisés sur le plan du changement de culture et, le cas échéant, s’agit-il d’une évaluation indépendante?
Gén Vance : Merci, madame la présidente. Oui, nous le faisons. Il s’agit d’une combinaison d’approches. Je mesure les progrès réalisés à l’interne au moyen de toute une série de sondages ou de réponses. J’examine le nombre d’incidents par mois. Chaque incident qui est signalé à la chaîne de commandement m’est communiqué immédiatement.
Nous avons accordé une grande importance à cette question. Nous avons fourni aux gens les outils nécessaires pour prendre différentes mesures. Comment faut-il réagir? Comment la chaîne de commandement peut-elle mieux appuyer la victime? L’approche axée sur la victime revêt une importance capitale.
La juge-avocate et la Branche de la Police militaire n’ont ménagé aucun effort pour s’assurer d’avoir accès à des spécialistes dans le domaine des agressions sexuelles et des traumatismes, de sorte que toutes les mesures prises dans le cadre de notre discipline militaire et de notre système de justice soient de plus en plus efficaces quand vient le temps d’offrir un soutien et de rendre justice.
Nous essayons de procéder intelligemment en évitant de libérer les personnes qui ont subi des traumatismes et qui ont toutes les raisons de s’en remettre, mais les conditions propices à leur rétablissement ne seront pas réunies tant que ces personnes n’auront pas franchi les étapes d’un processus juridique ou autre, qui est parfois assez long. Par conséquent, je mesure tous ces facteurs.
Le recours à une tierce partie comporte deux volets. Il y a d’abord le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle, qui fonctionne sans aucun lien de dépendance avec moi et qui relève de la sous-ministre. Mme Denise Preston, la directrice exécutive, n’a aucun lien de dépendance avec moi. Elle mesure les résultats et en fait rapport.
Cet automne, Statistique Canada mènera une autre enquête pour répéter celle qui a été réalisée il y a deux ans. Je m’attendais à ce que les résultats soient déconcertants, et ils l’ont été. L’enquête portait surtout sur la situation avant l’opération HONOUR et, dans une moindre mesure, durant l’opération HONOUR. La nouvelle enquête nous permettra de voir si l’opération HONOUR a secoué les forces armées et, le cas échéant, de quelle manière. Je suis sûr que nous pouvons améliorer certains aspects. Je suis persuadé que les résultats mettront en évidence les points qui ont été améliorés. Cependant, c’est grâce au recours à des tiers que nous pourrons rectifier le tir et recentrer nos efforts.
Il s’agit d’un engagement à long terme. Ce problème ne sera pas réglé du jour au lendemain. On ne peut pas le faire disparaître d’un simple coup de baguette magique. C’est un engagement à long terme : en administrant une enquête de Statistique Canada tous les deux ans, nous ferons le suivi des résultats et nous continuerons de prendre des mesures à cet égard.
À voir les chiffres et les résultats que je mesure, j’ose croire que les gens sont au courant de cette initiative. L’opération HONOUR est chose connue au Canada. Les troupes sont au courant, et elles savent qu’il y aura une riposte. De plus en plus de personnes se disent convaincues que la chaîne de commandement prendra des mesures à cet égard. En fait, le nombre d’incidents qui sont d’emblée portés à l’attention de la chaîne de commandement et de la police militaire ne cesse d’augmenter.
Je ne m’en vante jamais. Ce sont des progrès modestes, et il y a encore beaucoup de pain sur la planche, mais les indicateurs que nous voyons actuellement nous confirment que nous réalisons des progrès.
La présidente : Passons à la deuxième série de questions, et nous avons quatre sénateurs qui ont des questions. Je vous demanderai donc de poser de brèves questions; il ne nous reste que 15 minutes.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai deux brèves questions à poser. Le sénateur Gold est assis en face de moi et, pour votre information, général, je rappelle que nous nous apprêtons à étudier prochainement en comité le projet de loi C-59, qui touche entre autres à la sécurité. Voici ma première question : j’aimerais savoir quel genre de communications vous avez avec les services secrets canadiens.
[Traduction]
Gén Vance : Je collabore très étroitement avec leurs dirigeants, mais les forces armées sont en grande partie tenues à l’écart du renseignement détaillé, en fonction de ce qu’il en est et de l’objectif. Le renseignement que nous traitons est normalement lié à nos opérations à l’étranger.
Nous ne recueillons pas de renseignements sur les Canadiens. Nous devons être prêts à mener des opérations au Canada principalement à l’appui des Canadiens. Toutefois, le chef d’état-major de la Défense et le chef du renseignement de la Défense sont membres de la communauté de la défense et du renseignement. Je suis donc souvent au courant des types de renseignements ou des préoccupations que nous avons — si une personne suscite des inquiétudes ou si une chose à venir nous préoccupe —, mais nos partenaires font donc très rarement appel aux ressources des forces armées dans leurs activités.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je ne peux pas m’empêcher de vous poser la question suivante, et ce sera la dernière : comment envisagez-vous la légalisation de la marijuana dans les Forces armées canadiennes?
Gén Vance : Je vais vous donner une réponse sérieuse. J’ai d’autres réponses, mais je vous donnerai une réponse sérieuse.
[Traduction]
Honnêtement, sénateur, nous nous plierons évidemment aux lois du pays. Nous nous penchons sur la question; je devrai très bientôt prendre des décisions concernant les détails et les circonstances uniques qui empêcheraient les militaires en service de consommer du cannabis à tout moment.
Bref, même si une personne peut se procurer du cannabis et que cela fait partie d’une norme culturelle, ce ne l’est pas dans le cas d’un pilote qui s’apprête à décoller. Des règles très rigoureuses sont en vigueur au Canada concernant certaines occupations et ces règles établissent qu’une personne ne doit pas avoir les facultés affaiblies avant de prendre le contrôle d’un appareil. C’est la même chose qui prévaudrait pour les gens qui font un travail très dangereux et qui ont des compétences spécialisées. Je dois donc formuler des recommandations au ministre quant aux situations précises où nous imposerions des règles qui exigeraient à certains de s’abstenir ou de ne pas consommer de cannabis en raison de la nature de leur travail.
Nous examinons également très attentivement chaque industrie et chaque organisme pour établir nos normes en matière de santé et de sécurité. Quand pouvez-vous consommer du cannabis et quand ne pouvez-vous pas en consommer? De manière générale, nous ne voulons pas que des gens se présentent au travail avec les facultés affaiblies, parce qu’ils ont consommé, par exemple, de l’alcool ou du cannabis. Bref, ces règles demeureront toujours en place. Vous n’êtes pas autorisé à accomplir votre travail si vous êtes incapable de le faire. Vous ne pouvez pas vous présenter au travail dans cet état.
Toutes les dispositions s’appliquent à quiconque ayant les facultés affaiblies en raison du cannabis ou de l’alcool ou en raison d’une consommation abusive de médicaments sans ordonnance, et nous pouvons vous empêcher de vous présenter au travail et vous demander de récupérer vos facultés avant de revenir au travail. Si cela se produit trop souvent, il y a fort à parier que vous aurez des problèmes de nature administrative et que les forces armées ne sont peut-être pas pour vous. C’est ce qui se passe pour certains actuellement, et ce sera la même chose dans l’avenir.
Je ne m’attends pas à ce que ce soit un problème considérable pour nous. Nous voulons comprendre ce qu’il en est. Nous voulons mieux comprendre la façon de détecter la présence de cannabis. Nous voulons prendre des décisions en fonction de données probantes. Nous ne voulons donc pas commencer à établir des règles concernant le moment où vous pouvez consommer du cannabis ou ne pouvez pas en consommer qui ne correspondent pas à votre capacité de récupérer vos facultés. Nous essaierons donc d’agir intelligemment à ce sujet. Toutefois, en fin de compte, une tâche dangereuse n’est pas à prendre à la légère pour le pays, et nous ne voulons pas que les gens le fassent alors qu’ils sont gelés. D’un autre côté, je crois que nous élaborerons des politiques censées à ce chapitre qui s’arrimeront aux lois du pays.
Le sénateur Gold : Eh bien, passons du pot à l’approvisionnement.
Gén Vance : Nous pourrions mélanger un peu les deux pour rendre la chose plus intéressante.
Le sénateur Gold : Je préférerais ne pas les mélanger.
La politique Protection, Sécurité, Engagement vient modifier le processus d’acquisition du ministère de la Défense et elle permet apparemment de réduire de moitié le temps d’approbation, ce qui nuit à nos tentatives de suivre le rythme de nos besoins en infrastructure. Je sais que dans un autre comité nous discutons des activités de recherche et de sauvetage, et nous savons que le manque de ressources, en particulier dans le Nord, est un véritable problème.
Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de votre plan en vue de modifier les procédures pour réduire le délai d’approvisionnement et nous expliquer pourquoi nous réussirons à y arriver cette fois-ci alors que de précédents gouvernements ont au moins déjà fait cette promesse sans toutefois donner de résultats?
Gén Vance : Merci de votre question, sénateur. Je vais essayer de vous donner la meilleure réponse possible, mais je crois que je devrai prendre votre question en délibéré, parce qu’un grand pan du travail est réalisé par la sous-ministre — je vais essayer de l’expliquer —, le sous-ministre adjoint aux matériels et d’autres ministères fédéraux concernant les divers aspects liés à l’approvisionnement au ministère de la Défense.
Le montant des acquisitions que nous pouvons faire par nous-mêmes au sein du ministère de la Défense sera plus élevé l’année prochaine. Je crois que cela s’élèvera à 5 millions de dollars, ce qui signifie que nous aurons moins besoin de passer à l’extérieur du ministère pour des acquisitions et que nous serons en mesure de gérer le tout à l’intérieur du ministère. Ce sera utile.
La sous-ministre et moi, nous nous engageons à essayer de réduire nos processus internes de 50 p. 100. Nous pensons que c’est un objectif réaliste, et ce sont nos propres démarches. C’est en cours. Nous avons déjà constaté des résultats positifs; des projets peuvent passer très rapidement des étapes initiales de l’élaboration à l’acquisition.
Mon intention n’est pas de faire de la publicité, mais la grande partie de notre approvisionnement se déroule extrêmement bien. Les dossiers d’approvisionnement les plus difficiles concernent les importants projets d’immobilisations, soit les projets de plusieurs milliards de dollars. Ces dossiers sont plus difficiles. La vaste majorité de ce que nous faisons se déroule extrêmement bien, et c’est fait à temps, et nous respectons le budget établi. Cela nous permet aussi d’obtenir ce dont nous avons besoin.
Je crois qu’avec l’augmentation prévue à ce chapitre une plus grande partie de ce que nous faisons se déroulera extrêmement bien. Je crois que tout le monde en est saisi. Je ne sais pas si cela permettra d’améliorer considérablement la situation, mais c’est ce que je pense. J’aime bien croire que c’est ce qui se passera. Je sais que la sous-ministre et moi nous penchons certainement sur cette question, et nous voulons que rien à l’intérieur du ministère de la Défense ne ralentisse ce processus.
Je crois que SPAC, ISDE et d’autres ministères se penchent également sur cette question.
Le sénateur Gold : Merci. Pouvez-vous envoyer de l’information au greffier du comité pour préciser un peu...
Gén Vance : Cela vous donnera une réponse plus complète que ce que je peux vous donner.
Le sénateur Gold : C’est une bonne réponse. Merci.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vais faire un suivi sur la question du sénateur Oh par rapport au recrutement. Une question m’apparaît fondamentale : vous voulez recruter beaucoup de femmes, mais les entreprises qui ont du succès dans ce domaine sont celles qui traitent bien les femmes. On connaît un peu l’historique des Forces armées canadiennes quant aux cas de harcèlement qui ont été cachés et qui n’ont pas été traités.
Depuis votre arrivée au sein des Forces armées canadiennes, quels changements avez-vous constatés dans le traitement des femmes qui ont été abusées ou agressées dans les Forces armées canadiennes? Aujourd’hui, est-ce plus facile pour elles de porter plainte à la suite d’une agression?
Gén Vance : Avez-vous entendu parler de l’opération HONOUR?
Le sénateur Boisvenu : Pas beaucoup.
[Traduction]
Gén Vance : J’ai lancé une importante opération en 2015.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Il faut dire que je suis un nouveau membre du comité.
Gén Vance : Pas de problème.
[Traduction]
Lorsque j’ai pris le commandement, c’était un sujet brûlant qui minait la crédibilité même des forces armées en tant que bon milieu de travail. Nous avons eu de nombreux cas. Beaucoup de personnes souffraient. Les gens voulaient servir leur pays et ils voulaient accomplir un bon travail, mais ils ne pouvaient pas le faire en raison de leur milieu de travail.
J’ai donc lancé l’opération HONOUR. Sénateur, c’est un vaste travail. Il me faudrait toute la journée pour répondre à votre question. Je me contenterai de dire que nous avons créé un Centre spécial d’intervention sur l’inconduite sexuelle avec lequel les gens peuvent communiquer à toute heure du jour et de la nuit. Nous avons commencé à mettre l’accent sur les victimes, ce que nous n’avions jamais fait auparavant. Nous avons fait de cette question un enjeu au sein des forces armées. Tout le monde a reçu de l’information et une formation sur l’intervention des témoins. La chaîne de commandement a reçu une formation spéciale, et le Cabinet du juge-avocat général a modifié la manière dont elle intente des poursuites, et la Branche de la Police militaire a changé sa manière d’enquêter.
Nous offrons de la formation au niveau le plus élémentaire dans la première ou la deuxième semaine de votre arrivée au sein des forces en ce qui a trait à la bonne façon de traiter les autres avec respect pour que les nouveaux membres des forces armées qui participent à la formation des recrues ne contreviennent pas à l’opération HONOUR et qu’ils ne fassent pas quelque chose qui aurait peut-être été correct auparavant, mais qui ne l’est plus maintenant.
Nous prenons la chose extrêmement au sérieux. Il y en a certains qui diront que nous ne prenons pas la chose au sérieux tant que nous n’avons pas vraiment congédié quelqu’un. Nous avons congédié des gens. Nous avons relevé des gens de leurs fonctions de commandement. Nous avons respecté la procédure établie. Si vous êtes reconnu coupable devant un tribunal d’avoir eu un comportement sexuel dommageable à l’encontre de l’un de vos subalternes, cela entraînera votre libération des forces. Nous respecterons la procédure établie, mais cela entraînera votre libération des forces. La liste est longue.
L’élément le plus important est l’approche axée sur les victimes. Nous essayons de changer une culture ici. Nous essayons de modifier l’approche au sein des Forces armées canadiennes. Notre milieu est imprégné de préjugés comme tout autre groupe dans des secteurs à prédominance masculine ou des secteurs traditionnellement réservés aux hommes. Nous devons nous débarrasser de ces préjugés, comprendre en premier lieu la valeur des femmes et nous assurer d’encourager plus de femmes à se joindre aux forces armées. C’est lié. Si nous attirons plus de femmes, la situation est moins susceptible de se perpétuer. C’est une sorte d’écosystème que nous essayons de changer et non un seul élément.
Je mène ce combat au meilleur de mes capacités. Ce dont je suis fier actuellement, c’est que les caporaux et les soldats mènent également ce combat et prennent la chose au sérieux. Selon ce que j’en comprends, environ 40 p. 100 des signalements de comportements inappropriés proviennent actuellement de tiers. Bref, ceux qui ont reçu la formation sur l’intervention des témoins peuvent déterminer que c’est mal et signaler le comportement au lieu de toujours laisser ce fardeau à la victime. Il y a beaucoup de choses en cours.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je tiens à vous féliciter pour votre leadership, général.
Gén Vance : Merci.
[Traduction]
La sénatrice McPhedran : Voici ce qu’a dit un chroniqueur dans le plus récent numéro du Maclean’s :
En effet, la Marine canadienne a déjà été démantelée et remplacée par une petite force de défense côtière.
Par ailleurs, cette force a déjà abandonné notre côte Nord. Vous pouvez encore voir les restes d’une importante base militaire à Churchill, mais la base navale promise depuis longtemps a été rétrogradée à une station de ravitaillement, puis à une simple jetée. Il s’agit littéralement d’un amas de pierres que nous avons poussé une centaine de mètres dans la baie. Pour ce qui est du reste de l’Arctique canadien, soit un territoire plus ou moins de la taille de l’Europe, il ne nous reste plus qu’environ 120 militaires, ce qui représente 30 000 kilomètres carrés par militaire.
Comme vous n’êtes pas sans le savoir, j’ai eu le privilège de me rendre dans l’Arctique avec les forces il y a quelques mois. J’ai l’impression que des éléments de cette affirmation semblent déformer un peu la réalité, mais je crois que vous êtes la meilleure personne pour le dire. Je voulais donc vous en parler.
Gén Vance : Je ne commente normalement pas les articles.
La sénatrice McPhedran : Toutefois, cette personne semble énoncer des faits.
Gén Vance : Je suis un peu de votre avis. C’est probablement une exagération. J’imagine que je me demande ce qu’est votre question. Défendons-nous l’Arctique? Est-ce ce qui vous préoccupe? Sommes-nous en mesure d’intervenir dans l’Arctique? Préservons-nous notre souveraineté? Je n’essaie pas de vous mettre sur la sellette. Je dis que c’est facile de prendre un territoire de 18 millions de kilomètres carrés de terres et d’océans, mais nous aurions plus de militaires que nous avons de gens actuellement au pays, si nous cherchions à avoir une présence militaire aussi forte que dans les pays européens. Ce n’est pas l’objectif.
Notre objectif dans l’Arctique est d’être en mesure d’intervenir efficacement en cas de missions de recherche et de sauvetage, de soutenir les activités pangouvernementales dans l’Arctique et de répondre aux défis militaires à venir dans l’Arctique de manière à pouvoir le faire parfois par le sud et parfois par le nord. Nous avons les Rangers canadiens dans le Nord. Si nous avons besoin d’aider une personne, nous avons les Rangers pour nous aider à la trouver. Si nous avons besoin de rapports sur quelque chose qui se passe, les Rangers sont là pour ce faire.
Nous avons des navires de patrouille extracôtiers pour l’Arctique qui seront en mesure de patrouiller l’Arctique durant certaines périodes. La politique de défense tiendra compte de tout, notamment des véhicules sous-marins téléguidés sur nos côtes pour renforcer notre capacité de surveiller, sous l’eau, la masse d’eau et les approches en surface.
La modernisation du NORAD vise à nous assurer que nous traiterons efficacement à l’avenir des empiétements dans l’espace aérien canadien à mesure que les menaces deviennent de plus en plus techniques et avancées.
Donc, sur le plan militaire, nous devons adopter une certaine posture pour accomplir le travail nécessaire. Je crois que nous l’avons trouvée.
Je confirme qu’il n’y a pas d’installations à Churchill. Je n’ai pas de devoir militaire à Churchill. Le port de Nanisivik fera ce qu’il est censé faire, soit d’offrir des services de ravitaillement et de soutien aux navires dans l’Arctique. Nous tenons des entraînements dans l’Arctique. Nous sommes présents dans l’Arctique. Nous sommes là actuellement.
Bref, lorsque nous voyons de tels articles, cela dénote parfois d’une certaine nostalgie. Les gens se disent que Churchill n’a pas de base militaire ou que nous devrions pour une certaine raison y être plus présents. Je dois examiner la question, et le ministre et l’ensemble du gouvernement doivent faire de même pour déterminer ce que le gouvernement doit faire dans cette région et nos besoins militaires à tout moment.
Nous avons une excellente capacité d’intervention, et nous pouvons y mener des opérations. Nous avons également une excellente capacité de sentir ce qui s’en vient dans l’Arctique. Voilà notre posture actuelle.
La sénatrice McPhedran : Merci de votre réponse. Je crois que vous m’avez demandé l’idée derrière ma question. Je présume que c’est en partie parce que je suis sénatrice du Manitoba, mais cela visait également à essayer de mieux comprendre si tout est terminé à Churchill relativement aux forces. Il n’y a rien de prévu. La situation qui prévaut sera-t-elle le statu quo pour les années à venir?
Gén Vance : Eh bien, je répète que ces décisions ne sont pas toutes de mon ressort, mais je ne suis au courant d’aucun plan à l’heure actuelle en vue de rétablir une base à Churchill.
La sénatrice McPhedran : Merci.
La présidente : Général, nous vous remercions chaleureusement d’avoir passé une heure et demie en notre compagnie. Je crois que nos délibérations ont été extrêmement utiles.
Gén Vance : Je n’ai pas vu le temps filer.
La présidente : Nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous avez accordé et, évidemment, des réponses directes que vous nous avez données.
(La séance est levée.)