Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule no 27 - Témoignages du 30 mai 2018
OTTAWA, le mercredi 30 mai 2018
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui, à midi, en séance publique, pour étudier, afin d’en faire rapport, les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense, et à huis clos, pour examiner une ébauche de rapport sur la teneur des éléments de la partie 4 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.
La sénatrice Gwen Boniface (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Avant de commencer, j’invite mes collègues à se présenter.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec. Je suis le vice-président du comité, et non le président.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador. Je remplace le sénateur McIntyre.
La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. Je remplace le sénateur Brazeau.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de Toronto, en Ontario.
La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, sénatrice indépendante du Manitoba.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, sénatrice indépendante de la Saskatchewan.
Le sénateur Richards : David Richards, sénateur indépendant du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique. Je suis la vice-présidente.
La présidente : Quant à moi, je suis la sénatrice Gwen Boniface, et je préside le comité.
J’aimerais souhaiter la bienvenue à la nouvelle commissaire de la GRC, Brenda Lucki. Elle a été nommée à ce poste en avril dernier. Nous sommes très heureux de l’accueillir parmi nous aujourd’hui pour la première fois.
Chers collègues, nous ne disposons malheureusement que d’une heure pour cette séance. Je compte donc sur votre collaboration et je vous saurais gré d’être concis dans vos questions et réponses. Je suis sûre que nous aurons, tôt ou tard, l’occasion d’inviter à nouveau la commissaire pour un échange plus long.
Madame la commissaire, je crois comprendre que vous avez quelques observations à faire, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues.
Brenda Lucki, commissaire, Gendarmerie royale du Canada : Merci beaucoup. Bonjour à tous. Je vous remercie de m’avoir invitée à comparaître devant le comité.
Depuis que j’ai pris le relais à titre de commissaire en avril, je m’étonne chaque jour de constater l’ardeur au travail et le dévouement constant des employés. Je suis extraordinairement fière de diriger cette organisation.
La semaine dernière, la GRC a célébré son 145e anniversaire. Il est important d’honorer son passé, mais il l’est tout autant d’en tirer des leçons et de continuer d’avancer.
[Français]
Je me propose, en me fondant sur la lettre de mandat que m’a remise le ministre Ralph Goodale, de tenir la barre de l’organisation pendant la période de transformation, de modernisation et d’innovation qui l’attend. Les occasions qui se présenteront à la GRC et les exigences à son égard sont claires et je suis prête à relever ce défi.
[Traduction]
Je sais que, dans cinq ans, quand nous célébrerons notre 150e anniversaire, la GRC sera une organisation bien différente. À mes yeux, la modernisation signifie qu’il faut saisir les occasions et relever les défis dans deux domaines clés : l’effectif au sein de notre organisation et les collectivités que nous servons. Je m’explique.
La GRC est une immense organisation qui ne serait rien sans les efforts assidus de ses employés. Elle est constituée de près de 30 000 personnes qui sont à l’oeuvre, d’un océan à l’autre, dans tout le Canada.
[Français]
Chaque personne qui fait partie de la GRC travaille dur pour faire en sorte que les Canadiens soient en sûreté et en sécurité, mais nous devons également veiller à ce que nous nous occupions bien de notre propre effectif, c’est-à-dire les employés de la GRC.
[Traduction]
Le respect compte parmi les valeurs fondamentales de la GRC, et c’est une chose sur laquelle j’insisterai pendant mon mandat de commissaire. Nous devons nous respecter les uns les autres et nous devons respecter tous les groupes de gens qui composent les collectivités que nous servons.
Le respect constitue également la base d’un milieu de travail sain et sûr. L’environnement de travail doit donc être exempt d’intimidation, de discrimination, de harcèlement et de violence sexuelle. Je n’ai aucune tolérance pour ces comportements et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour les éradiquer.
Nous avons mis nos politiques à jour et nous nous employons à monter des programmes qui permettront d’éliminer ces comportements et de modifier notre façon de fonctionner. Notre nouveau groupe, Culture organisationnelle et Engagement des employés, dirige des initiatives de changement visant, en ce moment même, à éliminer le harcèlement des rangs de la GRC.
J’ai enjoint mes employés d’avoir le courage non seulement de répondre de leurs actes, mais aussi d’être redevables de ceux des autres et de prendre position s’ils voient quelque chose qui cloche. Après tout, les réformes ne peuvent devenir réalité que lorsque tous les niveaux de l’organisation sont déterminés à changer la culture.
Toutefois, le changement ne peut survenir qu’au moyen du leadership éthique. Il nous faut des dirigeants qui joignent le geste à la parole et qui donnent l’exemple des comportements et attitudes que nous attendons de tous.
[Français]
Je me propose de perfectionner ces dirigeants forts et de les appuyer au moyen de structures modernes de gouvernance assorties d’une obligation redditionnelle. Nous reconnaissons que la population a besoin que nous soyons ouverts, transparents et responsables du travail que nous faisons.
[Traduction]
Un autre élément de la création d’un milieu de travail empreint de respect consiste à soutenir la santé physique et le bien-être mental de nos employés. Dans le cadre de notre Stratégie en matière de santé mentale, nous avons déployé une formation sur l’état mental de préparation, des réseaux de soutien par les pairs et des services d’aide aux employés afin de nous assurer que ces derniers sont prêts à affronter les stress quotidiens du travail en milieu policier.
De plus, nous avons instauré récemment un programme de gestion de l’incapacité et des mesures d’adaptation pour aider les policiers malades ou blessés à se rétablir ou à rependre le travail à titre d’employés appréciés et productifs.
Il est important pour les employés de toute organisation de sentir qu’ils ont la considération d’autrui, et cela se traduit par une rémunération juste. J’ai l’intention de mener la GRC au fil de la syndicalisation des membres réguliers et des réservistes. J’ai hâte de collaborer avec les nouveaux agents négociateurs, qui seront les défenseurs actifs de nos policiers et de nos employés. J’approuve sans réserve le besoin de représentation de tous.
[Français]
Si les employés sont en sécurité, en bonne santé et heureux, ils sont en mesure de fournir aux collectivités des services policiers de premier ordre.
[Traduction]
Ma philosophie a toujours été bien simple : chaque collectivité doit s’être améliorée entre le moment où l’on y entre et celui où l’on en sort. C’est exactement ce que font chaque jour nos policiers et nos employés. Ils répondent aux appels, élucident des crimes, visitent les écoles et patrouillent dans les rues des grandes villes et des municipalités rurales de tout le pays. Par leur travail assidu, leur ténacité et leur empathie, ils entrent en contact avec les collectivités où ils travaillent et tissent des liens serrés avec les résidants.
Mais pour continuer à renforcer la confiance que nous font les Canadiens, nous devons être le reflet des collectivités où nous sommes établis. Le Canada est un pays diversifié et en pleine évolution, et je veux que tous les Canadiens soient capables de se reconnaître dans la GRC. Plus nous nous diversifions, mieux nous pourrons servir les uns et les autres.
La confiance est également essentielle à l’établissement de relations solides avec les collectivités autochtones. En notre qualité de corps policier national du Canada, nous avons, me semble-t-il, un rôle important à jouer dans la réconciliation.
Aujourd’hui, la GRC sert plus de 600 collectivités autochtones dans tout le Canada. Pour renouveler notre relation avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits, nous travaillons à l’élaboration d’une stratégie en matière de réconciliation basée sur nos valeurs fondamentales — responsabilité, respect, professionnalisme, honnêteté, empathie et intégrité. Si nous nous laissons guider par ces valeurs, j’ai la conviction que nous établirons la confiance nécessaire pour servir toutes les collectivités avec équité et respect.
[Français]
Compte tenu du grand nombre d’employés de la GRC qui sont actifs aux quatre coins du pays, il peut être difficile de rester moderne. L’environnement policier évolue sans cesse, et de nouveaux défis se pointent chaque jour.
[Traduction]
Nous vivons à l’heure actuelle dans un monde où tout peut se faire par ordinateur ou par téléphone intelligent, y compris tous les types d’actes criminels. Pour protéger les citoyens vulnérables, la GRC a créé des stratégies et des équipes spécialisées en cybercriminalité qui ciblent la fraude et l’exploitation sur Internet.
À l’interne, nous devons continuer d’épouser les nouvelles technologies et d’investir dans notre infrastructure technologique pour nous assurer que les employés disposent des outils qu’il leur faut pour faire leur travail. Nous nous employons à élaborer des systèmes de veille stratégique et à améliorer notre analytique pour mettre en valeur l’excellent travail que nous accomplissons dans les collectivités.
Nos interventions doivent suivre le rythme de l’évolution du crime. La crise des opioïdes peut servir d’exemple de la manière dont la GRC intervient avec tact et fait preuve d’innovation lors de situations d’urgence. Nous avons mis au point des techniques nouvelles d’entraînement des chiens policiers à la détection du fentanyl, nous avons distribué des trousses de naloxone aux policiers de première ligne et nous collaborons avec nos partenaires des secteurs de la santé et des services sociaux pour aider à atténuer la crise.
Nous continuons de moderniser notre formation policière pour garder le pas des dernières pratiques exemplaires et des politiques les plus récentes. À titre d’exemple, en réaction au projet de loi sur le cannabis, nous avons collaboré avec des partenaires à l’élaboration de cours qui informeront les policiers des mesures législatives à venir et leur apprendront à mieux repérer les usagers qui prennent le volant alors qu’ils sont sous l’influence de la drogue.
[Français]
Ce ne sont là que quelques exemples de la façon dont nos premiers intervenants s’y prennent pour collaborer étroitement avec les collectivités et leurs partenaires au service et à la protection des Canadiens.
[Traduction]
Bien que des défis se dressent toujours devant nous, j’ai la ferme conviction que nous pourrons prendre appui sur nos forces, qui sont notre effectif et nos collectivités, pour apporter un changement positif. Je remettrai en cause toutes les hypothèses et j’inviterai tous nos employés à en faire autant. Je veux que, dans un an, la GRC soit plus leste, plus apte, plus inclusive, plus tolérante et plus respectueuse, et je veux que les collectivités qu’elle sert lui fassent davantage confiance.
J’ai hâte de me mettre au travail avec nos employés, nos partenaires, nos collectivités et avec vous, pour que nous nous appliquions ensemble à moderniser la GRC. Je vous remercie et je serai heureuse de répondre à vos questions.
La présidente : Merci, commissaire Lucki. Nous passons maintenant aux questions, en commençant par notre vice-présidente, la sénatrice Jaffer.
La sénatrice Jaffer : Merci, madame la commissaire, d’être des nôtres. Je dois vous dire que j’ai du mal à y croire. J’ai envie de me pincer pour m’assurer que je vois bien une femme au poste de commissaire. C’est un jour de grande fierté pour moi, en tant que membre du Comité de la défense. Comme je vous l’ai dit en privé, ma petite-fille peut maintenant rêver de devenir comme vous. Merci d’être ici.
Madame la commissaire, j’ai quelques questions sur le harcèlement, mais j’aimerais d’abord apporter une précision. Nous savons que les gens suivent ces délibérations. Le fait que nous posions des questions sur le harcèlement ne signifie pas qu’il s’agit d’un problème endémique et que tout le monde en est victime. Il y a beaucoup de nouveaux membres qui, comme je vous l’ai dit en privé, sont très heureux de travailler pour vous, et nous voulons tous être heureux. C’est le but.
Madame la commissaire, les victimes de harcèlement sexuel et de harcèlement réclament depuis des années la création d’un organisme de surveillance externe indépendant qui serait chargé d’enquêter sur les plaintes de harcèlement et de harcèlement sexuel. Bien souvent, les membres de la GRC ne se sentent pas suffisamment protégés pour s’adresser à leurs supérieurs, et il est facile de comprendre pourquoi, compte tenu des problèmes liés à la chaîne de commandement. Nous avons entendu dire qu’il y a eu des représailles, et ce, de façon fréquente. Les gens ont peur de mettre leur vie et leur carrière en péril s’ils dénoncent un cas de harcèlement sexuel.
Madame la commissaire, avez-vous l’intention de mettre sur pied un organisme de surveillance externe indépendant pour les plaintes de harcèlement?
Mme Lucki : Je vous remercie de votre question. En toute honnêteté, il importe peu de savoir ce qu’en pense la GRC en tant qu’organisation. Selon moi, ce qui compte vraiment, c’est ce que pensent et ressentent les victimes. Nous avons beau croire que nous disposons du meilleur système — et je suis d’avis que nous prenons beaucoup de bonnes mesures à cet égard —, il reste que si les victimes n’ont pas cette impression, alors ce n’est pas un bon système. Nous devons donc certes y jeter un coup d’oeil et examiner la situation. D’ailleurs, nous avons établi une équipe qui étudie, en ce moment, les diverses options.
Voici une de mes craintes : étant donné que nous sommes une si vaste organisation et que nous couvrons l’ensemble du pays, je dois être certaine, en ma qualité de commissaire, que les cas de harcèlement sont traités de la même façon sur la côte Ouest comme dans le Nord, même si c’est à l’autre bout du pays, et que le tout est uniformisé pour éviter qu’une région fasse les choses différemment d’une autre. C’est tout un défi, mais je pense que ce n’est pas insurmontable.
Je tiens à féliciter toutes les femmes qui se sont manifestées dans le recours collectif Merlo Davidson. Il est triste de savoir que les choses ont dû en arriver là et que ces femmes ont dû venir raconter leur histoire pour que nous nous réveillions enfin. Mais si nous ne faisons rien à cause de cela, alors honte à nous. Nous devons vraiment nous réveiller et donner l’exemple à tout le monde. À mon avis, ce problème n’est pas l’apanage de la GRC, et nous devons servir d’exemple à tous les corps policiers et organismes d’application de la loi pour que les gens se tournent vers nous et se disent : « Voilà une bonne façon de procéder. »
Nous devons examiner la façon dont nos membres réagissent aux situations. Comme je l’ai dit dans mon exposé, ils doivent non seulement répondre de leurs actes, mais aussi être redevables de ceux des autres. J’utilise toujours l’exemple suivant : si j’entrais dans cette pièce et que j’allumais une cigarette, personne ici n’hésiterait à m’enjoindre de l’éteindre. Ainsi, nous devons encourager les gens à dire : « Hé, ce comportement est inacceptable. »
Ce n’est pas tout blanc ou tout noir comme nous pourrions le croire, parce que je pense que ce n’est pas aussi évident qu’auparavant. C’est très subtil et, souvent, les victimes ne savent même pas ce qui se passe jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Mais je peux vous dire que les gens dans la même pièce savent ce qui se passe, et c’est vraiment honteux de leur part. Ils doivent avoir le sentiment qu’ils peuvent dénoncer de tels actes, sans crainte de représailles. Si cela signifie qu’il faut s’adresser à des ressources à l’extérieur de notre organisation pour ce faire, alors je suis tout à fait d’accord.
La sénatrice Jaffer : Madame la commissaire, je sais que vous êtes nouvelle à ce poste, et je vous suis reconnaissante de toutes les mesures que vous avez déjà prises. Toutefois, lundi, nous avons reçu la contre-amirale Bennett, des Forces armées canadiennes. J’ai une autre question à vous poser, mais je viens de penser à une chose en vous écoutant. Mes collègues pourront me corriger si je me trompe, mais d’après ce que je crois comprendre, dans les forces armées, on offre maintenant un programme à l’intention des personnes présentes pour, comme vous le disiez, encourager les témoins à intervenir. Vous pourriez peut-être examiner ce modèle.
Ma question portait vraiment sur le fait que les gens ont l’impression qu’une fois qu’on dépose une plainte contre un individu, ce dernier finit par démissionner, sans faire face aux conséquences. Les victimes de harcèlement, dont certaines à qui j’ai parlé, estiment que cela pose un réel défi parce qu’il n’y a alors aucune conséquence.
Avez-vous eu le temps — et je sais que vous exercez vos fonctions depuis peu — d’aborder cette question pour déterminer comment vous y prendre?
Mme Lucki : Je n’ai pas eu le temps de me pencher là-dessus, mais je sais que le nombre de cas est assez bas, et c’est en partie parce que notre processus est bien trop long. La longueur du processus, à elle seule, constitue parfois une source de problèmes pour les gens.
Tout le monde doit être traité équitablement, y compris le suspect ou la personne faisant l’objet de la plainte, pour ainsi dire. Or, si nos processus s’éternisent à tel point que nous n’avons jamais l’occasion de nous en occuper, alors c’est peine perdue. Nous devons donc examiner cet aspect et nous assurer que les processus sont plus efficaces et plus rapides.
La présidente : Je rappelle à tout le monde qu’il ne nous reste que 45 minutes, et je veux que tout le monde ait l’occasion de poser des questions. Il va donc falloir faire preuve de concision.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Encore une fois, merci, madame Lucki, d’avoir accepté notre invitation. Je tiens à vous féliciter pour votre nomination.
Au cours des 10 dernières années, plusieurs études ont été réalisées sur les questions concernant le harcèlement sexuel à la GRC. Elles ont mené à plus de 200 recommandations. Avez-vous eu l’occasion de prendre connaissance de ces recommandations? Dans l’affirmative, avez-vous l’intention de donner suite à certaines d’entre elles qui pourraient être prioritaires, et ce, assez rapidement? Vous avez mentionné la longueur du processus.
Mme Lucki : Je suis au courant des 200 recommandations, de mémoire, et du rapport sur le recours collectif Merlo-Davidson. Les recommandations ont été mentionnées dans le rapport Fraser également.
[Traduction]
Je crois que cela a été mentionné aussi dans le rapport Fraser. Nous prenons chacune de ces recommandations et nous les rendons, pour ainsi dire, opérationnelles. Nous avons créé de nouveaux comités divisionnaires en matière d’égalité des sexes et de harcèlement, et ces comités relèvent de mon bureau. J’ai un comité national. C’est l’une des recommandations. Le fonds de bourses d’études a été lancé. Cet été marquera la première ronde de cela. Nous avons déjà modifié certaines politiques grâce à cela.
Alors, oui, certaines des recommandations sont en train de se concrétiser.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Dans votre présentation, vous avez mentionné que, désormais, vous aurez un régime syndical et que les membres de la GRC seront syndiqués. Avez-vous prévu la participation des représentants syndicaux à la résolution de ces problèmes, notamment ceux de harcèlement sexuel?
Mme Lucki : Je crois que beaucoup de choses seront plus claires lorsqu’on aura le syndicat.
[Traduction]
Les membres doivent être représentés sur tous les fronts, bons ou mauvais. Tous les membres doivent être représentés. Pour l’instant, nous repassons tous les processus, avec une représentation presque complète. Je crois que les choses seront beaucoup plus claires lorsqu’un représentant syndical ou un agent négociateur aura été nommé pour s’occuper de cela. La direction changera à ce moment-là, alors nous devrons nous adapter.
Lorsque nous discutons de l’idée de nous préparer pour un syndicat, je crois qu’il est vraiment important d’avoir la rémunération et les conditions d’emploi. Si nous sommes en mesure de régler cette question de rémunération, je crois qu’il sera préférable de nous focaliser sur les conditions d’emploi. J’estime que ce sera plus productif de procéder de la sorte. La question d’argent n’englobe pas tout, mais elle peut embrouiller tout le reste.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vos membres seront formés en fonction du nouveau projet de loi C-45 sur la marijuana. Dans une entrevue avec les médias, vous avez mentionné que vos troupes étaient prêtes.
Je suis un ancien policier et j’ai été technicien d’ivressomètre. Il est difficile de présenter une cause devant le tribunal, surtout dans les cas de conduite en état d’ébriété, lorsqu’on n’a pas les appareils homologués. On peut parler de tests aléatoires, mais vous savez comme moi que, devant la cour, ce n’est pas toujours suffisant.
Avez-vous prévu l’utilisation d’appareils homologués pour le dépistage de drogues dans les cas de conduite avec facultés affaiblies?
[Traduction]
Mme Lucki : Nous sommes prêts. Nous avons actuellement 200 experts en reconnaissance de drogues et il y en a 500 autres dans les services de police municipaux que nous pouvons appeler en renfort, au besoin. Nous avons 22 cours prévus pour cette année afin d’augmenter ces effectifs.
Pour nous, cela n’est pas nouveau. Nous avons des experts en reconnaissance de drogues depuis pas mal longtemps. Nous composions déjà avec la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, et ce, bien avant que l’on se mette à parler de la légalisation du cannabis. Alors, à cet égard, nous sommes prêts. Nous sommes en train de mettre au point de la formation législative à l’intention de nos membres, afin qu’ils soient en mesure de bien comprendre de quoi il retourne.
De plus, les nouvelles générations diffèrent des anciennes. Les gens qui ne conduisent pas en état d’ébriété — je ne crois pas qu’il va y en avoir plus qu’avant. Les gens me demandent constamment : « Croyez-vous qu’il va y avoir une augmentation des cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue? » Je ne le crois pas. Les générations actuelles ont appris qu’il ne faut pas prendre le volant.
À l’évidence, il y a encore des gens qui choisissent de ne pas respecter la lettre de la loi, mais je crois qu’avec l’augmentation de la formation en reconnaissance de drogues et de la formation au sujet de la loi, nous allons être prêts.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Avez-vous en votre possession des appareils homologués? On nous dit que le gouvernement n’a pas décidé d’utiliser un appareil particulier. Pourtant, vous dites que vous avez déjà mis en place des appareils homologués afin d’effectuer des tests de dépistage de drogue.
[Traduction]
Mme Lucki : Non, nous n’avons pas d’appareils pour le dépistage des drogues. Nous étudions ce que font les autres corps policiers en la matière. L’Europe est très avancée dans ce domaine, l’Australie aussi. Nous allons nous pencher là-dessus.
Ce qui va faire traîner les choses en longueur, c’est qu’il va nous falloir ces études, mais cela signifie qu’il faut que la loi fasse en sorte que ces niveaux d’intoxication soient consignés dans le Code criminel. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais nous allons devoir examiner cet aspect de la question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, madame la commissaire Lucki.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Encore une fois, commissaire, mes félicitations.
Mme Lucki : Merci.
Le sénateur Oh : J’ai des questions à vous poser au sujet de ce que vous avez dit dans votre déclaration liminaire au sujet de la diversité. Pour édifier la confiance des Canadiens, il est important que nous tenions compte de la composition de la société.
Mes questions portent sur les minorités visibles et le harcèlement sexuel. Connaissez-vous le pourcentage de la représentation des minorités visibles au sein de la GRC?
Vous avez environ 30 000 employés, n’est-ce pas?
Mme Lucki : Oui.
Le sénateur Oh : Quel est le pourcentage de minorités visibles?
Mme Lucki : Je n’ai pas ces chiffres avec moi, mais je peux assurément vous les communiquer ultérieurement. J’en prends note.
En ma qualité de commandante de l’École de la GRC, je peux vous dire que l’augmentation de la diversité qui s’est produite en moins de deux ans est proprement incroyable. Si vous avez la chance d’aller faire un tour à cette école, vous allez pouvoir constater de vous-mêmes que la diversité y est grande. Les effectifs sont très diversifiés.
Le sénateur Oh : Qu’en est-il du harcèlement sexuel au sein de ces différents groupes? Est-ce un problème grave? Y a-t-il lieu de s’inquiéter?
Mme Lucki : Je n’ai pas de statistiques précises qui permettraient d’établir si la situation est pire dans tel ou tel groupe. De toute évidence, ce sont les femmes qui sont les plus visées. Des bruits courent au sujet de certains autres groupes, mais personne n’a encore sonné l’alarme à ce sujet, et nos statistiques ne montrent pas que la situation est pire dans tel ou tel groupe. Nous gardons l’oeil ouvert au sujet de ces statistiques et nous sommes à l’affût du harcèlement et des commentaires ou comportements inappropriés, et pas seulement de ce qui pourrait avoir un caractère sexuel. Étant donné les récentes nouvelles à propos de Facebook et les commentaires qui ont été faits récemment au sujet des Autochtones, nous surveillons cela de très près. Nous devons veiller à ce qu’aucun groupe particulier ne soit ciblé et qu’il n’y ait pas de racisme au sein de notre organisation.
Le sénateur Oh : C’est bien. Merci.
La sénatrice Griffin : Ma question est très courte, car le sénateur Dagenais a déjà abordé ce sujet. Les grands esprits se rencontrent, semble-t-il.
Pour les 200 agents qui ont suivi la formation — et vous avez dit qu’il y avait 22 cours de prévus pour cette année —, à combien revient l’attestation de formation sur la reconnaissance des drogues? Je crois comprendre que vos agents doivent se rendre dans le Sud des États-Unis pour recevoir cette attestation, est-ce exact?
Mme Lucki : En fait, nous avons donné notre premier cours il y a deux semaines, à Vancouver, au moment où nous avons déplacé le cours au Canada. Le cours a des exigences particulières et le Canada n’était pas tout à fait en mesure de satisfaire ces exigences, ce qui, en soi, est un peu comme une bonne nouvelle. Il y a deux semaines, nous avons pu remettre des attestations à certaines personnes dans le cadre d’un cours qui s’est donné à Vancouver. Nous voulons réduire ces coûts en instaurant ce cours au Canada et en veillant à ce qu’il s’inscrive dans le contexte canadien, ce qui est une bonne nouvelle.
Je ne peux pas vous dire précisément combien coûte cette formation, mais je vais demander à mes collègues de vous communiquer cette information par écrit.
La sénatrice Griffin : Merci.
Le sénateur McPhedran : Merci. Bravo pour la mention élogieuse que vous avez reçue relativement aux services que vous avez rendus en tant que Canadienne au sein des opérations de maintien de la paix de l’ONU.
Je voulais vous poser une question au sujet d’une chose que vous avez dite dans votre déclaration de ce matin. Vous avez dit que la GRC avait un rôle important à jouer à l’égard de la réconciliation. Cela témoigne d’une prise de position audacieuse et d’une grande ouverture d’esprit, et sachez que vos propos nous réjouissent. J’aurais deux questions plus spécifiques à vous poser au sujet de l’engagement que vous avez pris pour la GRC à l’égard de ce rôle important que vous entendez jouer.
Premièrement, pouvez-vous nous dire combien des 94 appels à l’action du rapport définitif de la Commission de vérité et de réconciliation vous avez examiné et retenu pour définir certains des résultats et produits livrables que vous allez viser? C’est la première partie de ma question.
Voici la deuxième partie : vous êtes-vous engagée ou comptez-vous vous engager à offrir dans l’ensemble de vos services une formation sur les compétences culturelles, en mettant l’accent sur les cultures autochtones?
Voici maintenant la troisième partie de ma question : êtes-vous au courant du travail que font les Forces armées canadiennes avec leur programme de recrutement Bold Eagle?
Enfin, pour la dernière partie de ma question : pouvez-vous nous dire combien de vos membres et de vos membres en formation s’identifient comme autochtones?
Mme Lucki : D’accord. Sachez d’abord que nous avons examiné tous les appels à l’action en matière de réconciliation, et que nous travaillons à l’application de chacune de ces recommandations.
L’année dernière, nous avons embauché Shirley Cuillierrier, une femme haut placée des Premières Nations, à titre de conseillère principale en matière de réconciliation. Elle a travaillé en étroite collaboration avec les responsables de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, et elle s’est appliquée à écouter chacun des témoignages livrés dans le cadre de cette enquête.
Cela dit, Mme Cuillierrier travaille de près avec le groupe afin de veiller à ce qu’aucune des recommandations ne vienne surprendre notre organisation. Nous attendons que cela soit terminé, car nous croyons qu’une bonne partie des recommandations qui auront été soumises à cet examen correspondront à certaines des autres recommandations ou à certains des autres appels à l’action.
J’ai personnellement cherché à entrer en contact avec chacun des grands dirigeants des Premières Nations ou des peuples autochtones du pays — les groupes nationaux. Hier matin, j’ai rencontré le chef national Perry Bellegarde. Nous avons eu un entretien d’environ deux heures qui s’est révélé être des plus positifs, et au cours duquel nous avons parlé de la marche à suivre en matière de réconciliation.
Nous avons également apporté la plume d’aigle en Nouvelle-Écosse afin que les membres et gens du public puissent prêter serment en utilisant la plume plutôt qu’une bible, par exemple.
Dans le cadre de la formation dispensée à l’École de la GRC, nous avons intégré l’exercice des couvertures de KAIROS, exercice auquel je me suis moi-même prêtée. C’est une façon très efficace de visualiser l’histoire des Premières Nations, d’acquérir de l’empathie à leur égard et d’arriver à une meilleure compréhension des éléments en cause. Toutes les nouvelles recrues sans exception doivent suivre cette formation.
Le programme comprend également une formation sur les préjugés culturels qui couvre toutes les nationalités ou toutes les cultures.
Nous avons intégré un nouveau modèle de formation. Si nous faisons quelque chose à l’École de la GRC, nous pouvons passer rapidement d’une génération à l’autre, attendu qu’ils sont 1 200 par année à terminer leur formation. C’est une bonne façon d’intégrer cela.
Nous avons modifié un module pour cibler spécifiquement les personnes disparues et, en consultation avec les peuples autochtones, nous avons fait en sorte que les cas étudiés soient issus des Premières Nations. Nous avons fait intervenir certains processus afin d’enseigner aux recrues comment traiter avec la communauté et comment mieux communiquer avec elle, car ce sont des aspects où, pour certains dossiers, nous avons eu des lacunes. Nous avons donné cette formation.
Chaque membre qui sort de l’école doit suivre la formation de sensibilisation dans les deux ans, et chaque division doit offrir sa propre formation sur les valeurs culturelles, formation qui varie selon l’endroit où elle se donne. Celle que j’ai suivie au Manitoba était axée directement sur les Premières Nations. Il y a eu une cérémonie de la suerie, et des victimes des pensionnats indiens sont venues parler à nos membres afin de les sensibiliser à cet égard.
Je connais très bien le programme Bold Eagle. Nous avons assisté à de nombreux exposés à ce sujet. Lorsque j’étais en Alberta, c’est John McDonald — l’un des représentants du comité consultatif autochtone au service du commandant — qui dirigeait ce programme. C’est quelque chose qu’il nous faudra examiner de plus près.
Nous avons effectivement notre propre programme axé sur les Premières Nations, un programme aux termes duquel des élèves du secondaire de toutes les provinces convergent vers l’École de la GRC pour participer pendant deux semaines à une sorte de camp visant à capter leur intérêt.
Nous avons aussi un autre camp. Aux termes de celui-là, un membre de la communauté et un membre de la GRC sont appelés à se rendre ensemble dans une communauté ou un territoire du Nord qui connaît des difficultés. Ils prennent une semaine pour se pencher sur un problème particulier de leur communauté — il peut s’agir de suicide ou de toxicomanie. Durant cette semaine, ils mettent au point un plan d’action avec des objectifs mesurables puis ils retournent sur place pour tenter de s’attaquer au problème avec les membres de la communauté. C’est un excellent programme.
Pour ce qui est de votre question statistique, sachez que la GRC compte approximativement 1 900 membres issus des Premières Nations, et que 1 500 d’entre eux sont des policiers de première ligne.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.
La sénatrice Wallin : Soyez la bienvenue. Vous avez travaillé très fort, alors je vous félicite, et pas seulement d’accepter ce rôle, mais aussi de vous être engagée — et nous sommes très heureux de vous l’entendre dire — à changer les valeurs culturelles et les attitudes au sein de la force d’ici les cinq prochaines années.
Nous savons également que cela va demander beaucoup de ressources. Je viens d’une région située au nord de Regina, non loin de l’endroit où vous étiez. Ce qui se produit dans les petits détachements, c’est qu’il y a toujours des gens qui sont partis pour quelque raison que ce soit — congé de maternité, congé de paternité, formation, problèmes de santé, et cetera —, et que tous ces détachements très ruraux manquent sérieusement de ressources à l’heure actuelle. Vous devez désormais composer avec des demandes concurrentes, une situation qui risque de s’aggraver avec les enjeux relatifs à la légalisation du cannabis qui s’en viennent.
Serez-vous en mesure de faire tout cela avec les ressources dont vous disposez?
Mme Lucki : Bien entendu, nous avons toujours besoin de plus de ressources, mais nous devons nous assurer que celles que nous avons arrivent à faire ce qu’elles sont censées faire. C’est une partie de la question. Nous sommes au beau milieu d’un examen ministériel. Une partie de cet examen consiste à évaluer les ressources dont nous disposons et ce à quoi nous les employons.
Par exemple, à la Division Dépôt de Regina, avons-nous besoin d’une personne armée ayant suivi une formation de six mois pour nous aider à faire face à la cybercriminalité ou aux crimes économiques? Probablement pas. Y aurait-il moyen d’envisager la chose de façon plus pratique? Au lieu de demander systématiquement à ce membre de haut calibre de faire une chose particulière, principalement, du travail de police de première ligne, pourrait-on utiliser ce membre pour faire précisément cela et se tourner vers des civils pour les autres fonctions?
Nous voulons bel et bien bonifier de nouveau cette division, mais nous devons nous assurer de recruter les bonnes personnes. Cela signifie que nous devons examiner notre façon de recruter et veiller à bien alimenter la bonification envisagée.
À l’École de la GRC, nous nous intéressons tout particulièrement aux cadets. Si ces cadets ont une spécialité, il serait peut-être bon de leur éviter de passer par le travail de policier en uniforme de première ligne. Pour bonifier nos capacités, nous nous intéressons aux autres collèges de police et nous essayons de travailler en parallèle avec eux. Cela nous permet par exemple d’aller chercher les diplômés d’autres écoles qui n’arrivèrent pas à se trouver d’emploi — quelqu’un de l’Académie de police de l’Atlantique, par exemple — et d’établir ce qu’il pourrait leur manquer pour faire partie de la GRC. Au lieu d’un entraînement de six mois, nous pouvons leur donner peut-être trois ou quatre semaines de formation puis les intégrer à notre organisation.
C’est la même chose pour le Collège de Nicolet. Le nombre de cadets qui sortent de cette école est considérable, mais il n’y a pas assez de postes au Québec et dans la région de l’Atlantique pour les employer tous.
Étant donné les pressions constatées dans certaines régions, notamment dans le Nord, nous devons assurément travailler avec nos partenaires contractuels, car lorsqu’il s’agit d’un contrat, le montant d’argent est limité. Nous devons nous assurer d’avoir le bon nombre de personnes pour le type de région visé, tout en tenant compte, le cas échéant, de l’aspect géographique de ladite région.
La criminalité en milieu rural est évidemment une préoccupation de taille. Nous devons nous assurer de nous attaquer à ce problème par le biais des ressources et de la programmation, car nous ne voulons pas toujours être en mode réaction. Nous voulons nous assurer de continuer d’être présents dans les écoles et poursuivre notre travail dans les secteurs vulnérables, comme auprès des jeunes à risque, afin d’éviter que ce genre de choses se produisent.
La sénatrice Wallin : Nous avons vu le gouvernement de la Saskatchewan essayer de réagir aux pénuries. Essentiellement, ils ont réquisitionné des agents de conservation et des agents de circulation. Ce n’est pas quelque chose qui était dans leur programme, et la confiance du public ne s’en porte pas mieux non plus. Essayez-vous d’utiliser ce recrutement dans les autres collèges de police pour pallier ces manques?
Mme Lucki : Oui. Nous voulons des membres à part entière. Toutefois, il n’y a que 1 200 diplômés, et notre taux d’attrition est élevé. Encore une fois, nous devons examiner le recrutement et la rétention. Pourquoi devons-nous recruter davantage? Pourquoi les gens quittent-ils? Il faut vérifier si la rémunération est équitable. On revient toujours à l’histoire de l’œuf et de la poule. Je ne suis même pas certaine de la façon de procéder. Bien souvent, pour attirer les meilleurs, il faut être une organisation hors pair. C’est encore une fois une question de rémunération, mais c’est aussi une question de culture, et il faut mettre les deux ensemble pour être l’employeur de choix.
La sénatrice Wallin : Merci.
Le sénateur Richards : Merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui et félicitations.
Mme Lucki : Merci.
Le sénateur Richards : Je voudrais parler un peu de la tragédie de Moncton. Je ne sais pas ce que les policiers auraient pu faire différemment dans les circonstances. Un agent de la GRC était en train de faire cuire des hamburgers sur son barbecue et il s’est précipité dans sa voiture de patrouille lorsqu’il a entendu qu’on avait besoin de lui. La GRC a été critiquée pour cela et pour son état de préparation. On leur a froidement tendu une embuscade.
Je me demande simplement quelles sont les nouvelles mesures adoptées par la GRC et si elles ont été mises en place.
Mme Lucki : Une des leçons que nous avons tirées de ce qui s’est passé à Moncton est que si nous déterminons qu’il existe un risque pour les agents de la GRC ou pour la population, nous devons y remédier. Une partie du problème à Moncton est que nous avions déterminé qu’il existait un risque et que des carabines devaient être distribuées. Il y avait un plan en place, mais de toute évidence, il ne l’était pas à Moncton à ce moment-là. C’est la critique la plus virulente au sujet de ce qui s’est passé.
Le plan concernant les carabines est maintenant en place; nous avons distribué la majorité d’entre elles et nous avons décuplé la formation. Elle fait partie de la formation donnée à l’École de formation de la GRC. Tous les cadets la reçoivent, ce qui permettra d’améliorer la situation. Si je me souviens bien, notre engagement était d’atteindre 65 p. 100 d’ici cette année, et nous avons maintenant plus de 65 p. 100 de nos membres qui sont formés.
Peut-on éviter toutes ces tragédies? Non. Il y a beaucoup de gens comme la personne de Moncton au sein de notre société. Lorsqu’il y a une combinaison d’éléments défavorables, quelque chose peut arriver. Toutefois, je pense que si nos membres sont bien préparés, qu’ils ont le bon équipement et qu’ils ont reçu la bonne formation, les choses se passeront bien.
Le sénateur Richards : Merci.
La sénatrice Jaffer : Je veux reprendre le fil de ce que disait le sénateur Oh au sujet de la diversité. Lorsque je suis arrivée au pays il y a 42 ans et que j’ai commencé à travailler comme bénévole à la GRC, j’ai été très impressionnée par les efforts qu’on déployait pour comprendre les autres cultures et ce que les gens pouvaient ressentir lors de leurs interactions avec la GRC. Je pensais vraiment à cette époque que la GRC faisait des progrès. Je pense toujours que c’est le cas.
J’entends toutefois des membres parler d’un racisme très subtil lorsqu’il est temps d’obtenir une promotion ou certains postes. Les gens ont l’impression qu’il y a du racisme, et je suis convaincue que vous ne tolérerez pas cela. Vous n’avez sans doute pas eu le temps de vous pencher sur cette question, alors je vais attendre à votre prochaine comparution. Puis-je vous demander toutefois d’examiner cela? En plus des problèmes d’égalité entre les sexes et de harcèlement sexuel, le racisme en est un dont on ne parle pas beaucoup, mais il est certainement présent, tout comme il l’est au sein de la société. C’est le cas dans le sud. Des membres m’ont dit qu’il est difficile pour eux de travailler avec la collectivité et au sein de l’organisation.
Mme Lucki : Vous avez tout à fait raison. Le racisme n’est pas aussi clair et net qu’autrefois. Il n’est plus aussi évident. Il est même presque caché. Ce n’est pas aussi facile de s’en occuper quand il ne vous saute pas aux yeux.
Je pense que si nous amenons les employés à prendre en main leur organisation, ils vont inciter leurs collègues à rendre compte de leurs actes, car s’ils ne le font pas, la personne raciste continuera à sévir sans craindre qu’il lui arrive quoi que ce soit. Les membres doivent prendre la situation en main; les employés doivent prendre la situation en main et dire qu’ils n’acceptent pas cela. C’est très certainement sur mon écran radar. Merci.
La sénatrice Jaffer : Merci, madame la commissaire. On parle beaucoup de créer des lieux sûrs où les gens peuvent porter plainte, afin de ne pas nuire à leurs chances de promotion, leur capacité de rester au sein de la profession — car les gens qui décident de joindre la GRC veulent quitter à la retraite et non pas à mi-parcours. Pourriez-vous me dire si vous avez l’intention de créer un lieu sûr, où les gens peuvent porter plainte et le faire d’une façon qui ne nuira pas à leur carrière, et où des mesures sont prises pour lutter contre le racisme plutôt que de voir la personne quitter la GRC? Puis-je vous demander de vous pencher sur cette question, s’il vous plaît?
Mme Lucki : Oui, je vais examiner la question, bien sûr.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Pour ajouter à ce que vient de dire la sénatrice Jaffer, mais dans un autre ordre d’idées, vous savez probablement que je suis un ancien chef syndical de la Sûreté du Québec. À quelle date avez-vous prévu la première signature de votre convention collective avec le syndicat? J’imagine que vous avez tenu certaines discussions à ce sujet. Il y a la mise en place du syndicat, mais avez-vous prévu une date pour la signature?
[Traduction]
Mme Lucki : Nous avons actuellement deux syndicats qui ont demandé l’accréditation, mais une des exigences à la GRC est qu’il n’y en ait qu’un seul pour l’ensemble du Canada. Un syndicat qui est en train d’obtenir l’accréditation a reçu l’autorisation de procéder à un vote, mais ce vote, si je comprends bien, sera mis en suspens, car le deuxième syndicat qui est du Québec a demandé à être pris en considération. Jusqu’à ce que le conseil ait pris sa décision, les résultats du vote ne seront pas rendus publics. Il n’y aura pas d’accréditation tant que le vote n’a pas été rendu public.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Si je ne me trompe pas, le ministre de la Sécurité publique, M. Goodale, vous avait donné comme mandat, entre autres, d’atteindre la parité hommes-femmes à la Gendarmerie royale du Canada. Cette initiative entraînera sans doute des coûts. Est-ce que le ministre vous a garanti un budget supplémentaire?
Et le cas échéant, comment allez-vous procéder? Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais les forces policières ont, depuis un certain temps, engagé beaucoup de femmes.
[Traduction]
Mme Lucki : Comme je l’ai mentionné précédemment, nous sommes au beau milieu d’un processus d’examen ministériel. Comme nous recevons un financement temporaire depuis très longtemps, le gouvernement veut maintenant avoir une idée précise de notre modèle de financement permanent.
Nous avons donc besoin d’un plan solide. Je parle d’un plan quinquennal, car il est difficile d’envisager un plan plus long. Il n’y en a pas un en place, alors nous avons besoin de ce plan quinquennal.
Une partie du financement permanent ne sera pas précisé, car dans le cadre de mon nouveau mandat, beaucoup de nouveaux éléments ont été inclus dans ma lettre de mandat et il va falloir les examiner. Nous hésitons beaucoup à dire « voici ce dont nous avons besoin, et à plus tard ». Nous devons nous assurer d’englober toutes les nouvelles initiatives, comme vous l’avez si bien dit, pour accroître la diversité, la présence des minorités visibles et l’égalité hommes-femmes.
Quand on parle de diversité, un autre aspect très important pour nous est la diversité des expériences et des modes de pensée. On se tourne donc vers le civil pour certaines tâches à accomplir, afin de ne pas toujours demander à nos membres de s’occuper de tout.
Bien sûr, toutes les initiatives pour lesquelles nous avons besoin de fonds pourraient ressortir dans l’examen ministériel, mais il se pourrait que le Conseil du Trésor nous dise qu’il a besoin de plus d’information et qu’il veut que nous préparions un mémoire au Cabinet ou autre chose. Nous allons suivre tout le processus et déterminer exactement ce que nous devons faire.
Nous sommes au beau milieu de l’examen de notre mandat fédéral également, alors cela en fera partie. Nous aurons peut-être des gens pour le mandat. On pourrait économiser ici, mais dépenser plus là. Nous examinons absolument tout.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, madame la commissaire.
[Traduction]
La sénatrice McPhedran : Madame la commissaire, j’ai une autre question à plusieurs volets, sous le thème général du déploiement à l’extérieur du Canada.
La partie A de ma question porte sur le rôle, par exemple, d’un agent de liaison au sein d’une ambassade, ou peut-être d’un agent de la GRC assigné à une mission de l’ONU. Est-ce que les procédures et les recours auxquels a accès un agent qui se trouve au Canada sont les mêmes que pour celui qui se trouve à l’extérieur du Canada quand il subit du harcèlement? Aurait-il accès au même soutien, aux mêmes procédures et aux mêmes recours potentiels?
Mme Lucki : Je n’en suis pas certaine, mais je suis à peu près convaincue que ce ne sera pas exactement la même chose, parce qu’au Canada, nous avons un très grand réseau de soutien. Ce que je peux vous dire, toutefois, c’est que, grâce aux ordinateurs, le monde est petit. Les gens peuvent avoir accès à toute l’information à laquelle ils auraient normalement accès s’ils se trouvaient dans un bureau de la GRC au Canada. Ce n’est pas le cas des services, bien sûr, mais nous les aiguillons vers les services à leur disposition là où ils se trouvent à l’étranger.
S’ils souhaitent déposer une plainte de harcèlement, la procédure serait la même. Il se pourrait que la cause soit mise en suspens parce que la personne n’est pas en mesure de venir témoigner, et cetera, mais s’il s’agissait de recueillir sa déclaration, nous pourrions très bien le faire même si la personne se trouve à l’étranger.
La sénatrice McPhedran : Ce que j’essaie de savoir est ce qui suit, et je me demande si vous auriez la bonté de pousser votre enquête un peu plus loin. Ma question se résumerait en fait à ceci : est-ce plus difficile pour un membre de la GRC qui est en poste à l’étranger de déposer une plainte s’il subit une forme ou une autre de harcèlement?
Mme Lucki : Je vais très certainement faire du suivi à ce sujet. Je ne pense pas que ce soit plus difficile pour lui de le faire, mais s’il avait besoin de services de soutien psychologique ou de bien-être particuliers, je ne pense pas qu’il aurait accès à la même gamme de services auxquels il aurait accès s’il se trouvait au Canada. Je vais toutefois faire du suivi.
La sénatrice McPhedran : Merci. Je vous saurais gré de nous fournir plus d’information à ce sujet.
Pour la partie B de ma question — il n’y a que les parties A et B —, je veux tout d’abord saluer la sénatrice Jaffer. La sénatrice Jaffer et moi avons beaucoup étudié la question du trafic sexuel, tant au Canada qu’à l’étranger, et les façons de le prévenir et de le contrer. Hier, nous avons témoigné devant le Comité de la justice de la Chambre des communes. Nous en avons parlé toutes les deux et nous sommes d’accord.
Ma question porte sur quelque chose que nous souhaiterions toutes les deux beaucoup voir se concrétiser. Seriez-vous prête à encourager le déploiement d’agents de liaison de la GRC dans les ambassades et les hauts commissariats? Si je vous pose la question, c’est notamment parce que j’ai travaillé dernièrement dans notre ambassade en Thaïlande et j’ai passé du temps avec des agents de liaison de la GRC qui s’occupent principalement de tourisme et de trafic sexuels dans le cadre de leurs affectations.
Ma question vise donc à savoir si vous seriez prête à envisager de déployer un agent dédié à ce dossier dans les pays où nous constatons que des Canadiens se rendent régulièrement pour s’adonner au tourisme sexuel et souvent, par le fait même, exploiter activement des enfants en les forçant à se soumettre à leurs caprices sexuels.
Mme Lucki : Oui, je vais certainement soumettre l’idée à notre dirigeant de la police fédérale. Il se pourrait qu’il examine déjà la question, mais je vais faire du suivi à ce sujet.
La sénatrice McPhedran : Je pense que nous sommes toutes les deux arrivées à la conclusion, à la lumière de notre expérience, qu’un poste de ce genre est vraiment nécessaire dans certains hauts commissariats et ambassades clés.
Mme Lucki : Excellent. C’est une bonne idée.
La sénatrice McPhedran : Merci.
La présidente : Je vais en profiter ici pour poser une question.
Madame la commissaire, j’aimerais savoir où vous en êtes au sujet du comité consultatif sur les questions autochtones. Certains de vos prédécesseurs avaient un comité de conseillers externes. Pouvez-vous me dire si ce comité existe encore?
Mme Lucki : Ce comité est encore bien vivant.
La présidente : J’en suis heureuse.
Mme Lucki : J’étais censée en fait rencontrer ses membres — je ne suis pas certaine — peut-être pendant la réunion. Non, je blague. Je suis censée les rencontrer bientôt. Oui, le comité existe encore. Chaque division a son propre comité, et j’en ai fait partie également. Dans toutes les divisions où j’ai travaillé, il y avait toujours un comité divisionnaire qui faisait rapport au comité national.
La présidente : Nous n’avons plus que quelques minutes. La sénatrice Jaffer a indiqué avoir une question. Essayons d’être brefs.
La sénatrice Jaffer : Je remercie la sénatrice McPhedran d’avoir soulevé la question du tourisme sexuel. Ce que j’ai constaté en allant dans ces régions — et la sénatrice en a parlé également — c’est qu’en Malaisie, par exemple, vous avez quelqu’un d’intégré à l’ambassade et qui ne s’occupe que du trafic. Comme vous le savez, une personne peut être poursuivi au Canada pour trafic ou tourisme sexuels à l’étranger.
Lorsque l’enquête est menée par les agents de la GRC, nul besoin de vous en convaincre, cela facilite les poursuites, et cela envoie aussi un message clair aux Canadiens qu’ils ne peuvent pas exploiter les enfants, que ce soit ici ou à l’étranger. Les ambassades de la République dominicaine, de la Thaïlande, des Philippines, de la Malaisie et du Vietnam sont celles auxquelles il faudrait penser.
Je n’ai qu’une minute et j’ai toute une liste de choses que je demande. Pardonnez-moi. C’est la première fois. J’aurai probablement toujours quelque chose à vous demander. Lorsque j’étais l’envoyée au Soudan, je me suis rendue avec des agentes de la GRC au Darfour où on leur a remis des trousses de prélèvement en cas de viol et on leur a enseigné comment mener des enquêtes. Je suis retournée au Soudan dernièrement, il y a un peu plus d’un an, et on m’a dit que c’était la meilleure chose qu’ils aient, pas seulement au Darfour, mais dans d’autres régions du Soudan. J’ai entendu dire qu’on utilisait aussi la trousse en Ouganda.
Dans le cadre de vos activités internationales, pouvez-vous examiner cela également? Leur enseigner comment enquêter et utiliser les trousses leur a vraiment rendu service. Je vous demande d’ajouter cela à votre liste. Je m’excuse de vous donner tellement de travail.
Mme Lucki : Non, ça va. En tant que commandante divisionnaire de l’École de formation de la GRC, je trouve extraordinaire de voir le nombre de pays qui viennent voir ce que nous faisons et qui veulent apprendre. Nous travaillons activement en ce moment en Ukraine, et beaucoup de nos initiatives portent sur l’égalité hommes-femmes et sur la façon de mener des activités policières dans une société démocratique.
Quand nous arrivons à faire avancer les causes, c’est toujours fantastique.
La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup.
La présidente : Madame la commissaire, nous sommes juste à temps pour votre heure de fin à 13 heures. Je veux vous remercier d’avoir comparu devant le comité et de nous avoir fait part de votre point de vue. Je sais que tous les membres du comité se joignent à moi pour vous souhaiter beaucoup de succès dans le défi qui vous attend, et nous avons hâte de vous revoir, un peu plus tard, pour discuter d’autres sujets. Merci beaucoup.
Mme Lucki : Je serai très heureuse de revenir chaque fois que ce sera nécessaire. Je reviendrai avec plaisir. J’ai parlé à la sénatrice Wallin lors d’une autre activité, mais bien sûr, je ne connais pas très bien Ottawa et je dois encore apprivoiser la bête. Je ne sais pas si je suis censée parler d’une bête.
La sénatrice Wallin : Vous le pouvez, oui.
Mme Lucki : D’accord. Ce sera la grande citation du jour.
Si vous pensez à quelque chose qui peut aider la GRC, n’hésitez pas à m’en faire part. On ne la voit peut-être pas beaucoup à Ottawa, mais je suis allée dans beaucoup d’autres divisions, et les gens aiment la GRC. Je dis à mon personnel : « Ne me demandez pas comment réparer les pots cassés, car je vais vous répondre qu’il n’y a pas de pots cassés. » Il n’y en a pas.
Avons-nous besoin d’innover et de nous moderniser? Tout à fait, mais nous aurions dû le faire il y a 100 ans, 50 ans, et nous devons le faire aujourd’hui, et nous allons devoir le faire dans 10 ans. Il n’y a pas de pots cassés et je ne suis pas ici pour réparer quoi que ce soit. Par contre, nous devons nous éloigner des expériences passées, et si nous ne le faisons pas, honte à nous. Si vous avez de bonnes idées qui peuvent m’aider à faire avancer les choses, n’hésitez pas à m’appeler.
La présidente : Merci beaucoup, madame la commissaire.
(La séance se poursuit à huis clos.)