Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 3 - Témoignages du 3 mai 2016
OTTAWA, le mardi 3 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour poursuivre son étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte.
[Traduction]
Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
[Français]
L'un des objectifs de nos réunions publiques est d'examiner la façon de répartir de manière optimale les risques et les bénéfices dans l'ensemble du Canada.
[Traduction]
Je désire souhaiter la bienvenue à notre témoin, M. Chris Bloomer, président et chef de direction de l'Association canadienne des pipelines d'énergie. Monsieur Bloomer, la parole est à vous.
Chris Bloomer, président et chef de direction de l'Association canadienne des pipelines d'énergie : Bonjour et merci. Je tiens à vous remercier tous de me permettre de vous parler aujourd'hui de cette importante question. J'attends avec impatience le moment de répondre à vos questions et de discuter avec vous.
La CEPA représente les 12 grandes sociétés de réseaux pipeliniers du Canada. Ces sociétés assurent le transport de 97 p. 100 de l'énergie, du gaz naturel et des hydrocarbures produits au Canada, transportés à l'intérieur du Canada et exportés aux États-Unis. Elles exploitent environ 119 000 km de pipelines, ce qui est énorme. Pour vous en donner une idée, ce chiffre représente probablement trois fois le tour de la terre.
Nous exploitons depuis maintenant 60 ans un réseau pipelinier énorme.
Ces autoroutes de l'énergie sont des vecteurs de croissance et de prospérité économique; nous pouvons tous en convenir, je crois. Ainsi, pour la seule année 2015, les activités liées aux réseaux pipeliniers ont ajouté 11,5 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada, permis de maintenir 34 000 emplois à temps plein et généré environ 2,9 milliards de dollars en revenus de travail. On estime à 175 milliards de dollars, et c'est une estimation prudente, la contribution totale de ces activités au PIB pour les 30 prochaines années; et on ne parle que du réseau pipelinier actuel.
Voilà pourquoi l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique est cruciale pour le bien-être économique des Canadiens. Nous devons veiller à obtenir la meilleure valeur pour nos ressources naturelles et faire en sorte que les Canadiens aient accès à une source d'énergie sûre.
Il faut régler de nombreuses questions pour faciliter l'accès au marché, et nous avons bonne confiance que votre comité explorera chacune d'elles en profondeur. En ce qui nous concerne à la CEPA, nous nous concentrons sur trois points cruciaux pour amener la population à avoir confiance dans l'infrastructure des pipelines. Il faut d'abord que les Canadiens aient confiance dans le régime de surveillance réglementaire auquel nos réseaux pipeliniers sont soumis. Il faut ensuite qu'ils soient persuadés que notre industrie satisfait aux exigences réglementaires ou qu'elle les dépasse. Enfin, il faut qu'ils soient convaincus que la surveillance réglementaire et les engagements pris par l'industrie se traduisent par un degré élevé de sécurité et de performance environnementale qui garantit que les projets peuvent être exécutés de façon durable et avec un risque minimal pour l'environnement.
Je vais parler de la confiance de la population dans le processus réglementaire. La population doit avoir confiance dans la surveillance réglementaire des sociétés de réseaux pipeliniers. En effet, elle n'acceptera les grands projets que s'ils sont menés au moyen d'un processus équitable et fondé sur la science qui lui inspire confiance.
Au cours des dernières années, les attentes des intervenants et de la population ont augmenté. Nous pouvons tous le constater, je crois. Les intervenants ont cherché à obtenir à juste titre qu'on leur donne l'assurance que la surveillance réglementaire est solide et exhaustive et que leurs points de vue seront pris en considération.
Ce qu'on oublie souvent dans ces échanges, c'est que les pipelines constituent la méthode de transport la plus sûre et la plus efficace. Il en est ainsi non seulement en raison des engagements pris par toutes les sociétés pour améliorer la sécurité et la performance environnementale des pipelines, mais également en raison de la réglementation solide dans le cadre de laquelle les pipelines sont approuvés et exploités.
Tous les aspects de la vie utile des pipelines — et c'est important de voir la chose sous cet angle, parce que les sociétés considèrent que les projets ont une vie utile, une longue vie —, depuis leur conception et la construction jusqu'à l'exploitation et l'aliénation, sont assujettis à la surveillance stricte d'organismes réglementaires et de ministères gouvernementaux. Les règlements détaillés et complets des gouvernements fédéral et provinciaux font en sorte que les pipelines sont sûrs et qu'ils sont exploités dans l'intérêt public.
Depuis près de 60 ans, la réglementation des pipelines qui traversent les frontières provinciales ou fédérales relève principalement de l'Office national de l'énergie. Au cours de cette période, l'office a exercé un suivi pour l'approbation de milliers de kilomètres de pipelines au Canada et surveillé la vie utile de chaque pipeline relevant de son autorité. Dans chaque cas, il y a une réglementation qui garantit que les normes les plus élevées de protection de l'environnement et de sécurité pour les humains sont respectées. Il ne faudrait pas sous-estimer la valeur des connaissances et de l'expertise de cet organisme fédéral. L'évaluation environnementale détaillée que fait l'office de grands projets ainsi que l'expérience et l'expertise qu'il a acquises en font l'organisme de réglementation le mieux placé pour prendre des décisions à l'intérieur d'un processus unique.
Beaucoup des changements apportés par le Canada à sa réglementation environnementale en 2012 ont amélioré la clarté, l'équité, la rapidité et l'efficacité du processus et réduit les risques tout en préservant de bons résultats sur le plan environnemental. Les nouvelles règles ont également amélioré la coordination entre l'ONE et les organismes provinciaux, réduit les chevauchements et permis de coordonner la délivrance rapide des permis; elles ont aidé à éviter les complications inutiles, les retards et les ambiguïtés. Au nombre des autres améliorations apportées par ces changements, on compte des mécanismes d'exécution clairs et des règles qui permettent des mesures de conservation, comme la constitution de banques d'habitats, des accords de conservation et l'amélioration des habitats.
Le gouvernement est en train de revoir la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012) et envisage de moderniser l'Office national de l'énergie, nous ne pouvons donc pas perdre de vue qu'il faut trouver un juste équilibre entre une surveillance environnementale solide et une réglementation claire et efficace. Pour regagner la confiance de la population, nous devons trouver ce juste équilibre en misant sur ce qui donne de bons résultats et en améliorant ce qui laisse à désirer.
Je vais maintenant parler de ce que les sociétés de réseaux pipeliniers font pour aller au-delà des exigences réglementaires.
Même si la surveillance réglementaire des pipelines est déjà de classe mondiale, les membres de la CEPA savent bien que, pour gagner et conserver la confiance de la population, ils doivent s'employer à s'améliorer constamment et à dépasser les exigences réglementaires actuelles. Ils savent également que, pour y parvenir, ils doivent obtenir la collaboration de tous.
Voilà pourquoi la CEPA a mis sur pied son programme Priorité intégrité, qui a constitué une évolution cruciale pour notre industrie. Grâce à ce programme, les sociétés de réseaux pipeliniers peuvent collaborer et choisir la meilleure méthode pour atteindre et dépasser les résultats attendus avec la réglementation. Le programme incite également les membres de l'association à travailler étroitement les uns avec les autres pour définir et mettre en œuvre les pratiques idéales qui permettent d'aller au-delà des exigences réglementaires et d'apporter toujours des améliorations. Cette recherche constante d'améliorations donne de bons résultats parce qu'elle permet aux sociétés d'employer des spécialistes pour décider des méthodes à employer afin d'exploiter les pipelines de façon sûre, avec le moins de risque possible pour les travailleurs, la population et l'environnement.
Nos membres collaborent entre eux également pour mettre en œuvre un certain nombre d'autres pratiques novatrices. Ils ont conclu en outre des ententes qui ont contribué à améliorer constamment le rendement au niveau de la sécurité; citons, à titre d'exemple, l'entente d'assistance mutuelle, signée par tous les membres de la CEPA. L'entente fournit un cadre qui permet aux sociétés de demander l'aide des autres en cas de situation d'urgence. L'aide peut prendre diverses formes, ce peut être du personnel, de l'équipement, des outils ou encore un avis de spécialiste. En cas d'urgence, tous les membres de la CEPA suivent les protocoles standards du SCI pour que les équipes d'intervention puissent travailler en interopérabilité, ce qui est essentiel dans les situations de crise.
Toutes ces mesures de collaboration auxquelles s'ajoutent les investissements particuliers pour améliorer la sécurité des opérations et des technologies ont permis d'obtenir un rendement au niveau de la sécurité dont nos sociétés peuvent être fières.
Environ 53 fuites de gaz naturel et de liquides ont été rapportées par les sociétés membres de la CEPA en 2015, et 66 p. 100 de ces fuites se sont produites à l'intérieur des installations des pipelines, et non dans les pipelines mêmes; elles étaient mineures, certaines aussi faibles que des trous d'épingles, et présentaient donc très peu de risques pour la population ou pour l'environnement. Ces incidents sont extrêmement rares, compte tenu des volumes transportés et de la période de temps concernée. Les volumes sont d'environ 1,2 milliard de barils de pétrole brut par année et d'environ 3,4 billions de pieds cubes de gaz par année, ce qui représente des quantités énormes. En fait, 99,99 p. 100 du pétrole et du gaz qui entre dans le système de transport est livré en toute sécurité aux marchés. La nature des incidents n'a pas été catastrophique, et seulement un, plus important, qui a eu des répercussions sur l'environnement, a été rapporté.
Quelle que soit la gravité d'un incident, nos membres sont désireux et capables de réagir efficacement afin de remédier à toutes les conséquences possibles pour l'environnement et la population. Ces résultats remarquables ne nous amènent pas à relâcher notre vigilance pour autant; en effet, nous continuons de prendre au sérieux nos obligations à l'égard de l'excellence dans nos opérations et de la protection de l'environnement. En fait, pour ce qui est de la sécurité et de l'amélioration continue, les premiers dirigeants des sociétés qui composent le conseil d'administration de la CEPA ne sont pas en concurrence les uns avec les autres. Autrement dit, les sociétés ne se font pas concurrence pour la sécurité. La sécurité est la priorité absolue pour chacune. Si une société est aux prises avec un incident, toutes les autres le sont également. Tous les coûts d'assurance de l'intégrité et de l'entretien des pipelines se répercutent sur les droits facturés aux producteurs; les sociétés n'ont donc aucun intérêt concurrentiel à négliger la sécurité. En fait, les sociétés dépensent plus de 1,3 milliard de dollars chaque année en mesures d'intégrité des pipelines.
En terminant, j'aimerais dire que la CEPA et ses membres sont heureux que le comité se penche sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique. Les Canadiens ont toujours mis en place une infrastructure solide pour transporter leurs produits à l'intérieur du Canada et dans le reste du monde. Du chemin de fer du Canadien Pacifique à la Voie maritime du Saint-Laurent, à la Transcanadienne et au réseau pipelinier de TransCanada, nous avons réalisé et entretenu un vaste patrimoine de projets nationaux rassembleurs. L'infrastructure est la plateforme sur laquelle repose notre prospérité, et les pipelines de transport sont partie intégrante de ces biens publics essentiels.
Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions et de discuter avec vous.
Le président : Merci, monsieur Bloomer. Je sais que vous connaissez la plupart des membres de notre comité, mais j'aimerais présenter chacun d'eux au bénéfice des gens qui nous suivent sur le Web. Nous avons un sénateur de Halifax, M. Stephen Greene, le sénateur Black de l'Alberta, le sénateur Eggleton de Toronto, le sénateur MacDonald de la Nouvelle-Écosse, la sénatrice Unger de l'Alberta, et, finalement, le sénateur Doyle de Terre-Neuve-et-Labrador, qui sera le premier à vous interroger aujourd'hui.
Le sénateur Doyle : Merci, monsieur Bloomer, de votre exposé. Il était très intéressant. J'ai deux ou trois questions à vous poser.
J'ai remarqué que l'ancien premier ministre Brian Mulroney s'est prononcé dernièrement sur la nécessité d'acheminer les ressources naturelles jusqu'aux côtes et sur les marchés internationaux. Selon lui, il faudrait peut-être organiser un sommet national regroupant des responsables des gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que des responsables autochtones pour discuter de la réglementation sur les pipelines et du processus d'approbation et pour essayer de trouver un terrain d'entente qui nous permettrait d'aller de l'avant. Trouvez-vous quelque mérite à la suggestion de M. Mulroney de convoquer un sommet national sur cette question alors que l'industrie souffre actuellement de toutes les coupures imposées au niveau local dont nous entendons parler? Croyez-vous que des progrès pourraient être réalisés si nous donnions suite à sa suggestion?
M. Bloomer : C'est un point intéressant. À mon avis, il est toujours important d'avoir beaucoup de communications et les tribunes qui permettent de tenir une discussion nationale sont très importantes également. Je crois qu'elles peuvent aider les gens à se comprendre les uns les autres, à acquérir des connaissances et, ainsi, à en venir à trouver un terrain d'entente.
Toutefois, nous avons un processus réglementaire maintenant et c'est à l'intérieur de ce processus que nous évoluons; or, celui-ci n'exclut pas la consultation. Nous avons de nouvelles règles provisoires pour deux projets qui permettent d'améliorer les consultations; elles ont donné lieu à une évaluation des gaz à effet de serre. Ces processus constituent un prolongement du processus réglementaire.
Je ne voudrais pas d'un forum international qui remplacerait ce qui est déjà en place, mais je crois qu'un tel forum pourrait être utile à l'avenir. Nous avons besoin de voir les résultats du processus actuel.
Le sénateur Doyle : La Commission de l'énergie de l'Ontario a déclaré, dans son rapport de 2015, qu'il y a un déséquilibre entre les risques économiques et environnementaux d'un projet comme celui d'Énergie Est et les avantages que les Ontariens peuvent en attendre. Pouvez-vous vous prononcer là-dessus?
M. Bloomer : Si on regarde les avantages économiques, directs et indirects, pendant la construction et après, partout dans la province — et tout particulièrement avec Énergie Est, depuis le Nouveau-Brunswick jusqu'en Alberta — toutes les provinces profitent à un niveau élevé d'un tel projet, tant à l'étape de la construction qu'à celle de l'exploitation du pipeline. Il y a des avantages à tirer du projet sur toute la ligne.
Pour ce qui est des risques relatifs, les pipelines sont sûrs. Le bilan de ces installations est impeccable. Le fait est toutefois que nous devons faire davantage. Il faut donc, à mon avis, informer davantage la population sur le fait que les pipelines ne présentent pas de dangers.
Le sénateur Black : Monsieur Bloomer, merci beaucoup de comparaître devant nous aujourd'hui et merci pour le travail que vous faites au nom des Canadiens. J'ai trois questions, si le président veut bien se montrer indulgent avec moi.
La première est de nature générale et fait suite aux commentaires formulés la semaine dernière par le PDG de la société TransCanada, M. Girling. Celui-ci se demande s'il convient de tenir compte des émissions de gaz à effet de serre des pipelines dans le processus d'approbation de ces installations. Pouvez-vous vous prononcer là-dessus?
M. Bloomer : La CEPA est d'avis que l'inclusion des gaz à effet de serre dans l'évaluation des projets pipeliniers n'est pas appropriée. Je crois que c'est ce que disait M. Girling.
Il importe de se rappeler que les réseaux pipeliniers du Canada n'émettent pas une quantité importante de gaz à effet de serre, loin de là même, et qu'ils sont probablement parmi les plus efficaces au monde pour ce qui est de la gestion des émissions de gaz à effet de serre. Nos pipelines affichent un excellent bilan et ils n'ont pas de répercussions importantes sur l'environnement.
Nous n'estimons pas que la décision d'inclure les émissions de gaz à effet de serre dans l'évaluation des projets pipeliniers soit avisée. Premièrement, la question relève des provinces, qui ont des règles à ce sujet. Deuxièmement, si les projets sont approuvés, c'est qu'ils satisfont aux exigences environnementales de la région productrice. Les pipelines sont là pour servir les marchés.
Le sénateur Black : Merci. Ma prochaine question porte sur le moratoire relatif aux réservoirs proposé sur la côte Ouest du Canada. Pouvez-vous nous faire part de la position de votre association à ce sujet?
M. Bloomer : Je crois que le moratoire n'est que cela, un moratoire; la situation n'est pas permanente. Je crois que la question doit faire l'objet de beaucoup de discussions. Nous dirions que le transport maritime du pétrole brut se fait de façon sûre partout dans le monde. Tel est le cas sur la côte Est, aujourd'hui. Alors, imposer des restrictions dans une région comme celle-là n'est pas juste. Il y a des gens, dont certaines Premières Nations, qui ne voudraient pas qu'une telle chose arrive non plus.
Le sénateur Black : Merci. Ma dernière question porte sur les conséquences qu'il y aurait pour le Canada, selon vous, si les projets pipeliniers des côtes Atlantique et Pacifique devaient ne pas être approuvés.
M. Bloomer : Je crois que les conséquences seraient multiples. Tout d'abord, nous serions bloqués à l'intérieur de notre marché actuel et ne pourrions pas obtenir la meilleure valeur pour nos produits, ce qui serait dommageable pour l'économie canadienne. Nous parlons de dizaines et de centaines de milliards de dollars avec le temps. Nous devons avoir accès aux autres marchés pour obtenir la meilleure valeur et pour développer nos ressources.
Nous laisserons ainsi entendre clairement que le Canada n'est pas ouvert aux affaires dans ce domaine. Je crois que notre capacité d'attirer des capitaux dans le secteur de l'énergie s'en trouverait gravement limitée. Si nous ne pouvons pas produire de l'énergie et l'amener sur les marchés, les gens n'investiront pas dans le secteur. À long terme, une telle situation serait très dommageable pour le gouvernement et pour les Canadiens. Le plus grand investissement qui se fait actuellement là-bas est probablement dans ces projets et dans les réseaux pipeliniers.
La sénatrice Unger : L'organisation de lutte contre les combustibles fossiles a fait beaucoup de dommages avec son message anti-pétrole. En fait, le chef de Cabinet du premier ministre a parlé plusieurs fois de fermer le secteur des hydrocarbures.
Tout d'abord, je crois que le secteur du pétrole ou le gouvernement ont fait des erreurs qui ont donné un élan important aux militants anti-pétroles. À quoi attribuez-vous l'appui accru de la population à leur cause?
M. Bloomer : C'est une question très large et complexe. Au cours des 10 dernières années, différents points ont été soulevés. Des phénomènes importants sont apparus, comme les médias sociaux, les changements climatiques, la notion de ressources renouvelables, et ainsi de suite. Les sables bitumineux ont réellement fait l'objet de beaucoup d'attention négative. Je crois que les groupes qui s'opposent à cette source d'énergie sont financés de l'extérieur, et il a été très difficile de les gérer.
Le problème tient en partie à ce que nous — j'utilise le « nous » ici — n'avons pas été sensibilisés à la valeur de ces ressources et à ce que fait l'industrie depuis longtemps en matière d'innovation, de développement, et cetera.
L'avancée la plus importante survenue dans le secteur pétrolier au cours des cinq dernières années est la fracturation hydraulique en plusieurs étapes. Qu'on l'aime ou non, ce mode d'extraction a eu une incidence très importante sur l'approvisionnement énergétique partout dans le monde; ce sont les sociétés de ce secteur qui ont élaboré cette technologie et qui ont apporté des améliorations constantes aux activités des sables bitumineux. Si on regarde comment les choses étaient faites il y a 10 ans comparativement à aujourd'hui, on voit que des changements énormes ont été apportés à la façon dont les opérations sont menées, développées, et cetera. Les activités des sociétés gagnent en efficacité et en compétitivité.
Je crois que nous devons mieux nous renseigner de sorte que, lorsque des gens tenteront de faire valoir que nous ne devrions pas exploiter ces ressources, nous ayons les connaissances nécessaires pour pouvoir leur prouver le contraire.
La sénatrice Unger : Il y a plus de 10 ans, je dirais 15 ans, j'ai visité les sables bitumineux, et j'ai été impressionnée par la façon dont les trous étaient creusés, les couches de terre situées en dessous de la terre végétale mises de côté soigneusement et les trous remblayés après coup. Sincèrement, le résultat final donnait l'impression qu'un parc avait été aménagé à cet endroit. On n'aurait pas pu dire où on avait creusé au départ. Des arbres poussaient et il y avait des animaux. C'était comme s'il n'y avait jamais eu d'intervention humaine.
Je crois tout d'abord que les sociétés pipelinières doivent mieux travailler, mais j'aimerais savoir comment elles réagiront pour se rattraper, étant donné que les faits ne comptent pas, que les gens ne se soucient pas de s'informer et que nous sommes dans cette situation.
M. Bloomer : Je crois, là encore, qu'il faut pouvoir raconter ce que nous avons fait et tous les progrès que nous avons accomplis. J'ai réalisé sur place des projets de sables bitumineux et je sais à quel point la réglementation est solide; je connais bien également les mesures que nous prenons pour réduire au minimum la consommation de l'eau, les unités d'énergie consacrées à la production — toutes ces choses. Nous devons faire connaître la vérité. Nous devons gagner la confiance de la population, mais nous ne pouvons gagner cette confiance que par la transmission des connaissances.
La sénatrice Unger : Quelle est l'humeur générale des sociétés pipelinières? Vous représentez l'industrie dans son ensemble, fondamentalement. Comment se sent-elle? Est-elle optimiste, est-elle désespérée, ou les deux en même temps?
M. Bloomer : Tout d'abord, il s'agit de principes : les gens du secteur de l'énergie sont des gens qui prennent des risques. Ils acceptent qu'il y ait des hauts et des bas. Nous avons manœuvré en eaux calmes et en eaux troubles et nous avons mis au point, grâce à la technologie, des façons d'être concurrentiels. Nous sommes toujours optimistes quant à notre capacité de concurrencer les autres. Je dirai que nous sommes déterminés devant l'adversité. L'industrie est en crise actuellement, et je crois que la situation qui a cours commence à lui porter atteinte de plus en plus. Je crois que nous aurons un gros problème si nous ne trouvons pas une façon d'amener nos produits sur les marchés et si nous ne voyons pas que cette évolution apportera une valeur ajoutée. Il faut continuer d'attirer les capitaux dans notre pays et dans nos sociétés. Nous avons de la détermination, mais nous vivons une crise.
Le sénateur Eggleton : Vous avez indiqué — et c'est très évident pour nous tous — que vous devez gagner et conserver la confiance de la population concernant le respect de la sécurité et diverses autres questions et que diverses collectivités et diverses populations autochtones sont concernées par vos projets.
M. Bloomer : C'est exact.
Le sénateur Eggleton : Un témoin qui s'est présenté devant nous a laissé entendre que la question ne se limite vraiment pas à l'information et à la sensibilisation. Ce qu'il faut réellement, c'est développer davantage un partenariat avec les gens afin d'obtenir leur collaboration pour l'ensemble du projet, au lieu de simplement les considérer comme des intervenants, ou adopter l'attitude du « nous » et « eux ». Naturellement, il y a la question dont nous avons entendu parler dernièrement, soit l'acceptabilité sociale.
Comment estimez-vous que votre industrie devrait aller de l'avant? Qu'est-ce que vos membres sont prêts à faire pour essayer d'inclure les peuples autochtones et les collectivités en général dans un partenariat au lieu de les considérer comme des intervenants et de continuer à parler en termes de « nous » et « eux »? La personne qui nous a parlé de cela, je crois à notre dernière réunion, a indiqué que certains progrès ont été accomplis à cet égard, qui ont donné des résultats réels.
M. Bloomer : Absolument. Je vais vous donner trois exemples.
Parlons d'abord du réseau d'exploitation des pipelines. Les sociétés traitent chaque jour avec des collectivités et des populations autochtones. Elles ont des ententes avec elles. Elles mènent des affaires avec elles. La société Kinder Morgan, par exemple, a conclu des accords avec les Premières Nations pour le passage de son pipeline. Les Premières Nations ont la responsabilité d'entretenir le droit de passage, d'intervenir en cas de situation d'urgence et ce genre de choses; elles participent donc à l'activité économique locale, et ce, jour et nuit, sept jours sur sept. Toute cette activité donne lieu à une interaction, à des consultations et à des profits partagés.
Deuxièmement, il y a beaucoup de consultations et des accords du même genre sont conclus pour les nouveaux projets. Je crois que vous parlez d'une participation directe aux pipelines; il y a des cas où cela peut arriver et pour lesquels des discussions ont cours actuellement. Je ne sais pas à quelle étape elles en sont, mais c'est certainement quelque chose qui se parle actuellement.
Comme troisième exemple de ce que l'industrie peut faire pour établir un meilleur lien avec les collectivités et aller au-delà de la sensibilisation, je vais vous parler d'une initiative de la CEPA. L'organisation a conclu un protocole d'entente avec l'Association canadienne des chefs de pompiers, à laquelle les chefs de pompiers des Premières Nations appartiennent, qui porte sur les interventions en cas d'urgence au niveau local. Nous avons eu quatre projets pilotes — à Hamilton, Kingston, Québec et Montréal — auxquels des chefs de pompiers, des politiciens, des premiers répondants et d'autres intervenants ont participé pour expliquer les mesures d'urgence, comment les choses fonctionnent, ce qui se produit, quels sont les risques, et ce genre de choses. Nous avons obtenu un succès immense. Les gens sortaient des séances en disant « D'accord, je comprends maintenant. » Compte tenu de ce succès, nous commencerons à organiser de telles séances pour les collectivités d'un peu partout au pays et nous pourrons, je crois, établir un lien avec les chefs de pompiers, qui jouissent à l'évidence d'une grande crédibilité et d'un grand respect. Je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus.
C'est agir en partenariat à la fois de parler des pipelines et de communiquer avec les gens pour leur dire : « Voici la situation. Voici comment nous faisons les choses. Voici le niveau de risque », en faisant connaître jusqu'à la personne à joindre et jusqu'à la façon de l'informer. Voilà une façon très constructive, je crois, de sensibiliser les collectivités et d'établir une interaction réelle et positive avec elles, y compris avec les Premières Nations. Les systèmes actuels, le processus réglementaire et certaines initiatives prises par l'industrie collectivement aideront.
Le sénateur Eggleton : Merci.
Il y a également la question des facteurs de risque par rapport aux avantages dans les différentes provinces par lesquelles les pipelines passent, et tout particulièrement le pipeline de l'Est. La Commission de l'énergie de l'Ontario a indiqué, je crois, que les avantages et les risques ne correspondent pas ou que les avantages ne sont pas suffisants pour compenser les risques. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. Bloomer : Comme je vous en ai parlé, je dirais que les avantages liés à la construction et à l'exploitation des pipelines sont répartis très également dans l'ensemble du pays. Un rapport que nous avons commandé montre que les avantages des projets de Trans Mountain et d'Énergie Est se répartissent comme suit : 20 p. 100 pour le Québec, 23 p. 100 pour le Nouveau-Brunswick, 16 p. 100 pour l'Ontario, 16 p. 100 pour l'Alberta et 14 p. 100 pour la Colombie- Britannique. Il s'agit de répercussions directes sur le PIB dans ces régions. C'est la répartition la plus égale qu'on peut obtenir, je dirais. Il y a des avantages à long terme.
Les risques sont très minimes. Je crois qu'on présente toujours les risques comme étant catastrophiques, irrémédiables, permanents. Or, l'industrie exploite les pipelines en étant toujours prête à intervenir en cas de problèmes. Tout le monde a un plan d'intervention en cas d'urgence. Ces plans sont maintenant rendus publics par l'ONE. La population y a maintenant accès, c'est nouveau. Les risques sont donc faibles. Ils sont gérables. Ils ont une fin dans le temps et on peut y remédier.
Je crois qu'en dépeignant les risques comme étant catastrophiques, on occulte les discussions sur les avantages des pipelines. Il ne s'agit tout simplement pas de risques potentiels de milliards de dollars.
Le sénateur Eggleton : D'accord. Merci.
Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur Bloomer. C'est agréable de vous revoir. J'ai deux ou trois questions. Une des critiques du gouvernement précédent et peut-être de celui-ci tient à ce que nous sommes un peu trop activistes lorsque vient le temps de promouvoir les pipelines. Or, je suis d'avis que nous ne sommes pas suffisamment proactifs.
Nous avons toutes sortes de corridors dans notre pays sur lesquels notre infrastructure repose — les corridors d'électricité, les corridors de pipelines, l'autoroute et le chemin de fer. L'industrie pétrolière a-t-elle utilisé suffisamment les corridors existants pour faire la promotion des nouveaux pipelines et pour établir de nouvelles routes pour notre pétrole?
De façon compréhensible, dans certaines circonstances, les gens sont préoccupés lorsque nous commençons à construire de nouveaux pipelines dans des terres vierges, même si je crois que les pipelines sont sûrs. Or, il n'y a pas de telles préoccupations lorsque vous utilisez au maximum les corridors existants. L'industrie en a-t-elle fait assez pour aider à soulager les préoccupations de la population en utilisant ces corridors parce que les gens ne pourraient pas se plaindre que nous utilisons des terres vierges? Les terres sont déjà utilisées à pleine capacité.
M. Bloomer : Je dirais que la toute première chose que nous regardons est : quel est le point A et quel est le point B? Quelle est la meilleure façon d'acheminer le produit du point A au point B? C'est assurément la première chose que nous examinons; alors, lorsque nous faisons bifurquer un pipeline ou que nous le prolongeons au lieu d'en construire un neuf, c'est que nous utilisons un corridor de pipeline existant.
Les corridors des chemins de fer et de transport d'électricité sont des corridors particuliers pour ces secteurs particuliers. Je crois que ces secteurs les gèrent de la façon la plus efficace possible, et les sociétés pipelinières cherchent à en faire autant de leur côté.
Il faut tenir compte des points de livraison, tout spécialement à l'extérieur du pays. Il faut de nouvelles installations pour les nouveaux marchés.
Toutefois, lorsqu'il est possible d'utiliser des installations existantes, comme cela est le cas d'Énergie Est au Nouveau- Brunswick, les sociétés le font. Je crois qu'il faut regarder cela autant que possible et je crois que c'est ce qui se fait.
Le sénateur MacDonald : Avant de vous poser ma deuxième question, je voudrais simplement obtenir une précision : vous avez dit que les responsables du projet Énergie Est utilisent des installations existantes au Nouveau-Brunswick. De quelles installations s'agit-il?
M. Bloomer : La raffinerie Irving dans la région de Saint John.
Le sénateur MacDonald : Oui, mais nous n'avons aucune assurance que la société Irving va se convertir au bitume.
M. Bloomer : Je crois qu'elle va prendre une partie du bitume, avec le temps. Si tel est le cas, le reste sera exporté.
Le sénateur MacDonald : Voilà, je crois, qui m'amène à ma deuxième question. Le transport du pétrole par pipeline ne m'inquiète pas. Je crois que les pipelines sont sûrs. Le risque réel, en ce qui me concerne, tient au transport du bitume sur l'eau, lorsqu'on le stocke dans un port ou dans le fond d'un navire. Un bris de pipeline peut être corrigé très rapidement et le site nettoyé. Toutefois, si un grand pétrolier se renverse sur la côte Pacifique ou dans la baie de Fundy, là, il y a un problème réel.
J'imagine que c'est le risque pour les cours d'eau qui inquiète tant la population. Je ne crois pas que l'industrie perçoit le problème comme elle devrait le faire. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Y a-t-il une façon de mieux s'attaquer à ce problème? Je crois que la question fera surface lorsque nous tiendrons nos audiences sur la côte Atlantique.
M. Bloomer : La question comporte deux volets. Il faut transporter le pétrole jusqu'à un endroit où il faut l'exporter par bateau. Voilà le deuxième volet.
Toutes les exigences réglementaires et toutes les questions relatives aux interventions d'urgence seront traitées; en fait, elles le sont aujourd'hui. Nous acheminons de très grands pétroliers chez Irving aujourd'hui. À coup de deux millions de barils, ce sont de gros bateaux. Les choses sont gérées et prises en main. C'est une activité économique mondiale, des dizaines de millions de barils circulent sur l'eau chaque jour. Tout comme nous exploitons les pipelines de façon sûre, le transport maritime du pétrole sera effectué de la manière la plus sûre possible.
Le sénateur MacDonald : J'aimerais revenir rapidement sur un point. Le sénateur Eggleton a parlé des risques que le pipeline qui traverse l'Ontario présente pour sa province par rapport aux avantages qu'elle peut en tirer. Un demi- million de barils transitent par les eaux de la Nouvelle-Écosse chaque jour en direction des raffineries du Nouveau- Brunswick et du Québec. Nous avons tous les risques et aucun avantage. Si le bitume fuit dans la baie de Fundy, il se retrouvera dans les cours d'eau de la Nouvelle-Écosse. Nous n'obtenons aucun avantage, mais nous prenons tous les risques. Voilà les choses que le Néo-écossais que je suis aimerait voir traitées pour ce qui est de l'exportation du pétrole à partir de la côte Atlantique.
Le sénateur Runciman : Merci d'être ici. J'ai été intrigué par quelque chose que vous avez dit en réponse, je crois, à la sénatrice Unger et, dans une certaine mesure, au sénateur Eggleton également lorsqu'il a parlé de l'acceptabilité sociale. Vous avez utilisé le terme « nous ». Nous ne nous sommes pas renseignés; nous devons nous informer mieux. Nous avons les connaissances requises pour réagir aux allégations négatives.
J'ai appartenu pendant plusieurs années à une organisation appelée Save the River. Elle est basée à Clayton, dans l'État de New York. La direction de cette organisation est composée pour la plupart de citoyens américains, mais elle compte également un citoyen canadien. Or, ces gens, et je pense à une personne en particulier, n'appuient pas le transport du pétrole des sables bitumineux par train et par pipeline, ni le transit de ce pétrole par les Grands Lacs. Ils veulent que le pétrole soit laissé dans le sol. Vous savez que vous allez devoir faire face à des organismes comme celui- là, dont certains représenteront des collectivités autochtones.
Quand vous utilisez le « nous », de qui parlez-vous au juste?
M. Bloomer : J'utilise le « nous » pour faire valoir que nous sommes tous partie prenante. Il s'agit de nous ici présents, de nos politiciens, de l'industrie, des associations. Nous avons la possibilité d'informer les gens et de communiquer avec eux.
Le sénateur Runciman : Nous savons que le premier ministre a déclaré qu'il ne veut pas jouer au meneur de claque, mais je crois qu'il a adouci sa position, compte tenu de l'importance économique de quelque chose de positif qui se passe ici. Je me demande simplement comment l'industrie aborde cette question, comme j'en ai parlé à notre dernière réunion. Je me trompe peut-être et vous pourrez alors me corriger, mais il semble que l'industrie ne fait pas front commun. J'ai utilisé l'exemple du débat sur le libre-échange qui a eu lieu dans les années 1980. La seule fois où j'ai vu l'industrie canadienne parler d'une même voix, c'est lorsqu'elle a reconnu l'importance du libre-échange pour le bien- être économique à long terme du pays; l'industrie a alors travaillé à l'unisson et elle a collaboré avec le gouvernement.
Je me demande simplement si l'industrie — le « nous » collectif — a réellement adopté cette approche et songé à ce qu'elle peut faire pour gagner la confiance de la population canadienne et aider le gouvernement. Toute mesure que prend l'industrie a des répercussions politiques, alors je crois que vous pouvez aider le gouvernement, vous aider vous- mêmes et aider le Canada sur le plan du bien-être économique en préparant une stratégie de communication qui fait appel à la participation de vous tous.
Vous pouvez parler de ce que vous faites avec les collectivités autochtones, mais je crois que vous devriez vous adresser aux publics cibles de base et vous rendre directement dans les campus, par exemple. Nous parlons d'emplois pour ces jeunes qui sortent des collèges et des universités. Où seront les bons emplois? Vous devez également parler des questions environnementales — cela ne fait aucun doute — pour réagir aux critiques et vous dites que vous avez des faits probants à ce sujet.
Il faut donc une stratégie complète et non seulement des messages de portée générale selon lesquels le projet aura des avantages économiques s'élevant à 16 p. 100 pour l'Alberta, par exemple. Adressez-vous aux publics cibles et dites : « Le projet assurera l'avenir de vos fils et de vos filles au Canada et dans votre collectivité. Ils n'auront pas à déménager au loin. » Donnez-vous les moyens d'étayer de ce que vous dites avec des arguments et des faits.
Votre stratégie doit également comprendre des communications plus soutenues avec les collectivités autochtones. Nous avons eu des témoins plus tôt qui étaient très pessimistes au sujet d'Énergie Est, principalement en ce qui a trait au Nouveau-Brunswick et aux collectivités autochtones qui s'y trouvent. Je crois qu'ils ont connu l'expérience que j'ai eue en Ontario, à Caledonia, par exemple. Il n'y avait aucune revendication territoriale là-bas, mais l'endroit était occupé. Le problème perdure depuis 10 ans maintenant.
La situation est différente, je crois, en ce qu'elle doit faire partie intégrante d'une stratégie générale de l'industrie pour s'attaquer au problème, parce que, lorsqu'il n'y a pas de fondement légal réel, le problème devient un champ de mines politique et il faut avoir des données de référence, du soutien et des faits pour prendre des décisions qui seront très difficiles.
J'ai bien fait valoir mon point, j'espère.
M. Bloomer : Si je peux me permettre, j'aimerais dire qu'il faut envisager la possibilité, comme le premier ministre l'a affirmé dernièrement, que nous n'ayons pas un consensus à 100 p. 100. Cela devient de plus en plus évident à mesure que le temps passe, parce que nous devrons bientôt prendre des décisions. Il y a donc de la pression.
Je suis d'accord avec vous. Notre industrie doit fournir l'information et les raisons d'être des décisions à prendre. Par exemple, l'une des principales choses sur lesquelles nous nous concentrons est l'innovation. L'innovation n'est pas un mot nouveau; elle fait partie du vocabulaire de l'industrie énergétique et pipelinière depuis 60 ans. Nous devons montrer comment l'innovation influe sur les affaires; les gens veulent connaître ces choses. Elles font partie de ce qu'ils veulent voir.
Nous pouvons parler des emplois, des dépenses en capital, et cetera, mais nous devons amener les gens à comprendre réellement l'industrie et à lui faire confiance. C'est là où la confiance et l'acceptabilité sociale se rejoignent; mais il faut accepter l'idée que nous n'obtiendrons pas un consensus total. Il y a les partisans du « laissons le pétrole dans le sol » que nous ne convertirons pas.
Il faut adopter un point de vue pragmatique : se doter de la meilleure information et communiquer le mieux possible avec les collectivités. Voilà qui pourra nous aider.
Le sénateur Runciman : Avec le « nous » collectif.
M. Bloomer : Nous sommes tous partie prenante.
Le sénateur Runciman : S'il n'y a pas de coordination, toutefois, vous n'obtiendrez pas les mêmes résultats. C'est ce que je pense.
La sénatrice Unger : Monsieur Bloomer, vous avez dit que la CEPA a un protocole d'entente avec les chefs de pompiers et les premiers répondants des Premières Nations. Je reviens en quelque sorte à la question du sénateur Runciman. Y a-t-il un moyen d'obtenir la participation des jeunes et d'en faire un volet éducatif également? Ils doivent être mis à profit pour mieux comprendre.
Le sénateur MacDonald a parlé des inquiétudes soulevées par rapport à l'eau. Ces immenses pétroliers sont dotés de coques doubles; c'est une mesure de sécurité supplémentaire.
Selon vous, que pourrait faire le gouvernement pour aider à changer la mauvaise réputation faite aux sociétés pipelinières?
M. Bloomer : Tout d'abord, le ton change avec le gouvernement. C'est le sénateur Eggleton, je crois, qui a mentionné que le premier ministre comprend un peu mieux que nous avons besoin de ces choses, alors, le ton est en train de changer et cela nous aide.
Le processus provisoire pour ces pipelines n'est toujours pas clair, à savoir les consultations supplémentaires à mener, l'utilisation qu'on en fera et si on tiendra compte des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons proposé des règles sur la façon de faire les calculs, et cetera, mais certaines choses demeurent floues. Nous ne savons pas quand l'ONE formulera sa recommandation, si les émissions de gaz à effet de serre seront prises en considération et s'il y aura des consultations supplémentaires et nous ne connaissons pas non plus les répercussions de toutes ces inconnues. Les choses doivent être claires, c'est très important, parce que, comme je l'ai dit, le temps de prendre des décisions approche à grands pas et plus les choses demeurent floues, plus la situation devient difficile pour tout le monde.
La sénatrice Unger : Je suis parfaitement d'accord avec le sénateur Runciman lorsqu'il dit qu'il faut viser les publics cibles de base. C'est absolument impératif.
Ma dernière question : avez-vous des recommandations pour notre comité sur la façon dont nous devrions examiner la question de l'acceptabilité sociale?
M. Bloomer : Je vais revenir à la participation des jeunes dont nous avons parlé précédemment. La CEPA représente tous les exploitants. Elle s'est dotée d'une fondation, qui est représentée par ce que j'appellerai une chaîne d'approvisionnement — tous ceux qui s'occupent de la construction des pipelines, et cetera. Ce groupe comprend la Young Pipeliners Association of Canada, qui est en train de devenir l'association des jeunes pipeliniers des États-Unis et de l'Australie. Nous travaillons en étroite collaboration avec ces gens. C'est un élément de nos opérations.
J'aimerais apporter certains éclaircissements sur les protocoles d'entente conclus avec les chefs de pompiers du Canada, y compris les chefs de pompiers des Premières Nations. Oui, je veux utiliser ces ententes pour informer les gens et les attirer dans notre secteur. Si on parle des premiers répondants, de la formation à leur donner, de ce qu'il faut faire, il est évident que nous encouragerons les jeunes à participer à tous les niveaux des opérations. C'est une occasion à saisir pour communiquer avec les nouvelles générations.
Je recommanderais à votre comité de défendre la nécessité de clarifier le processus et de comprendre que nous n'obtiendrons pas un consensus parfait et que nous allons constamment nous améliorer.
Nous n'avons pas beaucoup parlé de l'ONE, mais je crois que l'ONE joue un rôle vital en qualité d'organisme indépendant et quasi judiciaire qui existe et fonctionne efficacement depuis 60 ans.
Je vais revenir à ce que le sénateur Runciman a dit au sujet du libre-échange. À l'époque des discussions sur le libre- échange, j'ai participé à la déréglementation du gaz; nous voulions avoir accès aux marchés, tout était alors axé sur les marchés, mais il n'y avait pas alors le grand débat sur les changements climatiques. Maintenant, c'est un sujet complexe, qui soulève davantage de dilemmes sociaux, et nous avons en plus les médias sociaux qui s'en mêlent et qui ont une grande portée dans la population; nous évoluons donc dans un monde bien différent.
Je crois qu'il est important de maintenir l'ONE, mais il faut le moderniser. Nous collaborons avec cet organisme pour les processus, les systèmes de gestion, et cetera. Notre programme Priorité intégrité nous permet d'amener l'ONE à axer davantage sa réglementation sur le rendement. Nous aimerions qu'il revoit le processus autonome parce qu'il ne fonctionne pas bien pour l'ONE et qu'il ne donne pas les résultats escomptés pour les pipelines non plus.
Il y a des améliorations à apporter, mais cela ne signifie pas pour autant que l'organisme ne devrait pas rester en place. Je recommanderais au comité de se pencher sur cette question et sur le fait que l'ONE a été efficace. Il y a un certain mythe selon lequel aucun pipeline n'a été construit depuis 10 ans, alors que, dans les faits, il y a eu de nouvelles constructions approuvées par l'ONE; il y a eu le prolongement du pipeline 9, Keystone, la première partie de Keystone. Un certain nombre de pipelines ont été approuvés au cours des 10 dernières années pour permettre à l'industrie de croître et d'avoir accès aux marchés américains. Nous devons poursuivre sur notre lancée et tout améliorer. J'ai besoin de m'améliorer tout le temps. Voilà ce sur quoi nous devrions nous concentrer dans nos rapports avec l'ONE, je crois.
La sénatrice Unger : Merci beaucoup.
Le président : Merci, monsieur Bloomer. J'aimerais vous remercier pour votre participation. Le comité vous est reconnaissant du temps que vous avez pris pour lui faire part de vos points de vue.
Nous allons avoir une petite motion de procédure. Vous avez sur la table devant vous, à titre indicatif, le premier rapport du sous-comité du programme et de la procédure. J'aimerais que le greffier vous explique pourquoi nous faisons cela.
Daniel Charbonneau, greffier du comité : Au cours de la réunion d'organisation, le comité a adopté une motion afin d'autoriser le sous-comité du programme et de la procédure à déterminer si un membre qui se déplace au nom du comité pour assister à une réunion se rapportant aux travaux du comité remplit un engagement officiel; le sous-comité doit ensuite faire rapport de sa décision au comité le plus rapidement possible. Le sénateur MacDonald a assisté au National Privacy & Data Governance Congress tenu à Calgary, où on a tenu un symposium sur les voitures automatisées et les questions relatives à la protection des renseignements personnels qui y sont rattachées. Le sous- comité a autorisé l'inscription de sa participation à cette activité comme engagement officiel.
Le président : Il n'y a aucun poste budgétaire. Nous n'avons pas dépensé d'argent pour cela. Le sénateur a utilisé son compte de déplacement. Vous pouvez prévoir que, dans 10 ans, si le vérificateur général examine nos comptes, nous saurons que le déplacement du sénateur MacDonald avait été approuvé par le sous-comité.
Le sénateur Eggleton : A-t-il pris place dans une voiture automatisée?
Le sénateur MacDonald : Pas encore.
La sénatrice Unger : En ce qui concerne les engagements officiels des sénateurs, ne devrait-on pas recevoir l'approbation au préalable et non après le déplacement?
Le président : Nous essayons tout simplement de prévoir ce qui arriverait si un vérificateur général enquêtait — le sénateur MacDonald a assisté à une conférence où on a parlé de voitures.
Le sénateur MacDonald : J'ai reçu une invitation à une conférence. Jim Cowan prenait la parole à cette conférence; on devait examiner la question de la protection des renseignements personnels et de ces véhicules automatisés, sans conducteurs; je l'ai appelé pour savoir ce qu'il en était une semaine avant la conférence. Je n'ai pas eu le temps de présenter une demande au comité. J'y suis simplement allé et j'en ai informé le comité, qui a alors décidé d'appliquer la procédure.
La sénatrice Unger : Merci.
Le président : Demain soir, nous entendrons Michael Bourke, président-directeur général de l'Association des chemins de fer du Canada, et Glen Wilson, vice-président, Sécurité, environnement et réglementation du Canadien Pacifique, pour l'étude sur le transport du pétrole brut au Canada.
À la même réunion, nous entendrons également le ministre de l'Infrastructure et des collectivités ainsi que des responsables de ce ministère pour l'étude sur les questions qui se font à ce jour concernant son mandat ministériel.
Chers collègues, la séance est levée.
(La séance est levée.)