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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 3 - Témoignages du 17 mai 2016


OTTAWA, le mardi 17 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour mener une étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, le comité poursuit aujourd'hui son examen d'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.

Nous recevrons deux groupes de témoins.

[Français]

Pour notre premier groupe, du Bureau du vérificateur général du Canada, nous accueillons Julie Gelfand, commissaire à l'environnement et au développement durable, et Kimberley Leach, directrice principale.

[Traduction]

Nous allons d'abord entendre la déclaration préliminaire de Mme Gelfand, puis les sénateurs auront des questions à vous poser.

Julie Gelfand, commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui pour prendre part à votre étude sur le transport du pétrole brut. Je suis accompagnée de Kimberley Leach, qui est directrice principale au sein de ma direction. C'est elle qui a mené la vérification de l'Office national de l'énergie.

Le transport du pétrole et du gaz naturel en toute sécurité est d'une importance critique. Le Bureau du vérificateur général a présenté divers rapports d'audit à ce sujet au Parlement. En 2013, le vérificateur général a réalisé un audit de la surveillance de la sécurité ferroviaire.

Le commissaire à l'environnement et au développement durable a effectué un audit du transport de produits dangereux en 2011 et des déversements de pétrole provenant de navires en 2010.

Aujourd'hui, je vais vous parler de notre rapport d'audit de l'automne 2015 sur la surveillance des pipelines de compétence fédérale, qui a été déposé au Parlement en janvier 2016.

Le mandat de l'Office national de l'énergie est de réglementer, dans l'intérêt public du Canada, les pipelines ainsi que la mise en valeur et le commerce de l'énergie. Dans sa réglementation concernant les pipelines, l'Office établit les exigences que doivent respecter les compagnies pour exploiter près de 73 000 kilomètres de pipelines de façon sécuritaire. Ces pipelines servent à acheminer du pétrole et du gaz naturel à des clients canadiens et étrangers.

Notre audit a permis d'examiner des aspects clés de la surveillance réglementaire exercée par l'Office national de l'énergie sur les pipelines de compétence fédérale. Dans l'ensemble, des progrès ont été réalisés à certains égards, comme l'accès à l'information sur les incidents et la conformité. Toutefois, nous avons aussi remarqué que l'office devait faire plus pour s'adapter et évoluer au rythme des propositions de projets de pipeline, de l'intérêt et des attentes du public et de la nouvelle Loi sur la sûreté des pipelines.

Au terme de notre audit, nous avons conclu que l'office n'avait pas surveillé de manière adéquate la mise en œuvre, par les compagnies, des conditions imposées lors de l'approbation des projets de pipelines, ni fait systématiquement des suivis des lacunes. Parmi les lacunes que nous avons relevées dans les manuels de procédures d'urgence, il y avait le fait que les équipements d'urgence n'étaient pas décrits et qu'il n'y avait aucune indication touchant leur emplacement, les voies d'évacuation d'urgence et les procédures de fermeture des pipelines.

Cette absence de suivi concernant les lacunes avait aussi été constatée lors de notre audit de 2011 sur le transport de produits dangereux. Nous avons aussi constaté que les systèmes de suivi des données de l'office étaient désuets et inefficaces. Par ailleurs, nous avons conclu que l'Office éprouvait toujours des difficultés à recruter et à maintenir en poste des employés spécialisés dans l'intégrité des pipelines et la conformité réglementaire.

[Français]

Un autre audit qui pourrait intéresser le comité est présenté dans le chapitre 4 du rapport de l'automne 2014, intitulé « La mise en œuvre de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012) ». Présentée dans le cadre du plan gouvernemental intitulé Développement responsable des ressources, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012) vise à améliorer les délais d'exécution et la prévisibilité du processus d'examen des grands projets, à renforcer la protection de l'environnement et à améliorer les consultations auprès des peuples autochtones.

Dans le cadre de cet audit, nous avons vérifié si l'Office national de l'énergie avait pris les mesures nécessaires pour mettre en application la loi. Un des objectifs de cette loi est d'accroître la participation des Autochtones. Beaucoup de peuples autochtones se sont dits préoccupés par le fait qu'ils ne pouvaient pas participer de manière significative au processus d'évaluation environnementale de l'office. Cela a réduit l'apport de ces groupes et pourrait avoir miné la confiance de la population à l'égard des évaluations environnementales.

Enfin, comme vous le savez, nous communiquons au Parlement de l'information que les membres des comités parlementaires peuvent utiliser lorsqu'ils tiennent des audiences sur nos rapports ou sur des sujets liés à nos audits. Pour vous aider à cet égard, j'ai joint à ma déclaration d'ouverture une liste de questions que vous pourriez vouloir poser aux représentants des ministères au sujet de notre audit de la surveillance des pipelines de compétence fédérale. J'espère que cette information vous sera utile.

Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureuses de répondre à vos questions.

Le président : Merci, madame Gelfand.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Vous avez mentionné, dans votre rapport de l'automne 2015, que l'office n'avait pas réussi, à défaut d'un terme mieux choisi, à s'acquitter de ses responsabilités relatives au suivi des conditions d'approbation des pipelines. Y a-t-il eu des améliorations à ce chapitre depuis la publication de votre rapport de 2015 dans lequel vous parliez du suivi par l'office des conditions d'approbation? Qu'avez-vous constaté?

Mme Gelfand : Malheureusement, nous ne pouvons parler que de ce que nous avons observé pendant la période de vérification. S'il y avait eu des améliorations, nous ne pourrions pas les commenter, parce que nous n'en avons pas fait l'évaluation.

Ce que nous avions constaté à l'époque, c'est que, dans 50 p. 100 des cas environ, l'office n'avait pas assuré le suivi des conditions d'approbation.

Le sénateur Doyle : Est-ce que ces préoccupations ont une incidence sur la confiance du public à l'égard du processus de réglementation?

Mme Gelfand : Je dirais qu'il s'agit là d'un jugement de valeur. C'est ce que nous avons constaté, comme je l'ai dit, dans 50 p. 100 des cas, tant en ce qui concerne les conditions d'approbation qu'en ce qui concerne les règlements. Il y a deux types de règlements, si vous voulez. Les conditions d'approbation sont établies pour chacun des pipelines, ce qui fait que certains pipelines sont visés par 25 conditions d'approbation et d'autres, par 200 conditions d'approbation. Ces conditions sont propres à chaque pipeline.

Il y a aussi des règlements qui s'appliquent à tous les pipelines. Nous avons choisi des échantillons représentatifs de toutes ces conditions d'approbation et de tous ces règlements pour voir si l'office faisait ou non son travail en matière de suivi et s'il cherchait à vérifier si les conditions d'approbation et les règlements étaient respectés. Dans les deux cas, nous avons constaté que, dans environ 50 p. 100 des cas, l'office ne faisait pas un suivi adéquat des conditions d'approbation ou de la conformité des compagnies.

Le sénateur Doyle : Donc, l'office est-il le mécanisme approprié pour réglementer et, à la fois, faire respecter sa réglementation? Peut-être faudrait-il confier à un autre organisme les tâches liées à l'exécution de la loi?

Mme Gelfand : C'est une question très intéressante. À l'heure actuelle, je crois que le mandat de l'office prévoit que ce dernier doit établir les conditions d'approbation, en faire le suivi et établir une réglementation touchant les pipelines. Nous parlons d'une centaine d'entreprises et d'environ 73 000 kilomètres de pipeline. Il y a des organismes de réglementation provinciaux pour les pipelines provinciaux, c'est-à-dire qui ne traversent ni frontière provinciale, ni frontière avec les États-Unis. Essentiellement, l'office est chargé d'établir les conditions d'approbation et d'en faire le suivi. C'est son travail.

Le sénateur Doyle : Vous avez dit que certains groupes autochtones n'ont pas pu participer au processus environnemental. Le gouvernement fédéral ne doit-il pas leur donner accès à du financement s'ils ont besoin de capitaux pour mener ce type d'activité?

Mme Gelfand : Si j'ai bien compris, le gouvernement fédéral va en effet, dans certaines circonstances, verser un financement aux intervenants et aux participants du processus d'évaluation environnementale.

En examinant les lignes directrices sur la participation publique de l'Office national de l'énergie, nous avons constaté qu'il n'y était pas fait mention de la nouvelle loi. En fait, il utilise les mêmes critères que toujours pour déterminer qui peut participer; donc, c'est l'office qui décide à lui seul si vous pouvez participer ou non.

Quand l'office décide qu'une personne peut participer, ce sera à titre d'intervenant, de commentateur ou d'« autre ». Cela ne respecte pas la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012; nous avons donc recommandé à l'office d'harmoniser son processus d'évaluation environnementale avec ce que prévoit la nouvelle loi.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Mesdames, je vous souhaite la bienvenue au comité et je vous remercie de votre rapport. J'ai quelques petites questions à vous poser.

En 2013, un audit a été mené sur le transport du pétrole par voie ferroviaire, n'est-ce pas?

Mme Gelfand : Le transport ferroviaire, oui.

Le sénateur Boisvenu : Y a-t-il déjà eu des audits sur le transport terrestre par camion et par voies navigables?

Mme Gelfand : Nous ne l'avons pas encore fait pour le transport terrestre par camion, mais je crois que Mme Leach en a fait un sur le potentiel des échappements d'huile provenant des vaisseaux marins.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce le personnel de la commission ou des contractants qui font les audits?

Mme Gelfand : C'est notre personnel.

Le sénateur Boisvenu : Dans le cadre des audits que vous avez faits, que ce soit pour les voies ferroviaires, les voies terrestres par camion, les oléoducs ou les voies navigables, tirez-vous une conclusion quant au moyen de transport le plus sécuritaire au chapitre de l'environnement?

Mme Gelfand : Malheureusement, nous n'avons pas fait d'études pour comparer les différentes méthodes de transport. Nous avons mené un audit sur les activités de surveillance de chacun, sur la mise en œuvre pour le système ferroviaire et le système d'oléoducs, mais nous ne pouvons pas tirer de conclusions, car ce n'était pas l'objectif des études de déterminer le mode de transport le plus sécuritaire.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que vous tirez des conclusions par rapport à l'impact sur l'environnement?

Mme Gelfand : Nous tirons des conclusions sur le travail que fait le régulateur, pour déterminer s'il fait bien son travail.

Le sénateur Boisvenu : Je peux comprendre qu'il puisse y avoir des problèmes d'ordre administratif concernant les mesures d'urgence, mais tirez-vous des conclusions sur l'impact environnemental? Votre commission traite de l'environnement. Votre travail se limite-t-il seulement aux aspects administratifs ou consiste-t-il également à vérifier l'impact sur l'environnement?

Mme Gelfand : Dans le cas de l'audit sur les oléoducs, nous avons examiné les conditions d'approbation et les règlements qui régissent les compagnies d'oléoducs. Permettez-moi de vous donner deux exemples.

Une compagnie avait comme condition, pour un de ses oléoducs, de remettre à l'Office national de l'énergie une étude sur l'impact du bris possible de cet oléoduc sur un habitat de caribous. Or, 10 ans plus tard, nous avons découvert que cette étude ne figurait pas au dossier.

Dans le cas d'un règlement, nous avons appris que l'Office national de l'énergie avait fait un audit sur un pipeline, où elle avait découvert une fissure d'où s'échappait du soufre liquide. L'Office national de l'énergie avait indiqué à la compagnie qu'elle devait réparer la fissure. Cependant, nous n'avons pas constaté de suivi. Donc, l'Office national de l'énergie ne sait toujours pas si cette situation est réglée.

Le sénateur Boisvenu : Ainsi, vous ne tirez pas de conclusion sur l'efficacité environnementale des moyens de transport.

Mme Gelfand : Nous n'avons pas encore fait d'étude ni d'audit pour déterminer quel système de transport est le plus sécuritaire. Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question jusqu'à présent, mais nous pourrions toujours le faire.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Merci. J'ai deux ou trois questions. J'aimerais revenir sur quelque chose que le sénateur Doyle a mentionné, en parlant de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012. Vous avez dit qu'un des objectifs de cette loi était d'accroître la participation des Autochtones. Beaucoup d'Autochtones se sont dits préoccupés par le fait qu'ils ne pouvaient pas participer de manière significative au processus d'évaluation environnementale de l'Office national de l'énergie.

Pourquoi n'auraient-ils pas la capacité de participer de manière significative à ce processus? Il existe une obligation de consulter. Je suis certain qu'ils devraient être conviés à la table. Pourriez-vous m'offrir une meilleure définition? Quel était le problème?

Mme Gelfand : L'un des enjeux a trait à la définition de ce que signifie, justement, une participation significative au processus. L'office n'a pas défini cet aspect en particulier; c'est pourquoi il est difficile de le mesurer. Nous menons des audits de performance et nous utilisons des critères précis pour déterminer si un élément ou un autre ont atteint cet objectif.

Dans le cas qui nous occupe, nous avons mené une enquête auprès de nombreux participants. Cela remonte à quelques années. Si je me souviens bien, nous avons mené une enquête auprès d'un grand nombre de participants au processus d'évaluation environnementale, et ils nous ont dit qu'ils n'avaient pas l'impression d'avoir les capacités nécessaires pour participer de manière significative à ces audiences.

Le sénateur MacDonald : Votre réponse est très générale; j'aimerais que vous nous donniez des détails. Ils disent avoir constaté qu'ils n'avaient pas les capacités nécessaires, mais qu'est-ce que cela veut dire?

Mme Gelfand : Je crois que vous devriez demander aux membres des Premières Nations, aux Inuits et aux Autochtones. Il faudrait que vous leur posiez précisément cette question.

Le sénateur MacDonald : J'espérais que vous auriez une réponse.

Mme Gelfand : Il y a une méthodologie très rigide à respecter, quand nous menons des vérifications, et elle nous indique ce que nous pouvons faire et ce qu'il nous est interdit de faire. Nous vous avons donné toute l'information que nous pouvions vous donner dans le rapport d'évaluation environnementale. Nous avons expliqué comment l'office met son propre système en place. C'est lui qui décide s'il utilisera ou non ses propres vieux critères et qui décide si une personne peut faire un commentaire ou intervenir.

Cela n'est pas conforme à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012. Je vais vous donner un exemple. La loi de 2012 prévoit que l'office doit entendre toute personne directement touchée par la réalisation du projet et toute personne qui possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée.

La Loi sur l'Office national de l'énergie prévoit que l'office doit entendre toute personne directement touchée — c'est donc la même chose — et peut entendre toute personne qui possède des renseignements pertinents ou une expertise appropriée. Le verbe « pouvoir » qui est utilisé, plutôt que le verbe « devoir » fait en sorte que certains groupes ont l'impression de ne pas pouvoir participer de manière significative au processus, et c'est à cet égard que la Loi sur l'Office national de l'énergie n'est plus harmonisée avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale de 2012.

Le sénateur MacDonald : Je ne vois rien dans tout cela qui empêcherait quiconque de participer, mais je vais passer à la prochaine question.

Vous avez dit que l'apport réduit de ces groupes pourrait avoir miné la confiance de la population à l'égard des évaluations environnementales. À quels égards leur contribution a-t-elle été réduite?

Mme Gelfand : S'ils ont l'impression de ne pas pouvoir participer de manière significative, s'ils n'ont pas obtenu le statut d'intervenant, par exemple — s'ils n'ont été accueillis qu'à titre de commentateurs ou d'« autres » —, ils ont l'impression de ne pas pouvoir contribuer de manière significative. C'est leur impression.

Le sénateur MacDonald : C'est très subjectif. Quoi qu'il en soit, je vous remercie.

Le sénateur Eggleton : J'ai parcouru rapidement votre rapport de l'automne dernier, et j'ai vu que, après chacune des recommandations présentées, il y avait la réponse de l'office; je n'ai vu aucune réponse qui ne commençait pas par les mots « Recommandation acceptée ». Il semble que l'office a accepté toutes vos recommandations.

Vous avez déjà présenté un rapport sur l'office, en 2011, je crois. Y en a-t-il eu d'autres?

Mme Gelfand : Je vais devoir demander à Kim.

Kimberley Leach, directrice principale, Bureau du vérificateur général du Canada : Le transport des matières dangereuses, c'était en 2011, puis il y a eu en 2012 un chapitre sur les évaluations environnementales; ce sont là les deux plus récents.

Le sénateur Eggleton : Est-il question du suivi, dans ces rapports? Lorsque vous avez présenté votre rapport, l'automne dernier, est-ce que vous avez vous aussi fait un suivi par rapport aux rapports précédents afin de déterminer si l'office avait mis en œuvre les recommandations que vous lui aviez présentées ou s'il lui en restait encore à mettre en œuvre?

Mme Gelfand : Je vais laisser Kim vous donner une réponse plus détaillée, mais normalement, oui, lorsque nous faisons un autre rapport sur une entité donnée, nous essayons de faire un certain suivi. C'est ce que nous avons fait cette fois-ci.

Puis-je faire un commentaire sur le fait que l'office a accepté la plupart de nos recommandations? Dans la plupart des cas, presque toutes les entités qui font l'objet d'un audit vont finir par accepter nos recommandations. C'est une chose assez normale.

Je vais donner la parole à Kim, qui parlera des aspects pour lesquels nous avons assuré un suivi.

Mme Leach : J'aimerais également ajouter que l'Office national de l'énergie a élaboré un programme de mesures correctives très complet. Les réponses aux recommandations, que vous avez vues dans ce chapitre, étaient suivies d'un programme de mesures correctives complet, et l'office a fait des progrès à ce chapitre. Vous le verrez aussi sur son site web.

En ce qui concerne le suivi, nous avons consacré en 2011 tout un chapitre au transport de matières dangereuses; nous nous sommes penchés sur l'Office national de l'énergie et nous avons examiné certaines choses. Nous avons examiné les manuels des mesures d'urgence pour déterminer s'il y avait des lacunes.

Ce sont les entreprises qui préparent les manuels des mesures d'urgence et qui les soumettent à l'Office national de l'énergie. L'office examine ces manuels pour voir s'ils comportent des lacunes et, le cas échéant, il fait un suivi auprès de l'entreprise pour s'assurer que le manuel sera corrigé.

En 2011, nous avons constitué un échantillon de 30 manuels et nous avons vérifié si les lacunes avaient été corrigées. Nous avons constaté qu'un seul des 30 manuels l'avait été. Pour l'audit en question, nous avons fait un suivi et constitué un autre échantillon de 30 manuels; nous avons constaté cette fois-ci que 15 manuels avaient été corrigés.

Le sénateur Eggleton : Quinze manuels sur trente?

Mme Leach : Je m'excuse, c'est plutôt 20 manuels sur 30, donc il en reste encore 10. Un tiers des manuels comprenaient toujours des lacunes. Voilà pourquoi nous pouvons dire qu'il y a eu des progrès, étant donné que la fois précédente, un seul manuel avait été corrigé.

Le sénateur Eggleton : Plusieurs années ont passé.

Mme Leach : Il y a eu des progrès, mais nous considérons toujours que cet aspect est préoccupant.

Le sénateur Eggleton : À qui l'office présente-t-il ses programmes de mise en œuvre? Vous dites qu'il a élaboré des programmes de mise en œuvre. Doit-il les présenter au ministre responsable de l'énergie?

Mme Gelfand : Si j'ai bien compris, il présente son rapport au ministre des Ressources naturelles.

Le sénateur Eggleton : Au ministre ou au Parlement?

Mme Gelfand : Au Parlement, par le truchement du ministre.

Le sénateur Eggleton : J'imagine que, dans ce dernier rapport, il n'a pas encore présenté de compte rendu sur quelque sujet que ce soit. Cela ne fait même pas un an.

Mme Gelfand : Je l'ignore. Il a déjà élaboré un plan d'action.

Le sénateur Eggleton : Il a élaboré un plan d'action en réponse au rapport de 2015?

Mme Leach : C'est cela. Le plan est affiché sur son site web, j'en ai également un exemplaire ici.

Le sénateur Eggleton : Son rapport de situation est public?

Mme Leach : Il est public, c'est cela.

Le sénateur Eggleton : Vous avez refait un examen un an plus tard environ, et vous avez vu les chiffres, 1 sur 30, ou 20 sur 30; est-ce que le ministre assure également une surveillance de la mise en œuvre? L'office, en raison de son indépendance, n'est-il pas tenu de faire cela?

Mme Gelfand : J'imagine que c'est à nous d'aller voir et d'assurer une surveillance. À ma connaissance, personne d'autre ne peut faire cela. Il y a probablement une fonction de vérification interne, à l'office, comme dans la plupart des entités, mais, en ce qui concerne la vérification externe, c'est le rôle du commissariat ou du vérificateur général.

Le sénateur Eggleton : Puis-je demander au greffier d'obtenir ce rapport? J'aimerais savoir comment l'office assure la mise en œuvre, étant donné que nombre de ces éléments sont liés à la sécurité et à la mobilisation du public. Ce sont des aspects absolument essentiels dans toute cette affaire.

Nous allons peut-être devoir convoquer des représentants de l'Office national de l'énergie. Je sais que c'est une question délicate — nous ne voulons pas que les représentants parlent des audiences —, mais nous voudrions les recevoir pour discuter avec eux de la mise en œuvre des recommandations du rapport du vérificateur. Nous devrions peut-être envisager de les convoquer parce qu'il est essentiel que l'office prenne les choses un peu plus au sérieux, comme le suggère le vérificateur.

Le président : Pour commencer, est-ce que cela a déjà été fait? Nous devons savoir jusqu'où nos questions peuvent aller. Nous allons en parler avec le comité directeur.

Le sénateur Eggleton : L'audit, seulement. Il ne serait pas approprié pour nous d'aller plus loin.

Le sénateur Runciman : L'audit portait sur le suivi, non pas sur le processus d'examen lui-même. J'imagine que rien ne permet de croire qu'il existe un processus plus exhaustif ou des conditions plus exigeantes en ce qui a trait au processus d'examen. Aucun de vos commentaires n'a abordé cette question.

Mme Gelfand : Parlez-vous du processus d'examen de l'évaluation environnementale?

Le sénateur Runciman : Oui, je parle du processus de l'office. C'est bien de cela dont nous parlons, n'est-ce pas?

Mme Gelfand : Il s'agit de deux audits différents.

Le sénateur Runciman : Les commentaires, ici, concernent le suivi. Pendant que vous meniez votre étude, est-ce que vous visiez le processus d'examen lui-même ou le suivi des recommandations de l'office?

Mme Gelfand : Dans le rapport que nous avons déposé à l'automne 2015, nous avons fait un suivi touchant les manuels des mesures d'urgence, mais nous avons également tenté de déterminer si l'Office national de l'énergie faisait son travail pour assurer la conformité avec les conditions d'approbation des pipelines et avec les règlements généraux qui s'appliquent aux pipelines.

Le sénateur Runciman : Et vous avez constaté qu'il y avait des lacunes?

Mme Gelfand : C'est exact. Nous avons constitué des échantillons représentatifs des conditions d'approbation et des règlements où des lacunes avaient déjà été observées. Et nous sommes allés voir si l'office avait pris des mesures de suivi appropriées.

Le sénateur Runciman : Et, ce faisant, avez-vous déterminé si les demandeurs avaient respecté les conditions?

Mme Gelfand : Nous avons constaté, et c'est assez intéressant, que dans la plupart des cas le demandeur avait respecté les conditions, mais l'office n'avait pas pu nous le prouver.

Le sénateur Runciman : L'office n'a pas vérifié, mais le demandeur avait quand même respecté les conditions?

Mme Gelfand : Par exemple, prenons l'étude sur les effets sur les caribous; l'office ne le savait pas, mais il n'avait pas le rapport découlant de cette étude. L'entreprise en possédait un, et l'office a dû lui téléphoner pour qu'on le lui envoie.

Lorsqu'il y a eu une fuite de soufre, l'office avait demandé à la compagnie responsable de faire les réparations nécessaires, mais personne n'est jamais retourné voir si elles avaient réellement été faites. Elles l'ont probablement été, mais l'office n'a jamais fait de suivi pour s'assurer que la fuite avait été colmatée.

Le sénateur Runciman : Je vous remercie, je voulais tout simplement souligner que, à ce que nous sachions, la plupart des conditions ont été respectées.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'aimerais revenir à votre travail de vérification. Les gens parmi votre personnel qui font ces vérifications, ce sont des ingénieurs, des spécialistes dans le domaine des pipelines ou du transport du pétrole?

Mme Gelfand : Nos employés sont des vérificateurs, et nous avons de l'expertise dans plusieurs domaines. Ils doivent tous avoir une maîtrise dans un domaine précis, mais nous avons aussi des conseillers et nous embauchons souvent des entrepreneurs pour nous adjoindre une expertise que nous n'aurions pas à l'interne. Nous avons toujours deux ou trois conseillers. Dans ce cas-ci, il s'agit de gens qui avaient de l'expérience dans le domaine des pipelines. Ils nous donnent des conseils et nous aident lorsque nous faisons notre vérification.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que votre vérification se fait aussi en fonction de la meilleure technologie possible, en fonction de comparatifs avec d'autres pays qui utilisent les oléoducs comme moyen de transporter le pétrole? Je comprends qu'on veuille aspirer à vivre dans un monde idéal, mais cette vérification se fait-elle seulement sur le plan administratif? Selon votre mandat, vous êtes une commission de l'environnement; est-ce que vous tirez des conclusions sur l'impact qu'a le transport du pétrole par pipeline sur l'environnement? Il m'apparaît évident que si, comme commission, vous n'évaluez pas l'aspect qualitatif de ce moyen de transport, que si vous vous limitez strictement au respect de la réglementation, il nous manque un gros morceau.

Mme Gelfand : Selon le mandat du commissaire, au sein du Bureau du vérificateur général, je mène des audits et je rapporte au Parlement les résultats de mes audits.

Le sénateur Boisvenu : Qui fixe le cadre de l'audit? La commission? La loi? Car cela peut être très restreint ou très large.

Mme Gelfand : Absolument. Nous fixons les critères et nous obtenons l'approbation...

Le sénateur Boisvenu : Donc, le vérificateur fixe le cadre de l'audit.

Mme Gelfand : Oui. De plus, nous obtenons toujours l'approbation des gens qui feront l'objet de la vérification, afin qu'ils attestent que les critères de l'audit sont des critères admissibles pour eux.

Le sénateur Boisvenu : Cependant, il reste que l'on ne tire pas de conclusions sur l'utilisation des pipelines comme moyen de transport du point de vue de la protection de l'environnement.

Mme Gelfand : Dans ce cas-ci, vous avez raison. Nous tirons des conclusions pour déterminer si l'Office national de l'énergie a fait son travail, le travail qu'il a le mandat de faire, soit celui de veiller à ce que les conditions d'approbation et les règlements soient suivis. C'est là son travail.

[Traduction]

Le président : Madame Gelfand, madame Leach, merci beaucoup de vos exposés.

Si tout le monde est d'accord, pendant que nous attendons les prochains témoins, nous pourrions prendre une minute pour une réunion à huis clos sur la date du dépôt du rapport.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

Le président : Notre prochain témoin est M. Phil Benson de Teamsters Canada. C'est la quatrième fois que M. Benson comparaît devant notre comité depuis 2006.

Encore une fois, bienvenue. Monsieur Benson, vous pouvez commencer votre exposé, après quoi les sénateurs auront des questions à vous poser.

Phil Benson, lobbyiste, Teamsters Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. C'est comme toujours merveilleux d'être ici.

Teamsters Canada, c'est bien sûr le syndicat canadien des transports. Pour ce qui concerne votre étude d'aujourd'hui, il y a la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, qui représente à peu près tous les métiers liés au transport — c'est-à-dire les mécaniciens et les chauffeurs de locomotive du Canada, et il y a très peu d'exceptions. Il y a malheureusement celle de Lac-Mégantic.

Il y a aussi la division de la construction et des pipelines de Teamsters Canada, bien sûr; le titre vous dit bien que cette division réunit les métiers de la construction de pipelines.

Passons maintenant à Fort McMurray, nous y avons quelques milliers de membres qui travaillent aux divers chantiers. Récemment, étant donné l'énorme désastre à Fort McMurray, un grand nombre de nos membres sont évidemment sans travail. Certains commencent à retourner au travail. L'histoire la plus émouvante dont j'ai entendu parler, c'est celle d'Angela Pelger, de la section locale 362. Le jour, elle conduit des autobus remplis de travailleurs vers les chantiers de Fort McMurray puis les ramène à la fin de la journée. J'ai vu une photo d'elle qui conduisait, bien sûr, dans le cas qui nous occupe, des personnes évacuées. On la voit debout à côté de son autobus, vêtue des seuls vêtements propres qu'elle avait : son pyjama. Nous espérons que tout le monde retournera bientôt au travail. Nous sommes avec eux de tout cœur.

Premièrement, nous soutenons le processus utilisé par le gouvernement pour déterminer l'avenir de ces chantiers de construction de pipelines. Nous soutenons ce processus. Nous croyons en la protection de l'environnement et de la sécurité publique et au respect des Premières Nations et des Métis. Ces projets seraient bons pour le Canada et, ce qui est plus important encore, ils permettront d'obtenir l'acceptabilité sociale nécessaire pour poursuivre ces projets. Je vous remercie de tenir ces séances, car c'est avec ce type de réunions que, nous l'espérons, nous pourrons obtenir l'acceptabilité sociale qui est nécessaire.

Parlons d'abord du pétrole brut; vous l'avez probablement déjà entendu dire, le pétrole brut, c'est du pétrole conventionnel. L'ONU a attribué un numéro de désignation à ce produit. Le pétrole se décline en plusieurs couleurs, il va du lourd au léger, il est corrosif ou non. Voilà le pétrole traditionnel qui devrait être transporté par pipeline ou par voie ferrée.

Au Canada, nous avons aussi une sorte de pétrole synthétique qu'on appelle Syncrude. Ce pétrole synthétique est un produit de qualité. Il commande un prix plus élevé. Étant donné qu'il s'agit d'un produit très propre, il est très recherché pour la fabrication de produits à faible teneur en soufre que nous voulons pouvoir utiliser dans les véhicules fonctionnant au diesel et dans les automobiles.

Il y a ensuite le carburant produit par fracturation hydraulique. Le gaz de schiste est un nouveau produit, bien sûr. Il est différent du pétrole conventionnel ou du pétrole synthétique, surtout en raison du fait qu'il contient beaucoup de gaz, dans certains cas, du moins.

Lorsque nous avons fait des tests à Lac-Mégantic, après la tragédie, pour savoir combien de gaz il contenait, nous n'avons réussi qu'à briser le compteur; il y avait tellement de gaz, en fait, qu'il serait impossible de le transporter par pipeline sans le dégazéifier. Nous avons vu ce qui s'est passé à Lac-Mégantic, avec ce produit.

Il y a ensuite le bitume. Il s'agit essentiellement de goudron. C'est un produit des sables bitumineux. C'est un produit inerte que l'on peut transporter en toute sécurité.

Pour finir, il y a le bitume dilué. C'est un bitume auquel on a ajouté du naphta ou un autre produit qui le rend plus liquide de façon qu'on puisse le transporter par chemin de fer ou par pipeline.

Depuis Lac-Mégantic, certains des comités auxquels nous avons siégé ont exprimé quelques préoccupations touchant le bitume dilué. Nous nous sommes concentrés sur le gaz de schiste. Nous avions l'impression que le bitume dilué ne pouvait pas exposer ni brûler. Bien sûr, après Algoma, nous avons compris que nous avions tort. Le bitume dilué, étant donné sa composition, peut provoquer des accidents. À Algoma, dans le nord de l'Ontario, l'accident a eu lieu à quelques kilomètres seulement d'une ville.

En ce qui concerne le transport ferroviaire, nous allons parler de trois sortes de wagons. Il y a les DOT-111. C'est le modèle le plus ancien, et ces wagons vont presque tous être progressivement éliminés. Ils peuvent quand même transporter toutes sortes de produits. Ils peuvent probablement transporter du pétrole brut conventionnel, en raison de la possibilité d'un problème touchant l'environnement, mais le risque que le produit prenne feu est faible.

Après Lac-Mégantic, les fabricants ont créé le modèle DOT-112. Devant un autre comité, nous avons fait part de nos préoccupations, nous pensions que ces wagons ne seraient pas suffisants en cas d'accident. Ce qui s'est passé à Algoma et ailleurs nous a d'ailleurs donné raison; les wagons DOT-112 n'offrent pas une protection suffisante pour le transport de certains de ces produits. Les nouveaux wagons seront des TC-117; nous allons là aussi exprimer nos préoccupations.

On fait des essais de collision pour les automobiles, les autobus et les avions. On fait des essais de collision pour à peu près tout. Mais on n'en fait pas pour les wagons; on compte sur les mécaniciens, tout simplement. Nous pensons que c'est une erreur. C'est la raison pour laquelle nous avons jugé que les DOT-112 ne seraient peut-être pas suffisants; d'ailleurs, les accidents l'ont prouvé.

En ce qui concerne l'industrie ferroviaire dans son ensemble, son principal problème tient toujours au fait que les compagnies de chemin de fer peuvent s'autogouverner et s'autoréglementer. Nous faisons un examen des systèmes de gestion de la sécurité et de la gestion de la fatigue, avec l'autre comité des transports.

Le problème des systèmes de gestion de la sécurité reste entier. Vous vous souviendrez peut-être que, lorsque le comité étudiait un projet de loi visant à resserrer la sécurité dans le transport ferroviaire, nous avions parlé des systèmes de gestion de la sécurité. Si nous avons apporté des modifications, en 2011, c'est parce que Transports Canada avait envoyé des inspecteurs, qui ont constaté que la situation était déplorable : 100 p. 100 des chemins de fer, 67 p. 100 des passages à niveau et 28 p. 100 des mécaniciens laissaient à désirer. Ce n'est pourtant pas ce que les compagnies affirmaient.

Transports Canada avait l'habitude de se contenter de faire une vérification. Il s'agissait de remplir des formulaires. Malheureusement, les représentants du syndicat des inspecteurs, comparaissant devant le comité à l'autre endroit, ont déclaré qu'aujourd'hui, c'est exactement comme cela que se fait la vérification dans le domaine des chemins de fer : des gens assis à leur bureau qui cochent des cases sur un formulaire.

La meilleure façon d'assurer la sécurité du transport ferroviaire des produits du pétrole, c'est de s'assurer que les wagons vont rester sur la voie. Il faut que la surveillance du gouvernement aille beaucoup loin que les simples formulaires et les vérifications.

Je vous ai aussi longtemps parlé de la fatigue. C'était récemment l'anniversaire de la catastrophe de Hinton. Nous en avons beaucoup parlé. Toutes les préoccupations exprimées par votre comité sénatorial en 2011, au sujet de la fatigue et de la Loi sur la sécurité ferroviaire, je puis vous dire que cela n'a rien donné, absolument rien.

À l'autre endroit, nous préconisons énergiquement l'adoption du même processus d'établissement des règles que pour le camionnage et le pilotage. Nous venons de terminer une étude sur le pilotage, il y a deux ans, et les règles viennent d'entrer en vigueur.

Après ce qui s'est passé à Hinton, ces questions ont été laissées aux négociations collectives, et il n'est plus possible d'intervenir. Il ne faudrait jamais laisser aux négociations collectives le soin de régler les questions touchant la sécurité du public ou la santé et la sécurité des travailleurs. Nous devons mettre ces règles en vigueur et nous espérons que cela va se faire.

En ce qui concerne les pipelines, c'est un moyen de transport absolument sûr, à notre connaissance. C'est la façon la plus sécuritaire et la moins chère de transporter des produits. J'ai entendu quelques-uns des exposés, et on critique beaucoup des dossiers que les gens, je crois, ont de la difficulté à comprendre, par exemple le dossier des bassins hydrographiques. Les gens ne savent pas, par exemple, que le projet Énergie Est, sur le Saint-Laurent — et c'est probablement la même chose partout ailleurs — suppose en fait la construction de tunnels horizontaux dans lesquels les pipelines seraient enfouis, sous la roche, et qu'il y aura des clapets anti-retour, et tout cela. Je suis certain que les intervenants qui parleront des pipelines pourront vous renseigner.

C'est une analyse intéressante, quand on écoute les exposés, qui montrent toutes les mesures qui se prennent pour assurer la sécurité. Le taux d'échecs ou de problèmes, au Canada, était de 0,185 p. 100. En Europe, il était de 2,82. C'est très faible. La plupart des déversements sont peu importants. Il est certain, quand il s'agira de pétrole, qu'il n'y aura ni explosion ni problème du genre.

Il y a une autre chose qui nous embête, c'est l'absence de compréhension du rôle que joue ce secteur au Canada. Certains disent que c'est le moteur. Je n'irais pas aussi loin. Je dirais cependant que c'est une part importante de notre économie. Nous l'avons vu, avec la fermeture de courte durée des chantiers des sables bitumineux de l'Alberta, en raison des terribles incendies à Fort McMurray. Essentiellement, le trimestre sera perdu, et le prochain aussi, peut-être.

J'aimerais attirer votre attention sur le test d'essai que la SCHL a réalisé. Il ne s'agit pas d'un organisme du domaine du pétrole. Il s'agit de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Le test consistait à déterminer ce qui se passerait si le prix du baril de pétrole était de 35 $ pendant cinq ans. Résultat : une réduction de 26 p. 100 du prix des maisons, et un taux de chômage de 12,5 p. 100 : la dépression et la misère noire.

En ce qui concerne la consommation de pétrole, à l'avenir, j'ai lu le compte rendu de deux ou trois études intéressantes, de l'agence Reuters. Il y avait entre autres une étude de la consommation de pétrole dans les pays de l'OCDE. Selon l'étude, le prix avait plafonné en 1985, et il décline depuis 2005.

Une autre étude prédisait que le pétrole atteindrait un sommet en 2030, avec une production de 50 millions de barils par jour, et que ce sommet serait suivi d'une chute. Nous le voyons déjà, même en Arabie saoudite, on se tourne vers une économie post-pétrole.

Cela dit, nos ressources en pétrole sont les troisièmes en importance, dans le monde. Je ne vois pas le jour où on cessera de consommer du pétrole. Si ce n'est pas pour transporter des gens, en automobile ou d'une autre façon, ce sera quand même une ressource que nous allons utiliser encore très, très longtemps.

Avant de passer aux questions, j'aimerais parler d'une chose qui me pique au vif. C'est une critique que j'entends constamment : « c'est seulement du travail à court terme ». Les gens assis dans leur maison, devant leur ordinateur, doivent réaliser que cette maison a donné un « travail à court terme » à un travailleur de la construction. Le pont qu'ils empruntent, c'était du « travail à court terme » pour un travailleur de la construction. L'édifice où nous nous trouvons a donné du « travail à court terme » à un travailleur de la construction. C'est ainsi. On travaille, on finit son travail, et on n'a plus de travail. On travaille jusqu'à ne plus avoir de travail à faire.

Le syndicat des Teamsters compte aujourd'hui des milliers de membres, et il y en a des milliers d'autres dans d'autres métiers. Tous ces gens espèrent que le processus aboutira et que, si tout se passe bien, ils auront la chance d'obtenir un travail dans des projets à court terme, afin de gagner de l'argent et payer leur hypothèque, économiser en vue des études de leurs enfants et mettre de l'argent de côté pour la retraite.

Sur ces mots, je vous laisse la parole et j'espère pouvoir répondre au plus grand nombre de questions possible. Comme toujours, si je n'ai pas de réponse, je m'arrangerai pour vous les faire parvenir.

Le président : Encore une fois, monsieur Benson, merci beaucoup de cet exposé.

Le sénateur Eggleton : La dernière fois que vous êtes venu ici, vous avez parlé de la fatigue dans les transports ferroviaires. J'allais vous en reparler, mais vous avez déjà abordé la question. Vous avez dit qu'il n'y avait pas eu de progrès.

Laissez-moi vous poser une nouvelle question. Le mois dernier, l'Ordre numéro 36 est entré en vigueur, lequel oblige à fournir aux municipalités et aux premiers intervenants des municipalités se trouvant le long des voies de l'information sur le transport des marchandises dangereuses.

Voudriez-vous nous expliquer comment vous envisagez cela, comment les membres de votre syndicat envisagent cela? Qu'en pensez-vous? Est-ce que la mise en œuvre se fait tout en souplesse ou y a-t-il des problèmes?

M. Benson : Je crois que, pour savoir si la mise en œuvre se fait tout en souplesse ou si les mesures sont suffisantes, il faudrait le demander aux premiers intervenants.

Bien sûr, les premiers intervenants, ce sont les gens qui, sur le train, vont, au péril de leur vie, retourner voir d'où vient le problème et quelles sont les marchandises transportées.

Notre opinion, en ce qui concerne les systèmes de gestion de la sécurité et toute cette information, c'est que cela doit être public. Dans le fond, les systèmes de gestion de la sécurité, ce sont presque des règlements : ils sont visés par une loi. Pourtant, si vous demandez à un bureaucrate de quoi il s'agit, il répondra : « Impossible de vous le dire. C'est secret. »

L'acceptabilité sociale repose en partie sur l'information et la transparence. Nous pensons que ces choses sont un bon point de départ, mais je crois que tout citoyen a le droit de savoir ce qui se passe dans sa cour. Je crois que nous avons tous le droit de savoir ce qui se passe dans notre cour. Je crois que nous avons le droit de savoir ce que les systèmes de gestion de la sécurité prévoient quant à la manutention des marchandises. Je crois que les gens ont le droit de savoir ce qu'il y a dans un plan d'intervention d'urgence. Quant aux politiciens — et cela fait partie du dossier de la surveillance —, comment peut-on assurer la surveillance de quelque chose s'il est impossible d'obtenir de l'information à ce sujet parce qu'il s'agirait d'un « secret industriel »?

Le sénateur Eggleton : Personne ne s'oppose à la proposition de transmettre ces renseignements aux municipalités et aux premiers intervenants. L'argument qu'on y oppose — et je ne dis pas que je suis d'accord —, c'est que vous ne pouvez pas transporter des matières dangereuses si le public apprend ce qui va circuler sur les voies à l'avance, en raison de l'élément de peur. Qu'en pensez-vous?

M. Benson : Je crois que l'élément de peur est plus important quand on brandit un épouvantail. S'il n'y a pas de transparence, s'il n'y a pas d'ouverture, l'épouvantail prend toute la place.

Des projets de ce type ont beaucoup à voir avec le transport de marchandises. Prenez Mississauga, depuis Mississauga il n'y a quasiment pas eu de problème. Les wagons sont des wagons-citernes à parois avec bouclier protecteur. Nous avons estimé qu'ils seraient bien adaptés au transport du pétrole et du gaz. Ils sont trop petits et ne sont pas économiquement viables, mais c'est la façon la plus sécuritaire de transporter ce type de produits.

Je crois que les gens doivent comprendre que l'information est à leur portée, et que cette information entraîne l'acceptation sociale. Sans cela, c'est une lutte sans fin. Il est impossible de s'attaquer à un épouvantail quand on a les mains liées et que l'on ne comprend pas ce qui se passe.

Tout ce qu'il nous reste, c'est : « c'est sécuritaire, parce que nous vous l'avons dit, et comme nous l'avons dit, c'est sécuritaire. » Dans le monde d'aujourd'hui, cela ne suffit pas.

Le sénateur Runciman : Je suis d'accord avec votre commentaire touchant la position du syndicat sur l'information des premiers intervenants. Je me trompe peut-être, mais il y a environ 20 ans, par exemple, il y avait des équipes d'intervention dans l'industrie des produits chimiques. Dans l'est de l'Ontario, par exemple, DuPont avait mis sur pied des équipes d'intervention pour les marchandises dangereuses, l'acide nitrique, l'ammoniac ou peu importe.

Chez moi, aujourd'hui, ces usines n'existent plus. Je me demande où sont allées les équipes d'intervention de ce secteur. Où se trouvent-elles aujourd'hui? Dans bien des régions de la province que je représente, le secteur pour lequel les équipes travaillaient a maintenant disparu. C'est une autre des raisons pour lesquelles je crois que les premiers intervenants devraient non seulement être renseignés, mais également suivre une certaine formation, que le secteur pourrait peut-être lui-même donner. Je ne sais pas exactement comment cela pourrait se passer, mais il faudrait soutenir ce type de formation destinée aux petites collectivités.

J'habite à Brockville, une municipalité de 20 000 habitants, pas très loin d'ici. Il y a un an et demi, 28 wagons ont déraillé sur la voie qui longe les limites de la ville à l'Ouest. Je crois que 13 d'entre eux contenaient encore des résidus de carburant aviation. Imaginez ce qui aurait pu se passer! Les résidents de ce secteur n'arrêtaient pas de me téléphoner, ce sont des gens que je connais depuis des années, ils vivent le long de ce chemin de fer et se préoccupent de leur sécurité.

J'aimerais vous entretenir un peu de la question de la sécurité. Certains des témoins qui ont comparu devant nous ont dit que les considérations relatives aux coûts ne menacent pas la sécurité. Cependant, quelqu'un qui regarde de temps à autre le train passer voit bien que les trains aujourd'hui sont beaucoup plus longs qu'avant, ils sont à peu près trois fois plus longs, et il y a moins de personnel à bord. Il n'y a plus non plus de fourgon de queue. Ils circulent à 120 kilomètres-heure, et ils tanguent, tellement ils sont longs.

J'aimerais que vous nous parliez des risques liés au fait que ces trains de marchandises sont maintenant trois fois plus longs. Je sais qu'il faut réduire les coûts, mais il me semble qu'il faudrait également veiller à la sécurité.

M. Benson : Parlons d'abord des plans d'intervention d'urgence. Nous avons beaucoup travaillé avec la Direction générale du transport des matières dangereuses sur cette question. En fait, il y a même un groupe de travail permanent.

Je félicite le gouvernement. Dans le budget, je crois qu'il était question d'une somme de 143 millions de dollars, dont une partie sera consacrée aux plans d'intervention d'urgence et à la formation. Je m'excuse d'avance si je me trompe, mais, à ce que j'en sais, il y a toujours dans ce secteur des équipes d'intervention d'urgence. Ça fonctionne bien mieux.

Oui, en ce qui concerne la longueur des trains — et j'en ai déjà parlé aux mécaniciens et chauffeurs des locomotives —, on n'en voit pas la fin. C'est un aspect du problème. L'autre aspect, c'est le poids que cela représente pour les voies ferrées. Notre division assure l'entretien des voies, et le CP s'occupe de la plupart des petits tronçons. Le problème, c'est de se rendre sur les voies pour assurer un entretien approprié.

Voici comment je vois les choses : je discutais dans une gare de triage avec des gens en train de construire des locomotives; nous avons abordé le problème du chlore. Je leur ai demandé : « Que feriez-vous s'il y avait un problème? Avez-vous un équipement de sécurité? » Ils m'ont répondu : « Non, j'imagine que nous prendrions nos jambes à notre cou. » J'ai aussi discuté avec un chef de train, au sujet d'un train qui déraillait. Le chef de train doit aller voir sur place ce qui aurait pu causer le déraillement. Il sait ce que le train transporte. Je lui ai demandé : « Est-ce que vous avez un équipement de sécurité qui vous protège du chlore? » Il m'a répondu : « Non, mais j'espère que le vent soufflera dans l'autre direction. »

Mais, pour la plupart des produits, le chlore et tous les autres, nous n'avons plus aujourd'hui les mêmes types de conteneurs qu'avant, nous n'avons plus les problèmes que nous avions avec les DOT-112 et DOT-117. Il y a eu de véritables essais de collision, et il semble que les résultats sont excellents. En ce qui concerne la longueur des trains, j'imagine que c'est une décision de la direction. Je sais que nos mécaniciens sont nombreux à préférer des trains plus courts, plus faciles à contrôler, mais, encore une fois, nous le savons bien, on cherche à économiser le moindre sou, peu importe si cela entraîne de la fatigue ou cause d'autres problèmes.

Le sénateur Runciman : Combien de membres comptez-vous dans votre syndicat à l'échelle du pays?

M. Benson : Teamsters Canada ou la Conférence ferroviaire?

Le sénateur Runciman : Teamsters Canada.

M. Benson : Environ 125 000.

Le sénateur Runciman : Ils ne travaillent sûrement pas tous dans les chemins de fer, il doit y en avoir dans l'industrie pétrolière. Vous avez dit qu'il y en avait quelques milliers à Fort McMurray, qui s'occupent du transport et des expéditions de pétrole.

M. Benson : Je dirais qu'il y en a plus de 20 000, de 15 à 20 000. Nous avons aussi une division du camionnage et des camions-remorque. Nous nous occupons donc d'une bonne partie du pétrole qui circule. Dans les aéroports, nous nous occupons du carburant aviation, ravitaillons les avions, des choses comme ça. Nous sommes intégrés verticalement et horizontalement.

Le sénateur Runciman : C'est une proportion assez importante de vos membres.

M. Benson : De manière générale. Pour les pipelines et le transport ferroviaire, je crois que cela fait déjà 12, 13 ou 14 000 membres.

Le sénateur Runciman : J'ai pris quelques notes. Vous avez dit que les pipelines sont absolument sûrs, et qu'ils contribuent à une part importante de notre économie. Vous avez mentionné les résultats de l'étude de la SCHL. Est-ce que votre organisation ou votre syndicat fait quoi que ce soit pour faire mieux passer le message aux Canadiens, en ce qui concerne son importance pour l'économie et la sécurité des pipelines?

Nous voyons bien qu'il y a une opposition. Tout ce que nous lisons et ce que nous voyons, ce sont des choses négatives en plus grande partie. J'ai discuté avec des représentants de l'industrie et avec d'autres intervenants. Vous avez un intérêt envers cette question, et je crois que vous veillez également à l'intérêt de l'ensemble des Canadiens. J'aimerais savoir si vous faites quelque chose et, le cas échéant, ce que c'est.

Par exemple, le gouvernement de l'Ontario — il s'est peut-être un peu modéré — s'opposait à ce que le projet Énergie Est traverse sa province. Est-ce que vous ou un représentant de votre organisation avez pu vous asseoir avec le gouvernement de l'Ontario pour parler des répercussions négatives sur la province si nous décidons d'aller de l'avant avec ce projet, mais que nous ne savons pas comme le faire de façon sécuritaire?

M. Benson : Le syndicat des Teamsters, bien sûr, fait partie des métiers de la construction de divers organismes. La réponse est oui, pas nous personnellement, mais certainement nos associés et nos divers représentants.

Il ne s'agit pas seulement de parler aux gens; le problème est plus important que cela. L'un des principaux problèmes, tout comme dans le cas du transport ferroviaire et des pipelines, c'est que la dernière administration, du moins, laissait entendre que les pipelines allaient quand même être là. Et c'est ainsi qu'un immense épouvantail a été brandi.

Je vais vous donner un exemple. J'ai des amis en Colombie-Britannique — c'est là que j'ai grandi et j'y ai toujours une propriété — prenez le pipeline Kinder Morgan; il transporte du pétrole jusqu'au port depuis des années. Ce que les gens ne comprennent pas, c'est qu'un pipeline, c'est simplement un tuyau; c'est une canalisation. Que transporte la canalisation? Dans le cas de Vancouver, elle sert à transporter du gaz, du diesel et de l'huile de chauffage chez les gens. Si on le fermait, j'imagine qu'il faudra transporter le gaz sur des barges, ou d'une autre façon. Et même dans le cas d'Énergie Est, le pipeline servirait au pétrole conventionnel. Il pourrait servir au pétrole synthétique, et, également, au bitume dilué. Tout dépend de ce que le consommateur veut y mettre.

Le principal problème, dans tout cela, ce n'est pas du tout le pétrole. Le problème, c'est le CO2, les changements climatiques et tout le dossier des sables bitumineux en général. Regardez les mesures qui sont prises, par exemple par le gouvernement de l'Ontario; hier, il y a eu une fuite concernant ce qu'il est en train de faire... prenez le gouvernement de M. Trudeau, qui met vraiment en œuvre des mesures de lutte contre les changements climatiques, je crois que c'est cela qu'il faut voir, non pas seulement les projets et les emplois. Je crois que toute l'industrie est restée les bras croisés, qu'elle n'a pas pris le dossier en main.

Prenez Trans-Canada, par exemple, qui a énormément investi dans les énergies renouvelables : l'énergie nucléaire, qui n'est pas renouvelable, mais qui ne produit pas de gaz à effet de serre; l'énergie solaire; une immense génératrice fonctionnant à l'énergie éolienne. C'est pour cette entreprise une façon de compenser l'empreinte carbone de ses activités.

À mon avis, beaucoup d'occasions se sont perdues, des occasions de prendre les choses en main, mais, quand vous parlez aux gens, c'est cette impression générale qui leur reste.

Je vais vous donner un autre exemple. Celui-là me fait toujours rire. Je vais vous poser une question à tous : Syncrude exploite une mine à ciel ouvert. Je m'y suis rendu l'an dernier; cette mine à peu près les dimensions de l'Île- du-Prince-Édouard, n'est-ce pas? Elle a les dimensions du Nouveau-Brunswick. Elle fait plus de 100 milles carrés. Déjà, 10 milles carrés ont été remis en état.

Un autre exemple, Montréal, Toronto, Ottawa et Edmonton s'étendent sur 1 300 à 1 700 milles carrés, peut-être trois. C'est énorme. Le terrain de 90 milles carrés que Syncrude exploite, et son produit est propre et souhaitable, occuperait le territoire d'une banlieue. Syncrude — je parle des sables bitumineux du Canada — a installé un immense bassin de décantation, je sais que quelques canards ne s'en sont pas sortis. Au total, 80 p. 100 du volume d'eau est réutilisé, le reste allant en majeure partie dans les canalisations. Voilà pourquoi vous voyez de la vapeur. Donc, lorsque les gens protestent en disant que c'est beaucoup trop d'eau, il pourrait y avoir d'autres raisons... Je ne crois pas qu'ils connaissent toute l'histoire. C'est un aspect du problème.

J'ai été frappé, quand je me trouvais là-bas, de constater que leur version des choses est peut-être excellente, mais ils ont de la difficulté à l'exposer. Ça me fait toujours rire de voir les lumières s'allumer. Cela semble énorme, mais en réalité, ce n'est pas plus gros que n'importe quelle banlieue de n'importe quelle ville. Nous en avons tiré jusqu'ici des milliards de barils de pétrole, à raison de centaines de millions d'heures de travail. Je crois que l'on pourrait trouver une façon bien plus efficace de présenter les choses.

Le sénateur Runciman : Je suis d'accord.

Le sénateur Doyle : En parlant de la sécurité du transport ferroviaire, vous avez parlé de la gestion de la fatigue, vous dites que vous en avez déjà parlé devant notre comité. Il y a au sein du comité quelques nouveaux membres. Pourriez- vous nous donner un aperçu de vos préoccupations à ce sujet?

M. Benson : Merci beaucoup, monsieur le sénateur Doyle.

La science de la fatigue, dans le fond, je la connais assez bien parce que j'ai travaillé dans le camionnage et dans le pilotage. Les journées comptent 24 heures, et vous avez besoin d'un repos de 10 à 12 heures, et de vos huit heures de sommeil, ce qui fait que vous pouvez travailler de 12 à 14 heures par jour. Mais ce ne sont là que des chiffres, il ne faut pas s'y fier aveuglément. Si vous dépassez ce nombre d'heures de travail, la fatigue commence à s'accumuler. La science le dit clairement, en quelques jours, votre rendement en est affecté. En fait, en quelques jours seulement, votre temps de réaction et votre raisonnement sont à peu près aussi bons que si vous étiez ivre. À long terme, la science a démontré que vous souffrirez d'obésité et d'autres maladies et que vous allez mourir plus jeune.

Nous sommes en train de mener une étude; elle ne pouvait pas être faite par le ministère des Transports, cela n'entre pas dans sa définition de tâches, mais nous nous sommes arrangés avec des universitaires. Une étude menée aux États- Unis auprès de camionneurs a révélé que leur espérance de vie était de 12 à 17 ans plus courte que dans la population en général. Pour la fatigue, pour le milieu dans lequel évoluent les pilotes et les camionneurs, le règlement a déterminé un nombre maximal d'heures de travail, compte tenu du rythme circadien, et aussi de l'heure à laquelle commence votre journée de travail. Il y a des règlements. Ces règlements ont été établis après l'enquête déclenchée après la catastrophe de Hinton, il y a plus de 30 ans. Les autres aspects ont été déterminés dans le cadre des négociations collectives. Mais ces questions ne devraient tout simplement jamais être traitées dans le cadre des négociations collectives, elles ne peuvent pas être réglées par une convention collective, et ce, pour deux raisons.

Prenons les dispositions sur le repos qui sont aujourd'hui en vigueur; les entreprises — et il s'agit d'ententes contractuelles — y contreviennent de 1 000 à 1 400 fois par mois. On demande aux travailleurs d'attendre pendant 10 heures qu'on les appelle, puis ils devraient travailler de 12 à 14 heures. Ils peuvent ensuite dormir pendant trois heures, mais sont rappelés pour faire une autre journée de travail de 12 heures. C'est tout simplement impossible de faire cela.

Ensuite, la gestion de la fatigue, ce n'est que la cerise sur le gâteau des règlements. À ma connaissance, il n'y a aucun mécanisme de gestion de la fatigue dans l'industrie ferroviaire. En 2011, j'ai rencontré un bureaucrate qui menait une étude sur la question; il est allé dans les bureaux d'une compagnie ferroviaire et a demandé de voir le plan de gestion de la fatigue. Le représentant de la compagnie ferroviaire a ouvert un tiroir, a pris un document et le lui a tendu. Le bureaucrate a alors dit qu'il voulait savoir comment la compagnie mettait ce plan en œuvre; le représentant a répondu : « Vous avez dit que nous devions avoir un plan. Vous n'avez pas dit que nous devions le mettre en œuvre. »

Ce n'est pas humainement possible, et cela ne concerne pas seulement la sécurité du public; c'est aussi une question de santé et de sécurité. Cela entraîne des coûts pour le système de santé du Canada. Cela entraîne des coûts sociaux pour les familles. C'est en partie pour cette raison que nous réclamons, devant le comité à l'autre endroit, que deux ou trois choses changent.

Premièrement, nous voulons que ces règlements soient adoptés. Deuxièmement, nous voulons que Santé Canada, Transports Canada et le Programme du travail mènent une étude qui nous permettra de savoir combien il en coûte dans les faits à la société, pour la santé et pour les gens, pas seulement pour les travailleurs des chemins de fer, mais pour tous les travailleurs du monde du transport.

La troisième chose, ce serait d'éliminer les cloisons qui séparent actuellement le Programme du travail et Transports Canada. Tous les travailleurs du domaine fédéral relèvent du Programme du travail, sauf les gens de quelques métiers : les pilotes, les camionneurs, les mécaniciens et chefs de train. Ces travailleurs relèvent de Transports Canada. Pendant les réunions, lorsque nous établissons les horaires de travail, je demande que nous tenions compte des conséquences sur la santé et la sécurité, mais mes interlocuteurs me répondent que cela n'entre pas dans leur mandat.

Le gouvernement actuel a dit clairement qu'il voulait que l'élaboration des règlements se fasse en fonction de données probantes axées sur la science, mais il est impossible de faire cela si on ne veut pas examiner les données scientifiques. Si des cloisons vous empêchent d'examiner les données scientifiques, vous ne pouvez qu'élaborer des règlements stupides.

Aujourd'hui, il y a des gens qui sont épuisés. Des études internes ont montré que 67 p : 100 des travailleurs admettaient qu'ils s'endormaient au travail, et cela ne dit rien des conséquences sociales comme les divorces ou les effets sur la vie des enfants de ces gens-là. On ne peut pas s'attendre à ce que le mandat relatif à la sécurité publique soit respecté si les travailleurs sont tellement fatigués qu'ils ne peuvent faire leur travail comme il faut.

Le sénateur Doyle : À votre avis, y a-t-il eu des améliorations depuis Lac-Mégantic?

M. Benson : Aucun. Vous parlez de la fatigue?

Le sénateur Doyle : De la sécurité du transport ferroviaire de manière générale.

M. Benson : Je réponds oui et non. Nous avons le plus grand respect pour Mme Raitt, qui était alors la ministre; elle faisait de son mieux. Je vais vous donner un exemple des problèmes que l'industrie éprouve. Après Lac-Mégantic — que Dieu ait leur âme —, la ministre Raitt a décidé d'élaborer tout un ensemble de règlements. Croyez-le ou non, selon la Loi sur la sécurité ferroviaire — l'article 20, je crois —, c'est l'Association des chemins de fer du Canada, le groupe de lobbying du secteur ferroviaire, qui est chargé de proposer des règlements. Après Lac-Mégantic, l'Association a proposé un ensemble de règlements et modifié les directives de la ministre; au bout du compte, à notre avis, c'était comme si rien n'avait changé.

De plus, quelque 5 000 wagons DOT-111 ont été retirés de la circulation. C'était une bonne décision. Regardez le nombre de wagons DOT-111 en circulation, et appliquez le taux d'attrition normal — le taux selon lequel on les retire à la fin de leur durée de vie —, et cela fait 5 000. Avons-nous fait quelque chose? Oui, nous avons fait bien des choses relativement aux plans d'intervention d'urgence, mais nous n'avons rien fait qui aurait coûté un sou aux compagnies de chemins de fer, et cela m'attriste un peu.

C'est la même chose en ce qui concerne la gestion de la fatigue. Cela entraînerait des frais, alors ils ne peuvent pas le faire. Je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle les compagnies de chemin de fer ne sont pas assujetties aux mêmes règlements que les transporteurs aériens ou les compagnies de camionnage, surtout après ce qui s'est passé à Mississauga, l'accident avec fuites de chlore. Au bout du compte, ce que nous avons obtenu, à notre avis, ce sont des demi-mesures et des mesures insuffisantes.

Le sénateur Doyle : Je crois que vous vous demandiez si certaines dispositions du projet de loi C-52 ne permettraient pas à l'Association des chemins de fer du Canada de demander des changements au règlement.

M. Benson : Il en a toujours été ainsi, monsieur le sénateur Doyle. Lorsque nous avons examiné la loi, nous avons apporté de nombreux changements, et, je vais vous le dire franchement, je crois que cela a été une très grande amélioration. Certains des changements clés qui étaient exigés faisaient en sorte que le gouvernement procéderait à davantage d'inspection, que les systèmes de gestion de la sécurité seraient plus transparents et ouverts, que la police privée disparaîtrait et que l'article 20 serait supprimé, de façon que l'Association ne puisse plus proposer de règlement.

Dans le monde du camionnage, je peux demander des changements aux règlements. Il me faudrait m'adresser au conseil consultatif, demander des changements des règlements et, s'il y a un consensus, nous conseillons au ministre les changements que nous aimerions apporter. Mais je ne peux m'adresser directement à un ministre, selon la loi, et lui dire : « Voilà les changements que nous voulons. »

De toute manière, selon le règlement que vous avez adopté, nous sommes censés participer à l'élaboration des systèmes de gestion de la sécurité, mais jusqu'ici, rien ne s'est passé. Il devrait y avoir des évaluations des risques relativement aux changements majeurs, mais nous n'avons rien vu de tel jusqu'ici. Une partie du problème, c'est que le règlement que vous avez adopté en 2011, qui, je le répète, a quand même apporté quelques améliorations, n'est pas entré en vigueur. Les compagnies n'en voulaient pas, à mon avis. Ils n'ont pas été mis en vigueur après Lac-Mégantic, et la ministre Raitt a dû faire pression. Ils commencent tout juste à être mis en vigueur. Cela fait cinq ans que nous attendons que le règlement soit mis en vigueur.

Il y a beaucoup de travail à faire, monsieur le sénateur, et rien ne me ferait plus plaisir que d'en discuter et d'y travailler avec vous en privé.

Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur Benson, d'avoir de nouveau comparu ici.

Avant de poser mes deux ou trois questions, j'aimerais souligner que je crois que nous poursuivons tous deux le même objectif. Je suis heureux que vous ayez pu nous donner des détails sur la circulation du pétrole et que vous ayez décrit les différentes sortes de pétrole : pétrole brut, pétrole synthétique, gaz de schiste et bitume. Je tiens toujours à le préciser, quand je parle avec des gens qui utilisent le mot « goudron » pour parler du bitume, que le goudron est un dérivé du charbon, et nous devons toujours utiliser le mot juste car il s'agit d'un dérivé du pétrole.

J'ai été surpris quand vous avez dit que les wagons n'étaient jamais soumis à des essais de collision. Pourquoi ne font-ils pas ces essais? Devraient-ils les faire? Est-ce que cela se fait dans d'autres pays?

M. Benson : Pour commencer, quand vous parlez de pétrole brut, le pétrole synthétique, le gaz de schiste et le bitume dilué ne sont pas du pétrole brut. Nous n'avons aucune désignation des Nations Unies pour ces produits. Nous aimerions bien qu'il y en ait une, mais, si j'ai bien compris, cela n'arrivera pas tant que le Canada ne donnera pas son accord, étant donné que ces produits n'existent qu'ici.

En ce qui concerne les essais de collision. Nous en avons parlé avec les représentants de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada. Pour commencer, cela ne coûte pas très cher. Je croyais que ces wagons coûtaient cher, mais j'ai compris que ce type de wagons-citernes coûte seulement 100 000 $ et quelques sous. S'ils ne l'ont jamais fait, c'est que cela coûterait de l'argent, et ils ne veulent pas dépenser un sou. C'est la seule raison qui me vient à l'esprit.

Je sais qu'ils ont procédé à des essais en faisant exploser le chargement, pour éliminer les gaz. Mais je crois qu'il faudrait les soumettre à des essais de collision, étant donné que les DOT-112 étaient supposés être plus sécuritaires, que les changements apportés aux DOT-111 avaient pour but de rendre plus épaisses leurs parois, et cetera, et pourtant on sait le désastre qui s'est produit lorsqu'il y a eu un accident sur le terrain.

À Algoma, l'incident s'est produit à une distance de deux kilomètres de la ville. Autrement, il aurait été majeur. Il y en a eu un aussi en Virginie occidentale, et je crois qu'il s'est produit à 800 mètres d'une ville.

Il me semble que, si nous voulons transporter ce type de produits, il faut avoir la confiance du public, comme en a parlé le sénateur Runciman ou le sénateur Eggleton. La confiance du public et la transparence, et il faut aussi que nous fassions tout ce qu'il nous est possible de faire pour que le public voie que nous avons fait tout ce qu'il nous était possible de faire et que, s'il y a un accident, c'était un accident que nous n'aurions pas pu prévoir.

Je crois qu'il faudrait que les wagons soient soumis à des essais de collision. Je crois que nous devrions prendre un wagon, le remplir de bitume dilué ou de gaz de schiste, le faire foncer sur un mur ou tomber d'une plateforme et examiner ensuite les résultats, pour voir si cela est sécuritaire.

Le sénateur MacDonald : Je crois que c'est une proposition raisonnable, franchement. Mais cela met encore une fois en relief le fait que les pipelines sont un système de distribution bien établi et éprouvé pour le pétrole. Ils sont sécuritaires, fiables et efficients sur le plan économique. Nous en sommes là; il n'existe absolument aucun règlement, au Canada, qui empêcherait le transport du pétrole, d'une province à l'autre, que ce soit par le chemin de fer ou par la route.

Je crois que je vais vous poser une question sur la position des Teamsters en ce qui concerne de manière générale le transport de marchandises par chemin de fer ou par la route. Je fais partie des gens qui aimeraient que le pétrole soit bien davantage transporté par pipeline; je fais partie des gens qui aimeraient qu'il y ait moins de camions sur la route et plus de pétrole sur les chemins de fer. Il y a tellement de camions lourds sur les routes aujourd'hui. Quelle est la position de Teamsters Canada à ce sujet?

M. Benson : Ma réponse pourrait vous surprendre étant donné que nous sommes un syndicat du transport : nous assurons le transport par camion, par chemin de fer, nous faisons tout. Nous voyons cela comme un complément, non pas comme un supplément. L'un des problèmes, dans l'industrie du camionnage, et même si les horaires de travail, étant donné qu'ils ont été élaborés dans le but de protéger le rythme circadien... et même les pilotes n'y ont pas droit; quant aux chemins de fer, oubliez cela, ils sont toujours un peu trop longs. Nous aurons toujours besoin de camionneurs pour faire le dernier bout de chemin, les derniers 15 milles, les 40 derniers milles, mais au moins, ils seront chez eux le soir venu.

Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui se prennent pour des champions. Et je sais qu'il y a beaucoup de marchandises qu'il est difficile de déplacer et qu'il faut des camionneurs sur longue distance pour le faire. Je crois tout simplement que cela a à voir avec la rentabilité. Je sais que, pour le transport ferroviaire, comme vous le savez, on utilise des trains longs d'un kilomètre qui transportent toutes sortes de matériel, des conteneurs, et cetera. Je crois que ce serait une excellente idée de mener une étude et qu'il faut répondre à la grande question de savoir quels sont les problèmes, étant donné qu'au bout du compte, il y a du travail pour tout le monde. Il faut d'une manière ou d'une autre déplacer toutes ces marchandises.

Par exemple, nous avons une division de remorquage; dans l'ancien temps, nous avions l'habitude de décrocher les remorques et de les ramener à notre terrain de Toronto. C'est ainsi que nous avons commencé. Nous transportons beaucoup de marchandises par chemin de fer et aussi par camion; tout dépend de leur destination.

C'est à cela que nous devons veiller lorsque nous transportons des marchandises. Si elles débarquent de Vancouver, elles seront chargées sur un train, car il est impossible de placer un camion où que ce soit. À partir de Montréal, le chemin de fer compte beaucoup sur les gares intermodales de Montréal et de Halifax. Je crois que c'est une simple décision d'affaires... si les gens veulent des choses, et cela remonte au moment où le camionnage a été déréglementé. Nous appelons ça des ateliers de misère sur roues, mais le camion servait d'entrepôt. Il y avait autrefois des entrepôts, mais aujourd'hui, l'entrepôt, le camion se rend directement chez le consommateur.

Vous pouvez constater, puisque même Walmart accuse une baisse, que ce type de modèle commence à perdre des plumes. Nous supposons qu'après un certain temps, une analyse de rentabilité se fera, mais ce que j'aimerais par-dessus tout, c'est qu'une grande étude soit menée. J'aimerais vraiment beaucoup que le ministre des Transports examine tout cela. Si on s'intéresse aux gaz à effet de serre et au changement climatique, c'est certainement un aspect important, les grands utilisateurs de diesel et les producteurs.

Le sénateur MacDonald : Je suis content d'avoir soulevé la question, et je suis content que vous ayez répondu de cette manière. Merci.

M. Benson : Au bout du compte, tout le monde en sortira gagnant.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Benson, veuillez m'excuser d'avoir quitté la salle un peu plus tôt; j'avais une obligation.

Je tiens à vous féliciter pour le travail de promotion que vous faites pour les travailleurs du secteur de l'énergie. Ce sont des travailleurs qui rendent un très grand service au Canada sur le plan de l'économie, et je tenais à le souligner.

Votre présentation m'a beaucoup intéressé. L'évaluation que vous faites de l'usage des oléoducs semble très positive en matière de sécurité et en ce qui concerne l'exportation des ressources également. Le pipeline sera un élément essentiel à l'exportation des ressources vers d'autres utilisateurs du pays et améliorera la balance commerciale du Canada.

Vous faites un parallèle direct entre la qualité de vie des travailleurs et l'exploitation des ressources. Je suis originaire de l'Abitibi, dans le nord du Québec. Donc, l'utilisation des ressources est directement liée à la qualité de vie des travailleurs, tant pendant leur vie active qu'à la retraite.

Que faites-vous à titre d'organisation pour promouvoir l'exploitation des ressources et l'usage des pipelines comme moyen de transport? On ne vous entend pas beaucoup sur la place publique.

[Traduction]

M. Benson : Le mieux que nous puissions faire, pour le moment, c'est d'appuyer le processus que le gouvernement a entrepris. Je crois que cela manquait vraiment, en particulier en ce qui nous concerne. Nous sommes plus vieux, nous sommes habitués qu'il y ait des gens qui prennent des décisions et que nous ayons à donner notre accord, mais, puisque je fais partie de la génération des « baby-boomers, je suis un peu déçu de ne plus faire partie du groupe le plus important et le plus souvent pris à parti, les gens de la génération du millénaire.

Deux choses au sujet des millénaires : ils se préoccupent vraiment de ces questions, et ils ne sont pas du genre à dire tout simplement : « Prenez la décision; il n'y a pas de problème. » Troisièmement, pensez à leur efficacité générale dans le domaine du transport, cela va des médias sociaux à Internet, en passant par la façon dont nous diffusons les nouvelles, aux bouleversements qui touchent tout, des automobiles jusqu'aux journaux, et la liste est longue, voilà comment on obtient cette approbation sociale et comment on convainc les gens.

J'étais fier et heureux lorsque le gouvernement a signé la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones. Il suffit de voir les arrêts que la Cour suprême a rendus, en Colombie-Britannique en particulier, mais aussi ailleurs, le respect que nous devons à nos Premières Nations et la façon dont nous les traitons est essentielle, de même que les efforts que nous faisons pour mobiliser ces jeunes et comprendre que ces aspects concernent leur avenir à eux aussi.

Il y a une leçon à tirer de tout cela : nous devons rester humbles et ne pas prendre toute la place, de façon à les laisser s'arranger pour répondre aux attentes. Nous pourrions donner de grands coups de poing sur le bureau et parler des milliers de gens qui obtiendront un emploi, et nous serons très heureux si c'est ce qui arrive, nous l'espérons, mais nous avons d'autres attentes à combler, nous devons avoir cette approbation. Nous ne pourrons pas convaincre tout le monde, mais il est à espérer que nous convaincrons suffisamment de gens.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Récemment, l'Union des producteurs agricoles, qui est un syndicat, a fait une sortie contre l'oléoduc. Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, mais je me souviens du temps où le gouvernement Harper était très impopulaire auprès des associations syndicales. Les syndicats étaient très efficaces pour dénoncer certaines des actions du gouvernement conservateur. J'ai donc cru qu'il y avait là un sujet dans le cadre duquel les syndicats pourraient participer au débat public, en soulignant la question des emplois, de la qualité de vie des travailleurs, du développement économique du Canada, et cetera. Cependant, on ne vous entend pas vanter l'usage des pipelines.

[Traduction]

M. Benson : Ce qu'il ne faut pas oublier, monsieur le sénateur, c'est que nous avons beaucoup d'intérêts en jeu. C'est l'une des critiques que notre organisation essuie, comme c'est le cas de toutes les organisations comme la nôtre, de la part du public ou des gens qui sont fermement opposés à ce projet, et c'est que nous avons beaucoup d'intérêts en jeu.

Nos membres ont beaucoup d'intérêts en jeu, mais ils font eux aussi partie du public. Si nous faisions un sondage auprès de nos membres du Québec, nous apprendrions qu'ils se préoccupent de la protection de l'environnement, de la protection de la sécurité publique et du respect des droits des Premières Nations et des Métis. Ils veulent que tout cela soit avantageux pour le Canada, à long terme, et c'est ainsi que nous traitons la question.

Nous essayons de combler ces attentes. Dans le cas contraire, comme je le disais, on aurait beau crier et déclamer, c'est la même chose que ce que je disais plus tôt au sujet des critiques du travail à court terme. Je viens du secteur de la construction : j'ai exercé un métier. Ce travail consiste à terminer le travail. C'est toujours du travail à court terme. Lorsque les gens disent que le travail à court terme n'est pas une bonne chose, eh bien je leur réponds que c'est une façon pour moi de gagner ma vie.

Quand nous nous adressons aux gens, nous le faisons avec respect, nous les informons et nous essayons d'être le plus utiles possible; nous utilisons le processus axé sur la transparence et l'honnêteté, nous éliminons les zones grises et nous parlons autant des bons aspects que des moins bons. C'est bien mieux de faire cela que de s'attaquer à quelqu'un. Il n'y a pas d'autre façon d'être productif.

Je lève mon chapeau au Sénat : j'ai toujours dit que je pouvais venir devant le Sénat pour parler de ces questions, sans qu'il y ait de connotation politique. Vous réussissez très bien ce genre d'étude, et c'est pour cette raison que j'étais vraiment emballé à l'idée de venir discuter de cela avec vous aujourd'hui.

Nous devons être respectueux et réfléchis. Nous devons répondre aux questions. Il ne s'agit pas de s'attaquer à un épouvantail; il s'agit d'expliquer aux gens des choses auxquelles ils n'avaient pas réfléchi.

Mes amis de la Colombie-Britannique n'avaient pas réalisé que le pipeline oui, bien sûr, transportait du pétrole jusqu'à l'étranger, mais il leur livre aussi tout leur gaz. Ils n'en avaient aucune idée. Nous devrions expliquer davantage ces aspects de la question plutôt que de nous contenter de dire aux gens : « c'est bon pour le pays; c'est bon pour l'emploi; nous devons le construire. » Je crois que nous devons combler ces attentes, et il est beaucoup plus difficile de combler des attentes que de se mettre en colère, et je pense que c'est ainsi que nous devrions voir les choses — à tout le moins, c'est ainsi que je vois les choses.

Le président : C'est réciproque, monsieur Benson. Nous avons aimé votre exposé. Vous serez toujours le bienvenu devant notre comité.

Demain, nous allons tenir une séance exceptionnelle à 7 h du matin, car nous rencontrons des représentants de Safe Rail Communities, ici même dans cette pièce.

(Le comité s'ajourne.)

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