Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 4 - Témoignages du 7 juin 2016
OTTAWA, le mardi 7 juin 2016
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, ce matin, le comité poursuit son étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
Nous avons deux groupes de témoins. Pour la première heure, nous entendrons des représentants de Transports Canada. Et durant la deuxième heure, nous recevons des représentants de Ressources naturelles Canada.
Pour le premier groupe, j'aimerais vous présenter les représentants de Transports Canada : Laureen Kinney, sous- ministre adjointe, Sécurité et Sûreté, Brigitte Diogo, directrice générale, Sécurité ferroviaire, et Benoit Turcotte, directeur, Affaires réglementaires, Transport des marchandises dangereuses. Veuillez commencer votre déclaration. Les sénateurs auront par la suite des questions à vous poser.
Laureen Kinney, sous-ministre adjointe, Sécurité et Sûreté, Transports Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Je suis ravie d'être ici aujourd'hui et d'avoir l'occasion de vous parler de la sécurité ferroviaire et du transport des marchandises dangereuses par rail. Comme on l'a mentionné, je suis accompagnée par Brigitte Diogo, directrice générale, Sécurité ferroviaire, et par Benoit Turcotte, directeur général intérimaire, Transport des marchandises dangereuses.
La mission de Transports Canada est de servir l'intérêt public en favorisant un réseau de transport qui soit sûr, sécuritaire, efficace et respectueux de l'environnement. En tant que responsable de la réglementation, le ministère supervise le transport des marchandises dangereuses pour tous les modes de transport en vertu de la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses et assure la sécurité des compagnies de chemin de fer de compétence fédérale conformément à la Loi sur la sécurité ferroviaire. Transports Canada a un régime de surveillance solide et rigoureux pour assurer la conformité aux règles, aux règlements et aux normes en vigueur par l'entremise de vérifications et d'inspections, ainsi que pour assurer une gestion continue des enjeux liés à la sécurité.
Je signale que les chemins de fer sont normalement le moyen le plus efficace de transporter des marchandises lourdes en vrac sur de longues distances et, bien souvent, c'est la seule façon d'acheminer ces marchandises. Donc, l'accès à un service ferroviaire sécuritaire et fiable est essentiel à la santé économique et à la croissance des industries, des communautés et des villes de partout au pays. Le secteur ferroviaire est un élément clé de l'économie, et le transport sécuritaire des marchandises dangereuses contribue à renforcer davantage l'économie.
À mesure que la circulation ferroviaire augmente, nous reconnaissons que les Canadiens s'attendent à ce que l'industrie et le gouvernement prennent des mesures supplémentaires pour réduire les risques associés à la circulation des marchandises par voie ferroviaire dans leurs quartiers. De nombreuses municipalités au Canada ont été créées pour le réseau ferroviaire, et nos communautés se sont développées autour des chemins de fer avec le temps.
À la suite de la tragédie survenue il y a presque trois ans à Lac-Mégantic, la question de la sécurité ferroviaire a pris de l'importance. Nos récentes initiatives reposent sur de nombreuses mesures que nous avons prises depuis cette tragédie et visent à améliorer la sécurité et à régler les préoccupations des communautés.
Par exemple, Transports Canada a mis en place de nouvelles exigences en matière de classification qui obligent les expéditeurs à fournir une preuve de la classification des marchandises. De plus, le ministère a également lancé des projets de recherche sur le pétrole brut qui mettent l'accent sur la composition chimique, les propriétés et le comportement de la substance lors d'incendies.
Transports Canada a retiré les wagons les moins résistants aux collisions, les DOT-111, du service de transport des marchandises dangereuses et a élaboré une norme pour que la prochaine génération de wagons pour le transport des marchandises dangereuses soit plus solide et plus sécuritaire. La norme prévoit aussi un calendrier pour l'élimination progressive des wagons DOT-111, le premier échéancier pour le transport du pétrole brut étant prévu le 1er mai 2017.
Transports Canada a élargi son programme d'aide en cas d'urgence pour inclure les liquides inflammables tels que le pétrole brut, le diesel, le carburant d'aviation et l'éthanol. Par conséquent, les municipalités ont accès à des ressources additionnelles de l'industrie pour intervenir en cas d'incidents mettant en cause ces marchandises dangereuses.
Depuis le 28 avril, les sociétés ferroviaires sont tenues de communiquer plus de données sur la circulation des marchandises dangereuses aux municipalités, à leurs planificateurs de mesures d'urgence et aux premiers intervenants pour améliorer la planification, l'évaluation des risques et la formation. Cette exigence, énoncée dans l'ordre préventif numéro 36, prévoit également que les municipalités doivent recevoir des renseignements qui peuvent être transmis directement à la population canadienne et que l'échange d'information doit passer d'une fois par année, à deux fois par année puis à quatre fois par année d'ici la fin de l'été 2018. Cet ordre préventif prévoit également que les sociétés ferroviaires de catégorie 1 au Canada devront afficher sur leur site web une liste des 10 principales marchandises dangereuses qui sont transportées dans une province chaque année.
Le ministre des Transports a également publié le Guide des mesures d'urgence de 2016 et une série de lignes directrices sur les compétences des premiers intervenants. Ces outils fournissent des renseignements importants sur la sécurité, notamment sur les compétences précises relativement aux produits et aux incidents que doivent posséder les premiers intervenants lors d'un incident mettant en cause le transport par rail de marchandises inflammables. Ils aident également les formateurs et les concepteurs de programmes à élaborer le contenu des formations.
Nous avons également renforcé les règles pour sécuriser les trains afin de réduire davantage le risque de mouvements imprévus et nous avons mis en place de nouvelles règles pour les trains qui transportent des marchandises dangereuses. Ces règles imposent de nouvelles limites de vitesse pour les trains qui transportent des marchandises dangereuses, exigent plus d'inspections des rails et établissent des évaluations des risques visant les itinéraires clés en tenant compte de l'avis des municipalités et des administrations locales. Transports Canada continue également de travailler avec l'industrie, les intervenants municipaux et les premiers intervenants pour explorer des solutions en matière d'intervention en cas d'urgence pour accroître la sécurité publique des Canadiens.
Le ministère a pris de nombreuses mesures pour améliorer notre réseau ferroviaire ces dernières années mais, comme le ministre l'a indiqué, il reste encore beaucoup à faire. Renforcer la sécurité ferroviaire et assurer le transport sécuritaire des liquides inflammables comme le pétrole brut demeurent des priorités absolues pour Transports Canada.
Je signale également que le budget de 2016 appuyait cette priorité en prévoyant 143 millions de dollars pour la sécurité ferroviaire et le transport des marchandises dangereuses. Au nombre de ces mesures, citons notamment les suivantes : augmenter la capacité d'inspection; améliorer la formation afin de renforcer la surveillance partout au pays; améliorer les systèmes utilisés pour tester, classifier, enregistrer et cartographier les marchandises dangereuses et leurs mouvements; accroître les contributions fédérales aux investissements locaux pour aménager des passages à niveau plus sécuritaires; et fournir des outils et des renseignements additionnels aux premiers intervenants pour qu'ils puissent intervenir en cas d'accidents. D'autres mesures seront prises très bientôt à cet égard.
Je vous suis reconnaissante de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui. Ensemble, nous pouvons renforcer notre système de transport et maintenir un système de transport sécuritaire, sûr, efficace et respectueux de l'environnement. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le vice-président : Merci, madame Kinney. Nous allons commencer la période des questions.
Le sénateur Doyle : Merci de votre déclaration. Il y a eu de nombreux désaccords sur la façon la plus sécuritaire de transporter le pétrole brut. Est-ce plus sécuritaire par rail ou par pipeline? Nous pourrions être tentés de croire que le transport par pipeline est préférable, compte tenu des volumes importants acheminés. Pour les volumes de pétrole brut des sables bitumineux, par exemple, le transport par pipeline n'est-il pas la seule solution? Avez-vous des observations à faire à ce sujet?
Mme Kinney : Transports Canada est responsable du mouvement des marchandises dangereuses par chemin de fer et par d'autres moyens de transport, mais pas des pipelines. Je n'ai pas de renseignements et d'analyses fiables sur l'évaluation comparative. D'autres témoins seraient probablement mieux placés pour répondre à cette question.
Je souligne que, bien entendu, dans le cadre de notre travail pour surveiller le transport sécuritaire du pétrole par chemin de fer, nous devons surveiller les points de départ et les points d'arrivée. Il y a évidemment une évolution où les sources de pétrole changent. Parfois, elles changent plus rapidement, et le fait que des raffineries soient modernisées pour utiliser de nouvelles sources de pétrole aura également une incidence sur les endroits où les marchandises doivent être transportées. Il y a le facteur de la rapidité des chemins de fer. Nous nous engageons à avoir et nous avons un système robuste et sécuritaire pour le transport par chemin de fer de toutes les marchandises dangereuses et marchandises lourdes. Nous considérons que nous avons un système sécuritaire.
Le sénateur Doyle : Y compris le pétrole brut?
Mme Kinney : Y compris le pétrole brut.
Le sénateur Doyle : Une personne qui a témoigné il y a quelques semaines, de Teamsters Canada, a recommandé au comité que les wagons ferroviaires devraient faire l'objet d'essais de collision comme les automobiles, les autobus et les avions. Plus particulièrement, il a recommandé que les wagons ferroviaires avec du pétrole à bord fassent l'objet de ces essais. Y a-t-il une raison pour laquelle les wagons ferroviaires ne font pas l'objet de ces essais à l'heure actuelle?
Mme Kinney : C'est une question intéressante. Un grand nombre de tests et d'exigences sont en place pour divers éléments des wagons-citernes. Si vous mettez sur pied un système d'essais de collision, ce que nous avons pour les automobiles, par exemple, vous devez examiner les normes que vous utilisez pour déterminer la vitesse, les volumes, le type de terrain, et il y a d'importantes variations dans les chemins de fer en ce qui concerne ces facteurs.
Jusqu'à présent, on a mis l'accent sur les éléments du wagon et sur leurs faiblesses, donc les raccords supérieurs, les raccords inférieurs et les soupapes. Dans le passé, certains de ces éléments ont présenté des faiblesses, à savoir la résistance de l'acier, sa susceptibilité aux pénétrations, et cetera.
Ce sont les éléments sur lesquels l'industrie et les organismes de réglementation en Amérique du Nord, qui travaillent avec nos collègues américains, ont mis l'accent pour améliorer les wagons-citernes.
La mise sur pied d'un programme d'essais de collision sera une entreprise complexe et les résultats ne pourraient peut-être pas toujours être applicables à la configuration générale des wagons-citernes. C'est un aspect auquel il faut réfléchir.
Une partie du travail que le Canada et les États-Unis feront en matière de recherche consistera à examiner quelques- uns de ces éléments à temps en faisant des expériences et des démonstrations pour les premiers intervenants. Certains éléments seront abordés dans quelques-uns des plans actuellement en place.
Le sénateur Doyle : Combien d'inspecteurs Transports Canada a-t-il à l'heure actuelle? Le nombre d'inspecteurs est- il suffisant pour permettre au ministère de s'acquitter de son rôle de surveillance?
Mme Kinney : Chaque année, Transports Canada évalue les besoins et examine les programmes d'inspection, la surveillance et les types de suivi dont vous avez besoin pour assurer un suivi dans des secteurs où il y avait des problèmes de conformité ou des questions à régler. Nous avons actuellement 135 inspecteurs de la sécurité ferroviaire et membres du personnel qui peuvent faire de la surveillance dans ce secteur.
C'est l'effectif qui, d'après nous, est approprié pour le moment. Des travaux sont en cours pour examiner nos besoins additionnels et futurs. Nous nous pencherons sur ces besoins sous peu, mais pour le moment — depuis la tragédie survenue à Lac-Mégantic —, nous effectuons ce type d'ajustements et recrutons le personnel dont nous avons besoin.
Le sénateur Doyle : Merci.
Le sénateur Eggleton : Tout d'abord, permettez-moi de vous poser une question à propos de l'ordre de protection no 36, qui est actuellement mis en place. Je pense qu'il est important, pour susciter la confiance de la population, que ces renseignements soient accessibles et que vous le reconnaissiez. Vous communiquerez ces données au public tous les semestres.
Qu'en est-il des renseignements qui sont transmis aux premiers intervenants? Leur seront-ils communiqués au moment opportun? Seront-ils au courant de ce qui s'en vient, ou auront-ils seulement une liste générique de possibilités?
Mme Kinney : C'est un grand problème pour nous depuis le début, et nous travaillons étroitement avec la Fédération des municipalités canadiennes qui a regroupé quelques-uns des points de vue des premiers intervenants. De plus, nous avons créé un groupe d'intervention d'urgence qui a réuni les premiers intervenants et toutes les parties concernées par le transport du pétrole brut et nous travaillons avec cette équipe pour trouver des moyens d'améliorer le système et le type de renseignements dont nous avons besoin. Dans le cadre de ces mesures, nous avons apporté continuellement des améliorations à l'ordre de protection précédent qui exigeait que les renseignements soient communiqués à temps.
Je dirais à ce moment-ci que nous avons un bon système en place. Il a continuellement été amélioré à mesure que les municipalités et les premiers intervenants ont soulevé des problèmes. Actuellement, il y a deux types d'accès principaux au contenu d'un wagon-citerne donné. Il y a notamment l'application que l'on appelle AskRail. Cette application est offerte aux premiers intervenants pour que si un accident survient, ils puissent obtenir cette information sur la feuille de travail, qui est le manifeste général, et l'information sur les composantes individuelles du wagon-citerne.
Nous pouvons également obtenir ces renseignements par l'entremise de CANUTEC, un service 24 heures sur 24 qui compte des chimistes formés prêts à répondre aux appels des premiers intervenants. Ils reçoivent également l'information des sociétés ferroviaires immédiatement après un accident — en l'espace de quelques minutes normalement —, les examinent et sont en mesure de fournir des renseignements non seulement sur les wagons mais si, par exemple, un ensemble de wagons ont déraillé et qu'il y a possibilité que des produits se mélangent, ils peuvent fournir des conseils sur l'évacuation et les distances, notamment.
À partir des renseignements et des observations que nous avons en ce moment, nous estimons avoir de bons systèmes en place pour fournir les renseignements nécessaires. En augmentant la fréquence de la communication de ces données de deux fois par année, étant donné que les sociétés ferroviaires ont les bases de données nécessaires exigées dans l'ordre de prévention no 36, nous devrions être en mesure de régler les problèmes les plus connus.
Le sénateur Eggleton : Voilà qui est bien. Les premiers répondants seront alors informés rapidement. Ils recevront une alerte qu'il y a eu un déraillement, par exemple, et ils pourront aller immédiatement en ligne pour savoir ce qui se passe afin de pouvoir intervenir rapidement?
Mme Kinney : Oui.
Le sénateur Eggleton : Bien. J'imagine que les renseignements publics arrivent plus tard. Ils arrivent après tout cela, et avez-vous dit qu'ils seront communiqués sur une base semestrielle?
Mme Kinney : Il y a deux types d'information : les renseignements pour les municipalités et les premiers intervenants, et ceux pour les planificateurs de l'intervention d'urgence. Ces renseignements sont beaucoup plus détaillés et plus nombreux et portent sur les types de marchandises dangereuses. Ils seront communiqués aux municipalités et à leurs membres plus tard, à raison de deux fois par année d'ici 2018.
Les renseignements communiqués au public sont actuellement disponibles sur la liste des 10 principales marchandises dangereuses qui sont transportées et traversent les communautés, mais n'offrent pas nécessairement des données précises sur le moment, l'endroit et les volumes.
Le sénateur Eggleton : Cela semble excellent.
Permettez-moi de vous poser une question au sujet de la gestion de la fatigue. Pourquoi ne faisons-nous pas de gestion de la fatigue pour les chemins de fer? Nous le faisons pour les pilotes d'avion et les camionneurs. C'est un problème que leurs représentants syndicaux ont soulevé et pour lequel ils nous ont fourni toutes sortes d'exemples qui sont assez inquiétants, car ils pourraient mener à d'autres accidents.
Pourquoi ne faites-vous pas de gestion de la fatigue et ne fixez-vous pas des limites d'heures de travail?
Mme Kinney : Je vais répondre à cette question de façon générale et, si vous voulez obtenir plus de détails, nous pouvons demander à Brigitte Diogo de répondre, car elle est la directrice générale responsable.
À l'heure actuelle, nous avons deux mesures en place. Nous avons des règles relatives aux heures de travail et de repos qui fixent des limites et des exigences, et nous pouvons vous fournir plus de détails à ce sujet si vous le voulez. Deuxièmement, il y a des mesures à cet égard dans le nouveau Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire qui est entré en vigueur l'an dernier. Conformément à ce règlement, les sociétés ferroviaires sont tenues de tenir compte des données scientifiques et des pratiques en matière de gestion de la fatigue lorsqu'elles établissent les horaires de leurs travailleurs. Cette exigence vient d'être mise en œuvre avec la mise en place de ce nouveau règlement, et nous examinerons la façon dont il est mis en œuvre et son efficacité au cours de la prochaine année.
De façon générale, alors que nous examinons les nombreux éléments qui entrent en ligne de compte pour assurer la sécurité du transport, nous nous sommes penchés sur les problèmes physiques, l'immobilisation des trains, les normes relatives aux wagons et de nombreux autres éléments. Comme nous en avons discuté avec vous et comme vous le savez, la fatigue et les répercussions qu'elle peut avoir sur les ressources humaines constituent certainement un secteur qui suscite un intérêt soutenu, où plus de travail sera fait et sur lequel nous attirerons l'attention.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais obtenir un peu plus de détails, car nous nous sommes certainement aperçus à Lac- Mégantic que nous ne pouvons pas toujours nous fier aux sociétés ferroviaires pour prendre, sur une base volontaire, toutes les mesures qui s'imposent. Il y a eu d'autres incidents également. Les pilotes sont réglementés. Pourquoi ne réglementons-nous pas les chemins de fer également?
Veuillez me parler des mesures que vous avez prises et de leur utilité comparativement aux mesures qui seraient prises pour répondre aux exigences.
Brigitte Diogo, directrice générale, Sécurité ferroviaire, Transports Canada : Je pourrais parler des mesures que nous prendrons. Nous nous penchons sur la question. C'est une question très complexe et nous devons recueillir des renseignements en vue d'élaborer des règlements ou une politique fondée sur des données probantes.
En septembre, nous réunirons les intervenants de l'industrie et les syndicats dans le cadre du Conseil consultatif sur la sécurité ferroviaire. L'un des points à l'ordre du jour sera la fatigue.
Nous avons tenté d'aborder ce problème tout au long de l'année dans cette rubrique. On a formé un groupe de travail, mais ses membres n'ont pas réussi à s'entendre sur les recommandations qui devaient être formulées.
Transports Canada reviendra sur la question des données probantes pour déterminer comment elles peuvent être obtenues et comparées à celles d'autres industries. Nous tenterons de nous faire une idée de la situation d'autres modes de transport et d'en tirer des leçons. De plus, Transports Canada comparera notre situation à celle d'autres États ou d'autres pays, et tentera de tirer des leçons des travaux qui sont menés aux États-Unis.
Pendant ce temps, le système de gestion de la sécurité comporte un volet sur la fatigue. Au cours des prochaines semaines, dans le cadre de nos audits sur le système de gestion de la sécurité, nous examinerons les plans de gestion de la fatigue.
Le sénateur Eggleton : Quels autres pays ont un système de gestion de la fatigue? Que font les États-Unis, le Royaume-Uni ou d'autres pays européens à cet égard?
Mme Diogo : Je n'ai pas encore beaucoup d'information sur ce que font les autres pays, mais nous savons que des études sont menées aux États-Unis. En effet, notre homologue américain, la Federal Railroad Administration, vient de lancer un appel de proposition de recherche sur l'apnée du sommeil, et cetera.
Nous jetterons un coup d'œil là-dessus. Je crois que certains établissements canadiens, par exemple certaines universités, effectuent également des travaux à cet égard. Nous chercherons donc des moyens de réunir ces connaissances et de progresser de manière constructive.
Le sénateur Eggleton : Veuillez accélérer les choses. Je crois que c'est important.
Le sénateur Mercer : J'ai été surpris de la réponse fournie à l'une des questions du sénateur Doyle, c'est-à-dire celle qui cherchait à savoir si on avait comparé le transport par pipeline et le transport par train pour déterminer le moyen de transport le plus sécuritaire. Même si Transports Canada ne s'occupe pas de la réglementation des pipelines, on pourrait s'attendre à ce qu'une telle comparaison ait déjà été établie, surtout après la tragédie qui s'est produite à Lac- Mégantic. Ce n'était pas vraiment une question, mais plutôt un commentaire.
J'aimerais également parler de la première question posée par le sénateur Eggleton. Vous avez dit qu'il existait un système pour les premiers intervenants. À quelle fréquence vérifie-t-on ce système?
Mme Kinney : C'est une bonne question. Chaque municipalité a son propre plan et ses processus d'exercice d'intervention en cas d'urgence. Nous avons collaboré avec les premiers intervenants par l'entremise du Groupe de travail sur les interventions d'urgence, afin de déterminer comment nous pouvons favoriser des occasions de formation et d'exercices. Les compagnies de chemin de fer organisent également des exercices d'intervention.
Je ne connais pas la fréquence à laquelle on vérifie le système. Toutefois, je suis certaine que les différentes sources d'exercices se chevauchent.
Le sénateur Mercer : Il me semble toutefois que Transports Canada devrait exercer une surveillance et s'assurer que le système a été vérifié, qu'on a effectué un nombre minimum de tests et que les premiers intervenants sur le terrain ont reçu une formation adéquate et qu'ils connaissent le système.
Je ne peux pas penser à un exemple précis d'incident en ce moment, mais nous savons que des accidents se sont produits même lorsque de bons systèmes avaient été mis en place. Si les gens n'ont pas reçu la formation adéquate ou s'ils ne connaissent pas le fonctionnement du système, cela ne sert à rien.
Mme Kinney : J'espère que je ne vous donne pas l'impression de m'écarter du sujet, mais on a notamment formé le Groupe de travail sur les interventions d'urgence pour obtenir la contribution de la Fédération canadienne des municipalités, de l'Association canadienne des chefs de police, des pompiers volontaires autochtones et des personnes qui s'occupent des interventions d'urgence au nom des expéditeurs, des compagnies de chemins de fer et de nombreux autres organismes, car un grand nombre de ces enjeux ne relèvent pas de Transports Canada.
La capacité de première intervention des municipalités n'est pas visée par nos règlements ou nos exigences. Toutefois, c'est un domaine dans lequel nous pouvons être utiles et faire preuve de leadership. Après avoir réuni tous les intervenants, nous leur proposerons d'accomplir ce type de travail. Nous aidons ce groupe élargi en élaborant des protocoles d'exercice et des normes en matière de formation en collaboration avec ses membres, mais nous devons obtenir la participation de tous les intervenants qui ont une responsabilité dans ce domaine.
Le sénateur Mercer : Je vous garantis que si un autre accident comme celui de Lac-Mégantic se produit et que les travailleurs locaux n'ont pas reçu la formation appropriée, Transports Canada sera dans le collimateur de quelqu'un. C'est tout ce que je dis. Je crois qu'il vous faut un meilleur système de formation.
Je ne sais pas si vous connaissez un document intitulé Les 10 principaux obstacles à la compétitivité pour 2016; il est produit par la Chambre de commerce du Canada. Dans ce document, la chambre énumère plusieurs mesures qui doivent être prises, mais le quatrième élément sur la liste des obstacles, c'est « [l]es ressources canadiennes n'atteignent pas les marchés mondiaux ».
Je ne citerai pas ce point au complet, car il s'étend sur une page et demie. Toutefois, on peut lire ceci :
La prospérité économique future du Canada dépend de sa capacité à fournir une infrastructure fiable pour permettre aux ressources énergétiques du pays d'éperonner la croissance économique de l'Asie aux cours mondiaux.
Le problème fondamental dans ce cas-ci, c'est que les Canadiens pensent parfois que nous vendons notre pétrole et notre gaz aux Américains. Nous le faisons, mais à rabais. J'aimerais que nous vendions ces produits au plein prix ailleurs dans le monde. Nous devrions obtenir la juste valeur marchande.
Connaissez-vous ce document? Il concerne directement le transport des matières dangereuses.
Mme Kinney : Je crois que les personnes les mieux placées pour parler de cet enjeu seraient les représentants de Ressources naturelles Canada.
J'aimerais mentionner — et cela revient au point que vous avez fait valoir au début de votre commentaire — que Transports Canada est responsable de mettre en œuvre les mesures appropriées et la formation adéquate même si un seul wagon-citerne de pétrole brut se trouve sur le chemin de fer, afin d'assurer la sécurité du déplacement.
On transportait du pétrole brut avant 2012 et avant la grande relance qui s'est amorcée à ce moment-là, et peu importe le nombre de pipelines et leur emplacement, on continuera probablement à transporter une certaine quantité de pétrole brut. Notre rôle consiste à veiller à ce que tous ces modes de transport soient sécuritaires, et nous n'avons rien à voir dans la façon dont cette énergie atteint le marché.
Le sénateur Mercer : Merci beaucoup. Vous avez un travail difficile. Je ne veux pas vous critiquer; j'essaie plutôt de vous offrir mon soutien.
Le sénateur Black : Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Comme mon collègue, le sénateur Mercer, l'a indiqué, nous vous remercions de votre travail. C'est un travail très important pour les Canadiens.
Comme vous le savez, notre étude porte sur l'élaboration — et j'aimerais ajouter cela au compte rendu — « d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada. » J'aimerais donc me concentrer, si vous le voulez bien, sur la disponibilité des chemins de fer qui permettent de transporter ce produit de Fort McMurray, en particulier, jusqu'à la côte Ouest et la côte Est du Canada.
Si je souhaitais envoyer un wagon rempli de pétrole sur la côte Est ou sur la côte Ouest, pourriez-vous me confirmer que ce serait possible aujourd'hui?
Mme Kinney : C'est une façon différente de considérer la façon dont nous faisons ce travail. Pour être honnête, cela concerne surtout la capacité d'analyse et les politiques du ministère. D'après ce que je comprends, c'est maintenant possible. En effet, de nombreuses routes peuvent être utilisées et de nombreux liens entre différents transporteurs peuvent être établis.
D'après ce que je comprends, cela pourrait être possible, mais je n'ai pas étudié cette question, et je ne suis donc pas en mesure d'y répondre. Je suis désolée.
Le sénateur Black : D'accord. Est-ce que l'un de vos collègues serait en mesure de répondre à la question?
Vous dites qu'il serait possible de l'amener ici, de passer par un autre chemin de fer local et ensuite de rejoindre la voie principale pour amener le produit à destination.
Mme Kinney : S'il y a un chemin de fer là-bas, il devrait être possible de l'envoyer par chemin de fer.
Le sénateur Black : Mais vous ne savez pas si c'est possible aujourd'hui?
Mme Kinney : Non, je ne le sais pas.
Le sénateur Black : Mais si nous utilisions un pipeline de Fort McMurray jusqu'à la côte Est ou la côte Ouest, nous saurions que le produit serait livré à destination. Êtes-vous d'accord avec cela?
Mme Kinney : Les pipelines vont où ils vont.
Le sénateur Black : Absolument. Je suis un peu surpris que votre ministère n'ait pas d'opinion sur la question de savoir si les pipelines représentent un moyen plus efficace et plus sécuritaire que le train pour transporter du pétrole brut, car il existe de nombreuses données sur cette question. On nous a communiqué de grandes quantités de données à cet égard. J'aimerais seulement souligner que je suis surpris que vous n'ayez pas d'opinion à cet égard, mais vous n'en avez pas.
Mme Kinney : Comme je l'ai dit, notre rôle consiste à examiner les modes de transport dont nous sommes responsables, à savoir le transport maritime, aérien et ferroviaire, dans ce cas particulier. Il est important pour nous que chaque chargement de wagon soit transporté de façon sécuritaire. Ce n'est vraiment pas une question dont s'occupe habituellement Transports Canada.
Le sénateur Black : Très bien. Je comprends.
Comme vous le savez, nous entendons beaucoup parler, au sein de la population et certainement dans les médias, des voitures sans conducteur. J'aimerais connaître l'avis de votre ministère sur le rôle que l'innovation pourrait et devrait jouer dans le transport des matières dangereuses par train.
Mme Kinney : Je crois qu'on serait généralement et incontestablement d'avis que l'innovation est l'élément clé. La technologie et d'autres innovations ont permis de réaliser des progrès importants en matière de transport sécuritaire des personnes et des marchandises au cours des décennies, et on a apporté de grandes améliorations dans ce domaine.
Certaines des améliorations liées à la sécurité proviennent de travaux que nous avons menés par l'entremise de règlements et d'autres initiatives, mais certains de ces règlements exigent de faire preuve d'innovation et d'utiliser de nouvelles technologies. Il s'agit certainement d'un élément clé sur lequel nous devons nous pencher pour continuer d'améliorer le bilan de sécurité.
Le sénateur Black : Veuillez nous parler des initiatives en matière d'innovation concrètes entreprises par votre ministère. Revenons par exemple sur les excellentes questions sur la fatigue posées par mon collègue.
Si nous utilisions des trains sans conducteur, le problème de la fatigue ne se poserait pas, car il n'y aurait pas de conducteur. On pourrait faire valoir que ce moyen de transport serait plus sécuritaire. Veuillez nous parler de vos activités liées à l'innovation.
Mme Kinney : Nous travaillons sur plusieurs projets en ce moment. Nous avons un petit organisme qui se concentre sur la recherche et le développement et qui collabore avec l'industrie ferroviaire et d'autres industries, afin d'examiner de nouveaux types de freins et de systèmes de détection en voie et d'autres types d'innovations liés à la gestion, à l'exploitation des chemins de fer et à l'évaluation de la voie, de nouveaux types d'appareils à ultrasons et de radars, et cetera. Le groupe de recherche et développement a lancé plusieurs projets dans ce domaine.
De nombreuses recherches sont menées par le groupe qui se penche sur le transport des matières dangereuses et qui examine les propriétés du pétrole brut et sa volatilité. Il vérifie également si les bonnes méthodes sont utilisées pour les tests et la classification. Il y a aussi des études plus élargies en collaboration avec les États-Unis dans ces domaines. Nous collaborons également avec des universités et d'autres organismes qui mènent d'autres recherches.
Le sénateur Black : C'est excellent. Nous avons beaucoup entendu parler, ici et au sein de la population, de la notion d'un corridor du Nord. Il s'agit d'un corridor d'infrastructure qui serait probablement établi à 300 ou 400 kilomètres — ou milles — au nord de la frontière américaine. Nous avons actuellement un corridor à environ 150 milles de la frontière américaine. Le Canada créerait un nouveau corridor qui permettrait de relier le pays par chemin de fer d'un océan à l'autre. Avez-vous une opinion à cet égard?
Mme Kinney : Il est trop tôt pour exprimer une opinion à cet égard. Il reste beaucoup d'études à mener dans ce domaine.
Le sénateur Black : On a laissé entendre qu'il existe une meilleure façon de réglementer le transport par train au Canada, car au lieu de prendre des règlements aussi normatifs — vous savez ce que je veux dire —, nous pourrions changer complètement de tactique. Nous pourrions exiger certains résultats, et il reviendrait aux compagnies de chemin de fer de trouver un moyen de les atteindre. Qu'en pensez-vous?
Mme Kinney : C'est un point important dont il faut tenir compte lorsque nous nous penchons sur les règlements et les mesures qu'il faut prendre. Transports Canada a recours à des exigences normatives ou détaillées, par exemple nous exigeons qu'une chose précise soit faite ou nous précisons la hauteur d'une barrière qui doit être installée. Par contre, dans d'autres domaines, nous utilisons une approche plus large.
Nous avons également des règlements axés sur la gestion qui établissent un cadre de travail qui doit être suivi. C'est le nom technique du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, qui indique comment gérer la sécurité, mener des évaluations du risque, et cetera. Nous exigeons l'installation d'un système de gestion approprié, mais nous n'imposons pas de système en particulier. De plus, nous avons des règlements axés sur le rendement dans lesquels nous énonçons les résultats attendus. Nous croyons que les règlements axés sur le rendement offrent certains avantages. Lorsque c'est approprié, nous utilisons cette approche.
Le sénateur Black : À votre avis, quelle serait la démarche appropriée?
Mme Kinney : À titre de membre d'un organisme de réglementation, et en raison des travaux que nous avons effectués sur plusieurs modes de transport, je suis d'avis qu'il existe différents types de règlements qui conviennent bien à différents types d'objectifs. Dans certains cas, si, par l'entremise d'incidents, de rapports d'accident et d'enquêtes, nous savons qu'un certain type d'équipement est essentiel au maintien de la sécurité, nous pouvons prendre un règlement normatif qui oblige la mise en œuvre d'une mesure précise.
Toutefois, s'il y a plusieurs façons d'atteindre un résultat, peut-être quatre ou cinq différentes façons, et que nous souhaitons laisser à un exploitant la liberté de choisir le moyen le plus efficace, nous pouvons utiliser des règlements axés sur le rendement. Cela dépend du type d'objectif que nous tentons d'atteindre.
Le sénateur Black : A-t-on observé une tendance?
Mme Kinney : La tendance est de favoriser les règlements axés sur le rendement et certainement les règlements axés sur la gestion, que nous appelons des systèmes de gestion de la sécurité. Ils sont ajoutés aux règlements normatifs de base. Je ne veux pas donner l'impression que nous n'avons pas besoin des règlements normatifs. Habituellement, nous utilisons une combinaison de plusieurs types de règlements qui visent différents types de problèmes.
La sénatrice Unger : J'aimerais revenir sur la question de savoir si les premiers intervenants reçoivent une formation. Je crois qu'ils reçoivent une formation, car il y a quelques mois, dans le cadre d'une émission de radio diffusée à Edmonton, on discutait du fait que les premiers intervenants participaient à l'élaboration de nouveaux règlements. J'ai écouté l'émission, car cela m'intéressait, et il m'a semblé que le processus avait été lancé.
Vous avez également mentionné qu'un conseil consultatif avait été formé, mais que ses membres ne pouvaient pas se mettre d'accord. Quel était le point sur lequel ils ne pouvaient pas s'entendre?
Mme Kinney : J'aimerais seulement souligner qu'effectivement, de nombreux travaux sont menés en collaboration avec des premiers intervenants et des municipalités. Les compagnies de chemin de fer et les entreprises d'expédition offrent également beaucoup de formation et de nombreuses occasions à cet égard. Le travail accompli par le groupe de travail que nous avons mis sur pied a permis aux premiers intervenants de donner directement leur avis sur l'élaboration de certains règlements, sur une partie du programme d'aide en cas d'urgence et sur son fonctionnement, ainsi que sur les compétences requises. Nous avons organisé un Exercice Vulcan qui a réuni un grand nombre de premiers intervenants, et cetera. Ces travaux vont bon train et ils tiennent compte des besoins et des points de vue des premiers intervenants.
Pour ce qui est du conseil consultatif, je vais demander à Mme Diogo de répondre à la question.
Mme Diogo : Il y a le Conseil consultatif sur la sécurité ferroviaire. Le conseil a formé un groupe de travail chargé d'étudier la question de la fatigue et de formuler des recommandations sur la façon de remédier à la situation dans l'industrie pour les années à venir.
Le groupe a fait quelques travaux préliminaires, mais il est arrivé à une impasse, car il n'a pas réussi à formuler des recommandations sur la façon de prévenir la fatigue.
La sénatrice Unger : Savez-vous qu'est-ce qui a mené à cette impasse?
Mme Diogo : Il n'a pas pu aller plus loin pour différentes raisons. Transports Canada a donc décidé de dissoudre le groupe de travail et de proposer des avenues possibles pour faire avancer les choses.
La sénatrice Unger : Vous avez alors formé le Groupe de travail sur les interventions d'urgence.
Mme Diogo : C'est un enjeu distinct. La question de la fatigue renvoie aux activités ferroviaires, tandis que les interventions d'urgence renvoient au transport des matières dangereuses et à la manière d'intervenir en cas d'urgence.
La sénatrice Unger : Madame Kinney, vous avez parlé des nouveaux essais d'inflammabilité. Cependant, le pétrole brut transporté dans les wagons qui ont déraillé à Lac-Mégantic provenait des États-Unis et il est reconnu pour être hautement inflammable. Convenez-vous qu'on ne peut pas en dire autant du pétrole brut de l'Alberta, par exemple?
Mme Kinney : Il est très difficile de répondre à cette question.
Je dirais qu'au moment de la tragédie de Lac-Mégantic, on ne connaissait pas très bien le niveau de volatilité des pétroles bruts qui proviennent de la formation de Bakken. Je note que le Canada produit aussi de ce type de pétrole, alors cela ne se limite pas aux produits des États-Unis.
Dans la foulée de l'incident de Lac-Mégantic, le groupe de travail sur le transport des matières dangereuses a dû prélever des échantillons et examiner les composantes du pétrole brut des différentes sources canadiennes, afin d'en déterminer la volatilité, de voir comment tout cela fonctionnait, mais surtout de déterminer à quel point nos méthodes d'essai arrivent à capturer le gaz présent dans ces liquides. Je n'entrerai pas dans les détails, mais il y a réellement lieu de se poser des questions, car les normes établies se fondent sur la présomption internationale que la plupart des pétroles bruts ont des caractéristiques semblables, à l'instar des produits raffinés.
Mais en réalité, les pétroles bruts sont hautement variables, alors nos méthodes d'essai devaient être peaufinées. C'est un projet qui a été mené en collaboration avec les États-Unis. Nous avons constaté que le niveau de volatilité pouvait varier énormément, qu'il y avait différentes concentrations de souffre, en plus des autres éléments qui intéressent et préoccupent le Canada. Les résultats de ces recherches vont éclairer l'élaboration d'une nouvelle approche.
La sénatrice Unger : Mais ce train transportait...
Mme Kinney : Du pétrole du Dakota du Nord.
La sénatrice Unger : Oui, merci.
Est-ce que les résultats de l'étude que vous venez de terminer sont publiés quelque part?
Mme Kinney : Je crois que les premiers résultats de l'échantillonnage, pour lequel un petit nombre d'échantillons ont été prélevés, sont affichés sur notre site web. Nous pourrons probablement vous fournir le lien. Sinon, nous pourrions vous remettre un résumé des résultats.
La sénatrice Unger : Ce serait apprécié.
Diriez-vous qu'il y a eu un manque de communication du côté des premiers intervenants? Est-ce que cela pourrait être ce qui a entre autres contribué à la gravité de la situation à Lac-Mégantic? Y a-t-il eu un manque de coordination? Le savez-vous? Vous êtes-vous penchés sur la question?
Mme Kinney : Ce n'est pas nécessairement la conclusion que j'en tirerais. Je crois qu'au final, d'après les renseignements que nous avons recueillis auprès de toutes les parties prenantes, on peut conclure que beaucoup de formation était offerte par les chargeurs des produits de pétrole, par exemple, et les compagnies ferroviaires. Beaucoup de formation était offerte, et chaque municipalité assurait sa propre formation.
Un facteur qui est entré en jeu à Lac-Mégantic, ainsi qu'à Plaster Rock, qui avait un service de pompiers volontaires, si je ne m'abuse, c'est les normes de formation et la manière dont sa prestation était assurée.
Nous avons abordé la question sous différents angles. Nous avons entre autres déterminé que les programmes de formation sur les interventions d'urgence devaient exiger des chargeurs des marchandises de dépêcher les spécialistes concernés pour aider les premiers intervenants avec les questions très pointues pour lesquelles il serait insensé de former les premiers intervenants. Nous avons ensuite établi, par l'entremise du Groupe de travail sur les interventions d'urgence, les normes et les compétences requises pour les premiers intervenants. Le tout a été transmis à l'entité nord- américaine responsable de l'établissement de ces normes. Nous espérons que le résultat sera satisfaisant.
Quant à savoir comment offrir du soutien de façon optimale aux petites organisations dans les régions, c'est une question qui a été étudiée en profondeur au cours des deux ou trois dernières années, et le groupe de travail y a certainement contribué.
La sénatrice Unger : Merci beaucoup de votre présence et de vos réponses à nos questions.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos témoins. Je m'excuse d'abord de mon retard, monsieur le président; je siégeais à un autre comité ce matin.
Monsieur Turcotte, comme votre nom ne figure pas dans la liste qu'on nous a remise, j'aimerais savoir quelles sont vos fonctions au ministère.
Benoit Turcotte, directeur, Direction des affaires réglementaires, Transports Canada : Je suis directeur des affaires réglementaires à la Direction générale du transport des marchandises dangereuses.
Le sénateur Boisvenu : D'accord. Comme je suis un sénateur du Québec, vous comprendrez qu'un dossier qui m'interpelle beaucoup est celui de Lac-Mégantic, d'autant plus que je demeure dans cette région. Je suis très sensible à ce terrible événement qui a frappé cette région.
Ma question s'adresse à Mme Kinney ou à Mme Diogo. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada a formulé cinq recommandations à la suite de la tragédie survenue à Lac-Mégantic. Nous avons appris récemment, lors d'une entrevue dans les médias, que l'une des recommandations avait été mise en place, que trois autres étaient en voie de l'être et qu'une autre n'avait pas encore été examinée.
Pouvez-vous nous faire un bilan quant à ces cinq recommandations, afin que nous puissions savoir où nous en sommes et selon quel échéancier ces cinq recommandations seront mises en place?
[Traduction]
Mme Kinney : Selon Transports Canada, nous avons agi immédiatement après la formulation des recommandations. Le ministre a formulé une réponse officielle et a pris des engagements précis pour chacune des recommandations. Pour ces réponses et la mise en œuvre de nouveaux éléments, tout a été mis en place. Nous avons par exemple mis en place des plans d'intervention d'urgence pour les produits de pétrole brut. Le Bureau de la sécurité des transports a noté que ce volet était terminé.
Pour ce qui est des quatre autres recommandations, des mesures ont été prises pour l'ensemble d'elles et tout a été mis en œuvre, de la mise en place d'un nouveau régime pour l'arrimage des trains, par exemple, grâce à une injonction ministérielle émise peu de temps après le dépôt des recommandations. Le régime a été amélioré depuis, à mesure que nous avons reçu de nouveaux renseignements et que nous avons mieux compris comment peaufiner cette réglementation technique complexe qui découle d'une recommandation de haut niveau, et c'est tout à fait approprié.
En ce qui a trait aux évaluations du Bureau de la sécurité des transports, cela a été publié dans son évaluation de mars 2016. C'est au bureau de commenter son évaluation, mais en gros, il souligne qu'il faut encore démontrer s'il sera efficace pour certains secteurs de mettre en place un tout nouveau régime. Avec les données qui seront recueillies au cours des deux prochaines années, concernant l'arrimage des trains et d'autres exemples tirés de l'industrie, nous serons en mesure de voir si tout cela est réellement efficace. D'ici là, le bureau estime qu'il est impossible d'affirmer que le dossier est clos ou que les mesures prises sont satisfaisantes.
Pour d'autres, comme la recommandation sur la norme s'appliquant aux wagons-citernes, une nouvelle norme a été mise en place et un échéancier ambitieux a été fixé pour l'élimination progressive de ces wagons. À ce sujet, le Bureau de la sécurité des transports indique dans son évaluation que les risques vont subsister pendant une longue période, et qu'il est important de maintenir les mesures provisoires d'ici à ce que les wagons aient été retirés du service, et nous sommes aussi de cet avis. Parmi ces mesures provisoires, il y a les itinéraires clés, l'évaluation des voies ferrées, l'évaluation des trains et l'évaluation des risques. Il ne s'agit pas de déterminer si Transports Canada va prendre ou non des mesures à la lumière de ces recommandations. Nous avons donné notre plein accord et avons pris les mesures qui s'imposaient. À savoir si elles seront efficaces et si les risques ont été complètement éliminés, il faudra dans certains cas un peu de temps pour le déterminer.
Pour guider la mise en œuvre de ces mesures, à partir du moment où les recommandations ont été formulées par l'entremise des injonctions ministérielles et des ordres pour la protection du public, des processus moins officiels, nous avons travaillé étroitement avec nos inspecteurs pour voir ce qu'en disaient nos données d'inspection, et avec le Bureau de la sécurité des transports, pour voir ce qu'en disaient les informations les plus récentes sur les derniers incidents à s'être produits. Nous avons ajusté toutes les exigences en conséquence, et nous continuerons de le faire en fonction de ce que nous indiquent les données du Bureau de la sécurité des transports et les nôtres; l'arrimage des trains en est un bon exemple.
Nous avons constaté dans nos inspections que les problèmes relevés à très petite échelle à l'égard des nouvelles règles sur l'arrimage des trains étaient attribuables à la formation des employés des compagnies ferroviaires et à leur compréhension des règles. Nous nous sommes penchés notamment sur la façon dont la formation était donnée et nous avons voulu savoir si les employés en recevaient suffisamment. Le régime pourrait être approprié et tout à fait efficace si les gens le comprenaient bien, alors nous voulons nous assurer que c'est effectivement le cas.
Ce sont des questions qui seront réglées avec le temps.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : En ce qui a trait à l'utilisation de wagons à double paroi, qui sont plus sécuritaires pour le transport de matières dangereuses au Canada, le niveau de dangerosité est très aléatoire selon la géographie des chemins de fer. Le passage des wagons, particulièrement lorsqu'ils traversent l'Estrie, entre le Maine et Montréal, par exemple, se fait en montagne et sur des pentes très aiguës. C'était le cas dans l'accident de Lac-Mégantic; le wagon a dévalé la pente entre Nantes et Lac-Mégantic, là où le niveau de dénivellation est très élevé. Nous savons que le chemin de fer qui passe au cœur de Lac-Mégantic comporte aussi une courbe très dangereuse.
Dans le cas des circuits précis qui présentent un niveau de risque très élevé de déraillement ou de perte de contrôle, envisagez-vous d'établir des circuits plus sécuritaires, tels des circuits plats comme ceux que l'on retrouve à Sherbrooke, avec des lignes très droites et pour lesquels le danger de déraillement est moins élevé? Sur des circuits à risque, envisagez-vous, dans l'immédiat, de recourir à des wagons plus sécuritaires que sur d'autres circuits où le risque est moins élevé?
[Traduction]
Mme Kinney : C'est une bonne question, et cela fait partie des choses que nous avons intégrées au régime complet de transport des matières dangereuses et de sécurité ferroviaire.
Les wagons-citernes doivent être construits de manière à résister aux chocs, mais en premier lieu, il faut s'assurer que les activités ferroviaires permettront d'éviter les déraillements. Pour revenir à ce que vous disiez, nous avons adopté des règles sur les itinéraires et les trains clés, et nous allons continuer de suivre le dossier pour évaluer leur efficacité.
Comme mesure initiale, nous avons exigé que toutes les compagnies ferroviaires qui transportent de grands volumes de pétrole brut, par exemple, évaluent les risques associés à l'itinéraire. Cette mesure a depuis été améliorée et élargie, et nous allons continuer à la suivre de près. Je pense qu'il y a 28 facteurs à prendre en considération, et ils renvoient exactement à ce que vous disiez : Quelle est la courbe? Quelles sont les pentes? Quels sont les types de produits? Quelles sont les répercussions locales? Pour les municipalités, il est aussi important de savoir si un pont ferroviaire enjambe des terres humides ou une source d'approvisionnement en eau pour la collectivité.
L'évaluation des itinéraires et trains clés est un volet important du régime, et nous allons surveiller la situation pour nous assurer que des mesures adéquates sont mises en place. Si de nouvelles règles s'imposent pour des secteurs particulièrement risqués, nous allons y voir.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : De nombreux citoyens de Lac-Mégantic ont demandé la tenue d'une enquête criminelle à la suite de la publication du rapport sur l'accident survenu en 2013. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada envisage-t-il de mener une enquête criminelle dans ce dossier?
[Traduction]
Mme Kinney : Normalement, lorsque survient un incident ou un accident, le Bureau de la sécurité des transports détermine le type d'enquête qu'il peut entreprendre en vertu de son mandat. Il serait mieux placé que moi pour répondre à cette question.
Transports Canada a entrepris sur-le-champ une enquête en vue de déterminer si tout avait été fait conformément à la Loi sur la sécurité ferroviaire et au Règlement sur le transport des marchandises dangereuses. Des accusations ont été déposées en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire dans ce cas précis, et nous examinons le dossier en ce qui a trait au transport des marchandises dangereuses. Transports Canada a mené une enquête et déposé des accusations en vertu des lois qui cadrent avec son mandat.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Aucune enquête criminelle n'est envisagée.
[Traduction]
Mme Kinney : Comme vous le savez, la Sûreté du Québec a déposé des accusations criminelles, et je crois que cela n'a pas encore été réglé devant les tribunaux.
Le vice-président : Je tiens à remercier les représentantes de Transports Canada d'avoir été des nôtres ce matin.
Notre prochain groupe de témoins représentent Ressources naturelles Canada. Je vous présente Terence Hubbard, directeur général, Direction des ressources pétrolières; Lisanne Bazinet, directrice adjointe, Division des pipelines, du gaz et du GNL, Direction des ressources pétrolières; et Timothy Gardiner, directeur général, Secrétariat des projets stratégiques, Bureau de gestion des grands projets.
Je vous invite à présenter votre exposé. Les sénateurs pourront ensuite vous poser des questions.
Terence Hubbard, directeur général, Direction des ressources pétrolières, Ressources naturelles Canada : Merci de nous avoir invités à comparaître devant le comité. Nous avons une courte présentation, que je vais parcourir rapidement avec vous. Je crois que vous en avez tous reçu une copie. Les diapositives font simplement le survol du contexte entourant le développement de l'infrastructure énergétique de nos jours.
Le Canada est parmi les plus grands producteurs de pétrole brut au monde, ayant produit 3,9 millions de barils par jour en 2014. Le Canada a un vaste réseau d'oléoducs transportant du pétrole brut, qui est hautement intégré à celui des États-Unis. Au total, il y a presque un million de kilomètres d'oléoducs au Canada, dont 73 000 sont réglementés par le gouvernement fédéral. Les responsabilités fédérales s'appliquent principalement aux pipelines interprovinciaux et internationaux, les grands pipelines transnationaux.
Le réseau d'oléoducs du Canada fonctionne généralement à pleine capacité, et quelque 200 000 barils par jour sont aussi transportés par train.
Il y a eu d'importantes fluctuations dans les marchés mondiaux ces dernières années. Les États-Unis sont notre principal marché d'exportation; en 2014, 97 p. 100 de nos exportations de pétrole brut et 100 p. 100 de nos exportations de gaz naturel étaient destinées aux États-Unis. Les États-Unis vont demeurer un marché important, mais avec l'essor des gaz et du pétrole de schiste, leur production permet de plus en plus de répondre à leurs propres besoins. Afin de maintenir sa production actuelle, mais aussi de favoriser la croissance de son industrie pétrolière et gazière, le Canada va devoir diversifier ses marchés et mettre l'accent sur les marchés en expansion dans la région de l'Asie-Pacifique.
Notons également que même selon le scénario le plus optimiste de nos collègues de l'Agence internationale de l'énergie en ce qui a trait aux changements climatiques, on s'attend à une demande mondiale continue en pétrole jusqu'en 2040. Le Canada est en position de devenir un fournisseur fiable, stable et durable d'énergie sur les marchés mondiaux en cette période de transition.
La diapositive 5 indique que la capacité limitée du réseau de pipelines a entraîné une offre excédentaire de pétrole brut en Amérique du Nord. Cela a occasionné des rabais importants sur le prix du pétrole brut canadien au cours des dernières années. Malgré la chute du prix du pétrole, la production pétrolière du Canada devrait continuer d'augmenter au cours des cinq prochaines années, même si aucun nouveau pipeline n'est construit.
Sans nouvelles infrastructures de pipelines, on dépendra de plus en plus du transport ferroviaire. Pour suivre le rythme de la production, il faudra se munir d'une capacité pipelinière supplémentaire de un million de barils par jour d'ici 2020, et de deux millions de barils par jour d'ici 2030. Dans le contexte actuel de la baisse des prix du pétrole, la dépendance au transport ferroviaire, plus coûteux, a des répercussions économiques importantes. Il en coûte 5 $ de plus par baril vers la côte Ouest, 6 $ de plus vers la côte Est, et jusqu'à 10 $ de plus vers le golfe du Mexique. Une réduction de 30 $ par baril, c'est beaucoup pour les producteurs de pétrole.
Passons à la diapositive 6. Une nouvelle capacité de pipelines réduirait les coûts de transport et aiderait les producteurs de pétrole à faire avancer les projets en développement. Le Conference Board du Canada a publié des études récentes qui font l'estimation des retombées économiques globales des projets d'exportation de pétrole proposés, tant sur le plan de la construction que de l'exploitation de ces projets.
La construction d'un pipeline jusqu'aux voies maritimes permettrait d'améliorer l'accès aux marchés pour les producteurs de pétrole canadiens, et de renforcer la sécurité énergétique du Canada à long terme.
Je suis à la diapositive 7. Les promoteurs du secteur privé proposent différents projets de développement d'une nouvelle capacité d'exportation pipelinière à partir de l'Ouest canadien. Cela comprend différents projets pour lesquels le gouvernement devra prendre des décisions de nature réglementaire dans l'année ou les deux années à venir. Il y a entre autres l'agrandissement du pipeline Trans Mountain de Kinder Morgan, le programme de remplacement de la ligne 3 d'Enbridge, de même que le projet d'Énergie Est, qui s'étendrait de l'Alberta à l'Est du Canada, et pour lequel l'Office national de l'énergie doit entreprendre un examen réglementaire dans les prochaines semaines.
Passons maintenant à la diapositive 8. La construction des pipelines est au cœur du débat public lorsqu'il est question de l'exploitation de nos ressources naturelles et elle suscite d'importantes préoccupations relatives à la protection de l'environnement. En vérité, comme le ministre Carr l'a souvent répété, il n'est pas nécessaire que l'une des deux se fasse au détriment de l'autre.
À la diapositive 9, on peut voir qu'un environnement sain et une économie forte vont de pair. Dans les lettres de mandat du premier ministre destinées au ministre de l'Environnement et au ministre des Ressources naturelles, le gouvernement s'est engagé à exploiter nos ressources de façon durable en respectant les droits des peuples autochtones et en appuyant un secteur des ressources naturelles plus résilient. Sans la confiance du public dans les processus de réglementation, les projets proposés ne pourront tout simplement pas aller de l'avant.
C'est pourquoi le gouvernement a annoncé son intention de moderniser l'Office national de l'énergie et de revoir les processus d'évaluation environnementale fédérale.
Prenons la diapositive 10. Parallèlement, le gouvernement a annoncé une stratégie de transition pour les projets de ressources actuellement en cours d'examen. Cette stratégie nous permettra de faire participer pleinement les groupes autochtones au processus, de donner l'occasion aux Canadiens d'exprimer leurs points de vue et de nous assurer que les décisions sont fondées sur des faits et des données scientifiques.
Il y aura également une évaluation des émissions de gaz à effet de serre en amont associées aux projets de pipelines, qui sera menée par nos collègues d'Environnement Canada. Ces principes démontrent que nous sommes résolus à travailler en partenariat avec les peuples autochtones et à nous assurer que les répercussions des projets sur leurs droits et leurs intérêts sont prises en compte dans la prise de décisions.
Comme vous pouvez le constater à la diapositive 11, nous prenons actuellement des mesures pour améliorer le rendement de notre régime de sécurité des pipelines. La Loi sur la sûreté des pipelines, qui entrera en vigueur le 19 juin, permettra de nous assurer que le Canada maintient des normes de sécurité élevées à l'échelle du pays. La santé et la sécurité des Canadiens ainsi que la protection de l'environnement sont au cœur de ce projet de loi. La loi viendra renforcer le système fédéral de sécurité des pipelines entourant la prévention, l'état de préparation et d'intervention en cas d'incident, la responsabilité et les indemnisations. Plus précisément, le gouvernement va inscrire dans la loi le principe du « pollueur-payeur », ce qui fera en sorte que les entreprises devront assumer entièrement la responsabilité, sans égard à la faute, en versant jusqu'à 1 milliard de dollars à la suite d'un incident.
Pour conclure, à la diapositive 12, RNCan reconnaît que l'aménagement des pipelines appuiera le développement d'une industrie pétrolière et gazière plus viable et résiliente. L'exploitation de ces ressources permettra de créer des emplois et de favoriser la croissance économique dans le respect de l'environnement. En donnant suite à son engagement de moderniser l'Office national de l'énergie et d'examiner les processus d'évaluation environnementale, le gouvernement répondra aux préoccupations qui ont été soulevées relativement au développement des infrastructures et veillera à ce que tous les projets qui vont de l'avant soient sûrs pour l'environnement et pour la population.
Le vice-président : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant passer à la période de questions.
Le sénateur Mercer : Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous consacrez.
Je vais maintenant vous parler d'un document. J'ignore si vous le connaissez, mais quoi qu'il en soit, je vous le recommande. C'est un document qui a été rédigé par la Chambre de commerce du Canada et qui s'intitule Les 10 principaux obstacles à la compétitivité pour 2016. Le quatrième obstacle qu'on y trouve est : « les ressources canadiennes n'atteignent pas les marchés mondiaux ». Je ne vais pas le lire au complet, mais je vais vous en citer un extrait. Le gouvernement « devrait tenter d'établir des partenariats pour établir une base de faits communs sur les options de diversification des marchés pour que le risque des projets puisse être évalué adéquatement et avec transparence. »
Tout d'abord, connaissez-vous ce document, et le cas échéant, que pensez-vous de cette affirmation? La chambre de commerce s'est étendue plus longuement sur la question.
M. Hubbard : Je connais le document. Je l'ai examiné il y a déjà quelque temps, mais je comprends. Non seulement la chambre de commerce, mais aussi plusieurs autres institutions ont souligné l'importance de créer un accès aux voies maritimes pour nos ressources naturelles afin de renforcer la compétitivité et l'économie du Canada à l'avenir.
Le sénateur Mercer : Sous la rubrique « La voie de l'avenir », la Chambre de commerce du Canada fait valoir que le gouvernement fédéral doit « investir dans les infrastructures énergétiques clés et l'aménagement de celles-ci, y compris étudier toutes les façons responsables de faciliter l'accès en eau de mer aux ressources énergétiques canadiennes ».
Je pense que nous faisons partie de ce processus. Ce n'est pas ce qu'elle a dit, mais j'estime que nous faisons partie de ce processus en tenant cette discussion.
Le ministère est-il d'avis que les pipelines, vers l'est ou vers l'ouest, sont le moyen le plus sûr, rapide et rentable d'acheminer notre pétrole vers les marchés?
M. Hubbard : Les pipelines sont reconnus comme étant l'un des moyens les plus sécuritaires et rentables de transporter de grands volumes de produits pétroliers ou de pétrole brut sur de longues distances. Cela dit, d'autres modes de transport, comme le transport ferroviaire ou routier, jouent également un rôle important dans l'ensemble de notre réseau de distribution. N'empêche que les pipelines sont une composante importante de notre secteur énergétique.
Le sénateur Mercer : C'est intéressant. Les représentants du ministère des Transports qui ont comparu plus tôt n'avaient pas d'opinion sur les pipelines, mais vous avez une opinion sur le transport ferroviaire, routier, et cetera. Je trouve cela intéressant.
Vous avez parlé d'un million de barils par jour. Je suis désolé, mais j'ai raté ce que vous avez dit à ce sujet. Pourriez- vous me rafraîchir la mémoire là-dessus?
M. Hubbard : Le Canada a produit près de 3,9 millions de barils de pétrole par jour en 2014. Selon les dernières prévisions de l'Office national de l'énergie, nous allons accroître notre production d'environ un million de barils par jour d'ici 2020-2021. Étant donné que notre réseau de pipelines qui transportent du pétrole brut est déjà utilisé à pleine capacité et que nous avons déjà recours au transport ferroviaire pour acheminer notre pétrole, nous devrons élargir notre réseau de pipelines d'ici là ou nous devrons dépendre davantage du transport ferroviaire.
Le sénateur Mercer : Avez-vous réalisé une analyse économique de l'incidence de la construction des pipelines? Évidemment, je parle ici des pipelines dans l'Est et dans l'Ouest du Canada. Dans l'Ouest, il y a plusieurs options possibles. Avez-vous songé aux répercussions économiques de tout cela? Il faut également tenir compte de l'impact économique attribuable à la fluctuation du prix du pétrole brut si nous l'acheminons vers le nord ou vers le sud. Si nous exportons notre produit vers le sud, nous le vendons à rabais aux Américains. Si nous l'acheminons vers les marchés internationaux, nous le vendons au cours mondial.
M. Hubbard : Pour répondre à votre première question, sachez que des entreprises du secteur privé ont réalisé plusieurs études sur l'incidence économique des pipelines. Essentiellement, il revient au secteur privé de soumettre des projets, et les investisseurs du secteur privé devront voir si ces propositions sont viables. Les entreprises ont proposé différentes options.
Si on se penche sur l'ampleur de ces investissements, parfois de l'ordre de 15 milliards de dollars pour certains projets d'infrastructure, cela aura une incidence considérable sur le développement économique de notre pays.
Par ailleurs, l'écart entre la production de pétrole brut du Canada et la production mondiale a largement diminué au cours des dernières années en raison de plusieurs facteurs, mais à mesure que notre production continue de s'accroître en Amérique du Nord, il y a toujours le risque que cet écart s'accentue de nouveau si nous ne trouvons pas de moyens d'augmenter la capacité de nos infrastructures afin de transporter le pétrole jusqu'aux côtes.
Au fil des années, plusieurs études se sont penchées sur l'impact de cet écart entre les prix canadiens et les prix mondiaux, et cet écart pourrait être important dépendamment de l'analyse.
Le sénateur Mercer : Si le Canada pouvait acheminer son pétrole brut jusqu'aux côtes Atlantique et Pacifique, compte tenu du volume que nous sommes en mesure de produire — et cela ne relève peut-être pas de votre champ de compétence, je l'ignore —, il me semble que depuis toujours, lorsqu'il y a des problèmes au Moyen-Orient, le prix du pétrole augmente. Il faudra mener cette analyse. On ne parle pas seulement de Halifax, mais du monde entier. Notre capacité d'acheminer nos ressources pétrolières vers les côtes pourrait contribuer à la stabilité des prix partout dans le monde, étant donné le volume que nous pourrions produire si nous avions les installations adéquates.
Comme je l'ai dit, cela dépasse peut-être votre champ de compétence, mais je suis tout de même déçu de vous entendre citer des études du secteur privé plutôt que des études ministérielles ou encore une analyse de ces études privées menée par le ministère.
M. Hubbard : Le gouvernement a réalisé des études sur les retombées économiques des projets d'infrastructure et sur l'écart entre les prix canadiens et les prix mondiaux. Nos collègues du ministère des Finances incluent souvent cette analyse dans leurs mises à jour financières, étant donné l'importance du secteur pétrolier et gazier.
Le sénateur Mercer : Affaires mondiales Canada participe-t-il à cette analyse?
M. Hubbard : Ce ministère est également au courant de cette analyse.
Le sénateur Mercer : « Être au courant » ne signifie pas y participer, mais plutôt le lire dans les journaux. A-t-il pris part à une analyse ou donné son avis sur la forme que devrait prendre cette analyse?
M. Hubbard : Je ne peux pas vous dire exactement qui le ministère des Finances a consulté dans le cadre de cette analyse. Je sais que nous avons des conversations régulières.
Le sénateur Mercer : Qu'en est-il de votre ministère?
M. Hubbard : Notre ministère discute régulièrement avec le ministère des Finances et lui transmet des renseignements.
Le sénateur Mercer : Qu'en est-il d'Affaires mondiales Canada?
M. Hubbard : C'est la même chose. Nous avons établi un groupe de travail interministériel, au niveau des sous- ministres adjoints, qui se réunit toutes les deux semaines pour discuter des dernières nouvelles concernant le marché du pétrole, étant donné son incidence importante à la fois sur l'industrie et sur l'économie en général.
Le sénateur Mercer : À mon avis, ces réunions prendront une importance considérable dans un très proche avenir.
La sénatrice Unger : Dans le réseau de pipelines destiné au transport de pétrole brut, où les raffineries du Canada atlantique s'approvisionnent-elles?
M. Hubbard : Il y a deux raffineries dans l'est du pays : Irving, à Saint John, et Come by Chance, à Terre-Neuve. Ces deux raffineries dépendent principalement du pétrole brut étranger, mais la raffinerie de Saint John peut compter sur des infrastructures ferroviaires et pourrait avoir accès au pétrole brut de l'Amérique du Nord.
La sénatrice Unger : De quels pays provient le pétrole de la raffinerie Irving, par exemple?
M. Hubbard : Je n'ai pas la liste complète des pays, mais je sais que le pétrole brut provient d'un grand nombre de producteurs mondiaux. Étant donné qu'on a accès aux côtes, on peut acheter le pétrole de n'importe quel producteur.
La sénatrice Unger : Comme l'Arabie saoudite?
M. Hubbard : L'Arabie saoudite, le Venezuela, le Royaume-Uni ou la Norvège.
La sénatrice Unger : Et les États-Unis? Le pétrole américain, probablement le même pétrole que nous vendons aux États-Unis à rabais, est acheminé jusqu'à ces raffineries pour y être raffiné, n'est-ce pas?
M. Hubbard : Je devrais vous revenir avec les chiffres précis, mais effectivement, ces dernières années, nous avons constaté une augmentation des exportations de pétrole brut américain vers les raffineries de l'Est du Canada.
La sénatrice Unger : D'accord. Vous avez parlé de la modernisation de l'Office national de l'énergie. À votre avis, combien de temps cela prendra-t-il?
M. Hubbard : Il faudra du temps pour consulter et mobiliser les Canadiens au sujet des changements et des efforts de réforme, mais le ministère travaille actuellement sur ces changements. Le ministre Carr a annoncé la stratégie provisoire, qui nous permettra d'examiner les projets en cours.
En même temps, le ministre Carr a annoncé son intention de lancer un processus de nomination afin de recruter de nouveaux membres au sein de l'ONE. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, la Loi sur la sûreté des pipelines entrera en vigueur à la mi-juin et contribuera à renforcer notre système de sécurité des pipelines.
Nous procéderons à un examen plus vaste de l'Office national de l'énergie, mais nous apportons tout de même des modifications en ce moment.
La sénatrice Unger : Cela pourrait-il prendre des mois ou des années? Avez-vous une idée?
M. Hubbard : Je pense qu'on parle davantage d'années que de mois, étant donné que nous devons consulter les Canadiens concernant ces changements et procéder à des réformes législatives potentielles, en plus de tout le processus parlementaire qui s'ensuit.
La sénatrice Unger : J'ai une question concernant le principe du « pollueur-payeur » qui sera enchâssé dans la loi.
La situation est-elle problématique au point où il faut l'inscrire dans la loi? Depuis quelques années, j'entends dire que c'est presque une norme acceptée. Ce principe posait-il problème au point où il faut l'enchâsser dans la loi?
M. Hubbard : Mon collègue serait peut-être mieux placé que moi pour en parler, compte tenu de son expérience dans le domaine, mais je n'ai jamais eu connaissance d'une société de pipelines qui s'est défilée de ses responsabilités à la suite d'un incident. Toutefois, selon ce que nous avons entendu au fil des années, dans le cadre de ces examens, on craignait que si une société se soustrayait à ses responsabilités à la suite d'un incident, le public ou les contribuables doivent assumer les coûts du nettoyage. Cette modification précise nous évitera une telle situation.
La sénatrice Unger : Les expéditeurs n'ont-ils pas besoin de se prémunir d'une assurance de 1 milliard de dollars dans le cas d'un incident, ou est-ce plus maintenant?
M. Hubbard : C'est l'une des mesures qui entrera en vigueur dans le cadre du projet de loi. Ce n'est pas le cas actuellement. L'Office national de l'énergie a imposé certaines conditions relatives à l'approbation des projets, mais de façon générale, les sociétés devront se conformer à de nouvelles exigences financières en vertu du nouveau projet de loi.
La sénatrice Unger : Sont-elles responsables en principe?
M. Hubbard : En principe, les entreprises doivent assumer une responsabilité illimitée si on prouve qu'elles sont fautives ou qu'elles ont fait preuve de négligence. Nous allons donc chiffrer la responsabilité à 1 milliard de dollars, peu importe la faute, de sorte que les fonds soient disponibles sur-le-champ pour couvrir les coûts du nettoyage.
La sénatrice Unger : On a dit plus tôt qu'il fallait consulter les Canadiens. Il y a quelques semaines, un de nos témoins était d'avis que chaque Canadien devrait avoir son mot à dire là-dessus. Dans quelle mesure les Canadiens seront-ils consultés?
M. Hubbard : Pour ce qui est des réformes potentielles, ces processus sont en train d'être définis, mais le gouvernement a pris certains engagements, notamment celui de tenir des consultations plus inclusives. Tim pourrait sûrement vous donner quelques exemples de la façon dont cela va se traduire pour les projets individuels.
Timothy Gardiner, directeur général, Secrétariat des projets stratégiques, Bureau de gestion des grands projets, Ressources naturelles Canada : Est-ce que vous voulez qu'on parle de projets précis?
Concernant le projet d'agrandissement du réseau Trans Mountain, par exemple, dans le cadre des principes provisoires qui ont été annoncés en janvier, le gouvernement a pris des mesures en mai et a annoncé la création d'un groupe ministériel spécial. Trois experts canadiens consulteront les collectivités le long du trajet du pipeline et solliciteront les commentaires du public par l'entremise d'un site web que nous sommes en train d'intégrer au site web de Ressources naturelles Canada. Ils feront rapport au ministre des Ressources naturelles en novembre.
Cela fait partie de l'engagement du gouvernement de mener de plus vastes consultations auprès des Canadiens.
La sénatrice Unger : Merci.
Comme vous pouvez le constater, je viens de l'Alberta, plus précisément d'Edmonton. Je n'ai pas entendu ce chiffre dernièrement, mais il y a deux ou trois mois, on parlait d'un futur investissement de 30 milliards de dollars, principalement dans les sables bitumineux, qui a été annulé. Cela nous donne une piètre réputation. En plus de ne pas être fiables, nous voilà maintenant aux prises avec de nouvelles lourdeurs administratives, de plus longs délais et une multiplication d'études.
À votre avis, monsieur Hubbard, lequel des projets d'oléoducs est le plus susceptible de voir le jour et quand?
M. Hubbard : Je dirais, en réponse à cette question, que nous ne sommes pas en mesure de désigner des gagnants parmi les différents projets d'infrastructure étudiés. Il y a un processus réglementaire qui s'applique. Si ces projets répondent à tous les critères, le gouvernement prendra une décision finale sur leur réalisation.
La sénatrice Unger : Bien sûr.
M. Hubbard : Je dirais que chacun des projets a ses forces et ses faiblesses. Celles-ci sont discutées et étudiées dans le cadre des vastes examens réalisés sur chacun.
La sénatrice Unger : Si l'on continue d'ajouter des règlements et des taxes onéreuses en amont, on peut s'attendre à ce que certaines entreprises se retirent et s'en aillent ailleurs.
M. Hubbard : Le Canada a un environnement d'investissement concurrentiel. Les entreprises prennent leurs décisions en matière d'investissement en fonction des projets potentiellement les plus rentables. Le temps compte pour beaucoup, de même que le degré de certitude associé aux plans d'investissement dans un certain horizon, donc nous savons très bien qu'il y aura des réformes nécessaires, parce que la certitude est un principe important pour les entreprises. En même temps, les régimes de réglementation sont mis en place pour répondre à divers autres grands objectifs aussi.
Le sénateur Black : Je suis moi aussi un sénateur de l'Alberta, comme la sénatrice Unger, et ce dossier m'occupe tous les jours.
Je voudrais commencer par remercier chacun de vous du travail que vous faites au nom des Canadiens. À mon avis, vous travaillez au dossier le plus important pour la prospérité canadienne. À la lumière du document que vous avez déposé aujourd'hui et des observations que vous avez faites, vous comprenez clairement le dossier. J'apprécie beaucoup tout ce que vous faites pour essayer de le faire avancer, c'est important.
Avant d'aborder le fond de mes questions, qui porte sur le GNL (vous pouvez donc commencer à y réfléchir), j'aimerais attester pour le compte rendu que vous avez fait valoir deux choses qui concordent avec mon point de vue. Premièrement, vous avez clairement indiqué que le Canada devra diversifier ses marchés énergétiques. Nous sommes tous d'accord, mais il est très important que nous l'entendions de la bouche des représentants du gouvernement du Canada.
Deuxièmement, vous avez confirmé une chose que nous comprenons tous, je crois : la demande pour le pétrole dans le monde continuera d'augmenter encore au moins jusqu'en 2040. J'aimerais confirmer que vous avez bel et bien fait ces deux affirmations clairement.
M. Hubbard : C'est exact.
Le sénateur Black : C'est très utile.
Votre ministère fait ce qu'il peut pour faire avancer ce dossier. C'est mon point de vue, que j'exprime publiquement chaque fois que je le peux. J'aimerais savoir ce que vous croyez que ce comité devrait faire pour nous permettre d'atteindre le résultat escompté. Ce n'est un secret pour personne que nous voulons nous assurer de pouvoir transporter le pétrole de l'Alberta sur les côtes Ouest et Est. Que ce comité devrait-il faire pour vous aider en ce sens?
M. Hubbard : C'est une très bonne question. Vous en faites déjà beaucoup en favorisant un dialogue fondé sur des faits concernant l'exploitation et le transport de nos ressources. Il est important que les Canadiens participent à la discussion et qu'ils fondent leur compréhension et le débat en la matière sur des faits. Votre étude contribuera à alimenter ce dialogue.
Le sénateur Black : Si vous avez d'autres idées, n'hésitez pas à nous les communiquer, parce que nous voulons contribuer de manière constructive à ce dialogue.
Nous n'avons pas encore eu l'occasion de parler beaucoup du GNL. J'ai l'impression que c'est parce que ce débat part de l'extrême Ouest du pays et que le débat sur les oléoducs nous prend tellement d'énergie que les Canadiens — et j'espère que ce n'est pas le cas du gouvernement du Canada — sous-estiment le potentiel de débouchés incroyable que présente le GNL pour l'industrie canadienne, comme nous le savons tous.
Je veux être certain que les téléspectateurs qui nous suivent de la maison savent qu'il y a diverses propositions sur la table, dont deux très importantes : celles de PETRONAS et de LNG Canada. Ensemble, ces projets représentent 80 milliards de dollars de fonds privés. Il ne s'agit pas de l'argent des contribuables, mais de 80 milliards de dollars de fonds privés. Je crois fortement que ce serait une bonne chose pour le Canada.
J'aimerais savoir ce que le gouvernement du Canada fait pour que ces projets se réalisent. Je ne sais pas qui regarder.
M. Hubbard : Premièrement, vous avez raison de dire que le débat public se concentre beaucoup sur la nécessité de diversifier nos marchés pour la production pétrolière du Canada. Pourtant, il est tout aussi important et pertinent, probablement même plus encore, de diversifier nos marchés pour la production de gaz naturel. Compte tenu de l'essor que connaît le gaz de schiste aux États-Unis, on s'attend à ce que les États-Unis soient autosuffisants en matière de gaz naturel dès 2017. À l'heure actuelle, plus de 60 p. 100 de la production de gaz naturel du Canada est destinée au marché américain. S'ils n'ont plus besoin de notre gaz, le but ne sera pas d'assurer la croissance de notre industrie, mais sa survie. Le projet de LNG contribuerait de manière importante à nous donner accès à de nouveaux marchés pour la formidable ressource que nous avons au Canada.
Pour ce qui est de ce nous faisons pour assurer l'avenir de cette industrie, l'exploitation du GNL est essentiellement régie par les provinces. Nos collègues du Bureau de gestion des grands projets travaillent en étroite collaboration avec leurs collègues fédéraux dans le cadre de l'évaluation environnementale et des mécanismes réglementaires qui entourent ces projets, ainsi que pour l'obtention des permis fédéraux requis pour que ces démarches se fassent le plus vite possible.
De même, nous travaillons en étroite collaboration avec la province de la Colombie-Britannique et nous nous penchons sur les autres enjeux et besoins pour faciliter ces activités de développement, notamment par l'élaboration d'un régime de réglementation pour les projets visant des terrains portuaires. Le gouvernement fédéral participe activement aux efforts en ce sens, de même qu'aux relations et aux discussions avec les peuples autochtones du Canada qui sont touchés par ces projets.
Le sénateur Black : Je ferais remarquer qu'il s'agit d'un travail gigantesque. Je sais que vous faites tout ce travail et que vous faites du bon travail, mais le compte à rebours est lancé. PETRONAS, Shell et ses partenaires ont diverses options dans le monde, non seulement pour l'exploitation du GNL, mais pour divers projets dans lesquels ils pourraient investir dans le monde.
J'aimerais savoir si vous croyez que le gouvernement du Canada devrait envoyer un signal très fort selon lequel ces projets comptent pour les plus hauts dirigeants du Canada et le Canada fera tout ce qu'il faut, de manière appropriée, pour que ces projets portent fruit. Il ne suffira pas de dire aux dirigeants que nous travaillons avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, que nous continuons de consulter les Autochtones et que nous travaillons à l'élaboration de règlements. Le processus est enclenché depuis presque 10 ans. Ces entreprises ont besoin d'avoir la garantie que ces projets comptent pour le Canada. J'aimerais savoir ce que vous recommanderiez à vos maîtres pour que ce soit fait.
M. Hubbard : J'ai déjà mentionné que l'exploitation du GNL présentait un énorme potentiel de débouchés économiques. Vous avez raison de dire que nous sommes en concurrence avec le marché mondial et qu'il revient aux entreprises de décider où elles souhaitent investir leurs capitaux.
Il y a d'énormes avantages à développer cette industrie au Canada. En même temps, nous avons un régime réglementaire et des obligations que ces entreprises doivent respecter avant qu'on décide de les laisser aller de l'avant ou non. Nous devons régler ces questions avant d'accorder officiellement notre appui à n'importe quel projet pour que tous les projets acceptés répondent aux exigences en vigueur au Canada.
Le sénateur Black : Ne pourriez-vous pas dire haut et fort que Shell et PETRONAS, si les exigences A, B et C sont respectées... Vous devez savoir que nous appuyons vivement cette initiative et que nous ne voulons pas être de simples spectateurs de la rangée d'en arrière dans un très grand stade.
M. Hubbard : C'est une situation difficile pour un gouvernement.
Il y a des arguments de part et d'autre, mais en bout de ligne, lorsqu'il faut prendre des décisions réglementaires, il est difficile pour un ministre ou le Cabinet de faire la promotion de ce genre de projets, puisque ce sont eux qui doivent prendre les décisions difficiles en fonction des faits qui leur sont soumis.
Le sénateur Black : L'ONE a approuvé le projet de PETRONAS, n'est-ce pas?
M. Hubbard : L'Office national de l'énergie a approuvé un permis d'exportation pour le projet de PETRONAS, en effet.
Le sénateur Black : PETRONAS aurait donc l'autorisation réglementaire nécessaire du gouvernement de la Colombie-Britannique? Tout ce que nous attendons, d'après ce que je comprends, c'est l'évaluation environnementale.
M. Hubbard : Nous attendons la décision finale relative à l'évaluation environnementale fédérale de ce projet.
Le sénateur Black : Je crois comprendre que pour le projet de Shell, nous attendons seulement que Shell et ses partenaires aillent de l'avant, n'est-ce pas?
M. Hubbard : Il pourrait rester quelques questions de permis à régler pour permettre les activités d'exploitation.
Le sénateur Black : Si je ne suis pas au courant et que vous ne l'êtes pas non plus, nous pouvons présumer qu'il ne s'agit pas d'un obstacle majeur, n'est-ce pas?
M. Hubbard : D'après mes informations, ils devraient prendre leur décision finale d'investissement d'ici la fin de l'année et sont en train de la prendre. Vous devrez en parler avec nos collègues de Shell.
Le sénateur Black : Je vous dirais que s'ils sont prêts à aller de l'avant, les participants doivent savoir que le gouvernement appuie cette initiative.
Je crois, avec tout le respect que je vous dois, que nous pouvons donner l'impression d'être assis dans la rangée arrière d'un grand stade. Je ne voudrais pas me retrouver en séance de comité dans un an à demander : « Ou est-ce que nous avons déraillé? Qu'aurions-nous dû nous faire à ce moment-ci? »
Le sénateur Eggleton : J'aimerais vous interroger sur la situation aux États-Unis. Vous dites qu'à l'heure actuelle, environ 97 p. 100 de nos exportations de pétrole brut et 100 p. 100 de nos exportations de gaz sont destinés aux États-Unis, mais vous soulignez que la situation a commencé à changer, cela ne fait aucun doute, en raison de l'essor du gaz de schiste aux États-Unis.
À quel genre de chiffres vous attendez-vous d'ici un an par rapport à maintenant, si l'essor du gaz de schiste qu'on observe se poursuit? Il y a beaucoup de controverse qui entoure les effets environnementaux de cette forme d'exploitation, comme le risque de tremblement de terre.
Donnez-moi une idée de la façon dont vous vous attendez à ce que la situation évolue.
M. Hubbard : Il y a divers facteurs qui entrent en ligne de compte. Je serais ravi de vous faire part des plus récentes prévisions de nos collègues de l'Office national de l'énergie pour vous donner des chiffres précis.
Comme je l'ai mentionné, pour ce qui est de la production de pétrole, d'après les projets actuellement en construction, nous nous attendons à ce que la production canadienne de pétrole augmente d'environ 800 000 barils par jour au cours des cinq prochaines années, au moins. Elle pourrait augmenter encore plus si les prix augmentaient et suscitaient d'autres décisions.
Pour ce qui du gaz, tout dépendra du développement de l'industrie du GNL au Canada. Si nous ne développons pas notre industrie du GNL, notre production de gaz stagnera, au mieux, si elle ne diminue pas, compte tenu de l'augmentation énorme de la production américaine.
Pour ce qui est de l'exploitation du gaz de schiste et de la pérennité des procédés, c'est le fruit d'une très grande innovation technologique des sociétés pétrolières et gazières de l'Amérique du Nord. Elles sont très novatrices et continueront de trouver des moyens d'exploiter ces ressources, pour accroître leur caractère concurrentiel, mais également pour réduire les effets environnementaux de cette forme d'exploitation.
Les États-Unis ont augmenté leur production de gaz de schiste d'environ 4 millions de barils par jour au cours des quatre dernières années. La chute récente des prix les a poussés à réduire leurs prévisions pour la prochaine année d'environ un million de barils par jour, mais comme les prix semblent recommencer à monter, nous nous attendons à ce que la production reprenne de plus belle.
Le sénateur Eggleton : Toute l'information supplémentaire que vous pourrez faire parvenir au greffier nous sera utile.
Diverses personnes sont venues ici nous parler du concept de l'acceptabilité sociale. Participez-vous à la conversation à cet égard? Comment appliquez-vous ce concept à l'élaboration de vos programmes et politiques?
M. Hubbard : Nous connaissons très bien ce terme. Je ne suis pas certain que ce soit exactement celui que nous utilisons à l'interne. Bien souvent, dans nos discussions, nous parlons de la nécessité de gagner la confiance du public à l'égard de l'exploitation de nos ressources.
Il y a beaucoup de travail qui se fait en ce sens. Je pense que c'est vraiment au cœur des engagements de mandat du ministre Carr en vue de l'élaboration d'une stratégie énergétique canadienne. Notre collaboration avec les provinces et nos efforts pour gagner la confiance du public joueront un grand rôle dans l'atteinte de cet objectif.
Le sénateur Eggleton : Vous le disiez peut-être même il y a quelques années, avant que le concept de l'acceptabilité sociale n'entre dans le jargon. Qu'est-ce qui est différent aujourd'hui?
M. Hubbard : Je pense que les Canadiens s'attendent de plus en plus à participer aux processus décisionnels.
Il n'y a pas si longtemps, l'exploitation de l'énergie était un sujet qui ne faisait pas beaucoup de vagues. Je me rappelle du premier agrandissement du projet de Trans Mountain, en 2007 et en 2008. Je pense qu'il y avait moins de 10 intervenants qui s'étaient inscrits pour participer aux discussions sur ce projet. C'est une tout autre histoire aujourd'hui.
C'est que l'énergie et les questions environnementales figurent aujourd'hui en tête de liste des priorités publiques au Canada, il faut donc mobiliser les Canadiens et nous assurer de prendre des décisions fondées sur la science et les faits.
Le vice-président : J'ai quelques questions à vous poser pendant que nous y sommes.
Ma première question porte sur les projets d'oléoducs et leur effet sur le PIB. Vous avez mentionné que selon les estimations du Conference Board du Canada, les projets d'agrandissement de Trans Mountain et d'oléoduc Énergie Est généreraient un PIB supplémentaire de 77,6 milliards de dollars pour l'économie canadienne. Si on prend la ligne 3, sur les projets Northern Gateway et Keystone XL, quelle en serait l'incidence sur les chiffres? Serait-il irréaliste de présumer qu'ils doubleraient?
M. Hubbard : Je ne voudrais vraiment pas lancer de chiffres au hasard, mais l'ajout de ces projets représenterait au moins 25 milliards de dollars d'investissement de capitaux de plus, qui auraient des effets en aval.
Le vice-président : Les chiffres pourraient donc presque doubler si ces projets étaient approuvés. Cela représente beaucoup de revenus et de développement économique pour le pays. Je tiens à le préciser pour le compte rendu.
Il y a une autre chose que je souhaite mentionner, c'est que les raffineries de la côte Est tirent leur pétrole de diverses sources. Certaines, comme la raffinerie du Nouveau-Brunswick et certaines du Québec, transportent le pétrole par train, mais la plus grande partie du pétrole arrive par navires-citernes.
Avez-vous le nombre exact de barils de pétrole qui parviennent tous les jours aux raffineries de la côte Est du Canada, qui comprend le Québec et tout le Canada atlantique?
M. Hubbard : Je pourrais vous les faire parvenir ultérieurement, mais oui, nous avons ces chiffres.
Le vice-président : Je pense que cela représente plus d'un demi-million de barils par jour.
M. Hubbard : C'est encore plus, je crois, si l'on tient compte des raffineries du Québec et de l'Atlantique.
Le vice-président : Quand on parle de la sécurité du transport du pétrole, il n'est pas difficile de faire valoir qu'il est plus sûr de transporter le pétrole par oléoduc que de remplir des navires-citernes.
M. Hubbard : Les oléoducs ont un excellent bilan de sécurité au Canada. Je pense qu'au cours des dernières années, nous avons prouvé que nous pouvons transporter nos ressources de manière sécuritaire par oléoduc, mais je pense que nous pouvons également utiliser d'autres modes de transport si nous mettons en place toutes les protections voulues.
Le vice-président : En tant que résidant de la côte, je crois qu'il n'y aucun gouvernement qui nous parle suffisamment du bien-fondé de l'importance d'utiliser les oléoducs pour transporter le pétrole vers nos raffineries plutôt que de passer par les eaux. Je pense que la population du Canada atlantique est en mesure de le comprendre. Le gouvernement du Canada devrait reconnaître cette réalité, parce que je n'entends pas beaucoup parler de la coque des navires quand on discute du transport du pétrole.
M. Hubbard : C'est l'un des principaux enjeux qu'évoquent les Canadiens dans l'évaluation de ces projets. La sécurité du transport des ressources est toujours une priorité, qu'on parle du transport maritime ou du transport par oléoduc.
Le vice-président : Vous avez mentionné la complexité du paysage décisionnel. Il n'y a rien de nouveau pour ce qui est des risques et des effets des fuites des oléoducs. Les oléoducs existent depuis 75 ans. C'est toujours une préoccupation.
Vous avez mentionné que les provinces établissent elles-mêmes leurs conditions pour autoriser les oléoducs au-delà des mécanismes réglementaires. Nous comprenons tous que quiconque a le droit d'exprimer ses inquiétudes, mais les oléoducs ne relèvent pas de la compétence des provinces ni des municipalités. Les décisions relatives aux oléoducs sont exclusivement de la compétence du gouvernement fédéral, n'est-ce pas?
M. Hubbard : Le gouvernement fédéral est principalement responsable de la réglementation fédérale des oléoducs, mais cela ne soustrait pas les projets d'infrastructure aux autorisations provinciales qui peuvent s'appliquer à ce genre de projets aussi.
Le vice-président : On peut quand même dire que le gouvernement fédéral n'en a pas la principale responsabilité, mais la pleine responsabilité. Il doit évidemment mener des consultations, mais la décision finale incombe au gouvernement fédéral.
M. Hubbard : La décision finale pour ou contre incombe principalement au gouvernement fédéral.
Le vice-président : Je vous remercie d'être venu ici aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir consacré de votre temps.
La séance est levée.
(La séance est levée.)