Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 4 - Témoignages du 21 juin 2016
OTTAWA, le mardi 21 juin 2016
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et comportant d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Aujourd'hui, le comité poursuit son étude du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et comportant d'autres mesures. Le projet de loi vise à changer les exigences relatives au lieu d'exécution des activités d'entretien d'aéronefs d'Air Canada, ainsi qu'au type et au volume de ces activités. Il prévoit aussi d'autres mesures relatives à cette obligation.
Voici comment la séance d'aujourd'hui se déroulera. Durant la première heure, le comité recevra la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Puis, durant la deuxième heure, nous accueillerons les représentants d'Air Canada. Ensuite, le comité entreprendra l'étude article par article.
Permettez-moi de vous présenter nos premiers témoins. Voici Serge Cadieux, secrétaire général, et David Chartrand, vice-président, tous deux de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.
Je crois comprendre que M. Cadieux présentera l'exposé et que M. Chartrand aidera à répondre aux questions. La parole est à vous, monsieur Cadieux.
[Français]
Serge Cadieux, secrétaire général, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec : Je vous remercie, monsieur le président. D'abord, la FTQ remercie les membres du comité sénatorial de l'avoir invitée à discuter du projet de loi C- 10.
La FTQ est une centrale syndicale qui compte 600 000 membres qui proviennent de 5 000 sections locales de syndicats québécois, nationaux et internationaux. Plus de 20 000 travailleurs et travailleuses du secteur de l'aérospatial sont membres de la FTQ; ils travaillent dans la fabrication et l'entretien des aéronefs et de leurs composantes, agissent comme agents de bord, pilotes ou travaillent dans les aéroports.
Votre décision concernant Air Canada sera, selon nous, mal avisée si elle ne tient pas compte de l'écosystème industriel dans lequel cette compagnie évolue. Notre tendance à considérer les problèmes séparément, comme nous pousse à le faire ce projet de loi, est un piège qui, dans ce cas-ci, nous ferait oublier la forêt qui se trouve derrière l'arbre. Je vais donc profiter des quelques minutes que vous nous accordez pour partager avec vous des renseignements qui nous semblent déterminants.
Le secteur des services d'entretien, de réparation et de révision, appelé ERR, représentait 30 000 emplois directs et 26 p. 100 du PIB direct de l'industrie aérospatiale canadienne en 2014. Les 74 p. 100 restants sont liés au secteur de la fabrication, dont plus de la moitié est située au Québec.
Cette information est importante, dans la mesure où toutes les grandes grappes aérospatiales dans le monde disposent d'une industrie de maintenance d'avions bien développée, parce que le savoir-faire des employés de ce secteur est un maillon nécessaire et essentiel du cycle de la fabrication. Ce savoir-faire donne accès à la connaissance de terrain et à l'ingénierie des produits afin d'améliorer les différentes composantes d'un appareil.
À l'échelle mondiale, le secteur des services d'ERR occupe une place beaucoup plus importante dans l'industrie aérospatiale que ce qu'on observe au Canada. Le marché mondial des services d'ERR représente 75 p. 100 de la valeur de la production d'avions et d'hélicoptères. Au Canada, cette proportion n'est que d'environ 36 p. 100. Il y a là matière à réflexion. En fait, nous pensons qu'il faut absolument améliorer ce ratio si nous voulons continuer de développer l'industrie aérospatiale sur notre territoire. Or, le projet de loi C-10 produirait l'effet inverse.
Pour illustrer simplement ce que je viens de dire, je vous invite à penser à l'exemple de la compagnie Héroux-Devtek. L'entreprise a amorcé ses activités dans les années 1980, justement dans le secteur des services de maintenance ERR. Or, c'est précisément le savoir-faire acquis dans la réparation et la maintenance de trains d'atterrissage qui lui a permis de devenir l'important fabricant reconnu à l'échelle mondiale qu'il est aujourd'hui.
J'insiste sur le fait que la décision concernant la maintenance effectuée sur les appareils d'Air Canada ne concerne pas que cette compagnie. Cette décision, qui est entre vos mains, aura un effet sur l'ensemble du secteur de l'industrie aérospatiale. Or, si on laisse faire Air Canada, il est clair que celle-ci continuera de réduire sa demande de services de maintenance canadiens.
On vous opposera qu'il est normal de permettre à Air Canada de jouir de la même souplesse que ses concurrents. Cependant, l'industrie de la maintenance d'aéronefs est un secteur de pointe qu'il nous semble très mal avisé de traiter comme s'il s'agissait d'un secteur non stratégique de second ordre. Autrement dit, le Canada a raison de vouloir qu'Air Canada demeure une compagnie de propriété canadienne, et le Canada aurait raison de vouloir que la maintenance de ses avions se fasse sur son territoire dans le but de stimuler une industrie aérospatiale locale. En tout cas, il serait très sensé de le faire sachant que les perspectives de croissance mondiale du secteur de la maintenance sont favorables.
Selon les renseignements que nous avons obtenus, au cours des 10 prochaines années, la demande pour les services d'ERR devrait passer de 64 milliards de dollars américains à 96 milliards de dollars américains, soit une hausse de 49 p. 100. Le marché sera stimulé, entre autres, par le trafic aérien mondial qui double tous les 15 ans et qui fera croître la flotte d'avions de façon significative. En 2015, l'Amérique du Nord représentait 29 p. 100 de la demande de services d'ERR.
Honorables sénateurs, à un moment donné, il appartient aux pouvoirs publics de prendre des décisions que le secteur privé ne peut pas prendre. Nous savons tous, dans cette salle, que la main invisible d'Adam Smith est une vue de l'esprit. Il n'y a pas de main invisible, il n'y a que des lois, des règlements et des accords commerciaux internationaux âprement négociés.
Donc, le premier écueil à éviter dans le débat lié au projet de loi C-10, c'est d'imaginer que nous sommes face à une absence de choix, car il serait supposément injuste d'imposer à Air Canada de faire sa maintenance sur notre territoire, alors que ses concurrents n'ont pas cette contrainte. Voici un domaine dans lequel aucun traité international ne vient contraindre votre rôle de législateur et dans lequel l'économie canadienne a tout à gagner. Pourquoi ne pas conserver ces emplois dans notre pays et pourquoi ne pas créer les conditions pour que le Canada stimule son industrie aérospatiale?
De notre point de vue, le projet de loi C-10 n'a pas pour effet de libérer Air Canada des fers qu'elle porte depuis 30 ans, pour reprendre des mots entendus dans cette enceinte. Son effet — et c'est le véritable choix devant lequel ce comité se trouve — est de permettre aux dirigeants d'Air Canada de maximiser le rendement des actionnaires au détriment de l'emploi spécialisé sur le territoire canadien. Oui, c'est la véritable question qui sous-tend le projet de loi C-10. Voulez-vous favoriser les actionnaires d'Air Canada ou plutôt l'emploi et le développement de l'ensemble de la grappe aérospatiale canadienne?
Il s'agit d'une décision de politique économique très pragmatique. Permettez, une dernière fois avant de terminer, que je vous soumette quelques données dont il vous faut tenir compte. Selon les analystes consultées, 1 000 emplois directs dans les services d'ERR génèrent 1 457 emplois indirects et induits dans le reste de l'économie canadienne. Cette information est capitale.
À titre comparatif, 1 000 emplois directs dans le secteur de la fabrication aérospatiale engendrent 1 340 emplois indirects et induits. Il s'agit d'un écart de presque 9 p. 100. L'écart est même plus important (14 p. 100) lorsqu'il s'agit de l'effet sur le PIB. Cet écart s'explique simplement par le fait que les ERR utilisent plus de sous-traitants locaux que le secteur de la fabrication qui, lui, utilise plus d'intrants importés de l'étranger.
Bref, il nous semble évident que la meilleure décision du point de vue économique serait d'amender le projet de loi C-10. Comprenons-nous bien, lorsqu'il s'agit du point de vue économique, cela ne veut pas dire qu'il s'agit du point de vue des actionnaires d'Air Canada.
Ce n'est pas à vous, honorables sénateurs, qui venez d'amender le projet de loi C-14 sur l'aide médicale à mourir, que je vais apprendre qu'il n'y a pas de décisions idéales. Il n'y a pas de politiques économiques idéales, il n'y a que celles qui sont possibles. Dans les circonstances non idéales dans lesquelles nous évoluons, obliger Air Canada à contribuer de manière directe au secteur canadien des services de maintenance est la meilleure décision d'un point de vue économique pour le Canada.
C'est pourquoi nous proposons que le Sénat modifie le projet de loi C-10. D'abord, pour faire cesser l'hémorragie des emplois dans le secteur des services de maintenance. Autrement dit, il faut s'assurer que le texte de loi final empêche Air Canada de continuer à diminuer le volume de la maintenance qui est effectuée au Canada. Ensuite, Air Canada doit ramener au Canada les activités de maintenance qu'elle a délocalisées. Bref, cela signifie que, dans un premier temps, Air Canada maintiendrait les 2 500 emplois qui existent encore au pays et, dans un deuxième, que la compagnie procéderait à un rapatriement graduel des emplois délocalisés.
Je vous remercie de votre attention.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Merci de votre exposé. J'ai quelques questions d'ordre général.
Si on permet à Air Canada de jouir de la même souplesse que ses concurrents et de déménager ou d'éliminer les activités d'entretien d'aéronefs qu'elle mène au Manitoba, au Québec et en Ontario, craignez-vous, comme votre mémoire semble l'indiquer à la page 3, qu'Air Canada risque de ne pas demeurer une entreprise canadienne? Vous dites à la page 3 que vous voulez qu'Air Canada demeure une compagnie de propriété canadienne. Quelles sont les implications?
[Français]
M. Cadieux : Dans un premier temps, la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada prévoyait en 1988 qu'Air Canada demeure une entreprise canadienne et qu'elle continue d'embaucher des travailleurs au Canada pour la maintenance, l'entretien et la révision de sa flotte d'avions. En vertu de cette loi, Air Canada avait l'obligation d'entretenir sa flotte à Winnipeg, à Montréal et à Mississauga. Malgré les dispositions de la loi, Air Canada a autorisé la délocalisation de 2 600 emplois à la suite de la fermeture d'Aveos. Ces emplois n'ont pas été transférés en Chine, mais aux États-Unis et en Israël, là où les conditions de travail ne sont pas inférieures aux nôtres. Ainsi, Air Canada est allée devant les tribunaux, nous avons été forcés d'aller devant les tribunaux pour faire respecter la loi. Après deux décisions favorables, soit une décision de la Cour supérieure et une décision de la Cour d'appel, un jugement unanime rendu exceptionnellement par cinq juges au Québec déterminait qu'Air Canada contrevenait à la loi. Par la suite, Air Canada a demandé une requête pour permission d'appeler devant la Cour suprême. De concert avec le procureur général du Québec, Air Canada a conclu une entente afin de suspendre le délibéré, ce qui lui évitait de se soumettre à la loi.
Je suis moralement convaincu que, si le projet de loi C-10 est adopté tel quel — parce qu'il n'impose aucun niveau d'entretien de la flotte aérienne à Air Canada —, la société pourra embaucher trois personnes dans trois provinces différentes pour vérifier la pression des pneus, ce qui respectera les exigences de la loi. Donc, 2 500 autres emplois au Canada sont en jeu. Je fais référence aux emplois directs, et on sait que 1 000 emplois directs liés à l'entretien de la flotte d'Air Canada procurent aux Canadiens ou à l'économie environ 1 500 emplois indirects et induits supplémentaires.
Il faut examiner le passé d'Air Canada. Je suis désolé, mais Air Canada s'est comportée comme un délinquant quant aux lois du Canada. C'est le cas en ce qui concerne son obligation de faire entretenir sa flotte. C'était le cas aussi en ce qui concerne les langues officielles. Le fait qu'Air Canada contrevient à la Loi sur les langues officielles ne date pas d'hier. Il faut encadrer Air Canada. Devant un comité de la Chambre des communes, le président a affirmé qu'il souhaiterait que la loi soit entièrement abrogée. C'est la loi qui prévoit qu'elle demeurera une entreprise canadienne. Si la loi est abrogée, je suis convaincu qu'Air Canada ne demeurera pas une compagnie canadienne.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Si le projet de loi était adopté, à votre avis, en quoi consisterait la conformité à la loi? Vous venez de nous parler de la non-conformité. Combien d'employés faudrait-il qu'Air Canada ait en Ontario, au Québec et au Manitoba pour respecter la loi? Faudrait-il un pourcentage de 20, 30, 40 ou 50 p. 100? Car la mesure ne précise pas vraiment ce qui constitue la conformité à la loi. D'après vous, comment devrait-elle être définie?
[Français]
M. Cadieux : Selon la loi actuelle, Air Canada a toute la latitude pour décider du pourcentage d'activités ou du type d'entretien qui doit être effectué sur sa flotte. À partir du moment où Air Canada emploie un travailleur pour vérifier la pression des pneus d'un aéronef, elle respecte les exigences prévues par la loi si ce travail est réalisé au Manitoba, au Québec ou en Ontario. Devant la Cour supérieure et la Cour d'appel du Québec, les avocats d'Air Canada prétendaient qu'en délocalisant ses emplois, elle ne contrevenait pas à la loi, parce qu'aucun pourcentage d'entretien n'avait été exigé pour l'entretien de sa flotte. Les tribunaux ont donc interprété la loi. De toute évidence, monsieur le sénateur, le plus haut tribunal du Québec, soit la Cour d'appel du Québec, a interprété l'application de la loi. Si Air Canada n'est pas d'accord avec la décision, elle devra comparaître devant la Cour suprême, qui se prononcera sur cette question. Ainsi, la Cour suprême déterminera quelles sont les obligations d'Air Canada et si elle a contrevenu à ses obligations. Voilà la réponse que je peux vous donner.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : En vertu d'une nouvelle loi, Air Canada serait-elle autorisée à inviter des entreprises étrangères au Canada pour participer à ses activités d'entretien d'aéronefs? Serait-ce une possibilité? Envisagez-vous cette éventualité?
[Français]
M. Cadieux : Absolument. Il faut savoir qu'à partir de l'adoption de la loi en 1988, Air Canada n'était pas responsable de l'entretien de sa flotte. Elle l'a confié au sous-traitant Aveos, qui n'est pas le seul qui existe dans le monde. Une fois qu'Air Canada aura l'obligation de faire entretenir sa flotte ici, elle trouvera des sous-traitants. On dit qu'un centre d'excellence sera créé en échange de l'acquisition de 40 appareils C Series de Bombardier. L'entretien de ces appareils sera effectué au Québec et sur le territoire canadien, ce qui tout à fait possible. À l'heure actuelle, Air Canada fait appel à 2 500 employés pour la réparation et la révision de la flotte d'Air Canada. Cela n'a jamais été un problème depuis 1988, mais ce l'est devenu soudainement en 2012, parce qu'on a voulu enrichir les actionnaires.
Il faut voir les choses telles qu'elles sont. Au Québec, dans la grande région métropolitaine de Montréal, il y a un emploi sur 47 qui dépend du secteur aérospatial. Ce n'est pas rien. Il y a des écoles au Québec pour spécialiser des étudiants qui pourront respecter les obligations des transporteurs aériens et des fabricants. Tout un écosystème a été mis en place. À partir du moment où on laisse le transporteur national canadien effectuer son entretien et les réparations à l'extérieur du territoire, cela affecte les sous-traitants et tout un système scolaire qu'on a mis en place pour être en mesure de soutenir l'industrie aérospatiale sur le territoire canadien.
Cela a pour effet également d'affaiblir notre économie, c'est clair. Honnêtement, Air Canada demande des modifications à la loi à un moment où sa santé financière est en excellente. Lorsque c'est le cas, elle ne se gêne pas pour venir cogner à la porte des syndicats et leur demander de rouvrir les conventions collectives. Qui a fait les sacrifices dans le cadre des dernières restructurations d'Air Canada? Ce sont tous les citoyens canadiens, parce qu'Air Canada a pu profiter de subventions de la part du gouvernement canadien. Ce sont nos taxes qui ont payé ces subventions. De plus, Air Canada a demandé aux syndicats de rouvrir les conventions collectives pour y insérer des échelles de salaire doubles permettant de modifier le régime de retraite, et cetera.
À partir du moment où Air Canada va bien financièrement, elle oublie cela et demande qu'on lui permette de ne pas rapatrier les 2 500 emplois qui avaient été créés à l'extérieur du pays. De plus, elle demande la permission de mettre à la porte les 2 500 autres employés qui reste. Honnêtement, je trouve qu'Air Canada ne manque pas de culot. Le transporteur n'est pas le citoyen corporatif d'excellence au Canada, c'est le moins qu'on puisse dire.
Le sénateur Pratte : J'aurais deux questions à vous poser. Messieurs Cadieux et Chartrand, le comité a reçu un mémoire de la part de la ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation du gouvernement du Québec, Mme Anglade. La ministre parle de l'entente qui a été conclue avec Air Canada sur la création d'un centre d'excellence. Elle a dit ce qui suit, et je cite :
Le gouvernement du Québec demande à ce que le projet de loi C-10 entre en vigueur dans les plus brefs délais, c'est-à-dire d'ici la fin de la session parlementaire prévue à fin de juin 2016 et avant l'expiration en juillet du délai accordé par la Cour suprême du Canada pour la suspension des procédures judiciaires.
Le gouvernement du Québec demande donc au comité sénatorial et au Sénat d'adopter le projet de loi C-10 avant l'ajournement de l'été, s'estimant satisfait de l'engagement obtenu d'Air Canada de créer un centre d'excellence. C'est une chose dont le comité doit tenir compte, parce c'était tout de même le gouvernement du Québec qui avait porté la cause devant les tribunaux à la suite de la fermeture d'Aveos. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
M. Cadieux : Le malheur est qu'il s'agit d'une entente secrète dont on ne connaît pas les détails.
Le sénateur Pratte : Vous parlez de l'entente conclue entre Air Canada et le gouvernement du Québec?
M. Cadieux : Exactement. Nous sommes même intervenus devant les tribunaux, parce que nous avons déposé une injonction pour faire exécuter la décision de la Cour d'appel et pour essayer d'avoir accès à l'entente. Ce n'est pas un cadeau que font Bombardier et Air Canada aux Canadiens, en affirmant que la société fera entretenir les avions de la C Series sur le territoire canadien. Ils ne peuvent pas être entretenus ailleurs, il ne s'agit pas d'avions long-courriers. On ne peut pas faire entretenir ces avions en Israël pour un transporteur canadien. Ce serait complètement loufoque.
Dans un deuxième temps, la loi actuelle permet que l'entretien se fasse dans un centre d'excellence qui ne serait pas nécessairement opéré par Air Canada ou Bombardier. Rien ne nous garantit que l'entente conclue entre Air Canada, le gouvernement du Québec et Bombardier fera en sorte que ce sera Air Canada qui entretiendra cette flotte au centre d'excellence. La loi actuelle n'oblige pas Air Canada à créer un centre d'entretien. Elle n'oblige pas non plus Bombardier à en créer un. Elle oblige le transporteur à s'assurer que ses appareils seront entretenus sur le territoire canadien.
Le problème est qu'Air Canada a cette obligation, mais qu'elle peut choisir n'importe quel fabricant. Pourquoi limiterait-on cet aspect à Bombardier? La loi oblige présentement Air Canada à faire entretenir et réviser sa flotte, qu'il s'agisse d'appareils d'Embraer, de Boeing, d'Airbus, de Bombardier ou autres. C'est cela que nous demandons. Nous ne pouvons pas mettre tous nos œufs dans le même panier, parce que cela a des répercussions sur la grappe aérospatiale du Canada, sur l'ensemble de nos sous-traitants, sur l'ensemble de l'écosystème.
Le sénateur Pratte : Vous voyez le dilemme que cela nous pose. Le principal demandeur, le gouvernement du Québec, dans la cause qui est devant les tribunaux et sur laquelle vous vous appuyez, a remporté cette cause jusqu'en Cour d'appel. Pour le demandeur, l'entente conclue avec Air Canada est tellement satisfaisante qu'il se désiste et qu'il demande même au Sénat d'adopter le projet de loi C-10.
M. Cadieux : Le gouvernement du Québec ne dit pas qu'il se désiste. Il ne peut pas se désister, car il y a un jugement. C'est Air Canada qui le peut.
Le rôle d'un sénateur n'est pas de livrer une commande à un gouvernement provincial, en tout respect pour l'opinion contraire. Vous devez vous élever au-dessus de la mêlée et voir quel est l'intérêt du Canada. Quel intérêt l'économie canadienne trouve-t-elle dans cette affaire? Je négocie des conventions collectives depuis 35 ans, et je peux vous dire que je n'aurais pas embauché le négociateur du gouvernement du Québec pour gérer cette entente.
Le président d'Air Canada est un très habile négociateur. Il y avait deux prises contre lui, mais il a réussi à embarquer le gouvernement du Québec dans un accord dans lequel un étudiant de droit de première année ne se serait jamais embarqué. Ce n'est pas un argument de dire qu'on va se rendre et adopter un projet de loi sans y proposer d'amendements, parce que le gouvernement d'une province nous l'a demandé.
Dans la loi actuelle, il est clairement prévu qu'une province ne peut pas modifier la loi, parce qu'il s'agit d'une loi canadienne, d'un transporteur canadien, d'une société de la Couronne depuis 1937 et, qu'en ce sens, des conditions ont été imposées à Air Canada. Il faut faire attention, car les raisons pour lesquelles on a imposé ces conditions n'étaient pas farfelues à l'époque, et elles sont toujours pertinentes aujourd'hui.
Il faut, bien sûr, tenir compte de ce qui se passe dans l'économie. On a essayé de vous dresser un portrait des objectifs en fonction de données fiables sur ce que signifie la grappe aérospatiale au Canada. Le problème compte deux éléments. Le premier, c'est que le fait qu'Air Canada contrevienne à la loi a entraîné des conséquences. Des emplois ont été délocalisés. L'autre élément, c'est que, si on modifie la loi comme le projet de loi C-10 le prévoit, il faut comprendre qu'on perdra encore 2 500 emplois. C'est clair.
Air Canada n'avait pas le droit de délocaliser ces emplois, et pourtant, elle l'a fait. Si on lui donne carte blanche, il est certain qu'elle ira de l'avant. Vous devez examiner cette question en fonction de l'intérêt des Canadiens. Vous ne devez pas l'examiner uniquement dans l'intérêt d'un différend qui oppose le gouvernement du Québec, Air Canada et Bombardier, mais bien dans l'intérêt général.
Le sénateur Pratte : J'aimerais soulever un deuxième élément rapidement. Vous avez parlé, dans votre présentation, de l'intérêt de l'ensemble du secteur aérospatial au Québec et au Canada. Or, hier, le comité a entendu le président de l'Association des industries aérospatiales du Canada, M. Jim Quick, qui a parlé des ententes qui ont mené à la création de centres d'excellence d'entretien au Manitoba et au Québec. Il a présenté le projet de loi C-10 comme étant dans l'intérêt du secteur aérospatial au Canada. Cependant, vous dites que voter en faveur du projet de loi C-10 irait à l'encontre de l'intérêt du secteur aérospatial. Selon le porte-parole des industries aérospatiales du Canada, l'adoption du projet de loi serait dans l'intérêt du secteur aérospatial. Ainsi, lequel d'entre vous a raison?
M. Cadieux : Monsieur le sénateur, en vertu de la loi actuelle, qu'est-ce qui empêche la création de centres d'excellence? Honnêtement, rien n'empêche cela. En outre, rien n'empêchait Air Canada de confier à un sous-traitant la maintenance et l'entretien de sa flotte. C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait avec Aveos, sauf qu'à un moment donné, elle a décidé d'éliminer Aveos. Peut-être que le modèle d'affaires ne lui convenait plus.
Peut-être aussi que le modèle d'affaires peut se développer au moyen de centres d'excellence. Je ne dis pas le contraire. Je dis que la loi actuelle l'autorise. Le problème, c'est de décider de retirer toute obligation à Air Canada en ne misant que sur un centre d'excellence pour une flotte de 40 avions. Je pense que c'est mince, parce que la flotte d'Air Canada comprend 400 appareils. On parle de 40 ou 45 avions limités à un fabricant.
La journée où l'on changera de type d'appareil, qu'adviendra-t-il des étudiants et des travailleurs spécialisés dans ce secteur? Actuellement, la beauté de notre secteur aérospatial réside dans notre main-d'œuvre ultraspécialisée et capable de travailler avec n'importe quel fabricant, que ce soit Airbus, Boeing, Embraer ou Bombardier. Les travailleurs et travailleuses ont été formés pour tous les types d'appareil, mais là, nous sommes sur le point de tuer cette expertise. Si on adopte le projet de loi tel quel et qu'on se confine à un centre d'entretien consacré à un seul type d'appareil, les Canadiens et les Canadiennes y perdront au change.
David Chartrand, vice-président, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec : Il importe de noter que la loi actuelle, telle qu'elle est rédigée, oblige Air Canada, jusqu'à preuve du contraire, à entretenir toute sa flotte d'avions ici, du nez à la queue de l'avion, de A à Z.
Si Air Canada décide d'acheter des appareils C Series, cette même loi qui existe aujourd'hui force Air Canada à prévoir l'entretien de ces C Series sur le territoire canadien aussi. C'est déjà dans le texte de loi. On fait miroiter un centre d'excellence qui remplacera une disposition qui figure déjà dans la loi, et qui concerne des emplois qui devraient être situés au Canada, mais qui ont été envoyés à l'extérieur.
Il n'y a pas de raison de dire que cela devrait faire l'objet d'un échange. Dans la loi actuelle, Air Canada a l'obligation de faire entretenir l'ensemble de sa flotte d'avions, y compris n'importe quel nouvel appareil que la société achèterait. Pourtant, on nous dit qu'on laissera le reste à une entente verbale concernant un centre d'entretien d'excellence pour un type d'appareil.
On dilue notre expertise, et tous nos programmes scolaires en souffriront. Les programmes seront adaptés au travail qui est fait, c'est-à-dire que, au lieu de donner des certifications liées à plusieurs appareils, et au lieu d'avoir une expertise générale, une polyvalence incroyable pour laquelle le Canada est reconnu, on mettra tous nos œufs dans le même panier.
Je vous pose la question suivante : le jour où cet appareil ne fonctionnera plus, que fera-t-on? On ne pourra plus entretenir des Boeing, des Airbus et attirer d'autres clients. On n'aura plus cette expertise. En faisant cela, on se tire une balle dans le pied. La loi actuelle prévoit qu'Air Canada fasse l'entretien de tous ses avions, y compris les nouveaux appareils, qu'il s'agisse de Boeing, d'Airbus ou de Bombardier. Elle est censée tout faire ici.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Je vous remercie de votre exposé, messieurs. J'ai la nette impression qu'on se dépêche de faire adopter le projet de loi avant l'échéance du 15 juillet fixée par la Cour suprême. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus? Pourquoi l'urgence?
[Français]
M. Cadieux : C'est simple. J'ai pratiqué le droit pendant 20 ans. Il m'arrivait de dire à mon client qu'il avait intérêt à conclure une entente, parce qu'il n'aimerait pas la décision du plus haut tribunal. C'est ce qui est arrivé avec Air Canada. Elle a déposé une requête pour permission d'appeler. Elle souhaite procéder rapidement pour trouver une autre porte de sortie. À partir du moment où la Cour suprême rejettera le pourvoi d'Air Canada, cette dernière sera confrontée à la décision rendue par la Cour d'appel, qui est un jugement déclaratoire. Une injonction a été déposée et la Cour supérieure émettra une ordonnance pour obliger Air Canada à respecter la loi. Manifestement, ce n'est pas ce que souhaite Air Canada.
On allègue comme argument les propos de la ministre de l'Économie du Québec, dont le gouvernement est intervenu devant les tribunaux. Cependant, quel poids doit-on y accorder? Il importe de se rappeler que, lorsque le gouvernement du Québec est intervenu devant les tribunaux pour faire respecter la loi, il n'était pas actionnaire de Bombardier. Les circonstances ne sont plus les mêmes. À quel titre le gouvernement du Québec a-t-il signé une entente? À titre d'actionnaire de la nouvelle société Bombardier, parce qu'il détiendra 49 p. 100 des appareils C Series? Ou à titre de défenseur de l'intérêt public?
Cela sème de la confusion dans mon esprit, parce que le gouvernement du Québec agit dans ce dossier à titre d'actionnaire d'une compagnie et à titre de gouvernement du Québec. Je pense que le gouvernement du Québec a pris la bonne approche lorsqu'il a décidé de faire appel aux tribunaux, qui sont les gardiens du respect des lois dans une société démocratique. Il faut laisser les tribunaux faire leur travail. Air Canada a toujours soutenu qu'elle n'était pas liée à ses obligations, et ce sera à elle d'en convaincre les tribunaux. On a respecté les décisions des tribunaux.
Or, Air Canada a beau jeu. Le jugement contre Air Canada l'oblige à rapatrier une grande partie de la maintenance. Selon le projet de loi C-10, Air Canada n'est pas obligée de rapatrier ces emplois, mais elle peut les délocaliser si elle le souhaite. C'est carrément odieux. On ne peut pas accepter cela. Le syndicat qui représente les travailleurs qui ont fait des sacrifices n'a jamais été consulté au sujet de l'entente entre Bombardier et Air Canada. Le syndicat ne connaît même pas les détails de l'entente entre le gouvernement du Québec, Air Canada et Bombardier. Pourtant, c'est lui le défenseur des 2 500 travailleurs qu'il reste et des 2 500 travailleurs précédents. D'après vous, est-il normal que l'un des joueurs principaux ne soit pas impliqué dans l'entente? C'est anormal dans un pays comme le Canada, où on décide du sort de 5 000 travailleurs dont les représentants n'ont pas été consultés. Cela n'a aucun bon sens. À mon avis, il ne faut pas précipiter le cours des choses. J'ignore si la Cour suprême rejettera ou non le pourvoi pour permission d'en appeler. Des plaidoiries auront lieu et, éventuellement, Air Canada devra rendre une décision sur le fond.
Si le comité propose des amendements au projet de loi, avec le temps, cela permettra peut-être à Air Canada d'envisager d'une façon un peu plus raisonnable l'inclusion des représentants des travailleurs dans les discussions. Jusqu'à présent, chaque fois qu'Air Canada a eu des difficultés, elle les a réglées avec le syndicat qui représente les employés. À tout le moins, on pourra s'asseoir avec le gouvernement et Air Canada pour déterminer ce qui est préférable dans l'intérêt de l'économie du Canada, des travailleuses et des travailleurs canadiens et du secteur manufacturier. C'est le seul secteur manufacturier qui fonctionne au Canada. Il y a l'industrie de l'automobile, bien sûr, mais cette dernière a été sauvée à l'aide de plusieurs milliards de dollars pendant la crise de 2008, parce qu'on jugeait que cette industrie était importante pour l'économie. L'aérospatiale au Québec est aussi importante que ne l'est l'industrie de l'automobile en Ontario.
M. Chartrand : Si vous avez lu les transcriptions des rencontres qui ont eu lieu à la Chambre des communes, vous savez que, lorsque les représentants d'Air Canada ont témoigné, le député Luc Berthold leur a demandé ce qui adviendrait de la commande de Bombardier si le projet de loi n'était pas adopté. Clairement, les représentants d'Air Canada ont dit qu'ils allaient devoir réviser le dossier. C'est une autre raison pour laquelle ils essaient de pousser le dossier rapidement.
On craint fort que si le projet de loi n'est pas adopté, Air Canada décommande des avions. Il est possible que cela arrive, même si on ne le souhaite pas. Il s'agirait là d'un coup d'orgueil incroyable, parce que c'est le meilleur appareil sur le marché. Il ne se fait rien de mieux, rien de plus économique que cet appareil. C'est l'appareil le plus avancé du point de vue technologique, le plus vert et le plus silencieux. Delta en a commandé, JetBlue envisage d'en acheter, British Airways également. On commence à obtenir des commandes, parce qu'il n'y a pas d'autre avion comparable sur le marché. Notre savoir-faire est extraordinaire et, dans ce créneau, il n'y a pas de meilleur appareil.
Donc, Air Canada pourrait dire qu'elle annule la commande, parce qu'elle n'est pas finale. Elle attend de voir ce qui arrivera. J'ai un peu de difficulté avec le fait d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête et qu'une corporation dicte au pays comment les choses évolueront. C'est une autre raison pour laquelle nous intervenons et que nous essayons de le faire rapidement. Air Canada n'a aucune raison de ne pas acheter ces avions. D'après moi, elle les a eus à un prix dérisoire. Nous n'en connaissons pas les détails, mais nous savons qu'elle a payé moins que le prix courant, étant donné qu'elle était une cliente au moment du lancement. De plus, elle a obtenu un processus qui fait en sorte que tout va très rapidement pour faire adopter un projet de loi qui la libérera de ses engagements et de ses obligations.
[Traduction]
Le vice-président : Excusez-moi. Je dois demander aux témoins et aux sénateurs d'être plus concis. Nous n'avons plus beaucoup de temps.
La sénatrice Unger : D'accord, je serai brève. Si le projet de loi C-10 est adopté avant l'échéance de la Cour suprême, est-ce que cela donnera un passe-droit à Air Canada par rapport à ses violations antérieures de délocalisation des emplois?
[Français]
M. Cadieux : Oui, absolument. Vous donnez toute la latitude voulue à Air Canada de faire ce qu'elle veut, et c'est ce qu'elle veut. Je prends la menace d'annulation de commandes avec un grain de sel. Cela fait partie de la rhétorique d'Air Canada pour faire pression sur les députés et les sénateurs. Honnêtement, je n'y crois pas, parce qu'Air Canada n'a pas de raison de ne pas acheter les produits Bombardier.
Le sénateur Boisvenu : Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. J'ai quelques questions et je vous demanderais de donner des réponses courtes.
On comprend que vous êtes contre le projet de loi C-10 et que vous en faites la promotion. Nous comprenons votre point de vue à cet égard. Combien de travailleurs d'Aveos sont actuellement au chômage?
M. Cadieux : Je ne peux pas répondre à votre question. Je sais combien d'employés ont perdu leur emploi. Il y a 1 800 travailleurs...
Le sénateur Boisvenu : Non, ma question est claire. Connaissez-vous le pourcentage des gens d'Aveos qui sont encore en chômage?
M. Cadieux : On ne l'a pas.
Le sénateur Boisvenu : Si le projet de loi C-10 est adopté, quel en sera l'impact sur la poursuite du recours collectif de 1 milliard de dollars intenté par les travailleurs contre le gouvernement du Québec et Air Canada?
M. Cadieux : Je n'en ai aucune idée. Nous n'avons pas déposé ce recours. Nous avons déposé une injonction.
Le sénateur Boisvenu : Se pourrait-il que ce recours collectif n'ait plus de sens si le projet de loi C-10 est adopté?
M. Cadieux : C'est possible.
Le sénateur Boisvenu : Je sais que la décision que j'aurai à prendre aura pour but de défendre le mieux possible les intérêts du Québec, ce qui inclut ceux de l'industrie et des travailleurs. L'ensemble du monde de l'industrie, comme le gouvernement, sont en faveur du projet de loi C-10, mais il semblerait que la FTQ, elle, ne soit pas en faveur du projet de loi C-10.
Défendez-vous davantage l'intérêt des travailleurs ou ceux de l'industrie?
M. Cadieux : Compte tenu de ce que nous vous avons présenté aujourd'hui, avec des données à l'appui, nous pouvons dire que nous défendons les intérêts des travailleurs et l'industrie à la fois. Vous devez regarder les faits. C'est clair. Les citations sont claires. Ce ne sont pas des citations qui proviennent du service de recherche de la FTQ. À partir du moment où Air Canada retire 1 000 employés de l'entretien de sa flotte, 1 457 autres emplois sont perdus.
Le sénateur Boisvenu : Je comprends cela. D'habitude, le Québec arrive à des consensus. Alors, pourquoi n'y a-t-il pas eu de consensus entre l'industrie et le syndicat dans ce dossier?
M. Cadieux : Parce que nous n'avons pas été invités à participer aux discussions. Ce n'est pas compliqué. C'est ce que je vous expliquais tout à l'heure. Je veux bien négocier, je l'ai fait pendant 35 ans, mais il faut que je sois invité à la table de négociation. Tout cela s'est fait derrière des portes closes. Nous avons déposé une requête d'injonction avant même que le projet de loi C-10 ne soit déposé. Nous avons appris par les médias qu'une entente avait été conclue au mois de janvier entre le gouvernement du Québec et Air Canada. Nous n'avons pas été invités et, encore aujourd'hui, nous ne connaissons pas les détails de cette entente et nous représentons les salariés. Honnêtement, c'est assez extraordinaire.
[Traduction]
Le sénateur Black : Pour poursuivre dans l'esprit des questions et des réponses courtes, j'aimerais simplement confirmer quelques points, monsieur, pour m'assurer que mes notes sont exactes.
On nous a dit hier que l'industrie aérospatiale canadienne est le cinquième secteur aérospatial en importance au monde. Approuvez-vous cette affirmation? Oui ou non?
[Français]
M. Cadieux : Non, je crois que c'est le troisième.
[Traduction]
Le sénateur Black : Vous croyez que c'est le troisième secteur en importance? C'est encore mieux.
[Français]
M. Chartrand : C'est le cinquième.
[Traduction]
Le sénateur Black : On nous a dit hier que c'était le cinquième. C'est donc, évidemment, une industrie très importante pour le Canada, ce qui est bien.
Pouvez-vous s'il vous plaît confirmer la taille du secteur canadien des services d'ERR?
M. Chartrand : Il faudrait chercher les données et tout le reste pour connaître la taille exacte. Ce secteur représente 26 p. 100 de l'industrie aérospatiale canadienne. La fabrication compte pour 74 p. 100 et les services d'ERR, pour 26 p. 100.
Le sénateur Black : Combien représenterait le secteur aérospatial canadien?
M. Chartrand : Le total serait de 100 p. 100. L'ERR représente 26 p. 100 et la fabrication, 74 p. 100.
Le sénateur Black : Ce que je veux savoir, c'est : est-ce que c'est 1, 2, 3 milliards de dollars?
M. Chartrand : Nous vous avons fourni les chiffres.
Le sénateur Black : D'accord, très bien.
M. Chartrand : Je ne les connais pas par cœur.
Le sénateur Black : Je peux les trouver. Merci beaucoup. Vous avez donné la taille de l'ensemble du secteur des services d'ERR. Vous avez parlé d'une croissance de 49 p. 100, de 64 à 96. C'est bien cela?
M. Chartrand : Oui, c'est exact.
Le sénateur Black : Et c'est 64 millions?
M. Chartrand : Milliards, qui augmenteront à 94. On prévoit que la valeur de l'industrie aérospatiale atteindra 96 milliards de dollars.
Le sénateur Black : L'industrie aérospatiale et non les services d'ERR?
M. Chartrand : Les services d'ERR.
Le sénateur Black : C'est le secteur des services d'ERR?
M. Chartrand : Les services d'ERR seulement.
M. Cadieux : Oui, seulement les services d'ERR.
Le sénateur Black : La valeur des services d'ERR est de 64 et elle va atteindre 100 milliards de dollars. Selon des statistiques, des données qu'on m'a fournies — elles sont tirées des états financiers d'Air Canada —, de 2012 à 2015, la moyenne des dépenses d'Air Canada pour les services d'ERR au cours de ces quatre années s'élevait à 675 millions de dollars. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
M. Chartrand : Non, ces données se trouvent dans les mêmes états financiers que ceux utilisés auparavant.
Le sénateur Black : C'est exact. Ainsi, Air Canada dépense environ 675 millions de dollars par année dans une industrie dont la valeur s'élève, selon ce que vous dites, à 100 milliards de dollars par année. Est-ce exact?
M. Chartrand : Oui.
Le sénateur Black : Merci beaucoup de vos réponses. Croyez-vous comme moi que le Canada jouit à l'heure actuelle d'un secteur des services d'ERR de calibre mondial?
M. Chartrand : Oui.
Le sénateur Black : Merci.
M. Chartrand : Toutefois, nous pourrions en faire plus.
Le sénateur Black : Compte tenu de tout cela, de toutes ces données qui sont les vôtres et que vous avez confirmées, j'ai beaucoup de difficulté à accepter que notre industrie, la cinquième en importance au monde, comme vous me l'avez dit, ne prospérerait pas et ne croîtrait pas malgré le projet de loi C-10. C'est ce que j'ai peine à comprendre. Aidez-moi, s'il vous plaît. Ma question précise est la suivante : pourquoi pensez-vous avoir besoin de protection alors qu'il s'agit si évidemment d'un secteur canadien prospère et dynamique? Pourquoi devrions-nous protéger des réussites abouties et énergiques?
[Français]
M. Cadieux : Par le passé, on avait besoin de garanties législatives. Malgré cela, Air Canada a réussi à délocaliser 2 500 emplois. De toute évidence, si Air Canada n'a pas d'obligations spécifiques, elle ne développera ni n'entretiendra sa flotte en fonction des intérêts des Canadiens et des Canadiennes, mais uniquement en fonction des actionnaires.
[Traduction]
Le sénateur Black : Vous avez déjà présenté cet argument, et je l'accepte.
Vous avez parlé, monsieur, de l'avantage économique pour le Canada; nous venons de l'explorer un peu. Ce qui est perdu dans toute cette discussion, c'est l'avantage économique pour les consommateurs. Pensez-vous comme moi que si Air Canada ou n'importe quelle entreprise canadienne se retrouve malgré elle dans une situation où ses coûts augmentent, ces coûts seront transférés aux consommateurs, et ce sont donc les consommateurs qui paieront le prix? Cela ne vous inquiète pas?
M. Chartrand : J'aimerais dire une seule chose. Vous devriez demander aux représentants d'Air Canada, lorsqu'ils seront ici, quelle fraction du prix du billet va à l'entretien — environ 10 p. 100. Le gros du prix du billet sert à payer l'essence, les taxes d'aéroport et tous les autres frais inclus dans le prix. L'entretien de l'aéronef représente donc une toute petite partie du prix du billet d'avion. Ce 10 p. 100 comprend non seulement la réparation et la révision, mais aussi le nettoyage de l'avion, des tapis à l'intérieur et de tout le reste. Ce n'est pas une si grande partie du prix du billet.
Le sénateur Black : Je suis d'accord avec vous là-dessus. Je suis certain que c'est exact. Or, vous êtes d'accord avec moi que si les coûts augmentent pour n'importe quelle entreprise, ces coûts sont transférés aux consommateurs.
M. Chartrand : Je suis d'accord avec vous que les coûts sont transférés aux consommateurs, mais je pense qu'il y a beaucoup d'autres endroits où on peut épargner de l'argent sans avoir une si grande incidence sur l'économie.
Le sénateur Black : Merci beaucoup.
Le sénateur Mercer : Je ne veux pas provoquer un gros débat. Tous ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un défenseur d'Air Canada. Je suis très critique envers la compagnie aérienne depuis longtemps, mais j'ai de la difficulté à accepter ce projet de loi. Je comprends pourquoi il y a eu un projet de loi au début, quand Air Canada a été privatisée : à l'époque, on voulait protéger les emplois, pendant qu'il se passait toutes sortes de changements. Nombre de personnes à qui j'ai parlé, pas des lobbyistes, mais des Canadiens, m'ont demandé pourquoi nous nous occupons de réglementer le secteur, ou pourquoi, si nous tenons à le faire, nous le faisons uniquement pour Air Canada, sans inclure WestJet et Porter. Ces entreprises font réparer leurs aéronefs.
L'industrie est tellement grande; le secteur de l'entretien des aéronefs offre des emplois assez bien rémunérés et ce serait fantastique de les garder tous ici. Or, ce qui serait encore mieux, ce serait de créer des centres d'excellence pour que des compagnies aériennes partout dans le monde déclarent : « Je vais faire réparer mon aéronef au Canada parce qu'ils font bien leur travail et le prix est juste. » Nous avons des possibilités.
Pourquoi réglementer le secteur aujourd'hui? Je cherche une réponse et non une leçon d'histoire, parce que je connais déjà l'histoire.
[Français]
M. Cadieux : Pratiquement tous les pays industrialisés ont un transporteur national et sont obligés de confier l'entretien de leurs appareils sur leur territoire. C'est normal. Les conditions des concurrents d'Air Canada se sont développées de cette façon. Il faut reconnaître l'historique de la création d'Air Canada et les raisons pour lesquelles le Canada a accepté de se départir d'une société publique pour la rendre privée.
Cependant, Air Canada a-t-elle des frais d'exploitation qui sont supérieurs à ceux des compétiteurs de sa taille? La réponse est non. Air Canada exploite ses activités dans les mêmes conditions que le reste de la compétition au Canada. Air Canada n'offre pas une rémunération plus élevée à ses employés que la compagnie Air Transat ou tout autre concurrent sur le territoire canadien. On veut s'assurer que des emplois soient maintenus au Canada. On a développé un secteur manufacturier, des écoles, des collèges en faisant miroiter aux jeunes les nombreuses possibilités d'emploi dans le secteur aérospatial. Si tous les emplois liés à l'entretien sont délocalisés, l'ensemble de la main-d'œuvre canadienne en souffrira. C'est tout le secteur au Canada qui en souffrira.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Nous avons parlé d'établir deux centres d'excellence, un au Québec et un au Manitoba. J'aimerais beaucoup qu'il y en ait un en Nouvelle-Écosse, mais occupons-nous seulement de ce que nous avons devant nous. Il me semble que nous devrions nous concentrer notamment sur les centres d'excellence. Si nous construisons ce qu'il faut, ils viendront. C'est ce qu'on dit au baseball. Si nous bâtissons un centre d'excellence et s'il s'agit réellement d'un centre d'excellence, où nous accomplissons du travail de première qualité au prix le plus juste, en respectant les échéances, le monde nous appartiendra. Beaucoup de transporteurs aériens seraient ravis que le travail soit fait par du personnel d'entretien fiable, selon l'échéance fixée et au prix convenu.
Seulement des personnes de qualité travaillent dans l'industrie, mais l'exécution pose problème; et je ne blâme personne. Ne devrions-nous pas tous accorder plus d'importance aux possibilités qu'offrent les centres d'excellence?
[Français]
M. Cadieux : À mon avis, le projet de loi C-10 ne prévoit pas la création de centres d'excellence. Vous comptez uniquement sur la bonne foi d'Air Canada. Je le répète : Air Canada avait l'obligation de satisfaire aux conditions de la loi antérieure en matière de langues officielles et d'entretien de sa flotte, ce qu'elle n'a pas fait. En vertu de la loi actuelle, il est possible de créer des centres d'excellence. Aucune disposition dans le projet de loi C-10 n'oblige Air Canada ou tout autre transporteur ou fabricant à créer des centres d'excellence. Vous vous fiez uniquement à des propos sans connaître les détails précis de chacune des ententes. La loi actuelle autorise la création de centres d'excellence, et j'y suis favorable. La loi permet à Air Canada de confier l'entretien de sa flotte à des centres d'excellence. Il n'est pas nécessaire de modifier le texte de loi pour créer ces centres d'excellence.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Je suis désolé, mais je ne suis pas d'accord. Selon ce que je comprends du monde des affaires, il faut chercher les occasions et les besoins, et créer en fonction de ceux-ci. Nous avons besoin de centres d'excellence pour réparer et entretenir les aéronefs. Si nous créons ou soutenons ces centres et si nous en faisons bien la promotion, Air Canada ne sera qu'un petit joueur. Si nous faisons bien les choses, nous attirerons des compagnies aériennes de partout dans le monde et nous occuperons le premier rang dans le domaine de l'entretien d'aéronefs parce que nous sommes situés à l'endroit idéal. Nous sommes près des marchés américain et européen et pas très loin du marché asiatique. Je pense que notre secteur est formé de travailleurs de qualité; nous devons donc trouver des moyens d'appuyer le secteur au lieu de placer tout le fardeau sur les épaules d'Air Canada, dont je ne suis pas un défenseur, mais bien un détracteur. Air Canada a de la difficulté à trouver nos bagages; elle a de la difficulté à trouver bien des choses.
Je vais m'arrêter là, monsieur le président. Je crois simplement que notre attention n'est pas fixée à la bonne place.
M. Chartrand : J'aimerais ajouter une chose.
Le vice-président : Allez-y, brièvement.
M. Chartrand : Nous ne sommes pas en train de dire que nous ne croyons pas qu'il devrait y avoir un centre d'excellence. Vous avez tout à fait raison. Tout le monde souhaite la création d'un centre d'excellence. Ce qui est en cause, c'est que la création de ce centre n'est pas prévue dans la mesure législative. Il n'y avait rien à cet effet dans l'ancienne loi et il n'y a aucun engagement dans celle-ci non plus, à part verbalement.
Dans le film Champ des rêves, on dit : « Si nous construisons ce qu'il faut, ils viendront. » Je vais vous dire une chose : dans ce milieu, on ne construit pas un bâtiment sans contrats garantis et sans travail à mettre à l'intérieur parce que c'est un coût supplémentaire et il n'y a pas de garantie qu'on va le récupérer. Dans une industrie de ce genre, on ne peut pas construire et espérer qu'ils viennent. Je vais construire ce qu'il faut si on me donne des contrats garantis et du travail à mettre à l'intérieur pour que je puisse payer le bâtiment. C'est ainsi que l'industrie fonctionne.
Le sénateur Plett : D'abord, je vous demande pardon d'être arrivé en retard. Il y avait un peu trop de réunions ce matin. J'ai des commentaires et quelques questions.
J'appuie certainement toutes les questions posées par le sénateur Mercer, mais pour ma part, je suis un défenseur d'Air Canada. Je trouve que c'est une assez bonne compagnie aérienne. Elle a perdu mes valises à quelques occasions, ce qui m'a permis d'acheter de nouvelles chemises; elle m'a donc bien traité. J'appuie donc Air Canada. Je crois que nous avons trois très bons transporteurs aériens au Canada — peut-être un peu plus — et je suis certainement un client d'Air Canada et de WestJet; je suis satisfait des services qu'ils m'offrent et qu'ils offrent à ma région.
Toutefois, je suis le porte-parole de ce projet de loi. Le moment choisi pour le projet de loi et l'incidence qu'il aurait sur ma province, le Manitoba, comptent parmi les raisons pour lesquelles j'en suis le porte-parole. J'ai tout de même quelques questions très brèves à poser, et les réponses peuvent aussi être brèves.
Mon collègue, le sénateur Black, a laissé entendre qu'avec cette mesure législative, nous obligeons Air Canada à faire quelque chose, et il s'est opposé à ce que nous agissions ainsi. De notre point de vue, si ce projet de loi n'est pas adopté, nous demandons seulement à Air Canada de continuer à faire ce qui lui est demandé depuis de nombreuses années et qu'elle est tenue de faire, en vertu de la loi. En fait, nous ne l'obligeons qu'à respecter la loi. N'est-ce pas exact?
[Français]
M. Cadieux : On demande à Air Canada de respecter la loi, ce qu'elle n'a pas fait. On doit examiner la situation de deux façons : Air Canada employait environ 5 000 personnes pour l'entretien de sa flotte au Canada. Parmi ces employés, 2 600 ont été délocalisés. Qu'il s'agisse d'Air Canada ou d'un sous-traitant, on parle de ce que nécessite l'entretien de la flotte. Donc, c'est une problématique. Les tribunaux se sont prononcés sur cette question et ont dit clairement qu'Air Canada contrevenait à la loi.
Le deuxième élément sur lequel nous devons nous pencher, c'est la question des 2 500 emplois qui demeurent avec Air Canada pour l'entretien de sa flotte. Qu'en arrivera-t-il? Est-ce qu'on lui permet de poursuivre avec la délocalisation des 2 500 emplois qui restent ou ne devons-nous pas plutôt arrêter l'hémorragie?
[Traduction]
Le sénateur Plett : Cela m'amène à la prochaine question, concernant les 2 600 employés. Hier soir, on a cherché à connaître le sort de ces 2 600 employés; je crois que le sénateur Black a posé la même question ce matin. Monsieur Chartrand, je crois savoir que vous êtes le dirigeant des machinistes; si vous représentiez ces 2 600 employés, je trouve quelque peu déconcertant que vous n'ayez aucune idée de ce qui leur est arrivé.
M. Chartrand : Comme on l'a indiqué hier, nous n'avons pas de données précises à ce sujet. Nous savons où sont rendus quelques-uns d'entre eux, car ils sont restés en contact. On parle de quelque chose qui s'est produit il y a quatre ans. À ce moment-là, beaucoup d'employés ont cessé d'être des membres de la fédération, sauf ceux qui ont été placés dans des entreprises de l'industrie aéronautique dont nous représentons les employés. Les autres ont trouvé d'autres emplois; certains travaillent pour des commissions scolaires, d'autres pour des municipalités, ou encore pour des entreprises de collecte d'ordures, ou ailleurs. Ils ne sont pas restés en contact.
Le sénateur Plett : Ma prochaine question, que j'ai posée à M. Chartrand hier soir, s'adresse à M. Cadieux. Je l'ai posée hier soir et je vais aussi la poser à Air Canada. Vous demandez à Air Canada de cesser de confier l'entretien de ses appareils à des entreprises de Duluth et d'Israël. Air Canada est une entreprise qui doit être rentable, sans quoi elle devra cesser ses activités ou nous demander plus d'argent, comme elle l'a fait dans le passé.
La société ne le fait pas sans raison. Ce n'est pas parce qu'elle a quelque chose contre vous, à mon avis; elle doit faire des économies. Hier soir, j'ai cherché à en connaître le montant et personne n'a la réponse. Monsieur Cadieux, avez- vous une idée des sommes qu'économise Air Canada en faisant faire illégalement l'entretien de ses appareils à Duluth, comme cela a été dit à maintes reprises?
[Français]
M. Cadieux : C'est selon les dires de la Cour d'appel du Québec qu'elle l'a fait illégalement, ce n'est pas selon mes dires. C'est un fait, il y a un jugement rendu par le plus haut tribunal du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Très bien; cela dit, à combien s'élèvent les économies d'Air Canada?
[Français]
M. Cadieux : Je n'ai aucune idée de l'économie réalisée. Je peux vous dire que les travailleurs canadiens chez Air Canada ne sont pas mieux rémunérés que les travailleurs du secteur aérospatial aux États-Unis ou en Israël. Donc, je ne sais pas où elle économise lorsqu'elle procède ainsi. Honnêtement, je ne le sais pas, je ne peux pas vous répondre.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Ils ne sont pas mieux rémunérés que les travailleurs des États-Unis?
[Français]
M. Cadieux : Pas du tout. Posez la question à Air Canada cet après-midi.
[Traduction]
Le vice-président : C'est là-dessus que se termine cette partie de la réunion. Monsieur Cadieux, monsieur Chartrand, merci d'avoir comparu au comité ce matin.
Le comité va maintenant entendre le témoignage d'Air Canada. Représentant Air Canada, nous avons M. Kevin Howlett, qui est vice-président principal, Affaires gouvernementales et marchés régionaux; M. David Rheault, directeur des Affaires gouvernementales et relations avec les collectivités; M. Fitti Lourenco, directeur des affaires gouvernementales auprès du gouvernement fédéral et de l'Ontario.
Je crois comprendre que M. Howlett se chargera de l'exposé et que MM. Rheault et Lourenco participeront aux séries de questions. Monsieur Howlett, allez-y, s'il vous plaît.
[Français]
Kevin C. Howlett, vice-président principal, Affaires gouvernementales et marchés régionaux, Air Canada : Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, bonjour. Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à participer à cette importante discussion du comité concernant le projet de loi C-10.
[Traduction]
Le projet de loi dont vous êtes saisis a pour but de moderniser les dispositions sur la maintenance de la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada adoptée en 1988. À l'époque, la loi initiale ne contenait aucune disposition de réexamen ni autre disposition semblable qui permettait au gouvernement ou à Air Canada d'apporter rapidement des changements nécessaires pour s'adapter à une industrie dynamique comme la nôtre, qui évolue rapidement.
Aujourd'hui, nous nous retrouvons dans une situation de perpétuel litige, même si nous conservons près de 2 400 emplois liés à la maintenance et que nous appuyons des centaines d'autres emplois à la grandeur du pays.
Il est important de mentionner que le gouvernement précédent estimait qu'Air Canada respectait ses obligations, et ce point de vue était soutenu par le ministère de la Justice.
Le projet de loi C-10 reconnaît à la fois la transformation de notre industrie et le fait qu'Air Canada est une entreprise du secteur privé, qui appartient à des intérêts du secteur privé et qui exerce ses activités dans une industrie mondiale hautement compétitive. En somme, ce projet de loi aide à créer des conditions équitables pour qu'Air Canada puisse rivaliser contre ses concurrents, dont aucun n'est assujetti à de telles restrictions.
Dans la foulée de la faillite d'Aveos, nous avons confié des travaux à des fournisseurs au Canada, par exemple Premier Aviation à Trois-Rivières, Avianor à Mirabel, Airbase à Montréal, et Hope Aero à Toronto et bientôt à Winnipeg. Nos partenaires commerciaux régionaux génèrent beaucoup d'activités de maintenance au Canada, tout particulièrement dans les provinces de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et au Québec.
Avant de discuter plus en détail du projet de loi, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous parler de la situation actuelle d'Air Canada. Au cours des six dernières années, sous la direction de M. Calin Rovinescu, notre président et chef de la direction actuel, nous avons pris les moyens pour transformer Air Canada en champion mondial, et nous sommes en bonne voie d'y parvenir. Non seulement nous contribuons grandement à l'économie canadienne, mais nous relions aussi les Canadiens avec le monde et d'autres régions économiques, leur permettant d'explorer de nouveaux marchés et de nouvelles possibilités commerciales. Nous relions également le Canada au monde. L'année dernière, nous avons transporté plus de 41,5 millions de passagers vers plus de 200 destinations aux quatre coins de la planète, une augmentation de 25 p. 100 depuis 2009.
Avec nos partenaires commerciaux régionaux, qui emploient 5 000 personnes, nous desservons une soixantaine de collectivités au Canada. Nous employons 28 000 personnes et soutenons environ 30 000 retraités au pays. Les salaires et avantages sociaux versés par Air Canada au pays dépassent 2,1 milliards de dollars, et ses charges d'exploitation totales au Canada s'élèvent à près de 10 milliards de dollars. L'impact d'Air Canada sur le PIB national excède facilement les 20 milliards de dollars, et nous sommes en croissance.
Il est également important de souligner que cette croissance suppose de nouveaux appareils. Nous investissons une somme impressionnante de 9 milliards de dollars dans notre programme de modernisation de notre parc aérien, qui deviendra à terme l'un des plus modernes du monde. Cet investissement comprend notre achat d'appareils de la C Series, d'une valeur de 5,2 milliards de dollars, qui pourrait dépasser les 8 milliards si nous exerçons notre option pour 30 appareils supplémentaires. Voilà une autre bonne nouvelle, puisque cela signifie des emplois supplémentaires.
Air Canada stimule le développement de l'industrie aéronautique nationale. Des composantes majeures de nos nouveaux appareils 787 de Boeing sont fabriquées au Canada, et des composantes majeures de nos 737 de Boeing le seront aussi. Bien sûr, les appareils de la C Series seront construits au Canada, et Air Canada et Jazz Air ont passé d'importantes commandes de Q400 de Bombardier produits à Downsview.
Afin de continuer de connaître le succès dans cette industrie de plus en plus mondialisée, de préserver ses 28 000 emplois actuels au Canada et de créer de nouveaux débouchés pour les Canadiens, Air Canada doit être en mesure d'exercer ses activités et d'affronter la concurrence d'égal à égal. C'est pourquoi le projet de loi C-10 est important pour nous comme transporteur et pour le Canada comme pays.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, le secteur du transport aérien s'est considérablement transformé depuis la privatisation d'Air Canada. Jusqu'aux années 1980, les sociétés aériennes comme Air Canada qui exploitaient un réseau réalisaient la maintenance des avions à l'interne. C'est dans ce contexte que les dispositions sur la maintenance que contient la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada ont été adoptées par le Parlement.
À cause des perturbations économiques et géopolitiques du début des années 1990, l'industrie du transport aérien a essuyé de lourdes pertes. Rappelez-vous la récession mondiale, la volatilité des prix du carburant et la guerre du Golfe. Les années 1990 ont été suivies par les années 2000, où nous avons été témoins du 11 septembre, de la crise du SRAS et des guerres en Afghanistan et en Irak. De nombreux transporteurs classiques ont fait faillite pendant cette période, et Air Canada elle-même a opéré sa propre restructuration sous contrôle judiciaire en 2003-2004. C'est sans surprise qu'on a assisté, à peu près à la même époque, à l'émergence de transporteurs à faibles coûts; ces transporteurs ont commencé à impartir toutes sortes de travaux, notamment les travaux de maintenance, pour réduire leurs coûts et pour affronter la concurrence dans un monde où l'économie était constamment menacée.
Les transporteurs de toute la planète, surtout les transporteurs classiques, ont été forcés de se métamorphoser pour réduire leurs coûts pour éviter de disparaître. Aveos a été créée et vendue comme fournisseur de services de maintenance, réparation et révision, ou MRR qui pourrait réaliser nos propres travaux de maintenance et conclure des contrats pour réaliser aussi ceux d'autres transporteurs nationaux et internationaux.
Dans ce contexte, les fournisseurs de services de MRR se sont développés et renforcés, ce qui a mené à une augmentation de l'impartition des travaux de MRR. À l'échelle mondiale, d'après un rapport préparé par l'IATA, l'impartition des activités de MRR est passée d'environ 30 p. 100 en 1990, à plus de 50 p. 100 en 2008, et à 65 p. 100 en 2013. On prévoit que cette tendance à la hausse se poursuivra et pourrait atteindre les 80 p. 100, selon certaines sources. Aveos aurait dû être en bonne position pour croître, mais cela n'a pas été le cas.
Air Canada n'a pas pris la fermeture d'Aveos à la légère. Sa faillite abrupte a été un choc pour nous, et nous avons compati aux pertes d'emplois. En fait, avant la fermeture, Air Canada a à maintes reprises offert à Aveos un soutien, notamment un soutien financier, et ce, même dans les jours précédant la faillite.
Depuis la fermeture d'Aveos, nous avons mieux compris pourquoi l'entreprise a échoué et n'a pas été capable de réussir. À l'instar de ses concurrents, Air Canada fait maintenant affaire avec des fournisseurs de services de MRR partout dans le monde, y compris au Canada, fournisseurs qui exécutent les travaux de manière plus efficace et plus compétitive. Recréer Aveos n'est pas une option. Cela affecterait grandement la compétitivité d'Air Canada et mettrait à risque sa situation financière.
La bonne chose à faire, c'est de permettre à Air Canada de continuer de trouver le meilleur fournisseur pour ces activités. Tant et aussi longtemps que les fournisseurs de services de MMR sont compétitifs et fiables, nous leur confierons nos travaux, en particulier au Canada. Comme je l'ai dit précédemment, une partie importante de notre flotte et de celle de nos partenaires régionaux est entretenue au Canada.
La nature du secteur de la maintenance a également considérablement changé. Pour les sociétés aériennes comme Air Canada, le rôle de la maintenance en ligne s'est accru. Les effectifs d'Air Canada affectés à la maintenance en ligne ont significativement augmenté dans les dernières années. Nous employons aujourd'hui près de 2 400 employés dans ce secteur, plus que tout autre transporteur au Canada. Le personnel d'entretien des aéronefs s'acquitte de tâches hautement spécialisées au quotidien.
Le projet de loi C-10 déposé par le présent gouvernement reconnaît les changements dans l'industrie et clarifie la plus grande souplesse dont Air Canada a besoin pour être concurrentielle à l'échelle mondiale. Aucun autre pays n'impose des restrictions du genre à ses transporteurs, et au Canada, Air Canada est le seul à en subir.
Comme je l'ai dit plus tôt, qu'Air Canada soit solide et en santé est bénéfique pour le pays. Nous avons conclu des accords de règlement avec les gouvernements du Québec et du Manitoba pour créer des centres d'excellence. Si ces ententes sont respectées et que les centres d'excellence sont soutenus, nous pourrions assister à la création de jusqu'à 1 000 emplois au Québec et des centaines d'emplois au Manitoba. Air Canada s'est elle-même déjà engagée à fournir du travail à de nouveaux fournisseurs dans chacune de ces provinces. Le rejet de ce projet de loi mettrait en péril ces centres d'excellence, puisque nous ne pourrions pas exercer nos activités dans un contexte juridique incertain.
En terminant, j'aimerais vous remercier d'avoir pris le temps d'examiner le projet de loi C-10. Air Canada est déterminée à agir en faveur du Canada; personne autour de cette table ne doit en douter. Nous sommes fiers de porter le drapeau de notre pays et nous travaillons pour devenir votre champion mondial. Mais pour y parvenir, nous devons être capables de rivaliser d'égal à égal avec nos concurrents.
Le secteur du transport aérien s'est transformé depuis la privatisation d'Air Canada. Nous ne sommes plus une société d'État. Laissez-nous être en concurrence comme une entreprise privée. Le Parlement devrait faire tout ce qu'il peut pour favoriser les entreprises canadiennes sur la scène mondiale. La solidité d'Air Canada signifie plus d'emplois dans les secteurs de l'aéronautique, du transport aérien et du tourisme au Canada — pourvu que nous regardions vers l'avenir plutôt que vers le passé. Merci beaucoup.
Le vice-président : Merci, monsieur Howlett.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup, messieurs, d'être venus ici ce matin.
Avant de poser deux ou trois brèves questions, j'aimerais faire un commentaire. Comme je l'ai indiqué dans le discours que j'ai prononcé à l'étape de la deuxième lecture, je suis un conservateur défenseur de la libre entreprise et favorable à la privatisation. J'estime toutefois que le gouvernement du Canada a placé Air Canada en fâcheuse posture. Il a conclu des ententes qui ont eu une incidence sur les provinces afin d'avoir leur appui. Maintenant, à la fin du processus, le gouvernement ne respecte pas ces ententes ni sa parole, du moins dans ma province, le Manitoba. Ma principale préoccupation, c'est que le gouvernement nous demande de faire quelque chose alors qu'il a manifestement rompu son engagement. Toutefois, Air Canada n'y est pour rien; je ne vous en tiendrai donc pas responsable.
J'ai des questions. Vous pourrez certainement répondre à l'une d'entre elles, si vous avez écouté, étant donné que je l'ai posée hier soir, alors que vous étiez tous présents à la réunion. Je l'ai posée de nouveau ce matin, mais je n'ai toujours pas obtenu de réponse. J'espère que vous pourrez me dire combien Air Canada pourra économiser en faisant faire la maintenance de ses appareils à Duluth, au Minnesota, et en Israël, comparativement à ses coûts au Canada.
M. Howlett : Monsieur, Aveos a fait faillite; nous avons dû trouver des solutions de rechange. Nous avons lancé un processus de soumission concurrentiel. Le recours à un tel processus peut entraîner divers résultats en raison de la vaste gamme d'activités liées au processus d'appel d'offres. Il s'agissait d'offres concurrentes qui ont mené à des résultats diversifiés. Les coûts variaient considérablement d'une entreprise à l'autre, selon le type de service offert, les taux de change des devises étrangères et de la nature des travaux. Essentiellement, ce fut un processus hautement concurrentiel.
Nos critères étaient des coûts concurrentiels, l'efficacité, la qualité et des délais d'exécution adéquats. Ce sont les facteurs qui sont pris en compte dans le processus de sélection des entreprises pour les services d'entretien, de réparation et de révision. Aujourd'hui, nous avons un processus d'appel d'offres concurrentiel qui nous permet d'obtenir des services de maintenance à un coût concurrentiel, à l'échelle mondiale. Comme je l'ai indiqué, lorsqu'Aveos a fait faillite, nous n'avions d'autre choix que de lancer un processus de demande de propositions à l'échelle mondiale.
Le sénateur Plett : Je suis navré de ne pouvoir obtenir des réponses de vous non plus à ce sujet. Je croyais que c'était nous, les politiciens, ici.
Le fait est qu'il y a, quelque part au siège social d'Air Canada, des spécialistes des chiffres qui peuvent vous conseiller sur la meilleure entente. Or, il y avait Aveos. Vous savez combien vous coûtaient ses services. Combien économisez-vous maintenant? Combien payez-vous les services de maintenance comparativement à ce que vous versiez à Aveos? Il doit bien avoir un chiffre simple quelque part. Je ne cherche pas à établir une comparaison de la qualité du service et je ne laisse pas entendre que vous êtes d'avis que les travailleurs canadiens ne sont pas hautement qualifiés. Si c'est ce que vous pensez, dites-le, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Combien d'argent économisez-vous en obtenant ces services à l'extérieur du pays?
M. Howlett : Comme je l'ai dit, lorsqu'Aveos a fait faillite, nous n'avions pas d'autre choix, monsieur, que de nous tourner vers le marché.
Le sénateur Plett : Eh bien, vous nous demandez d'adopter un projet de loi, mais vous n'aidez pas en ne proposant pas des solutions et en me fournissant des réponses comme celles que vous m'avez données. C'est tout à fait inutile.
Ma prochaine question, monsieur, est la suivante : je crois qu'il y a un certain nombre de menaces qui surgiront si nous n'adoptons pas ce projet de loi. L'une d'elles vise la province du Québec car si ce projet de loi n'est pas adopté, l'achat des appareils de C Series de Bombardier sera compromis. J'ai également entendu le parrain du projet de loi, le sénateur Pratte, et vous, dans votre exposé aujourd'hui, dire que si ce projet de loi n'est pas adopté, les centres d'excellente seront compromis.
Encore une fois, pourquoi achetez-vous des avions de Bombardier? Les achetez-vous parce qu'ils sont les meilleurs avions au monde, ou les achetez-vous pour faire plaisir au Québec? Je voyage avec Air Canada, et contrairement à l'opinion de certains, je pense que c'est une excellente entreprise de transport aérien. Je veux que vous pilotiez les meilleurs avions possible, et j'espère que vous trouverez de meilleurs appareils pour mes vols en provenance et à destination de Winnipeg. Ce type d'appareil est peut-être la solution. En faites-vous l'acquisition parce que c'est un bon avion ou parce que vous voulez satisfaire le Québec?
M. Howlett : La décision d'Air Canada d'acheter l'appareil C Series était fondée sur l'opinion que c'est le bon avion pour s'acquitter de sa mission et servir le marché.
Le sénateur Plett : Pourquoi ce contrat serait-il compromis si ce projet de loi n'est pas adopté?
M. Howlett : Nous ne sommes pas prêts à aller jusqu'à nous engager financièrement dans un climat d'incertitude juridique. Il y a des solutions de rechange à l'appareil de C Series, comme vous le savez sans doute. Il y a d'autres entreprises qui fabriquent des avions comparables.
Le sénateur Plett : Ce sont des entreprises étrangères. Donc, si on ne fait pas ce que vous voulez, vous irez à l'étranger pour acheter vos avions. Parlons des centres d'excellence. Winnipeg s'est déjà fait avoir par le gouvernement. Êtes-vous en train de me dire que si ce projet de loi n'est pas adopté, nous écoperons encore une fois et perdrons 150 emplois et un centre d'excellence?
M. Howlett : Sénateur, je n'ai rien à dire concernant la relation entre le gouvernement fédéral et la province du Manitoba. Ce que je peux vous dire est que si ce projet de loi n'est pas adopté, nous ne créerons pas les centres d'excellence au Manitoba et nous ne créerons pas les centres d'excellence au Québec.
Le sénateur Plett : Autrement dit, vous faites ce que nous voulons ou nous allons vous le faire payer.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je comprends un peu toute la logique économique qui a bouleversé l'organisation du travail et, en particulier, l'entretien et la maintenance des avions. C'était à une époque, comme vous l'avez mentionné, dans les années 1990 et 2000, où toutes les entreprises subissaient de fortes pressions et où il y a eu de la réorganisation et de la sous-traitance. J'ai lu le jugement de la Cour d'appel du Québec. Dans le cas d'Aveos, qui a fait faillite en 2012, on expliquait que vous aviez déjà commencé à donner des contrats d'entretien aux États-Unis. Je voudrais savoir pourquoi vous avez commencé à donner des contrats d'entretien en Floride, à Miami, et que, par la suite, cette façon de faire s'est développée. Quels étaient les facteurs? S'agissait-il de facteurs économiques ou technologiques? Qu'est-ce qui vous a amené à commencer ces activités à l'extérieur?
[Traduction]
M. Howlett : Merci de votre question. Il y a un certain nombre de questions qui ont mené à cette décision. Le coût en est une. Air Canada, dans ce contexte, était soumise à d'importantes contraintes financières, comme vous vous en rappelez sans doute. Nous venions de procéder à une restructuration supervisée par les tribunaux. Il y a eu l'effondrement économique en 2007-2008, ainsi que les coûts d'immobilisation nécessaires pour financer la nouvelle technologie à instaurer dans les aéroports. Tous ces facteurs nous ont obligés à examiner d'autres options, et c'est ce qui a mené à ces décisions.
[Français]
David Rheault, directeur, Affaires gouvernementales et relations avec les collectivités, Air Canada : Air Canada a respecté ses ententes avec Aveos jusqu'à la fin. Comme nous l'avons indiqué à titre de preuve devant le tribunal, presque toute la maintenance lourde était effectuée par Aveos, et ce, jusqu'à la fin.
[Traduction]
Le sénateur Pratte : Vous avez dit, dans votre réponse aux questions du sénateur Plett, qu'il n'y aura pas de centres d'excellence si le projet de loi C-10 n'est pas adopté car l'entreprise n'est pas disposée à faire des affaires dans ce que vous avez qualifié de cadre juridique incertain. Pourriez-vous nous en dire plus sur l'incidence de ce cadre juridique incertain qui vous empêcherait de créer ces centres d'excellence?
M. Howlett : Eh bien, le coût d'acquisition de l'appareil C Series est élevé. Nous devons avoir une idée claire du fondement juridique sur lequel nous nous appuierons, et c'est ce qui entraîne la nécessité d'apporter ce changement dans le projet de loi C-10.
[Français]
M. Rheault : J'aimerais en dire davantage sur l'environnement juridique. À la suite de la fermeture d'Aveos, des procédures ont été intentées en Cour supérieure du Québec. Il faut se rappeler que, lorsqu'Aveos a fermé ses portes, le gouvernement fédéral avait des opinions juridiques et qu'il croyait que, en raison du niveau de maintenance qu'elle effectuait dans les régions prescrites par la loi, Air Canada respectait déjà la loi.
[Traduction]
En fait, dans un jugement, la Cour supérieure de l'Ontario a déclaré que compte tenu du niveau d'entretien et de la spécialisation des tâches effectuées dans l'entretien léger, Air Canada respectait déjà la loi. Après qu'Aveos a fermé ses portes, le gouvernement du Québec a porté une contestation devant les tribunaux, et les jugements qui ont été rendus n'étaient pas les mêmes que la décision antérieure.
Tous ces facteurs créent un cadre juridique incertain. Nous en appelons du jugement devant la Cour suprême du Canada, qui devra rendre une décision sur cette question. L'idée ici, c'est que quatre années de litige n'ont pas créé d'emplois. Nous devons maintenant travailler avec les deux provinces pour créer des emplois, mais pour mettre en œuvre cet accord, nous devons nous assurer que la menace de litige est derrière nous et que nous pouvons collaborer à l'avenir. C'est pourquoi le projet de loi C-10 est important. Il est le fondement pour pouvoir commencer à renforcer les capacités d'entretien au Canada.
Fitti Lourenco, directeur, Affaires gouvernementales, gouvernement fédéral et gouvernement de l'Ontario, Air Canada : Sénateur, si vous me le permettez, il est important de signaler que le gouvernement précédent a également appuyé l'idée qu'Air Canada respectait ses obligations antérieures, ce qu'un autre tribunal en Ontario a aussi appuyée. Pour embrouiller encore plus les cartes, certains tribunaux sont d'accord avec nous, mais d'autres non. Le cadre est complètement incertain, et il nous est très difficile de prendre des décisions d'affaires éclairées dans ce type d'environnement.
Le sénateur Pratte : Merci. Il y a un autre point que je veux soulever : les syndicats ne sont pas les seuls à s'inquiéter du fait que si le projet de loi C-10 est adopté, pratiquement tous les emplois d'entretien au Canada pourraient être confiés en sous-traitance à l'étranger. Je pense que j'ai entendu des représentants d'Air Canada dire que ce serait très improbable, voire impossible, car ce sont des emplois de maintenance en ligne. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous en dire davantage à ce sujet?
M. Howlett : Certainement. Aujourd'hui, nous avons un ensemble sans précédent de circonstances avec tous nos syndicats chez Air Canada. Nous avons des conventions collectives stables à long terme d'une durée de 10 ans en place avec tous nos syndicats. Les membres du personnel de l'entretien sont représentés par l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale avec qui nous avons également un accord de 10 ans.
De plus, il y a des dispositions dans cette convention collective qui définissent les modalités qu'il faut respecter pour confier des emplois en sous-traitance. Si l'on veut confier en sous-traitance la maintenance en ligne, cette disposition de la convention collective protège les emplois.
M. Rheault : Et si je peux ajouter une observation, la maintenance en ligne, sur le plan opérationnel, est principalement effectuée aux aéroports centraux. Ces emplois sont au Canada, et ils le resteront. La réalité commerciale et l'exploitation d'une ligne aérienne font en sorte que la maintenance en ligne doit être effectuée là où votre entreprise se trouve.
La preuve, c'est qu'après la fermeture d'Aveos, peu d'employés ont été touchés en Ontario. L'Ontario ne faisait pas partie de la poursuite juridique, car même si nous avons des centaines d'employés d'entretien à Mississauga et dans la province de l'Ontario, peu d'entre eux effectuent ce que l'on appelle des travaux d'entretien lourd. La majorité d'entre eux, sinon tous, font de la maintenance en ligne, si bien que la loi n'aura pas d'incidence sur ces emplois, en raison de la nature de l'exploitation.
En fait, la loi permet à Air Canada d'être plus concurrentielle, de prendre de l'expansion et de faire l'acquisition d'un plus grand nombre d'avions. Des emplois seront créés pour assurer l'entretien de ces avions qui arrivent et repartent.
M. Howlett : Les activités de maintenance en ligne dépendent de la taille de votre flotte, dans un premier temps, et la majorité des membres du personnel d'entretien des lignes travaillent dans les aéroports centraux évidemment, mais nous avons des employés chargés de la maintenance en ligne qui travaillent dans d'autres aéroports au pays également.
Le sénateur Pratte : Je veux simplement mettre une chose au clair : si j'ai bien compris, la maintenance en ligne se fait la nuit, n'est-ce pas?
M. Howlett : La maintenance en ligne se fait la nuit. Et en tant que client, vous pouvez peut-être voir un membre du personnel de la maintenance en ligne monter à bord d'un avion et en débarquer à un aéroport. C'est une fonction qui est effectuée à la porte d'embarquement et dans les hangars en dehors des heures normales.
Le sénateur Pratte : L'entretien lourd était effectué par Aveos, par exemple, et on effectue des activités d'entretien, de réparation et de révision lorsqu'un avion est hors service pour plusieurs semaines.
M. Howlett : Oui, pour une plus longue période. Pendant un certain nombre de semaines, on démonte et reconstruit l'avion.
M. Rheault : C'est ce que nous appelons la maintenance en ligne car l'avion reste en service, ce qui signifie qu'il continue de voler. Le jour suivant, il sera en service, alors que dans le cas de l'entretien lourd, l'avion doit être mis hors service.
Le sénateur Mercer : Je veux simplement rappeler à mon bon ami du Manitoba que vous avez des avions en service à Winnipeg. Ceux d'entre nous qui sont de Halifax ne peuvent plus en dire autant. C'est un autre argument que nous pouvons faire valoir un autre jour.
Dans votre exposé, vous avez dit que, depuis la fermeture d'Aveos, nous comprenons mieux pourquoi l'entreprise a fait faillite et n'a pas été capable de soutenir la concurrence. Air Canada fait maintenant des affaires avec des fournisseurs de service d'entretien, de réparation et de révision de partout dans le monde, comme nos concurrents le font.
Alors pourquoi ne pouvez-vous pas répondre à la question du sénateur Plett si vous dites clairement que vous faites des affaires partout dans le monde? Vous faites des affaires avec des fournisseurs de service d'entretien, de réparation et de révision, et cetera. Si vous consultez le grand livre, votre registre, et additionnez les chiffres, vous saurez combien vous dépensez pour ces services d'entretien, de réparation et de révision. C'est une question simple. Vos vérificateurs pourraient vous donner la réponse. Le commis du service de la comptabilité pourrait probablement vous donner la réponse. Je ne comprends pas pourquoi vous venez témoigner à notre comité sans connaître la réponse à cette question. La question du sénateur Plett n'a surpris personne ici aujourd'hui.
M. Howlett : Non, je comprends, et nous avons répondu à la question du mieux que nous le pouvions.
La deuxième partie de votre argument porte sur le fait que nous avons effectivement une meilleure compréhension des raisons pour lesquelles Aveos a fait faillite. Comme je l'ai dit dans mes remarques, la compagnie Aveos a été créée pour fournir des services d'entretien à Air Canada, mais aussi pour attirer du travail d'entretien de tierces parties dans d'autres marchés au pays et dans le monde. Cela ne s'est pas produit.
Le sénateur Mercer : Je ferai respectueusement remarquer que vous n'avez pas répondu à la question du sénateur Plett du mieux que vous le pouviez car vous ne lui avez pas donné de réponse.
Quoi qu'il en soit, examinons une autre observation que vous avez faite : le projet de loi C-10 déposé par le gouvernement reconnaît les changements dans l'industrie et clarifie la plus grande souplesse dont Air Canada a besoin pour être compétitive à l'échelle mondiale. Le terme « souplesse » dans ce contexte signifie la perte d'emplois pour de nombreuses personnes. Lorsqu'on voit le terme « souplesse », cela signifie « pas la même chose ». Cela signifie « différent ». Cela signifie « changement ». Autrement dit, les emplois actuels sont compromis. Comment allez-vous garantir aux travailleurs et au Comité que l'adoption de ce projet de loi n'entraînera pas de pertes d'emplois dans ce secteur au Canada?
M. Howlett : Eh bien, premièrement, ce n'est pas un projet de loi qui vise à créer un environnement qui fera perdre des emplois. La mesure dans laquelle les emplois sont protégés actuellement au sein d'Air Canada pour notre personnel technique et de l'entretien est définie dans la convention collective.
Deuxièmement, il est question des services d'entretien, de réparation et de révision. Ce n'est pas une réforme. Le projet de loi ne vise pas seulement la maintenance en ligne. Il y a plus de 2 400 ou 2 500 emplois dans le secteur de l'entretien chez Air Canada à l'heure actuelle.
M. Lourenco : La souplesse, dans ce cas-ci, signifie également que nous pouvons essayer d'établir ou lancer un processus d'appels d'offres pour des services d'entretien, de réparation et de révision au Canada, comme l'a fait Premier Aviation à Trois-Rivières. Il est important que le Comité se rappelle que ces emplois, en vertu de la LPPCAC, sont techniquement illégaux car ils sont à l'extérieur des trois régions prévues dans la loi initiale. Donc, par souplesse, on entend également que les emplois sont dans des régions du Canada.
Des sénateurs nous ont dit hier que l'exigence provinciale devrait être retirée du projet de loi. Je ne pense pas que nous nous opposerions à cette idée, mais nous avons une obligation envers ces régions.
Le sénateur Mercer : Je suis l'un des sénateurs qui seraient en faveur de cette proposition en raison de l'industrie aérospatiale très vigoureuse que nous avons en Nouvelle-Écosse. Mais cette exigence existe, et nous devrons la contourner. L'industrie aérospatiale en Nouvelle-Écosse est spécialisée, et elle fait de l'excellent travail pour créer de merveilleux emplois.
Vous avez dit également que l'industrie de l'entretien, de la réparation et de la révision a pris de l'expansion et a été consolidée, et que l'impartition de ces services est passée d'environ 30 p. 100 en 1990 à 65 p. 100 en 2013. Vous prévoyez que l'impartition augmentera à 80 p. 100.
M. Howlett : C'est une statistique qui a été établie par l'IATA.
Le sénateur Mercer : Quelle en est la raison?
M. Howlett : C'est une industrie mondiale, monsieur, et c'est une industrie qui soutient la concurrence dans un contexte mondial. Essentiellement, à mesure que la technologie change et compte tenu des investissements importants qui sont nécessaires pour soutenir tous ces avions, il faut tenir compte du contexte mondial. Si l'on regarde les transporteurs traditionnels, la plupart d'entre eux ont confié en sous-traitance tous leurs travaux d'entretien lourd en raison de la nature concurrentielle de leurs activités et de la nature changeante de leurs activités, qui sont désormais effectués dans un contexte mondial.
M. Rheault : Si vous le permettez, j'ajouterais qu'il y a aussi le fait que les appareils sont de plus en plus spécialisés, alors les fournisseurs de services peuvent faire des économies d'échelle en se spécialisant dans un type d'avion et en assurant l'entretien de l'avion utilisé par de nombreuses compagnies aériennes. Ces économies d'échelle, lorsqu'on fait des affaires dans un environnement extrêmement concurrentiel, sont importantes pour offrir un bon prix aux consommateurs.
Le sénateur Mercer : Ma dernière observation est la suivante : dans les centres d'excellence, si nous décidons de les créer, une chose que nous devrons faire, c'est de mieux les commercialiser car nous ne voulons pas qu'ils aient Air Canada comme seul client. Nous devons communiquer avec d'autres compagnies aériennes.
La dernière phrase de votre exposé est la suivante : « La solidité d'Air Canada signifie plus d'emplois dans les secteurs de l'aéronautique, du transport aérien et du tourisme au Canada. » Je pense que la plupart d'entre nous en conviendront et, même si j'ai été quelque peu sévère ce matin, je veux que vous sachiez que c'est ce que je pense toujours. Je plaisante un peu quand je parle des bagages, mais la compagnie aérienne n'a pas perdu ma valise en huit ans. Nous appuyons Air Canada et le secteur.
Le sénateur Eggleton : Tout d'abord, permettez-moi de vous poser une question au sujet des centres d'excellence. Vous aidez à les mettre sur pied au Québec et au Manitoba, mais pas en Ontario? Celui de l'Ontario est le troisième centre qui a été mentionné. Vous effectuez bien entendu d'autres travaux d'entretien dans d'autres provinces également. Pourquoi vous en tenez-vous à ces deux provinces?
Quelle est l'ampleur de votre engagement à l'égard de ces centres d'excellence? Je ne sais pas si vous pouvez le chiffrer, mais expliquez-nous pourquoi nous devrions avoir pleinement confiance que ces centres d'excellence créeront des emplois, comme vous l'affirmez, et convaincront peut-être même, comme le sénateur Mercer l'avance, d'autres transporteurs aériens de leur confier une partie de leurs travaux d'entretien.
M. Howlett : J'aimerais tout d'abord répondre à la première partie de votre question au sujet de l'Ontario. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, Toronto est notre centre mondial. C'était le cas par le passé, ce l'est actuellement, et nous espérons que cela continuera de l'être. C'est là que nous avons le plus d'activités, et c'est également là que travaille la vaste majorité de notre personnel d'entretien en ce moment même.
Deuxièmement, en ce qui concerne les centres d'excellence, il y en aura un au Québec et au Manitoba, et nous nous attendons en gros à ce que le centre d'excellence au Québec soit de calibre mondial et qu'il procure plus de 1 000 emplois. À notre avis, il préparera le terrain en vue d'être en mesure d'y effectuer des travaux provenant de partout dans le monde. Si nous y réfléchissons bien, ce sera le premier centre d'excellence pour l'entretien des avions C Series de Bombardier.
Au sujet du Manitoba, nous avons des discussions avec nos fournisseurs Hope Air et Airbase et un accord contractuel important avec un autre de nos partenaires, soit Cargojet, en vue de créer un centre d'excellence au Manitoba, et ce centre pourra également effectuer des travaux pour le compte non seulement d'Air Canada, mais aussi d'Hope Air et d'Airbase et inciter d'autres transporteurs aériens canadiens et internationaux à lui confier leurs travaux d'entretien.
Le sénateur Eggleton : Votre soutien a-t-il un échéancier? Êtes-vous là pour cinq ans, trois ans ou autre?
M. Howlett : Au Manitoba, ce sera pratiquement immédiat, soit en 2017. Au Québec, ce sera en 2019 après la livraison des avions C Series.
M. Rheault : Au Québec, c'est un engagement de 20 ans.
Le sénateur Eggleton : Oh. Qu'en est-il du côté du Manitoba?
M. Rheault : Nous nous engageons à commencer à mettre sur pied le centre d'excellence en 2017. Comme M. Howlett l'a mentionné, c'est très important que ces fournisseurs de services soient en mesure d'attirer d'autres transporteurs, parce que c'est le modèle actuel. L'économie d'échelle est nécessaire pour être un joueur concurrentiel. Voilà donc la valeur de ces centres d'excellence.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais passer à une autre question au lieu de creuser davantage ce sujet.
Vous avez dit dans votre exposé que vous avez pris les moyens pour transformer Air Canada en champion mondial. C'est louable. Vous affichez l'unifolié partout dans le monde, et c'est important pour nous. Même si vous êtes maintenant une entreprise privée, il s'agit tout de même d'un actif national important.
Il semble que d'autres champions mondiaux ou d'autres grands transporteurs aériens qui affichent le drapeau de leur pays, ce que nous appelons parfois des transporteurs aériens nationaux, réalisent vraiment une plus grande partie de leurs travaux d'entretien dans leur pays. C'est ce que nous avons entendu. Pourquoi ne pas donc essayer de faire comme eux? Si des champions mondiaux et des transporteurs aériens qui affichent le drapeau de leur pays réalisent la majorité de leurs travaux d'entretien dans leur pays, pourquoi optez-vous pour l'opposé, soit l'externalisation?
M. Howlett : Sénateur, si nous passons en revue la liste des transporteurs classiques, je crois que nous verrons que cela varie énormément; certains transporteurs nationaux réalisent leurs travaux dans leur pays, tandis que d'autres le font à l'extérieur de leur pays, ou c'est une combinaison des deux.
À l'heure actuelle, nous réalisons une grande partie de nos travaux d'entretien au Canada. Nous faisons grandement appel à cet égard à Premiere Aviation à Trois-Rivières. L'entretien des moteurs est également fait au pays. J'essaie de faire valoir que l'un n'empêche pas l'autre.
Le sénateur Eggleton : Serait-il juste de dire que votre objectif est de réaliser autant de travaux d'entretien au Canada que ce que font dans leur pays les autres transporteurs aériens nationaux et les autres champions mondiaux?
M. Howlett : Absolument. Ce sera le cas tant que cette décision d'affaires se fonde sur les critères liés à la compétitivité, à la qualité et à tous les autres éléments dont nous avons parlé.
M. Rheault : Si vous me le permettez, à notre connaissance, aucun transporteur aérien dans le monde ne se voit imposer des restrictions quant aux villes où il doit faire l'entretien de ces appareils.
Le sénateur Eggleton : Cependant, je présume que le gouvernement offre des mesures incitatives, n'est-ce pas?
M. Rheault : Cela devient donc une décision d'affaires. Compte tenu de la qualité de l'industrie canadienne, nous pouvons faire appel à ses services et assurer sa croissance.
Le sénateur Eggleton : Au lieu que ce soit une exigence législative?
M. Rheault : Exactement.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais en terminant vous parler de lutter à armes égales avec vos concurrents. Votre entreprise a connu des moments difficiles; vous en avez parlé. Votre entreprise est maintenant très rentable et se porte très bien. Certains ont avancé que tout va très bien pour les actionnaires, mais j'aimerais savoir ce qu'il en est pour les consommateurs. Je ne me souviens pas d'avoir vu des réductions de prix. En fait, vous avez parlé de la volatilité du prix du carburant. Les prix ont certainement grimpé lorsque les cours du pétrole ont augmenté, mais je n'ai pas vu les prix diminuer en même temps que les cours du pétrole. Qu'en est-il des consommateurs, étant donné que vous réalisez actuellement des profits? Pourquoi êtes-vous aussi préoccupés par l'établissement de règles du jeu équitables alors que votre situation financière n'a jamais été aussi bonne?
M. Lourenco : Sénateur, je peux vous dire que, selon l'OCDE, le Canada arrive au cinquième rang parmi les pays où la structure des coûts dans le domaine du transport aérien est la plus élevée. Cela ne dépend certainement pas des tarifs aériens; cela concerne les taxes et les suppléments imposés qui s'ajoutent à notre tarif de base. Il y a le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, la TPS qui s'applique sur tout et les frais d'améliorations aéroportuaires. Nous avons la cinquième structure des coûts en importance dans le monde.
Statistique Canada a récemment publié que les tarifs aériens ont diminué au cours des six dernières années. Nous avons posé des gestes pour faire économiser les consommateurs; nous avons trouvé des manières de réaliser des gains quant à nos services; et nous avons souvent fait valoir auprès des gouvernements passés et présents que nous sommes de moins en moins concurrentiels par rapport à nos concurrents internationaux en raison de la structure actuelle des coûts. Ce n'est pas en raison d'un manque de restrictions en matière de propriété étrangère au pays. C'est uniquement en raison de la structure des coûts au pays qui est excessivement élevée.
En fait, l'une des raisons pour lesquelles bon nombre de transporteurs aériens décident de ne pas s'installer au Canada, ce n'est pas en raison des restrictions en matière de propriété étrangère ou de l'absence d'occasions d'investir. C'est tout simplement parce qu'il est trop dispendieux d'exercer des activités ici. Pourquoi un transporteur aérien étranger exercerait-il ses activités au Canada alors qu'il peut le faire aux États-Unis et attirer des voyageurs canadiens dans les aéroports frontaliers? Nous avons même un transporteur aérien canadien, soit Sunwing, qui exerce ses activités à Buffalo en vue de réaliser de telles économies.
Je tiens à rappeler le rapport qu'a récemment publié Statistique Canada à savoir que les tarifs aériens ont diminué au cours des six dernières années au pays. Aux yeux des consommateurs, les tarifs semblent relativement stables, parce que les autres frais ne diminuent pas; qui plus est, nous en verrons probablement d'autres s'ajouter dans un proche avenir.
Le sénateur Eggleton : Si nous arrivons au cinquième rang, qui sont les quatre premiers? À quel rang les États-Unis arrivent-ils?
M. Lourenco : Je peux certainement vous faire parvenir cette information.
Le sénateur Eggleton : Par contre, à quel rang les États-Unis arrivent-ils?
M. Lourenco : Pour être honnête, je ne m'en souviens pas.
M. Rheault : Si vous me le permettez, c'est également avantageux pour le pays et les collectivités où nous nous trouvons que la situation financière d'Air Canada soit plus viable et plus stable. Cet été, nous offrirons 22 nouvelles liaisons américaines et internationales. Nous offrirons des liaisons entre Montréal et Casablanca et entre Montréal et Lyon. Nous assurons maintenant un service quotidien à Vancouver et nous offrons des liaisons entre Toronto et Séoul. Bref, toutes ces nouveautés créent des emplois et aident les Canadiens à avoir accès au reste du monde.
M. Howlett : Cela se veut un véritable avantage pour les consommateurs canadiens, parce qu'ils auront en gros accès à plus de destinations dans le monde.
M. Lourenco : Et pour l'économie.
M. Howlett : Et pour l'économie. Tout à fait.
Le sénateur Eggleton : Si vous me le permettez, j'aimerais poser une dernière question.
Le vice-président : Non. Vous devrez attendre la deuxième série de questions.
Le sénateur Black : Ma question a été posée, et les témoins y ont répondu. Je suis heureux de céder mon temps de parole au sénateur Eggleton.
Le vice-président : Il devra tout de même attendre. Sénateur Runciman, vous avez la parole.
Le sénateur Runciman : Les témoins ont déjà répondu à plusieurs de mes questions, mais j'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Pratte au sujet de la maintenance en ligne. Cela touche environ 2 400 travailleurs, et M. Chartrand a soulevé la question hier soir et s'est dit inquiet quant à l'avenir de ces 2 400 travailleurs.
Vous avez parlé des principaux centres. Les principaux centres d'Air Canada se trouvent-ils tous au Canada? Est-ce ainsi que cela fonctionne?
M. Howlett : Oui. Notre plus grand centre se trouve à Toronto, mais nous avons des centres importants à Vancouver, à Montréal et à Calgary. Je dirais que ce sont nos quatre principaux centres. Nous avons aussi d'importantes activités de cette nature ailleurs dans des aéroports canadiens, comme à Ottawa, à Edmonton et à Halifax. Il y a à chaque endroit du personnel qui s'occupe de la maintenance en ligne.
Le sénateur Runciman : Donc, ce que vous dites, c'est que ce ne serait jamais viable ou pratique de faire la maintenance en ligne ailleurs que dans les centres canadiens, n'est-ce pas?
M. Howlett : C'est exact.
Le sénateur Runciman : Donc, tous les autres grands transporteurs aériens internationaux réalisent-ils leur maintenance en ligne dans leur propre pays?
M. Howlett : La grande majorité de leur maintenance en ligne est faite dans leur pays, parce que c'est là où se trouve le gros de leurs activités.
M. Rheault : En fait, la tendance est à l'inverse. Plus de travaux de maintenance sont réalisés en ligne, parce que c'est plus logique sur le plan économique. La tendance est vraiment à l'inverse. C'est plus efficace de prendre l'entretien quotidien et de l'inclure dans la maintenance en ligne.
Le sénateur Runciman : J'ai lu certains articles sur la décision relative à Aveos, et l'un des articles laissait entendre qu'Air Canada avait donné des garanties lors du transfert vers Aveos, à savoir que l'entreprise était viable. Cela n'a évidemment pas été le cas. J'imagine que cela explique la légitimité des craintes exprimées au sujet du personnel de maintenance en ligne.
Dans votre exposé, vous avez dit : « Nous ne sommes plus une société d'État. Laissez-nous compétitionner comme une entreprise privée. » Quelle est votre définition d'une entreprise privée?
Vous vous tournez souvent vers le gouvernement, et vous devez encore respecter certains aspects, dont le lieu de votre siège social. J'essaie de déterminer ce qu'est votre définition d'une entreprise privée. Selon vous, comment cela évoluera-t-il au cours des 10 prochaines années?
M. Howlett : Nous avons fait cette affirmation en ce qui concerne ce dont il est question aujourd'hui, soit le projet de loi C-10. En gros, compte tenu du marché dans lequel nous exerçons nos activités et de la nature mondiale de notre industrie, nous devrions pouvoir, à titre d'entreprise privée, affronter la concurrence sans que des restrictions législatives nous forcent à réaliser nos travaux d'entretien à des endroits précis.
Le sénateur Runciman : Cependant, ne voyez-vous pas que vous vous tournez vers le gouvernement chaque fois que vous êtes aux prises avec des difficultés, notamment les pensions?
M. Howlett : Non. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas du tout notre intention.
Le sénateur Runciman : D'accord. Nous verrons bien.
Le vice-président : Il nous reste environ 10 minutes. Je demanderai donc à tout le monde de poser de courtes questions et de donner des réponses tout aussi courtes.
La sénatrice Unger : J'ai deux ou trois questions en ce qui concerne les données de l'OCDE qui affirme qu'Air Canada arrive au cinquième rang pour la structure des coûts la plus élevée. Vous avez mentionné les divers frais qui font en sorte qu'un deux devienne un cinq. Cela tient-il compte du coût de la main-d'œuvre?
M. Howlett : Je ne crois pas. Comme Fitti l'a mentionné, ce sont les frais perçus par des tiers, des taxes, des frais aéroportuaires, la sécurité, le loyer de l'aéroport et tout le reste. C'est ce qui fait grimper les coûts, pas la main-d'œuvre.
La sénatrice Unger : Vous avez également affirmé qu'Air Canada ne peut pas exercer ses activités dans l'incertitude. Or, vous ne fournissez aucune certitude en ce qui concerne vos obligations au Manitoba, par exemple, et les centres d'excellence. Comment voulez-vous que les gens vous croient sur parole si ce n'est pas inscrit dans la loi?
M. Howlett : Sénatrice, je crois que nous avons en fait eu d'excellentes discussions avec le gouvernement manitobain concernant la création d'un centre d'excellence. Nous avons clairement défini ce que serait le centre d'excellence et le type de travaux qui mèneraient à la création des centres d'excellence et nous avons fourni des prévisions initiales relativement au nombre d'emplois. Notre entente avec le gouvernement manitobain en vue de la création de ces centres d'excellence inclut une liste de conditions, et cela présume de l'adoption du projet de loi C-10.
La sénatrice Unger : Cela dépend donc de l'adoption du projet de loi; s'il n'y a pas de projet de loi, donc...
M. Howlett : Nous assurerions du soutien pour...
La sénatrice Unger : Il n'y a donc absolument rien de certain, si je vous comprends bien.
M. Howlett : Comme je l'ai dit, la seule chose qui est certaine, c'est que si le projet de loi C-10 n'est pas adopté nous n'irons pas de l'avant en ce qui concerne les centres d'excellence au Manitoba et au Québec.
La sénatrice Unger : J'aimerais poser une dernière question.
En ce qui a trait à la poursuite devant la Cour suprême, si les juges rendent une décision défavorable à Air Canada, quelles en seront les répercussions possibles? À quoi cela ressemblera-t-il?
M. Rheault : Le résultat de la poursuite en justice est un exemple d'incertitude. C'est un jugement déclaratoire, et nous avons évidemment de solides arguments. Nous croyons que les juges nous donneront raison et infirmeront la précédente décision de la Cour suprême. Cependant, si la Cour suprême maintient sa précédente décision, il y aura d'autres procédures judiciaires pour déterminer comment appliquer les décisions, ce qui prendra encore des années.
Voilà pourquoi nous disons qu'au lieu de prendre le chemin des tribunaux, de n'avoir aucune garantie et de nager dans l'incertitude nous avons conclu une entente en vue de créer des emplois avec les deux provinces impliquées dans ces poursuites. Voilà pourquoi nous croyons que notre projet de centres d'excellence est synonyme de certitude et de création d'emplois.
La sénatrice Unger : Il n'y a donc rien de signé; il s'agit seulement d'un accord, n'est-ce pas?
M. Rheault : Nous avons des ententes avec les deux provinces, et les deux provinces en sont satisfaites. Voilà pourquoi le gouvernement fédéral était prêt à modifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada.
M. Howlett : Cela vise la création de ce climat de certitude.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'ai une seule question. Vous dites que s'il n'y a pas de projet de loi C-10, il n'y a pas de centres d'excellence. Si je vous dis alors ceci : d'accord, mais nous allons proposer un amendement au projet de loi pour y inclure l'obligation de construire les centres d'excellence. Ensuite, nous voterons en faveur du projet de loi C-10. Comment réagiriez-vous?
M. Rheault : Nous avons un engagement.
Le sénateur Boisvenu : Ma question n'est pas là. Si l'on inclut dans le projet de loi l'obligation de construire deux centres d'excellence et qu'on vote pour le projet de loi C-10, que diriez-vous?
M. Rheault : Le projet de loi C-10 doit nous donner la flexibilité nécessaire...
Le sénateur Boisvenu : Ma question n'est pas là. Oui ou non, s'il y avait dans le projet de loi C-10 l'obligation de construire les deux centres d'excellence, cela vous conviendrait-il?
M. Rheault : Une obligation aussi précise que cela ne doit pas figurer dans la loi, non.
Le sénateur Boisvenu : Merci, j'ai ma réponse.
[Traduction]
La sénatrice Ataullahjan : Ma question est quelque peu différente. J'aimerais savoir si vous donnez des formations sur les différences culturelles à votre personnel. J'ai vécu certains incidents, mais il y en a un en particulier qui m'a incitée à écrire au président et chef de la direction de l'entreprise. Lors de l'embarquement des passagers, l'un de vos employés m'a fait sentir comme si je n'étais pas à ma place en première classe. Elle m'a demandé à plusieurs reprises si j'étais certaine d'être en première classe. Elle me regardait comme si je n'y étais pas à ma place. Une collègue sénatrice m'accompagnait, et le personnel ne lui a pas posé de telles questions.
Ensuite, un agent de bord a appelé ma fille par interphone, et je l'ai entendu dire : « Je me demande même si elle parle ou comprend l'anglais ». Il se trouve que ma fille est une étudiante au doctorat et qu'elle parle quatre langues.
Il y a 10 jours, à l'aéroport d'Ottawa, j'ai vu une femme enceinte d'origine asiatique qui s'était trompée de file d'attente alors qu'on avait appelé uniquement les passagers de la zone 1 pour l'embarquement. On lui a dit qu'elle se trouvait dans la mauvaise file d'attente et qu'elle devait retourner s'asseoir. Je regrette de ne pas être intervenue pour dire à la préposée qu'elle manquait de courtoisie.
J'ai une copie de la lettre que j'ai écrite à votre président.
J'en viens à ma question. Le visage du Canada a changé, mais malgré les séances de formation sur les réalités culturelles, pareils incidents peuvent se produire parce que, malheureusement, telle est la société dans laquelle nous vivons. Ce qui est vraiment révélateur, c'est la façon dont Air Canada réagit à ces incidents lorsqu'on les porte à son attention. En vous cachant derrière la bureaucratie et en adoptant une attitude dédaigneuse, vous envoyez aux clients le message que vous ne vous souciez guère de mettre fin aux préjugés.
C'est un message inacceptable de la part du transporteur aérien national du Canada. La plupart de vos employés sont formidables, bienveillants et accueillants, mais j'ai observé de tels incidents et j'en ai pris note en vue d'en faire le suivi. Je crois qu'il est très important d'aborder cette question. Merci.
M. Howlett : Permettez-moi de dire un mot là-dessus. D'ailleurs, je vous remercie d'avoir soulevé ce point. D'abord et avant tout, au nom d'Air Canada, nous tenons à vous présenter nos excuses pour la façon dont on vous a traitée. Sachez que nous sommes très fiers d'avoir un effectif multiculturel, à l'image de la société canadienne. Plus d'une trentaine de langues sont parlées au sein du personnel d'Air Canada, et la vaste majorité de ces employés occupent des postes en contact avec le public. Nous essayons toujours de faire en sorte que les employés ayant des compétences linguistiques occupent des postes en fonction des itinéraires ou en contact avec la clientèle dans les aéroports, ainsi que dans les centres d'appels de notre réseau.
Par ailleurs, vous vous souviendrez sans doute que, très récemment, Air Canada a été sélectionnée parmi les employeurs les plus favorables à la diversité au Canada.
En fait, il est bon d'obtenir ce genre de rétroaction parce que nous accordons une grande priorité aux efforts visant à régler ce genre de problèmes, et cela fait partie de nos démarches pour transformer Air Canada en un chef de file mondial.
La sénatrice Ataullahjan : Quand nous envoyons des courriels et que nous demandons des réponses, nous ne recevons que des commentaires vides. On ne nous fournit aucune réponse valable. Dans mon cas, j'ai indiqué la date à laquelle l'incident s'était produit, ainsi que le numéro de la porte d'embarquement. Évidemment, tout le monde savait exactement de qui il s'agissait, mais je n'ai reçu aucune réponse satisfaisante. Cela dit, la plupart des employés d'Air Canada sont des gens incroyables, bienveillants et accueillants. Je tiens à le signaler aux fins du compte rendu.
La sénatrice McCoy : Je vais revenir à une série de questions posées, en dernier lieu, par le sénateur Boisvenu, et je vais formuler la mienne d'une autre façon. Vous avez déclaré de façon non équivoque que vous ne construirez aucun centre d'excellence à Winnipeg et à Montréal si le projet de loi C-10 n'est pas adopté. Le ferez-vous sans équivoque dans le cas contraire?
M. Howlett : Oui, sans équivoque.
La sénatrice McCoy : Merci.
Le sénateur Mitchell : Au cœur de ce projet de loi se trouve, me semble-t-il, la question de la compétitivité. S'il y a une industrie qui est concurrentielle et qui se doit de l'être, c'est bien l'industrie du transport aérien. Nous oublions cela. Je me souviens des années 1990, lorsqu'Air Canada était toujours au bord du gouffre, et cette situation a duré jusqu'au début des années 2000. En fait, d'aucuns affirment que les billets d'avion constituent un marché de produits de base, dans lequel la concurrence ne repose que sur le prix. Il n'y a rien de mal à faire des profits. Les profits servent à consolider une entreprise en période de prospérité afin qu'elle puisse survivre aux temps difficiles. Il s'agit d'une industrie très cyclique, ce qui vous laisse constamment sur le qui-vive.
De toute évidence, la compétitivité passe, entre autres, par la stabilité du contexte juridique. Vous avez insisté sur ce point. Vous avez souligné que le recours aux marchés régionaux pourrait accroître votre compétitivité et réduire vos coûts. Pourriez-vous expliquer brièvement en quoi le projet de loi vous aidera à accroître votre compétitivité de sorte que vous puissiez garder les activités d'Air Canada au pays, maintenir votre position mondiale, préserver des emplois et en créer d'autres au Canada?
M. Howlett : Comme nous l'avons dit, le projet de loi nous permettra, d'abord et avant tout, d'instaurer une certitude juridique, ce qui nous donnera la confiance voulue pour investir de façon substantielle dans l'industrie aérospatiale canadienne. Cela nous incitera à aller de l'avant et à contribuer à la création d'une plateforme axée sur les centres d'excellence au Québec et au Manitoba, plateforme qui saura soutenir la concurrence mondiale, permettant ainsi à ces centres d'excellence de croître et de stimuler la création d'emplois dans l'industrie canadienne parce qu'ils deviendront des joueurs de calibre mondial.
Le sénateur Plett : Dans votre mémoire, vous dites que depuis la fermeture d'Aveos, vous avez mieux compris pourquoi l'entreprise a échoué et n'a pas été capable de réussir. Air Canada était son principal client. Vous avez également dit avoir offert un soutien financier à Aveos. Je suppose, monsieur le président, que je vais enfreindre votre règle, car j'ai deux questions à poser. D'abord, pourquoi Aveos n'a-t-elle pas accepté votre offre de soutien financier? Ensuite, si vous en connaissez maintenant la raison, pourquoi a-t-elle échoué?
M. Howlett : Au fond, Aveos a échoué en raison de son incapacité d'attirer des clients autres qu'Air Canada. Pour soutenir la concurrence, elle participait à des appels d'offres et elle cherchait à obtenir des contrats auprès d'autres transporteurs partout dans le monde. En fait, elle a perdu un client important, Delta, qui occupait alors une place importante dans le cadre de ses activités. C'est, à notre avis, un des facteurs ayant entraîné la fermeture d'Aveos, et c'est ce qui nous a permis de mieux comprendre pourquoi l'entreprise a échoué.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, la fermeture d'Aveos a été un choc pour Air Canada, qui s'est retrouvée acculée au pied du mur. Où allions-nous faire réparer nos appareils? Dans le but de réduire ce risque, nous avions offert un soutien financier à Aveos, laquelle était une entreprise indépendante, afin de lui permettre de se maintenir à flot, mais ses dirigeants ont préféré ne rien faire.
Le sénateur Plett : Vous ont-ils donné une raison?
M. Howlett : En toute honnêteté, sénateur, je n'ai pas participé à cette discussion, alors je ne connais pas la réponse. Tout ce que je sais, c'est qu'ils n'ont pas accepté notre offre.
Le vice-président : Merci, tout le monde, de votre contribution ce matin. Je tiens à remercier MM. Howlett, Rheault et Lourenco d'avoir participé à notre séance.
Nous passons au point suivant à l'ordre du jour, c'est-à-dire l'étude article par article du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et comportant d'autres mesures. Le projet de loi propose de modifier les exigences relatives au lieu d'exécution des activités d'entretien d'aéronefs d'Air Canada, ainsi qu'au type et au volume de ces activités. Il prévoit aussi d'autres mesures relatives à cette obligation.
Je rappelle aux sénateurs que le comité a consacré deux réunions au projet de loi C-10, dans le cadre desquelles nous avons entendu le ministre des Transports et 13 témoins, en plus d'avoir reçu cinq mémoires.
Avant de commencer, je signale aux membres du comité la présence parmi nous de deux fonctionnaires, l'une de Transports Canada et l'autre de Justice Canada : Sara Wiebe, directrice générale, Politique du transport aérien, et Daniel Blasioli, avocat principal. Au besoin, ils pourront être invités à prendre place à la table pour répondre aux questions techniques des membres du comité.
J'aimerais également rappeler aux sénateurs quelques points sur le fonctionnement du processus. Lorsque plus d'un amendement est proposé pour un même article, ils doivent être proposés dans l'ordre des lignes de l'article concerné. Certains amendements proposés pourraient nécessiter qu'on modifie en conséquence d'autres parties du projet de loi. Nous ferons notre possible pour prendre note des endroits où des amendements subséquents seront nécessaires et, au besoin, nous attirerons votre attention en temps et lieu.
Puisqu'il n'était pas nécessaire de présenter un avis de motion, les amendements proposés n'ont fait l'objet d'aucune analyse préliminaire. Donc, avant de soumettre un amendement à un débat, veuillez laisser le temps à vos collègues et au personnel du comité d'en prendre connaissance.
Enfin, je tiens à rappeler aux sénateurs que s'il y a des doutes concernant l'issue d'un vote oral ou à main levée, la solution la plus efficace consiste à procéder à un vote par appel nominal, ce qui élimine évidemment toute ambiguïté. Les sénateurs savent qu'en cas d'égalité, la motion est réputée rejetée.
Y a-t-il des questions?
Le sénateur Plett : Je n'ai pas de question, mais j'ai quelques observations à faire avant que nous commencions. Je tiens à signaler, aux fins du compte rendu, que je suis terriblement déçu du gouvernement fédéral et de la façon dont il a géré ce dossier, notamment du peu de temps dont nous disposions pour étudier le projet de loi et du moment mal choisi pour nous en saisir. Le sénateur Pratte a pris la parole presque immédiatement. Je n'ai moi-même pas manqué d'intervenir à la première occasion. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, nous avons eu deux réunions, ce qui me paraît insuffisant pour étudier une mesure législative de cette ampleur. Le projet de loi a des effets négatifs sur ma province. Je ne m'étendrai pas là-dessus.
Je ne proposerai aucun amendement au comité. Je me réserve le droit de le faire à l'étape de la troisième lecture. Personnellement, je compte appuyer le projet de loi, avec dissidence, du début à la fin, à l'étape de l'étude en comité. Toutefois, comme je viens de le dire, je me réserve clairement le droit de présenter des amendements à la troisième lecture.
Le vice-président : Merci, sénateur Plett. Y a-t-il d'autres observations?
Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-10?
Des voix : D'accord.
Le vice-président : L'étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le vice-président : L'étude de l'article 1 est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Plett : Avec dissidence.
Le vice-président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Plett : Avec dissidence.
Le vice-président : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Plett : Avec dissidence.
Le vice-président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Plett : Avec dissidence.
Le vice-président : Le projet de loi modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Plett : Avec dissidence.
Le vice-président : Le projet de loi est adopté.
Le comité souhaite-t-il que le rapport soit accompagné d'observations?
Des voix : Non.
Le vice-président : Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Eggleton : En ferez-vous rapport cet après-midi?
Le vice-président : Oui.
Avant de terminer, comme autre point à l'ordre du jour, nous devons siéger à huis clos afin de discuter des instructions de rédaction concernant l'étude sur le transport du pétrole brut. Voulez-vous reporter cela à notre prochaine rencontre? Très bien, c'est ce que nous ferons.
(La séance est levée.)