Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 5 - Témoignages du 22 septembre 2016 - avant-midi
VANCOUVER, le jeudi 22 septembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour étudier l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.
Au nom du comité, je tiens à souligner à quel point nous sommes heureux d'être ici, dans la très belle ville de Vancouver.
Ce matin, le comité poursuit son étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique. L'étude a commencé en mars dernier, et son objectif était de trouver une meilleure façon de transporter les produits pétroliers canadiens vers les marchés.
La Colombie-Britannique est un partenaire clé dans le transport des ressources naturelles du Canada vers les marchés internationaux. Puisque la province est notre porte d'accès à la région du Pacifique, notre pétrole brut doit passer par les divers ports de la province.
Nous sommes heureux d'entendre parler des habitants de la Colombie-Britannique au sujet de leur rôle dans le transport du pétrole brut.
Je tiens à présenter nos premiers témoins : Matt Vickers, directeur général, Ward Kemerer, président et Len Wilson, associé et directeur général de Generating for Seven Generations.
Veuillez nous présenter votre exposé. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.
Matt Vickers, directeur général, Generating for Seven Generations : Merci, monsieur le président. Pour commencer, il est selon moi très important de souligner le territoire traditionnel où se déroule notre rencontre. Si vous me le permettez, je tiens à saluer les Salishs du littoral, tous ceux qui sont passés avant nous, tous les chefs actuels et ceux à venir, qui nous permettent d'être sur leur territoire.
Mesdames et messieurs les sénateurs et monsieur le président, c'est très important pour moi de le faire, surtout parce que je dois assumer les responsabilités héréditaires des Nations auxquelles je suis lié par le sang. Mon arrière-grand-père, de Skidegate, un Haïda, ma grand-mère et son père, des Tsimshians, du village de Laxklan ou Kitkatla, tout près de Prince Rupert, et mon grand-père, qui l'a épousée, et qui vient d'une autre Nation, les Heiltsuks, de Bella Bella. Lorsqu'on a un nom associé à un certain héritage, les protocoles sont extrêmement importants. Je suis sûr que vous comprenez. Merci de m'avoir permis de le faire et merci de me donner l'occasion de vous présenter un exposé aujourd'hui.
Je travaille sur le dossier depuis sept ans, et mes associés avaient commencé deux ans avant moi. Vous avez une copie papier de notre présentation devant vous. Je ne vais pas la passer en revue, mais, si vous avez des questions, nous pourrons très certainement y revenir. L'élément clé de notre présentation, c'est la recherche de solutions de rechange. Si nous disons non aux pipelines, nous disons non aussi aux superpétroliers. Ma responsabilité héréditaire est de tenir compte des prochaines générations. Comme nos Aînés nous l'ont enseigné, si nous devons prendre une décision majeure aujourd'hui, il faut se demander quel en sera l'impact dans sept générations. Ce sont eux qui devront vivre avec les résultats, et c'est la raison pour laquelle notre entreprise s'appelle Generating for Seven Generations, G7G, littéralement « Génération pour les sept prochaines générations ».
La principale raison pour laquelle nous disons non à la venue des superpétroliers sur la côte vierge du Nord-Ouest, c'est que, comme je l'ai dit, nous avons la responsabilité héréditaire de protéger l'alimentation de nos collectivités côtières.
Nous savons très bien que, si nous disons non et que le monde a tout de même besoin d'énergie, il l'obtiendra d'une façon ou d'une autre, et il faudra fournir une solution de rechange. Nous croyons vraiment que nous fournissons une vraie solution de rechange à la construction de pipelines qui passeraient par notre côte vierge pour charger des superpétroliers. Nous fournissons une solution de rechange en nous tournant vers les premiers intendants de la Terre, les Premières Nations : de l'Alberta, les Premières Nations parties au Traité 8 — les 24 nations visées —, jusqu'à l'Alaska, les Chugachs du golfe de Prince William. Nous connaissons tous l'histoire de l'Exxon Valdez et ce qui s'est produit relativement à cet accident. Ils sont maintenant des experts qui dirigent les superpétroliers qui arrivent et qui repartent.
Nous nous demandons aussi pourquoi dépenser beaucoup d'argent afin de construire un autre port pour exporter du pétrole alors que nous n'en avons pas besoin. Il y en a déjà un. Ce sont des experts, comme je l'ai dit, et ils dirigent les pétroliers qui arrivent et qui partent depuis l'incident de l'Exxon Valdez. Nous avons réfléchi à la façon dont il fallait composer avec le port actuel. Ward et moi sommes allés rencontrer les Chugachs pour leur demander s'ils étaient prêts à recevoir du pétrole si nous décidions d'aller dans cette direction.
De plus, ce qui est très important, c'est qu'il faut comprendre et reconnaître qu'il y a beaucoup de personnes avec qui il faut composer le long de la route. Il faut aussi se demander comment nous transporterons le tout jusqu'au bord de l'océan, à Valdez. Au départ, quatre d'entre nous ont mis sur pied G7G, mais Tom Jackson a eu 65 ans il y a deux ou trois ans et il a dit : « Matt, ça prend un peu plus de temps que je l'aurais prévu. Je prends ma retraite ». C'est ce qu'il a fait.
Avant, les gens disaient que nous étions quatre hommes avec une excellente idée. Nous nous tournions vers des firmes d'ingénierie afin qu'elles nous aident à approcher le gouvernement. Nous avons discuté avec un certain nombre de firmes. Les autres pourront m'aider si j'en oublie, mais nous avons discuté avec des sociétés comme Siemens et WorleyParsons. Je crois que Ward a même discuté avec Bombardier. En fait, Len et Ward ont discuté avec AECOM. Ils ont regardé le projet et ont dit : « D'accord, ce sont quatre hommes avec cette idée. Essayons de déterminer si c'est du concret ». Nous avons discuté avec eux, avons préparé un document exploratoire, l'avons présenté au gouvernement albertain, puis avons exercé des pressions auprès du gouvernement albertain afin d'aider à obtenir de l'argent pour réaliser une étude de faisabilité.
Encore une fois, messieurs, vous savez peut-être que des études ont déjà été réalisées pour ce projet ferroviaire. Durant la Deuxième Guerre mondiale, l'armée américaine envisageait de construire un chemin de fer jusqu'en Alberta pour y transporter son carburant et son équipement. De 2005 à 2007, une liaison ferroviaire entre l'Alaska et le Canada a été réalisée pour une seule marchandise, le minerai de fer, soit essentiellement pour l'industrie minière.
À ce moment-là, mes partenaires travaillaient sur l'énergie verte dans le territoire des Tahltans. Les gens voulaient savoir s'il y avait différentes façons de transporter la production des mines vers les marchés. Ces autres études qui ont été réalisées s'affichent très probablement lorsqu'on effectue une recherche dans Google. La situation a été examinée, et nous avons dit : « Plutôt qu'une seule marchandise, pourquoi ne pas le faire pour toutes les marchandises? » Comme vous le comprendrez, les pipelines peuvent seulement transporter une marchandise, tandis qu'on peut transporter tout et n'importe quoi par voie ferroviaire.
Dans le cadre de l'étude sur la liaison ferroviaire entre l'Alberta et le Canada, l'estimation très approximative des coûts de construction s'élevait à 11 milliards de dollars, et les revenus générés, à 1 milliard si je ne m'abuse. À l'époque, les éventuels bailleurs de fonds ont tout simplement mis le projet de côté.
À partir de là, nous avons réfléchi à toutes les marchandises et nous nous sommes demandé pourquoi ne pas proposer la liaison ferroviaire, cette solution de rechange. En effet, nous avons commencé à réfléchir aux occasions d'offrir des solutions de rechange, à réfléchir à la possibilité d'une liaison ferroviaire et à faire participer les bons experts.
Une des principales choses qu'il faut faire en Colombie-Britannique, c'est d'évaluer l'adhésion sur les territoires traditionnels des Premières Nations. En ce qui a trait à l'absence de traités signés, mes partenaires et moi nous sommes dit : « Si nous voulons y arriver, il faut bien faire les choses. Créons des partenariats avec les Premières Nations ». Nous avons commencé avec les Chugachs, et ils ont dit être prêts à accepter quoi que ce soit.
Les ressources du versant nord de l'Alaska diminuent. Le pipeline a été conçu pour transporter 2,2 millions de barils par jour. La production est rendue à 500 000 barils par jour et continue de diminuer. Il a fallu ajouter de la chaleur pour faire circuler le pétrole. Les Chugachs ont dit qu'ils étaient prêts à accepter n'importe quoi si nous pouvions maintenir la production de pétrole et permettre aux gens de conserver leur emploi rémunéré.
Puis, nous avons suivi le trajet jusqu'à Fort McMurray, en rencontrant toutes les Premières Nations et en obtenant des lettres et des résolutions de soutien de chacune d'elles. Puis, nous avons communiqué avec l'Assemblée des Premières Nations qui représente les 634 Premières Nations du Canada et avons obtenu une résolution de sa part aussi.
En ce qui concerne les gouvernements, je crois qu'ils estimaient que c'était une très bonne idée, mais ils se demandaient combien le tout allait coûter. Le rapport que nous avons fourni contient un lien vers l'étude de préfaisabilité qui a été réalisée. Elle a été réalisée par l'Institut Van Horne, AECOM et nous-mêmes. Nous avons vraiment fait un travail très minutieux. Je reviens tout juste d'une conférence à Anchorage, et certaines des firmes de génie là-bas ont été époustouflées par toutes les annexes et la quantité de renseignements accessibles.
Le plus important, actuellement, ce sont les gouvernements. Assurément, en Alberta, nous avons de l'espoir, parce qu'on tente d'obtenir le soutien nécessaire des gouverneurs et des maires. D'où viendra le financement?
Croyez-le ou non, beaucoup de personnes sont venues nous voir pour nous dire qu'elles peuvent trouver des fonds, mais durant le dernier voyage que nous avons fait en Chine, le taux de réussite en ce qui a trait au nombre de réunions durant dix jours était extraordinaire. Avant de partir, nous avions une lettre d'intention. En fait, nous avons un protocole d'entente touchant le financement complet du projet et la participation à une coentreprise avec les Premières Nations.
J'essaie d'être bref. Il y a beaucoup de renseignements, mais je veux m'assurer qu'il vous reste du temps pour poser des questions. Si mes collègues croient que j'ai oublié quoi que ce soit, qu'ils le disent, mais, messieurs, j'ai fait de mon mieux pour vous fournir le plus rapidement possible une description abrégée de la situation afin que vous ayez le temps de nous poser des questions.
Le sénateur Black : Messieurs, je vous remercie beaucoup de tout ce que vous faites dans le cadre de ce projet important. Je suis un sénateur de l'Alberta, et le transport du pétrole vers les marchés à l'extérieur de l'Amérique du Nord est évidemment essentiel à la prospérité de l'Alberta et des Canadiens. Je vous remercie de l'initiative que vous réalisez.
Veuillez assumer un rôle de professeurs, si vous voulez, parce que j'ai deux ou trois questions. Je veux être sûr de comprendre vos points de vue sur certaines choses. La première chose est en fait assez technique. Plus tôt, cette semaine, à Edmonton, nous avons parlé à un homme appelé John Falcetta, qui participe à un projet. Il est peut-être même votre associé, je ne sais pas, mais il participe à un projet dans le cadre duquel il propose de transporter du pétrole par rail de Fort McMurray à Valdez. Connaissez-vous cet homme et ce projet? Et que pouvez-vous nous en dire?
M. Vickers : Je veux rester poli. M. Falcetta était le vice-président d'AECOM. Il a représenté AECOM et G7G auprès d'un banquier en investissement dans le cadre d'une de nos présentations. Il a quitté AECOM et il est lui aussi entré dans la compétition avec deux ou trois banquiers en investissement. Je fais de mon mieux pour me rappeler l'adage selon laquelle le plus beau compliment qu'on peut recevoir c'est lorsque quelqu'un essaie de nous copier, mais que quelqu'un qui était dans une telle position fasse une telle chose, eh bien, personnellement, je trouve cela un peu navrant.
Le sénateur Black : Je comprends de vos commentaires que vous n'êtes pas associés.
M. Vickers : C'est exact, monsieur le sénateur.
Le sénateur Black : J'ai deux ou trois autres questions à poser afin de m'aider à bien comprendre. Vous vous êtes appuyé sur l'hypothèse qu'il n'y aura pas de trafic de pétroliers sur la côte du Pacifique. Vous n'en avez pas parlé. C'est votre hypothèse. Je ne dis pas que vous avez raison ou que vous avez tort, mais c'est clairement votre hypothèse.
Cependant, n'est-il pas vrai que, en date d'aujourd'hui, il y a déjà des pétroliers qui longent la côte du Nord-Ouest, des pétroliers qui ne viennent pas du Canada, mais qui se déplacent le long de la côte, pour aller à Seattle, à San Francisco et à Los Angeles, et qu'il y en a d'autres qui remontent vers le Nord? Je crois aussi savoir que, si les eaux sont mouvementées à l'extérieur de l'île de Vancouver, les pétroliers passent par le chenal intérieur. Si je ne m'abuse, il y a déjà du trafic le long de cette côte. Est-ce que j'ai tort?
M. Vickers : Non, en effet, vous avez raison. J'ai mentionné mes origines. Certaines raffineries veulent construire des usines de GNL en plus de celles de Kitimat, et notre peuple y est opposé. C'est en raison de ces gros superpétroliers qui naviguent dans une zone très difficile d'accès, surtout le chenal marin de Douglas, n'est-ce pas?
Le sénateur Black : En effet.
M. Vickers : Ce n'est qu'une question de temps avant qu'un accident se produise.
Le sénateur Black : Je comprends. Je ne conteste pas ce que vous dites, je voulais simplement confirmer qu'il y a actuellement des pétroliers qui passent. Des gens nous ont fourni des renseignements selon lesquels le trafic de pétroliers vers Kitimat est différent de celui vers Prince Rupert.
M. Vickers : Oui, monsieur.
Le sénateur Black : C'est ce que les gens laissent entendre. Vu la situation, que pensez-vous du projet Northern Gateway d'Enbridge? Et si la gare maritime était déménagée de Kitimat à Prince Rupert, qu'en penseriez-vous?
M. Vickers : Encore une fois, chers associés, si vous me permettez de parler au nom de mes origines plutôt que de G7G, nous gagnons effectivement notre vie grâce à l'océan, la rivière Skeena et les Nisga'a, la rivière Nass, les meilleures rivières de frai du saumon du monde. Les frayères se trouvent dans la région de Prince Rupert.
Le sénateur Black : Oui, tout à fait.
M. Vickers : Oui, c'est la réponse courte, une objection majeure.
Le sénateur Black : Votre objection s'applique-t-elle aussi à la construction d'installations de GNL à Kitimat ou Rupert?
M. Vickers : Aucune objection pour ce qui est de Kitimat. Aucune des Premières Nations ne s'est jamais opposée à cette possibilité.
Le sénateur Black : Le projet à Kitimat, c'est le projet de Shell?
M. Vickers : Il y en a eu un certain nombre là-bas, et un intervenant s'est retiré, mais c'est effectivement le cas.
Le sénateur Black : Et le projet de Petronas est à Prince Rupert?
M. Vickers : Oui.
Le sénateur Black : Ou, plutôt, Prince Rupert a été proposée. Merci beaucoup, messieurs.
Le sénateur Neufeld : Merci de nous avoir présenté votre exposé. Je sais que vous travaillez sur ce dossier depuis très longtemps.
Vous dites que vous avez rencontré les chefs des Premières Nations, les tribus, les villages et les collectivités le long du trajet proposé du projet et que vous recevez déjà des lettres de soutien relativement au concept. Pouvez-vous me dire exactement quand vous avez visité ces groupes, les Premières Nations? J'imagine que c'est au moment des discussions au sujet du Traité no 8. Combien de lettres de soutien avez-vous reçues des Premières Nations jusqu'à présent? Combien de temps s'est écoulé depuis que vous leur en avez parlé pour la première fois?
M. Vickers : Oui, c'est en 2009 que je me suis intéressé au dossier, et le président et moi sommes allés rencontrer les Chugachs en Alaska, comme je l'ai dit tantôt. Nous leur avons posé la question, et ils nous ont dit qu'ils allaient accepter tout ce que nous allions leur présenter, puis ils nous ont fourni des lettres et des résolutions de soutien de l'Alaska. Puis, nous sommes allés au Yukon. Durant une période de trois ans, nous avons cogné à chaque porte le long du trajet proposé sur la carte de Valdez que vous avez actuellement sous les yeux — c'est le territoire des Chugachs — jusqu'à Fort McMurray.
En fait c'est Len et moi qui sommes allés à une des assemblées annuelles liées au Traité no 8 et avons obtenu une lettre et une résolution de soutien de leur part. Ce sont les derniers que nous avons rencontrés. Des collectivités individuelles des Premières Nations, la nation crie Mikisew de Fort McMurray nous ont aussi donné des lettres de soutien en plus de celles des organisations tribales responsables du territoire. Une fois cela fait, nous sommes allés rencontrer l'Assemblée des Premières Nations et avons obtenu une résolution de soutien de l'Assemblée, qui, comme je l'ai dit, représente les 634 nations. Nous avons des lettres de soutien de tous les intervenants le long du trajet proposé, à une exception près, Fort Nelson.
Sur la page suivante, vous pouvez voir la solution de contournement de Fort Nelson, si c'est nécessaire, mais il y a des nations parentes des deux côtés à High Level. Essentiellement, les Kaskas nous ont dit : « Lorsque vous aurez trouvé le financement, nous irons voir nos cousins et nos parents et nous discuterons avec eux ».
Le sénateur Neufeld : C'est bien. Quels sont vos coûts estimés? Je connais très bien une bonne partie de cette région. Je l'ai survolée en avion. J'en ai sillonné les routes. Ce sont des contrées assez sauvages, que ce soit tout simplement des marécages ou des montagnes. Quel genre de coûts prévoyez-vous pour pouvoir construire un chemin de fer permettant de transporter sécuritairement du pétrole?
M. Vickers : Encore là, c'est exactement pour cette raison qu'il était très important pour nous de nous assurer de choisir la bonne firme d'ingénierie pour réaliser le processus. Dans le cadre de l'étude de préfaisabilité, certains montants sont associés à la construction d'un autre port à Valdez, ce qui n'est pas requis, et la construction d'une autre canalisation, ce qui n'est encore là pas requis actuellement en raison du déclin du versant Nord.
Actuellement, on parle de 27 milliards de dollars canadiens. Je crois avoir vu durant notre voyage en Chine que le montant était évalué à 25 milliards de dollars américains, alors ça donne quoi, 1 billion de dollars canadiens? Désolé, tout le monde.
Le sénateur Neufeld : Non, je ne pense pas que c'est tant que ça. C'est vraiment beaucoup d'argent. Et on doit s'attendre à quel genre de rendement? J'imagine que le chemin de fer serait principalement construit pour transporter du pétrole, parce que la ligne part de Fort Mac. Même si vous ramassez d'autres marchandises en cours de route ou que vous pourriez le faire, j'imagine que vous envisagez le départ de trains entiers de Fort Mac pour transporter ce pétrole. De quel genre de rendement avez-vous besoin pour acquitter une créance de 27 milliards de dollars?
M. Vickers : Il convient de souligner que, actuellement, nous mettons la dernière main à l'analyse de rentabilisation pour confirmer les montants initiaux. Encore une fois, messieurs, corrigez-moi si j'ai tort, mais, pour deux marchandises, les estimations conservatrices des revenus se situent entre quatre et six milliards de dollars par année. Les travaux initiaux s'appuyaient — lorsque c'était viable et possible — sur le transport d'un million de barils par jour, et ce, sans fret en retour et sans autres marchandises.
Si vous consultez les annexes de l'étude de préfaisabilité, elles concernent deux marchandises, et, par conséquent, l'Institut Van Horne avec l'Université de Fairbanks, l'Université de Calgary et Michigan Tech se sont penchés sur le volet des minéraux du dossier.
Vous avez mentionné l'arrêt à Fort McMurray. Le gouvernement de la Saskatchewan nous a parlé de la possibilité de prolonger la voie jusqu'à Saskatoon parce que, si on se souvient bien, il y a quelques années, les producteurs de grain ont connu leurs meilleures récoltes à vie et ont eu de la difficulté à transporter la potasse vers les marchés. Ça n'arrête tout simplement pas, monsieur.
Le sénateur Neufeld : Combien de trains sont nécessaires pour déplacer un million de barils par jour? Combien de trains entiers de, disons, 100 wagons?
Ward Kemerer, président, Generating for Seven Generations : Pouvez-vous poser la question de nouveau?
Le sénateur Neufeld : En réponse à ma question sur le genre de rendement nécessaire pour le déplacement du pétrole, j'ai cru comprendre que M. Vickers a dit qu'il fallait transporter un million de barils par jour sur la ligne ferroviaire pour acquitter la dette.
M. Kemerer : Oui.
Le sénateur Neufeld : Je pose une question sur la quantité de trains entiers composés d'environ 100 wagons. Combien de trains par jour faudrait-il pour transporter un million de barils chaque jour, 365 jours par année?
M. Kemerer : Je comprends maintenant. Nous avons questionné AECOM relativement à l'un des aspects des travaux disponibles sur le site web de l'entreprise. Nous avons demandé aux représentants de l'entreprise si, dans le cadre de ce projet assez ambitieux de 2 400 kilomètres, l'entreprise pouvait construire un chemin de fer spécialement conçu à la fine pointe de la technologie. Je leur ai demandé de dépenser tout l'argent nécessaire pour mettre au point un chemin de fer et le construire comme il faut dès le départ, contrairement à beaucoup de chemins de fer qui sillonnent actuellement le Canada, en réduisant les dénivelés et en choisissant le trajet le plus rectiligne possible. Ils ont accepté le défi et lui ont trouvé d'énormes gains d'efficience en ce qui concerne les économies de carburant.
Le mode ferroviaire est déjà extrêmement sécuritaire. Ils ont conçu une configuration de train ou un groupe de traction comme ils l'appellent d'environ 200 wagons ou 192, pour être précis, et environ six locomotives. Il faut seulement cinq locomotives pour tirer ces trains, soit environ la moitié du nombre dont le CN a besoin. Peut-être, puisque je suis de Revelstoke, en Colombie-Britannique... Dans les secteurs les plus difficiles qu'il exploite, le CP aurait besoin de quasiment trois fois plus de locomotives pour faire avancer ce qu'on appelle les trains doubles.
Ce n'est pas un problème. En fait, cela permet un très important gain d'efficience du côté du chargement et du déchargement et en raison du fait que le trajet peut être fait en deux jours seulement.
Je m'égare ici un peu dans les détails des aspects techniques de notre projet à conception spéciale. Il faudrait beaucoup plus de temps pour vous expliquer pourquoi nous serons différents, mais ça vous donne une idée du chemin de fer super efficient et spécialement conçu que nous allons construire.
Pour répondre à votre question sur le nombre de trains, c'est un calcul mathématique assez simple. Il y a 700 barils par wagon, donc 140 000 barils par train. Dans le cas d'un million de barils, il faudra environ huit trains par jour. Il en faut donc 12 si l'on transporte 1,5 million de barils par jour. Ce serait probablement la limite sur un chemin de fer à voie unique à la fine pointe de la technologie. Et si on parle d'une voie double, alors on pourrait en transporter beaucoup plus. J'espère avoir répondu à votre question, monsieur le sénateur.
Le sénateur Neufeld : J'imagine que c'est si l'on présume que tout se passe parfaitement et que vous réussissez à construire votre super voie ferrée en ligne droite, mais lorsque je regarde les montagnes — et je connais les montagnes que vous devez traverser —, elles ne sont pas très différentes de celles d'où vous venez. J'aimerais bien voir concrètement 192 wagons derrière six locomotives passer constamment à une cadence de huit trains par jour. C'est à vous de voir, je vous expose simplement mon processus de pensée.
J'ai une dernière question. À la page 15, il est question des avantages du projet pour la Colombie-Britannique et il est écrit « Relier le Nord au réseau ferroviaire de l'Amérique du Nord ». Vous savez que c'est déjà le cas, non? À partir de Fort Nelson et vers le sud, tout est connecté au marché nord-américain.
M. Kemerer : Oui.
Le sénateur Neufeld : Je me demande pourquoi vous avez fait cette déclaration. On dirait presque que nous ne sommes pas connectés au marché nord-américain, mais nous sommes de Fort St. John et de Fort Nelson. C'est assez calme à Fort Nelson actuellement parce qu'il ne s'y produit rien dans le domaine de la foresterie et il n'y a pas de pétrole là-bas. C'est pour eux la principale marchandise transportée. Je me demande pourquoi vous avez inclus cette déclaration alors que nous sommes déjà connectés.
M. Vickers : Oui, je crois que, le plus important, c'était de comprendre que l'Alaska sera connectée aux 48 États au sud de la frontière par l'intermédiaire de Fort Nelson. Je crois que le point important que nous tentions de souligner, c'était de montrer en quoi le Nord sera maintenant tout à fait connecté.
Monsieur le sénateur, un autre point que je dois souligner découle de l'étude de préfaisabilité. Croyez-le ou non, de Fort McMurray à Delta Junction, en Alaska, il n'y a aucune pente de plus de un pour cent.
Le sénateur Neufeld : À partir de quel endroit?
M. Vickers : De Fort McMurray, la ligne rouge que vous voyez sur la carte. Il n'y a aucune pente de plus de un pour cent.
Le sénateur Neufeld : Et ce, jusqu'à Delta Junction?
M. Vickers : Oui, monsieur. C'est là où Alaska Rail veut se joindre au projet proposé afin de permettre cette connexion. Ils ont traversé la rivière Tanana. Je crois qu'ils n'ont plus d'argent et qu'ils se tournent eux aussi vers l'État pour obtenir des fonds supplémentaires et terminer la voie ferrée.
Le sénateur Neufeld : Qui a dit qu'il n'y a pas de pente de plus de un pour cent de Fort Mac à Delta?
M. Vickers : AECOM.
Le sénateur Mercer : Merci, messieurs, d'être là. Je vous remercie de votre participation. Je viens de la côte Est, alors je ne connais vraiment pas bien le territoire dont vous parlez. Mes questions sont peut-être un peu naïves, mais je suis sûr que vous ferez preuve de patience et de gentillesse à mon égard.
Voici ma question : pourquoi allons-nous en Alaska, si, en regardant votre carte, la distance semble plus courte de Fort Mac à Prince Rupert? Pouvez-vous me répondre?
M. Vickers : En effet, monsieur. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné mes responsabilités traditionnelles et héréditaires à l'égard des Premières Nations de la côte et du besoin de protéger les eaux vierges dans l'intérêt des générations futures.
Vous savez peut-être que la famille royale s'en va visiter cette région actuellement. Elle va arrêter dans ma collectivité d'origine, à Bella Bella pour visiter la forêt pluviale de Great Bear.
Une des choses les plus importantes que nous avons dites, c'est que nous ne voulons d'aucune façon qu'il y ait un autre incident comme le désastre de l'Exxon Valdez. Pour que cela ne se reproduise pas, il faut s'assurer que ce type de superpétrolier ne navigue pas dans de telles étendues très confinées où un tel accident pourrait se reproduire.
Le sénateur Mercer : Ces derniers temps, il y a eu de très importants investissements visant à développer le port de Prince Rupert. C'est déjà là, et les travaux sont en cours. Pourquoi ne voudrions-nous pas tirer profit de ces très importants investissements en ajoutant un autre produit qui serait exporté par l'intermédiaire de Prince Rupert?
J'ai l'impression qu'il y a un important chevauchement des efforts ici. Je vais vouloir en savoir un peu plus au sujet des trains dans un moment, mais je ne comprends pas pourquoi, sur la carte que vous nous avez fournie, à la page 9, la distance entre Fort Mac et Prince Rupert semble beaucoup plus courte qu'entre Fort Mac et Delta Junction.
Le coût des voies ferrées par pouce est-il suffisamment élevé pour qu'on détermine que changer de trajet, même si le trajet n'est pas rectiligne de Fort Mac à Prince Rupert, serait beaucoup moins cher que construire une voie ferrée de Fort Mac à Delta Junction?
M. Vickers : Monsieur le sénateur, avec tout le respect que je vous dois, je crois avoir déjà répondu à cette question. Nous ne voulons absolument pas qu'une telle situation se produise. Il y a déjà un port aménagé pour permettre l'exportation. On exporte déjà du pétrole à Valdez, ce qui n'est pas le cas à Prince Rupert. Ce ne serait pas un dédoublement de quelque forme que ce soit, parce qu'il n'y a pas de port pétrolier sur la côte Nord-Ouest de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Mercer : Je comprends qu'il n'y a pas de dédoublement des produits qui partent de Prince Rupert actuellement, mais cependant, il y a déjà une ligne de chemin de fer qui se rend à Prince Rupert.
M. Vickers : Oui.
Le sénateur Mercer : Et il y a un port qui a été aménagé et qui est exploité.
M. Vickers : Oui.
Le sénateur Mercer : Pourquoi pas tirer parti des investissements majeurs déjà faits à Prince Rupert?
Vous avez mentionné le fait de passer sur des terres traditionnelles. Il me semble que, si on inclut les membres des Premières Nations dans le cadre des discussions à ce sujet et qu'on les fait participer dès le départ, il y a certaines occasions pour eux, particulièrement pour les jeunes dans les collectivités des Premières Nations, qui peuvent être formés pour construire toutes les voies ferrées qu'il faudra construire et pour les gérer après coup. Ils pourront aussi partager tout profit découlant de l'utilisation de leurs terres traditionnelles pour transporter des marchandises.
Je reconnais aussi que l'absence de traités en Colombie-Britannique, situation avec laquelle nous n'avons pas à composer dans les autres parties du pays, complique les choses. N'y a-t-il pas ici une occasion de se rencontrer et, pour les collectivités des Premières Nations, de tirer un avantage non pas à court terme mais à long terme qui changera leur vie?
M. Vickers : Merci, monsieur le sénateur et c'est exactement ce que nous faisons pour les 25 Premières Nations de Fort McMurray aux territoires des Chugachs, en Alaska. Toutes ces nations seront des actionnaires à 50 p. 100 dans le cadre du projet ferroviaire. AECOM peut être l'exploitant qui forme des membres des Premières Nations afin que ceux-ci puissent un jour devenir propriétaires-exploitants.
En ce qui concerne le financement, comme je l'ai dit, nous venons tout juste de revenir au pays et nous avons en main un PE sur le financement. Nos partenaires attendent seulement que le premier ministre détermine si la création par cet investisseur d'une coentreprise avec les Premières Nations dont les territoires se trouvent le long du trajet proposé du projet ferroviaire est problématique.
Le sénateur Mercer : Le premier ministre se trouve dans une situation très précaire, parce qu'il doit prendre beaucoup de décisions sur le transport de cette marchandise vers l'est, l'ouest, le nord et le sud. Il faut bien sûr s'attendre à ce qu'il se fasse quelques ennemis lorsqu'il tranchera, d'une façon ou d'une autre. Il devra peut-être payer. Il devra peut-être essuyer certains coûts politiques. Cependant, le leadership exige de prendre des décisions difficiles.
Vu le trajet que vous proposez de suivre de Fort McMurray à Delta Junction, vous allez plus au nord. Je connais le chemin de fer à Churchill, au Manitoba. Je suis vice-président du Comité de l'agriculture, alors j'ai assisté à de longs et interminables débats sur le démantèlement de la Commission canadienne du blé menés par le gouvernement précédent. À ce moment-là, nous avons parlé à des gens de Churchill et des représentants du chemin de fer là Churchill, et il était assez évident que le chemin de fer là-bas n'était pas aussi viable qu'il semblait l'être lorsqu'on regardait la carte, parce qu'il passait sur des zones de toundra.
La terre est meuble, et il faut constamment rajuster la façon dont on transporte les produits vers le nord, vers le port de Churchill. Le port de Churchill en tant que tel est un port formidable, si, bien sûr, on peut s'y rendre de façon économique et rapidement. Le problème, c'est que, actuellement, on ne peut pas s'y rendre rapidement : les trains doivent ralentir en raison de l'état des sols sous les rails.
Ne va-t-on pas être aux prises avec des problèmes similaires liés à la géographie tandis que nous nous déplaçons vers le nord et l'ouest, de Fort McMurray à Delta Junction?
M. Vickers : C'est une excellente question. Je ne sais pas si la géographie est similaire. Y aura-t-il du pergélisol? Bien sûr, il en aura. A-t-on réfléchi à ces enjeux? Va-t-on régler ces problèmes? Oui, on va les régler.
Alaska Rail exploite son réseau depuis des années d'Anchorage jusqu'à Fairbanks et il le prolonge maintenant jusqu'à Delta Junction. J'ai récemment présenté un exposé au congrès sur le pétrole et le gaz d'Anchorage. Deux ou trois firmes d'ingénierie ont souligné que la zone la plus problématique sera entre Delta Junction et Tok, mais ce n'est pas impossible. C'était évidemment très encourageant d'entendre des firmes d'ingénierie fournir ce genre d'information et de rétroaction après l'exposé.
Le sénateur Mercer : Cependant, j'ai pris le train à partir de Fairbanks en tant que touriste et non dans un contexte professionnel. Beaucoup de ces trains passent dans des secteurs très solides de type montagneux plutôt que sur des sols meubles de type pergélisol, qui bougeront et changeront au fil du temps. Êtes-vous en train de dire que le pergélisol ne sera pas un problème ici?
M. Vickers : Bien sûr, ce n'est pas ce que je dis, et je ne suis pas un expert.
Le sénateur Mercer : Moi non plus.
M. Vickers : Oui, alors laissons cette question aux experts, et ils nous disent que ce ne sera pas problématique et qu'ils peuvent s'en occuper.
Le sénateur Mercer : J'espère que ce ne sont pas les mêmes experts qui ont dit aux gens de Churchill qu'ils avaient réglé le problème, parce qu'ils ne l'ont pas réglé. Le problème persiste pour les gens de la Saskatchewan et du Manitoba qui tentent de transporter leur production de grande valeur.
Nous discutons du transport d'une autre marchandise précieuse de l'Alberta vers les marchés, le pétrole. Churchill permet de transporter des produits de grande valeur vers les marchés aussi ou devrait permettre de transporter des produits de grande valeur de la Saskatchewan, du Manitoba et, j'imagine, même de l'Alberta, vers les marchés.
Le vice-président : Avant de passer à la deuxième série de questions, je tiens à souligner quelques points et à poser quelques questions.
Monsieur Vickers, je tiens à vous dire que je vous remercie de votre engagement personnel à l'égard de la protection de l'environnement, mais je dois ajouter que nous sommes tous responsables de l'environnement. En tout cas, je crois en être un des gardiens. Ma famille vit sur la côte Est depuis des centaines d'années, et nous vivons dans une ville portuaire, alors je comprends à quel point les choses peuvent être compliquées.
Je veux que vous me fournissiez quelques renseignements de plus, que vous me précisiez ce que vous pensez. Il n'y a pas de pétroliers à Prince Rupert. Avec quel genre de transport de marchandises seriez-vous à l'aise à Prince Rupert? Vous allez construire une ligne secondaire à Prince Rupert ou, en tout cas, c'est une possibilité. Vous avez des lignes secondaires de Watson Lake jusqu'à Prince Rupert. L'exportation de quelles marchandises à Prince Rupert serait acceptable à vos yeux?
M. Vickers : Ce qui est le plus important au sujet des cartes, c'est qu'il s'agit de lignes secondaires différentes. La carte devrait indiquer qu'il y a un seul port pétrolier, et c'est celui de Valdez.
Le vice-président : D'accord.
M. Vickers : Dans le cas des autres ports, la marchandise serait des minéraux. Dans l'étude initiale, on envisageait de relier le tronçon à la voie ferrée venant de Watson Lake vers Kitwanga entre Hazelton et Terrace, afin de transporter toutes les marchandises sauf le pétrole au port de Prince Rupert.
Le vice-président : Et qu'en est-il du GNL ou du pétrole valorisé?
M. Vickers : Pour ce qui est de la façon dont le GNL sera exporté, l'un des principaux enjeux que nous avons soulevés avec les gens de Fort Nelson, c'est que les lacs sont quasiment en train de disparaître. Aux yeux des gens là-bas, le gouvernement ne les a pas écoutés, alors ils disent tout simplement non à tout. Pour notre part, nous affirmons pouvoir utiliser nos wagons qui reviennent. Nous pourrions poser un réservoir dans nos wagons-citernes, par exemple, et ramener de l'eau devant servir à la fracturation afin de régler ce problème.
Pour ce qui est de l'exportation du GNL, pourquoi ne pas utiliser là aussi des wagons-citernes? Dans beaucoup de régions du globe, les gens n'ont pas une infrastructure de pipelines, mais, si on prend un wagon, qu'on le décharge, puis qu'on l'utilise lorsqu'il est disponible, le transport du GNL devient possible.
J'espère avoir fourni une réponse courte à votre question sur les autres marchandises.
Le vice-président : Le sénateur Neufeld a mentionné Kitimat, et vous semblez n'avoir aucun problème en ce qui a trait au transport de GNL à Kitimat. Que pensez-vous du transport de pétrole lourd vers Kitimat? Qu'en pensez-vous?
M. Vickers : Effectivement, c'est la même chose. Si vous reprenez les études qui ont été réalisées pendant des années, le chenal marin de Douglas est très étroit, et les superpétroliers de GNL sont immenses. Si vous ajoutez des superpétroliers contenant du pétrole devant passer dans le même chenal étroit, je crains que ce ne soit qu'une question de temps avant qu'un autre incident se produise; c'est la raison pour laquelle ce sont non uniquement les Premières Nations côtières, mais les Haislas à Kitimat qui ont aussi dit non aux superpétroliers.
Le vice-président : Je tiens seulement à souligner qu'un des meilleurs atouts que nous avons sur la côte Ouest, c'est le fait que Prince Rupert est l'un des meilleurs et des plus profonds ports d'Amérique du Nord. Il y en a aussi un très bon à Point Tupper, sur la côte Est du Canada. Cependant, c'est un port artificiel créé par la levée de Canso. Il est extrêmement profond et libre de glace. Ce sont deux des principaux atouts que possède l'entreprise au chapitre de l'exportation.
Je voulais le dire pour le compte rendu, parce que je sais qu'il y aura beaucoup d'autres discussions sur ce sujet et qu'il sera souvent question de Prince Rupert. Je voulais simplement aborder ces sujets avec vous et savoir ce que vous pensez de Kitimat et de Prince Rupert.
Le sénateur Neufeld : Je m'en veux d'avoir oublié de vous poser une question au sujet des approbations que vous avez obtenues auprès de la quasi-totalité des Premières Nations, ce qui est excellent. Ce n'est pas une tâche facile. Je suis sûr que certaines de ces approbations sont assorties de conditions. Du moins, c'est ce que mon expérience m'a appris au fil du temps.
Et qu'en est-il du mouvement environnementaliste? Avez-vous passé du temps avec des environnementalistes? Leur objectif réel, c'est de tout laisser dans le sol, et peu importe pour eux si vous leur parlez, si les Premières Nations leur parlent ou quiconque, en fait. Du moins, c'est ce que j'ai constaté, et ce sont de durs combattants.
Quelle a été votre expérience avec le mouvement environnementaliste? Avez-vous parlé à des représentants du mouvement et, dans l'affirmative, pouvez-vous nous préciser à qui vous avez parlé et si vous avez obtenu leur approbation quant à l'augmentation de l'exploitation du pétrole de Fort Mac, de l'Alberta et de la Saskatchewan?
M. Vickers : Je vais laisser Len répondre à la question, puisqu'il a organisé certaines réunions.
Len Wilson, associé directeur général, Generating for Seven Generations : Oui, nous avons rencontré certains groupes environnementalistes. Celui avec lequel nous avons passé le plus de temps est Écojustice, un organisme qui représente ces groupes. Puisqu'il y a des solutions de rechange, nous avons commencé par parler d'énergie renouvelable. Il y a huit ans, nous avons présenté ce que nous avons appelé un projet de transition, qui concerne la façon dont on éliminera les combustibles fossiles, un jour. Comment y arriver? Il faut avoir un plan.
Compte tenu de la technologie à laquelle nous avons accès, au fil des huit ou neuf ans durant lesquels nous avons travaillé sur ce dossier, nous avons eu beaucoup d'idées différentes sur la façon d'y arriver pour nous assurer que les environnementalistes participent eux aussi. Peut-on utiliser l'énergie éolienne? Peut-on utiliser des trains électriques? Peut-on extraire le pétrole à l'aide de l'électricité? Toutes ces technologies existent. La question est simplement de savoir qui poussera pour que cela arrive. Nous discutons avec les environnementalistes de ces possibilités.
Le sénateur Neufeld : Je comprends que l'énergie éolienne est habituellement la première source énergétique mentionnée, parce que c'est ce qui vient à l'esprit des gens lorsqu'on parle d'énergie. La production d'énergie électrique ne représente qu'une petite portion par rapport à l'utilisation actuelle du pétrole et du gaz naturel. La plupart des vêtements que nous portons n'existeraient pas sans produits pétroliers.
M. Vickers : Oui.
Le sénateur Neufeld : Les rues asphaltées dehors ne seraient pas recouvertes d'asphalte provenant du fond du baril, et toutes ces autres choses ne seraient pas possibles. L'Agence internationale de l'énergie a dit à tout le monde, y compris ceux qui s'opposent à une augmentation de la production du pétrole, que la consommation va augmenter au cours des 30 à 40 prochaines années simplement en raison du fait que la population augmente. Il y aura plus de personnes qui auront besoin que ces produits soient fabriqués. Je suis frustré lorsque les gens disent qu'on peut utiliser l'énergie éolienne pour régler tous les problèmes. C'est tellement une infime partie de la consommation totale. Au Canada, de 75 à 80 p. 100 de notre électricité est générée grâce à des ressources renouvelables. À l'échelle mondiale, nous faisons déjà très bonne figure dans le dossier de l'électricité.
Mais qu'en est-il de toutes les autres choses dont nous avons besoin quotidiennement et qui sont associées au pétrole, comme les médicaments ou je ne sais quoi d'autre? Je suis sûr que vous savez qu'il y a des pages et des pages sur le chauffage domestique et ces genres de choses.
M. Vickers : Oui.
Le sénateur Neufeld : Qu'en dites-vous? J'imagine que l'électrification des chemins de fer coûterait 24 milliards de dollars de plus?
M. Wilson : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous comprenons totalement que le pétrole est un combustible fossile nécessaire. C'est ce dont nous parlons et notamment à ces personnes. En tant que défenseurs de ce chemin de fer, nous devons être responsables et tenir compte des émissions de gaz à effet de serre en aval et en amont. C'est ce dont nous leur parlons. Je soulevais la possibilité de faire avancer le train grâce à l'électricité produite par l'énergie éolienne. C'est tout ce que je voulais dire.
Le sénateur Neufeld : C'est lié précisément au transport ferroviaire?
M. Wilson : Oui.
Le sénateur Neufeld : Vous parlez d'énergie éolienne pour électrifier les trains?
M. Wilson : Oui, on se demandait aussi s'il serait possible d'extraire le pétrole d'une autre façon. Les gens nous posent toujours des questions à ce sujet parce qu'il existe des technologies qui ne sont pas utilisées actuellement. Les gens nous posent des questions à ce sujet, et c'est là où nous en sommes.
Le sénateur Neufeld : Les représentants d'Écojustice vous disent-ils que, si vous réussissez à électrifier les trains, ils accepteraient qu'on augmente la production à Fort Mac et dans le reste du Canada?
M. Wilson : Non, ils ont dit qu'ils allaient attendre qu'on leur présente un exposé.
Le sénateur Neufeld : Merci de cette réponse.
Le sénateur Mercer : Lorsque nous sommes venus ici, ma question fondamentale dans le dossier concernait le fait qu'il s'agit d'un produit canadien. Le problème auquel nous sommes confrontés n'est en aucun cas un problème exclusif à la Colombie-Britannique : c'est un problème canadien. Nos réserves pétrolières sont les troisièmes en importance dans le monde. Cette industrie est le moteur de notre économie depuis un certain nombre d'années. Elle génère la richesse qui aide notre pays à être un endroit formidable où il fait bon vivre.
Mais nous avons un problème : nous avons un seul client. Si, par exemple, une personne ouvrait un Starbucks sur un coin de rue de Vancouver, ce ne serait là qu'un des 1 000 Starbucks de la ville, mais si le propriétaire a un seul client, il dépendra de cette personne. Ce client pourrait lui demander tout ce qu'il veut, et, s'il veut rester en affaires, il serait tenu de continuer à lui donner tout ce qu'il veut.
Nous sommes dans cette situation. Nous avons un seul client, mais nous avons aussi une très grande quantité de produits. Il faut transporter ces produits vers les marchés. De quelle façon peut-on transporter nos produits vers les marchés si, chaque fois que nous tentons de le faire, quelqu'un dit : « Oui, nous voulons avoir accès aux marchés, mais ne le faisons pas de telle ou telle façon ». C'est encore le syndrome « pas dans ma cour ». Ce n'est pas un débat exclusif à la Colombie-Britannique. C'est une discussion que nous continuerons d'avoir tandis que nous nous dirigeons vers l'est, et je sais que nous aurons probablement la même discussion à Montréal, lorsque nous arriverons là-bas.
Puis, on trouve une solution pour transporter le produit de son origine jusqu'à la cour de son seul et unique client et on est assujetti à un ensemble de règlements, et ainsi de suite, dans l'État de l'Alaska, sur lequel nous n'avons aucun contrôle, et que nous ne pourrons jamais contrôler. Je ne veux pas prêter de mauvaises intentions aux gens de l'Alaska, mais ils réagiront dans leur intérêt, ce qui est tout à fait normal.
Pourquoi prendre le risque d'envoyer notre produit dans le territoire d'un autre pays lorsque nous avons accès, sur le territoire, aux mêmes voies navigables? Bien sûr, je comprends que la configuration maritime est différente et que les risques ne sont pas les mêmes, mais, selon moi, il est très risqué d'envoyer notre produit dans un pays étranger pour essayer, de là, de l'expédier dans un autre pays afin de trouver de nouveaux clients. Ce serait risqué pour n'importe quel pays.
J'aborde un volet stratégique. Il y a peu de choses qu'on peut faire dans le monde sans ce produit. Ce produit est en demande dans le monde entier. Même si nous aimerions tous être moins dépendants à l'égard du pétrole, nous allons rester dépendants pendant encore un certain temps. Pendant que nous sommes ici à débattre, nos compétiteurs livrent la marchandise à leurs clients, des clients qui devraient être les nôtres. En plus, nous vendons notre produit à rabais à notre seul client.
Les Canadiens doivent bien comprendre combien d'argent nous perdons chaque jour parce que nous vendons notre gaz et notre pétrole aux Américains à rabais. Ils nous tiennent sous leur joug. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent parce qu'ils sont notre seul client, et ils peuvent exiger de nous que nous vendions notre pétrole au prix du pétrole brut WTI.
Je ne comprends pas pourquoi nous irions courir le risque de passer par le territoire d'un autre pays alors que nous avons des options nous permettant de rester sur le territoire canadien et de transporter notre produit vers les marchés. De plus — et c'est tout aussi important — en restant ici, nous pouvons générer des emplois sur notre territoire, pour nos citoyens, tant dans les collectivités des Premières Nations que dans les autres collectivités du pays.
M. Vickers : Merci, monsieur le sénateur. C'est un excellent point. En fait, la première fois que je suis allé à Beijing, c'était avec la Banque Royale, en 2000. Il y avait plus de bicyclettes que de voitures sur les routes. Je viens tout juste de revenir, en juillet, et il y a maintenant là-bas plus de voitures que de bicyclettes.
Le port de Valdez est à deux jours de moins de ce marché que Prince Rupert ou Kitimat, et à quatre jours de moins que Vancouver. On parle de transporter rapidement notre produit vers les marchés et de le transporter vers un marché qui est différent de celui du seul client que nous avons actuellement et à qui nous vendons notre production à rabais. Eh bien, c'est l'une des autres principales raisons d'agir de la sorte, monsieur. Le port de Valdez n'est pas un port fédéral. Il appartient à la Ville de Valdez. Il existe un accord de libre-échange avec la Corée.
On a soulevé un certain nombre de ces enjeux en ce qui a trait à la souveraineté et à l'accès à certains marchés. Nous avons fait de notre mieux pour composer avec les problèmes et les préoccupations des gens. En plus de l'interdiction touchant les superpétroliers, la possibilité de transporter rapidement notre production vers un éventuel client était une des principales justifications de l'option du port de Valdez.
Le sénateur Mercer : Je vais arrêter ici, parce que je sais que vous alliez me le demander, monsieur le président. Le port du détroit de Canso, en Nouvelle-Écosse, est plus près d'une journée et demie du même marché. Nous avons des décisions à prendre et, comme je l'ai déjà dit, certaines personnes ne seront pas heureuses, mais espérons que d'autres le seront.
Le vice-président : Messieurs, le temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup d'avoir été là ce matin. Nous avons eu une bonne discussion.
Honorables sénateurs, je tiens à souhaiter la bienvenue à nos prochains témoins : Robert Metcs, négociateur en chef et chef de la direction et Alexandra Ballard, directrice générale et directrice des Communications et du Développement des partenariats, de Havlik Metcs Limited, du First Nations Limited Partnership.
Veuillez nous présenter vos exposés, puis les sénateurs vous poseront des questions.
Robert Metcs, négociateur en chef et chef de la direction, Havlik Metcs Limited, First Nations Limited Partnership : Merci beaucoup de nous avoir invités. Nous allons formuler quelques brèves remarques ou commentaires liminaires, mais l'expérience du FNLP, le First Nations Limited Partnership, se prête bien à une séance de questions et de réponses, alors nous tenterons d'y arriver le plus rapidement possible.
Le First Nations Limited Partnership a été créé en 2008 dans le but précis de tirer le plus d'avantages du pipeline Pacific Trail, qui était proposé à l'époque, la proposition de projet de pipeline de Kitimat LNG.
À ce sujet, il convient vraiment de souligner deux choses : premièrement, il s'agit d'une société en commandite et d'une entité commerciale. Par conséquent, l'organisation a été créée à une fin précise, comme je l'ai dit, soit de tirer le plus d'avantages possible pour les 16 Premières Nations commanditaires.
En tant qu'entité commerciale, FNLP ne doit pas son existence à une association tribale quelconque ou à un autre type d'entité créée par les Premières Nations. Son objectif est commercial. Dans une certaine mesure, cela en fait une entité unique. La visée commerciale de l'organisation a été définie à une fin précise et parce qu'on s'est rendu compte que, collectivement, il serait possible d'obtenir des avantages avec plus de force et plus d'efficience. À l'époque, les 15 nations, il y en a maintenant 16, se sont rendu compte qu'il était préférable que chaque nation s'occupe individuellement des aspects traditionnels de la mobilisation, comme les enjeux environnementaux et les enjeux liés aux droits et aux titres.
C'est la raison pour laquelle les négociations et nos interactions avec les promoteurs du projet de pipeline et du projet de GNL ont été conçues de façon à permettre au groupe de maximiser les avantages du projet proposé tandis que, parallèlement, chaque nation individuelle s'occupe d'en réduire au minimum les répercussions.
Nous avons décidé de laisser les différentes nations réduire au minimum les répercussions en raison de la base large du partenariat, qui s'étendait de Kitimat, en Colombie-Britannique — où il y a surtout des nations de la côte — jusqu'au sud de Fort St. John, en Colombie-Britannique, en passant par les territoires visés par le Traité no 8 et près du lac Summit. On a rapidement constaté que ces nations avaient peu de choses en commun en ce qui a trait à leurs intérêts et aux problèmes précis ou potentiels découlant du projet. C'est ce qui fait du FNLP une entité très unique : cette composante commerciale et le fait que l'analyse coûts-avantages a été présentée aux nations qui le composent.
Nous avons parlé rapidement des résultats obtenus et de la structure du processus de négociation. Cette idée que nous allions tenter de maximiser les avantages et de réduire au minimum les répercussions a poussé toutes les parties — y compris les promoteurs du projet — à faire les efforts pour y arriver, justement. Les résultats du processus de négociation, qui a duré environ deux ans et demi, parlent d'eux-mêmes. L'accord a été signé en février 2013. Si le projet va de l'avant — ce que personne ne peut prédire actuellement — il pourrait entraîner des retombées diverses de plus d'un milliard de dollars dans ces collectivités. Elles ont décidé de soutenir ce projet et elles continuent de le soutenir parce qu'elles se sont rendu compte que, si le projet va de l'avant, il est susceptible de changer la donne au sein des collectivités de ces nations.
La décision a été prise après des délibérations communautaires. Comme nous l'avons dit, les avantages du projet sont clairs. Les répercussions sur les collectivités ont été définies de façon relativement claire, et chaque collectivité a décidé de tout de même soutenir le projet. À notre connaissance, nous sommes le seul projet de pipeline lié au GNL qui a le soutien de toutes les Premières Nations situées le long du trajet, c'est quelque chose dont les 16 nations sont très fières.
Un autre aspect intéressant, c'est que, malheureusement, le processus que nous avons utilisé pour maximiser les avantages et réduire au minimum les répercussions ne donne pas toujours les résultats souhaités par les gens. Dans notre cas, puisqu'il s'agissait d'un pipeline de gaz naturel — ce qui est évidemment très différent des pipelines de pétrole —, les 16 nations ont décidé de soutenir le projet. Bon nombre des 16 nations ne veulent pas que des pipelines de pétrole passent sur leur territoire. Cette décision a été prise de la même façon. L'idée, c'est que les répercussions potentielles liées au transport du pétrole éclipsent largement les avantages potentiels qui étaient proposés ou qui auraient pu l'être.
Si vous ne devez retenir qu'une chose de notre présentation aujourd'hui, c'est que ces collectivités n'ont pas l'impression d'agir de façon irrationnelle en soutenant un projet et peut-être pas certains autres. C'est le fruit d'un long processus de délibération. Beaucoup de capital politique a été déployé par chacune de ces collectivités et chacun de ces chefs. Les décisions ont été prises et elles ont été défendues dans les collectivités.
Nous allons passer en revue certaines des leçons qui figurent dans notre document, ce qui, nous l'espérons, suscitera des questions de votre part. Au fil des ans, nous avons tiré cinq leçons principales dans le cadre du processus.
La première leçon est assez claire : les Premières Nations doivent être considérées comme de possibles partenaires commerciaux et, de façon générale, comme des partenaires, plutôt que comme des obstacles juridiques. C'est souvent une question de respect de base. Si l'industrie et les gouvernements traitent les nations comme d'éventuels partenaires qui ont quelque chose à apporter au partenariat, si on démarre sur des bases solides... C'est certainement ce qui est arrivé dans notre cas.
Les gens ont probablement entendu ce que je m'apprête à dire de nombreuses fois, mais je vais le répéter à nouveau : un engagement précoce et commercial auprès des Premières Nations peut réduire les risques associés à un projet et mener à la création d'une importante valeur économique, qui pourra être partagée équitablement entre tous les participants. C'est exactement ce qui s'est produit dans le cas du FNLP et avec les promoteurs du projet de pipeline Pacific Trail. Les négociations ont été difficiles, mais au bout du compte, on s'est rendu compte qu'il était préférable pour tout le monde de signer l'accord, et c'est ce qu'on a fait. Je crois que c'est un accord assez considérable et que nous avons placé la barre vraiment plus haut pour tous les projets futurs, que ce soit en Colombie-Britannique ou dans le reste du Canada.
On en revient à ce que j'ai dit plus tôt. Le processus d'engagement doit être structuré de façon à fournir aux Premières Nations une analyse coûts-avantages sérieuse. C'est quelque chose que nous avons découvert un peu par accident, mais lorsque nous avons constaté ce que cette structure sous-entendait, tout le monde a été incité à négocier de bonne foi. Le processus ne garantit pas un résultat ni un aboutissement. Nous avons très souvent eu l'impression que nous n'allions pas réussir à obtenir le soutien des 16 nations. Les mesures incitatives étaient là afin qu'il soit possible de s'assurer que, lorsqu'on rencontrait des problèmes, soit il fallait travailler sur la composante liée à la réduction des répercussions, soit il fallait en faire plus du côté des avantages pour déterminer de quelle façon tout pouvait s'imbriquer pour proposer une solution de rechange séduisante à laquelle il est impossible de dire non.
Nous avons trouvé la quatrième leçon très intéressante parce que, encore une fois, nous l'avons découverte par accident : il peut être bénéfique pour les Premières Nations et l'industrie de discuter directement ensemble et pas nécessairement dans le cadre d'un processus gouvernemental qui prescrit de quelle façon il faut interagir. Nous avons participé aux négociations commerciales ensemble, comme deux parties de la sphère commerciale. Lorsque nous avons obtenu un accord, nous nous sommes tournés vers le gouvernement de la Colombie-Britannique qui avait déjà participé. Il s'agissait d'un accord dont nous avons hérité, mais les négociations, qui ont duré deux ans, ont été menées exclusivement et totalement sans la participation du gouvernement.
Il y avait certains avantages à procéder ainsi, parce que, lorsque nous avons eu un accord en main, c'est ensemble que l'industrie et le groupe des Premières Nations se sont présentés devant le gouvernement pour régler les problèmes. Cette méthode a créé une dynamique différente. Habituellement, on voit peut-être plutôt les gouvernements et l'industrie d'un côté, et les Premières Nations de l'autre. Je crois que tout le monde se sentait un peu bizarre, mais il ne fait aucun doute que le processus a été efficace.
La dernière leçon, c'est que nous avons découvert que ce n'est pas une bonne idée d'essayer de tout faire avant de pouvoir faire quoi que ce soit. Ce que je veux dire, c'est que nous travaillions à un projet. Beaucoup d'intervenants du côté du gouvernement et de l'industrie nous disaient que nous devions créer un processus global visant les canalisations de GNL « en général », les projets de GNL « en général » et les projets pétroliers « en général ». Nous devions nous doter d'un processus pour obtenir des réponses quant aux corridors et aux diverses idées. Dans une certaine mesure, l'industrie du GNL en Colombie-Britannique a souffert de cette situation et de l'idée selon laquelle, si nous n'arrivions pas à déterminer comment faire construire des pipelines de pétrole et de gaz naturel jusqu'à la côte, nous n'arriverions pas à construire un pipeline quelconque jusqu'à la côte.
Malheureusement, à cette époque, on croyait que la fenêtre de possibilités du GNL allait peut-être se refermer. C'est peut-être vrai. On le croyait en bonne partie parce qu'il y avait beaucoup de discussions quant à savoir pourquoi les nations s'opposaient aux canalisations de pétrole alors qu'elles soutenaient les canalisations de gaz naturel. En quelque sorte, on considérait qu'il n'était pas approprié pour elles de soutenir un type de pipeline, mais pas l'autre.
C'est devenu une question de plus en plus politique au sein de notre groupe, mais je voulais en parler pour vous rappeler que, en essayant de tout avoir, au bout du compte, vous obtiendrez peut-être moins que prévu ou encore le résultat ne sera pas idéal. Cela dit, nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le sénateur Black : Merci beaucoup à vous deux d'être là. Merci aussi de tout le travail accompli et du leadership dont vous avez fait preuve dans ce dossier très complexe. J'aurais bien aimé que nous puissions déjà avoir ces cinq leçons il y a cinq ans. Nous aurions probablement beaucoup moins de cheveux — platine, dans mon cas —, mais bon, nous les avons maintenant.
J'ai une question à vous poser. Pour vous mettre dans le contexte, je suis un sénateur de l'Alberta, alors je suis pour l'énergie et je crois fermement que, pour assurer la prospérité canadienne, il faut transporter les produits albertains dans d'autres pays à l'échelle internationale, pas seulement aux États-Unis. Voilà ma position.
Tout d'abord, je veux vous parler de consultations et du processus de consultation. Croyez-vous, comme moi, que des consultations appropriées concrètes avec les Premières Nations sont essentielles? Ce n'est pas ouvert à la négociation, c'est essentiel.
Ensuite, comme dans toute conversation dans le cadre de toute relation, à un moment donné, il faut prendre des décisions. Dans bon nombre de conversations auxquelles je participe, parfois, j'aime le résultat, mais plus souvent qu'autrement, je ne suis pas vraiment content de ce résultat, mais je l'accepte et je passe à autre chose.
J'aimerais surtout savoir si, selon vous, la notion de consultation est automatiquement associée à celle de veto.
M. Metcs : Vous me prenez au dépourvu. C'est une bonne question, et je crois que je vais vous fournir un peu de contexte, puis je répondrai très clairement à votre question.
Nous avons été embauchés pour faire un travail précis. Nous avons été embauchés en tant que négociateurs par une entité commerciale, comme je l'ai déjà dit. Puis, la société en commandite a été créée pour une raison très précise, soit de négocier du mieux que nous pouvons pour obtenir les meilleurs avantages et le meilleur accord commercial possible pour nos commanditaires.
Au début, nous pensions que le FNLP allait s'occuper de tous les aspects associés à la consultation aussi. Il est devenu très clair lorsque nous nous sommes tous réunis que les 15 nations, à l'époque, n'avaient pas suffisamment de choses en commun pour pouvoir mener des consultations en groupe. Il y avait trop de différences d'une nation à l'autre.
Nous avons trouvé une solution ingénieuse à l'époque. Personne n'y a pensé en ces termes, mais c'est ce que notre solution s'est révélée être. On a formulé une suggestion concernant ce qu'on pouvait faire ensemble. Ce que nous pouvions faire ensemble, c'est décider de maximiser les avantages grâce à la négociation collective avec les promoteurs. C'est ce qu'ils ont fait, et c'est pour cette raison que nous avons été embauchés.
Et pour répondre clairement à votre question, tout le monde aimerait un processus au terme duquel la réponse est claire et acceptée par tous. La décision, pour nous, au bout du compte, c'était notre travail, soit de définir les avantages et de livrer la marchandise à chacune des nations relativement à cette partie de l'équation. Chaque nation avait mené beaucoup de consultations et accompli beaucoup de travail juridique en faisant intervenir des avocats. Les nations se sont occupées elles-mêmes des travaux juridiques parce qu'elles étaient toutes aux prises avec des enjeux différents. Puis, elles ont déterminé si leur part des avantages négociés collectivement était suffisante pour qu'elles fassent le pas et acceptent l'entente.
Nous n'avions pas grand-chose à voir avec cet aspect des choses. Toutes les nations ont déterminé qu'il était possible, d'une façon ou d'une autre, d'unir leurs efforts pour exercer de la pression sur les promoteurs relativement à certains enjeux soulevés durant les consultations. Nous nous sommes occupés de ces aspects, mais, au bout du compte, la décision revenait aux nations.
Je m'occupe de ce dossier depuis sept ans. Vous savez, c'est incontournable : le gouvernement devra prendre une décision quant à la façon dont il composera avec certaines des nations qui refusent les projets.
Dans une certaine mesure, nous avons été chanceux parce que notre projet de pipeline de gaz naturel a fini par être accepté lorsqu'il a été question de la possibilité que certains événements se produisent comme des ruptures de pipeline. On a abordé ces questions de façon très détaillée durant certaines de nos réunions. Certains groupes essayaient de dire que ce sont tous des hydrocarbures et que c'est du pareil au même. Nous avons dû faire une distinction entre le pétrole et le gaz naturel pour bien préciser les choses.
Nous avons constaté clairement deux choses : ces nations sont favorables au gaz naturel, mais la majeure partie d'entre elles ne soutiennent absolument pas le pétrole. C'est la décision qui a été prise.
Le sénateur Black : Ma question est la suivante : que faut-il faire en cas de réelle divergence d'opinions entre des parties de même statut et qu'il faut prendre une décision qui ne fera pas plaisir à tout le monde? Que faut-il faire dans une telle situation?
M. Metcs : Rendu là, je crois que c'est au gouvernement d'intervenir et de prendre la décision. Il pourrait y avoir des retards. Alex a peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.
C'est une question de respect qui a été soulevée. Les Premières Nations sont incluses dans un processus de consultation plus général, et les gouvernements doivent tenir compte de l'intérêt national, des autres joueurs, des autres intervenants, de l'industrie et de tout le reste. Nous avons fait notre contribution, et s'il faut opter pour un oui ou un non, alors j'imagine que c'est la responsabilité du gouvernement d'essayer d'y voir clair et de trouver un juste équilibre.
Alexandra Ballard, directrice générale et directrice des Communications et du Développement des partenariats, Havlik Metcs Limited, First Nations Limited Partnership : Essentiellement — pour ajouter quelque chose à ce que Rob a dit — les nations peuvent seulement aller jusqu'à un certain point ensemble. Évidemment, le FNLP est un exemple de projet où ils ont fait un bout de chemin beaucoup plus long qu'on aurait pu l'imaginer au début. Au bout du compte, pour répondre à votre question, s'il y a un désaccord de bonne foi, alors, à un moment donné, c'est au gouvernement d'intervenir.
Le sénateur Mercer : Merci beaucoup d'être là. J'ai hâte de découvrir si ce projet, cette façon de travailler, peut être utilisé ailleurs. Je suis de la Nouvelle-Écosse et j'ai hâte de travailler au projet d'Énergie Est et de participer au grand nombre de négociations qu'il faudra réaliser.
J'étais intéressé par les cinq leçons clés que vous avez soulignées. Je vais attirer votre attention sur trois d'entre elles. Le processus d'engagement devrait être structuré de façon à fournir aux Premières Nations une analyse coûts-avantages sérieuse. Comment cela se traduit-il en dollars et en cents? Ou qu'est-ce que cela a le potentiel de signifier en espèces sonnantes et trébuchantes?
M. Metcs : C'est une excellente question. Nous tentons de communiquer les principales leçons que nous avons tirées du processus. On nous a dit de maximiser les avantages pour le groupe. Il y avait 15 nations réunies à ce moment-là qui allaient négocier avec les promoteurs. Elles étaient incitées à ce moment-là à accepter que, si le groupe réussissait à conclure un accord sur l'ensemble des avantages, alors la proposition pourrait ensuite être présentée à chaque nation. Puis, il serait très probable qu'on puisse conclure un accord acceptable et que le projet puisse aller de l'avant.
Le système incitatif était tel que, des deux côtés, on comprenait très bien que les avantages ne devaient pas seulement être alléchants, mais que la collectivité devait comprendre que le projet aurait un bienfait durable. C'était très important. Au bout du compte, les collectivités y voyaient non seulement un pipeline, mais peut-être aussi un moyen d'assurer le développement communautaire. Il fallait que les gens puissent faire le tour de la question et comprendre que le projet allait les aider à faire X, Y et Z. Nous avons constaté que c'était très important.
Nous en sommes arrivés au point où les chiffres, les possibilités d'emploi, les possibilités de développement des affaires et les divers aspects de notre accord, qui étaient très détaillés, étaient tels que les gens se disaient que le projet permettrait d'apporter certains changements qui seraient acceptables et que tout le monde allait vouloir.
Parallèlement, du côté des coûts, il y avait des problèmes environnementaux. Il y avait aussi les problèmes habituels sur le plan juridique, des problèmes qu'il faut régler dans le cadre de consultations. En tant qu'équipe chargée des négociations, nous avons dit clairement que ces problèmes devaient être réglés de façon prioritaire et à la satisfaction de chacune des collectivités. Il fallait placer ces efforts côte à côte avec les avantages potentiels de l'accord. Les gens pourraient alors regarder le tout et dire ce qu'ils percevaient comme les avantages du projet tout en acceptant les éventuels dangers perçus par la collectivité. Nous avons constaté que le processus était efficace; il a fonctionné pour les 16 nations avec lesquelles nous avons travaillé.
Le sénateur Mercer : Les calculs sont-ils fondés sur un pourcentage?
M. Metcs : C'est un art. Au sein de l'équipe de négociation, notre tâche consistait à dire : voilà le mieux que nous pourrons faire du côté des avantages et, selon toute vraisemblance, nous ne pourrons pas faire mieux. Lorsqu'on travaille sur de tels dossiers pendant deux ou trois ans, on comprend où sont les frontières et on sait quelles sont les choses qu'il faudra obtenir si on veut que les gens adhèrent à l'accord.
Lorsque nous avons présenté l'offre aux dirigeants, puis, par leur intermédiaire, aux collectivités, nous étions assez convaincus qu'il était très probable que l'offre soit acceptée. Il n'a pas fallu beaucoup de temps. Tout a été accepté au bout d'environ un mois et demi, ou deux mois.
Mme Ballard : Maximum.
M. Metcs : Puis, une à une, les nations ont commencé à nous fournir les résolutions de leur conseil affirmant qu'elles participaient.
Le sénateur Mercer : Bien sûr, cette analyse coûts-avantages sérieuse est complémentaire à la prochaine de vos cinq leçons clés, soit qu'il peut être bénéfique pour les Premières Nations et l'industrie de se consulter directement.
M. Metcs : C'est exact.
Le sénateur Mercer : J'imagine que c'est chose courante. Chers collègues, si vous n'avez pas lu le document, il y a une recommandation principale que je veux mentionner pour le compte rendu. Nous devrions peut-être demander au premier ministre d'appliquer la recommandation 5 : ne pas essayer de tout faire avant de pouvoir faire quelque chose. Je ne sais pas qui l'a écrite, mais je vais me l'approprier.
M. Metcs : J'imagine que je vais prendre le crédit. Que ce soit une bonne chose ou une mauvaise chose, je vais lever la main.
Le sénateur Mercer : Je ne vois aucune mention de droit d'auteur.
Mme Ballard : Vous pouvez l'utiliser.
M. Metcs : Je vous en prie.
Le sénateur Mercer : Je vous en remercie.
Le sénateur Neufeld : Bonjour. Je suis heureux de vous voir tous les deux. Le processus a été long. Il a commencé il y a bien plus que sept ans. Je me rappelle très bien de m'être occupé de ces dossiers lorsque j'étais ministre, de 2001 à 2008. Selon moi, cette initiative est rendue là où elle devait être.
Je n'ai aucune question à vous poser, mais je voulais formuler un bref commentaire. Je crois que vous avez fait de l'excellent travail. En ce qui a trait à la première leçon, soit que les Premières Nations doivent être considérées comme d'éventuels partenaires plutôt que de possibles obstacles juridiques, je me rappelle que le premier ministre de la province, Gordon Campbell, nous l'avait dit très clairement. Il s'agissait d'un de ses leitmotivs. Il disait : « Il faut faire participer les Premières Nations d'un point de vue commercial afin qu'ils en retirent certains avantages ». Nous avons tous travaillé pour y arriver.
Et maintenant, c'est Chevron et Woodside, mais Encana, Apache et quelques autres entreprises participent depuis le tout début. Lorsque je suis devenu ministre et que tout cela a commencé, nous avons tout fait passer par un terminal d'importation pour être honnête. On a réalisé un processus environnemental afin d'en faire un terminal d'importation de GNL. Au bout du compte, en raison de ce qui s'est produit dans le nord-est de la Colombie-Britannique où il y a tout ce gaz naturel, c'est devenu un terminal d'exportation. La tendance est totalement renversée, et, en fait, la nation Haisla a fait beaucoup de travail pour y arriver.
Je suis heureux de voir que c'est en place et que c'est de bon augure. Comme vous avez dit, personne ne peut savoir s'il y aura un port de GNL ou non. C'est à d'autres personnes de prendre ces décisions, mais j'espère tout simplement que l'accord tiendra le coup.
Une autre chose se produit au sein du mouvement environnementaliste lorsqu'on a l'accord des Premières Nations. Les gens sont un peu moins réticents et sont moins prompts à dire qu'il faut tout laisser sous terre, ce qui nous aide beaucoup aussi dans le cadre de ces accords. Je suis tout à fait d'accord avec vos cinq principales leçons, et je crois que nous nous en tirerions beaucoup mieux si nous commencions à les appliquer à l'avenir.
Puisqu'il s'agissait de la première vraie tentative de faire approuver un gros projet, beaucoup d'erreurs ont été faites. Je le sais bien, mais nous avons appris de ces erreurs. De toute évidence, tout le monde a appris de ses erreurs : le gouvernement, les Premières Nations et, espérons-le le gouvernement fédéral.
C'est bien que vous soyez venu nous en parler. C'est bien que nous puissions décrire dans notre rapport comment il est peut-être possible de réaliser un grand projet. Vous parlez de milliards et de milliards de dollars en investissements de capitaux, ce qui n'inclut pas tout ce qui se produit sur le terrain lorsque les gens travaillent bel et bien et qu'ils peuvent assurer une bonne vie à leur famille et occuper des emplois permettant de subvenir à leurs besoins. Nous devrions tous être fiers de ce qui s'est produit ici.
Je n'ai pas de questions parce que je crois que vous avez fait de l'excellent travail.
M. Metcs : Merci.
Le sénateur Neufeld : Je sais bien que rien n'est parfait, mais nous en sommes venus à un bon accord. Je tiens à m'assurer que notre ancien premier ministre, M. Campbell, obtient du crédit pour certains des travaux qu'il a faits auprès des Premières Nations pendant son mandat.
Le sénateur Mercer : Je vous ai volé la citation. Je l'ai déjà gazouillée à quelques personnes.
Mme Ballard : Excellent.
Le vice-président : Je veux conclure en disant que je suis impressionné par ce plan directeur de la façon dont nous devrions travailler. Aidez-moi à bien comprendre. Est-ce qu'il y a quelque chose qui m'échappe? Attend-on seulement l'approbation de l'autorité fédérale pour aller de l'avant?
M. Metcs : En fait, c'est encore plus simple. Ils attendent. C'est une décision commerciale maintenant. D'après ce que nous comprenons, tous les permis nécessaires ont été octroyés. De toute évidence, l'accord avec les Premières Nations est conclu, et elles ont offert leur soutien.
C'est ironique, parce que tout est là, et, maintenant, les promoteurs se penchent sur l'aspect commercial. C'est vraiment eux qui ont maintenant le projet entre les mains. La décision ne relève plus de personne, c'est à Chevron et Woodside de déterminer s'ils peuvent trouver les acheteurs au prix dont ils ont besoin, comme le sénateur Neufeld l'a souligné, afin de faire les investissements de capitaux massifs nécessaires pour les travaux de construction. Ils peuvent le faire. Ils ont tous les outils et tous les permis nécessaires pour commencer demain s'ils le désirent.
Mme Ballard : Ce que Chevron et Woodside nous ont dit, c'est que, dans l'ensemble, ils attendent simplement que les marchés mondiaux s'améliorent, puis ils iront de l'avant. Si les marchés s'améliorent, ils prendront une décision finale en matière d'investissement. C'est ce que nous attendons actuellement, la décision finale en matière d'investissements.
Le vice-président : Nous devons trouver un acheteur sur le marché.
M. Metcs : Oui. Ils n'ont pas, comme c'est le cas dans certains autres projets de GNL, des acheteurs qui font partie du consortium de promoteurs. Ils cherchent des acheteurs, et le marché s'est retourné contre eux au cours des trois ou quatre dernières années. Je ne serais pas surpris qu'ils essaient d'inclure certains acheteurs dans leur groupe, mais ce sont des choses sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle.
Une des choses que nous avons dites clairement à Chevron, c'est que les nations du FNLP soutenaient le projet. C'est intéressant qu'ils veuillent que le projet aille de l'avant. On passe par un processus de négociation difficile, puis, une fois que les jeux sont faits, tout le monde se demande quand les travaux de construction vont commencer.
Chevron et Woodside nous assurent continuellement que, comme Alex l'a dit, ils veulent aller de l'avant, mais que c'est maintenant au monde des affaires et au milieu commercial de prendre la décision.
Le sénateur Black : Puisqu'il nous reste un peu de temps, pouvez-vous dire au comité où, selon vous, on en est rendu dans le cadre du projet de Petronas? Vous avez eu l'amabilité de nous dire où en était rendu le projet de Chevron. Selon vous, où en est rendu le projet de Petronas? Qu'attendons-nous du gouvernement du Canada au cours du prochain mois environ? Où en est rendu le projet de Shell ou le projet de GNL?
Mme Ballard : LNG Canada.
Le sénateur Black : Le projet de GNL de la Colombie-Britannique ou le projet de LNG Canada. Pouvez-vous nous fournir de l'information sur le sujet s'il vous plaît.
M. Metcs : Nous pouvons peut-être commencer par le projet de Shell. Comme vous le savez probablement, les corridors de pipeline de ces deux projets se chevauchent en grande partie. Je crois savoir que Shell a annoncé qu'elle mettait le projet sur la glace pour un certain temps.
Je ne veux pas éluder la question, mais je ne crois pas que nous soyons les bonnes personnes pour répondre. Il y a autant d'opinions que de personnes pour ce qui est du statut de ces projets. Selon moi, personne ne sait quelles décisions seront prises à part les promoteurs. Il a déjà été difficile pour nous de demander à Chevron de nous dire quels étaient ses plans. Nous n'allons probablement pas pouvoir vous fournir une réponse qui vous éclairera de quelque façon que ce soit.
Le sénateur Black : D'accord. Cependant, selon vous, qu'est-ce que notre comité pourrait faire — s'il y a quelque chose à faire — dans le cadre de ses travaux pour faire œuvre utile au moment d'intervenir auprès du gouvernement du Canada?
M. Metcs : Tout ce que je peux dire, et je suis sûr qu'Alex voudra aussi ajouter son grain de sel, c'est que, lorsque nous avons conclu l'accord en 2013, nous avons participé à beaucoup de conférences avec divers intervenants du monde entier. Une chose qui nous a vraiment surpris, c'est cette idée que rien ne peut se produire au Canada. Que c'est trop difficile. Les projets se retrouvent sur la pile des choses trop ardues. Nous avons vu qu'il y avait remarquablement peu d'information sur la nature des enjeux concernant les Premières Nations.
Puisque vous posez la question, nous avons eu l'occasion ici de dire que le FNLP est la preuve que les Premières Nations, l'industrie et les gouvernements peuvent s'entendre sur un projet majeur. C'est possible, ce n'est pas impossible. C'est quelque chose que le monde doit savoir.
Un intervenant de Corée a parlé d'un bourbier juridique. En tant que Canadiens, ce n'est pas quelque chose que nous voulons entendre. Pour ce que ça vaut, cet accord montre que c'est possible d'obtenir un accord général et le soutien des Premières Nations.
Mme Ballard : En ce qui a trait au soutien et au fait de promouvoir ce modèle à l'échelle nationale et internationale dans les marchés qui nous intéressent afin qu'on puisse exporter notre produit, il faut s'assurer que le modèle est bien connu et compris. Comme Rob l'a dit, ce n'est pas vrai que les Premières Nations disent toujours non.
Le vice-président : Merci beaucoup à vous deux d'avoir été là ce matin.
Honorables sénateurs, notre dernier témoin ce matin est M. George Heyman, membre de l'Assemblée législative de Vancouver—Fairview. Nous avons invité la première ministre, mais elle a malheureusement refusé. Nous avions aussi invité le chef de l'opposition, mais, en raison d'un conflit d'horaire, M. Heyman le remplace.
Monsieur Heyman, veuillez commencer votre exposé. Les sénateurs pourront ensuite vous poser des questions.
George Heyman, membre de l'Assemblée législative (Vancouver—Fairview) : Bonjour, monsieur le président, et bonjour mesdames et messieurs les sénateurs. Merci de m'avoir invité à vous parler du transport du pétrole brut. Comme vous le savez, je suis le porte-parole de l'environnement de l'opposition officielle de la Colombie-Britannique, le caucus néo-démocrate.
Notre caucus s'est toujours opposé à l'augmentation du trafic des pétroliers de brut le long de la côte de la Colombie-Britannique. Nous nous sommes opposés officiellement au pipeline d'Enbridge, de même qu'au projet d'expansion de Kinder Morgan dans le cadre de soumissions présentées à l'Office national de l'énergie et par l'intermédiaire de déclarations publiques.
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nous nous opposons à ces projets, mais, de façon générale, notre raisonnement est simple. Ces projets font courir de grands risques à l'économie et à l'environnement de notre province tout en apportant peu d'avantages.
Les déversements de pétrole brut, particulièrement le bitume lourd, sont une grande préoccupation pour les Britanno-Colombiens. Nous connaissons trop bien les risques que représentent les pétroliers pour nos côtes. Nous sommes situés trop près des côtes de l'Alaska qui ont été polluées par le déversement de l'Exxon Valdez pour faire fi des risques bien réels que représentent les déversements de pétrole pour notre environnement et notre économie.
Le tourisme est l'une des principales industries de notre province. Il génère plus de 14 milliards de dollars en Colombie-Britannique, de l'argent qui se retrouve dans les poches des petites entreprises et des collectivités aux quatre coins de la province. Notre image de marque touristique s'appuie très fortement sur notre environnement naturel spectaculaire.
Le tourisme n'est pas la seule industrie en Colombie-Britannique qui s'appuie beaucoup sur la santé de l'environnement. L'industrie des fruits de mer de la Colombie-Britannique génère des ventes de plus de 13 milliards de dollars par année.
Si un déversement ne touchait qu'une fraction de la valeur de ces industries, l'événement viendrait plus qu'effacer les avantages comparativement mineurs et à court terme offerts par la construction d'un pipeline de pétrole brut et le trafic de pétroliers dans notre province. Et cependant, les données probantes d'autres administrations donnent à penser que les dommages seraient bien pires.
Les déversements de pétrole n'affectent pas seulement la zone immédiate du déversement. Une étude du ministère du Tourisme a révélé que plus du quart des personnes qui planifiaient des vacances en Louisiane ont changé leurs plans après le déversement de Deepwater Horizon. L'industrie de la pêche là-bas a été touchée encore plus durement. Plus de la moitié des répondants croyaient que les fruits de mer de la Louisiane n'étaient plus salubres, même s'ils étaient pêchés à l'extérieur de la zone du déversement.
Les membres de la bande Gitga'at sur la côte centrale de la Colombie-Britannique ont pu constater de première main comment ne serait-ce qu'un petit déversement de produits raffinés peut contaminer les fruits de mer et d'autres aliments traditionnels. Lorsque le traversier Queen of the North a coulé près de l'île Gil, ils n'ont pas pu pêcher de fruits de mer et récolter d'algues dans la zone pendant des années. Cette expérience a aidé à renforcer leur opposition ferme au pipeline Northern Gateway d'Enbridge.
Laissons les déversements de côté. Un autre argument tout aussi convaincant contre l'expansion des pipelines de pétrole brut est le besoin de prendre des mesures immédiates, solides et systématiques pour limiter les changements climatiques. Nous constatons que la Colombie-Britannique et d'autres collectivités se démènent pour planifier un avenir où le niveau de la mer augmente, les tempêtes empirent, et les sécheresses sont plus courantes et plus prononcées.
L'année en cours est la plus chaude dans l'histoire de l'humanité. Il en est ainsi depuis des années, et tout indique que des années encore plus chaudes nous attendent. Nous constatons déjà des répercussions sur notre province. L'infestation du dendroctone du pin a laissé de grands pans de forêts mortes en Colombie-Britannique. Les retours de saumon rouge n'ont jamais été aussi bas que cette année sur le fleuve Fraser, et c'est probablement en partie en raison du réchauffement des eaux. Nous avons commencé à subir des sécheresses dans la vallée du Fraser, qui, combinées aux années de sécheresse au sud, menacent la sécurité alimentaire des Britanno-Colombiens.
Ni le gouvernement de la Colombie-Britannique, ni le gouvernement du Canada n'ont un plan crédible et complet pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Notre gouvernement a pris la parole devant la planète à Paris et a accepté de prendre des mesures immédiates, durables et importantes pour réduire les émissions de carbone, mais rien encore n'a été fait. L'expansion des pipelines de pétrole brut et l'importante augmentation de la production de pétrole brut nécessaire pour rendre ces projets rentables d'un point de vue économique vont à l'encontre de nos engagements déclarés de mettre fin aux changements climatiques, qui, soit dit en passant, sont hors de contrôle. Sans un plan d'action national clair sur les changements climatiques, comment pouvons-nous savoir combien de carburant fossile peut être produit tout en respectant nos engagements internationaux et nos engagements à l'égard de nos enfants et de leurs enfants?
Les gens de la Colombie-Britannique croient au changement climatique et considèrent qu'il s'agit d'une réelle menace pour notre avenir économique et social. Nous voulons faire partie de la solution. Il n'est guère étonnant que le projet de pipeline de Kinder Morgan se heurte à une forte opposition de nombreuses collectivités locales et de nombreuses Premières Nations touchées directement.
Le territoire traditionnel de la nation Tsleil-Waututh, les gens de la baie, est l'épicentre du projet d'expansion de Kinder Morgan. La nation Tsleil-Waututh s'oppose férocement au projet en raison de la menace qu'il fait peser sur l'environnement marin et ses terres traditionnelles. Son évaluation du projet conclut qu'il augmenterait les répercussions négatives cumulatives dans la baie Burrard, minerait sa capacité de pouvoir à nouveau pêcher et manger des produits marins abondants et salubres et mettrait en péril ses initiatives économiques modernes, comme des projets immobiliers, le tourisme culturel et d'autres initiatives commerciales.
Dans un même ordre d'idées, la nation Squamish, dont le territoire traditionnel inclut des parties de la baie Burrard, de la baie Howe et de la baie English, ont présenté une contestation judiciaire à l'égard de la décision de l'Office national de l'énergie de recommander l'approbation du projet de Kinder Morgan. Le chef, Ian Campbell, a déclaré que la possibilité d'un déversement en raison du trafic accru de pétroliers dans la baie Burrard pose de grands risques aux activités traditionnelles maritimes et de pêche de sa bande.
Les maires de Vancouver, Burnaby, New Westminster, la Ville de North Vancouver, Victoria, Squamish et Bowen Island ont émis une déclaration de non-confiance à l'égard de l'examen du projet réalisé par l'Office national de l'énergie en raison des perceptions que l'issue du processus était établie d'avance. Ces perceptions étaient fondées sur la capacité limitée de témoigner publiquement, le refus de permettre le contre-interrogatoire des témoins de l'industrie, ce qui a permis à Kinder Morgan de ne pas communiquer ses plans d'intervention en cas de déversement et le refus de répondre aux importantes demandes de renseignements des autorités locales et du gouvernement provincial.
L'opinion selon laquelle le processus de l'ONE n'était pas légitime est partagée par de nombreux résidants des côtes de la Colombie-Britannique et n'est pas améliorée par des examens comme celui-ci, où la question consiste à déterminer comment obtenir l'approbation de la population pour construire des pipelines de pétrole brut jusqu'à la côte et non s'il faut construire des pipelines de pétrole brut jusqu'à la côte. C'est une distinction importante.
Toute consultation dont le résultat est connu d'avance ne réussira pas à obtenir l'approbation sociale. Si l'objectif d'un examen est la construction du pipeline et non de déterminer si le projet est vraiment dans l'intérêt du public, alors, bien sûr, le public n'acceptera pas les recommandations finales, qu'elles soient formulées par l'Office national de l'Énergie, le ministère de l'Environnement ou tout autre organisme. Pour que les processus soient crédibles, l'issue ne doit pas être établie d'avance, et la structure du processus en tant que tel ne doit pas être par nature biaisée.
Lorsque de nombreuses collectivités et Premières Nations refusent de donner leur permission, toute tentative pour forcer la réalisation de ces projets aura seulement pour effet de renforcer la détermination des personnes qui défendent une économie moderne moins axée sur le carbone et un environnement sain.
En l'absence d'un plan national crédible de réduction des gaz à effet de serre, les efforts continus pour permettre l'expansion de l'infrastructure du pétrole brut sont peu susceptibles d'obtenir une approbation sociale générale dans la province. Les Britanno-Colombiens croient qu'il faut s'attaquer aux changements climatiques avec des plans concrets. Nous croyons que les avantages d'un environnement sain l'emportent sur les petits avantages qu'on peut peut-être tirer de l'expansion des exportations de pétrole dans nos eaux.
Le sénateur Mercer : Pour commencer, merci de nous avoir présenté votre exposé. Je suis un peu mystifié. Revenons un peu en arrière. Je comprends très bien votre préoccupation pour l'environnement. Je suis tout particulièrement préoccupé et particulièrement intéressé par l'engagement de longue date des Britanno-Colombiens à l'égard de l'environnement et je le soutiens. Le soutien environnemental n'est pas quelque chose qui vient tout juste d'être inventé la semaine dernière dans la baie Burrard. Il existe depuis longtemps, et j'y suis favorable.
La Colombie-Britannique est une province riche. Elle fait partie des provinces les plus riches du Canada. Même une personne qui n'est pas favorable à l'utilisation des hydrocarbures doit admettre que l'extraction des hydrocarbures en Alberta et en Saskatchewan, plus particulièrement, ainsi qu'à Terre-Neuve-et-Labrador stimule l'économie du pays depuis un certain nombre d'années.
Cette industrie a généré des emplois. Elle a généré des impôts. Elle a permis aux gouvernements — pas seulement en Alberta et en Saskatchewan, mais aussi au gouvernement d'Ottawa — de faire certaines choses dans l'ensemble du pays, y compris en Colombie-Britannique. Nous devons reconnaître que nous possédons les troisièmes ressources gazières et pétrolières dans le sol en importance au monde.
Cela dit, et pour mettre les choses dans le contexte de votre objection à tout transport de gaz et de pétrole à partir de la côte de la Colombie-Britannique, nous sommes pris en otage par un client. Ce matin, j'ai utilisé auprès d'un autre témoin l'histoire de l'ouverture d'un Starbucks, au coin de la rue, ici, s'il y avait de la place. Il y a probablement un Starbucks aux trois autres coins de la rue. Si j'ouvrais un Starbucks au coin et que j'avais un client qui m'achetait assez de café pour que je puisse maintenir mon commerce en activité, ce client pourrait me demander tout ce qu'il veut, car je lui serais redevable.
Nous sommes dans cette situation. Nous avons un client, et nous avons un produit exceptionnel que le monde veut. Le fait que nous voulions que le monde en veuille ou que nous pensions que nous devrions continuer d'utiliser les hydrocarbures pour la production d'énergie, entre autres, est un argument secondaire. Nous avons une responsabilité envers les Canadiens d'aider à offrir un environnement où ils ont accès à des emplois et où nous recueillons suffisamment d'impôts pour pouvoir leur fournir des services.
Dans ce contexte, comment proposeriez-vous que nous traitions les hydrocarbures qui se trouvent dans le sol de l'Alberta, de la Saskatchewan, de Terre-Neuve-et-Labrador et de certaines parties de ma province, la Nouvelle-Écosse?
M. Heyman : Merci d'avoir posé cette question réfléchie. Je veux préciser clairement que la santé générale de l'économie du Canada — de même que la santé économique des Albertains, en particulier, dans ce cas-ci — n'est pas sans intérêt ou sans importance pour moi-même, pour le chef de l'opposition néodémocrate de la Colombie-Britannique ou pour notre caucus.
Laissez-moi tout d'abord répondre en disant que j'ai tenté de présenter dans une période de sept minutes des observations axées sur les questions que vous aviez posées. La question clé — à ce que j'ai pu comprendre —, c'est comment le gouvernement fédéral pourrait aider à faciliter l'approbation sociale face aux infrastructures de transport du pétrole brut telles que les pipelines et à améliorer la confiance du public à l'égard du processus relatif aux pipelines.
Au lieu d'aborder des situations hypothétiques, j'ai abordé les deux propositions qui ont été faites en Colombie-Britannique, mais surtout le Northern Gateway d'Enbridge, principalement parce qu'il semblerait que, compte tenu des décisions du gouvernement fédéral actuel, ce projet est peu susceptible d'être mis en œuvre. Il est assez difficile d'imaginer la construction de l'oléoduc si la circulation de navires-citernes est interdite dans le nord de la côte. Kinder Morgan est bien vivante et attend une décision du gouvernement fédéral.
Je me suis concentré sur ce que mon caucus et moi pensions être les enjeux cruciaux. Nous avons été assez constants à cet égard. Tout d'abord, je ne m'attends pas ce que l'utilisation des hydrocarbures ou des combustibles fossiles disparaisse demain. J'espérerais que la plupart d'entre nous croient que, d'ici 30 ans, l'économie énergétique du monde sera très différente. Si ce n'est pas le cas, je pense que nous serons non seulement dans un pétrin environnemental important, mais aussi dans une situation économique difficile. Quiconque a vu les centaines de millions de dollars utilisés pour combattre les incendies de forêt, les effets de la sécheresse sur l'approvisionnement alimentaire ou le déplacement dans l'hémisphère sud d'habitants d'îles qui sont rapidement inondées, comprend qu'il s'agit non seulement de crises humanitaires, mais de difficultés économiques très importantes pour le monde, et en particulier pour le Canada.
Même si je comprends que l'argent qui est consacré à l'amélioration ou à l'atténuation de ces conséquences n'est pas pris en compte dans le produit intérieur brut, la plupart d'entre nous préférerions voir dépensé et pris en compte dans le produit intérieur brut de l'argent qui est en fait productif et non pas correctif.
Pour revenir aux deux propositions, il s'agit de propositions — comme je l'ai dit — qui ont fait l'objet d'une opposition importante de la part des Britanno-Colombiens et d'un grand nombre de Premières Nations — pas de toutes. Je veux que ce soit clair. Je ne suis pas là pour parler au nom des Premières Nations, mais je n'ai aucun scrupule à citer des nations directement touchées dans le sud et le nord de la côte, qui ont fait connaître leur point de vue.
L'opposition tenait aux menaces graves qui pèsent non seulement sur notre environnement, mais sur l'économie et le mode de vie de la Colombie-Britannique; et, dans le cas de ces nations autochtones, sur leur mode de vie traditionnel, leur récolte alimentaire traditionnelle et certaines des possibilités économiques qu'elles recherchent et qui ne dépendent pas de la conclusion d'ententes sur les répercussions et les avantages avec les entreprises d'hydrocarbures.
Ensuite, j'ai parlé du processus en soi avec des représentants de Kinder Morgan. Honnêtement, si quelqu'un voulait concevoir un processus qui n'obtiendra assurément pas l'approbation sociale, il s'agirait d'une assez bonne étude de cas concernant le fait de limiter la capacité des gens de témoigner... Leur enlever la capacité de poser des questions, refuser de publier de l'information que l'entreprise avait publiée dans l'État de Washington parce que la loi de cet État l'obligeait à le faire — c'était peut-être une loi des États-Unis, il faudrait que je vérifie cela —, ne pas le faire au Canada parce qu'il n'y avait aucune obligation juridique de publier des détails de son plan d'intervention en cas de déversement, publier de l'information sur des avantages économiques que de nombreux économistes ont remis en question, et prétendre qu'elle serait dotée de plans d'intervention de calibre mondial en cas de déversement, alors que de nombreuses personnes affirment ne pas savoir si cela est vrai parce qu'elles ne peuvent pas voir les plans de l'entreprise et que le bitume dilué, c'est du pétrole lourd qui coule très rapidement, et qu'elles ne connaissent aucun plan d'intervention efficace en cas de déversement de ce produit...
D'une part, nous avons l'économie de l'Alberta et la contribution importante qu'elle a apportée à la Colombie-Britannique. D'autre part, nous avons l'économie de la Colombie-Britannique et son mode de vie. Des menaces importantes sont perçues par de nombreux Britanno-Colombiens, menaces qui, selon le gouvernement de la Colombie-Britannique lui-même — pas seulement l'opposition —, n'ont fait l'objet d'aucune réponse de la part de Kinder Morgan ou du processus de l'ONE; par conséquent, ils n'ont pas approuvé le projet.
Pour revenir à votre question, je m'attends à ce que nous utilisions les combustibles fossiles pour un certain temps. Je sais que, plus tôt, vous avez entendu parler du gaz naturel liquéfié. Il s'agit de l'une des nombreuses choses qui pourraient jouer un rôle dans la transition vers un avenir à faibles émissions de carbone, qui, je l'espère, correspondra aux engagements qui ont été pris à Paris.
Afin de trouver la place qu'occuperont les ressources pétrolières de l'Alberta ou d'autres ressources d'hydrocarbures du Canada dans une économie globale et d'obtenir un plan social qui peut vraiment nous permettre d'atteindre des cibles d'émissions réduites, nous devons avoir un plan, mais nous n'en avons pas.
L'argument crucial que je tente de formuler, c'est que, si nous disposions d'une évaluation digne de confiance et d'un plan d'action climatique qui exposait les mécanismes permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre au fil du temps dans le but de respecter les engagements qui ont été pris par le gouvernement fédéral et le premier ministre de la Colombie-Britannique pour 2050, nous pourrions voir comment nous pouvons intégrer l'extraction et la production pétrolière dans cette économie, quelle serait la place du gaz naturel dans cette économie et quelles mesures sont nécessaires pour éliminer toute menace importante pour d'autres parties de l'économie pouvant découler de déversements. Je ne peux pas formuler de commentaires sur des situations hypothétiques et déterminer si tout projet pouvait répondre au dernier critère, car nous ne l'avons pas vu. Ce que nous avons vu, ce sont deux propositions qui, selon mon caucus, de nombreux autres Britanno-Colombiens et moi-même, ne répondaient tout simplement pas à ces critères.
Le sénateur Mercer : Je pense qu'aucun d'entre nous ne serait en désaccord avec vous ou avec d'autres personnes qui parlent de la réduction de l'utilisation des hydrocarbures et des répercussions des gaz à effet de serre, entre autres. Le sénateur MacDonald et moi-même venons de la Nouvelle-Écosse. Nous pouvons témoigner du fait que, pour la première fois de mon vivant, lundi dernier, la ville de Halifax a imposé des restrictions relatives à la consommation d'eau en raison de la sécheresse que nous avons connue cet été. En tant que vice-président du comité de l'agriculture, je suis extrêmement préoccupé par les effets de cette sécheresse.
Toutefois, les changements qui, selon vous, doivent avoir lieu ne se produisent pas aussi rapidement. Nous ne devons pas oublier qu'en 2050, il y aura de 9 à 9,6 milliards de personnes sur la planète. Notre capacité de fournir de la nourriture, de fournir de l'énergie, d'assurer un certain genre de durabilité à ces 9,6 milliards de personnes est d'une importance cruciale, non seulement pour leur santé, mais, à mon avis, pour la stabilité du monde. Comme les gens qui ont faim sont des personnes en colère et qu'ils sont disposés à se battre, je suis d'avis que la sécurité du monde est en jeu.
Nous devons trouver un moyen de contourner cette situation. Je sais que vous avez formulé un commentaire concernant les projets précis sur lesquels nous nous penchons actuellement, mais vous ne pouvez pas fonctionner de façon isolée, monsieur. Je pense que nous devons trouver un moyen de le faire.
Je suppose que je pourrais vous demander quelle serait votre opinion sur le projet Énergie Est, la proposition de prolonger l'oléoduc qui existe déjà jusqu'au Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec. Le sénateur MacDonald et moi-même vous dirions qu'il devrait être prolongé jusqu'en Nouvelle-Écosse. Il ne devrait pas aboutir au Nouveau-Brunswick. Quelle est votre position à l'égard de cette proposition?
M. Heyman : Je n'ai pas d'opinion sur Énergie Est, car ce pipeline ne passe pas par la Colombie-Britannique, mais, si j'étais forcé d'en avoir une, je dirais probablement que le pipeline Énergie Est et d'autres propositions doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale complète, ouverte, transparente et indépendante à l'égard de laquelle le public aurait confiance et dans le cadre de laquelle un contre-interrogatoire serait permis, des témoins seraient permis, les données scientifiques indépendantes seraient respectées et évaluées au cas par cas, du point de vue de leurs avantages généraux et de toutes conséquences négatives que pourrait présenter le projet et de la possibilité que ces conséquences puissent être atténuées.
Je ne prête pas beaucoup attention à Énergie Est, car je suis un membre élu de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, mais je ne vais pas adopter une position générale selon laquelle nous ne devrions pas transporter de pétrole ou exploiter les ressources pétrolières. Ce que j'ai dit, c'est que ce devrait s'inscrire dans un plan de réduction et une stratégie de transition climatique à long terme.
Je veux que les choses soient claires. Je ne souhaite pas — et ce n'est certainement ni le désir ni la position de mon caucus — dire que, si les gens travaillent dans l'industrie pétrochimique ou dans le domaine de l'extraction des combustibles fossiles, c'est tant pis pour eux, ils devraient perdre leur emploi. Il ne s'agit bien sûr pas de ma position. Ce n'est pas la position de mon caucus. Il ne s'agit pas de la position des environnementalistes responsables avec qui je parle.
Ce que disent les gens, c'est, établissons la vision à long terme de la façon dont nous allons nous attaquer aux changements climatiques. Au lieu de nous contenter de formuler des vœux pieux, voyons dans quelle mesure nous allons nous développer, où se trouvent les meilleurs marchés et s'il y a des possibilités d'ajouter de la valeur à la ressource. En Colombie-Britannique, au moins deux propositions de raffinerie et de transport sont conçues pour dissiper bon nombre des préoccupations que les gens ont soulevées. Je ne sais si elles sont viables, mais je pense qu'elles méritent d'être étudiées et soumises au genre de processus d'évaluation environnementale que j'ai décrit. Voilà la meilleure réponse que je puisse vous donner.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie de cette réponse.
Voici ma dernière question : le problème avec la politique, c'est qu'on peut siéger et, comme vous l'avez fait très clairement, décrire sa position. Au bout du compte, l'homme ou la femme qui occupe le fauteuil du patron — dans ce cas-ci, le premier ministre — doit prendre une décision. Cette décision n'attend pas. Elle n'attend pas la conception d'une nouvelle technologie pour les automobiles ou pour la génération d'énergie, et cetera. Elle est immédiate parce que la réalité, c'est que le retour des choses est très réel pour lui ou pour elle à tous les quatre ans.
Comme vous le savez, la révision des postes est parfois cruelle. Elle l'est parfois en politique parce qu'elle touche la vie des gens. Nous sommes dans une situation où une décision doit être prise.
Je m'excuse. Je suis parti dans un laïus interminable, et je n'ai pas posé de questions, monsieur le président, alors, maintenant, je passe mon tour.
Le sénateur Black : Merci beaucoup, de votre présence. Je vous remercie de votre contribution à l'égard du public de la Colombie-Britannique.
Nous avons eu l'avantage de mener cette étude pendant deux ou trois mois. Nous venons tout juste de terminer une bonne journée à Edmonton, et une autre, à Calgary. Nous avons obtenu certains renseignements que j'aimerais vous répéter, et que vous pourriez peut-être commenter.
En tant qu'intervenant, j'ai été désavantagé par le fait que je suis avocat et que, par conséquent, je tends à m'en tenir aux faits. Je vous exhorterais à vous en tenir aux faits.
Notre source relativement au projet de Kinder Morgan est l'Alberta Enterprise Group, c'est-à-dire le groupe qui représente les entreprises du nord de l'Alberta œuvrant dans la production d'énergie. Je réagis à votre commentaire — votre citation —, où vous avez affirmé que Kinder Morgan n'offrait aucun avantage économique à la Colombie-Britannique.
M. Heyman : Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Le sénateur Black : Veuillez clarifier ce que vous avez dit.
M. Heyman : J'ai dit que les risques dépassent largement cet avantage économique relativement modeste, et je pense que le président a une copie de ma déclaration écrite.
Le sénateur Black : Très bien. Je pensais aussi en avoir une. Ça va. Vous pensez que l'avantage économique est modeste, alors il pourrait simplement s'agir d'un problème de définition.
Les représentants de Kinder Morgan nous disent que 9 000 emplois seront créés chaque année durant la période de construction et que, au cours de sa durée de vie, le projet générera 250 millions de dollars d'avantages fiscaux, et ce ne sont que les avantages fiscaux pour le gouvernement. Est-ce là ce que vous considérez comme un avantage financier modeste pour votre province?
M. Heyman : Si vous m'accordez un instant, je veux regarder certains de mes documents contextuels qui remettaient en question certains de ces...
Le sénateur Black : Certainement.
M. Heyman : Les voici. Je ne connais pas bien les groupes que vous avez rencontrés. Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner leurs documents, mais on me dit que, selon les estimations de Kinder Morgan, le prolongement du pipeline générerait entre 18,2 et 22,1 milliards de dollars en effets directs, indirects et induits pour le PIB et jusqu'à 4,5 milliards de dollars en recettes gouvernementales.
Toutefois — et il faudrait que j'obtienne cette étude, ou bien il faudrait que vos chercheurs l'obtiennent —, des chercheurs de l'Université Simon Fraser sont arrivés à une autre conclusion. Leur conclusion, c'était que l'entreprise avait surestimé les avantages financiers prévus du projet et qu'il pourrait en fait s'agir d'un coût net, pas d'un avantage économique pour le Canada.
Il s'agit là de deux points de vue très extrêmes, et, en fait, ni l'un ni l'autre n'est peut-être complètement exact, mais dire que les chiffres présentés par le groupe que vous avez entendu en Alberta sont exacts... Je pense qu'ils devraient être soumis à un examen, tout comme ceux des chercheurs de Simon Fraser.
Le sénateur Black : Bien sûr. Les chiffres qui ont été présentés par le groupe d'Edmonton étaient en fait ceux du Conference Board du Canada. C'est ce qu'on nous a dit : qu'il y avait en fait un avantage économique important pour la Colombie-Britannique. Nous pouvons nous en tenir en cela.
En ce qui concerne les activités actuelles de Kinder Morgan, je crois savoir que l'entreprise travaille au mont Burnaby depuis 30 ou 40 ans, depuis longtemps. Avez-vous des données probantes qui vous permettent de laisser entendre qu'il y a déjà eu un déversement, un déversement de pétrole?
M. Heyman : De fait, un déversement terrestre a eu lieu à Burnaby il y a un certain nombre d'années. Il est aussi question d'une augmentation très importante de la circulation de navires-citernes. Je pense que c'est sept fois plus.
Le sénateur Black : J'en suis conscient, mais ce n'est pas ma question. Ma question est la suivante : êtes-vous au courant d'un déversement de pétrole maritime de cette installation qui aurait lieu au cours de la vie de l'installation? On me dit qu'il n'y en a eu aucun.
M. Heyman : Je ne suis pas au courant.
Le sénateur Black : Merci. Seriez-vous d'accord avec la déclaration faite par l'Association canadienne de pipelines d'énergie et par d'autres intervenants selon laquelle le bilan de sécurité des pipelines au Canada est documenté à 99,9 p. 100?
M. Heyman : Je ne peux ni être d'accord ni être en désaccord, car je n'ai effectué aucune recherche à ce sujet.
Le sénateur Black : Si c'était le cas, je suis certain que vous seriez d'accord pour dire qu'il s'agit d'un assez bon bilan.
M. Heyman : Il faudrait que je me penche sur les répercussions de la défaillance qui a eu lieu parce que, manifestement, si le bilan n'est pas 100 p. 100, il y a eu une défaillance. Il faudrait également étudier la défaillance de pipelines dans d'autres provinces, notamment ceux qui sont gérés par Kinder Morgan et dont cette entreprise est responsable.
Si je pouvais revenir sur votre argument précédent au sujet des déversements de pétrole maritimes, non seulement l'augmentation de la circulation des navires-citernes sera importante, mais il y aura aussi une augmentation importante de la taille des navires-citernes, et tout cela influe sur l'analyse du risque.
Le sénateur Black : Je conviens qu'il s'agit d'une préoccupation légitime. Je suis d'accord avec vous. J'essaie simplement d'aborder la question sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui. Je pense que vous souscririez à mon opinion selon laquelle il doit bien y avoir une des 200 — je ne sais pas combien il y en a — conditions qu'a imposées l'Office national de l'énergie à Kinder Morgan qui vise à régler ce problème. Seriez-vous d'accord avec cela?
M. Heyman : Viser à régler un problème et le régler vraiment et efficacement sont deux choses très différentes.
Le sénateur Black : Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire que, vu les conditions qu'a imposées l'ONE à Kinder Morgan, l'entreprise a dissipé cette préoccupation au meilleur de sa capacité à ce moment-là.
M. Heyman : Laissez-moi vous répondre peut-être d'une façon que vous n'aimerez pas. Plus tôt, nous avons un peu discuté de l'avantage économique net pour la Colombie-Britannique. C'est en supposant que les risques que j'ai décrits pour la pêche, pour les possibilités économiques des Premières Nations ainsi que pour l'économie touristique de la Colombie-Britannique, et plus particulièrement l'économie touristique de la vallée du bas Fraser... Je n'ai même pas mentionné l'environnement dans ces considérations, les préférences ou les choix de vie des gens qui vivent ici. Tout cela pourrait être mis à risque par un déversement qui n'a pas été contenu suffisamment.
Alors, laissez-moi vous demander : en supposant qu'il n'y ait eu qu'un seul accident important causé par un navire-citerne et qu'il ait déversé du bitume dilué, connaissez-vous un endroit dans le monde où l'efficacité d'un nettoyage de bitume dilué — c'est-à-dire du pétrole lourd qui, on le sait, coule très rapidement, puis circule avec les courants sous-marins — a été démontrée? Il ne s'agit pas du pétrole que nous avons vu transporté dans d'autres régions.
Le sénateur Black : Je reconnais que c'est là le risque qui préoccupe non seulement les Britanno-Colombiens, mais aussi les Canadiens. Il s'agit d'un enjeu canadien. Nous reconnaissons ce risque, et il nous préoccupe.
En ce qui concerne la préoccupation légitime que vous avez au sujet des changements climatiques et de la protection non seulement de ce bel environnement, mais aussi du magnifique environnement du Canada, il s'agit d'une préoccupation que nous partageons également, et, encore une fois, elle n'est pas l'apanage des gens qui vivent à Vancouver. Nous partageons ces préoccupations à l'égard de l'environnement.
Je crois savoir que le Canada produit moins de 2 p. 100 du pétrole et du gaz du monde et que sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre mondiales est inférieure à 0,5 p. 100.
Je suis toujours désemparé lorsque je tiens ces conversations avec les gens. Même si nous voulons faire mieux et que nous voulons en faire plus, si nous arrêtions l'exploitation de nos ressources demain et que nous déménagions dans des grottes, dans les Rocheuses, nous n'apporterions pas de changements importants en ce qui a trait à ces problèmes mondiaux. Êtes-vous d'accord ou non?
M. Heyman : Je ne suis pas d'accord. Tout d'abord, laissez-moi me répéter. Je pense m'être exprimé clairement. Je ne propose pas que nous déménagions dans des grottes dans les Rocheuses ou que nous arrêtions l'exploitation de nos ressources pétrolières immédiatement.
Le sénateur Black : Le résultat de votre exposé, c'est qu'il s'agit de la seule conséquence possible. Ce n'est pas négociable. Accepter votre point de vue, c'est arrêter l'exploitation des ressources de l'Alberta. Il n'y a aucun autre moyen de les acheminer vers les marchés.
M. Heyman : C'est votre point de vue. Je ne vais pas y adhérer.
Le sénateur Black : Non, très bien.
M. Heyman : Alors, la réponse à votre question, c'est que je pense qu'il ne s'agit pas d'une préoccupation au sujet des changements climatiques qui touche uniquement la Colombie-Britannique, Vancouver ou le Canada. Il s'agit d'une préoccupation mondiale.
Le sénateur Black : Comme il se doit.
M. Heyman : Nous nous sommes engagés à faire notre part.
Le sénateur Black : Et nous la faisons.
M. Heyman : Je contesterais cette affirmation. Je dirais que nous ne la faisons pas encore, et, enfin, j'affirmerais que le leadership suppose que nous fassions notre part, que nous agissions tôt et que nous dressions des plans qui montrent comment la transition économique peut avoir lieu sur une période donnée grâce à la planification. Ainsi, nous pourrions créer des emplois aujourd'hui ainsi que divers emplois pour les enfants qui sont d'âge scolaire aujourd'hui et divers emplois, encore une fois, pour leurs enfants, tout en jouant un rôle de chef de file pour d'autres pays dans le reste du monde. Je dirais que certains pays d'Europe et d'ailleurs le font déjà. Au Canada et en Colombie-Britannique, nous avons diverses occasions à saisir, mais nous devons également faire preuve de leadership.
Le sénateur Black : Et vous seriez d'accord avec moi pour dire que la province de l'Alberta joue un rôle de chef de file dans le contexte nord-américain en s'efforçant de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
M. Heyman : Je pense que le gouvernement de l'Alberta a pris certaines mesures courageuses dans le contexte économique et culturel de l'Alberta afin de s'attaquer...
Le sénateur Black : D'un point de vue statistique, il est le chef de file en matière de programmes.
M. Heyman : Je suis désolé. En matière de?
Le sénateur Black : Par rapport à ce que d'autres gouvernements ont fait partout en Amérique du Nord, grâce à ses plans, ses politiques et son imposition de taxes et de mesures de contrôle des émissions, l'Alberta est le chef de file de l'Amérique du Nord.
M. Heyman : Pour l'instant.
Le sénateur Black : Oui, pour l'instant.
M. Heyman : Oui, je ne contesterais pas cette affirmation.
Le sénateur Black : Oui. J'ai une dernière question à vous poser. Je suis très préoccupé au sujet de votre attaque relativement gratuite contre l'ONE. En tant que représentant élu, vous comprenez l'importance que jouent les institutions relativement à notre stabilité. Vos propos qui laissaient entendre que vous aviez regardé le processus se dérouler pendant des mois avant de conclure que le processus d'évaluation par l'ONE de ce projet particulier était fondamentalement lacunaire et boiteux, est-ce seulement parce que vous n'avez pas obtenu les résultats que vous vouliez?
M. Heyman : Non, et il n'y a pas que moi-même ou notre caucus qui ayons adopté cette position. De nombreux experts, universitaires et chercheurs en matière d'énergie qui, au départ, avaient demandé à comparaître devant l'ONE se sont retirés parce qu'ils ont affirmé que le processus était biaisé. Il s'agissait d'un processus qui ne permettait pas un contre-interrogatoire approprié. De fait, je pourrais fouiller là-dedans, mais je pense que cette série d'audiences particulières pourrait avoir été la première en quelque 20 ans qui n'ait pas permis de contre-interrogatoire. Il faudrait que je vérifie cela.
Le sénateur Black : Dans ce cas...
M. Heyman : S'il vous plaît, laissez-moi terminer. Le processus manquait de transparence. Il n'y avait pas le genre d'ouverture qui aurait pu assurer à la Colombie-Britannique ou aux Premières Nations que l'office était prêt à écouter ce qu'ils avaient à dire ou à remettre en question les études et les prises de position des promoteurs. On a laissé extrêmement peu de temps au public pour réagir à des milliers de pages de documentation.
D'abord, je ne crois pas avoir attaqué l'Office national de l'énergie ni son processus. Je l'ai remis en question. Je crois qu'il n'est pas adéquat, qu'il n'est pas impartial, qu'il est déficient. Je ne suis pas le seul à croire cela. Une grande partie de la population de la Colombie-Britannique partage mon avis, à l'instar d'un grand nombre d'experts qui ont mené à maintes reprises ce genre d'examen.
Le sénateur Black : Si les faits le justifient, je vous encouragerais simplement, vous et vos collègues qui partagent votre opinion, à obtenir un recours judiciaire pour déni de justice naturelle. Vous disposez de ces recours, mais je ne crois pas qu'il est approprié de critiquer les institutions qui s'efforcent de faire le meilleur travail possible pour les Canadiens. Merci beaucoup.
M. Heyman : Avec tout le respect que je vous dois, je crois avant tout que le processus prête le flanc à une contestation judiciaire des Premières Nations. Je crois qu'il est du devoir des politiciens de remettre en question la transparence et le bien-fondé de toute série d'audiences ou d'enquêtes gouvernementales et de proposer d'autres solutions. C'est ce que nous avons fait, et ce que nous allons continuer à faire.
Le sénateur Black : Merci beaucoup, monsieur.
Le sénateur Neufeld : Merci, monsieur Heyman, de votre témoignage. Le sénateur Black a déjà posé certaines de mes questions. Pouvez-vous me dire pendant combien de temps le naufrage du traversier que vous avez mentionné a restreint les activités de pêche dans cette région? Je n'étais pas au courant de ces statistiques, et vous serez peut-être en mesure d'apporter un peu de lumière.
M. Heyman : Je n'ai pas de chiffres précis. Quelques années s'étaient déjà écoulées après le naufrage quand j'ai visité la Première Nation Gitga'at de Hartley Bay. Cela n'avait rien à voir avec un déversement de pétrole brut. Il s'agissait du carburant qui se trouvait dans le traversier au moment où il a coulé.
Les membres de la nation ont parlé de leur incapacité... du fait qu'une partie des tests qui ont été faits ont rendu les produits de la mer dangereux à consommer. Je ne sais plus combien de temps exactement, mais je crois que cela a duré quelque temps. Si je me souviens bien, j'étais à Hartley Bay en 2012.
Le sénateur Neufeld : Et quand le naufrage a-t-il eu lieu, déjà?
M. Heyman : Je crois que c'était en 2010, mais je vais devoir revérifier. C'est une information facile à trouver.
Le sénateur Neufeld : Oui, j'imagine. Je souhaiterais découvrir les faits sur ce qui s'est vraiment passé.
M. Heyman : Étiez-vous au courant de l'incident?
Le sénateur Neufeld : Oui, bien sûr. Je vis en Colombie-Britannique. Oui, j'étais au courant. Je vais obtenir les faits. Je vais demander à mon équipe de les chercher.
Corrigez-moi si je me trompe — je reformule ici —, vous avez dit que si le Canada et la Colombie-Britannique avaient une vision à long terme en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre, alors vous seriez un peu plus en faveur du pipeline de l'Alberta vers la Colombie-Britannique.
Ai-je bien compris? Seriez-vous toujours contre s'il y avait quelque chose que votre parti et vous jugiez concret? Que ce soit une réelle possibilité ou non, vous croyez que c'est une nécessité. Si vous étiez au gouvernement et que vous mettiez quelque chose en place, seriez-vous prêt ensuite à accepter le pipeline?
M. Heyman : Vous avez mal compris. Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il était difficile de traiter de questions hypothétiques. J'ai dit que l'un des facteurs qui devraient faire partie d'une évaluation environnementale fiable d'un projet de pipeline, d'une raffinerie ou d'une façon de déplacer le pétrole brut autre que celle en vigueur serait une évaluation de l'impact sur les gaz à effet de serre et sur les changements climatiques. S'il y avait un plan à partir duquel on pouvait évaluer ce genre de choses, alors le contexte d'évaluation environnementale pour un projet donné serait différent.
Serais-je en accord avec l'une ou l'autre de ces propositions? J'ai mentionné les changements climatiques parmi d'autres facteurs, des facteurs très importants. Il faudrait qu'il y ait un autre projet, avec des composantes différentes et des impacts différents qui devraient faire l'objet d'une évaluation environnementale indépendante axée sur des données scientifiques sans traiter des questions hypothétiques.
Si vous me demandez si mon gouvernement ou moi-même n'approuverions jamais un projet de pipeline, alors non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'est pas le but de mon témoignage ni des autres mémoires. En ce qui concerne les autres intervenants que nous avons entendus, les deux que nous avons entendus, vous connaissez notre position et savez qu'elle est fondée sur un certain nombre de facteurs, dont les changements climatiques.
Le sénateur Neufeld : D'accord, vous dites que vous ne pouvez pas...
M. Heyman : C'est un facteur important parmi d'autres.
Le sénateur Neufeld : Oui, c'est vrai. Vous dites qu'il est difficile de traiter de questions hypothétiques, et je suis d'accord avec vous. Il serait aussi hypothétique de dire qu'un déversement peut arriver. Nous n'en sommes pas sûrs. Nous supposons simplement, j'imagine, qu'il y aura un déversement.
M. Heyman : Ce que vous dites serait exact si c'était bien ce que j'avais dit. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y a une possibilité et un facteur de risque.
Le sénateur Neufeld : Oui.
M. Heyman : J'ai ensuite précisé...
Le sénateur Neufeld : Toujours de façon hypothétique.
M. Heyman : ...les conséquences.
Le sénateur Neufeld : C'est toujours une question hypothétique.
M. Heyman : Je ne vais pas vous contredire là-dessus.
Le sénateur Neufeld : Je ne vais pas en débattre davantage avec vous moi non plus.
Selon l'information que j'ai dénichée, il y a eu 12 déversements de pétrolier au Canada depuis 1970. J'ignore l'importance des déversements, parce qu'il n'était pas obligatoire, et ce ne l'est toujours pas, de rendre compte de l'ampleur du déversement.
Je préside un comité qui a demandé au gouvernement de changer cela afin que les gens puissent connaître l'importance d'un déversement qui a lieu. S'agit-il d'un baril, ou de 10 000? S'agit-il de deux litres, plus ou moins? Chaque déversement est compté. Qu'on parle de un litre ou de 1 000 barils, le déversement est compté. De 2000 jusqu'à aujourd'hui, il n'y en a eu aucun. Nous avons fait beaucoup de chemin quant à la façon dont nous réglons ces questions liées à l'environnement. Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Heyman : Je dirais qu'à certains égards, oui, mais à d'autres, non. Je dirais qu'il y a eu d'importants changements dans le processus canadien d'évaluation environnementale, mais que ces changements ne protègent pas mieux l'environnement.
Pour répondre à la partie la plus importante de votre question, le projet Enbridge Northern Gateway ou celui de Kinder Morgan suppose un trafic de pétrolier bien plus important que tout ce qui a été essayé en eaux côtières. Les pétroliers sont énormément plus gros que ceux que nous connaissons.
En d'autres mots, si vous dites que le fait de supposer qu'il y a un risque de déversement est hypothétique, alors croire que le bilan est positif parce qu'il n'y a pas encore eu d'accident important est tout aussi hypothétique, parce que nous n'avons aucune expérience du volume ni de la quantité de produits transportés à l'étude aujourd'hui.
Le sénateur Neufeld : Quand vous parlez du volume de transport, vous faites référence aux bateaux. Parlez-vous de Northern Gateway ou de Kinder Morgan?
M. Heyman : Avec Kinder Morgan, il y aura un accroissement massif du nombre de pétroliers au sud de la côte. Je n'ai pas à portée de main l'information sur la taille des pétroliers. Il y a des limites inhérentes à ce qui peut entrer dans un bras de mer ou en sortir. En ce qui concerne la côte Nord, on proposait d'y faire circuler d'immenses pétroliers; franchement, cette région n'a jamais connu un trafic important de pétroliers.
Le sénateur Neufeld : Le port de Vancouver régit la taille des pétroliers qui y entrent. Même si le projet d'agrandissement va de l'avant, la taille maximale des pétroliers restera la même. Ce sera toujours des Aframax ou des Panamax. Le port de Vancouver ne permettra à rien de plus de passer par le terminal Westridge. La taille des bateaux reste la même, c'est le nombre de voyages qui est différent.
D'après ce que j'ai compris des documents que j'ai consultés, il y a environ cinq pétroliers par mois qui entrent dans le terminal Westridge, et ce chiffre va passer à 34. Il s'agit d'une grande augmentation, mais le tout est toujours sous la responsabilité du port de Vancouver. Il n'y aura pas de pétrolier plus gros. Étiez-vous au courant de cela?
M. Heyman : Comme je l'ai dit, je ne suis pas au courant des détails précis relatifs à la différence de taille entre les pétroliers pour le projet de Kinder Morgan. Mais il va sans dire que je suis au courant du fait qu'il y aura sept fois plus de pétroliers par mois, par année ou peu importe comment vous voulez mesurer cela. Je l'ai d'ailleurs mentionné.
Le sénateur Neufeld : Apparemment, c'est le port de Singapour qui reçoit le plus grand nombre de pétroliers annuellement, soit 22 000. Il n'y a pas de déversement, malgré le passage de 22 000 pétroliers.
Vous ne serez peut-être pas d'accord avec moi, et c'est votre droit, mais je crois que nous avons déjà fait beaucoup de chemin quant à la meilleure façon dont nous pouvons protéger l'environnement. Je ne vois pas pourquoi le projet de Kinder Morgan serait différent. Je connais le bilan de Kinder Morgan en Colombie-Britannique, et il est passablement bon.
Je sais qu'il y a eu un déversement terrestre, qui avait été causé par un coup de pelle rétrocaveuse, si je me rappelle bien. Le nettoyage s'était déroulé remarquablement vite sur une région passablement vaste.
Je crois qu'il est un peu hypothétique de dire que l'industrie du pétrole ne se préoccupe pas de l'environnement, selon moi.
En ce qui concerne l'argument selon lequel le transport du pétrole brut de l'Alberta à la Colombie-Britannique n'offrirait aucun avantage à cette province, je dois dire que j'ai travaillé dans l'industrie du pétrole une bonne partie de ma vie. Je sais qu'il y a un grand nombre de personnes qui vivent à Vancouver qui ont travaillé à Fort Mac ou dans les champs de pétrole de l'Alberta et qui aujourd'hui n'ont plus d'emploi.
J'habite à Fort St. John; il y a beaucoup de personnes qui travaillaient dans l'industrie pétrolière et gazière qui n'ont plus d'emploi. Énormément de personnes, même. Ce n'est pas vraiment à cause du pétrole, c'est plutôt à cause du prix du produit. Cela a un impact défavorable. Vous n'en ressentez peut-être pas les effets à Vancouver, parce que c'est une grosse ville.
Je vais devoir revérifier les statistiques. Si je me fie au temps où j'étais ministre, la Colombie-Britannique produit de 12 à 14 millions de barils annuellement. Nous consommons environ 70 millions de barils par année. Ces barils nous viennent de notre chère Alberta, sous forme de produits pétroliers raffinés ou de pétrole brut, destiné à l'unique raffinerie qu'il y a ici ou à la raffinerie de Prince George. Comment peut-on dire à une province comme l'Alberta : « Je suis désolé, mais nous ne voulons pas que votre pétrole brut circule par chez nous jusqu'au port afin de vous permettre de continuer d'être l'étincelle qui relance continuellement l'économie canadienne »?
Je suis sûr que les deux députés ici présents savent combien de personnes n'ont pas d'emploi sur la côte Est de Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick ou dans n'importe quelle autre province parce qu'il n'y a pas d'emplois à Fort Mac. Comment pouvons-nous dire aux Canadiens et aux Canadiennes de l'autre côté des montagnes que nous ne voulons pas que leur pétrole brut passe par la Colombie-Britannique parce que nous ne l'aimons pas, mais que nous voulons continuer de profiter du pétrole brut de votre province afin de faire fonctionner nos voitures et tous les autres véhicules qui circulent tout le temps? Comment peut-on défendre ce genre d'argument?
M. Heyman : Vous avez dit plusieurs choses. Je vais commencer par réagir à ce que vous avez dit à propos de l'absence d'avantages pour la Colombie-Britannique. Je veux être clair, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y a un risque potentiel qui pourrait être substantiellement plus grand que tout autre avantage à court terme pour la Colombie-Britannique. Il se peut que vous ne soyez pas d'accord avec moi.
Je voudrais aussi réagir à ce que vous avez dit à propos du fait que nous n'en ressentons pas les effets à Vancouver. C'est peut-être vrai pour certaines personnes. Vous avez insisté sur le fait que vous avez vécu à Fort St. John. J'ai vécu à Terrace et j'ai travaillé dans son industrie primaire pendant 15 ans, y compris pendant deux ralentissements cycliques. Je sais ce que cela veut dire pour les travailleurs. Je comprends aussi ce que c'est de se retrouver au chômage et de ne pas avoir d'emploi pendant les ralentissements économiques. Je comprends aussi que dans presque tous les cas, comme en Alberta actuellement et à Rivière-la-Paix, le ralentissement économique et les pertes d'emploi ne sont pas des conséquences de la volonté de la Colombie-Britannique ou du Lower Mainland de défendre ce qu'ils jugent important pour l'économie de la région. Ce sont des conséquences du prix du pétrole et des facteurs économiques mondiaux sur lesquels, honnêtement, nous n'avons pas d'emprise. Je voulais simplement rectifier les choses.
Vous avez ensuite demandé comment on peut défendre le fait de dire à nos amis en Alberta que nous ne sommes pas disposés à accepter de faire circuler leur pétrole dans un pipeline afin de créer des emplois dans leur industrie et de faire prospérer leur province. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce que j'ai dit, c'est que les projets sont réputés être risqués en Colombie-Britannique.
Le sénateur Neufeld : Je n'ai pas dit que vous aviez dit cela. C'est moi qui l'ai dit.
M. Heyman : D'accord. Dans ce cas, je reprendrais ce que j'ai dit dans mon exposé. Mettons en place un plan national qui réduira progressivement les émissions de gaz carbonique causées par des activités économiques. J'espère que tout le monde ici présent est conscient du fait que cela devra se faire à un moment ou à un autre. En tant que dirigeants responsables, nous devrions commencer la planification.
Étudions d'un côté les projets d'extraction des combustibles fossiles en Alberta et à d'autres endroits qui correspondent à nos plans, puis ajoutons-y le plus de valeur possible pour les marchés, et d'un autre côté, étudions les nouveaux projets qui pourraient recevoir l'adhésion sociale parce que le scénario de risque et d'avantage est différent pour les régions concernées, y compris les Premières Nations. Donc, ce serait ma réponse.
Le vice-président : Monsieur Heyman, j'ai quelques questions que j'aimerais vous poser. Vous avez parlé des émissions de gaz à effet de serre et des derniers engagements qui ont été pris à Paris. Vous n'êtes pas particulièrement convaincu qu'on a jusqu'ici proposé quelque chose qui sera efficace. Tenons pour acquis que vous et moi voulons réduire l'émission de gaz à effet de serre.
M. Heyman : Excusez-moi, pourriez-vous parler un peu plus fort?
Le vice-président : Tenons pour acquis que vous et moi voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre. Si nous réduisons l'utilisation du charbon, du diesel et du pétrole à l'échelle du pays pour à la place utiliser du gaz naturel, un produit carbone beaucoup plus propre et qui produit beaucoup moins de gaz à effet de serre, cela obtiendrait-il votre soutien et votre adhésion?
M. Heyman : Bien sûr, il faudrait que j'examine le contexte. J'ai passé la journée de vendredi à visiter un certain nombre d'installations avec des cadres de FortisBC. Les activités de Fortis touchent le gaz ainsi que d'autres choses. Entre autres, nous avons visité une installation de géoéchange de Fortis à Vancouver où il n'est même pas question de gaz. Je n'ai évidemment aucun problème avec cela.
Nous avons également visité l'entreprise Smithrite. Elle est en train de convertir la majorité de ses véhicules à l'utilisation du gaz naturel comprimé au lieu du diesel. Selon moi, c'est un très bon projet qui s'inscrit exactement dans ce dont vous avez parlé. J'ai posé beaucoup de questions à propos des possibilités qu'il y aurait de convertir des véhicules à passagers qui ont encore une bonne durée de vie utile et qui utilisent actuellement de l'essence ou du diesel afin qu'ils utilisent du gaz naturel comprimé ou liquide. Ces véhicules pourront servir de transition jusqu'à ce que leur durée de vie utile physique soit épuisée. Ce n'est pas nécessairement une bonne façon de réduire les émissions de se débarrasser de véhicules dont la fabrication a produit beaucoup de gaz à effet de serre avant la fin de leur durée de vie utile.
J'ai aussi jeté un œil à la centrale de production de biogaz dans la vallée du Fraser. J'ai été très intéressé, parce qu'il me semble que cela permet de régler deux problèmes. D'abord, la production de biogaz mélangé à du gaz naturel pourrait en réduire la teneur en carbone. Ensuite, cela nous permettrait de régler les problèmes de gestion des éléments nutritifs dans les fermes laitières et dans les autres types de fermes qui sont aux prises avec un tout autre lot de problèmes environnementaux qui pourraient être réglés grâce à cette autre solution d'élimination.
Je crois que vous m'avez demandé si je soutiendrais l'utilisation de gaz naturel comme combustible de transition dans certains cas, et ma réponse est oui. Dans certains cas, il serait aussi possible de passer directement aux énergies renouvelables. Je crois qu'il va sans dire qu'il serait préférable de produire de l'énergie ou d'alimenter des moyens de transport sans avoir à utiliser des combustibles fossiles sous une forme ou une autre, même si dans un grand nombre de cas, cela n'est pas possible pour une question d'autonomie ou pour d'autres raisons que j'ai déjà mentionnées. Ma réponse serait donc oui.
Le vice-président : Êtes-vous au courant de ce qui s'est passé en Ontario au cours de la dernière décennie par rapport à la situation énergétique? L'Ontario a dépensé beaucoup d'argent afin de réduire sa dépendance au gaz naturel, au charbon et au pétrole. Elle a subventionné l'énergie éolienne et l'énergie solaire. La vérificatrice générale de l'Ontario nous a dit que cela avait coûté aux contribuables environ 38 milliards de dollars de plus qu'ils en avaient pour cela. L'Ontario est en train de perdre son avantage concurrentiel dans ses industries et dans le soutien qu'elle peut offrir à ses industries. La population de l'Ontario est en train de sombrer dans la pauvreté énergétique.
Croyez-vous qu'il y a une limite raisonnable pour le calendrier dans lequel on veut atteindre ce but? Nous savons aussi que l'Allemagne est depuis longtemps, depuis les 20 dernières années, à l'avant-garde des énergies renouvelables. Aujourd'hui, elle a rouvert ses centrales au charbon parce qu'elle a essayé d'en faire trop trop rapidement. L'Allemagne a acculé ses industries à la faillite et a fait sombrer les personnes à revenus fixes dans la pauvreté énergétique. Je voulais savoir ce que vous pensez de tout cela.
M. Heyman : Avant toute chose, je dois dire que je ne connais pas aussi bien la situation en Ontario que vous, mais je connais bien dans l'ensemble les questions que vous soulevez. Je crois qu'il y a des différences entre l'Ontario et la Colombie-Britannique.
Le vice-président : Bien sûr.
M. Heyman : Vous représentez le Sénat du Canada, et c'est des Canadiens dont nous parlons. Je ne suis pas un économiste, alors je ne peux pas faire de suppositions sur la modélisation qui s'impose. Généralement, je sais deux choses : je sais que les gouvernements font des choix quant à la façon dont ils subventionnent diverses industries. Parfois les gouvernements prennent de bonnes décisions, et parfois non.
Je sais aussi que l'un des mécanismes utilisés par le gouvernement ontarien était un tarif de rachat garanti. Le tarif de rachat garanti est très populaire. Ici, en Colombie-Britannique, on fournit aux gens qui produisent de l'énergie de remplacement des contrats de vente fixe ou, dans le cas d'un particulier, une facturation nette, ce qui veut dire que vous vendez l'électricité au même prix que vous l'achetez. Cela fait en sorte que la situation est complètement différente en Colombie-Britannique.
Je ne crois pas que nous devrions créer des situations où les gens à revenu fixe ou qui ont un revenu limité finissent par sombrer dans la pauvreté énergétique. À dire vrai, c'est le contraire. Ce serait sans doute s'éloigner un peu du sujet à l'étude, mais je pourrais probablement parler en détail de certaines initiatives et des options stratégiques qui semblent prometteuses, du moins en Colombie-Britannique, puisque je connais beaucoup mieux cette province que l'Ontario.
Le vice-président : Je veux terminer en posant une dernière question et en faisant un commentaire. Vous avez dit être préoccupé par l'augmentation du nombre de pétroliers dans le Lower Mainland. Je partage l'avis du sénateur Black et des autres à ce sujet : ce sont des préoccupations légitimes.
Donc, seriez-vous plus réceptif à ce qu'il y ait plus de pétroliers dans le port de Prince Rupert afin d'en réduire le nombre dans le Lower Mainland?
M. Heyman : Est-ce que cela a à voir avec le pipeline du projet Northern Gateway d'Enbridge?
Le vice-président : Je ne parle pas nécessairement du pipeline, mais je pensais qu'un port en eaux profondes comme celui de Prince Rupert pourrait prendre un peu de la charge du Lower Mainland.
M. Heyman : Avant toute chose, je ne suis pas préoccupé seulement par le Lower Mainland. Je suis préoccupé par tout le littoral de la Colombie-Britannique. Il n'y a aucun projet de faire passer le pipeline par là ou d'utiliser le port de Prince Rupert pour le pétrole brut.
Je ne veux pas répondre à une question hypothétique, mais je sais que l'opposition au projet Northern Gateway d'Enbridge est venue pour une bonne part des Premières Nations qui se trouvaient le long du trajet du pipeline ainsi que des gens qui étaient préoccupés par le fait qu'environ 700 ruisseaux et rivières à poissons seraient exposés à un danger. Ils ont présenté des données scientifiques pour appuyer ce qu'ils disent.
S'il y avait un tel projet, il devrait être évalué et, comme je l'ai dit plus tôt, l'évaluation doit être rigoureuse, transparente, indépendante et axée sur des données probantes. Il n'y a actuellement aucun projet qui suppose cela.
Le vice-président : La dernière chose que j'aimerais dire est que la Colombie-Britannique est une province magnifique et très prospère. Vous avez beaucoup de chance en Colombie-Britannique en ce qui concerne l'énergie, parce que vous avez toute cette hydroélectricité.
Je me demande ce qui arriverait si W.A.C. Bennett essayait de construire sa centrale hydroélectrique en Colombie-Britannique aujourd'hui, vu qu'il y a tant d'opposition à ce genre de projets de nos jours. Il a fait de grandes choses pour la province. L'une des raisons pour lesquelles votre province est si prospère et que tant de possibilités merveilleuses s'offrent à vous pour ce qui est de l'énergie et que vous avez eu des leaders comme W.A.C. Bennett qui ont pris de grandes décisions pour vous donner l'avantage économique dont vous disposez aujourd'hui. Je vous remercie d'être venu témoigner.
M. Heyman : Merci beaucoup d'avoir écouté notre exposé et d'avoir posé vos questions.
(La séance est levée.)