Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 5 - Témoignages du 22 septembre 2016 - après-midi
VANCOUVER, le jeudi 22 septembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 13 h 20, pour étudier l'élaboration d'une stratégie en vue de faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Chers collègues, le comité poursuit cet après-midi son étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
Je vous présente notre premier groupe de témoins : Patrick Campbell, représentant international de l'International Union of Operating Engineers, et Richard Wiefelspuett, directeur général du Clear Seas Centre for Responsible Marine Shipping.
Messieurs, je vous invite à faire vos exposés, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.
Patrick Campbell, représentant international, International Union of Operating Engineers : Je tiens à exprimer mes remerciements et ma reconnaissance au Comité sénatorial permanent des transports et des communications de me donner l'occasion aujourd'hui de parler d'un sujet si important, à savoir l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada. L'élaboration efficace d'une telle stratégie sera essentielle pour maintenir la position du Canada en tant que gardien de la deuxième réserve de pétrole en importance dans le monde et, à ce titre, pour nous assurer que cette question fait l'objet de réflexions, comme il se doit, afin que notre pays adopte la bonne mesure du premier coup.
Comme on vient de le dire, je m'appelle Patrick Campbell. Je suis un des représentants canadiens de l'International Union of Operating Engineers, connu sous l'acronyme IUOE. Fondée le 7 décembre 1896, l'IUOE est un syndicat qui compte aujourd'hui environ 440 000 membres dans 123 sections locales partout en Amérique du Nord.
En tant que représentant international du bureau canadien situé à Ottawa, sous la supervision du directeur Lionel Railton, j'ai le privilège de travailler, jour après jour, avec les sections locales canadiennes de l'IUOE, qui représentent près de 54 000 membres canadiens, hommes et femmes.
La composition de nos sections locales canadiennes est aussi diversifiée que celle des sections de nos confrères et consœurs au sud de la frontière. Nos membres sont des opérateurs-ingénieurs qui utilisent et entretiennent les machines lourdes dont dépend l'industrie canadienne de la construction ainsi que des mécaniciens de machines fixes qui s'occupent du fonctionnement et de l'entretien de systèmes de bâtiments dans les villes et les complexes industriels d'un bout à l'autre du Canada.
Qu'il s'agisse des routes et des ponts sur lesquels on se déplace ou des barrages hydroélectriques, des parcs éoliens et des pipelines sur lesquels nos collectivités et nos familles en sont venues à compter comme sources d'énergie, les membres hautement qualifiés de l'IUOE laissent leurs empreintes sur tous ces éléments d'infrastructure essentiels partout au Canada.
Nous sommes fiers d'être une source de main-d'œuvre hautement qualifiée qui veille à ce que ces projets soient menés à bien selon les normes les plus élevées. À cette fin, nous offrons constamment la formation la plus à jour à nos membres pour qu'ils soient tous bien au courant des pratiques exemplaires en matière de construction. Cette formation est dispensée à l'échelle provinciale par l'entremise de nos huit instituts de formation professionnelle situés en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.
Ces instituts de formation professionnelle travaillent en collaboration dans l'ensemble des provinces dans le but commun de produire des opérateurs-ingénieurs hautement qualifiés, productifs et prudents. Grâce aux programmes d'études communs et à l'échange de pratiques exemplaires, nos membres acquièrent un ensemble de compétences qui assurent le maintien d'une norme nationale dans le métier. Par conséquent, les opérateurs-ingénieurs situés en Nouvelle-Écosse sont formés selon les mêmes normes élevées que ceux situés en Alberta. Cet engagement à l'égard d'une formation uniforme partout au pays est l'un des principaux facteurs dont les entrepreneurs signataires tiennent compte lorsqu'ils parlent de l'avantage syndical.
L'IUOE représente les hommes et les femmes qui jouent un rôle de premier plan dans la construction et l'entretien d'une bonne partie de l'infrastructure actuelle de pipelines au Canada. Nous voulons nous assurer que nos voix seront entendues par votre comité.
Jusqu'à présent, le comité a entendu de nombreux experts de l'industrie ferroviaire, de l'industrie pétrolière et gazière ainsi que certains spécialistes en environnement, pour ne nommer que ceux-là. Après un examen approfondi de tous les témoignages qui vous ont été présentés au sujet du transport du pétrole brut, nous estimons qu'un des éléments essentiels d'une stratégie efficace constitue l'expansion du réseau d'oléoducs au Canada afin d'acheminer nos ressources abondantes vers les marchés mondiaux. Le projet d'oléoduc Énergie Est de TransCanada est un bon exemple de projet d'infrastructure qui s'inscrirait dans une telle stratégie.
D'après ce que je crois comprendre, le comité s'est également vu confier, dans le cadre de son mandat, la tâche d'examiner la meilleure façon de procéder pour que les risques et les avantages soient répartis le plus possible dans tout le pays grâce à l'élaboration de la stratégie dont il est question ici. J'aimerais justement m'attarder sur cet aspect.
Examinons le projet d'oléoduc Énergie Est de TransCanada. Ce projet comprend la construction d'un nouveau pipeline d'environ 1 500 kilomètres et la conversion d'un pipeline existant d'environ 3 000 kilomètres, à partir d'Hardisty, en Alberta, jusqu'à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Le projet, qui touche 6 des 10 provinces de notre pays, créera des milliers d'emplois tout au long du processus de construction. C'est donc véritablement un projet d'envergure nationale. Toutefois, il est unique en son genre.
En effet, jusqu'à maintenant, le projet Énergie Est est le seul à reposer sur un engagement écrit selon lequel la construction et la conversion de tout pipeline seraient assurées par des travailleurs syndiqués canadiens bien formés et bien rémunérés. Cet engagement a pris la forme d'un protocole d'entente historique signé le 14 juillet 2016 par TransCanada, l'International Union of Operating Engineers, l'Association unie, l'Union internationale des journaliers d'Amérique du Nord, le Syndicat des Teamsters et la Pipe Line Contractors Association of Canada. Conscientes des avantages qui en découlent, les parties s'engagent également à faire participer les résidants locaux, les entreprises locales et les Premières Nations situées à proximité du projet, et ce, tout au long des travaux de construction.
Pour les motifs que j'ai exposés au début de mon exposé, TransCanada a reconnu l'avantage syndical attribuable au recours à des entrepreneurs canadiens de calibre mondial et à une main-d'œuvre canadienne qui possède un ensemble de compétences uniformes à l'échelle nationale. Grâce à cette approche, le projet de construction pourra être réalisé selon les normes les plus élevées, du début à la fin. L'uniformité de la main-d'œuvre qualifiée et des pratiques de construction, conjuguée aux mesures de sûreté mises en place par TransCanada, ainsi que la tenue d'un examen approfondi par l'Office national de l'énergie permettront de mener à terme le projet selon les normes les plus rigoureuses.
Les conditions de travail liées au projet seront régies par la convention collective entre la Pipe Line Contractors Association et les quatre syndicats. Bien que d'envergure nationale, les modalités de notre convention collective sont structurées selon les provinces. À titre d'exemple, en ce qui concerne les exigences de dotation en vertu de ces dispositions, nous pouvons dire avec certitude que 90 p. 100 des employés requis proviendront des régions où le travail sera effectué. Pareilles dispositions feront en sorte que les retombées économiques soient réparties le plus possible.
Ce projet sera réalisé par des entrepreneurs établis au Canada, lesquels embaucheront une main-d'œuvre canadienne qualifiée pour exécuter le travail selon les normes les plus rigoureuses en matière de sûreté et d'environnement. En somme, ce sera un projet mené par les Canadiens pour les Canadiens.
Au nom de nos membres, nous espérons que vous tiendrez compte de ces renseignements au moment de préparer votre rapport important sur cette question cruciale. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Richard Wiefelspuett, directeur général, Clear Seas Centre for Responsible Marine Shipping : Bonjour. Je suis heureux d'être ici. Depuis que vous avez entrepris cette importante étude, vous avez entendu certains des plus éminents experts du pays. Je suis donc honoré de témoigner devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Richard Wiefelspuett, et je suis le directeur général de Clear Seas Centre for Responsible Marine Shipping. Je me retrouve à Clear Seas après plus de 30 ans dans le secteur du transport maritime international. Plus récemment, j'ai occupé le poste de doyen associé du campus de formation maritime du BCIT. Je suis architecte naval et titulaire d'un doctorat en génie mécanique et d'une maîtrise ès sciences en construction navale et en génie extracôtier.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas Clear Seas, il s'agit d'un organisme relativement jeune. Nous avons commencé en 2014, mais le centre n'a été lancé officiellement qu'en 2015. Clear Seas doit sa création, en grande partie, au premier rapport du Comité d'experts sur la sécurité des navires-citernes, qui a laissé entrevoir la possibilité d'établir un équilibre entre la nécessité de stimuler l'économie et celle d'assurer la sécurité maritime.
Dans cette optique, notre organisme a été créé pour poursuivre un mandat national et pour s'occuper du transport maritime en général, ce qui comprend le transport d'hydrocarbures.
Aujourd'hui, grâce à un financement indépendant octroyé par Transports Canada, le gouvernement de l'Alberta et l'Association canadienne des producteurs pétroliers, nous nous efforçons d'être la principale source de recherches indépendantes et impartiales sur les pratiques sûres et durables en matière de transport maritime.
En tant que pays qui dépend du transport maritime, nous avons l'obligation d'améliorer l'état des connaissances sur le transport maritime en offrant au gouvernement et à la population les meilleures recherches et les meilleures données dont ils ont besoin pour prendre des décisions complexes dans le contexte politique actuel. Notre vision est d'instaurer un secteur du transport maritime dynamique qui évolue selon les normes de sûreté les plus rigoureuses, qui mobilise les Canadiens et qui leur inspire confiance.
Selon nos sondages, les Canadiens d'un océan à l'autre sont conscients de l'importance du transport maritime pour l'économie canadienne, mais pour mériter leur confiance, il faut que le tout se fasse de manière sûre et durable. Nous avons également appris que la plupart des Canadiens font confiance aux règles et aux règlements en matière de sécurité dans le secteur du transport maritime, mais beaucoup de personnes s'inquiètent de leur application.
Bien que beaucoup de témoignages aient traité des enjeux en cause dans le transport de pétrole brut par voie ferrée ou par oléoduc jusqu'aux côtes, j'entends aujourd'hui vous expliquer ce qui se passe lorsque ce produit arrive sur la côte. Le pétrole est transporté par navire. Les régimes de sûreté, les risques et les répercussions potentielles changent. Les navires transportent beaucoup de pétrole et ils ont causé certains des pires déversements de l'histoire. D'ailleurs, comme l'ont mentionné quelques témoins, la méfiance de la population relativement à l'accès aux marchés découle souvent directement des problèmes associés au transport maritime.
Comme toute autre industrie, celle des transports dépend dans une certaine mesure du soutien de la population, de l'acceptabilité sociale, pour mener ses activités. Acceptabilité sociale, confiance de la population, approbation sociale : peu importe le nom qu'on lui donne, cette notion tient une large place dans toute discussion portant sur l'exploitation des ressources naturelles du Canada dans le respect de l'environnement, y compris lorsqu'il est question d'expédier du pétrole par pétrolier.
Du point de vue de Clear Seas, il existe deux grands moyens de gérer le problème. Le premier, c'est de continuer de favoriser les processus décisionnels fondés sur des données empiriques. C'est essentiel pour que le secteur maritime gagne la confiance de la population. Comment peut-on avoir confiance en quelque chose que l'on ne comprend pas? Les Canadiens ignorent à qui ils peuvent se fier dans des dossiers d'une telle importance.
En toute modestie, j'estime que, en tant qu'organisme indépendant, Clear Seas peut, dans le domaine de l'expédition maritime, fournir au public et au gouvernement les ressources voulues pour prendre des décisions éclairées.
L'autre point auquel il faut selon moi s'intéresser, c'est la prévention des incidents maritimes. En général, la gestion des situations d'urgence en milieu maritime vise la période qui précède une urgence, celle où elle se déroule et celle qui la suit.
Le Régime canadien de préparation et d'intervention en cas de déversement d'hydrocarbures encadre les interventions en situation d'urgence. La Caisse d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires est un volet névralgique du rétablissement à la suite d'une intervention. La prévention vise la période qui précède un incident et elle repose sur des filets de sûreté et sur une culture de la sécurité. Nos recherches révèlent qu'il existe un lien manifeste entre prévention et acceptabilité sociale, puisque c'est en démontrant l'efficacité d'un régime de prévention que l'on en arrive à l'acceptabilité sociale.
Selon moi, la période qui précède une situation d'urgence en milieu maritime est actuellement la plus négligée. Pourtant, la prévention constitue le facteur le plus déterminant pour calmer les craintes de la population à l'égard de l'expédition maritime, et pas seulement parce qu'il vaut mieux prévenir que guérir, comme le veut le fameux proverbe.
Recentrer le débat entourant l'expédition par voie maritime sur la prévention serait une occasion en or de montrer que le Canada ne s'intéresse pas strictement à l'économie et à la croissance à tout prix, mais qu'il accorde aussi de l'importance à la collaboration et à la protection des milieux marins.
Pour ce qui est du trafic pétrolier sur les côtes du Canada, on peut compter sur de multiples filets de sûreté aussi fiables qu'efficaces. Pensons entre autres au régime de pilotage de la marine, à la fois sûr et efficient, ou encore aux gros remorqueurs d'escorte, très puissants, qui peuvent en quelque sorte servir de gouvernail d'urgence si un pétrolier a un problème de barre, ou encore de frein à main ultrapuissant en cas de problème de propulsion.
Parmi les incidents récents, ceux qui ont impliqué le Marathassa et le Simushir ont par ailleurs exposé des failles dans les filets de sûreté. On a aussi appris dernièrement que la situation de la dotation et l'état de la flotte de la Garde côtière canadienne minent davantage la confiance de la population envers le régime de prévention actuel.
Bien que ces exemples ne concernent pas directement les activités des pétroliers, ils sont à l'avant-plan du débat public sur la sûreté du transport par pétrolier; c'est ce qui fait la complexité de notre mandat. Pour nous, en fournissant de l'information fondée sur des faits, en appuyant un processus décisionnel sur des données empiriques et en favorisant le renforcement du régime de prévention, nous jouerons un rôle névralgique pour faire du transport maritime un secteur dynamique qui mène ses activités en toute sécurité et qui inspire ainsi confiance et un sentiment d'appartenance aux Canadiens.
Pour conclure, je vous remercie une fois de plus de m'accueillir. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Le sénateur Mercer : Messieurs, je vous remercie de votre présence. Monsieur Campbell, en tant que fils d'un mécanicien de machines fixes, je connais pertinemment la valeur des 44 000 personnes que vous représentez. Mon père n'était pas syndiqué. Il était fonctionnaire, mais s'il n'avait pas travaillé au sein de la fonction publique, il l'aurait été.
Je tiens à rectifier l'une de vos affirmations, monsieur Campbell. Vous avez dit que le projet touche six des dix provinces. Or, si je me fie aux discussions passées du comité, on voudrait plutôt étendre cela à sept des dix provinces, car des témoignages que nous avons entendus, en particulier le sénateur MacDonald et moi, qui sommes allés les chercher, laissent entendre qu'Énergie Est devrait se terminer non pas à Saint John, au Nouveau-Brunswick, mais bien dans le détroit de Canso, en Nouvelle-Écosse.
Notre mission dans la vie consiste à parfaire constamment notre connaissance du monde. Nous parlons du détroit de Canso parce que c'est actuellement par là qu'arrivent les importations au pays. Il y a déjà un gros terminal. Le port est là. Le problème avec le port de Saint John, au Nouveau-Brunswick, et du terminal qu'il est question d'y construire, c'est que ce ne sera pas un terminal terrestre. Il sera dans la baie de Fundy, une zone très sensible au plan écologique qui est l'habitat à de nombreuses espèces en péril, en particulier de grosses baleines, qui y passent l'été.
Nous nous efforçons de faire déplacer le terminal jusqu'en Nouvelle-Écosse. Il y a déjà un gazoduc pas loin, dont il serait éventuellement possible d'inverser le flux dans 18 mois environ, lorsqu'il n'y aura plus de gaz, pour sauver le pétrole.
J'ai une question, monsieur Campbell. Les Autochtones représentent l'un des grands groupes qui prendront part aux processus de négociation et d'approbation et qui y tiendront une place prééminente. Parmi les 44 000 membres de votre organisme, combien diriez-vous sont des Autochtones?
Seriez-vous en mesure de lancer des programmes pour favoriser la formation d'Autochtones lorsque les projets iront de l'avant un peu partout au pays, en particulier des programmes destinés aux jeunes Autochtones, femmes et hommes, pour qu'ils collaborent à la réalisation des projets et à l'entretien subséquent des installations?
M. Campbell : En ce qui concerne le pourcentage de membres, je viens de la section locale 987 du syndicat, au Manitoba, où j'ai représenté pendant 12 ans les travailleurs manitobains des pipelines. À l'époque, le projet Alberta Clipper d'Enbridge est arrivé au Manitoba. Il y a eu des questions sur la place faite aux Autochtones après que nous avons envoyé des membres exécuter le travail. Dans la section locale 987, au Manitoba, 29 p. 100 des membres s'identifiaient comme Autochtones, sans que nous ayons eu à déployer d'efforts particuliers.
Cela nous ramène à l'importance des instituts de formation des mécaniciens d'exploitation. À la demande du client propriétaire, nous avons mobilisé bon nombre des communautés autochtones et offert la formation que vous évoquez, une formation qui, à nos yeux, permet non seulement d'obtenir un travail, mais de se bâtir une carrière. La formation et la conduite de machinerie lourde ne concernent pas seulement la construction de pipelines. Lorsque les projets se terminent, les travailleurs peuvent employer leurs compétences en conduite d'équipement lourd dans diverses autres industries, comme l'aménagement routier ou la construction de réseaux d'égout ou d'aqueduc.
Notre institut de formation nous donne cet avantage. En ce moment, plusieurs cours sont offerts aux communautés autochtones, hors de l'industrie des pipelines, pour que les jeunes et les autres membres acquièrent les compétences voulues.
Le sénateur Mercer : Est-ce qu'un grand nombre des autres membres que vous avez mentionnés, ceux qui ont suivi de la formation pour un ancien chantier, sont encore dans le domaine? Le savez-vous?
M. Campbell : Par exemple, selon notre propre expérience avec la section locale 987, au Manitoba, pour beaucoup de personnes qui ont eu l'occasion de suivre la formation, l'adhésion au syndicat n'était pas obligatoire. Plusieurs des personnes qui ont suivi la formation ont cependant fini par y adhérer et elles ont été envoyées sur d'autres chantiers. Voilà qui montre l'utilité de ce genre de formation.
Le sénateur Mercer : Qui Clear Seas Centre de Transport Maritime Responsable représente-t-il exactement? Vous avez affirmé donner des conseils impartiaux en toute indépendance, mais vous avez ensuite nommé vos bailleurs de fonds; vous avez parlé du gouvernement du Canada et, si j'ai bien entendu, de l'Association des producteurs pétroliers, et ainsi de suite.
M. Wiefelspuett : Oui.
Le sénateur Mercer : Ce n'est pas ce que je dis, mais je m'attends à ce que ce financement pousse certains opposants aux projets en question à mettre en doute votre indépendance et l'impartialité des conseils que vous donnez. Vous a-t-on déjà adressé des reproches en ce sens?
M. Wiefelspuett : Oh, oui, c'est la question qui est revenue le plus souvent l'an dernier, après la fondation de l'organisme. À vrai dire, nos ententes de financement sont inconditionnelles. Personne ne nous dicte le sujet de nos travaux de recherche. Personne ne nous dit à qui parler et comment présenter nos conclusions.
Le financement que nous octroient le ministère des Transports, la Province de l'Alberta et l'Association canadienne des producteurs pétroliers n'implique aucun lien de dépendance; c'est essentiellement des fonds de démarrage. L'idée d'un centre indépendant est issue de la recommandation no 45 du premier rapport du Comité d'experts sur la sécurité des navires-citernes. Lorsqu'on lit entre les lignes, on comprend que l'industrie avait perdu la confiance de la population et qu'elle devait se doter d'un fournisseur d'information indépendant. C'est l'idée derrière Clear Seas. C'est ce qui a mené à sa mise sur pied.
Ces organismes nous financent, c'est vrai, mais nous sommes tout à fait indépendants. Je rends des comptes au conseil d'administration.
Le sénateur Mercer : Voilà une excellente réponse. J'en suis ravi. Comment les administrateurs ont-ils été choisis?
M. Wiefelspuett : Il s'agit d'un organisme sans but lucratif constitué aux termes de la Loi sur les sociétés de la Colombie-Britannique. Les membres de cette société sont des membres fondateurs du soutien ou d'associations de soutien, mais ils sont très loin de nous. Ils ont formé un Comité de candidatures, et c'est le Comité de candidatures qui s'est ensuite mis à la recherche d'administrateurs. Le conseil d'administration en soi est un groupe de personnes très diversifié. Nous avons neuf administrateurs de tous les horizons : sciences, industrie, secteur des hydrocarbures, milieu des affaires, monde politique. Le site web les présente très bien.
Le conseil d'administration se porte en fait à la défense de l'indépendance de Clear Seas. Nous savons qu'elle est notre principal atout; sans elle, nous ne serions qu'une énième association au service de certains intérêts, mais ce n'est pas le cas.
Le sénateur Mercer : Vous avez expliqué qui compose le conseil d'administration, mais il y a un groupe que je ne vous ai pas entendu mentionner : les syndiqués, les personnes mêmes qui mettent la main à la pâte.
M. Wiefelspuett : En effet, je crois qu'il pourrait y avoir davantage de diversité au conseil d'administration. Il est très diversifié. Il compte un représentant de l'industrie — il travaille pour Lloyd's Register —, alors les connaissances sur le transport maritime sont là, mais les syndicats n'y sont pas représentés pour l'instant.
Le sénateur Mercer : La prochaine fois que vous lancerez le processus, je vous recommande de trouver un administrateur du milieu syndical.
M. Wiefelspuett : Je le ferai. Je passerai le mot. Merci.
Le sénateur Black : Messieurs, merci beaucoup de ces deux présentations exceptionnelles. J'ai quelques questions pour chacun d'entre vous, si le président le permet.
Tout d'abord, monsieur Campbell, j'ai remarqué, lorsque vous avez mentionné où se trouvaient les centres de formation, qu'il n'y en a pas au Québec. C'est moi qui emploie ce terme; je ne suis pas sûr que vous les ayez appelés « centres de formation ». Ai-je bien entendu?
M. Campbell : C'est exact. À ce sujet, juste pour mettre les choses au clair, au Québec, tout ce qui concerne la formation dans l'industrie de la construction est réglementé par la Province. Toute la formation est offerte par l'intermédiaire de l'agence provinciale. C'est ce qui explique que la section locale 905, au Québec, n'offre pas de formation.
Le sénateur Black : C'est très instructif. Pour vous mettre en contexte, je suis un sénateur de l'Alberta, alors je suis très sensible à votre position aujourd'hui, et je l'appuie. J'appuie aussi sans réserve votre entente de juillet, cet été. C'est une excellente initiative qui contribue à jeter des ponts au pays.
Voici où nous aurons besoin de votre aide. C'est l'Albertain en moi qui s'exprime. L'opposition aux projets dans le domaine des ressources énergétiques se concentre essentiellement au Québec et en Ontario. À votre avis, comment pouvez-vous, vos collègues et vous, aider les gouvernements de ces deux provinces à comprendre que le projet jettera des ponts au pays? Qu'entendez-vous faire?
M. Campbell : Nous cherchons surtout à continuer à participer aux processus tels que celui-ci et à sensibiliser les Canadiens au fait que, de concert avec trois partenaires et les entrepreneurs signataires, nous formons le groupe de Canadiens le plus expérimenté dans la construction de pipelines au Canada, point à la ligne.
Le sénateur Black : Voilà pourquoi il est si important d'entendre ce que vous avez à dire. Vous avez l'expérience et vous pouvez répondre aux questions relatives à la sûreté et à la fiabilité. Je vous exhorte simplement, vos collègues et vous, à opter pour un militantisme dynamique, voire musclé, de manière à bien faire comprendre le point de vue que vous exprimez aujourd'hui à un auditoire plus large qu'à un groupe tel que le nôtre.
M. Campbell : Oui, et, en tant qu'organisme, nous reconnaissons qu'il s'agit d'une lacune. Depuis une bonne soixantaine d'années, nous bâtissons sans tambour ni trompette des pipelines de calibre mondial, au profit de tous les Canadiens. Malheureusement, ou heureusement, de nos jours, on ne peut plus procéder ainsi. Maintenant, nous devons faire notre promotion.
Par exemple, en 2015, les quatre corps de métier ont consacré, au total, plus de sept millions d'heures-personnes à la construction de pipelines. C'est la quatrième année en importance parmi les dix dernières. Or, en sept millions d'heures-personnes, nous n'avons recensé que trois blessures ayant entraîné une absence. Voilà notre bilan au chapitre de la sécurité.
Le sénateur Black : Racontez votre histoire. Rendez-vous sur le plus haut sommet, trouvez le plus gros porte-voix et claironnez cela en Ontario et au Québec.
M. Campbell : C'est exactement ce que nous ferons.
Le sénateur Black : Merci beaucoup, monsieur. En ce qui concerne Clear Seas, l'organisme accomplit un travail très intéressant et extrêmement important. Vous avez vu juste : dans l'ensemble, les craintes entourant les pipelines concernent ce qui se passe à la sortie de la conduite. Je veux dire, c'est ce qui suscite des réserves, sauf que les statistiques prouvent qu'il n'y a pas grand-chose à craindre avec les pipelines terrestres. Vous accomplissez un travail déterminant.
J'ai quelques questions précises pour vous, puis une plus générale. Que pensez-vous du moratoire sur le transport de pétrole qui est en vigueur sur la côte Ouest?
M. Wiefelspuett : Le moratoire n'est pas encore en vigueur. Il s'en vient. Nous en apprendrons davantage en octobre. C'est l'information que nous tenons de Transports Canada. Nous avons pris position à ce sujet. Nous ne pouvons pas exercer la moindre influence, mais nous avons dit que, s'il se concrétise, nous aimerions être une solution aux questions et aux problèmes susceptibles de se présenter ou de nécessiter une réponse pendant qu'il sera en vigueur.
Que faut-il apprendre pendant la durée du moratoire, qu'ignore-t-on encore à propos du transport maritime sûr et durable? Il y a de bonnes questions qui méritent de faire l'objet de recherches. Nous pourrions commencer des travaux en ce sens et les terminer en, disons, cinq à dix ans. Il serait alors possible de proposer une solution concrète pour favoriser un transport maritime sûr et durable, que les navires transportent des hydrocarbures ou autre chose. Le moratoire sur la côte Nord est l'occasion de le faire.
Il y a déjà des pétroliers à Vancouver. Les discussions à propos de l'autre pipeline se concluront cette année. La décision dans ce dossier suscitera sans doute encore beaucoup de réactions et de débats hautement controversés.
Nous fournissons de l'information sur la circulation de pétroliers qui repose sur des faits, sur des données empiriques. Comme je l'ai déjà dit, l'industrie du transport maritime de pétrole dispose de filets de sûreté. Elle a une profonde culture de la sécurité, sur tous les plans. Nous cherchons à prouver que, en matière d'expédition, les risques concernent selon moi les secteurs où les cargos sont peu supervisés. Un vraquier battant pavillon panaméen qui transporte de la potasse présente à mon avis un profil de risque élevé, car, avec ce genre de navire, les défaillances sont plus fréquentes.
Fournir exclusivement des renseignements sur les pétroliers tue le débat et le recentre sur quelque chose qui, pour tout le monde, semble de toute façon dangereux. Or, le vrai danger en matière de transport maritime vient des endroits où la supervision est insuffisante ou encore où la culture de la sécurité n'est pas aussi profondément ancrée qu'ici; c'est justement ce que nous voulons améliorer.
Le sénateur Black : Vous ai-je bien entendu dire que, selon votre opinion scientifique et professionnelle, il est inutile d'imposer un moratoire sur la circulation de pétroliers le long des côtes du Nord-Ouest de la Colombie-Britannique?
M. Wiefelspuett : Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que cela représente une occasion à saisir. Je me permets d'en dire un peu plus sur notre façon de travailler. Nous nous intéressons vivement à ce que les membres de notre communauté, à tous les niveaux, peuvent nous apprendre sur ce qui les préoccupe. Nous avons mis au point un processus de mobilisation; nous l'appelons le processus de mobilisation contextuelle.
Ce processus permet de cerner des enjeux; sûreté des pétroliers pourrait en être un. Nous faisons ensuite la même chose sous l'angle régional, car il s'agit bien souvent d'enjeux régionaux. Qui sont réellement les parties en cause ou préoccupées par un enjeu? Nous nous adressons ensuite à chacune d'elles pour prendre connaissance de leurs réserves pour les comprendre et aussi saisir quels sont les risques qu'elles perçoivent.
Nous voulons créer un atelier où tout le monde peut se rassembler pour faciliter la mise en commun d'information et la communication des leçons tirées de diverses expériences. L'objectif ultime de l'atelier, ce n'est pas de présenter une solution, mais de convenir de ce qui pose problème. En y arrivant, nous pourrons enfin trouver des solutions qui conviendront également aux autres. En nous entendant sur ce qui pose problème, nous pouvons nous entendre sur la méthode à appliquer, nous pouvons nous entendre sur la solution voulue et nous pouvons mettre les choses en branle.
Nous n'avons pas réclamé le moratoire dans le Nord de la Colombie-Britannique, mais j'imagine que certains tronçons des routes de navigation proposées n'ont pas fait l'objet de recherches indépendantes et approfondies. Il existe des zones d'ombre dans les présentations de certains promoteurs.
Le sénateur Black : Savez-vous que le gouvernement du Canada mène actuellement des consultations sur le moratoire, sa validité et ainsi de suite?
M. Wiefelspuett : Oui.
Le sénateur Black : Y ferez-vous une présentation?
M. Wiefelspuett : Nous avons déjà communiqué avec le ministère des Transports à ce sujet. Nous avons présenté notre position en exprimant notre volonté de participer au processus à titre de fournisseur d'information indépendant. Nous préparons également un mémoire pour ces consultations.
Le sénateur Black : Globalement, bien des témoins nous ont dit qu'au Canada, la capacité actuelle de nettoyage en cas de déversement de pétrole et tous les aspects se rapportant au transport maritime sont aussi bons que ceux de n'importe quel autre pays au monde. Êtes-vous d'accord?
M. Wiefelspuett : Je crois que le Canada doit relever un défi particulièrement intéressant. Nous avons le plus long littoral au monde et nous devons couvrir beaucoup de terrain avec fort peu de ressources. Nos ressources ont de l'âge. C'est indéniable. Je suis d'accord sur ce point. Nous avons d'excellents règlements, ainsi que des plans et des processus, mais notre capacité ne nous permet pas de les faire respecter. Nous n'arrivons pas à répondre à une urgence avec la capacité ou les ressources adéquates.
Je ne sais pas si vous avez entendu parler du Simushir. Le Simushir est un navire qui est tombé en panne au large des côtes de Haida Gwaii il y a deux ans et qui est parti à la dérive vers la côte. Ce navire n'était pas un pétrolier, mais un navire de charge classique. Il transportait plusieurs centaines, voire un millier de tonnes de combustible lourd à son bord. Il est passé très près de s'échouer sur la côte de Haida Gwaii. On aurait dit que la capacité d'intercepter ou d'utiliser le système des remorqueurs d'intervention occasionnelle était inexistante.
La Garde côtière a fait un vaillant effort. Elle a envoyé un bateau de Victoria jusqu'à l'archipel. Celui-ci est arrivé à temps. Les gardes-côtes ont attaché un câble de remorquage et ont tiré un peu le bateau, mais le câble s'est rompu. Ils en ont attaché un autre, qui s'est également rompu. Finalement, un troisième câble a permis d'éviter la catastrophe. Ils ont réussi à éloigner suffisamment le navire, jusqu'à ce qu'un remorqueur d'intervention occasionnelle puisse prendre la relève. Ils ont gagné du temps, mais nous l'avons échappé belle.
J'ai appris tout récemment que le câble de remorquage était en fait un câble d'ancrage. Les gardes-côtes ont fait un vaillant effort. Ils ont utilisé tout ce qu'ils avaient, mais je dirais qu'en fin de compte, nous avons constaté que l'intervention, dans ce cas, présentait des lacunes.
Le sénateur Black : Par prudence, dans le cadre des travaux du comité, nous devrions cerner ces lacunes.
M. Wiefelspuett : En effet, je le crois.
Le sénateur Black : Seriez-vous en mesure en ce moment ou bien dans un autre document d'indiquer quelles sont, à votre avis, les lacunes touchant la capacité de nettoyer, de patrouiller et de protéger nos ressources côtières?
M. Wiefelspuett : C'est justement ce sur quoi portent nos recherches actuellement. Je peux parler et donner des opinions, mais il nous faut étayer le tout. Nous y travaillons en ce moment même. Nous avons des travaux intéressants qui seront disponibles à la fin de l'an prochain. D'ici là, nous pouvons diffuser certains renseignements sur ce point en particulier.
Le sénateur Black : Le greffier pourra peut-être communiquer avec vous à ce sujet.
M. Wiefelspuett : Oui.
Le sénateur Black : Il s'agirait de renseignements utiles puisque l'industrie maritime a des répercussions directes sur la capacité de construire des pipelines.
M. Wiefelspuett : Oui, absolument.
Le sénateur Black : S'il y a un problème de ce côté, il serait bon de le signaler et de le régler.
M. Wiefelspuett : Oui. J'aimerais souligner que, comme je l'ai dit dans ma présentation, nous avons des filets de sûreté et une culture de sécurité en place qui sont excellents. Le pilotage maritime en fait partie : les pilotes montent à bord pour aider les navires à accoster sans frapper d'écueils. N'oublions pas non plus les remorqueurs d'escorte arrimés au navire.
La pétrolière Kinder Morgan a fait preuve d'audace en déclarant qu'en plus des règlements, il faut aussi des remorqueurs à la pointe sud de l'île de Vancouver. La décision qu'elle a prise est fort intéressante. Il s'agit d'une décision comportant des coûts, mais l'entreprise est proactive et c'est un élément de prévention.
L'argument que j'ai fait valoir plus tôt sur la prévention est un volet fort important. Il ne suffit pas d'en parler. Il faut aussi tout faire pour empêcher qu'un incident se produise.
Le sénateur Black : Voilà qui est fort utile. Merci beaucoup à vous deux.
Le sénateur Neufeld : M. Campbell, l'information m'a sans doute échappé, mais combien de membres comptez-vous au Canada?
M. Campbell : Nous avons 54 000 membres.
Le sénateur Neufeld : Parmi ces 54 000 personnes, y en a-t-il 27 p. 100 qui sont autochtones?
M. Campbell : Non. J'ai parlé de mon expérience à la section locale 987, au Manitoba, dans le cadre d'un projet particulier visant à savoir qui était affecté à des travaux. Voilà d'où vient le 29 p. 100.
Le sénateur Neufeld : Quelle serait leur proportion parmi les 54 000 dans ce cas?
M. Campbell : Je n'ai pas ce chiffre.
Le sénateur Neufeld : Seriez-vous en mesure de fournir ce renseignement au comité? Vous serait-il possible de l'obtenir?
M. Campbell : Je peux certainement m'informer et fournir le renseignement au greffier.
Le sénateur Neufeld : Vous pouvez le fournir au greffier. Ainsi, nous aurons tous ce renseignement.
Vous avez dit autre chose au sujet des membres des Premières Nations. Je reviens au Manitoba et au 29 p. 100. Vous avez dit que certains ont choisi de se joindre au syndicat. Je présume qu'il y en a d'autres qui ne l'ont pas fait. Ma supposition est-elle exacte?
M. Campbell : Oui, c'est sur une base volontaire.
Le sénateur Neufeld : S'il s'agit d'une base volontaire, combien des 29 p. 100 ayant indiqué leur appartenance ont-ils joint votre syndicat au Manitoba?
M. Campbell : Le 29 p. 100 dont j'ai parlé ne s'inscrivait dans aucune initiative visant à faire participer des membres autochtones à la construction. Il s'agit de 29 p. 100 de nos membres au Manitoba. Ils étaient déjà membres du syndicat et travaillaient par l'intermédiaire de celui-ci.
Le sénateur Neufeld : Je ne comprends pas.
M. Campbell : Je disais que 29 p. 100 de nos membres réguliers ont été affectés au projet. Enbridge et la section locale n'ont pas cherché à augmenter ce nombre. Il s'agit du chiffre correspondant à nos membres réguliers ayant été affectés à ce projet en particulier.
Le sénateur Neufeld : Les 29 p. 100 au Manitoba sont tous des membres.
M. Campbell : Oui, oui.
Le sénateur Neufeld : Ils pourraient donc être affectés à d'autres emplois, comme toute autre personne.
M. Campbell : C'est exact.
Le sénateur Neufeld : Si le projet va de l'avant, vous avez déclaré que 90 p. 100 de la main-d'œuvre viendrait de chaque province.
M. Campbell : C'est exact.
Le sénateur Neufeld : Au cours de mon existence, j'ai passé un peu de temps dans le secteur des pipelines. J'ai eu une longue carrière dans l'industrie pétrolière et gazière. L'expérience m'a appris que quand vient le temps de construire le pipeline, vous passez à l'action. Au bout du compte, les travailleurs peuvent venir de partout. Je parle en particulier de la Colombie-Britannique. Si nous manquons de soudeurs, ils viennent de l'Alberta. En fait, ils viennent dès le départ de l'Alberta même si les soudeurs britanno-colombiens sont au chômage. Voilà comment on franchit des frontières.
Quel processus mettrez-vous en place pour vous assurer que la population est au courant et qu'il y a une façon de vérifier que 90 p. 100 de la main-d'œuvre vient, par exemple, du Manitoba, de l'Ontario, du Québec ou du Nouveau-Brunswick? Comment vous y prendrez-vous? C'est bien de le dire. J'entends par là que tout le monde vous en sera très reconnaissant, mais il y aura éventuellement des gens qui diront qu'ils ne travaillent pas et qu'il y a trop de travailleurs venant d'autres provinces sur place.
M. Campbell : Je suppose que c'est la reddition de compte qui va de pair avec la convention collective. J'aimerais préciser que le syndicat des conducteurs et mécaniciens de machinerie lourde ne représente pas les soudeurs.
Le sénateur Neufeld : J'utilisais les soudeurs comme exemple.
M. Campbell : Je vois.
Le sénateur Neufeld : Je ferai appel à des conducteurs de machinerie lourde parce qu'ils viennent de l'Alberta à la Colombie-Britannique.
M. Campbell : Je vois. Comme je l'ai indiqué, la convention collective qui régit la construction des pipelines a une portée nationale, mais elle respecte l'autonomie des provinces. Par exemple, pendant la phase du projet Énergie Est en Ontario, la section locale 793 de cette province sera régie par ses exigences en matière de dotation en personnel qui prévoient que seulement 10 p. 100 de ses conducteurs principaux peuvent venir de l'extérieur de la province pour y travailler.
C'est une forme de reddition de compte à plusieurs niveaux. Le syndicat doit s'assurer que les chiffres sont respectés et en rendre des comptes à ses membres. Cela aide à faire en sorte que c'est le cas. S'il est possible de trouver les compétences nécessaires dans la province, les personnes sont affectées aux travaux.
Le sénateur Neufeld : Imaginons qu'en arrivant au Québec, il vous manque 500 conducteurs de machinerie, que c'est plus que le 10 p. 100, et que vous n'avez pas suffisamment de membres dans cette province, que faites-vous?
M. Campbell : Nous avons fait des études sur la capacité en matière de main-d'œuvre, et pas seulement pour Énergie Est. Le grand défi, c'est que selon le calendrier des projets, il pourrait y avoir de multiples chevauchements. Nous avons réalisé des études sur la capacité en matière de main-d'œuvre et nous n'envisageons pas de pénurie de conducteurs de machinerie lourde, et encore moins une pénurie de 500 conducteurs de machinerie lourde.
Le sénateur Neufeld : Ce n'était qu'un exemple. Je ne sais pas si ce serait 500. Je vous pose la question à titre d'exemple. Ne prenez pas ce chiffre littéralement. J'essaie simplement de comprendre comment vous ferez respecter la règle du 90 p. 100. Ne vous méprenez pas. Je crois que c'est une excellente politique. Il est intéressant de savoir comment vous feriez en sorte de la respecter pleinement.
M. Campbell : Je ne crois pas que la politique serait appliquée. Pour répondre à votre question, il ne s'agit pas d'une clause qui serait appliquée au détriment d'un projet ou d'un entrepreneur particulier. Au bout du compte, notre travail consiste à construire ces projets selon les normes les plus élevées qui soient en respectant les échéanciers établis. Nous pouvons faire appel à une main-d'œuvre nationale, mais je voulais faire valoir que les emplois seraient d'abord offerts aux personnes qui habitent la province.
Le sénateur Neufeld : Il y a une marge de manœuvre. Je comprends.
Vous avez parlé d'un projet : Énergie Est. C'est fantastique. Je n'hésite pas à le dire. Est-ce parce qu'ils ont signé une entente avec les quatre syndicats et les deux autres projets, Kinder Morgan ou Northern Gateway, qui sont tout aussi importants pour l'industrie pétrolière et gazière, ou du moins, l'une d'entre elles? Pourquoi avez-vous choisi Énergie Est? Est-ce parce que vous avez signé une entente avec TransCanada? Le processus relevant de l'Office national de l'énergie n'a même pas encore amorcé pour ce projet.
M. Campbell : Il touche à l'ordre de renvoi de votre étude concernant la répartition optimale des bénéfices. Le projet Énergie Est traverserait six ou sept provinces, selon l'opinion. Il dispose de mécanismes intégrés garantissant aux Canadiens le long des emprises d'avoir la possibilité de travailler. Je voulais simplement m'assurer que le comité comprend bien le protocole d'entente et ses répercussions.
Notre objectif est de faire travailler nos membres à la construction de pipelines. Je suis convaincu que nos entrepreneurs envisageront les travaux du projet Kinder Morgan de la même façon que les autres travaux. Les membres auront l'occasion d'y travailler, mais je ne peux pas affirmer avec le même degré de certitude qui obtiendra du travail, car nous ne connaissons pas les résultats du processus d'appel d'offres.
Dans le cas du projet Énergie Est, nous avons la certitude qu'à l'étape de la construction, lorsque les travaux commenceront, il n'y aura pas de multinationale espagnole ou italienne qui fera venir des travailleurs de son propre pays pour faire les travaux. De la propriété à la surveillance en passant par la main-d'œuvre, ce projet sera construit par des Canadiens. Voilà, je suppose, le point que je voulais bien faire comprendre. Je ne veux rien enlever aux autres projets, je voulais simplement m'assurer que le comité est au courant du niveau d'engagement envers les Canadiens.
Le sénateur Neufeld : Je comprends. J'ai quelques autres petites questions pour l'autre présentateur.
Au moins je suis au courant de la totale inadéquation de la Garde côtière canadienne. Nous avons réalisé des études. Je préside le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles et nous avons entendu des témoignages à ce sujet. Je suis conscient que lorsque nous parlons de Vancouver, il est moins question de la Garde côtière. Ne retient-on pas les services d'entreprises privées pour s'occuper du nettoyage et de ce genre de choses contrairement à la côte Nord, ou bien ai-je mal compris?
M. Wiefelspuett : Non, vous avez bien compris. La Garde côtière n'est pas l'organisme d'intervention qui a les ressources, les barrages flottants et les écrémeurs pour récupérer le pétrole, mais elle prendra le rôle de commandant du lieu de l'incident advenant un déversement.
J'ai parlé de sécurité. La sécurité dans le milieu maritime est le résultat d'une culture de sécurité et de filets de sûreté. Les filets de sûreté ce sont les règlements, la technologie à bord des navires, la Garde côtière et l'autorité de l'État du port qui assurent le respect de la réglementation, les aides à la navigation, les systèmes de navigation ainsi que les services de communications et ceux du trafic maritime. Voilà tous les filets de sûreté dont le navire doit être équipé pour s'approcher de nos côtes ou les longer.
Je ne sais pas si vous avez entendu parler du modèle du fromage suisse, mais si vous pouvez aligner tous les trous, vous avez une brèche, suivie d'un incident ou d'un accident. Il y aurait moyen d'améliorer ces filets de sûreté. La Garde côtière peut jouer un rôle beaucoup plus important que celui qu'elle est en mesure de tenir actuellement. Ce n'est pas la volonté qui manque, c'est simplement le manque de ressource, de capacité et de personnel.
J'ai parlé de la société d'intervention maritime dans mes commentaires sur la planification en cas d'urgence maritime. Il s'agirait de la deuxième étape en cas d'urgence. C'est là que la série de filets de sûreté a failli. Nous avons affaire à des entreprises privées. Sur la côte Est et la côte Ouest, il y a des sociétés d'intervention maritime. Elles sont financées par l'industrie du transport. Elles ont des contrats avec les organisations en place, et elles sont évaluées par rapport à des normes internationales.
Je ne dis pas qu'elles ne respectent pas ces normes. Je suis même convaincu que sur la côte Ouest, elles les dépassent. Toutefois, dans la région du Grand Vancouver, le temps de réponse est de six heures. Voilà ce qu'elles sont censées faire. C'est leur engagement. Un temps de réponse de six heures lorsqu'il y a du pétrole dans l'eau, c'est long. Peu importe que ce soit 500 litres, 1 000 litres ou 10 000 litres. Si une goutte de pétrole se retrouve sur la plage Kitsilano, à Vancouver, ce sera un véritable désastre en matière de relations publiques pour la ville et l'industrie. Que le pétrole s'écoule d'un pétrolier importe peu. Voilà pourquoi je pense que nous devons privilégier la prévention.
Il est fort important de parler de nos filets de sûreté et de nous assurer que tout le monde sait que ceux-ci sont en place. Il faut parler honnêtement des lacunes et tenir un autre discours. Aujourd'hui, nous entendons régulièrement des déclarations largement acceptées indiquant que le risque zéro n'existe pas. C'est vrai. Nous sommes tous d'accord avec cela. Le risque zéro n'existe pas.
Il y a aussi une autre déclaration affirmant que la sécurité absolue n'existe pas. En parlant de sécurité absolue, nous créons une façon de voir complètement différente. Il était fort encourageant d'entendre Kevin Obemeyer, le PDG et président de l'Administration de pilotage du Pacifique, dire lors d'une récente présentation que le pilotage au Canada est sécuritaire dans 99,99 p. 100 des cas et qu'il comptait bien voir le jour où il le serait totalement.
J'ai entendu le représentant d'une compagnie de pipeline en Californie parler d'un déversement. Je suis désolé, mais je ne me souviens pas du nom. C'était un déversement terrestre qui a pollué les plages et atteint l'eau. Après avoir décrit le nettoyage méticuleux qu'ils ont fait, un nettoyage qui a sûrement coûté fort cher et qui a été très complet, il a dit que nous avions un bilan de sécurité de 99,999 p. 100 et que nous pouvions obtenir une note parfaite.
Tout comme nous affirmons que le risque zéro n'existe pas, nous savons aussi que la sécurité absolue n'existe pas. En abordant la question et en veillant à ce que tout le monde comprenne que nous faisons de notre mieux pour prévenir les incidents, nous modifions complètement la façon d'envisager la question. Je crois que c'est l'important.
Le sénateur Neufeld : Je crois que vous faites un travail formidable. Par exemple, dans le chenal de Douglas de la côte Nord, en allant vers Kitimat ou Terrace, il est assez facile de rencontrer des organisations, car la population est peu nombreuse. Comment faites-vous pour diffuser des renseignements documentés dans une ville de la taille de Vancouver? Comment en faites-vous part au grand public?
C'est de cela que parlent les gens. Puisque vous n'avez pas l'approbation sociale, la majorité des gens n'ont jamais entendu parler de votre organisation ou même de la Garde côtière. Il est possible qu'ils disent ne pas aimer cela parce que Fred leur a dit qu'ils devraient s'y opposer. Comment faites-vous parvenir les renseignements à d'aussi gros groupes de gens de façon factuelle?
M. Wiefelspuett : Je suis fier de dire que depuis notre inauguration en juin dernier, nous avons reçu de très nombreux appels de différentes organisations nous invitant à venir leur parler. Nous avons eu des appels de l'industrie, mais aussi d'organisations locales et d'organisations de protection de l'environnement. Toutes se sont dites ravies que nous soyons là parce qu'elles y gagnaient un autre interlocuteur à qui parler de ces questions en dehors de la chambre de commerce maritime, et cetera. Le fait que nous soyons indépendants est fort attrayant.
Nous avons fait un sondage au Canada. Nous avons demandé aux gens s'ils connaissaient ou avaient déjà entendu parler de Clear Seas. Dans 12 p. 100 des cas, la réponse était oui, ils en avaient ou croyaient en avoir entendu parler. Ce n'est pas un très gros chiffre, mais pour un nouvel organisme, c'est plutôt impressionnant. Nous sommes dans les médias. Nous diffusons nos rapports. Nous avons un site web. Nous poursuivons notre travail.
Après cette réunion, j'irai rencontrer le comité de liaison communautaire du port de Vancouver à Delta. J'ai discuté avec de nombreux autres groupes dans la région. Nous commençons à étendre nos activités à l'échelle du pays, car nous avons un mandat national. Nous gardons les deux pieds sur terre, nous saisissons toutes les occasions qui se présentent et nous abordons les gens directement.
Le sénateur Neufeld : Avez-vous eu des demandes de la part des agences environnementales? Avez-vous fait une présentation à Ecojustice?
M. Wiefelspuett : Non, je ne l'ai pas fait.
Le sénateur Neufeld : Y en a-t-il d'autres qui vous ont demandé une présentation, comme Dogwood ou un autre organisme de ce genre?
M. Wiefelspuett : J'ai fait une présentation devant la Future of Howe Sound Society, un organisme qui sert les intérêts des communautés de Howe Sound et de ses différents regroupements. Il y a des questions concernant la construction d'un terminal d'exportation de gaz naturel liquéfié sur les lieux. Woodfibre est le premier projet du genre auquel nous faisons face. Je leur ai parlé. J'ai fait une présentation devant le Islands Trust. J'ai fait une présentation devant la Georgia Strait Alliance qui s'est ouvertement dite contre l'exportation. Nous établissons des contacts.
Vous trouverez peut-être que c'est excessif, mais pour nous, une personne qui s'enchaîne à l'ancre d'un navire pour empêcher celui-ci de partir reste un interlocuteur. Même si c'est peut-être aller très loin, nous devons nous assurer de parler avec tout le monde et comprendre leurs inquiétudes.
Nous croyons qu'il est possible de trouver dans le cadre de notre processus de participation un terrain d'entente qui pourra nous servir d'assise. Il se peut que ce ne soit pas facile dans tous les cas, mais il se peut aussi que ce le soit dans d'autres régions. Quoi qu'il en soit, c'est ce que nous devons faire pour aller de l'avant.
Le sénateur Neufeld : Je vous souhaite la meilleure des chances.
M. Wiefelspuett : Je vous remercie.
Le vice-président : J'ai maintenant quelques questions. M. Campbell, j'ai pour vous une affirmation plutôt qu'une question. Je trouve formidable d'entendre quelqu'un parler favorablement d'Énergie Est sur la côte Ouest. Nous nous réjouissons que des gens reconnaissent que c'est un projet pancanadien.
J'aimerais préciser et étoffer un peu les propos du sénateur Mercer. Il y a en fait sept des dix provinces qui participent au risque, et non seulement six. La Nouvelle-Écosse est parfaitement disposée à prendre le risque. En fait, nous sommes prêts à prendre tout le risque de l'exportation du produit. Nous souhaitons aussi en tirer un certain bénéfice, soit, naturellement, d'autres projets de pipelines. Je suis sûr qu'avec le temps, vous en viendrez à les apprécier leur juste valeur.
La majorité de mes questions seront pour vous, Monsieur. Tout le monde peut devenir un politicien, mais tout le monde ne peut pas devenir un architecte naval et avoir un doctorat en génie mécanique. Je suis ravi que vous soyez parmi nous, car je veux vous poser quelques questions au sujet de votre organisation.
Qui sont les membres de l'organisation? C'est sur la côte Est qu'a lieu la majeure partie des activités de manutention du pétrole dans les navires-citernes au Canada. Avez-vous des représentants de la côte Est? Si c'est le cas, quelles professions ou quels secteurs de l'industrie représentent-ils?
M. Wiefelspuett : L'un des membres du conseil d'administration vient d'Halifax. C'est Bud Streeter, de Lloyd's Register. Il a de solides relations avec l'industrie. Lloyd's Register est une société de classification qui s'occupe directement des questions liées à la sécurité de la navigation, à la solidité structurale, et ainsi de suite. Actuellement, c'est le seul de nos membres qui vient de la côte Est. Comme nous l'avons déjà souligné aux réunions du conseil, nous devons diversifier notre équipe. Ce n'est qu'une question de temps.
Les membres du conseil sont actuellement nommés pour une période de trois ans. Quelques détails peuvent varier d'une personne à l'autre, mais en gros, voilà comment cela fonctionne. Nous lancerons un appel très bientôt afin que le conseil demeure solide et qu'il soit plus diversifié. J'ai déjà pris bonne note du commentaire du sénateur Mercer concernant la représentation des syndicats, et nous entendons faire en sorte que le conseil soit plus représentatif de l'ensemble du pays.
Nous avons discuté d'un modèle de financement. Il a été établi dès le début que nous devions élaborer un modèle de financement durable. Nous sommes déjà en train de préparer un document d'orientation. Lorsque ce sera fait, nous voulons que Clear Seas étende ses activités afin d'avoir au moins des bureaux d'une seule personne dans les autres provinces maritimes importantes du Canada, au Québec et sur la côte Est.
Le vice-président : J'ai une question à propos des pétroliers. D'après ce que je comprends, actuellement, la plupart des pétroliers ont une double coque pour réduire les risques de fuite de pétrole.
M. Wiefelspuett : Ils ont tous maintenant une double coque.
Le vice-président : Sur le plan des fuites de pétrole, qu'est-ce qui constitue le risque le plus élevé? Une collision? Le renversement du navire? Un déversement lors du chargement ou du déchargement? L'entrée d'eau dans le navire et la rupture de sa coque? Quel est le plus grand risque actuellement?
M. Wiefelspuett : C'est une question de probabilité et d'impact. La quantité de pétrole qui pourrait être déversée, en cas d'impact, serait probablement plus grande dans le cas d'un échouement, puis d'une défaillance structurale. S'il s'agit d'un impact important, la citerne à cargaisons pourrait être perforée, mais sur le plan des volumes, le déversement se limiterait au contenu de la citerne à cargaisons. Une collision avec un objet fixe poserait un risque similaire. Il n'y aurait peut-être aucun déversement si le navire n'était touché qu'à la proue.
Le risque le moins prévisible, c'est l'échouement. Si le navire s'échoue sur un rivage rocheux, s'il est soutenu au centre, disons, et si la marée est basse, le plus grand risque, c'est qu'il se disloque. Il est arrivé, dans le passé, dans le cas de l'Amoco Cadiz, en Europe, ou du Torrey Canyon, par exemple, qu'il y ait une défaillance structurale.
Le vice-président : Je me souviens de l'incident du Torrey Canyon, et nous avons tous entendu parler de celui de l'Exxon Valdez.
M. Wiefelspuett : Oui.
Le vice-président : Êtes-vous au fait de l'incident impliquant le navire Arrow, dans la baie Chedabucto, en Nouvelle-Écosse, en 1970, ou de celui du Kurdistan, qui s'est brisé dans le détroit de Cabot en 1979?
M. Wiefelspuett : Non. J'en ai entendu parler, mais je ne suis pas au courant de tous les détails de ces incidents.
Le vice-président : J'aimerais beaucoup que vous en examiniez les circonstances.
M. Wiefelspuett : Oui.
Le vice-président : Le Kurdistan s'est carrément brisé en deux. Une moitié est restée à flot et a été ramenée à terre, et l'autre moitié a coulé au fond du détroit de Cabot, entre Sydney et Terre-Neuve. C'est arrivé en plein cœur de l'hiver, par une nuit très froide et calme de février. Rien ne s'est écoulé de la partie qui est au fond de l'eau. Cela n'a pratiquement pas causé de dommages à l'environnement. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé ces questions à propos des dommages structuraux et des risques les plus grands.
M. Wiefelspuett : Oui.
Le vice-président : J'ai une dernière question à ce sujet. Vous avez dit que les ressources qui nous permettent d'intervenir en cas de déversement sont insuffisantes et désuètes au pays.
M. Wiefelspuett : Oui, j'ai parlé de la Garde côtière.
Le vice-président : Oui. Selon vous, serait-il juste de dire que plus nous pourrons concentrer l'acheminement de grandes quantités de pétrole vers un ou deux ports déterminés, plus il sera facile de concentrer nos ressources sur les interventions en cas de déversement, et que c'est probablement le meilleur moyen de gérer les risques?
M. Wiefelspuett : Cet argument a du poids. Si l'on regroupe les terminaux d'exportation et d'importation, on peut mieux les contrôler par toutes sortes de moyens, comme les actifs fixes et flottants, ainsi que les systèmes électroniques de contrôle de la circulation maritime.
Une autre menace, dans le monde maritime international, vient des navires qui ne s'arrêtent pas dans nos ports, mais qui passent près de nos côtes. Nous devons être prêts à intervenir dans d'autres secteurs également. Comme je l'ai déjà dit, certaines de nos recherches visent déjà à régler ce problème.
Nous sommes convaincus que lorsque ces bateaux pénètrent dans les eaux côtières, les navires, les pilotes et les remorqueurs d'escorte font de l'excellent travail. Il est très peu probable que les choses tournent mal. Je ne dis pas que c'est impossible, mais c'est très peu probable. Si cela arrive, les conséquences seront mineures. Lorsque les navires dépassent la zone de pilotage de 25 milles marins et qu'il y a perte de puissance et de contrôle, la situation est assez critique.
J'ai déjà parlé de délaisser les pétroliers et de se tourner vers les vraquiers. À l'heure actuelle, les industries sont touchées par un ralentissement très marqué. Les tarifs d'affrètement sont bas. Ce n'est pas rentable. Des entreprises de porte-conteneurs font faillite. Vous avez peut-être entendu parler de Hanjin.
Le vice-président : Oui.
M. Wiefelspuett : Dans ces organisations moins supervisées, les cycles de maintenance sont étirés. On ne renonce pas au navire, mais on ne le répare pas lorsqu'il le faut. Le risque que des accidents ou des pertes de contrôle se produisent plus fréquemment dans un proche avenir s'accroît.
Ce n'est pas seulement mon opinion. C'est aussi ce qu'ont déclaré l'Agence européenne pour la sécurité maritime et la compagnie d'assurance Alliance. Elles estiment que ce risque s'accroît considérablement. Nous n'avons pas beaucoup de contrôle sur ces navires sur le plan législatif ni réglementaire. Comme dans le cas du Simushir, dont j'ai parlé tout à l'heure, nous pourrions avoir un problème un jour. Nous devons améliorer nos façons d'intervenir. Nous devons renforcer notre capacité d'application des règlements pour empêcher que des incidents se produisent.
Le sénateur Mercer : Je vais poursuivre le travail que j'ai fait tout au long de ce voyage. Monsieur Campbell, votre organisation compte 54 000 membres. Vous êtes en faveur des pipelines, en particulier du projet Énergie Est, parce qu'il créera des emplois pour vos membres. Pour ceux d'entre nous qui appuient ce projet, vous pourriez être d'une aide précieuse en mobilisant et en sensibilisant vos 54 000 membres. Cela doit se faire rapidement. Ils doivent communiquer avec leurs parlementaires, peu importe de qui il s'agit, pour manifester leur appui au projet et indiquer qu'il y aurait des emplois pour les membres de leur syndicat. Les personnes qui communiqueront avec les parlementaires pourraient occuper ces emplois. C'est très important.
Si vous manquez de temps, alors oubliez les membres de l'opposition et concentrez-vous sur les libéraux, car je suis le seul libéral qui siège au comité ici, aujourd'hui, pas en raison de mon esprit partisan. C'est là où les décisions seront prises au bout du compte et c'est là où il faut exercer des pressions.
Normalement, je n'aurais pas à faire cela publiquement, mais il y a quelques années, M. Trudeau nous a écartés du caucus, mes collègues et moi. C'est une chose que j'aurais présentée aux réunions du mercredi matin, mais puisque je ne peux plus y aller, je dois vous demander votre soutien.
Les personnes qui souhaitent la réalisation du projet Énergie Est et d'autres projets de pipeline ont besoin de votre aide. Vos membres ont besoin de votre aide. L'une des façons dont ils peuvent s'aider eux-mêmes et nous aider tous, c'est en communiquant avec leurs parlementaires pour leur dire que ce projet devrait aller de l'avant. Il permettra de créer des emplois dans toutes les provinces concernées. Il créera des emplois dans les sept provinces, et pas des emplois à court terme. Bien sûr, il y aura des emplois à court terme dans la construction, mais à long terme, ce projet sera bon pour l'économie. Si vous pouviez le faire, j'aurais accompli ma mission.
M. Campbell : Au sein de notre organisation, nous voyons les défis que doit surmonter l'industrie. La plus grande frustration, pour bon nombre de nos membres, c'est qu'ils savent que ces pipelines sont bien construits parce que ce sont eux qui les construisent. Bien souvent, ce sont eux qui vivent le long des emprises où ces projets sont réalisés. Ils construisent les pipelines selon les normes les plus élevées non seulement parce qu'ils sont fiers de bien faire leur travail, mais aussi parce que les mesures de sécurité prises dans le cadre de ces projets sont importantes pour leur famille et leurs amis.
Nous avons pris l'initiative de lancer une campagne pour veiller à ce que ces voix soient entendues non seulement par les députés, mais par les Canadiens de toutes les régions du pays pour qu'ils connaissent le degré d'expertise derrière cette construction.
Le sénateur Mercer : C'est parfait, mais un appel téléphonique, une lettre ou une visite à leurs députés dans un proche avenir aiderait énormément.
M. Campbell : Nous pensons que cette campagne devrait être pleinement opérationnelle d'ici la fin d'octobre.
Le sénateur Mercer : C'est serré, mais cela conviendra.
Le vice-président : Notre temps est écoulé, mais je veux poser une autre question à M. Wiefelspuett au sujet de la capacité de navigation. J'ignore si c'est vrai ou non. Peut-être pourriez-vous nous prodiguer quelques conseils à ce sujet.
J'ai l'impression qu'en cas de déversement au large de la Nouvelle-Écosse, dans l'océan, les vents et les marées dominants repousseraient probablement la nappe de pétrole plus au large. Par contre, on m'a affirmé que selon l'endroit où se produit le déversement, les vents et les marées dominants risqueraient davantage de rapprocher la nappe des côtes de la Colombie-Britannique. Le nord de la côte de cette province présente-t-il une vulnérabilité sur le plan de la navigation qui n'existe pas sur la côte Est du Canada?
M. Wiefelspuett : Le Conseil des académies canadiennes a réalisé une évaluation du risque qui nous a appris que les facteurs qui contribuent aux incidents maritimes sont très différents d'une côte à l'autre du pays. Cette étude fait consensus parmi les experts. En Colombie-Britannique, le risque est davantage lié à la densité de la circulation, alors que sur la côte Est, il est plutôt attribuable à la météo. Dans l'Arctique, c'est le manque de chartes et d'outils de navigation qui pose un risque. Le risque varie beaucoup selon le lieu.
Pour nettoyer efficacement un déversement de pétrole, il faut arriver sur place rapidement et disposer des actifs nécessaires. Une fois que le pétrole a atteint la côte, il devient très difficile d'imaginer comment on pourrait nettoyer la côte très rocailleuse du nord de la Colombie-Britannique, qui s'apparente beaucoup à celle de l'Arctique. Il s'y trouve très peu d'infrastructures, l'environnement est très sensible et la région est inatteignable. Voilà qui rendrait la situation très complexe.
Le vice-président : Est-ce la réaction qui pose le plus de difficultés?
M. Wiefelspuett : C'est le fait de réagir au déversement afin de nettoyer le site et de remettre l'environnement en état. Ce sera très complexe, comme l'a montré l'incident de l'Exxon Valdez. La géomorphologie de l'Alaska ne diffère pas beaucoup de celle de la Colombie-Britannique, et l'incident s'est produit à quelques kilomètres à peine plus au nord. Voilà pourquoi je préconise de prévenir les incidents. On peut faire davantage à ce chapitre, mais en parlant de la question comme si nous pouvions assurer la sécurité à 100 p. 100, la communication avec la population est très différente.
Le vice-président : En effet. Parfois, il n'existe pas de solution contre la mauvaise navigation.
M. Wiefelspuett : Non, effectivement. C'est une culture de la sécurité. J'ai parlé des filets de sûreté. La culture de la sécurité se trouve à bord du navire. C'est le conducteur dans la voiture. Dans une voiture parfaitement conçue et réglementée, le conducteur devient alors important.
Le vice-président : Oui.
M. Wiefelspuett : Le milieu de l'expédition est très diversifié. Certains chefs de file du domaine forment et emploient leurs propres employés, et leur permettent d'arrêter de travailler s'ils ne se sentent pas en sécurité. Ce sont ces chefs de file qui font partie d'organisations comme l'Alliance verte. C'est quelque chose que nous observons beaucoup dans l'industrie pétrolière et gazière. Malheureusement, la culture de sécurité profondément ancrée dans ce secteur n'existe pas toujours dans d'autres secteurs du domaine de l'expédition. Voilà encore où le risque surgit.
Le vice-président : Je vous remercie beaucoup tous les deux. Vous avez fait d'excellents exposés.
Je voudrais souhaiter la bienvenue au dernier témoin que nous entendrons à Vancouver : son honneur Phil Germuth, maire de Kitimat.
Votre honneur, je vous demanderais de commencer votre exposé. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.
Phil Germuth, maire, district de Kitimat : Je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. C'est pour moi un honneur que de témoigner.
Kitimat est une ville édifiée par l'industrie, une industrie que nous soutenons. Nous appuyons le développement, tout en protégeant soigneusement l'environnement. Nous pensons que Kitimat a l'occasion d'être le centre industriel à valeur ajoutée du secteur canadien des ressources naturelles.
À l'heure actuelle, on propose de construire deux raffineries de pétrole, un oléoduc, deux installations de GNL et de nombreuses autres occasions de valeur ajoutée potentielle. La valeur ajoutée constitue de toute évidence la meilleure option dans le secteur de ressources naturelles. Certains pays tirent actuellement de l'exploitation de nos ressources naturelles davantage de retombées économiques et d'emplois que nous, particulièrement dans l'industrie pétrolière.
La valeur ajoutée nous permet de tirer de nos ressources naturelles un pourcentage supérieur de notre valeur économique inhérente et est bien meilleure pour l'environnement. Le transport d'un produit raffiné a moins d'effet potentiel sur l'environnement que l'exportation des ressources brutes. Il assure également l'utilisation d'un pourcentage plus élevé de ressources naturelles et il réduit le gaspillage.
Bien entendu, l'ajout de valeur à nos ressources naturelles et leur raffinage conformément à la réglementation canadienne sont généralement plus viables sur le plan de l'environnement que l'expédition de produits bruts en Asie aux fins de raffinement.
Il existe deux manières de transporter le pétrole de façon sécuritaire par voie terrestre : le transport sécuritaire par pipeline et par rail. En 2010, à Kalamazoo, au Michigan, 3,3 millions de litres de pétrole se sont échappés d'un pipeline. En 2016, à Maidstone et à North Battleford, en Saskatchewan, ce sont entre 200 000 et 250 000 litres de pétrole qui se sont déversés, privant ainsi deux communautés d'une partie de leur approvisionnement en eau. En 2016 toujours, à Swift Current, en Saskatchewan, un pipeline a laissé s'échapper plus de 100 000 litres de produit.
Le dénominateur commun entre toutes ces catastrophes, c'est que chacune d'entre elles était aisément évitable. Nos normes actuelles de détection des fuites sont inadéquates. Le problème ne vient pas de la technologie, mais des normes et des règlements actuels. Je pense que nous avons tous vu l'opposition considérable que suscitent tous les projets de pipeline, qu'il s'agisse de Keystone XL, d'Énergie Est, de Northern Gateway ou de TransMountain.
Le problème vient des normes actuelles. Nous utilisons actuellement le système d'acquisition et de contrôle des données, ou SCADA, et le système de rapport entre le bilan matières et le bilan massique. En termes très simples, ces systèmes sont composés de manomètres et de débitmètres, ainsi que d'un algorithme informatique qui tentent de déceler les disparités entre la quantité de pétrole qui a pénétré dans le pipeline et celle qui en est ressortie. Le seuil de détection théorique des fuites de ces systèmes s'établit toutefois de 1,5 à 3 p 100 du débit. D'aucuns pourraient croire que ce seuil n'est pas mal, mais si j'utilise le projet Northern Gateway à titre d'exemple, un système ayant un seuil de 1,5 à 3 p. 100 du débit réel dans le pipeline laisserait s'échapper de 50 000 à 100 000 litres de produit à l'heure sans jamais sonner l'alarme.
Mais la technologie est là. Il existe une solution, appelée câble de détection externe des hydrocarbures, qui est infaillible. Ce câble détecte toutes les fuites et ne déclenche pas de fausses alertes. Si une alarme retentit, on peut être absolument sûr que le contenu du pipeline est en train de s'échapper. On a alors un problème et on a l'occasion d'intervenir avant que l'incident ne se retrouve à la une des journaux.
Plutôt que d'être aux prises avec une fuite de 50 000 à 100 000 litres à l'heure, le câble de détection des hydrocarbures peut déceler ce qui se trouve dans les pichets d'eau. Il détecte avec justesse les fuites de produit.
Les méthodes de transport ferroviaire actuelles ne sont pas sécuritaires. Le pétrole est transporté dans un état volatile. Nous savons tous ce qui s'est produit à Lac-Mégantic il y a plusieurs années, mais il existe une solution dans le secteur ferroviaire. Les promoteurs de deux projets de raffinerie de notre région veulent actuellement utiliser le chemin de fer pour transporter leur produit parce qu'il est évident que les pipelines ne recueillent pas d'acceptabilité sociale en raison des fuites catastrophiques qui se sont produites dans d'autres pipelines et de l'absence de normes adéquates.
Ils proposent maintenant de transporter le pétrole par voie ferrée dans un état solide ayant approximativement la consistance du beurre d'arachide. Ils extraient le pétrole du sol au moyen de la vapeur. Ils laissent ensuite ce pétrole chaud reposer et refroidir pendant environ deux semaines, au cours desquelles il prend une consistance s'apparentant à celle du beurre d'arachide. C'est ce produit qu'ils proposent d'expédier par train.
Ce produit présente également l'avantage de ne pas nécessiter l'utilisation de diluant. Le seul problème pouvant se poser, c'est que cette méthode peut exiger davantage d'énergie, puisque le produit qui a refroidi pendant deux semaines doit être envoyé à une raffinerie et réchauffé pour commencer le processus de raffinage. Sans pipeline, c'est véritablement le seul moyen sécuritaire de transporter du pétrole.
Tout le monde se souvient de l'Exxon Valdez et des 41 millions de litres qui s'en sont échappés. Le transport jusqu'aux côtes de bitume dilué non raffiné est extrêmement risqué. Honnêtement, je ne crois pas qu'un jour on réussisse un jour à vendre aux Canadiens — Premières Nations ou non — l'idée qu'on puisse expédier du bitume non dilué à partir de la côte Ouest du Canada, et plus précisément de la Colombie-Britannique.
Nous devrions raffiner nos produits avant de les exporter. Nous sommes tout à fait favorables à l'expédition de produits raffinés par navires-citernes, comme de l'essence, du carburant d'avion, du diesel, ce genre de chose.
Ce sont les risques qui expliquent l'opposition du public. Nous devons insister pour que les produits soient raffinés ici. Il faudra ensuite assortir des stratégies appropriées de prévention, de préparation et d'intervention à l'expédition de produits raffinés à partir de la côte Nord de la Colombie-Britannique. Le pilotage doit être obligatoire. Il faut déterminer d'avance, et clairement, qui devra assumer le coût des ressources de prévention et d'intervention. Les responsabilités interministérielles en cas d'urgence devront en outre être clairement définies, tout comme les voies de communication entre les organismes d'intervention.
Un éventuel moratoire visant la côte Nord de la Colombie-Britannique devrait toucher un seul produit non raffiné, et aucun produit déjà raffiné. Il devrait reposer sur une classification en cinq points et non sur une classification fondée sur la rémanence des produits.
Le sénateur Neufeld : Merci de cet excellent exposé. Si le pétrole était effectivement raffiné à Kitimat, y aurait-il un autre moyen que le chemin de fer pour l'acheminer jusque-là? Pourrait-on envisager un pipeline ou cette option est-elle carrément exclue? Les rails sont-ils le seul moyen d'acheminer le pétrole jusqu'aux raffineries?
M. Germuth : À mon avis, les pipelines demeurent le moyen de transport le plus sûr, pourvu qu'ils soient équipés de détecteurs de fuites adéquats. Durant les quatre ou cinq années où je faisais partie du conseil et où il était question du projet Northern Gateway, on a commencé à entendre parler du seuil théorique de détection des fuites et de ce qui, dans les faits, pourrait fuir. Les normes actuelles étant ce qu'elles sont, je me suis dit qu'une telle chose était impossible. Je suis technicien automobile de formation; j'ai donc l'habitude des détecteurs et de la technologie connexe. J'ai fait un peu de recherches, et j'ai constaté qu'il existe autre chose. Alors, non, je ne crois pas que le chemin de fer soit la seule option possible.
Il y a un peu plus d'un an, nous avons rencontré l'un des promoteurs de raffineries qui misaient encore sur les pipelines. Je lui ai fait remarquer qu'il se produisait parfois des accidents et qu'il y avait une autre façon de procéder. Il m'a répondu que seuls les vieux pipelines fuyaient, pas les nouveaux; que ce n'était jamais arrivé. Ce soir-là, quand je suis rentré chez moi et que j'ai allumé la télévision, nous avons appris que le pipeline Nexen, à Fort McMurray, fuyait. Or, ce pipeline avait moins d'un an. Il fallait s'attendre à ce que les méthodes habituelles ne détectent rien. C'est un ouvrier qui marchait à côté du pipeline qui a découvert la fuite. Il s'est exclamé : « Bon sang, regardez-moi ça. Il y a un problème »
Puis la première chose qu'on entend, par la suite, c'est qu'on veut changer pour le chemin de fer. Cette option n'est pas à rejeter d'emblée, mais si le public était suffisamment renseigné sur les technologies disponibles et si celles-ci étaient obligatoires, je demeure convaincu que nous pourrions revenir aux pipelines.
Il y a eu une table ronde organisée à Prince George il y a quelques semaines avec des maires, des dirigeants d'entreprise et des présidents de districts régionaux. J'y étais et j'ai parlé de la détection des fuites sur les pipelines. J'ai expliqué que les raffineries privilégiaient le chemin de fer parce que le public n'avait aucune confiance dans les pipelines tels qu'on les construit présentement. Les autres maires disaient que, quelle que soit la forme du pétrole, ils n'aimaient pas qu'on le transporte par rail et préféreraient un pipeline équipé de détecteurs de fuites adéquats.
Le sénateur Neufeld : Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la détection des fuites? Si vous avez fait un exposé là-dessus, croyez-vous que nous pourrions en avoir une copie?
M. Germuth : Bien sûr, je vais faire le nécessaire.
Le sénateur Neufeld : Vous pourrez l'envoyer à notre greffier, mais pour notre gouverne — ou en tout cas pour la mienne —, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les dispositifs de protection contre les fuites qui existent actuellement et nous dire où ils sont utilisés?
M. Germuth : Ce n'est rien de nouveau. Ces dispositifs existent depuis des années. En fait, à peu près toutes les entreprises de pipelines du Canada en utilisent à l'heure où on se parle. Elles ne s'en servent juste pas sur toute la longueur de leurs pipelines; elles les installent plutôt aux centres de collecte, sous les réservoirs, et cetera. Le coût approximatif, pour une entreprise, varie de 70 000 à 90 000 $ du kilomètre. Si on transpose le tout au projet Northern Gateway, d'Enbridge, et qu'on calcule 10 cents du baril, le système au complet serait payé en moins de six ans.
Ces dispositifs sont déjà présents au Canada. En Ontario, un projet domiciliaire a déjà eu leur installation comme condition préalable au changement de zonage nécessaire à sa mise en œuvre, parce qu'un oléoduc passait sous le lotissement. Pour que ce projet obtienne le feu vert des autorités, il a fallu installer ce genre de dispositifs.
Cette technologie est très utilisée sur les oléoducs qui passent sous les champs de riz, au Japon. Il y a environ deux mois, une grande conférence sur les pipelines a eu lieu à Berlin, en Allemagne. C'est à cette technologie-là que les participants se sont intéressés. Elle est rendue tellement perfectionnée qu'on peut ainsi parler de tolérance zéro contre les fuites. Les petites fuites sont celles qu'il faut trouver.
Le sénateur Mercer : Je remercie M. le maire pour cet excellent exposé. Vous avez parlé de l'expédition de produits raffinés. Je me pose toujours la même question depuis le début de notre étude : pourquoi n'exportons-nous pas davantage de produits raffinés? J'ai eu la réponse il y a quelques jours.
Le problème, c'est que la réglementation varie d'un pays à l'autre. Nous exportons vers le pays x parce que nous savons que nous en respectons la réglementation. Or, si le navire part du pays y et que nous ne respectons pas sa réglementation, le produit doit être raffiné de nouveau à destination. Ce serait beaucoup plus logique, selon moi, que nous raffinions nous-mêmes nos produits et que nous créions des emplois ici, au lieu d'exporter nos produits et nos emplois. C'est le contexte général.
En ce qui concerne la technologie de détection des fuites, j'aime bien votre suggestion. Selon ce que vous dites, devrait-il y avoir un détecteur tous les kilomètres ou existe-t-il plutôt des endroits où ces dispositifs seraient plus à leur place, comme à tous les 5, 10 ou 20 kilomètres? Ce serait logique. Là où il y a des détecteurs, y a-t-il aussi des valves d'arrêt?
M. Germuth : J'ai exposé ma vision des choses aux entreprises de pipelines. Elles ne se sont évidemment engagées à rien, mais elles ont laissé entrevoir leurs intentions.
Elles s'intéressent surtout à ce qu'elles appellent des « zones portant à conséquence ». Il peut s'agir d'une zone où, en cas de fuite, le pétrole pourrait se retrouver dans un bassin hydrographique ou d'un secteur névralgique sur le plan environnemental, ce genre de choses. Les entreprises nous ont dit que ces dispositifs pourraient très bien être installés à ces endroits. En fait, ils peuvent couvrir la distance que l'on veut, aussi courte ou aussi longue soit-elle. Il s'agit en fait d'un émetteur radio qui envoie un signal aussitôt qu'une fuite est détectée.
En tant que maire d'un district de la Colombie-Britannique, j'estime que tout devrait être considéré comme une zone portant à conséquence. Parce que, si on s'en tient aux zones portant à conséquence sous prétexte que les fuites pourraient contaminer tel ou tel bassin hydrographique, cela veut dire qu'ailleurs, ce ne serait pas grave. On sacrifie les autres zones.
Personnellement, je m'y oppose. Les pétrolières ont encore assez d'argent et la technologie de détection des fuites est assez avancée pour qu'on exige la meilleure protection qui soit pour l'environnement, partout. Les zones dévastées sont perdues à jamais. Selon moi, la Colombie-Britannique au complet devrait être une zone portant à conséquence. Ai-je répondu à votre question?
Le sénateur Mercer : Oui, et vous devriez en faire la base de votre publicité en vue de votre réélection.
La sénateur Black : Je vais avoir besoin de votre aide. Je ne suis pas sûr de ce que je m'apprête à avancer. J'ai visité les installations d'une nouvelle entreprise de Calgary qui fabrique un produit qui détecte les fuites sur les pipelines au moyen, il me semble, d'ondes radio, mais je vous révèle sans doute à quel point je suis dépassé en disant cela. En avez-vous entendu parler?
M. Germuth : Parlez-vous de l'entreprise Leek?
Le sénateur Black : Non.
M. Germuth : Je n'en ai jamais entendu parler précisément, alors. S'agit-il d'un dispositif interne ou externe? Êtes-vous au courant?
Le sénateur Black : Interne.
M. Germuth : Le problème des dispositifs internes, ce sont les fausses alarmes. C'est ce qu'on appelle la « séparation de colonnes » et c'est ce qui fait que je préfère les dispositifs internes : il n'y a jamais de fausses alarmes. Quand ils se déclenchent, on sait que ce qui devait être à l'intérieur est rendu à l'extérieur.
Le problème des ondes radio, c'est que, puisqu'il s'agit d'une technologie acoustique, il y a séparation des colonnes. Le produit dans le pipeline va tellement vite qu'il se crée des poches d'air, ce qui peut déclencher de fausses alarmes.
Le sénateur Black : Les gens que j'ai rencontrés m'ont dit qu'il existait une technologie capable de détecter les fausses alarmes. Mais ne nous attardons pas là-dessus. Je voulais seulement savoir si vous en aviez entendu parler.
M. Germuth : J'en ai déjà entendu parler, oui.
Le sénateur Black : On consacre beaucoup de temps, d'argent et d'énergie à cette technologie, mais elle est coûteuse.
M. Germuth : C'est vrai, mais songez aux coûts d'un déversement.
Le sénateur Black : Je sais.
M. Germuth : Il faut convaincre la population si on veut avancer. C'est le seul moyen d'intéresser certaines nations autochtones et de redonner confiance à une certaine frange de la population en général.
Le sénateur Black : Parlez-moi de Kitimat, si vous le voulez bien. Résumez-moi encore une fois, je vous prie, les projets actuellement à l'étude.
M. Germuth : Nous venons de terminer la modernisation de l'aluminerie Rio Tinto pour 5 milliards de dollars. Elle a été construite au début des années 1950 et elle fonctionne pour ainsi dire 24 heures par jour, 7 jours par semaine depuis ce temps.
Le projet massif de gaz naturel liquéfié LNG Canada fait partie des projets actuellement à l'étude. Ses partenaires sont Mitsubishi, KOGAS, PetroChina et Shell. Il y a aussi le très gros Kitimat LNG, lui aussi un projet de gaz naturel liquéfié réalisé en partenariat par Chevron et Woodside. Il y a aussi deux projets de raffinerie : la Kitimat Clean, de David Black, juste au nord du centre de services de Kitimat, et la Pacific Futures Energy, environ 25 kilomètres à l'extérieur de Kitimat, en allant vers le lac Onion. Au départ, le site retenu pour la raffinerie Kitimat Clean, de David Black, devait être celui où on doit maintenant construire la Pacific Futures Energy, mais les promoteurs ont plutôt choisi de se rapprocher de Kitimat.
Le sénateur Black : Et c'est sans oublier le terminus du futur projet de pipelines Gateway.
M. Germuth : Bien sûr, évidemment.
Le sénateur Black : Aucun de ces projets n'est encore en branle, c'est bien ça.
M. Germuth : C'est exact.
Le sénateur Black : À la lumière de vos connaissances, lesquels vont se réaliser selon vous, et dans combien de temps?
M. Germuth : Je dirais que, d'ici deux ans, le projet LNG Canada devrait se mettre en marche. Pour le moment, l'offre sur le marché est plus forte que la demande, mais déjà, ailleurs sur la planète, l'Asie, l'Inde et divers autres pays ont commencé à se moderniser. Si bien qu'à notre avis, d'ici 2022-2023, la demande devrait de nouveau être supérieure à l'offre. Si la construction débute en 2018 et qu'on calcule 5 ans avant qu'elle ne soit terminée, on peut espérer qu'en 2022-2023, le tout devrait être fonctionnel. Le projet Kitimat LNG nous est particulièrement cher lui aussi, même s'il tire un peu de l'arrière par rapport à LNG Canada.
Le sénateur Black : C'est ce qu'on nous a indiqué plus tôt aujourd'hui, oui.
M. Germuth : Pour ce qui est des raffineries, elles en sont encore aux premières étapes. Une partie du problème, à mon avis, tient au fait que la Colombie-Britannique et l'Alberta ne collaborent pas d'assez près afin de réclamer, de proposer qu'on insiste davantage sur la valeur ajoutée et qu'on en fasse notre stratégie.
Je ne sais même pas si nous avons une stratégie nationale de l'énergie digne de ce nom. Pourquoi ne raffinons-nous pas ces produits avant de les expédier? Les pétrolières vous diront qu'elles en sont incapables parce que ce n'est pas rentable, mais c'est faux. C'est tout à fait rentable; juste un peu moins, c'est tout.
J'entends souvent notre première ministre critiquer l'Alberta en disant : « Regardez si nous sommes bons comparativement à eux », alors qu'au fond, nos deux provinces devraient faire front commun. À Kitimat, j'ai fait campagne en promettant de renforcer les liens entre les maires, l'industrie et le gouvernement. Je ne sais pas pourquoi le gouvernement provincial refuse de s'engager dans cette voie. Si on veut qu'un jour il y ait une raffinerie chez nous, il va falloir accepter que le pétrole vient de l'Alberta et que la collaboration est une condition sine qua non. Or, ce n'est pas ce qui se passe actuellement.
Nous devons collaborer avec le gouvernement fédéral aussi. Depuis que j'ai été élu, le chef Ellis Ross, de la nation haisla, et moi avons écrit une lettre au très honorable premier ministre Trudeau afin de le rencontrer ou de parler à quelqu'un. Nous avons aussi écrit au gouvernement de l'Alberta. Nous essayons d'établir le contact afin d'expliquer à qui de droit que nous sommes favorables à cette façon de faire et que nous souhaitons collaborer, mais nos efforts sont demeurés vains jusqu'ici.
Le sénateur Black : Je sais que je m'apprête à énoncer une évidence, mais j'aimerais quand même que vous me confirmiez que, si ces projets allaient de l'avant, cela signifierait des investissements de 50, 60, voire 70 milliards de dollars dans votre coin de pays et que tout cet argent proviendrait du privé.
M. Germuth : C'est exact. La valeur du projet LNG Canada se situe quelque part entre 25 et 40 milliards de dollars. Le projet Kitimat LNG, de son côté, vaut environ 20 milliards de dollars. La raffinerie Kitimat Clean, de 20 à 30 milliards de dollars. C'est énorme. En fait, on parle d'investissements dépassant largement 100 milliards de dollars dans la région.
Nous faisons tout ce que nous pouvons. Oui, nous sommes réalistes. Nous sommes conscients qu'il est à peu près impossible que tous ces projets soient menés à bien, mais si nous pouvions faire en sorte qu'un ou deux voient le jour, ce serait déjà merveilleux.
Le sénateur Black : Je ne vous le fais pas dire.
M. Germuth : C'est du pétrole qu'il faut s'occuper. Le gaz naturel liquéfié va faire son bout de chemin. Ça me semble bien parti, en tout cas. Il faudrait trouver le moyen de convaincre les autorités de raffiner nos ressources d'un bout à l'autre du pays. Je ne crois pas avoir besoin de préciser que ce serait dans l'intérêt supérieur du Canada, car je suis convaincu que vous le savez déjà.
Le vice-président : Monsieur le maire, j'ai quelques questions à vous poser. Comme bien d'autres avant vous, dont moi-même, vous avez souligné que le Canada n'a toujours pas de stratégie nationale de l'énergie. Tout semble fragmenté, et tout le monde voit à ses petites affaires dans son coin. Je crois que nous sommes sur la même longueur d'onde.
On nous dit souvent aussi que la côte Ouest a besoin d'un corridor énergétique permanent. Pourquoi Kitimat serait-elle un meilleur choix que Prince Rupert?
M. Germuth : Je viens de Kitimat et cela ne m'empêche pas d'appuyer sincèrement tous les projets à Prince Rupert. J'aimerais que les localités dirigées par le maire Lee Brain et le maire Dave MacDonald, de Port Edward, réussissent à tirer leur épingle du jeu elles aussi.
Kitimat jouit d'un léger avantage. C'est beaucoup plus facile de se bâtir à Kitimat, surtout sur le futur emplacement du projet LNG Canada. C'est là qu'était située l'ancienne usine de méthanol Methanex. Le terrain est plat sur une très vaste étendue. Tout est déjà là, même un terminal.
Nous sommes aussi avantagés par rapport à Prince Rupert parce que notre région ne compte qu'une seule Première Nation, les Haisla, et pourvu qu'ils ne nuisent pas à l'environnement, elle est aussi favorable au développement que nous.
Le vice-président : Vous avez pris vos précautions.
M. Germuth : Exactement. Ils sont favorables aux entreprises. Ils sont à l'avant-garde, pour tout dire. Ils ne sont pas les seuls, parmi les Premières Nations, à être favorables aux entreprises, remarquez. Mais les Haisla sont la preuve vivante que les Premières Nations ne sont pas juste là pour exiger telle ou telle chose et attendre un chèque, mais pour favoriser les échanges commerciaux, créer des emplois et ouvrir des débouchés.
Le vice-président : À votre avis, Kitimat et Prince Rupert pourraient-elles théoriquement faire toutes deux partie d'un futur corridor permanent?
M. Germuth : Nous en avons déjà discuté avec certaines entreprises de pipelines. Pour le moment, je m'intéresse davantage au gaz naturel, pour les projets Kitimat LNG et LNG Canada. Le problème, c'est que les pipelines ne vont pas tous exactement au même endroit. Ils ne partent pas tous de Fort St. John ou, dans le cas du pétrole, de Fort McMurray. Ils empruntent des trajets différents, même s'ils finissent tous par se rejoindre à quelques centaines de kilomètres de Kitimat, à partir d'où ils suivent à peu près tous le même tracé.
Le vice-président : Je vois.
M. Germuth : Mais oui, il s'agirait à notre avis d'une excellente idée. Si elle était faisable, nous y serions tout à fait favorables.
C'est difficile, cependant, parce qu'il s'agit après tout de projets concurrents, même si Pacific Trails Pipeline et Coastal GasLink entretiennent aussi des liens. S'il y avait moyen que cela se fasse, elles seraient partantes. Mais pour le moment, les deux entreprises ont le même problème : le barrage routier à Moricetown, près de Smithers. Ce n'est pas une bande autochtone qui bloque ainsi la route, mais l'une des maisons d'une bande. Hiérarchiquement parlant, chaque bande est composée de plusieurs maisons. Or, dans ce cas-ci, l'une de ces maisons s'est dissociée du reste et a décidé de bloquer la route. Elle empêche les travailleurs de se rendre sur place pour sonder le terrain.
Coast GasLink, à qui appartient le pipeline devant servir au projet LNG Canada, a déjà proposé un autre tracé qui contournerait cette zone, même cela lui coûterait des dizaines de millions de dollars de plus.
Je n'en reviens pas qu'on puisse s'opposer avec tant de hargne à un gazoduc. L'environnement ne subira aucun dommage en cas de fuite : le gaz va tout simplement se dissiper dans l'air. Même chose si le gazoduc passe sous une rivière : elle ne gèlera pas soudainement.
Le vice-président : C'est irrationnel.
M. Germuth : Justement. Je ne comprends pas. Je ne sais pas si c'est une question de sensibilisation. Je sais que certains groupes ont essayé de parler à ces gens, mais ils ont presque toujours refusé de seulement leur adresser la parole. Comment peut-on sortir d'une telle impasse, je vous le demande? Et on ne parle que d'une nation. Les 16 autres ont donné leur appui par écrit aux gazoducs.
Le vice-président : Je n'ai jamais compris pourquoi on voulait exporter du bitume non raffiné en passant par Kitimat. Selon ce que je retiens de nos discussions d'aujourd'hui, nous sommes d'accord sur ce point-là aussi. Pourvu qu'il soit question du produit raffiné, les gens de Kitimat et vous-même n'avez rien contre.
M. Germuth : Absolument pas. Vous avez sans doute vu, dans les nouvelles il y a quelques années, que nous avons organisé un référendum sur le projet Northern Gateway et que le non a obtenu 58 p. 100 contre 42 p. 100 pour le oui. Notre position est toujours la même et nous nous y opposons toujours.
C'est d'abord et avant tout pour des considérations environnementales, vous l'aurez deviné. Nous nous soucions de l'environnement. Mais c'est aussi, ce qui est tout aussi important, parce que nous trouvons logique de tout faire pour que ces emplois demeurent au Canada. En passant, les deux raffineries dont je parlais tout à l'heure, Kitimat Clean et Pacific Future Energy, utiliseraient une technologie qui en ferait pour ainsi dire les raffineries les moins polluantes de la terre, et pas seulement pour les émissions de gaz à effet de serre, tout le reste aussi. Cette technologie encore inédite permettrait en effet de réduire considérablement les émissions par rapport à ce qu'on voit en Asie et ailleurs.
Le vice-président : J'aurais une dernière question pour vous. En l'absence de corridor permanent ou fixe, l'Alberta et la Colombie-Britannique ne seraient peut-être pas perdantes, par exemple si la Colombie-Britannique acheminait de l'hydroélectricité jusqu'aux champs de pétrole afin d'aider les pétrolières à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Kitimat serait-elle un endroit intéressant où faire passer tout ce courant? Peut-être que le sénateur Neufeld serait mieux placé que vous pour répondre.
M. Germuth : Pourrait-on acheminer de l'hydroélectricité par Kitimat? Nous sommes en plein sur la côte, alors il y a évidemment Alcan. Or, 1) si Alcan s'est installée là, c'est pour l'accès à l'eau; et 2) l'aluminerie a obtenu le droit d'ériger son propre barrage, si bien qu'aujourd'hui, elle dispose de sa propre centrale, qui produit plus de 800 mégawatts.
Quand on transporte de l'hydroélectricité, il y a toujours des pertes en ligne. Ce serait donc difficile d'acheminer tout ce courant de Kitimat jusqu'aux champs de pétrole. À moins que vous ne parliez de produire l'électricité sur place?
Le vice-président : Non, je parle de transporter de l'hydroélectricité de la Colombie-Britannique jusqu'en Alberta.
M. Germuth : On mise davantage sur le barrage du site C pour ce faire. Est-ce dans la région de Fort St. John?
Le vice-président : Oui.
M. Germuth : Cela ne nous pose aucun problème. Plus de 60 p. 100 de l'électricité est encore produite à partir de charbon en Alberta. En Colombie-Britannique, nous avons la chance de pouvoir compter sur des ressources en eau nous permettant de tabler sur l'hydroélectricité dans une proportion de plus de 90 p. 100. Nous serions donc tout à fait favorables à l'idée de nous départir d'une portion de cette hydroélectricité pour permettre aux Albertains de diminuer leur recours au charbon.
Le vice-président : Que l'électricité provienne de l'est ou de l'ouest, d'Edmonton, de Kitimat ou de Prince Rupert, il est assez difficile de ne pas passer par Fort St. John. On va certes s'en approcher considérablement, car c'est en plein dans la trajectoire.
Le sénateur Mercer : Je vous suis reconnaissant de dire les choses comme elles sont. Vous nous avez fourni des renseignements très précieux.
Le vice-président : Monsieur le Maire, nous sommes très heureux d'avoir pu vous recevoir aujourd'hui. Merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Dès que nous aurons terminé notre rapport, nous vous en ferons parvenir un exemplaire.
M. Germuth : Excellent. Merci beaucoup de m'avoir invité. Ce fut un honneur pour moi de comparaître devant vous aujourd'hui.
(La séance est levée.)