Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 6 - Témoignages du 4 octobre 2016
OTTAWA, le mardi 4 octobre 2016
Le comité permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, afin d'étudier l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président : Ce matin, nous allons poursuivre notre étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.
Todd Halina, chef de l'exploitation chez Chemco, participera par vidéoconférence depuis Nisku, en Alberta. Todd Halina a débuté sa carrière chez Chemco Electrical Contractors Limited en 1996. En 2001, après avoir terminé son apprentissage en électricité, il a commencé à travailler au service de l'approvisionnement. En 2007, Todd Halina a été promu gestionnaire d'approvisionnement et est passé au groupe de propriété. Dans son poste actuel, Todd Halina supervise le groupe de gestion de la construction.
Todd Halina, chef de l'exploitation chez Chemco Electric : Bonjour à tous. Merci de m'inviter à témoigner ce matin.
Je représente aujourd'hui la compagnie pour laquelle je travaille et je suis heureux d'avoir l'occasion de m'entretenir avec vous. Le siège social de notre entreprise industrielle ne se trouve pas en Alberta — je sais que vous nous connaissez un peu — et nous sommes un leader de deuxième génération ici, dans la province de l'Alberta.
Ma famille a fondé cette compagnie. Nous croyons aux valeurs familiales, à la participation de la communauté et de tous — hommes et femmes de races ou de croyances différentes.
J'aimerais vous parler particulièrement de la signification du mot pipeline en Alberta et de la manière dont je vois les choses comme propriétaire d'entreprise et en tant que fier Albertain.
Je vis dans une province riche en ressources énergétiques qui sont pour la plupart enfouies dans le sous-sol. Nous sommes tous conscients du fait que sans les pipelines ou quelque autre stratégie de transport, ces ressources demeureraient globalement inutilisées.
Nous avons dû faire face à de nombreux défis émanant de l'industrie et de personnes qui étaient peut-être mal informées. Beaucoup de personnes se sont exprimées sur les problèmes liés aux pipelines et le transport possible du pétrole par rail. Je comprends qu'il peut être difficile de composer avec toutes ces perspectives diverses sur la manière de déplacer les produits notamment vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique.
Une stratégie que notre société adopte est d'améliorer la communication afin de mieux connaître nos interlocuteurs. Au cours des cinq dernières années, nous avons mis en place ici un processus de diversification, en considérant différentes industries. Dès le départ, nous avons eu à discuter avec des Premières Nations qui voulaient savoir ce que nous faisions et connaître les incidences de ce que nous faisions sur leurs communautés.
Personnellement, j'ai tenté dès le début de travailler de manière stratégique avec elles. J'ai compris immédiatement qu'il me fallait bien saisir les enjeux auxquels étaient confrontées leurs communautés, ce qu'elles aimeraient faire ou ne pas faire. À aucun moment il n'a été question de scénarios politiques. Il était plutôt question de leurs communautés et de comprendre les défis qui les attendaient.
Lorsque les discussions ont commencé, cela a été difficile, car de toute évidence elles ne nous faisaient pas confiance. Bien entendu, au fil des ans, différentes entreprises se sont installées à proximité des Premières Nations sans se demander si leur engagement et leurs affaires répondaient à leurs attentes ou si elles tenaient leurs promesses envers elles. Il fallait vraiment établir une relation avec elles avant de parler d'affaires. Il s'agissait donc d'aller dans les différentes communautés, dans les écoles, de regarder vivre les enfants et de chercher à comprendre les défis qu'ils ont à relever chaque jour.
Tous ceux que j'ai rencontrés ont des familles et des valeurs familiales fortement ancrées. Je me suis rendu compte qu'ils essayaient seulement de comprendre si nous serions des éléments positifs qui aideraient leurs communautés à continuer de croître et de prospérer.
Depuis ce moment, nous avons confiance en eux et nous comprenons ce qu'ils cherchent. Alors maintenant, les risques sont écartés en ce qui a trait à la confiance. Nous avons réussi à aller de l'avant en établissant dans certains cas ce que nous appellerons une coentreprise avec des Premières Nations, et nous venons tout juste de démarrer une compagnie qui leur appartiendra majoritairement.
J'insiste beaucoup sur la question, car j'estime qu'il s'agit là d'un des plus grands problèmes que nous avons. Il y a des communautés sur lesquelles tous ces projets auront des incidences. Je comprends de quoi elles ont peur et elles ne font pas que protester. De façon générale, je crois que les protestataires ne constituent qu'une minorité dans ces groupes. Ils protestent parce qu'ils ne comprennent pas quelles pourraient être les incidences d'un tel projet sur leurs communautés, que ce soit un pipeline, une raffinerie ou un autre type de projet de construction.
Je crois sincèrement qu'au Canada, nous voulons tous la même chose. Nous aimons notre pays. C'est un pays libre où il fait bon vivre et où les gens souhaitent prospérer. Nous devons favoriser le dialogue ouvert, afin que les gens ne croient pas qu'un propriétaire de compagnie pétrolière n'est qu'une personne qui fait beaucoup d'argent en transportant du pétrole brut d'un bout à l'autre du pays sans que le grand public puisse en tirer parti.
Les communautés rurales qui sont touchées par les incidences d'un grand nombre de projets de pipeline sont en général déjà passées par plusieurs cycles d'expansion et de ralentissement, particulièrement dans les provinces de l'Ouest, à cause de la présence du pétrole et du gaz. Peut-être pourrait-on inclure obligatoirement dans les projets de petites entreprises appartenant à ces communautés au fur et à mesure que les pipelines progressent? Les retombées économiques pour ces petites communautés seraient positives et je crois vraiment que si elles comprennent les avantages des programmes, elles nous appuieront majoritairement.
Je pense que tôt ou tard, il faudra inévitablement déplacer le pétrole brut. On parle beaucoup d'énergie renouvelable, ce qui est bien, et je pense que cela permet au Canada d'aller de l'avant également, mais ce qui nous réussira le mieux c'est de combiner toutes les industries (du moins c'est notre point de vue ici en Alberta, au sein de notre entreprise et selon mes valeurs familiales).
Je ne suis pas sûr de savoir exactement à quel type d'information vous vous attendez ce matin. Ici, en Alberta, en respectant nos valeurs, nous connaissons beaucoup de succès comme entreprise. Nous sommes en affaires depuis plus de 50 ans et, pour être honnête, c'est une valeur familiale avant tout de travailler avec les gens et de faire ce que nous disons faire.
Je vois beaucoup de ces projets comme étant simplement une autre entreprise, évidemment à très grande échelle. Donc, une fois que quelque chose est proposé, cela revient à suivre un calendrier établi, à respecter l'échéancier, à garder les personnes intéressées et à savoir qu'il y aura des résultats.
Du point de vue du public, si je m'éloigne de la perspective des affaires, je vois les choses un peu de la même manière à la fois dans ma vie privée et dans mon travail, c'est-à-dire comme un programme axé sur un calendrier. Si nous avons un plan à réaliser d'ici les 5 prochaines années et que nous voulons faire passer un pipeline d'un bout à l'autre du Canada, nous réfléchirons à la manière de nous y prendre et aux étapes à suivre pour y arriver, puis nous ferons part de notre calendrier au grand public.
Cela mettra la population en confiance et ils verront que oui, nous suivons notre calendrier, nous savons ce que nous faisons et nous respectons notre plan. Les problèmes surviennent lorsque le public voit qu'il y a des retards dans le calendrier d'un projet — du moins c'est mon point de vue — par exemple si nous prévoyons réaliser un projet sur 5 ans et que celui-ci se transforme en un projet de 10 ans. Pourquoi? En général, les retards par rapport au calendrier se traduisent par des augmentations de coûts. Et les certitudes relatives aux coûts sont très importantes.
Pour certains projets, on observe une hausse fulgurante des coûts, et ce, pour plusieurs raisons. Il y a généralement trois grandes raisons qui expliquent ces augmentations de coût, sur le plan de la construction.
D'abord, cela débute avec l'ingénierie. Ordinairement, avant le début des travaux de construction, l'aspect technique n'est pas considéré comme étant terminé. Ce qui se produit alors, c'est que les entrepreneurs en construction se mobilisent trop tôt dans le projet, bien avant que toutes les considérations techniques aient été étudiées. Nous commençons alors à devenir inefficaces et cela coûte cher et génère des retards dans le calendrier. L'utilisateur final, qu'il s'agisse du public, du responsable du projet ou de l'équipe de construction, voit cela comme un dépassement de coûts accompagné d'une grande incertitude quant aux coûts et il perd confiance dans le projet.
Voilà, c'est ce que j'avais à vous dire ce matin. Je serai heureux de répondre à vos questions. S'il y a des sujets dont vous aimeriez parler en détail, je serai plus que ravi de répondre à vos questions.
Le vice-président : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons passer aux questions des sénateurs.
La sénatrice Unger : Merci, monsieur Halina, de votre exposé devant notre comité, qui vous le savez étudie la question des pipelines, plus particulièrement concernant Énergie Est.
Vous reconnaissez que chaque communauté autochtone est unique et, comme vous l'avez dit, vous établissez des relations privilégiées avec ces communautés. Vous avez parlé de trois enjeux. Le deuxième est que vous tenez à respecter vos engagements envers vos partenaires des communautés autochtones, et le troisième est que vous encouragez la formation et l'apprentissage des jeunes Autochtones, en mettant l'accent sur l'emploi de ceux qui ont déjà suivi les programmes de formation.
Pouvez-vous prendre quelques minutes pour nous donner des précisions sur chacune de ces questions, afin de nous éclairer davantage sur les succès de Chemco Electric dans l'établissement de ces relations?
M. Halina : Certainement. D'abord, les communautés sont différentes les unes des autres. J'ai rencontré deux bandes ou communautés des Premières Nations. L'une d'elles se trouve en Saskatchewan et l'autre dans le nord de la Colombie-Britannique. Elles sont très différentes. Cela dépend de leur histoire, de l'endroit d'où elles viennent, de leurs valeurs, et de leur participation passée.
Beaucoup de mes échanges avec les groupes des Premières Nations portaient sur leur histoire ancestrale et sur des choses dont elles sont vraiment très fières. Par exemple, dans le Nord de la Colombie-Britannique, elles sont très fières de leur héritage agricole, de chasse et de piégeage et le fait de comprendre cela m'a permis de mieux communiquer avec elles.
Je viens d'une famille qui vivait en milieu rural et qui a un grand héritage agricole et d'élevage à grande échelle. Cela favorise la communication positive avec elles à propos de sujets qui les intéressent réellement. Les discussions ne portaient pas sur le barrage du site C ni sur ses aspects négatifs. Il était davantage question du fait d'être une communauté agricole et d'élevage à grande échelle. Elles disaient que c'est la terre sur laquelle elles font paître leur bétail. Leurs ancêtres reposent dans ces terres et il est possible que le barrage du site C ait une incidence là-dessus, mais à aucun moment elles n'ont soulevé de préoccupations négatives concernant le site C. Ces échanges visaient particulièrement à écouter certaines de leurs préoccupations ou de leurs peurs.
En Saskatchewan, la Première Nation que j'ai rencontrée était plutôt du type nomade. Elle se déplaçait dans les prairies. Elle était très fière de certaines batailles qu'elle avait gagnées il y a de cela des centaines d'années contre d'autres Premières Nations dans la région. Ces personnes m'ont expliqué longuement à quel point elles étaient fières de leurs dirigeants et de leur capacité à trouver des solutions novatrices, à ne pas être traditionnelles au point de refuser les choses et à accepter de progresser. Elles en étaient fières. Cette Première Nation est un exemple à suivre en matière de formation communautaire; on y trouve le Centre de formation Iron Buffalo. Elle est très centrée sur sa communauté et comprend ce qu'elle a à faire pour former et instruire les habitants de ses réserves afin qu'ils puissent en sortir. Elle a encouragé des membres de sa communauté à quitter leur réserve et à devenir médecins ou avocats. Ainsi, vous voyez qu'une des Premières Nations souhaite davantage rester à la maison et faire de l'agriculture et de l'élevage à grande échelle, de la chasse et de la pêche, alors que l'autre est très progressive. Elle veut que ses membres sortent et s'instruisent pour devenir médecins, avocats et peut-être qu'ils reviennent dans leur communauté aider d'autres membres.
Alors si j'avais à discuter avec les chefs des deux groupes, nos échanges seraient très différents. Il faut en tenir compte. Chaque personne qui fait partie de ces groupes est différente, et elles ont des valeurs différentes. Oui, dans certains cas il est vrai que la géographie où habitent les bandes se ressemble, mais celles-ci sont toutes différentes et il faut le reconnaître.
Quel était le deuxième commentaire?
La sénatrice Unger : Vous encouragez la formation et l'apprentissage des jeunes Autochtones en mettant l'accent sur l'emploi. Pouvez-vous nous en parler?
M. Halina : En ce qui a trait aux Premières Nations en particulier, malheureusement il n'y a pas beaucoup d'excellent leadership. Beaucoup de jeunes de la nouvelle génération ne connaissent parfois pas leur père et mère, ou ceux-ci ne sont peut-être pas là. Le grand-père ou la grand-mère sont encore là. Nous leur assurons une aide considérable en leur donnant ces occasions.
D'abord, ils ne savent pas quelles occasions s'offrent à eux. Ils ne comprennent pas ce qui existe pour eux. Apprendre un métier est une belle occasion pour les membres des Premières Nations de trouver des emplois. De façon générale, on peut apprendre la plupart des métiers en ayant une dixième année, et traditionnellement il semble que c'est à ce niveau que les jeunes des Premières Nations commencent à décrocher. Alors il faut les motiver de nouveau et leur offrir des programmes d'apprentissage. Au Canada, une personne qui exerce un métier peut très bien gagner sa vie, qu'elle soit soudeur, électricien, tuyauteur, menuisier ou technicien en instrumentation mécanique. Ce sont tous de très bons emplois à avoir au Canada, en Alberta, en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique. Ces métiers sont tous reconnus partout au pays.
Ainsi on peut dire aux membres d'un groupe autochtone qu'ils peuvent obtenir un emploi en Alberta, et que s'il y a un ralentissement en Alberta, ils pourront se trouver un emploi en Saskatchewan ou au Manitoba. Cela ouvre vraiment la porte aux jeunes.
Rien n'indique qu'ils ne peuvent pas exercer plusieurs métiers. Nous avons beaucoup de gens de métier qui exercent plusieurs métiers. Dans les projets, tous ces métiers sont requis. Alors qu'il s'agisse de pose de pipelines, de construction d'installations ou d'entretien, ce sont tous des emplois stables qui seront recherchés au Canada pour les générations à venir.
Lorsqu'il est question d'un projet de pipeline, il y a deux points à considérer, et c'est là que se joue l'adhésion des populations. Le premier est la construction du projet, et l'autre est son maintien. Par exemple, notre organisation n'existerait pas si nous ne faisions pas de travaux d'entretien. C'est une chose dont nous parlons rarement. Donc si nous avions à construire un pipeline qui traverse plusieurs régions, cela créerait des emplois à long terme dans les communautés. Ce n'est pas une construction de pipeline à la suite de laquelle la compagnie s'en va et les emplois aussi. Il y aura du travail pendant plusieurs générations. Les emplois seront là tant que le pipeline sera en service.
Ces Premières Nations ne vont nulle part. Elles seront là pour la même durée. Nous devons faire participer ces Premières Nations et les jeunes Autochtones, même si en fait cela n'a rien à voir avec l'âge. L'apprentissage est possible même à 50 ans. Cela a d'énormes répercussions pour nous.
Le sénateur Eggleton : Monsieur Halina, merci beaucoup pour votre exposé. Je vous félicite d'avoir si bien décrit la manière dont vous vous y prenez pour rejoindre les Premières Nations.
Vous parlez d'établir des relations avec elles, d'instaurer la confiance et de tenir compte de leurs valeurs. Vous avez parlé des valeurs de votre compagnie, de vos valeurs familiales et vous pouvez être fier de la manière dont vous le faites. Cela semble être un engagement très sincère envers la population des Premières Nations.
Je ne sais pas exactement ce que font d'autres sociétés dans le secteur pétrolier, mais nous avons certainement l'impression qu'il y a de nombreuses confrontations mettant en cause des Autochtones et certaines sociétés. Pourquoi n'en fait-on pas davantage ailleurs, comme vous le faites?
M. Halina : Je suppose qu'il y a différentes manières de voir la question et c'est peut-être mon opinion seulement.
J'ai eu beaucoup de chance et j'ai été élevé avec des valeurs familiales très fortes qui m'ont appris que tous ont droit au travail et à l'égalité.
Je pense que beaucoup de compagnies pétrolières n'ont pas fait ce qu'elles avaient annoncé, et je ne crois pas qu'elles en sont tenues responsables.
Nous avons beaucoup de très bonnes relations avec... appelons-les les grands propriétaires de pipelines du Canada. Je vois qu'il y a de grands changements en ce moment, en ce sens qu'elles disent maintenant « Oui, nous avons besoin de faire cela et il nous faut des entrepreneurs comme vous pour nous aider. » Elles aussi ont de la difficulté à déterminer comment communiquer avec les groupes des Premières Nations.
Je peux vous parler en particulier de ce qui se passe chez nous. Nous sommes très ouverts d'esprit à ce sujet et nous nous sommes lancés sans idées préconçues à savoir si les Premières Nations avaient tort ou raison dans les choix qu'elles faisaient et dans la manière dont elles expriment leurs opinions.
Je pense qu'il y a encore beaucoup de propriétaires de pipelines ou de gens qui travaillent pour eux qui ont peut-être eu de mauvaises expériences en travaillant avec les Premières Nations. Ils finissent essentiellement par se rendre en disant « Nous ne savons pas comment gérer cela », plutôt que d'essayer d'aller de l'avant et de dire : « Nous n'écoutons pas. Nous avons besoin de comprendre ce qu'elles cherchent afin de pouvoir travailler avec elles. »
On a entendu dire que des groupes des Premières Nations cherchaient peut-être à obtenir une aide financière auprès des compagnies pétrolières. Ce n'est pas le cas. Peut-être que dans certains cas cela s'est produit, mais ces aides financières n'allaient pas à la communauté. Elles ont peut-être été remises à quelqu'un qui jouait un rôle principal ou quelque chose du genre, mais personnellement je n'ai jamais eu d'expérience semblable. De telles discussions n'ont jamais été soulevées avec nous et nous n'avons jamais offert rien de semblable.
Ce n'est pas cela que nous leur communiquons. Nous leur expliquons que nous voulons ajouter de la valeur à leur communauté, participer avec leurs groupes et être invités à leurs fonctions communautaires. Ce sont vraiment les relations que nous avons réussi à établir, et nous sommes très ouverts et accommodants, ne serait-ce que pour le calendrier. Elles peuvent nous convoquer à une réunion aujourd'hui à 10 heures et se présenter à 14 heures, et c'est simplement quelque chose que nous devons comprendre et gérer. Cela me convient. Cela convient aussi à l'entreprise que je représente. Ce qui importe, c'est que tout le monde soit ouvert, compréhensif et que chacun accepte les différences de l'autre et ses valeurs, et vraiment, qu'il accepte ce que l'autre cherche.
Le sénateur Eggleton : Continuez ainsi. J'espère que vous servirez d'exemple à d'autres compagnies.
Le vice-président : Avez-vous d'autres questions, messieurs et mesdames les sénateurs?
La sénatrice Unger : Monsieur Halina, je comprends que votre compagnie est basée sur des valeurs et que vous travaillez pour les jeunes Autochtones. Pouvez-vous me dire combien de stagiaires qui ont commencé à suivre des formations dans n'importe quel métier — plombier, électricien ou technicien en entretien — terminent leur formation? Et à combien d'entre eux est-ce que vous offrez un emploi une fois qu'ils l'ont terminée?
M. Halina : Eh bien, nous établissons des IRC, ou indicateurs de rendement clés pour nous-mêmes, alors nous en prenons la responsabilité, c'est-à-dire que nous pouvons dire de nos programmes d'apprentissage obligatoires que nous respectons un pourcentage de participants des Premières Nations basé sur les régions. Nous avons un programme d'apprentissage appelé « Trade Winds to Success » qui vise spécifiquement à faire participer les jeunes des Premières Nations, ou les Premières Nations en général.
Actuellement, nous atteignons 30 p. 100 dans certains cas, et c'est ce que nous visons. Il y a aussi des secteurs où nous n'avons pas réussi à atteindre nos cibles, car dans certaines régions, les populations avaient peu d'intérêt pour cela.
Donc, ce que je dois en comprendre, c'est que s'il n'y a pas suffisamment d'intérêt, est-ce parce que je ne communique pas adéquatement l'information concernant ces occasions de formation. Cela n'indique pas que dans certaines régions les gens ne veulent pas travailler; cela reflète plutôt le fait que je n'ai pas réussi à communiquer cela comme étant une chose positive pour eux et qu'ils devraient considérer ces programmes comme étant une occasion d'exercer un métier.
Dans le programme des métiers, en autant que la création d'emplois est continue, les personnes suivent généralement leur formation jusqu'au bout. Je vais parler du programme albertain, qui est une formation de quatre ans pour la plupart des métiers. Les stagiaires travaillent environ 1 800 heures puis se qualifient pour 2 mois de formation à l'école. Pendant cette période à l'école, la plupart se mettent habituellement au chômage pour avoir de l'argent qui les aide à défrayer le coût des études. Si vous êtes Autochtone, vous pouvez trouver ces écoles dans la plupart des grands centres, comme Edmonton, Calgary, Red Deer et quelques autres grandes villes ici en Alberta.
Les étudiants qui viennent dans ces grands centres ont des dépenses additionnelles. Cela leur coûte très cher pour étudier. Le programme d'apprentissage de l'Alberta envisage d'offrir des formations en ligne, pour que les étudiants puissent étudier à la maison, dans leur région de résidence, quatre jours par semaine, et qu'ils suivent la formation technique un jour par semaine. S'ils habitent suffisamment près pour conduire jusqu'au centre, tant mieux. Ce genre d'idées continuera d'appuyer les personnes qui souhaitent terminer leur formation.
Une fois qu'ils ont terminé leur apprentissage, cela devient possiblement pour eux la meilleure façon de gagner leur vie. Le salaire pour la plupart de ces métiers se situe entre 75 000 $ et 125 000 $ par année, soit une structure de salaires élevée qu'ils peuvent envisager.
Nous devons nous assurer qu'il y aura des emplois pour eux, et cela revient à dire qu'il faut maintenir les projets à flots et nous assurer que nous n'avons pas trop de projets en cours en même temps, qu'il s'agisse de projets de pipeline ou d'autres types de projets. Nous devons essayer d'éviter cela pour nous assurer que nous n'aurons pas besoin de 20 000 électriciens pour trois ans et ensuite de seulement cinq électriciens au cours des trois années suivantes. C'est le fait de réaliser des projets en continu qui nous permettra d'aider ces personnes à conserver leur emploi dans ces métiers.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : D'abord, monsieur Halina, je joins ma voix à celle de mon collègue, le sénateur Eggleton, pour vous féliciter des efforts très louables que vous faites pour intégrer à l'emploi les jeunes Autochtones au sein de votre compagnie. C'est par cette voie que nous allons réussir à améliorer le sort socioéconomique des communautés autochtones qui est, dans bien des cas au Canada, très alarmant.
Le gouvernement libéral annonçait, il y a quelques jours, l'autorisation d'un projet très important dans l'Ouest canadien avec la compagnie PETRONAS qui, selon les dires, sera le plus grand projet industriel au Canada de la dernière décennie, et qui visera l'exploitation du gaz naturel, du gaz de schiste en Colombie-Britannique. Cependant, malgré tout cela, nous savons que les communautés autochtones se sont adressées à l'ONU pour protester contre les impacts environnementaux de ce projet économique.
Où votre entreprise se situe-t-elle par rapport à ce projet? Y aura-t-il des impacts pour vous? Le fait que les communautés autochtones s'opposent à ce projet risque-t-il de nuire aux liens que vous avez tissés avec les communautés autochtones au sein de votre entreprise?
[Traduction]
M. Halina : C'est une très bonne question. Je vais faire de mon mieux pour y répondre. Grâce à la relation que nous établissons avec les Premières Nations qui est une relation de confiance et où nous faisons ce que nous disons faire, je crois que nous pourrons continuer à développer notre organisation en travaillant avec les Premières Nations. Il y aura des questions où nous serons totalement en désaccord, pour de nombreuses raisons. Dans ces cas-là, je prends généralement du recul et je me dis « Bon, examinons la situation : j'ai besoin de comprendre quelles sont leurs préoccupations. » Puis, si je suis invité à discuter avec elles, je leur expliquerai comment je vois les choses et quelles sont les incidences que je constate.
Pour ce qui est de l'environnement, je pense qu'il est juste de dire que nous aimons tous notre pays et que nous ne voulons pas que des dommages soient causés à l'environnement d'aucune façon. Nous suivons donc une approche d'atténuation des risques. Quels sont les risques que le pays, les Premières Nations et le propriétaire de pipelines sont prêts à prendre? Il y a beaucoup de technologies qui pourraient offrir un immense avantage en cas de fuite de pipeline, par exemple.
Nous avons des projets dans le cadre desquels nous avons installé des liaisons par fibre optique pour accroître la détection des fuites de manière radicale. C'est une technologie nouvelle, mais qui pourrait vraiment réduire les incidences d'une fuite. Elle permettrait de faire passer le temps de fermeture des soupapes des minutes aux millisecondes.
Évidemment, la technologie augmente les coûts du projet, mais pour donner un exemple semblable, lorsque nous avons parlé aux Premières Nations à propos des pipelines et que nous avons expliqué certaines technologies possibles, la discussion a pris une tournure positive. Elles ont toutes compris que ces projets doivent avoir lieu. Elles ne nous disent pas qu'ils ne peuvent pas avoir lieu. Elles veulent simplement que ces projets soient réalisés de manière sûre afin qu'ils n'aient pas d'incidences sur elles et sur leurs terres traditionnelles.
Alors je pense qu'il s'agit là d'un travail continu. C'est un travail très constant, mais je crois fermement que, lorsque nous établissons des relations, les résultats peuvent être positifs.
Certains projets qui seront planifiés ne devraient pas être réalisés, car ils présentent des risques trop élevés et personne ne veut prendre ces risques. Je n'en connais pas la nature exacte. J'espère que j'ai répondu à votre question.
Le vice-président : Merci monsieur Halina de votre exposé aujourd'hui. C'était très instructif. Je pense que tout le monde apprécie ce que votre compagnie fait. Nous nous excusons pour les problèmes techniques du début et nous vous remercions de votre patience.
C'est ici que se termine la séance. Je vous invite, chers collègues, à assister à la prochaine réunion demain soir, le mercredi 5 octobre, à 6 h 45. La réunion se tiendra dans la salle 257 de l'édifice de l'Est. Au cours de cette réunion, nous examinerons les autres recommandations pour l'ébauche de rapport et passerons en revue et approuverons notre budget.
La séance est levée.
(La séance est levée.)