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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 7 - Témoignages du 19 octobre 2016


SAINT JOHN, Nouveau-Brunswick, le mercredi 19 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 10 heures, pour étudier l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada.

Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Bonjour à tous. Au nom du comité, je souligne que c'est avec un réel plaisir que nous sommes ici, à Saint John.

Ce matin, le comité poursuit son étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada. Cette étude a commencé en mars dernier, avec pour objectif de trouver une meilleure façon d'approvisionner le marché en produits pétroliers canadiens.

Le comité jugeait incontournable de se réunir à Saint John, puisque votre population s'intéresse vivement au transport des produits énergétiques.

Avant de continuer, j'aimerais aviser tout le monde de bien vouloir allumer son microphone lorsqu'il l'utilise, puis de l'éteindre ensuite. Tout le monde sera enregistré, tous les propos seront traduits, c'est donc très important. Ces microphones ne s'allument et ne s'éteignent pas automatiquement, comme beaucoup d'autres, donc je vous prie d'y prêter attention.

Je vous présente notre premier témoin M. Bill Breckenridge, qui représente Développement de l'énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick. Il est sous-ministre adjoint.

Monsieur Breckenridge, je vous prie de nous présenter votre exposé, après quoi les sénateurs auront des questions à vous poser.

Bill Breckenridge, sous-ministre adjoint, Développement de l'énergie et des ressources du Nouveau-Brunswick : Merci, sénateur. C'est pour moi aussi un plaisir d'être ici, et je vous remercie de nous offrir l'occasion de discuter de l'infrastructure énergétique, de la confiance du public à l'égard de l'ONÉ, des droits des peuples autochtones et plus particulièrement, du transport du pétrole brut et des pipelines.

Comme le sénateur MacDonald vous l'a dit, je m'appelle Bill Breckenridge. Je suis accompagné aujourd'hui de ma collègue Holly Stewart, qui est directrice de projets au sein de notre ministère et à qui je délèguerai vos questions les plus difficiles.

Dans notre ministère, nous comprenons que les pipelines procureront d'importants avantages économiques à la province, à court et à long terme. J'ai préparé un bref exposé, si je peux vous le présenter, après quoi nous pourrons passer directement aux questions. J'aurais dû vérifier d'abord avec vous.

Sacha Patino est également un employé du ministère. C'est notre analyste en matière de pipelines et de pétrole.

Compte tenu du succès que connaissent d'autres provinces, nous observons de très près ce qui se passe dans l'Ouest canadien depuis quelques dizaines d'années dans le secteur de l'exploitation du pétrole et du gaz. La transformation de l'économie qui en a découlé nous inspire. Le Nouveau-Brunswick raffine du pétrole depuis déjà longtemps, et le projet Énergie Est serait bien adapté à nous. Nous reconnaissons, acceptons et apprécions les avantages économiques qu'il comporte, mais il est également fondamental que le gouvernement provincial exerce toute la diligence nécessaire et qu'il examine en profondeur toute proposition d'infrastructure énergétique pour éviter qu'elle n'ait d'effets néfastes sur l'environnement ou réduire à un niveau acceptable ces effets. Nous sommes persuadés que le développement économique à long terme de nos ressources peut se faire de façon écoresponsable. Pour cela, le gouvernement du Nouveau-Brunswick participe au processus de l'ONÉ en tant qu'intervenant enregistré sur le projet Énergie Est.

Au nom de la population, nous affectons du personnel directement au projet et l'avons chargé d'effectuer une évaluation en profondeur. Divers ministères de la province travaillent en partenariat avec nous, et des dizaines de représentants continueront, pendant tout le processus, d'examiner ce projet sous tous ses angles, du point de vue environnemental, de celui de la participation des Premières Nations et de celui de la sécurité publique.

Pendant tout le processus, nous nous assurerons de présenter la perspective du Nouveau-Brunswick et de faire en sorte que nos questions sur les enjeux que j'ai mentionnés soient prises en compte : les Premières Nations, les plans d'intervention d'urgence — qui sont extrêmement importants — les modalités détaillées entourant les franchissements de cours d'eau, la nature des répercussions et l'endroit où elles se feront ressentir, les effets potentiels sur la qualité de l'air, l'utilisation des terres, les milieux humides, la conservation, la santé publique et bien sûr, les débouchés économiques et les possibilités d'emploi associés à un projet d'envergure comme celui que représente Énergie Est pour la province.

Je vais m'arrêter là et vous laisser me poser vos questions. Je terminerai en disant que la province espère que le processus de l'ONE reprendra bientôt. Nous suivrons la situation de près et nous avons hâte qu'il y ait de nouveaux développements. Encore une fois, je vous rappelle à quel point je suis heureux d'être ici avec vous aujourd'hui et je me réjouis à l'idée de cette discussion.

Le vice-président : Merci, monsieur Breckenridge.

Le sénateur Mercer : Premièrement, je vous remercie d'être ici, c'est très apprécié.

Nous avons eu beaucoup de discussions au cours des derniers mois, mais plus particulièrement au cours des derniers jours, sur le concept de l'acceptabilité sociale et la façon de l'obtenir. Nous n'avons pas encore entendu beaucoup d'opposition au programme au Nouveau-Brunswick. Selon vous, selon le gouvernement provincial, y a-t-il de l'opposition au programme et de quels groupes de la société vous attendez-vous à ce qu'elle vienne?

M. Breckenridge : Merci. L'acceptabilité sociale ou l'acceptabilité publique, quel que soit le terme au goût du jour, est évidemment une chose que nous prenons très au sérieux au Nouveau-Brunswick. Je partage votre impression selon laquelle il semble y avoir une volonté générale d'envisager le projet Énergie Est, mais nous ne rejetons pour autant pas le fait que certains groupes expriment leurs inquiétudes; nous le respectons et nous sommes contents qu'ils puissent les exprimer et poser des questions.

Je trouve difficile d'obtenir l'acceptation du public et une bonne compréhension publique des enjeux énergétiques, et je pense que beaucoup de personnes bien plus brillantes que moi, si elles avaient une solution, pourraient vous la présenter, mais je n'en ai pas. Je crois personnellement qu'il y a un déficit de connaissances en matière d'énergie au Canada, et j'entends par là qu'il faudrait une meilleure compréhension de l'énergie et de ses effets sur la province, sur le pays, une meilleure compréhension du fonctionnement et de la contribution du secteur énergétique, ainsi que des mesures de sécurité qui sont en place dans ce secteur. Cela ne se veut pas une critique : les gens sont occupés, ils ont leur emploi et leurs propres choses à faire. L'énergie est une question compliquée, et il n'est pas si simple de saisir tous les risques, les avantages et le bien qui en découlent.

Pour résumer, je dirais que nous participons au processus avec TransCanada. Nous sommes prêts à nous mobiliser et à parler avec les personnes qui ont des inquiétudes à exprimer, à les écouter. Je pense que plus les gens comprendront les enjeux, plus on diffusera d'information, le mieux.

Le sénateur Mercer : Vous avez abordé un concept que j'ai noté et que j'aime bien, celui du déficit de connaissances en matière d'énergie. Dans notre tournée au pays, nous nous rendons compte que c'est un problème. Les Canadiens comprennent que nous possédons cette formidable ressource, mais ils ne sont pas conscients du fait que nous n'avons qu'un client. Ils ne se rendent pas compte non plus du fait que cet unique client achète notre produit à rabais, et non au prix mondial. Ils tiennent pour acquis que nous avons accès à toutes sortes de marchés, alors que nous n'en avons qu'un, que nous n'avons qu'un client. Quand on n'a qu'un client à qui vendre ses hamburgers, ce client peut dicter le prix qu'il est prêt à payer pour ces hamburgers, et notre client nous dicte un prix inférieur.

Vous mentionnez un concept très intéressant, un terme intéressant. Vous affirmez travailler avec TransCanada. L'une de mes critiques, c'est que TransCanada et les autres acteurs de l'industrie des pipelines entrent dans la danse un peu tardivement. Ils commencent à peine à essayer d'obtenir l'acceptabilité sociale, alors qu'ils auraient peut-être dû s'y employer bien des années avant, en prévision du moment où ils voudraient construire un pipeline vers l'est ou vers l'ouest. Avez-vous une opinion à ce sujet?

M. Breckenridge : Je vous remercie de la question. Je vais vous parler brièvement du déficit des connaissances en matière d'énergie, parce que j'ai entendu un exemple il y a quelques années que je trouvais très éloquent.

J'ai assisté à une conférence de David Suzuki un jour. Il racontait s'être rendu dans une école de la banlieue de Toronto pour parler des émissions atmosphériques et de la qualité de l'air. Il avait alors dit aux élèves : « Si vous vous préoccupez de la qualité de l'air dans votre ville, quand vous rentrerez chez vous ce soir, assurez-vous d'éteindre les lumières s'il y en a qui sont restées allumées dans les chambres. » Or, tout le monde se demandait pourquoi. Qu'est-ce que cela a à voir avec la qualité de l'air? Les élèves ne comprenaient pas le lien avec le fait qu'une grande partie de l'électricité produite en Ontario vient des centrales au charbon. Il disait que nous devions justement commencer par les écoles. Si vous voulez en discuter, j'aurai quelques idées à vous donner plus tard. Je crois que vous allez entendre des gens de TransCanada un peu plus tard aujourd'hui, et en toute déférence, je préférerais qu'ils répondent eux-mêmes à cette question. Nous travaillons avec eux. Nous trouvons que nous n'avons jamais eu de difficultés à obtenir d'information de leur part. Nous avons une bonne relation de coopération, donc je préférerais les laisser répondre à cette question, sénateur.

Le sénateur Mercer : L'un des principaux groupes qu'il faudra inclure dans l'équation pour obtenir l'acceptabilité sociale et participer au processus, si le projet de pipeline doit se réaliser, c'est celui des Autochtones du pays. Il y a deux principaux groupes au Nouveau-Brunswick. Considérez-vous leur contribution positive jusqu'à maintenant?

M. Breckenridge : Au Nouveau-Brunswick, nous reconnaissons que les 15 Premières Nations de la province ont des droits; elles ont des droits ancestraux qui doivent être respectés, et nous le reconnaissons. L'une des difficultés que j'ai constatées personnellement, c'est qu'il y a un groupe qui est pour et un groupe qui est contre, si bien que je fais moi- même l'erreur. Je crois que les groupes autochtones sont assez diversifiés. Il y en a qui l'appuient et d'autres qui ne l'appuient pas.

Encore une fois, tout le défi consiste à mettre en place un processus qui bénéficie aux Premières Nations. Je pense qu'on peut dire qu'habituellement, quand on les met à contribution dans des projets, c'est essentiellement projet par projet. Mais je pense que nous devons essayer de procéder de façon plus stratégique, et je sais que la province essaie de le faire, parce que les membres de ces groupes me disent, et je peux comprendre, que quand on vient leur parler d'un projet A en leur disant « voici quels sont les effets potentiels du projet A, qu'en pensez-vous? », on se trouve à engager un processus. La semaine d'après, quelqu'un d'autre arrive pour leur parler à son tour : « Voici le projet B qui sera réalisé en même temps chez vous. » Il est assez difficile de les examiner isolément. Les projets ont des effets cumulatifs. Nous essayons donc de nous doter de ressources au gouvernement pour aborder ces groupes de façon plus stratégique dans ce secteur, plutôt que d'aller leur parler des différents projets isolément. Nous voulons pouvoir leur dire : « Voici tous les projets qui devraient se réaliser au cours des 10 prochaines années. Qu'en pensez-vous? » Je pense que la mobilisation serait beaucoup plus efficace si nous arrivions à les consulter de cette façon.

Le sénateur Mercer : Je suis d'accord avec vous. Je pense que le problème tient au fait que nous avons tendance à faire les choses isolément avec les Autochtones : nous les faisons une à la fois. Cela nous permettrait d'aborder tout un éventail de questions, ensemble, collectivement, pour prendre des décisions à long terme.

Il y a aussi la question de la baie de Fundy. On sait depuis longtemps qu'il s'agit d'une région écologiquement vulnérable. Je sais qu'il y a eu des changements dans l'organisation du trafic maritime dans la baie qui ont eu des effets positifs sur la baleine noire. Le gouvernement provincial s'inquiète-t-il des risques environnementaux liés à la présence d'un grand nombre de pétroliers, qui partiraient de Saint John du pétrole plein la coque?

M. Breckenridge : Comme vous le savez certainement, sénateur, nous expédions depuis longtemps des produits du pétrole raffiné depuis le port de Saint John par la baie de Fundy, et nous voulons continuer de le faire, mais nous assurer que ce transport se fasse dans le plus grand respect de l'environnement possible. Il y a des normes en place. Je sais que d'autres ministères, pas le mien puisque nous ne réglementons pas l'industrie, mais nos collègues d'autres ministères sont constamment en train de revoir leurs règlements et leurs politiques pour que les normes soient respectées et que ces activités soient menées en toute sécurité. La baie de Fundy est une ressource précieuse. Je suis certain que tous les Néo-Brunswickois sont d'accord. Nous voulons pouvoir coexister avec les autres industries de la façon la plus sûre et la plus responsable possible pour l'environnement.

Le sénateur Doyle : Vous avez mentionné l'ONE. Nous avons entendu des témoins nous dire que l'ONE devrait peut-être avoir le dernier mot pour décider si un projet est approuvé ou peut aller de l'avant. Or, en ce moment, une fois un projet approuvé ou rejeté par l'Office national de l'énergie, il est soumis au Cabinet pour approbation finale. Ne serait-il pas préférable que tout le processus soit dépolitisé? Dès qu'un projet doit passer par le Cabinet, il est considéré politique ou je ne sais trop quoi. Nous pourrions nous distancer un peu du gouvernement, charger un organisme impartial d'approuver ces projets plutôt que de les soumettre au premier ministre et à son cabinet. Vous savez comment cela fonctionne. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Breckenridge : C'est une excellente question, sénateur, je vous en remercie. Mais pour que ce soit bien clair, vous êtes en train de demander à un fonctionnaire de carrière ce que les politiciens devraient faire?

Le sénateur Doyle : Je me disais que ce pourrait être un peu inapproprié de ce point de vue, mais prenons celui de l'Office national de l'énergie.

Le sénateur Mercer : Votre patron n'est pas dans la pièce.

M. Breckenridge : Non, mais je vois que les journalistes y sont. Je ne voudrais pas éviter de répondre à une question, je souhaite faire preuve de la plus grande ouverture possible, sénateur, mais je suis certain que vous pouvez comprendre.

Je pense que le processus de l'ONE, l'évaluation scientifique, est important. Évidemment, il est fondamental que le processus soit bien compris, mais je me risquerai peut-être à dire que les politiciens sont élus pour représenter les gens de leur circonscription, ceux et celles qui votent pour eux pour guider et superviser le développement, donc je crois qu'ils ont un rôle à jouer. Je ne sais pas si je peux le dire avec assez de finesse, si c'est une décision qui devrait relever directement du cabinet fédéral. Je vois une utilité au rôle des politiciens si l'on veut obtenir l'acceptabilité sociale, si l'on veut gagner la confiance du public envers les processus réglementaires et politiques. Quand les politiciens sont redevables de projets, je pense que cela contribue à l'acceptabilité sociale des décisions relatives aux projets.

Le sénateur Doyle : Que pouvons-nous faire pour améliorer la confiance du public? Encore une fois, c'est peut-être davantage du ressort des politiciens que d'un fonctionnaire de carrière, mais que pouvons-nous faire pour améliorer la confiance du public? Toutes les études qui ont été réalisées montrent sans l'ombre d'un doute que les pipelines semblent bien plus sûrs que le transport par train ou pétrolier; pourtant, toute la question de la confiance du public semble presque nous échapper. Se pourrait-il qu'on interprète souvent faussement le bruit de quelques-uns comme représentant l'opinion de la majorité? Tous les groupes que nous rencontrons semblent nous dire que nous avons l'acceptabilité sociale, cela revient constamment. Je me demande si nous interprétons mal non pas l'importance de l'acceptabilité sociale, qui est très grande, mais le bruit d'un nombre limité de personnes, dont quelques-unes ont probablement des intérêts particuliers dans le domaine de l'environnement. Bien sûr, les Autochtones se préoccupent énormément de la question, et je vous dirais que c'est très, très légitime. Je ne sais pas trop s'il y a une question ici, mais voulez-vous réagir à cela?

M. Breckenridge : Oui, j'aimerais faire une observation, si possible.

Nous avons vu beaucoup de projets se réaliser dans la province au cours des 15 dernières années, environ, et l'on peut dire que certains se sont très bien passé, alors que d'autres moins. Si je peux revenir à une chose que j'ai dite au début, l'une des difficultés, c'est que j'ai littéralement vu des lettres au cabinet du ministre par lesquelles les gens se disent très préoccupés pour telle ou telle raison, mais quand nous y regardons de plus près, ce n'est pas justifié. La personne s'inquiète d'une chose qui ne peut pas arriver dans le cadre d'un projet, ce n'est pas possible. Cela me ramène à ce que je disais sur le déficit de connaissances en matière d'énergie. À une époque où l'on est constamment bombardé d'informations, tous n'ont pas le bagage nécessaire pour analyser une chose et dire : « Ce n'est pas logique; j'en sais assez sur le sujet pour savoir que cela ne peut pas se produire, c'est un peu ridicule. » Si nous pouvions éduquer davantage les gens en matière d'énergie, ils auraient un filtre quand ils entendent de l'information.

Soyons honnêtes, divers groupes ont leurs propres visées, pour ou contre, quel que soit le but, donc ils mettent de l'avant l'information qui favorise ce qu'ils veulent accomplir. Pour toutes les statistiques, toutes les perceptions, si la population pouvait dire « non, ce n'est pas logique, parce que je connais la réalité », cela aiderait vraiment à gagner et à établir la confiance du public.

Je pense que les gens ont souvent peur de ce qu'ils ne connaissent pas vraiment; c'est mon cas, en tout cas. Je me rappelle avoir lu sur les abeilles meurtrières il y a une trentaine d'années. Elles allaient nous envahir, et j'étais inquiet, mais ce n'est jamais vraiment arrivé. Encore une fois, je pense qu'il suffit d'éduquer les gens, de leur donner les connaissances de base nécessaires pour mieux comprendre le processus et le projet.

Le sénateur Doyle : Il n'y a pas beaucoup d'éducation publique qui se fait sur les avantages économiques et sociaux des pipelines par rapport aux trains et aux pétroliers, alors que leur aspect environnemental semble bien connu, parce qu'il y a beaucoup de lobbyisme qui se fait en ce sens. Je me demande comment nous pourrions parvenir à un meilleur équilibre. Devrions-nous (et quand je dis « nous », ce pourrait être le gouvernement ou quelqu'un d'autre) faire valoir les avantages économiques et les avantages sociaux? Personne ne semble le faire. On ne parle que d'un concept : de l'acceptabilité sociale. Mais comment peut-on obtenir l'acceptabilité sociale s'il n'y a pas suffisamment d'information de part et d'autre?

M. Breckenridge : C'est une autre bonne question. J'ai fait mes recherches sur les travaux du comité avant de venir témoigner, et je vois que vous avez rencontré beaucoup de personnes, donc ce que je vais vous dire, vous l'avez probablement déjà entendu. Il y a quelques années, j'ai participé à une conférence du président d'un cabinet de relations publiques qui était considéré comme un expert dans le domaine de la mobilisation publique. Il a dit une phrase qui m'a frappé et que je n'ai jamais oubliée. Il a dit que quand on a affaire à des personnes qui ont des raisons légitimes de s'opposer à un projet, rien ne sert de se perdre en grandes justifications, il faut négocier. Il donnait l'exemple d'un projet de parc éolien dans un village. Si quelqu'un dit « je n'aime pas voir des éoliennes, je n'aime pas voir les turbines, je les trouve laides », vous ne devriez pas répondre « mais elles produisent de l'énergie renouvelable, c'est fantastique. » Vous devriez simplement leur répondre : « Très bien, nous établirons un programme selon lequel s'il y a une éolienne qui vous bloque la vue, nous vous verserons 300 $ par mois. » C'est ce qui a été fait à l'Île-du-Prince- Édouard. Il y a eu de l'opposition au début, mais devinez quoi? Une grande partie de l'opposition s'est dissipée. La vue des éoliennes semble beaucoup moins dérangeante quand elle rapporte un chèque tous les mois. Pour moi, c'est assez parfait.

Lorsque vous avez des objections, je vous suggère de nous en faire part directement, et parfois, le débat va à l'encontre de l'énoncé, « Ce sont là les avantages ». Un environnementaliste a dit, « Je n'aime pas ce projet car il représente une menace pour les bassins hydrographiques ». L'argument ne devrait pas être, « Il créera 30 emplois ». Je veux que vous me démontriez que vous avez mis en place des mesures de sécurité, de même que des mesures d'atténuation qui protégeront le bassin hydrographique, car c'est ce qui m'inquiète. Je pense que c'est vrai pour les deux côtés. Je viens de le remarquer et je suis certain que vous avez participé à ce projet, où vous vous laissez emporter par les avantages, et si quelqu'un a une préoccupation légitime, nous continuons de parler des avantages plutôt que de régler la préoccupation. Je pense que ce type de dialogue direct serait vraiment utile.

Le sénateur Doyle : Bien, merci.

[Français]

Le sénateur Mockler : J'aimerais aussi profiter de l'occasion, comme sénateur du Nouveau-Brunswick, pour vous souhaiter la bienvenue chez nous, au Nouveau-Brunswick, et particulièrement ici, à Saint-Jean.

Il faut être à l'écoute des inquiétudes de notre population, il faut être présent et faire des recommandations au gouvernement afin de faire avancer le projet. Selon moi, monsieur le président, et je veux être précis et clair, le projet de l'oléoduc Énergie Est, c'est un projet qui est aussi important pour le Nouveau-Brunswick que pour le Canada, lorsqu'on tient compte des grandes infrastructures qui ont d'ailleurs été la raison d'être de bâtir un Canada unifié. Lorsque je regarde la Transcanadienne, c'est un projet d'infrastructure d'un bout à l'autre, de l'est à l'ouest. Lorsque je pense aux voies ferrées, de l'est à l'ouest, ce sont des projets d'envergure nationale, des projets de construction d'un pays.

Cependant, notre population a des inquiétudes. Pour ma part, j'ai quelques questions à poser au sous-ministre adjoint, mais il ne faut pas oublier que —

[Traduction]

... les décisions concernant les infrastructures doivent être fondées sur des données scientifiques. Au cours de ma carrière parlementaire, aucun projet n'a obtenu le consentement unanime. Il y a des gens qui sont pour et d'autres qui sont contre.

Au Nouveau-Brunswick, la donnée la plus récente que j'ai, et la date remonte à quelques semaines, c'est que 7 Néo- Brunswickois sur 10, peu importe où ils vivent, appuient le projet Énergie Est. Cependant, nous devons tenir compte des préoccupations. Je suis d'accord avec le sous-ministre adjoint qui, en réponse aux questions précédentes posées par des sénateurs, a dit qu'il y a un temps pour éduquer le public, mais il y a également un temps pour prendre des décisions.

N'hésitez pas à répondre à cette question. Je sais que vous êtes un fonctionnaire et aussi un professionnel, mais lorsque nous discutons d'acceptabilité sociale et de démocratie, des gens que nous élisons et du fait d'écouter les préoccupations des deux camps, personne ne peut définir ce qu'est l'acceptabilité sociale.

[Français]

Dans ma définition de « licence sociale », avoir la permission sociale, c'est lorsqu'un individu élu, tous échelons confondus — que ce soit au niveau municipal, local, provincial ou national —, prend les décisions. Ce projet-ci est créateur d'emplois et il contribuera à solidifier et à améliorer l'économie dans la région de l'Atlantique et l'économie du Nouveau-Brunswick. Est-ce que vous avez une définition plus précise de « licence sociale », et si oui, j'aimerais la connaître?

M. Breckenridge : Merci pour votre question.

[Traduction]

Holly m'a montré une caricature politique l'autre jour. Une personne tenait une petite affiche sur laquelle nous pouvions lire, « Nous avons le feu vert; j'ai obtenu l'approbation du public ». C'est éphémère. Ce n'est pas tangible.

Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, que des décisions doivent être prises. Si nous essayons de créer un processus pour obtenir le consentement unanime dans le cadre de décisions importantes, alors nous n'accomplirons rien; vous avez raison. Si je savais quelle est la définition d'acceptabilité sociale, je pense que nous serions plus avancés.

Je vous remercie de vos observations et je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a un rôle ici que le gouvernement fédéral peut assumer, et c'est d'exécuter un projet d'édification nationale. Lorsque l'on regarde le projet Énergie Est, c'est un projet d'importance nationale. Je suis tout à fait d'accord que cela doit faire partie du processus.

Au Nouveau-Brunswick, les avantages économiques sont très bien compris. Ils sont assez simples. Vous pouvez examiner la situation et dire, « Je peux voir comment le projet pourrait être profitable à l'économie », et je pense que le fait que 7 personnes sur 10 appuient le projet est un bon indicatif, comme vous l'avez mentionné.

Le sénateur Mockler : Que pensez-vous de la déclaration selon laquelle le pipeline est le moyen de transport du pétrole le plus sécuritaire dans le monde? À ce stade-ci, nous envisageons des projets d'oléoduc. Cet oléoduc sera très important puisque la plus grande raffinerie au Canada est située à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Je peux vous dire que j'étais à bord de l'avion hier soir d'Ottawa à Montréal, puis de Montréal à Saint John, et croyez-moi, un grand nombre de personnes ne savent pas que la raffinerie à Saint John, au Nouveau-Brunswick, est la plus grande au Canada. Il y a donc un processus d'éducation du public qu'il faut ajouter.

[Français]

Selon certains témoignages antérieurs, l'Office national de l'énergie devrait être l'organisme chargé de prendre la responsabilité quant à l'approbation du projet du pipeline, et non le gouvernement ou le Cabinet fédéral. Que pensez- vous de cette recommandation, à titre de fonctionnaire, disons, professionnel, et dans quelle mesure, le cas échéant, le fait de retirer au Cabinet la responsabilité de prendre cette décision aurait-il un impact? C'est important, la « licence sociale », car elle concerne celui qui est élu et qui travaille auprès de sa communauté. On devrait retirer la responsabilité du Cabinet, parce que le premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Gallant, appuie la construction du pipeline. Moi, j'aimerais connaître votre point de vue, à titre de fonctionnaire travaillant à l'interne. Que peut-on faire pour éduquer et informer davantage la population et pour répondre aux questions en fonction des faits et non pas en fonction des ouï-dire?

[Traduction]

M. Breckenridge : Excellentes questions.

Tout d'abord, je dois revenir à la documentation sur l'énergie et vous donner un exemple rapidement. Au Nouveau- Brunswick, il y a un organisme du nom de Gaia. C'est un terme grec qui signifie, je crois, « Terre ». Il met l'accent sur la sensibilisation au secteur énergétique. Ses membres se rendent dans les écoles des collectivités francophones et anglophones au Nouveau-Brunswick, de la maternelle à la 12e année, et ils relient leurs programmes aux programmes scolaires. Les élèves sont évalués par la suite. Ils font tout; ils utilisent notamment un dispositif intitulé « Watts Up », qu'ils branchent dans n'importe quel appareil électrique pour connaître la quantité d'énergie qu'il consomme. Ils apprennent ensuite d'où provient cette énergie. Les écoles mènent peu de projets en matière d'efficacité énergétique. Un exemple de projet mené à l'école Carleton North a permis d'économiser des milliers de dollars en chauffage parce que les participants au projet ont découvert qu'ils pouvaient fermer les grands rideaux noirs chaque soir pour éviter des pertes d'énergie.

Les élèves dans les écoles comprendront mieux la situation énergétique. C'est ce genre de mesures que nous devons adopter pour régler les problèmes que vous avez relevés. Allons-nous prendre ces décisions? Dans les quelques recherches que j'ai effectuées, dans des organismes comme l'Agence internationale de l'énergie, la demande de pétrole ne va pas disparaître. Dans 100 ans d'ici, nous conduirons tous des véhicules électriques, mais si nous examinons les quelques prochaines décennies, la demande de pétrole est là pour rester. Pour ma part, je ne connais pas de moyen de transport du pétrole plus sécuritaire que les oléoducs. Je suis peut-être ignorant, mais je ne connais pas d'autres moyens. Est-ce sécuritaire à 100 p. 100? Évidemment, aucun moyen ne l'est. J'utilise l'exemple que lorsqu'un petit avion s'écrase, est-ce que tout le monde dit, « Les avions tuent des gens; nous ne devrions jamais monter à bord d'un avion »? On tire des leçons de ses erreurs et on essaie d'améliorer la situation. Ce sont là certains des défis auxquels nous sommes confrontés.

En réponse à votre grande question quant à savoir si le Cabinet devrait avoir le dernier mot concernant l'Office national de l'énergie, je pense vraiment que c'est une décision politique, et je me retiens dans ce cas-ci encore une fois. Je vous dirai peut-être ce que j'en pense autour d'une bière plus tard, mais je ne veux pas le faire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je veux vous remercier, comme mes collègues l'ont fait, de votre présence ce matin, monsieur le sous-ministre, et de celle de vos collègues.

Je suis bien embêté à savoir quelle question vous poser, parce qu'il s'est passé quelque chose au Québec qui est assez dramatique, c'est la tragédie de Lac-Mégantic. Je pense qu'aussi bien les politiciens que la population subissent encore le traumatisme de cette journée-là, moi y compris.

Je comprends l'importance du projet en question. En termes de diversification, d'ouverture sur les marchés et de non-dépendance, je pense que ce projet-là, sur le plan économique, scientifique et en matière de sécurité, comme le sénateur Mockler l'a mentionné, est presque incontestable. Au Québec, il s'est développé une espèce de dualité dans le débat entre l'utilisation du pétrole et la construction du pipeline, et il y a une espèce de confusion entre les deux.

Quand il y a des politiciens qui ne mettent pas leurs culottes — je pense, entre autres, au gouvernement du Québec —, qui reculent devant l'exploitation du pétrole dans le golfe du Saint-Laurent, dans l'île d'Anticosti, et qui reculent devant l'exploitation des gaz de schiste, ils envoient un message négatif sur l'exploitation de la ressource. Donc, comment demander à des citoyens d'adhérer à un projet quand leurs propres élus reculent face à l'exploitation des ressources? Ça apporte beaucoup de complexité à l'adhésion de la population. Comment les convaincre quand leurs politiciens ne sont pas convaincus? Je ne le sais pas.

Vous êtes près du pouvoir comme sous-ministre. Je l'ai déjà été. Je l'ai été plusieurs années, et on est quand même près des politiciens, on a un certain pouvoir pour les influencer, à titre de cadres supérieurs.

Alors, je vous demanderais si vous avez des échanges avec vos collègues des autres provinces. Est-ce que vous avez des échanges avec ces politiciens-là, peut-être pas pour les convaincre, mais au moins pour les éduquer sur le fait qu'ils ont un rôle de chef à jouer dans ce type de projet? Quand je pense que le Québec retire quand même tout près de 10 milliards de dollars par année en péréquation qui provient majoritairement des provinces qui exploitent les ressources pétrolifères, cela crée une contradiction, et cette information-là, à mon avis, n'est pas véhiculée dans la population. Si, au Québec, on s'offre des services comme les garderies, comme l'éducation gratuite à l'université, c'est parce que, quelque part, il y a une entrée d'argent qui ne vient pas nécessairement des contribuables québécois.

Je ne le sais pas. La question que je vous poserais, monsieur le sous-ministre, est à savoir si vous avez des contacts avec vos collègues des autres provinces pour faire en sorte d'avoir un débat informatif et éducatif pour faire évoluer les esprits et les mentalités, pour que nous puissions favoriser l'exploitation de la ressource. En tout cas, je suis un peu embêté en ce qui concerne la façon dont nous allons en parler à nos concitoyens pour qu'ils adhèrent au projet.

M. Breckenridge : Merci de votre question.

[Traduction]

Tout d'abord, vos observations sur le Québec sont tout à fait justes. Nous assurons un suivi. D'après vous, lorsqu'on a posé la question au Québec pour savoir si les gens appuient l'oléoduc Énergie Est, une autre discussion a été lancée dans le cadre de laquelle on disait, « Je ne pense pas que les hydrocarbures devraient être extraits et je crois que nous devons nous employer uniquement à assurer un avenir durable ». Donc, au lieu de tenir une discussion sur l'oléoduc, et il n'est probablement pas étonnant que ce soit arrivé car il existe un lien, puis le dilemme devient alors le suivant : comment participe-t-on à un processus pour discuter de ce sujet lorsque tous les autres intervenants ou groupes veulent discuter de cela? Les choses deviennent vraiment difficiles. Je suis d'accord avec vous. Les politiciens ici ont des employés, et nous verrons à quel point ils sont bons, mais ils ont du personnel qui essaie de les éduquer et de les informer sur ce qui se passe, mais ils ont leurs propres opinions également, comme vous l'avez souligné avec raison, si bien qu'ils obtiennent des renseignements de toutes les sources.

Comment met-on au point un processus? C'est une question de 64 millions de dollars sur la façon dont nous pouvons en arriver à un certain niveau de compréhension.

Ce que nous pouvons faire ici dans la province, c'est d'essayer d'adopter une vision plus globale et d'examiner toutes les répercussions de l'énergie. Là encore, tout comme avec les consultations et la collaboration avec les Premières Nations, plutôt que d'examiner la situation projet par projet, nous devons adopter une vision pour atteindre nos objectifs. Je pense qu'il est temps de tenir une discussion nationale sur les objectifs que nous voulons atteindre.

Je n'envie pas le gouvernement fédéral, puisque le secteur énergétique relève en grande partie des provinces, mais dans de nombreux pays, les pouvoirs et la prise de décisions sont en grande partie confiés à la capitale nationale, et la situation est examinée d'un point de vue national. Je sais que c'est le cas à l'échelle provinciale, et surtout ici dans le Canada atlantique — je devrais dire qu'il est formidable de voir autant de sénateurs du Canada atlantique ici aujourd'hui. Je discute avec mes collègues peut-être pas tous les jours, mais toutes les semaines; nous nous rencontrons très souvent. Nous reconnaissons que nous sommes une petite région; nous avons beaucoup en commun, mais si nous voulons avoir voix au chapitre sur des questions d'importance nationale, nous pourrons mieux nous faire entendre si nous collaborons tous les quatre. Je sais qu'à ce niveau politique, surtout dans la région, on parle beaucoup de ces questions. Un grand nombre de problèmes auxquels nous sommes confrontés sont très semblables.

Avons-nous des solutions? Pas encore. Nous essayons encore de les étudier, mais je dirais que je suis d'avis que, pour régler les problèmes, nous devons tenir un dialogue national. J'ignore le mécanisme qu'il faut, mais dans le cadre d'un dialogue national, on pourrait demander aux Canadiens ceci : « Où voyez-vous que le pays devrait être dans 15 ans? Voici les défis que nous devons relever. » Nous connaissons les ressources à notre disposition. Nous savons assez bien ce que nous avons mais, en tant que pays, quelle orientation devons-nous prendre? Je pense que ce serait un pas dans la bonne direction, monsieur le sénateur.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vais vous poser une dernière question. Je suis totalement d'accord avec vous qu'il faut tenir un débat et qu'il faut un leader qui pourra mener ce débat-là, parce que, souvent, la crédibilité du débat dépend aussi de la crédibilité de l'animateur comme tel. Je regarde monsieur Trudeau actuellement, qui a une popularité qu'aucun premier ministre n'a eue, entre autres au Québec. Je regardais les sondages hier, et il y aurait 76 députés libéraux s'il y avait une élection demain. Je me demande si, avec la force qu'il a, surtout au Québec, il ne serait pas le leader idéal pour venir en parler.

[Traduction]

M. Breckenridge : Je pense que c'est une autre question à discuter autour d'une bière, mais je suis d'accord que le premier ministre est de toute évidence dans une bonne position. J'ai une opinion bien arrêtée à ce sujet.

Le vice-président : Merci.

La première chose que je veux dire, c'est que je suis un grand partisan de l'oléoduc Énergie Est, alors je veux m'assurer que vos collègues et vous comprenez bien le projet.

Lorsque nous étions dans l'Ouest, il était incroyable de voir toutes les discussions que nous avons eues sur l'oléoduc Énergie Est. Les gens faisaient valoir que l'oléoduc traverserait six provinces et que chacune d'elles bénéficierait d'avantages associés à l'oléoduc, mais si le bitume se déverse dans l'eau, il y a alors sept provinces en jeu. Si le bitume se déverse dans la baie de Fundy, la Nouvelle-Écosse doit intervenir. Vous avez fait référence au passé de l'exportation de produits raffinés du pétrole de Saint John; c'est un long passé qui est bien accepté, mais le bitume n'est pas un produit raffiné du pétrole; c'est du pétrole lourd. Quelles discussions votre bureau, votre ministère ou votre gouvernement ont- ils eues avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse concernant la manutention et l'exportation du bitume par la baie de Fundy?

M. Breckenridge : Merci de votre question. Je ne suis pas au courant car ces discussions seraient dirigées par le ministère de l'Environnement et des Gouvernements locaux ici dans notre province. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous parler de ces discussions — qu'ils aient discuté de cela ou non, je ne le sais vraiment pas.

Le vice-président : Si le bitume était exporté par l'entremise de la baie de Fundy, cela exercerait beaucoup de pressions sur les pétroliers dans la baie de Fundy. Pour l'instant, tous les produits raffinés du pétrole qui sont exportés par l'entremise de la baie de Fundy ou qui sont acheminés vers la raffinerie doivent dévier près de la côte de la Nouvelle-Écosse pour éviter les baleines noires. Maintenant, nous appuyons cette façon de procéder en Nouvelle- Écosse, mais c'est un risque important pour la province. Avez-vous une idée du nombre prévu de pétroliers et de leur taille pour exporter ce bitume par l'entremise de la baie de Fundy et des pressions que cela exercerait sur la baie de Fundy?

Ma seconde question est la suivante : avez-vous réalisé des études sur les conséquences d'un important déversement de pétrole lourd dans la baie de Fundy?

M. Breckenridge : Puis-je simplement consulter mes collègues brièvement sur cette question?

Merci de cette pause. La réponse courte est oui, et je sais que notre ministère de la Sécurité publique collabore non seulement de près avec le promoteur, mais il discute également avec nos collègues provinciaux des répercussions éventuelles et du travail que le ministère de l'Environnement et des Gouvernements locaux fait à ce sujet également.

Je peux également ajouter que, personnellement, je partage votre inquiétude au sujet de la baie de Fundy. Notre ministère parle continuellement avec la Nouvelle-Écosse sur des questions telles que l'énergie marémotrice, car les pêcheurs nous disent, et je ne veux pas sembler être désinvolte, que les poissons n'arrêtent pas leur trajectoire à mi- chemin. Le projet que la Nouvelle-Écosse veut mener à bien en matière d'énergie marémotrice en installant des turbines dans le bassin Minas nous préoccupe et nous voulons y prendre part. Nous entretenons d'excellentes relations de travail avec les ministères là-bas.

C'est donc une ressource commune entre les deux provinces qui, comme vous le savez bien, collaborent depuis longtemps. Dans le cadre de projets comme celui-ci, je sais que le gouvernement est résolu à poursuivre le dialogue avec la Nouvelle-Écosse et à s'assurer, encore une fois, que les considérations environnementales sont pleinement prises en compte.

Le vice-président : J'ai posé deux questions. Vous n'avez répondu à aucune d'elles. Quelle serait la hausse projetée de la circulation des pétroliers dans la baie de Fundy? Avez-vous réalisé des études sur les conséquences d'un déversement de pétrole lourd dans la baie de Fundy?

M. Breckenridge : Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je sais que c'est une augmentation importante de la circulation des pétroliers. Je m'excuse, mais je n'ai pas cette donnée devant moi. Désolé, mais je ne peux pas répondre à cette question.

Pour ce qui est de la seconde question, je ne suis au courant d'aucune étude réalisée sur un déversement de bitume dans la baie de Fundy. Je ne dis pas qu'aucune étude n'a jamais été réalisée, mais je ne suis pas au courant, pour être honnête.

Le vice-président : Merci.

Le sénateur Mercer : Je vais essayer de vous poser une question qui ne me mettra pas dans une mauvaise posture sur le plan politique.

L'intervention en cas d'urgence et la préparation en cas d'urgence pour un oléoduc qui traverserait le territoire du Nouveau-Brunswick sont des éléments importants, et bien des gens posent cette question. Savez-vous si le gouvernement du Nouveau-Brunswick a des plans spéciaux, notamment d'accroître la formation? De nombreux premiers répondants sont des bénévoles dans des régions rurales du Nouveau-Brunswick. Prévoit-on offrir de la formation spéciale? Prévoit-on améliorer la qualité de l'équipement qui pourrait être mis à la disposition des premiers répondants dans les régions rurales du Nouveau-Brunswick? Planifie-t-on rendre cette intervention publique pour que les Néo-Brunswickois puissent avoir l'assurance que le gouvernement est prêt à régler tous les problèmes qui peuvent survenir?

M. Breckenridge : Merci de votre question. J'ai une réponse juste ici, alors je vais y répondre directement.

Notre ministère de la Justice et de la Sécurité publique s'engage à faire en sorte que l'on dispose du niveau approprié d'équipement et de formation et que l'on accorde les droits de passage prévus aux premiers intervenants potentiels, comme vous l'avez mentionné, afin de pouvoir intervenir efficacement en cas d'accident sans imposer de risque ou de fardeau indu aux organismes qui offrent ces services d'urgence, évidemment. Nous utilisons souvent comme exemple le réacteur nucléaire que nous avons. Il est très bien accueilli dans la collectivité — comme le sénateur Mockler le sait sûrement — en raison des gens qui y travaillent et qui en comprennent le fonctionnement. Certaines personnes se sont demandé ce qui arriverait en cas de catastrophe. Notre niveau de sécurité est adéquat, nous suivons les règles que fournit la Commission canadienne de sûreté nucléaire et nous essayons seulement de le faire le plus écologiquement possible. Ces deux dernières années, peu après l'annonce concernant l'oléoduc Énergie Est, les comités interministériels ont été chargés d'examiner ces questions dans le but précis de veiller à ce que nous soyons en mesure de les régler.

Le sénateur Mercer : En a-t-on fait part aux gens du Nouveau-Brunswick? Comprennent-ils? Nous en revenons à la question de l'adhésion sociale et du déficit des connaissances en matière d'énergie auquel vous avez fait allusion. Les Néo-Brunswickois savent-ils que le gouvernement a élaboré un plan pour rehausser les capacités d'intervention en cas d'urgence dans les collectivités que l'oléoduc pourrait traverser?

M. Breckenridge : Je sais que nous avons mené quelques activités de sensibilisation pour les en informer. Rejoignons-nous suffisamment de gens? Encore une fois, je ne sais vraiment pas. Je sais que nous essayons de régler la question; au cabinet du ministre, nous recevons des lettres qui en font mention. On a tenu des assemblées publiques et un certain nombre d'activités publiques pour soulever ces questions. Nous continuons de le faire, car je pense que c'est un exemple de cas où un peu de redondance ne serait pas une mauvaise chose. Il serait probablement bon que les gens en entendent parler encore et encore.

Le sénateur Mercer : Pour en revenir à notre discussion concernant l'adhésion sociale, et encore une fois le déficit des connaissances en matière d'énergie dont vous avez parlé, je pense qu'il est important de dire aux gens que cela ne se passe pas du tout en vase clos. Même si l'oléoduc appartiendra aux entreprises qui traversent, surtout, des terrains privés, le gouvernement s'est préparé à intervenir en cas d'urgence. Je pense que la centrale nucléaire de Point Lepreau est un bon exemple du niveau de sensibilisation de la population, car les Néo-Brunswickois n'ont approuvé que cette centrale étant donné qu'ils ont aussi la certitude que l'on est en mesure de régler tout problème qui pourrait y survenir.

Merci, monsieur le président.

Le sénateur Mockler : J'aimerais formuler un commentaire concernant deux questions qui ont été posées. Premièrement, les derniers renseignements dont je dispose sur la baie de Fundy, monsieur le sous-ministre adjoint, révèlent que sa protection est entièrement assurée par ALERT, c'est-à-dire l'Équipe d'intervention d'urgence de l'Atlantique, qui a été fondée en 1991 et est autorisée par la Loi sur la marine marchande à intervenir précisément en cas d'urgences environnementales. Chaque navire-citerne qui entre dans la baie de Fundy doit avoir signé un contrat avec ALERT, monsieur le président. Est-ce toujours le cas?

M. Breckenridge : Nous connaissons ALERT. Pour ce qui est de savoir si les contrats sont toujours en vigueur, je vais devoir vous revenir là-dessus.

Le sénateur Mockler : Merci de le faire par l'intermédiaire du président.

M. Breckenridge : Oui, nous le ferons.

Le sénateur Mockler : La raffinerie de Saint John, le terminal de Canaport et le terminal Est de Saint John ont chacun des équipes d'intervention d'urgence sur place de plus de 200 membres au total — c'est ce qu'on m'a dit quand j'étais au gouvernement du Nouveau-Brunswick et depuis que je suis parlementaire à Ottawa. Je tiens à vous dire qu'il y a environ 26 membres par quart de travail et qu'ils sont entièrement équipés sur place d'un camion prioritaire, d'un camion à incendie, d'un véhicule de commandement des interventions et d'autres véhicules pour intervenir en cas d'urgences diverses, dont des incendies, des fuites, des déversements et des urgences médicales, et nous avons un bon bilan à cet égard.

La question que j'aimerais vous poser — et je comprends que vous reviendrez à la question précédente — est celle de savoir si vous échangez des renseignements avec ALERT et une équipe d'intervention au terminal pour vous assurer que nous réglons les problèmes en nous fondant sur des données scientifiques pour pouvoir répondre aux questions qui ont été posées? Sept Néo-Brunswickois sur dix sont en faveur de l'oléoduc Énergie Est, alors pouvons-nous donner une réponse aux trois autres personnes?

M. Breckenridge : Oui, sénateur Mockler, je crois savoir qu'ils se réunissent régulièrement, qu'ils échangent des renseignements, qu'ils relèvent les écarts perçus le cas échéant et qu'ils collaborent pour veiller à ce que les mesures environnementales nécessaires soient mises en place.

Le sénateur Mockler : Lorsqu'on prend les moteurs économiques du secteur de l'énergie au Nouveau-Brunswick et au Canada atlantique, il est important qu'ils créent des emplois. Le plus grand exportateur du Nouveau-Brunswick est une raffinerie de Saint John, de laquelle émanent plus de 65 p. 100 de toutes les exportations provinciales. Un autre facteur est que 70 p. 100 de la production de pétrole d'Irving — et je dirais de la raffinerie de Saint John — sont destinés au marché étatsunien; c'est donc dire, honorables sénateurs, que trois véhicules sur cinq, six véhicules sur dix sont ravitaillés par notre raffinerie. Ensuite, dans le cas des quelque 3 000 emplois créés, je constate qu'environ 2 400 des employés vivent ici au Nouveau-Brunswick.

[Français]

Ça n'est pas des petites pinottes, ça.

[Traduction]

J'aimerais savoir si vous pensez que les Néo-Brunswickois ne sont pas au courant de tous ces faits.

M. Breckenridge : Excellente question. Selon moi, l'incidence économique d'Irving Oil Ltd, de sa raffinerie et du potentiel de la raffinerie d'Énergie Est est indéniable. Je pense que tout est une question de degrés. J'estime que les gens de la région de Saint John le comprennent relativement bien. Je crois qu'il est juste de dire, honorable sénateur, que ce n'est peut-être pas le cas dans d'autres parties du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Mockler : Merci.

Le vice-président : J'ai une dernière question avant que nous terminions.

Pour exporter du bitume en passant par la baie de Fundy, il faudrait y construire une installation de 7,6 millions de barils. J'ignore pour l'instant ce que cela signifierait pour ce qui est de la mise en valeur du terrain ou de la mer. Pouvez-vous dire au comité si on a mené la moindre évaluation environnementale ou si on a délivré le moindre permis environnemental à ce jour en ce qui concerne l'installation proposée?

M. Breckenridge : Puis-je vous poser une question de suivi avant de répondre?

Le vice-président : Certainement.

M. Breckenridge : Monsieur le président, faites-vous allusion au terminal maritime?

Le vice-président : Oui.

M. Breckenridge : A-t-on déjà déposé les évaluations environnementales provinciales qui s'imposent à cet égard?

Le vice-président : Oui.

M. Breckenridge : Je ne pense pas qu'ils aient commencé, mais je peux le confirmer et vous revenir là-dessus dans les plus brefs délais.

Le vice-président : Merci beaucoup d'avoir pris le temps de témoigner devant nous ce matin. Nous vous en savons gré.

Honorables sénateurs, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos prochains témoins. M. Bruce Fitch est membre de l'Assemblée législative dans la circonscription de Riverview et chef de l'opposition par intérim à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Il est accompagné de M. Greg Lutes, chef de cabinet.

Monsieur Fitch, je vous prie de commencer votre présentation. Les sénateurs auront ensuite des questions à vous poser.

Bruce Fitch, membre de l'Assemblée législative (Riverview), chef de l'opposition par intérim de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick : Merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner devant le comité sur un sujet très important, non seulement pour le Nouveau-Brunswick, mais aussi pour le Canada. Merci, honorables sénateurs, d'avoir pris le temps de venir au Nouveau-Brunswick et d'écouter ce que les gens ont à dire. Votre visite me donne l'occasion de vous faire part de mon point de vue sur cette question cruciale.

Avant d'aborder les questions précises que le comité étudie, j'aimerais mettre mes commentaires en contexte. Par le passé, j'ai été à la fois ministre de l'Environnement et de l'Énergie au sein de différents gouvernements du Nouveau- Brunswick. J'ai géré un certain nombre de projets énergétiques auxquels des membres du public se sont vivement opposés, comme c'est le cas pour le projet d'oléoduc Énergie Est. En conséquence, je peux tirer parti de mon expérience pour formuler des observations sur les questions à l'étude.

La première question que le comité a posée concernait l'adhésion sociale. Malheureusement, on ne nous a donné aucune définition de ce concept, si bien qu'il est difficile de dire comment on pourrait faciliter l'atteinte de pareil objectif. Comme le gouvernement continue d'évoquer ce terme comme condition préalable à la mise en chantier de projets d'infrastructure, le manque de définition objective et cohérente de ce concept a fait en sorte que les personnes opposées au projet et les gouvernements se l'approprient à des fins politiques qui leur sont propres — comme c'est le cas ici au Nouveau-Brunswick.

Mon expérience m'a appris qu'une personne qui s'oppose à un projet de combustibles fossiles n'appuiera jamais pareil projet, quelles que soient les conditions, les protections, les normes et les données scientifiques que le gouvernement présente ou exige. En conséquence, le manque d'adhésion sociale est aussi invoqué comme un type de veto par ceux qui s'opposent au projet. Après tout, sans définition, l'adhésion sociale peut vouloir dire n'importe quoi, y compris le soutien unanime, quelque chose qui ne pourrait pratiquement jamais être obtenu. Le fait de fonder des décisions aussi importantes en matière d'infrastructure sur des termes qui sont censés représenter des seuils d'appui qui ne sont pas définis fera en sorte que les projets continueront d'être retardés et annulés partout au pays. Ce manque de clarté et de stabilité finit par éroder la confiance des investisseurs et les contraint à chercher des débouchés ailleurs, situation, encore une fois, que nous vivons actuellement au Nouveau-Brunswick en raison de la façon dont le présent gouvernement gère l'industrie du gaz naturel.

Deuxièmement, le comité a demandé comment rehausser la confiance du public à l'égard du processus d'examen du projet d'oléoduc. Encore une fois, si j'en juge par mon expérience, tout manque de confiance que l'on perçoit à l'égard du processus d'examen de l'oléoduc n'a rien à voir avec les détails techniques d'un projet en particulier; les personnes qui s'opposent au projet s'en servent plutôt pour soulever des questions et des préoccupations. En offrant des mesures claires et objectives au tout début d'un projet d'examen, un comité d'examen peut montrer si un projet est dans l'intérêt du public sans avoir à tenir compte des arguments émotionnels fondés sur le désir de s'opposer au projet plutôt que sur des faits. Cela fera en sorte que toute personne impartiale et raisonnable puisse comprendre si le projet a satisfait ou non aux exigences fixées par les élus.

Divers arrêts de la Cour suprême ont déjà répondu à la question se rapportant aux peuples autochtones. Cependant, le défi pour l'Est canadien est le fait que nos traités précèdent les traités de l'Ouest de près de deux siècles et qu'ils ne sont pas aussi clairs que les traités sur lesquels ces arrêts de la Cour suprême sont fondés. Quoi qu'il en soit, il est évident que les Premières Nations doivent participer au processus aux plans social, financier et, par-dessus tout, environnemental. Elles doivent travailler en partenariat avec les promoteurs du projet pour veiller à ce que les richesses générées par ces projets soient partagées. Au bout du compte, l'État, les Premières Nations et les promoteurs doivent s'entendre avant que les projets ne s'engagent dans le processus réglementaire afin de veiller à ce qu'ils profitent à toutes les parties concernées.

Enfin, une stratégie nationale est un concept qui n'offre aucun avantage réel aux intervenants, même s'il touche notre côté patriotique. L'appel à une stratégie nationale laisse entendre que notre processus d'appel est pavé d'obstacles insurmontables qui témoignent du manque de progrès réalisés dans le cadre des projets d'oléoduc canadiens au cours de la dernière décennie. Je ne crois pas que ce soit le cas, mais je vois des gouvernements trop nerveux pour annoncer des emplois avant qu'on ait mis la dernière main aux détails du plan, créant ainsi un vide sur le plan des communications que les opposants aux projets remplissent sans la moindre contestation de la part de quiconque. Je vois des entreprises qui suivent le processus réglementaire sans consulter, comme il se doit, les Premières Nations touchées, ce qui engendre encore des contestations et d'autres oppositions. Je vois les gouvernements provinciaux déterminer le soutien aux projets d'oléoduc en fonction de la politique locale plutôt que des intérêts nationaux. Ces actions ne cesseront pas avec une stratégie nationale motivée par des exigences politiques. Nous le voyons depuis peu dans le cadre du débat sur la tarification du carbone entre les provinces et le gouvernement fédéral.

Les choses changeront quand le gouvernement fédéral commencera à faire valoir que les oléoducs sont dans l'intérêt national et qu'il énoncera des exigences claires en matière de protections environnementales, de consultations et d'accommodement des Premières Nations, et de processus d'audience réglementaire. Cela ne peut pas se produire si les gouvernements utilisent des termes vides de sens comme adhésion sociale et s'ils font des allégations non fondées de non-confiance dans les processus réglementaires ou des interprétations subjectives des consultations auprès des Autochtones.

Lorsque nous aurons une feuille de route claire à l'échelle nationale sur la façon de mener à bien ces projets et un gouvernement fédéral qui appuie le processus pour veiller à ce que les promoteurs qui répondent à toutes les exigences soient, en fait, capables de donner suite à leurs projets, nous serons alors en mesure de bâtir un Canada plus fort et plus prospère.

Merci à tous d'avoir pris le temps d'écouter mes commentaires aujourd'hui.

J'ai négligé de vous présenter mon collaborateur, Greg Lutes, chef de cabinet. J'avais l'intention de le faire dès le départ. Il est la personne mystère qui se trouve à ma gauche.

Le vice-président : Merci, monsieur Fitch.

Avant de passer aux questions, je veux vous assurer que l'adhésion sociale n'est pas une référence ou une exigence du comité et de ses travaux.

Nous allons commencer par le sénateur Doyle.

Le sénateur Doyle : Je vais vous poser ma question un peu usée. Je la pose constamment en comité. Nous avons entendu des témoins dire que, au bout du compte, c'est à l'Office national de l'énergie qu'il devrait revenir de déterminer si le projet d'oléoduc devrait être mis ou non en chantier. Dans les faits, l'ONE approuve ou désapprouve un projet, lequel doit ensuite être renvoyé au cabinet pour approbation finale. Certaines personnes disent que nous devrions dépolitiser le processus pour l'accélérer; vous qui êtes politiciens savez bien ce qui se passe : il est retardé partout. Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Fitch: Oui, j'en ai une. Encore une fois, j'en reviens au rôle et à la responsabilité de l'Office national de l'énergie. Si le gouvernement lui donne un mandat clair par le truchement, encore une fois, de lignes directrices et de règlements et qu'il les suit, il aura une feuille de route claire pour arrêter une décision à la fin de ce processus. Si le gouvernement peut présenter, au départ, un genre de schéma de décision grâce auquel il détermine s'il y a lieu de donner suite à tel ou tel projet, il devrait suivre cette recommandation. Malheureusement, en réalité, le gouvernement dit : « Nous voulons rendre la décision définitive, nous voulons le dernier mot, quelles que soient les données, les données techniques en faveur du projet ou contre lui ». Encore une fois, on en revient presque à une décision émotionnelle ou politique.

Pour essayer de répondre à votre question, au bout du compte, les gouvernements et les cabinets ont le dernier mot, mais je pense que s'ils pouvaient donner des consignes plus claires dès le départ et dire : « nous sommes prêts à accepter la décision que vous allez prendre », il serait plus facile pour l'ONE de tirer une conclusion que le gouvernement devrait ensuite suivre. Malheureusement, le personnel de l'ONE consacre énormément de temps et d'énergie à étudier le dossier, qui finit par être remis au gouvernement, qui est susceptible de prendre une décision émotionnelle ou politique.

Le sénateur Doyle : En 2015, les exploitations d'oléoducs au Canada ont ajouté 11,5 milliards de dollars au PIB, créé 34 000 emplois à temps plein et généré 3 milliards de dollars en revenu du travail. À votre connaissance, a-t-on procédé à des évaluations? Nous avons rencontré les représentants de la Chambre de commerce aujourd'hui, et je ne crois pas qu'ils étaient au courant qu'une quelconque évaluation ait été menée pour déterminer l'incidence économique de l'oléoduc sur cette partie du pays. Savez-vous s'il y a des études en cours ou avez-vous une idée de ce que pourraient être les répercussions économiques pour la région de Saint John, qui bénéficierait de tout oléoduc?

M. Fitch : Oui. Ma compréhension est fondée sur les données que vous venez de citer ou sur des chiffres que j'ai entendus auparavant. Lorsque nous formions le gouvernement, nous avons embauché un économiste qui a réalisé pour nous une étude sur divers projets dans l'ensemble du Nouveau-Brunswick, dont le pipeline ouest-est. L'étude traitait de la croissance du PIB, de la croissance de l'emploi et de l'incidence de la croissance sur la main-d'œuvre. Cette personne travaille maintenant pour le gouvernement actuel; il y a donc une continuité quant aux renseignements disponibles.

Donc, en ce qui concerne une étude précise, nous en avons fait faire une par un économiste lorsque nous étions au pouvoir, et cet économiste travaille toujours pour le gouvernement. Je suis certain que l'étude pourra être consultée au besoin. J'oublie probablement divers autres documents qui pourraient également porter sur ces retombées économiques.

Le sénateur Doyle : On parle beaucoup de la confiance du public et de l'acceptation sociale, mais il est difficile d'en arriver à une conclusion quant aux mesures qui pourraient être prises pour améliorer la confiance du public à l'égard des pipelines. Les statistiques démontrent que les pipelines sont sécuritaires, plus sécuritaires que le transport ferroviaire et le transport par pétrolier, mais on ne semble pas trouver le moyen de faire valoir que c'est une excellente façon de transporter le pétrole brut. Que peut-on faire? Avez-vous des commentaires à ce sujet, dans l'optique de l'amélioration de la confiance du public?

M. Fitch : L'augmentation de la confiance du public est l'un des enjeux les plus difficiles. Encore une fois, selon mon expérience — au cours de la campagne électorale ou lorsque j'étais ministre de l'Environnement —, la validité de l'option du gaz de schiste a été remise en question; il fallait soit l'accepter, soit la rejeter. En faisant du porte-à-porte pendant la campagne, j'ai eu de nombreuses discussions avec des gens qui se demandaient si la réglementation était assez rigoureuse pour approuver l'exploitation du gaz de schiste. Même si j'avais des renseignements et des connaissances pratiques sur la construction d'un puits, sur les mesures de sécurité et la réglementation qui étaient mises en place et sur les mesures de protection de l'environnement, de la population et de la région, certaines personnes ne voulaient pas croire les données que je leur présentais, qui s'appuyaient sur des recherches scientifiques.

Lorsqu'on tente d'instaurer cette confiance, il est parfois impossible de surmonter des arguments d'ordre émotif comme « Je ne crois pas ce que vous dites » ou « Je ne pense pas que c'est sécuritaire. » Les gens en viennent à croire, pour une raison quelconque, qu'un projet ne devrait pas aller de l'avant, peu importe s'il s'agit d'un projet d'extraction du gaz naturel ou d'un oléoduc ouest-est. À cela s'ajoutent les arguments des opposants; toutes les données et les statistiques qu'on peut présenter ne parviendront pas à les faire changer d'avis.

Je parle d'expérience, encore une fois. Au début, si on se fie uniquement à l'industrie, cela entraîne un manque de confiance. Si on s'en remet au gouvernement, cela pourrait avoir le même effet. Voilà pourquoi on pourrait presque dire qu'il revient au gouvernement de faire valoir qu'un pipeline est dans l'intérêt supérieur de la fédération. Si le gouvernement adoptait une telle orientation d'entrée de jeu, comme point de départ, en fonction de tous ces règlements et de toutes les études préalables, il faudrait alors prendre la décision d'aller de l'avant, pour ainsi dire. Il convient toutefois d'aller de l'avant comme je l'ai indiqué plus tôt, soit en tenant compte des Premières Nations, de l'environnement et de tous les critères liés à la sécurité qui ont été établis.

Le sénateur Doyle : Merci.

Le sénateur Mercer : Merci d'être ici, monsieur Fitch.

Vous avez soulevé deux ou trois enjeux intéressants que j'aimerais approfondir avec vous. Vous avez indiqué que le fédéral devrait affirmer que les pipelines sont dans l'intérêt supérieur du pays. C'est une déclaration louable, mais combien de temps faudra-t-il pour que le gouvernement fédéral le fasse? Voulez-vous que le premier ministre publie un communiqué de presse dès cet après-midi pour faire savoir que le gouvernement du Canada est d'avis que les pipelines sont dans l'intérêt supérieur du pays, point final, ou souhaitez-vous que le gouvernement fédéral établisse un processus quelconque pour en arriver à cette conclusion?

M. Fitch : Je ne crois pas que le premier ministre répondrait à mon appel, mais je peux toujours essayer.

Le sénateur Mercer : Il serait probablement plus susceptible de répondre à votre appel qu'au mien.

M. Fitch : Je pense que c'est lié aux données disponibles sur le transport des produits pétrochimiques terrestres vers les ports de mer. Les statistiques existent. Le gouvernement doit examiner les facteurs liés à la sécurité et aux retombées économiques. Il doit ensuite affirmer que ce sera avantageux pour la région, la fédération ou le pays, si nous parvenons à établir des règlements assez étoffés pour mener de telles activités de façon respectueuse pour l'environnement. À mon avis, si le gouvernement en arrivait à cette conclusion, cela favoriserait le processus de consultation auprès des Premières Nations et le processus de réglementation, qui sont la voie à suivre pour aller de l'avant. Cependant, le gouvernement hésite, attend et tergiverse, ce qui entraîne beaucoup d'incertitudes dans le marché et chez les investisseurs, qui pourraient s'interroger sur la pertinence d'investir des sommes considérables sans savoir s'ils pourront en tirer des résultats positifs.

Si on établissait les paramètres au préalable — ce qui nécessiterait du travail et une certaine diligence raisonnable —, on pourrait déterminer la voie à suivre, un peu comme une liste d'achats. On pourrait définir le processus de consultation auprès des Premières Nations, le mandat lié à l'acceptabilité sociale et les mesures nécessaires à la protection adéquate de l'environnement. Il s'agirait ensuite d'affirmer qu'on pourra aller de l'avant lorsque toutes les étapes de la liste auront été franchies. Lorsqu'il y a de l'incertitude... Voilà pourquoi j'ai indiqué que le gouvernement doit établir un mandat pour la mise en œuvre de ce projet, en fonction des informations dont nous disposons, et qu'il doit affirmer que cela est dans l'intérêt national.

Le sénateur Mercer : Il faudra un certain temps pour franchir chacune des étapes de cette liste.

M. Fitch : En effet.

Le sénateur Mercer : Et le problème est là.

Si j'ai bien compris, vous avez également indiqué que l'Office national de l'énergie devrait être l'arbitre ultime à cet égard, que la décision lui revient. Cela contredit ce que vous avez affirmé. Si vous demandez à l'Office national de l'énergie de prendre la décision ultime, alors qui se soucie... Eh bien, cela nous préoccupe tous; je suis le seul libéral ici présent, et je m'en préoccupe davantage que ces gens.

Le sénateur Mockler : Indépendant.

Le sénateur Mercer : Non, je ne suis pas indépendant; je suis un libéral et vous le savez, sénateur Mockler.

Je suis perplexe. Vous êtes le chef de l'opposition par intérim du Nouveau-Brunswick. Que direz-vous si l'Office national de l'énergie rejette le projet Énergie Est? Que ferez-vous à ce moment-là? Que direz-vous à vos électeurs et à l'ensemble des électeurs du Nouveau-Brunswick, qui sont probablement favorables au projet Énergie Est, pour la plupart? Allez-vous changer d'idée et dire qu'il faudra en appeler de la décision au Cabinet? Maintenant que nous n'avons pas eu ce que nous voulions, devrions-nous avoir le droit d'interjeter appel auprès du Cabinet?

M. Fitch : Il s'agit là d'un argument circulaire, en ce sens que si le processus est clairement établi dès les premières étapes — par rapport aux consultations, à l'environnement et à tous les autres critères — et que le gouvernement établit ce cadre, il sera ensuite possible d'en saisir l'Office national de l'énergie, qui rendra alors une décision qui devrait être considérée comme définitive. Cependant, ce qui s'est produit et qui a rendu la chose complexe, c'est que le gouvernement a invité l'Office national de l'énergie à faire son étude, mais ne s'est pas engagé à accepter ses conclusions. Cela entraîne une incertitude et la création d'une tribune où s'opposent les tenants et les détracteurs du projet. Toutefois, étant donné l'absence de cadre, certaines voix ont plus de résonance que d'autres.

Sans vouloir semer la confusion, si on établissait la liste des tâches qui incombent à l'ONE et des réponses à obtenir, alors la décision de l'organisme devrait être respectée par le gouvernement. Cependant, c'est lorsqu'il subsiste une telle incertitude quant au respect de la décision qu'on se retrouve avec la possibilité d'un échec.

Le sénateur Mercer : L'exercice visant à déterminer si l'ONE a mené toutes les activités de la liste et répondu à toutes les questions n'est-il pas subjectif? On pourrait convenir que tout a été fait, mais qu'on pourrait en appeler, étant donné que nous sommes en désaccord par rapport à la question X. Je n'aime pas l'idée qu'elle pourrait faire l'objet d'un appel auprès d'une instance quelconque, mais je n'aime pas vraiment l'idée que cela relève de l'ONE non plus. Je suis pris dans un dilemme à cet égard. Je pense que vous soulevez un point valable, mais dans le monde de la politique, la réalité c'est que la décision sera remise en question, soit par ceux qui sont favorables au pipeline, soit par ceux qui sont contre, et que la question sera ultimement réglée par le gouvernement ou le cabinet, en temps opportun. Si j'avais un conseil à donner, je dirais que ce temps opportun, c'est le plus tôt possible.

M. Fitch : Permettez-moi encore une fois d'utiliser l'exemple d'une situation que nous avons connue au Nouveau- Brunswick concernant l'extraction du gaz naturel par fracturation. La question était valable : oui ou non. Nous avons perdu les élections. Le gouvernement actuel a renvoyé cela devant un comité et lui a demandé de faire rapport sur certaines questions. Le comité s'est attaqué à la tâche et a fait preuve de diligence raisonnable pour répondre à bon nombre des questions qui lui avaient été soumises par le gouvernement. Évidemment, le rapport qui a été présenté commençait par « Si ». Il revenait donc au gouvernement d'en décider, encore une fois. C'est donc ce qu'il a fait; il a pris tous ces renseignements et tous ces efforts, puis il a indiqué qu'il allait maintenir indéfiniment l'interdiction des activités de fracturation.

Ce qui pose problème dans notre système — où coexistent le gouvernement et l'ONE —, c'est que l'ONE peut faire tous ces travaux et qu'on peut y investir des ressources, du temps et des efforts, mais si le gouvernement prend une décision qui n'est peut-être pas fondée sur des données scientifiques, mais plutôt sur des raisons d'ordre politique et populiste, il peut très bien choisir de ne pas aller de l'avant par crainte de perdre des appuis politiques. Voilà pourquoi notre système est... Vous avez parlé d'un dilemme. Les motivations sont parfois conflictuelles.

C'est pour cette raison que je dis que si le gouvernement définissait clairement le processus, de A à Z, pour en arriver à une décision sans équivoque, il devrait être capable de l'accepter et d'en accepter les conséquences.

Le sénateur Mercer : Vous êtes un ancien ministre. Vous savez donc que si on vous présente une recommandation qui ne vous convient pas, en tant que ministre, ou qui ne convient pas au gouvernement, le gouvernement trouvera alors une façon de la contourner.

M. Fitch : C'est là où la politique a nui à la mise en œuvre de projets comme celui du pipeline, parce que les gens se préoccupent de l'aspect local plutôt que d'adopter une stratégie nationale.

Le sénateur Mercer : Je vois. Nous avons parlé avec diverses personnes, en particulier cette semaine, du manque de renseignements offerts à la population canadienne pour qu'elle ait une compréhension de cet enjeu. Nous avons la troisième réserve d'hydrocarbures en importance au monde. Nous avons un client qui achète notre produit au rabais, et non au cours mondial. Les gens disent que nous aurons plus de clients. Eh bien, pour en arriver là, il faut acheminer notre produit jusqu'aux ports de mer, ce que nous ne pourrons faire sans construire des installations à cette fin. Les gens ne veulent pas d'une augmentation du nombre de trains en circulation au pays. Il suffit d'aller à Lac-Mégantic afin de comprendre pourquoi. C'est donc une situation difficile pour les gouvernements. Il devient difficile pour les gouvernements de prendre des décisions politiques quant aux avantages politiques à consacrer à cet enjeu. Cela devient un risque politique. Je suis aussi rompu aux manœuvres politiques.

Comment pouvez-vous résoudre la quadrature du cercle? Si vous n'étiez pas l'ancien ministre de l'Environnement, mais plutôt l'actuel ministre de l'Environnement, comment feriez-vous pour résoudre ce paradoxe?

M. Fitch : C'est une excellente façon de formuler la question. C'est précisément la raison pour laquelle de si nombreux projets de pipelines n'ont pas été mis en œuvre. Les gouvernements — un terme que j'utilise encore une fois de façon générale — ont peut-être tendance à se concentrer sur les enjeux locaux, car c'est là où se trouvent les gens qui les ont élus pour les représenter. Donc, lorsque les gens ont des préoccupations semblables aux leurs, ils ont alors une voix, et peuvent donc indiquer qu'ils ne veulent pas que le projet soit mis en œuvre en raison d'une préoccupation environnementale quelconque ou d'un problème donné. C'est à ce moment-là qu'on se retrouve en quelque sorte à tourner en rond par rapport à ces questions. C'est là qu'intervient ce dont j'ai parlé plus tôt : il convient de s'assurer de faire le travail au préalable pour que les gens connaissent la voie à suivre et sachent que toutes les étapes ont été suivies, notamment par rapport aux Premières Nations et aux questions environnementales. Je dirais qu'il faut faire tous les travaux de préparation plutôt que de laisser les opposants combler le vide.

Les politiciens sont coupables. J'aime bien participer à des inaugurations et faire des annonces relatives à la création d'emplois.

Encore une fois, pour revenir à votre question, si j'étais ministre de l'Énergie — j'ai déjà été ministre de l'Environnement et ministre de l'Énergie... J'ai toujours pensé qu'il était nécessaire d'établir un équilibre entre la volonté de lancer un projet et les mesures de protection de l'environnement existantes.

Le sénateur Mercer : J'aimerais avoir votre avis sur un autre enjeu; ce sera ma dernière question. La question de l'acceptabilité sociale est plutôt vague. Toutefois, ne seriez-vous pas d'accord pour dire que l'acceptabilité sociale n'est pas une chose qu'on vous accorde, mais plutôt une chose que l'on gagne et, qui plus est, une chose qui n'est pas acquise du jour au lendemain en disant qu'on veut qu'une politique donnée jouisse de l'acceptation sociale? Comme je l'ai déjà dit, lorsqu'on arrive cinq minutes avant la fin d'une soirée, on ne retourne pas nécessairement à la maison avec la fille la plus jolie. Il faut arriver tôt, rencontrer des gens et faire valoir ses arguments.

Est-ce parce que l'industrie n'a pas fait un bon travail à cet égard pour obtenir l'acceptation sociale qu'elle a décidé soudainement, en raison de la chute des cours, du fait que notre meilleur client ait trouvé des sources à l'intérieur de ses frontières, et cetera, et des répercussions de l'énorme brasier dans le nord de l'Alberta l'an dernier... Convenez-vous que l'industrie n'a pas fait un bon travail pour se faire valoir dans le cas présent?

M. Fitch : C'est une bonne question à laquelle il est vraiment difficile de répondre. Vous avez raison, c'est une question d'acceptabilité sociale. Je reviendrai encore une fois à l'expérience que nous avons eue au Nouveau- Brunswick, où le gouvernement actuel a indiqué avoir le mandat d'imposer un moratoire sur l'exploitation du gaz de schiste. J'utilise de nouveau cet exemple parce que c'est une expérience que j'ai vécue et que vous m'avez demandé mon opinion. Certaines personnes ont voté contre nous parce que c'était une question de validation, mais d'autres ont aussi voté contre nous pour beaucoup d'autres raisons. Je pourrais vous montrer la liste des enjeux qui ont été soulevés lorsque je rencontrais les gens. Parfois, en tant que politicien, lorsqu'on obtient un mandat du public, il arrive qu'on en vienne à dire qu'on a le mandat de traiter d'un enjeu précis, car on a été élu et que cet enjeu figurait dans le programme électoral, dont le public a pris connaissance. Dans la réalité toutefois, certains pourraient trouver acceptable d'aller de l'avant dans ce dossier précis, tandis que d'autres pourraient être contre, en disant qu'ils ont voté contre l'autre parti parce qu'ils n'aimaient pas sa position sur cet enjeu, ou pour toute autre question sans rapport à cet enjeu.

Mais les politiciens partent du fait qu'ils ont été élus pour affirmer qu'ils ont le mandat de mettre en œuvre leur programme électoral, qu'on l'accepte en entier ou seulement en partie.

Cela nous ramène à la diligence raisonnable et à la façon de mettre en place un processus qui nous permettra d'atteindre un résultat avantageux, car il arrive que certains éléments d'un programme se contredisent, comme lorsqu'on dit, d'une part, qu'on veut créer des emplois et favoriser la croissance de l'économie et, d'autre part, qu'on veut imposer un moratoire sur une occasion qui va précisément en ce sens.

J'ai essayé de faire un parallèle entre ce que nous avons vécu au Nouveau-Brunswick et ce qui pourrait se passer à l'échelle nationale dans le cas du pipeline ouest-est.

Le sénateur Mercer : Merci.

Le sénateur Mockler : Selon mon expérience parlementaire, au Nouveau-Brunswick et à Ottawa, je dirais que c'est un enjeu très complexe et qu'on n'a pas réussi à définir clairement ce qu'on appelle l'acceptabilité sociale. Comme le président l'a indiqué, notre rôle n'est pas de définir l'acceptabilité sociale. Toutefois, les dirigeants de nos collectivités, les représentants fédéraux élus, nous disent qu'il nous faut l'adhésion de la population, une acceptabilité sociale. Nous devons aussi inclure les Premières Nations, et je pense que c'est très important. Je pense aussi qu'il est très important d'étudier le projet Énergie Est.

Pour moi, l'acceptabilité sociale correspond sans aucun doute à la confiance que m'ont témoignée, le soir de l'élection, les gens chez qui je me suis présenté en tant que représentant d'un parti, c'est-à-dire le mandat de veiller à trouver et à réunir les personnes les plus compétentes pour favoriser le développement socio-économique, peu importe l'endroit où on habite, et le Nouveau-Brunswick ne fait pas exception. Voilà pourquoi je considère le Canada comme leur meilleur pays du monde.

Lorsque je pense au Nouveau-Brunswick, j'estime que l'acceptabilité sociale... En fin de compte, ce sont monsieur et madame Tout-le-monde, les contribuables, qui ont le dernier mot. Lorsque je regarde le dernier sondage, je vois 7 Néo- Brunswickois sur 10, mais les gens disent : « Oh, c'est un sondage! » Eh bien, non. C'est ce que les gens ont dit. Sept personnes sur 10 appuient Énergie Est.

Je pense que le projet Énergie Est est un projet d'édification nationale. Permettez-moi de citer le sénateur Mercer : cet enjeu transcende les considérations partisanes. Il importe peu de savoir qui forme le gouvernement. Pour moi, ce projet d'édification nationale est aussi important que tout autre projet dans l'histoire du Canada. Le pays aura bientôt 150 ans. Faisons du projet Énergie Est un projet comparable au chemin de fer et à la Transcanadienne. Nous savons tous ce que cela a représenté pour le Canada atlantique il n'y a pas si longtemps. Lorsque l'autoroute à quatre voies a été terminée, elle est devenue un facteur de croissance économique au Canada atlantique. Je pense à la Voie maritime du Saint-Laurent, et même au transport aérien; ce sont des projets d'édification nationale, monsieur le président. Un meilleur exemple d'un projet d'édification nationale est ce dont mes enfants me parlent : la mise en place d'infrastructures Internet à large bande d'un océan à l'autre.

Cela dit, compte tenu de votre vaste expérience, considérez-vous qu'il y a un manque de sensibilisation par les gouvernements, l'ONE et les autres intervenants? J'insiste encore une fois sur ce point parce que d'autres sénateurs ont posé la question. Il y a un manque d'information. Étant donné votre expérience, quelles mesures recommanderiez-vous pour informer la population du Nouveau-Brunswick et du Canada atlantique sur des projets de ce genre? Les projets que j'ai mentionnés ont aidé à créer de la richesse au Canada.

M. Fitch : Je vous remercie de la question, sénateur Mockler.

Je souscris entièrement aux points que vous avez soulevés sur la nécessité d'aller de l'avant. Toutefois, par rapport à votre question sur les mesures à prendre pour informer les gens afin d'obtenir leur acceptation, je dirais qu'il y a des informations et qu'on peut fournir tous les renseignements dont on dispose, des tonnes de renseignements — la Commission de l'énergie et des services publics du Nouveau-Brunswick a reçu une foule de documents —, mais si une personne est profondément convaincue d'une chose, toutes les informations du monde ne la feront pas changer d'idée sur la question de savoir si le projet de pipeline devrait aller de l'avant ou non. À mon avis, lorsque 7 personnes sur 10 appuient le projet au Nouveau-Brunswick, selon le dernier sondage que vous avez mentionné, cela démontre que la population du Nouveau-Brunswick y est favorable. Je ne connais pas le taux d'appui dans les autres régions du pays, mais je pense que c'est là qu'il faut tenir compte de l'appui à l'échelle locale.

Sénateur Mercer, votre question portait également sur l'industrie. Je suis désolé; je savais que votre question comptait deux volets, et je n'ai pas répondu à la deuxième partie. Je n'essayais pas d'éviter d'y répondre; j'ai simplement oublié la question. Je prends donc des notes plus détaillées. Quant à savoir si l'industrie a fait un bon travail ou non, c'est une question qui nous ramène au mandat. Si l'industrie avait un mandat clair sur les mesures à prendre pour consulter les Premières Nations, les politiciens locaux et les autres intervenants, si elle avait une compréhension claire de ce qu'elle devait faire pour obtenir l'acceptation ou pour aller de l'avant, elle pourrait cocher tous ces points au fil des étapes.

Revenons maintenant à notre rôle en tant qu'intervenants et à ce que nous pouvons faire pour sensibiliser les gens. Il existe malheureusement des problèmes de littératie à bien des égards. Donc, il arrive que dans certaines circonstances, les documents écrits ne soient pas aussi accessibles ou compréhensibles qu'on le voudrait. Parfois, les gens se forgent une opinion d'après des discussions qu'ils ont avec d'autres et d'après ce qu'ils entendent bien plus que d'après ce qu'ils lisent. Étant donné l'accès à l'information sur les médias sociaux et diverses plateformes du genre, il est facile de diffuser l'information, mais il est tout aussi facile de faire de la désinformation. Parfois, les gens se forgent une opinion d'après des renseignements erronés qui leur sont présentés.

Sénateur, vous posez une question à laquelle il est difficile de répondre. Je n'ai pas de réponse à vous fournir aujourd'hui à ce sujet, mais je pense qu'il faut continuer de travailler avec l'industrie, avec le gouvernement, avec les organismes de réglementation ainsi qu'avec les partisans et les détracteurs pour essayer de comprendre. L'idée, c'est que ce projet est dans l'intérêt supérieur du pays, comme cela a été le cas pour le chemin de fer, Air Canada et beaucoup d'autres institutions nationales qui ont contribué à l'édification du pays.

[Français]

Le sénateur Mockler : Pendant tout le temps qu'on passe à parler de licence sociale — et on est dans une démocratie, ici au Nouveau-Brunswick et au Canada —, lorsque je constate que le premier ministre Gallant, que d'anciens premiers ministres comme M. McKenna, l'ancien premier ministre Lord, l'ancien premier ministre Thériault, l'ancien premier ministre Alward, l'ancien premier ministre Graham appuient Énergie Est, pour moi, c'est un message assez précis en matière de licence sociale.

[Traduction]

J'aimerais avoir vos commentaires sur le point suivant : un témoin précédent a laissé entendre que l'approbation finale d'un projet de pipeline — je sais que certains ont abordé cette question plus tôt — devrait relever de l'Office national de l'énergie plutôt que du gouverneur en conseil. Nous savons tous ce qu'est le gouverneur en conseil : c'est le Conseil exécutif qui prend la décision, soit le premier ministre et son Cabinet.

Que pensez-vous de cette recommandation? Je connais l'ONE, et c'est un organisme en lequel j'ai confiance. Il s'agit d'un organisme solide auquel nous pouvons présenter nos observations, pour ou contre. Puis, en fin de compte, l'ONE doit formuler une recommandation à ce qui représente la démocratie, selon moi, soit le Conseil exécutif, le premier ministre.

Étant donné votre expérience en tant que représentant élu ayant occupé diverses fonctions au sein de différents ministères, quelles sont vos observations concernant cette recommandation? Laisser la décision à l'ONE?

M. Fitch : Cela nous ramène au dilemme. Si le cabinet n'appuie pas un projet, il peut infirmer la décision sans tenir compte de la recommandation. Cependant, si le processus est établi correctement, si le travail de base est effectué au préalable, si tout le monde connaît les orientations, si les exigences sont définies, comme celles relatives aux consultations des Premières Nations, notamment pour préciser en quoi cela consiste et qui en aura la responsabilité — est-ce l'industrie, est-ce le gouvernement, qui y participera? —, on pourra alors décider du mode de diffusion de l'information, par l'intermédiaire du publipostage ou des médias sociaux, et des informations à retenir des experts- conseils.

Si le cabinet accomplit son travail de définition du processus au préalable et que la Commission de l'énergie et des services publics du Nouveau-Brunswick suit ce processus, alors le cabinet devrait appuyer cette recommandation parce qu'il a clairement établi la voie à suivre. L'absence d'une orientation claire ne fera que perpétuer l'incertitude, car la Commission ignorerait alors avec qui tenir des discussions, comment communiquer les résultats, son mandat, le rôle de l'industrie, le rôle des promoteurs ou les mécanismes de collecte et de diffusion des informations.

Toutefois, si le processus est clair et que la Commission le respecte, le cabinet doit suivre la recommandation. Si le résultat ne correspond pas à ce qu'on souhaitait, malgré un mandat clair et une orientation claire définie en fonction de l'intérêt national, eh bien, il faut alors changer d'optique et voir les avantages : création d'emplois, création de débouchés de développement économique, recettes générées pour régler certains enjeux sociaux, comme les soins de santé, les soins aux aînés, l'éducation et les enjeux environnementaux. Cela devrait être la suite logique. Si le processus est établi d'entrée de jeu et qu'il est respecté, le cabinet devrait approuver la décision.

Voilà pourquoi les ministres ont le dos si large, comme on dit. Ils doivent prendre des décisions difficiles. On ne peut malheureusement éliminer l'aspect politique, car leur travail consiste à prendre ces décisions.

C'est en quelque sorte un raisonnement circulaire, mais si le travail préalable est fait et que les orientations sont claires, il faut en toute logique que le Conseil approuve la décision.

Le sénateur Mockler : Monsieur le président, me permettez-vous de faire une brève déclaration et de poser une question?

Le vice-président : Allez-y.

Le sénateur Mockler : J'aimerais tirer parti de l'expertise du témoin et lui demander de répondre à cette petite question, étant donné les fonctions ministérielles qu'il a occupées.

L'Atlantic Emergency Response Team, ou ALERT, intervient dans l'ensemble de la baie de Fundy. L'organisme, fondé en 1991, a un permis d'intervention en cas d'urgences environnementales, permis qui a été accordé sous le régime de la Loi sur la marine marchande du Canada. Tout pétrolier qui navigue dans la baie de Fundy doit avoir un contrat avec ALERT. Il y en a d'autres. Nous pouvons aussi parler de la raffinerie de Saint John, du terminal de Canaport et du terminal Est de Saint John. Il y a des équipes d'interventions d'urgence dans chacun de ces sites, pour un effectif total de 200 personnes. Selon vous, est-ce suffisant, ou devrions-nous en faire plus?

M. Fitch : Je n'ai pas vraiment l'expertise nécessaire pour affirmer si c'est suffisant ou non, mais prenons l'exemple de Pointe Lepreau et du travail de préparation qu'on y fait en cas d'intervention d'urgence. Je peux en parler, car je les ai vus à l'œuvre. J'ai participé à la rédaction de rapports à ce sujet. Ils font des simulations de catastrophe, selon divers scénarios. J'ai pu constater la nature de leurs interventions. Il existe toutefois des situations qu'on ne peut prévoir, mais il n'en demeure pas moins que certaines situations peuvent être envisagées, comme un orage ou une attaque. Ils étudient donc divers scénarios de catastrophe pour s'y préparer. J'ai une grande confiance à l'égard de leurs interventions.

Je ne connais pas ALERT aussi bien; je ne peux donc en parler directement. Je sais toutefois que dans la région de la baie de Fundy, beaucoup de professionnels font un excellent travail pour veiller à la protection de l'environnement et de la population et qu'ils sont prêts à intervenir en cas de catastrophe.

Le sénateur Mockler : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, monsieur Fitch. Excusez-moi. Les gens se font effectivement une opinion à propos de ce qu'ils entendent dans les médias. Je pense qu'il faut comprendre que les opposants ont plus de voix que les promoteurs. Je mets beaucoup d'information sur ma page Facebook par rapport aux audiences et, ce matin, je discutais avec une dame qui disait être contre l'exploitation du pétrole et qu'il fallait se servir d'énergie solaire et d'énergie éolienne pour nos besoins, alors que ça ne représente même pas 1 p. 100 de la production énergétique au Canada.

Donc, on le voit, les opposants ont réussi à déprogrammer, je pense, ou à programmer ces gens-là à l'aide de faussetés scientifiques qui font que le pétrole a été opposé à d'autres types d'énergie, comme l'énergie éolienne. Je pense qu'on est dans un domaine de déprogrammation et pas seulement d'éducation ou d'information.

Quand j'ai des discussions avec des gens sur Internet, je n'en reviens pas de leur niveau de croyances. Moi, je crois en l'automobile, mais je pense que le parc automobile au Québec ne sera pas électrique avant 30 ans, avant 20 ans. Donc, on a programmé les gens à croire des choses et, lorsqu'arrive un projet d'oléoduc, ce n'est pas le projet qu'ils contestent, c'est l'utilisation de la ressource qui est exploitée. Donc, je ne sais pas, monsieur Fitch, comment on va réussir à déprogrammer ces gens-là, en leur fournissant une meilleure connaissance scientifique, en les rassurant sur la question environnementale, en les rassurant sur le plan de la sécurité du transport, mais je pense que les opposants ont fait un meilleur travail que les promoteurs.

S'il n'y a pas de leader ou de leadership canadien dans ce projet-là — et j'abonde dans le même sens que le sénateur Mockler lorsqu'il parle du chemin de fer et d'Air Canada —, si nous n'avons pas de leader qui puisse défendre ce projet-là sur le plan politique, je pense que même la Commission de l'énergie ne pourra pas acquiescer au projet. Les politiciens fonctionnent avec l'opinion publique. Vous êtes politicien. Je suis convaincu que votre parti fait des sondages tous les mois, tous les deux mois sur la façon dont les gens se situent par rapport à vous. Alors, la question que je vous pose est celle-ci, comment allons-nous réussir, comme le dit le sénateur Mockler, à faire de ce projet-là un défi pancanadien, un moteur sur le plan économique? Vous êtes politicien. Je pense que la réponse doit venir de vous. La réponse doit venir des politiciens.

M. Fitch : Merci beaucoup pour cette question. Je dis oui, c'est un projet pour le Canada, pour les Canadiens.

[Traduction]

Et si cela ne tenait qu'à moi, je dirais oui immédiatement. Malheureusement, ce n'est pas le cas, et c'est pour cette raison précise que j'ai invité le premier ministre à dire que c'est une question d'intérêt national. Nous devons aller de l'avant et définir le mandat de l'ONE. Il faut préciser les mesures à prendre pour que le projet puisse aller de l'avant dans le respect de l'environnement et de la façon la plus sécuritaire possible pour les Canadiens.

Si nous ne le faisons pas, le risque est que nous n'aurons pas les fonds nécessaires pour promouvoir certains autres projets, comme le passage à l'énergie solaire, à l'énergie éolienne, à certaines importantes sources d'énergie verte. Encore une fois, certains pourraient faire valoir que les sites des parcs d'éoliennes posent problème et que les barrages hydroélectriques créent d'autres problèmes. Parfois, même ces choses ne sont pas claires.

Ma circonscription compte environ 11 000 personnes. Si une personne m'appelle pour me dire qu'elle veut que je fasse une chose donnée et que la personne suivante m'appelle pour me demander de faire le contraire, en tant que représentant élu, je devrai trancher. Quel côté vais-je promouvoir?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'aurais une dernière question. Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur Fitch — et c'est ma perception des choses —, que l'adhésion au transport du pétrole passe inévitablement par l'adhésion à l'exploitation du pétrole? On ne peut pas, dans le débat actuel, séparer les deux. On ne peut pas. Les gens seront d'accord avec le transport s'ils sont d'accord avec l'exploitation, et je pense qu'à ce niveau-là, aussi, il faut un leadership national. Personne n'est contre l'exploitation des forêts. Personne n'est contre l'exploitation minière, mais lorsqu'on arrive au pétrole, il y a une espèce d'image ou de diabolisation. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais il va falloir que le débat porte sur les deux aspects à la fois, et l'exploitation, et le transport. On ne peut pas désincarner l'un et l'autre.

M. Fitch : Oui, c'est une bonne question.

[Traduction]

Cela nous ramène encore une fois à la question plus générale : tirerons-nous parti, pour les Canadiens, des ressources dont dispose le Canada, ou allons-nous plutôt laisser ces ressources dans le sol? Certains feront valoir qu'il vaut mieux ne pas les exploiter. Je ne suis pas de cet avis. Je pense que les ressources finiront par être exploitées un jour, d'une façon ou d'une autre, où que ce soit. Je reconnais que certains avancent qu'il ne faut pas les exploiter, jamais, au grand jamais.

La question du transport est presque secondaire, en ce sens qu'il s'agit de déterminer de quelle façon nous acheminerons ces produits aux marchés et de savoir quel est le mode de transport le plus sûr et le moins coûteux pour le faire. Tant que cela ne constitue pas un obstacle par rapport à la question de pipeline, il est logique d'examiner les deux simultanément. Toutefois, si cela devient un enjeu plus large qui retarde davantage la mise en œuvre du projet de pipeline, les investisseurs pourraient, encore une fois, chercher à investir ailleurs ou simplement considérer que le projet a pris une telle ampleur qu'il n'est plus logique d'y investir, de sorte qu'ils abandonneront le projet.

Si nous reprenons le débat pour savoir s'il convient d'extraire les hydrocarbures du sol et que cela devient un autre obstacle, je dirais, sous toutes réserves, que la question a probablement déjà été examinée. En Alberta, l'acceptabilité sociale à l'égard de l'extraction des ressources naturelles existe depuis de très nombreuses années.

Le vice-président : Monsieur Fitch, monsieur Lutes, je tiens à vous remercier tous les deux, au nom du comité, de vos exposés et du temps que vous nous avez consacré ce matin. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Chers collègues, c'est là-dessus que se termine notre séance de ce matin.

(La séance est levée.)

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