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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 7 - Témoignages du 19 octobre 2016


SAINT JOHN, Nouveau-Brunswick, le mercredi 19 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent des Transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 13 heures, afin d'étudier l'élaboration d'une stratégie visant à faciliter le transport de pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports de la côte Est et de la côte Ouest du Canada.

Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénateurs, le comité poursuit cet après-midi son étude de l'élaboration d'une stratégie visant à faciliter le transport de pétrole brut vers les raffineries de l'est du Canada et vers les ports de la côte Est et de la côte Ouest du Canada.

Je désire vous présenter nos premiers témoins de l'après-midi, qui sont les représentants de la Saint John Region Chamber of Commerce : le président, M. Dick Daigle, et le directeur exécutif, M. David Duplisea.

J'invite les témoins à commencer leur exposé, après quoi les sénateurs poseront des questions.

Dick Daigle, président, Saint John Region Chamber of Commerce : Bon après-midi. Mon nom est Dick Daigle et je suis président de la Saint John Region Chamber of Commerce.

Je désire commencer par remercier le Comité sénatorial permanent d'avoir choisi la chambre de commerce et nos membres pour parler de cet important sujet. Je désire aussi remercier toutes les personnes et les organisations ayant donné du temps et fait des efforts pour participer et faire connaître leur point de vue au reste du pays.

M. David Duplisea, notre directeur exécutif, m'accompagne aujourd'hui, tel qu'on vous l'a indiqué.

Nous représentons la Saint John Region Chamber of Commerce. Nous défendons les intérêts de nos membres depuis 1819 et nous sommes l'une des plus anciennes associations de gens d'affaires ou chambres de commerce de tout le pays. Nous sommes issus de la fusion de quatre chambres de commerce et associations de gens d'affaires et nous représentons près de 800 entreprises comptant plus de 35 000 employés. Nos membres sont dans une proportion de 85 p. 100 des entreprises de taille petite à moyenne et nos sondages nous ont appris que la principale raison de leur adhésion est que nous défendons leurs intérêts.

Nous avons été choisis, dans le cadre du récent processus de l'ONE, en tant qu'intervenant en ce qui a trait à l'impact économique de l'oléoduc. Notre exposé d'aujourd'hui portera sur cet aspect.

Les sources de nos données et de notre analyse économique sont nos enquêtes annuelles auprès des membres, le Conference Board du Canada, la Chambre de Commerce du Canada, les Alberta Chambers of Commerce, TransCanada, les données de l'Office national de l'énergie sur les importations en 2014, Irving Oil et les New Brunswick Building Trades Unions, nos syndicats des métiers du bâtiment.

Nos membres ont indiqué que l'appui à l'oléoduc Énergie Est était le principal enjeu et le soutien à son endroit a été constant au cours des trois dernières années, dans une proportion de plus de 90 p. 100. Nos membres soutiennent l'oléoduc, car ils sont conscients des avantages qu'il peut apporter à notre pays et à notre région et les comprennent.

L'oléoduc entraînera un investissement de 15,7 milliards de dollars dans notre économie, qui en a grandement besoin. C'est l'équivalent d'une croissance de 55 milliards de dollars du PIB du Canada et d'une croissance de 6,5 milliards de dollars du PIB du Nouveau-Brunswick sur 20 ans. Cela représente des recettes fiscales de 853 millions de dollars pour la province du Nouveau-Brunswick.

TransCanada a déjà investi 40 millions de dollars et plus de 300 entrepreneurs et sociétés de notre province se sont déjà inscrits sur la liste des fournisseurs possibles de ce projet.

Les retombées du projet dans notre région seront importantes et profiteront à tous nos membres, des restaurants aux magasins de vente au détail, en passant par les hôtels et les vendeurs de camions et d'automobiles, pour ne nommer que quelques maillons de la chaîne. Du point de vue régional et national, l'oléoduc réduira aussi notre dépendance à l'égard du pétrole étranger. De fait, le Canada importe l'équivalent de 26 milliards de dollars en pétrole par année. Notre région est durement frappée par le chômage et une grande partie de notre main-d'œuvre est obligée d'aller travailler dans d'autres provinces; l'oléoduc aura un effet galvanisant sur l'emploi, non seulement au Nouveau- Brunswick, mais dans l'ensemble du pays.

Les New Brunswick Building Trades Unions représentent 18 syndicats locaux des métiers de la construction et comptent 8 700 membres à l'échelle de la province, soit 7 000 compagnons et 1 700 compagnons apprentis. Notre main- d'œuvre est habituée à se déplacer pour travailler, car il y a dans le secteur industriel peu de débouchés autres que du travail de maintenance à court terme. Cela pose un défi aux apprentis désirant passer compagnon. La durée moyenne de l'apprentissage va de cinq à sept ans et bon nombre d'apprentis doivent souvent quitter leur métier ou la province en raison de l'absence de travail.

L'oléoduc fournira environ 14 000 emplois au Canada au cours de la phase de développement, ce qui comprendra 3 123 emplois directs et 648 emplois indirects pour les travaux de construction. Son fonctionnement créera 132 emplois directs et 129 emplois indirects. Selon un sondage interne, 60 à 70 p. 100 des membres des New Brunswick Building Trades Unions sont disponibles pour travailler et nous disposons donc clairement de la capacité nécessaire.

Nos discussions avec TransCanada et Énergie Est ont porté sur trois principaux éléments. En premier lieu, le processus et les politiques en place pour assurer l'utilisation maximale de la main-d'œuvre et de la chaîne d'approvisionnement locales; en second lieu, ce que TransCanada a fait jusqu'à maintenant pour assurer l'état de préparation en ce qui a trait à la participation locale et aux qualifications; en troisième lieu, enfin, les plans relatifs à une stratégie du perfectionnement de la main-d'œuvre couvrant des ratios d'apprentis, le perfectionnement des compagnons et la promotion permanente des métiers spécialisés, de la phase de construction jusqu'à la phase de maintenance.

Comme je l'ai indiqué voilà quelques instants, l'oléoduc générera également de nombreuses retombées et des investissements connexes dans la chaîne d'approvisionnement. Ce sont des projets suscités par l'existence de l'oléoduc. Un de ces projets est celui d'un membre estimé de notre chambre de commerce depuis des décennies, Irving Oil.

Irving Oil compte à titre de projet connexe investir jusqu'à 300 millions de dollars pour l'agrandissement du terminal portuaire. La phase de développement pourrait entraîner à elle seule une croissance de 32 millions de dollars de notre PIB sur six ans et se traduire par quelque 203 emplois.

On prévoit durant la phase d'exploitation, dont la durée est évaluée à 25 ans, une hausse de 17 millions de dollars de notre PIB et la création d'environ 90 emplois; voilà qui vous donne une idée du potentiel énorme en investissements supplémentaires que cet oléoduc permettrait.

En conclusion, l'oléoduc est un élément essentiel de la stratégie nationale de l'énergie et de l'infrastructure énergétique du Canada. Il s'agit d'une occasion de poursuivre l'édification d'un pays dont bénéficieront tous les Canadiens. Nous ne devons pas nous laisser rebuter par des querelles interprovinciales.

Pendant la réunion générale annuelle de 2016 de la Chambre de commerce du Canada, qui s'est tenue les 18 et 19 septembre à Regina (Saskatchewan), des dirigeants d'entreprise de toutes les régions ont exprimé l'opinion générale que la viabilité continue du secteur gazier et pétrolier du Canada était une priorité afin d'assurer la prospérité à long terme de tous les Canadiens.

Ressources naturelles Canada estime que le secteur de l'énergie du Canada a contribué au PIB national dans une proportion de 7,2 p. 100 en 2015 et a soutenu, directement ou indirectement, 1,75 million d'emplois dans l'ensemble du pays.

Environ 33 p. 100 de tout l'investissement en capital non résidentiel au Canada provenait en 2015 du secteur gazier et pétrolier. Cette activité économique contribue aux recettes fiscales du gouvernement, qui financent les programmes sociaux et les programmes fédéraux de paiements de transfert. La pérennité de la contribution du secteur gazier et pétrolier au niveau de vie des Canadiens dépend de la construction de cette infrastructure cruciale pour le transport de nos produits vers des marchés qui les achèteront au prix élevé du marché.

Je remercie le comité de l'occasion qui m'a été donnée de m'adresser à vous aujourd'hui et je vous souhaite du succès dans la suite de vos travaux.

Le vice-président : Merci, monsieur Daigle.

Notre première question vient du sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Merci, messieurs; je suis heureux de vous rencontrer.

Vous avez dit que les New Brunswick Building Trade Unions signalent que de 60 à 70 p. 100 de leurs membres sont disponibles pour travailler. Sont-ils ici, au Nouveau-Brunswick, maintenant?

David Duplisea, directeur exécutif, Saint John Region Chamber of Commerce : Beaucoup d'entre eux sont maintenant revenus. La plupart travaillaient dans l'Ouest, en Alberta. Ils reviennent principalement en raison du ralentissement qui se produit en Alberta, et la plupart d'entre eux sont déjà de retour dans la province.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de ce que TransCanada a entrepris jusqu'à maintenant pour assurer la préparation de la participation locale et des qualifications. Cela faisait partie de vos discussions avec TransCanada et Énergie Est. Parlez-moi de ce qu'a fait TransCanada, de ce que l'entreprise a entrepris jusqu'à présent pour assurer cette préparation. Pouvez-vous me dire d'abord quand cela a commencé?

M. Duplisea : Nous collaborons avec TransCanada depuis plusieurs années.

Le sénateur Mercer : Que signifie plusieurs?

M. Duplisea : Trois. L'objectif numéro un que nous poursuivions était de maximiser le contenu néo-brunswickois et la participation de la main-d'œuvre du Nouveau-Brunswick et de la chaîne d'approvisionnement du Nouveau- Brunswick. Nous voulions aussi maximiser les possibilités que les occasions de participation de la chaîne d'approvisionnement passent par ici et cela a toujours été à l'avant-plan de nos discussions avec TransCanada. Comment assureraient-ils la capacité locale et comment assureraient-ils la durabilité pour les métiers du bâtiment?

Les promoteurs, TransCanada et Irving Oil, ont collaboré avec nous de manière très diligente afin de se familiariser avec la chaîne d'approvisionnement locale. Ils ont tenu des séances avec les fournisseurs ainsi que des journées portes ouvertes. Nous avons travaillé avec eux pour inclure tous nos membres ainsi que d'autres fournisseurs de la province, de sorte qu'ils soient prêts pour le projet; ils connaissent les exigences que la formation devra satisfaire et ils disposent au sein de leurs organisations des mécanismes leur permettant de tirer profit de tout ce qui est offert en fait de certifications et de formation, ainsi que de se concerter et de consulter les organisations syndicales pour connaître la capacité que nous pouvons offrir sur place, ce qui peut être fourni localement et ce qui ne peut pas l'être.

Le sénateur Mercer : Ils ont collaboré avec la Saint John Region Chamber of Commerce?

M. Duplisea : Oui.

Le sénateur Mercer : Ils ont collaboré avec les entreprises, vous et vos membres, pour renforcer la capacité. Sont-ils allés plus loin et ont-ils parlé avec la population du Nouveau-Brunswick pour commencer à établir une relation?

M. Duplisea : Tout à fait. Ils ont organisé un certain nombre de séances, pas seulement au Nouveau-Brunswick, mais dans tout le pays. En ce qui a trait aux portes ouvertes, on a tenu plusieurs séances d'information dans toute la région, pas seulement aux environs de Saint John. Le public a eu beaucoup d'occasions de dialogue avec TransCanada. Ces séances ont été annoncées et ont fait l'objet d'une bonne publicité. Nous en faisons nous-mêmes la promotion et nous invitons le grand public à s'y présenter pour en savoir davantage grâce à ces portes ouvertes et ces séances.

Je sais que TransCanada a aussi collaboré avec un certain nombre de groupes d'intérêt dans notre région afin de connaître leurs inquiétudes et de contribuer à les dissiper. Je crois que TransCanada a même déjà, dans le cadre de cette participation du public au processus, modifié le trajet à deux reprises, à la demande de groupes d'intérêt qui étaient inquiets de ce qui était proposé.

Pouvons-nous en faire davantage? Bien sûr, il nous faut en faire plus et nous devons garder à l'esprit que le public a besoin d'information supplémentaire afin de prendre des décisions éclairées. Nous continuerons donc à collaborer non seulement avec nos membres, mais aussi avec TransCanada et Irving Oil, les promoteurs du projet, pour veiller à ce que le public ait de nombreuses occasions de participation.

Le sénateur Mercer : Il y a un élément qui est absent de votre exposé et de votre réponse, et c'est s'il y a eu un dialogue positif avec les Premières Nations du Nouveau-Brunswick, car il est probable que l'oléoduc devra traverser certaines de leurs terres. Comme nous le savons, la définition de ce qui constitue des terres autochtones au Canada est à la fois large et vaste. En fait, j'ai vu cette semaine dans les actualités que la ministre fédérale des Affaires autochtones et du Nord et le ministre des Affaires autochtones de l'Ontario avaient signé un document cédant les terrains où se trouve la Colline du Parlement à la nation algonquine. Quand j'irai au travail le matin à Ottawa, je serai en territoire algonquin et je devrai montrer un certain respect et en être reconnaissant. Qu'est-ce que les promoteurs ont fait pour améliorer leurs chances d'obtenir le soutien des Autochtones?

M. Duplisea : Je crois que TransCanada serait mieux placée pour répondre à la question.

Le sénateur Mercer : Je la leur poserai, mais je voulais entendre votre avis.

M. Duplisea : Oui. Nous avons assisté à un certain nombre de séances d'information auxquelles les Premières Nations avaient été invitées, et j'ai vu qu'elles étaient présentes à quelques occasions et je peux donc dire personnellement que j'ai vu des représentants des Premières Nations aux séances d'information. Nous avons aussi communiqué avec les Premières Nations mais, en ce qui a trait à des initiatives supplémentaires, je crois que TransCanada sera la meilleure source pour en parler.

Le sénateur Mockler : Nous entendons les Néo-Brunswickois, les Canadiens, dire qu'il faut une « licence sociale » de la part des représentants élus, des parlementaires. Comment définiriez-vous l'expression « licence sociale » en regard de projets tels que l'édification d'une nation, dont vous nous avez parlé dans votre exposé?

M. Duplisea : Je crois qu'une des difficultés auxquelles nous faisons face dans ce cas est que les expressions « licence sociale », « acceptation sociale » ou « acceptabilité sociale » ne sont pas définies. Nous ne savons pas où se trouvent les points de repère. Nous ne savons pas exactement ce que serait la définition de l'acceptation sociale, et nous ne saurions peut-être même pas la reconnaître si nous en arrivions là. Demandez à cinq personnes quelle est leur définition de l'acceptation sociale et vous obtiendrez probablement cinq réponses différentes. Comme nous le savons, l'oléoduc traversera plusieurs provinces. Cela signifie-t-il que nous avons une licence sociale si cinq provinces sur six l'approuvent, ou bien quatre sur cinq? Où sont les seuils et où sont les définitions?

Je crois que le rôle du gouvernement est d'aider à formuler ces définitions, de sorte que nous sachions bien à quoi nous en tenir, parce qu'il n'existe pas pour le moment de définition normalisée de ce que serait l'acceptation sociale; c'est le genre de situation où ce sont les protestataires qui attirent toute l'attention et je crois que le gouvernement doit prendre les devants et la définir avec exactitude, établir les repères et la manière dont nous saurons qu'elle a été atteinte.

Le sénateur Mockler : Je reviendrai sur ce point si le temps le permet, monsieur le président.

[Français]

On entend souvent dire les gens qu'on devrait laisser à l'Office national de l'énergie le soin de prendre la décision de faire des recommandations sur Énergie Est ou sur d'autres projets à travers le Canada. Il y a des témoins qui nous ont dit — et j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet, étant donné que vous représentez un organisme pancanadien — que seul l'Office national de l'énergie, et non le gouvernement ou le Cabinet fédéral, devrait prendre la responsabilité de l'approbation finale d'un projet comme Énergie Est, ou d'un pipeline qui se rendrait à Saint-Jean, au Nouveau- Brunswick ou en Atlantique. Étant donné qu'on nous dit que ça devrait être l'Office national de l'énergie, à ce moment-là, ça remet en cause le rôle et la responsabilité du Cabinet fédéral et du premier ministre, parce qu'on est dans une démocratie et qu'il y a des mécanismes en place.

[Traduction]

Dans un système de gouvernement britannique, vous pouvez exprimer votre opposition et entendre aussi les arguments en faveur ou contre. Ma question est la suivante : devrions-nous simplement dire aux Canadiens que l'Office national de l'énergie décidera et que nous verrons bien ce qu'il fait?

M. Duplisea : Vous avez soulevé quelques points très intéressants quant à la question du leadership et qui devrait l'exercer. Je crois en premier lieu que, en tant que Canadiens, nous devons avoir foi dans le processus. Si le processus établi par le gouvernement est que l'Office national de l'énergie est l'organe qui fera la recommandation, nous devons alors avoir foi dans le processus mené par l'ONE et nous devons avoir foi dans l'ONE pour prendre la décision et faire la recommandation au gouvernement. Je crois que c'est là qu'il y a eu rupture. Je ne suis pas sûr que tous les Canadiens aient foi dans ce processus. S'il y a crise du processus, alors le gouvernement doit intervenir et prendre les devants pour ramener les choses sur la bonne voie. Que faudrait-il pour que la population canadienne ait foi en l'ONE et dans le processus de l'ONE, et comment le gouvernement peut-il de son côté s'assurer d'instaurer ces mécanismes, de sorte que la population canadienne retrouve sa foi dans le processus? Nous avons vu ce qui se produit lorsque la foi vacille.

Même si le Parlement et le gouvernement ont prescrit, ou indiqué, que l'ONE sera l'organe qui recommandera ou non la construction de l'oléoduc, je crois que le gouvernement doit comprendre qu'il a encore un rôle à jouer pour veiller à ce que l'ONE dispose des outils ainsi que de la capacité nécessaires pour prendre une décision éclairée en laquelle la population pourra avoir foi, tout comme dans le processus.

[Français]

Le sénateur Mockler : Monsieur le président, si vous me le permettez, et monsieur le sénateur du Québec, la question qui tue est la suivante : est-ce que le gouvernement fédéral ou les gouvernements ont un rôle à jouer, oui ou non? En outre, avez-vous des commentaires?

[Traduction]

M. Duplisea : Oui.

Le sénateur Mockler : Monsieur le président, une de plus?

Le vice-président : Vous avez une réponse.

Le sénateur Mockler : Alors je passerai à la question suivante, monsieur le président, mais j'aimerais revenir sur le sujet, si le temps le permet, à l'occasion d'un second tour. Merci.

Je suis membre du Parlement et j'ai passé plus de 32 ans de ma vie à travailler avec des collectivités, des gouvernements locaux, des gouvernements régionaux, des gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral et à permettre à des gens qui sont contre des projets d'être entendus et à des gens qui sont pour des projets d'être entendus, et ensuite il faut prendre une décision. J'essaie de comprendre ce qu'est cette licence sociale qu'il nous faut. Lorsque j'entends les anciens premiers ministres du Nouveau-Brunswick — et je les nommerai tous : le premier ministre McKenna, le premier ministre Lord, le premier ministre Thériault, le premier ministre Alward, le premier ministre Graham — et aussi le premier ministre en exercice appuyer ce projet, mon expérience de parlementaire dans un système de gouvernement britannique, qui est une démocratie, me dit que c'est toute une licence sociale. Avez-vous des commentaires à ce propos?

M. Duplisea : Je crois que nous devons être prudents en ce qui a trait aux éléments de la licence sociale et de l'acceptation sociale. Par exemple, les anciens politiciens et les politiciens actuels en sont un élément. C'est une composante démographique. Ce ne sont pas nécessairement les gens qui verront l'oléoduc dans leur cour arrière en regardant par la fenêtre, ni sa construction. Il faut donc que le grand public en fasse partie. Il ne faut pas seulement les figures publiques qui donnent le point de vue de la classe politique.

Les entreprises doivent aussi avoir leur mot à dire. Les entreprises doivent contribuer à la définition de la licence sociale et le grand public, les entreprises et les politiciens ne sont pas nécessairement que des éléments isolés; je pense donc qu'en définissant à quoi la licence sociale ressemblerait, il faut reconnaître qu'elle sera le produit de plusieurs voix, de plusieurs groupes d'intérêt et que de multiples éléments et de multiples composantes démographiques la formeront. Il faut que chacun de ces éléments adhère au projet.

Le sénateur Mockler : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je réitère les remerciements de mes collègues pour l'accueil que vous nous avez donné ce matin à cette rencontre de travail avec la Chambre de commerce et les hommes d'affaires de l'APEGA. C'était vraiment très intéressant.

Je vais tenter de vous donner une définition de ce qu'est la « licence sociale ». C'est quand tous les politiciens ou la majorité des politiciens locaux, provinciaux et fédéraux ne craignent pas de défendre publiquement un projet, même s'il est contredit. Pour moi, c'est ça. Quand il n'y a pas de politicien qui se lève pour défendre un projet, là on a un problème d'adhésion sociale, parce que les politiciens, on le disait, vont être réélus. Ce n'est pas notre cas, nous les sénateurs. Ils prennent un engagement public quand ils savent qu'ils ne seront pas menacés dans trois ou quatre ans. Je pense à ce qui se passe au Québec. Je pense qu'on a une vision strictement politique de ce côté-là, alors qu'on devrait avoir une approche d'éducation et d'information, parce qu'il y a beaucoup de désinformation liée à ce projet-là. J'espère, monsieur le président, que beaucoup de Québécois écoutent nos échanges, parce qu'ils sont très instructifs.

Alors, où vous situez-vous dans ce rôle d'éducation et de sensibilisation, non seulement dans votre province, mais dans les autres provinces? Vous le disiez, 70 p. 100 des gens de votre région sont d'accord avec le projet. Alors, aller convaincre des gens dans cette région est chose facile. Ce qui serait difficile, ce serait de venir convaincre les gens du Québec, où environ 50 p. 100 des gens s'opposent au projet pour différentes raisons. J'en ai énuméré ce matin : mauvaise information, désinformation par des groupes dits environnementalistes, et je pense qu'il y a aussi beaucoup de « pensée magique » par rapport à ce qu'on appelle l'énergie verte. Il y a des gens qui pensent que demain matin, il n'y aura plus d'exploitation de pétrole. On pourrait se chauffer avec l'énergie éolienne et solaire. Il y a des gens qui pensent ainsi. Il y a des gens qui m'écrivent sur Facebook et qui me disent qu'on devrait se servir de ce type d'énergie pour nos besoins, alors que ces secteurs ne représentent même pas 1 p. 100 de la production canadienne d'énergie. Donc, qu'est-ce que vous allez vous donner comme mandat pour faire adhérer les Canadiens à ce projet, qui m'apparaît essentiel pour le développement économique du Canada?

[Traduction]

M. Duplisea : Merci de votre question, sénateur Boisvenu. Je crois qu'elle aborde un aspect intéressant : du rôle de qui parle-t-on et qui assumera la responsabilité de ce rôle?

En qualité de chambre de commerce, notre principale responsabilité est à l'égard de nos membres. Ces membres nous ont indiqué qu'ils sont en faveur du projet et notre rôle change donc, car une composante d'éducation et de sensibilisation s'y ajoute. Comment est-ce que je fournis à mes membres l'information dont ils ont besoin afin de donner leur appui ou pas? Par conséquent, une façon d'y arriver est de collaborer avec les promoteurs et avec certains instituts de recherche pour communiquer à nos membres des données probantes, des recherches probantes; il s'agit d'éducation, mais nous faisons aussi un travail de promotion auprès de nos membres.

Cela s'étend par après au grand public, et nous avons aussi une responsabilité à l'égard des citoyens, car tous sont concernés. Nous éduquons nos membres et nous leur donnons ce dont ils ont besoin, puis nous allons vers le grand public, bien qu'il ne s'agisse pas de notre mission de base. Mais, pour en revenir à votre question, je crois que nous ne pouvons plus voir les choses de façon aussi tranchée et que nous devons sortir de notre zone de confort et peut-être aussi de ce que j'appellerais ma timonerie habituelle.

Par exemple, nous avons travaillé avec la Fédération des chambres de commerce du Québec. L'an dernier, nous avons présenté à Ottawa, à la délégation de la Chambre canadienne de commerce, la proposition de soutenir une initiative stratégique par laquelle la Chambre canadienne de commerce recommanderait d'appuyer l'oléoduc Énergie Est. Nous avons travaillé, pour rédiger cette proposition à la Chambre canadienne de commerce, avec la Fédération des chambres de commerce du Québec, ce qui est une première pour nous et, je crois, une des premières fois aussi où la Fédération des chambres de commerce du Québec travaillait, par exemple, avec une chambre de commerce d'une autre province afin de faire bouger les choses et de se présenter devant les chambres de commerce canadiennes.

Amener la Fédération des chambres de commerce du Québec à se ranger à nos côtés à un moment où ce n'était pas nécessairement avisé du point de vue politique en dit long sur la crédibilité du mouvement des chambres de commerce dans ce domaine. L'étape suivante pour convaincre le grand public était donc de travailler par l'entremise de nos autres organisations, les autres chambres de commerce. Les centaines de chambres de commerce pouvaient donc commencer la sensibilisation et l'éducation de leurs membres d'abord, puis de la population en général.

Nous commençons maintenant, à notre échelle, à travailler avec le Forum des partenaires d'Énergie Est, un autre groupe dont le rôle est principalement la promotion auprès du public, et nous étendrons ensuite notre action au reste du pays. Nous lancerons au cours des prochaines semaines une campagne d'information visant les membres, et nous inviterons ceux-ci à relayer l'information à leurs réseaux respectifs. Nous fournirons aussi aux autres chambres de commerce des modèles et d'autre matériel afin de commencer à bâtir un appui national à ce projet-là aussi. Mais il faut débuter à l'échelle locale pour ensuite s'étendre au plan national.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je suis convaincu que si l'information provient des provinces, comme les provinces maritimes, elle aura plus de crédibilité que si elle provient d'Ottawa, parce que vous êtes très près du projet. Je pense que les actions que vous allez prendre seront plus louables et que vous avez un rôle important à jouer dans la sensibilisation des Québécois dans ce dossier. Je préfère que ce soit ces gens qui viennent parler aux Québécois que des gens d'Ottawa. Il y a toujours une méfiance, et je crois que vous avez un bon travail à faire en ce sens. Je pense que les Québécois aiment les gens du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-Édouard également, mais particulièrement les gens de votre province. Je pense que vous avez un rôle à jouer en matière de sensibilisation sur les retombées économiques.

[Traduction]

Le vice-président : Merci, sénateur Boisvenu.

Avant de passer à un second tour de questions, j'ai moi-même deux ou trois questions à votre intention à tous deux, messieurs.

Vous avez parlé du nombre de Néo-Brunswickois travaillant dans les champs de pétrole. Beaucoup de Canadiens de l'Atlantique travaillent dans les champs de pétrole et il y a eu beaucoup de déplacements. Avez-vous une idée du revenu que ces Néo-Brunswickois qui travaillent dans les champs de pétrole et font l'aller-retour rapportent tous les ans au Nouveau-Brunswick? Avez-vous des chiffres là-dessus?

M. Duplisea : Je n'ai pas ces chiffres avec moi, mais je peux sûrement les obtenir assez rapidement.

Le vice-président : En ce qui a trait aux gens qui reviennent chez eux, on peut présumer qu'ils constituent un vaste bassin de travailleurs relativement compétents pour l'industrie des oléoducs et du pétrole. Avez-vous une idée du nombre de gens qui reviennent chez eux, qui se chercheront du travail et qui pourraient possiblement travailler à l'oléoduc?

M. Duplisea : J'ai le chiffre ici. Laissez-moi le trouver.

Oui, il fait partie de l'exposé. Je sais que 65 p. 100 d'entre eux sont de retour, alors faisons le calcul.

Les syndicats des métiers du bâtiment comptent 8 700 membres à l'échelle de la province. On dit que 70 p. 100 sont de retour, mais je ne peux pas affirmer qu'il s'agit de 70 p. 100 des 8 700 ou bien 70 p. 100 d'un autre chiffre.

M. Daigle : Si je comprends bien, l'organisation compte 8 700 membres. Nous ne savons pas combien sont effectivement de retour, mais nous savons que 60 à 70 p. 100 d'entre eux sont disponibles, d'après l'organisation, et nous disposons donc de cette capacité. Nous n'avons pas le chiffre exact de ceux qui sont revenus chez eux.

Le vice-président : Une autre question à ce sujet et nous passerons au second tour de questions.

La chambre de commerce a-t-elle mené une évaluation des ensembles de compétences que ces personnes ramènent et qui pourraient servir au projet d'oléoduc?

M. Duplisea : Nous avons cette information, mais pas ici. Nous connaissons le nombre de chaudronniers, de compagnons et d'apprentis compagnons, mais je n'ai pas ces chiffres sous la main.

Le vice-président : D'accord. Merci, messieurs. Sénateur Mercer, pour le second tour de questions.

Le sénateur Mercer : Je vais poursuivre avec des questions du même ordre, monsieur le président. Je désire raconter une anecdote parce qu'elle colle vraiment à la situation. Voilà quelques années, le gouvernement fédéral a adjugé au chantier naval Irving de Halifax le contrat principal de la construction des navires de guerre et des bâtiments hauturiers canadiens. C'est un contrat s'étalant sur 30 ans, ce qui est très inhabituel, mais c'est le plus gros contrat d'approvisionnement militaire de l'histoire du pays.

Le lendemain, ou peut-être le jour même, mais au moins le lendemain, le conseil d'administration du Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse s'est immédiatement attelé à la révision de son programme de formation professionnelle pour les jeunes. Une des principales tâches de la construction navale, et aussi des oléoducs, est la soudure. La formation en soudure avait été négligée parce que le marché de la Nouvelle-Écosse n'avait pas un grand besoin de soudeurs. Ils se sont rééquipés et la soudure est la cible de certains des projets du Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse. J'ai visité le chantier naval Irving la semaine dernière et il est évident qu'il s'y fait beaucoup de soudure alors que les travaux accélèrent. Il s'agit, comme je l'ai dit, d'un contrat de 30 ans et certains des jeunes pour qui c'est le premier emploi pourront l'occuper jusqu'à leur retraite si tout se passe bien.

Avez-vous consulté les collèges communautaires du Nouveau-Brunswick pour vous assurer qu'ils savent ce qui sera nécessaire si le projet Énergie Est est approuvé? Même si vous parlez du retour d'un grand nombre de compagnons, ils ne feront pas tous le même travail et certains d'entre eux continueront de faire ce qu'ils faisaient auparavant. Y a-t-il eu une collaboration avec les collèges communautaires pour s'assurer qu'ils seront prêts?

M. Duplisea : Oui, sénateur Mercer. Nous travaillons présentement avec le Collège communautaire du Nouveau- Brunswick ainsi que l'Eastern College, qui sont les deux organisations de formation des gens de métier dans notre région. Elles sont dans le processus de se réinventer, en quelque sorte, et nous y contribuons en leur servant d'experts- conseils et en leur assurant un soutien. Elles cherchent maintenant à harmoniser un peu plus étroitement leurs programmes d'études aux emplois qu'auparavant. Comme nous connaissons des cycles d'expansion et de ralentissement, il est beaucoup question, afin d'en atténuer les effets, de mieux faire correspondre la formation professionnelle aux exigences des emplois.

Tout est-il parfait? Non, pas encore, mais nous sommes invités aux discussions du Collège communautaire d'Eastern College sur les métiers et des choses bougent sur ce plan pour éliminer les lacunes qui subsistent.

Le sénateur Mercer : Oui. On dit aussi à Halifax que la journée après l'annonce du contrat, la journée après l'annonce du Collège communautaire, les ventes de camionnettes ont atteint des sommets en Nouvelle-Écosse.

J'ai écouté le débat qui perdure à propos de la licence sociale et j'ai pensé à faire ce que tout le monde fait de nos jours, soit consulter Google et chercher la définition de l'expression licence sociale. On compte la Fédération canadienne de l'agriculture parmi les sources intéressantes citées pour la définition principale. Voici ce qu'en dit la Fédération canadienne de l'agriculture :

Le terme « permis social » est un concept qui peut être difficile à définir, puisqu'il englobe souvent différentes idées selon l'industrie, le secteur et le produit. De façon générale, on peut définir la notion de permis social comme le degré d'acceptation et d'approbation de la part des intervenants à l'égard d'un projet particulier ou à l'égard des opérations menées par une industrie spécifique.

Voilà ma contribution à la cause pour cet après-midi. En qualité de vice-président du Comité permanent de l'Agriculture et des forêts, je tiens à vous faire savoir que j'ai réuni des communications du secteur de l'agriculture et de celui des transports pour obtenir la définition de la licence sociale. Je vous invite à visiter Google si vous désirez de plus amples informations.

Je poserai ces questions à l'industrie plus tard dans la journée, mais je suis préoccupé, comme vous vous en êtes probablement aperçus, du moment tardif où l'industrie a amorcé ses activités. Vous avez dit, je crois, qu'elle était active depuis trois ans. Trois ans, c'est peu pour obtenir la confiance d'une collectivité où vous n'étiez pas déjà présent et pour une industrie qui est en évolution et qui veut réaliser un projet d'aussi grande envergure qu'un oléoduc. À part les politiciens dont parlait le sénateur Mockler, l'industrie a-t-elle pu recruter des appuis chez des gens de la région n'ayant pas un intérêt substantiel dans le projet? Les syndicats ont un intérêt substantiel, car leurs membres vont travailler. Si je m'asseyais dans un café quelque part au Nouveau-Brunswick aujourd'hui et que j'amenais sur la table le sujet d'Énergie Est, qu'est-ce que la personne assise à la table d'à côté me dirait?

M. Duplisea : Bien sûr, cela dépend de qui se trouve à cette table, mais, en général, ce sont les emplois qui viennent en tête des préoccupations, particulièrement dans une région où ils se font rares par moments. Les emplois sont manifestement en tête des préoccupations pour cette raison et ceux qui sont directement touchés de ce point de vue ont tendance à donner un appui plus ferme, cela va de soi.

Mais je veux répondre à votre question sur ce qui se fait auprès des organisations ne faisant pas partie du 20 p. 100 de gens déjà convaincus, des organisations telles que les services des incendies, la sécurité civile, l'administration de Port Saint John, la Garde côtière, bref les organisations de notre région qui sont concernées au premier chef parce qu'elles ont la responsabilité des plans de secours en cas de catastrophe, des plans de contingence, des plans d'évacuation et de ce qu'il faut faire en cas de déversement ou d'incidents de ce genre.

Je crois que TransCanada a travaillé très fort pour inclure ces organisations dans les discussions, comprendre leurs préoccupations et les aider à élaborer les stratégies nécessaires à mettre en place pour gérer les risques. Voilà déjà quelques-uns des groupes extérieurs.

Je sais que TransCanada travaille avec d'autres organisations, tel que le Conseil de la conservation du Nouveau- Brunswick et des organisations représentant les Autochtones. Ses représentants sont probablement les mieux placés pour vous dire comment ces discussions se déroulent ou si, en fait, ils ont pu obtenir des appuis ou si les choses évoluent. Ils sont tout indiqués pour formuler des commentaires à ce propos. Pour notre part, nous travaillons avec les promoteurs du projet depuis environ trois ans, comme je vous l'ai dit. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas travaillé avec d'autres organisations avant cela. Mon expérience ne couvre que ces trois années. Mais je crois que TransCanada continue à travailler avec les organisations civiques ainsi qu'avec les groupes environnementaux. Encore une fois, il vaut mieux s'adresser à leurs représentants pour savoir comment les choses se déroulent. De notre point de vue, en ce qui a trait à l'atténuation des risques, le dialogue avec le milieu des affaires et la collectivité sociale est un processus permanent et ils continueront à y participer.

Le sénateur Mercer : La Saint John Region Chamber of Commerce est-elle une organisation formée de membres?

M. Duplisea : Oui.

Le sénateur Mercer : TransCanada en est-elle membre?

M. Duplisea : Oui, elle l'est.

Le sénateur Mercer : Merci.

Le sénateur Mockler : Les personnes à qui je parle sont des intervenants intéressés, ou même opposés, au projet. Je veux être parfaitement clair : les décisions devraient être prises en fonction de données scientifiques, et non pas de ouï- dire ou de rumeurs. Cela étant dit, je crois qu'il reste à faire une certaine éducation dans le cadre de ce processus. Je pense qu'il faut des consultations supplémentaires, et si j'ai bien écouté ce qu'a dit le sénateur Mercer à propos de la définition de permis social trouvée sur Google, je pense qu'un lien existe certainement avec la situation, et j'entends par lien qu'il y a certainement un début de correspondance avec la définition et que les gens ont le droit d'être entendus. C'est ma première position.

En second lieu, monsieur le président, je crois que la richesse du Canada doit être partagée d'un océan à l'autre. Cela étant dit, la richesse que nous avons ici, au Canada Atlantique, doit aussi être partagée d'un océan à l'autre. C'est pourquoi j'apprécie d'entendre l'ONE et les promoteurs, tout comme M. et Mme Untel, les contribuables canadiens. C'est le processus à suivre.

Lorsque j'étudie comment accumuler ou créer de la richesse ou que j'évalue ce projet, et je vous demande de me dire si j'ai raison ou pas, en tant que parlementaire qui sera parfois accusé d'appuyer ceci ou cela, je veux que cela se fasse dans le cadre d'un processus. Je crois qu'il y a un processus, monsieur le président, et c'est pourquoi je vous ai remercié ce matin de l'ordre de réunion que vous avez obtenu du Sénat du Canada à propos des oléoducs; parce que ce projet Énergie Est est aussi important pour les Canadiens, pour définir notre nation, que le chemin de fer dont nous parlions voilà 150 ans, ou que la construction de la route transcanadienne, qui a été sous ma responsabilité pendant que j'étais ministre des Transports, monsieur le président. La voie maritime du Saint-Laurent a été un autre projet de la même envergure, comme le transport aérien. J'irai jusqu'à dire aujourd'hui que l'accès Internet à bande large d'un océan à l'autre est aussi un de ces projets.

Si nous voulons créer de la richesse et des emplois, améliorer nos collectivités et travailler de concert avec la population, le projet Énergie Est est-il le bon projet pour nous?

M. Duplisea : Vous avez soulevé des arguments très intéressants, sénateur Mockler, et je suis mille fois d'accord avec vous.

Nous sommes une fédération et, dans une fédération, chaque province a le droit de pouvoir faire parvenir ses biens, ses services et ses produits jusqu'aux marchés. L'Alberta a le droit de transporter son pétrole jusqu'à l'océan. Dans une fédération, aucune province n'a le droit de faire obstacle à la capacité d'une autre province de créer de la richesse économique.

En outre, du fait qu'il s'agit d'une fédération, la richesse est partagée au moyen des paiements de transfert, peu importe comment on les appelle. C'est ainsi que nous pouvons offrir des programmes sociaux sur une base équitable et que nous distribuons les fruits de la prospérité économique à l'ensemble de la nation. C'est ainsi qu'on édifie une nation. Je crois qu'il s'agit là d'un élément manquant de la stratégie d'éducation et de sensibilisation, toute l'importance qu'aura le secteur de l'énergie pour la distribution de la richesse à l'échelle nationale et pour le concept de fédération. Il s'agit d'un projet qui définira le pays. Il concerne tout le monde, de la Colombie-Britannique à Terre- Neuve, et cela fait peut-être partie du processus d'éducation que d'apprendre aux Canadiens qu'ils doivent parfois mettre de côté les questions « Qu'est-ce que cela me rapporte? » et « Quelle importance cela a-t-il pour moi? » et se dire : « C'est bon pour tout le pays ». Ce projet est bon pour tout le pays, comme l'ont été le chemin de fer, la route transcanadienne et la voie maritime du Saint-Laurent. Il s'agit d'une initiative et d'un projet de la même envergure et nous devons nous assurer que c'est bien compris dans l'ensemble du pays.

Le sénateur Mockler : J'aimerais, si vous me le permettez, faire une déclaration devant la Chambre de commerce pour le compte rendu et je poursuivrai avec une brève question.

Notre raffinerie de Saint John, le terminal Canaport et le terminal East Saint John disposent chacun d'équipes d'intervention d'urgence sur place comptant un effectif total de 200 personnes.

C'est l'information dont nous disposons; je l'ai vérifiée et j'ai parlé à certaines de ces personnes. Voici des précisions que je désire vous communiquer :

Environ 26 personnes sont de service par quart et disposent d'un équipement complet, notamment avec un camion « d'attaque rapide » sur place, un camion incendie, un véhicule servant de poste de commandement de lieu d'incident et d'autres véhicules d'intervention adaptés à diverses situations de contingence, y compris les incendies, les fuites, les déversements et les urgences médicales.

J'aimerais attirer votre attention, parce que des témoins nous en ont parlé, sur la baie de Fundy.

Toute la couverture de la baie de Fundy est assurée par Atlantic Emergency Response Team Inc., entreprise qui a été créée en 1991 et qui est autorisée aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada à gérer les urgences environnementales. Chaque navire-citerne pénétrant dans la baie de Fundy doit avoir un contrat avec cette entreprise. Croyez-vous que c'est suffisant ou faut-il en faire davantage et, dans l'affirmative, que recommandez-vous?

M. Duplisea : Je crois, du point de vue d'une organisation qui est responsable d'assurer la sécurité de la circulation à destination et en provenance de la baie de Fundy, que notre feuille de route en matière de sécurité est éloquente. Je touche du bois, mais il y a eu peu d'occurrences de désastres ou d'incidents dans la baie de Fundy. Les mécanismes que nous avons mis en place semblent donc fonctionner. Peut-on les améliorer? On peut toujours les améliorer.

Je dois aussi mentionner que le trafic des navires-citernes, même lorsqu'il atteindra son apogée avec l'oléoduc, ne fera que revenir aux niveaux que notre port connaissait voilà 10 ou 12 ans et sera l'équivalent de deux jours de trafic. C'est exact, notre trafic de toute une année est l'équivalent de deux jours de trafic dans la Manche. Il ne s'agit donc pas d'un volume énorme de navires-citernes en comparaison de ce qui se passe dans d'autres compétences. Je vous cite une nouvelle fois la feuille de route en matière de sécurité des organisations de la baie de Fundy jusqu'à présent.

M. Daigle : Notre organisation ne peut pas, de façon réaliste, vous donner un avis d'expert sur cette question, mais je vous suggère de la poser aux intervenants d'urgence, comme ceux qui étaient à notre réunion ce matin. Le chef du service des incendies était présent. Ces gens doivent savoir ce que le projet implique pour faire intervenir dans la discussion l'expertise nécessaire, de façon à nous assurer de mettre en place les meilleurs systèmes.

D'après ce que j'en sais, les systèmes dont nous disposons sont excellents et nous avons la capacité de gérer la situation dans la baie de Fundy, mais la sécurité passe avant tout et nous ferons appel à des experts pour ces questions. La chambre de commerce peut avoir une opinion, mais je ne crois pas pouvoir donner une réponse finale à votre question.

Le sénateur Mockler : Merci.

Le vice-président : Messieurs, nos questions sont épuisées. Je vous remercie tous deux au nom du Comité de votre participation aujourd'hui.

M. Duplisea : Je désire tous vous remercier.

M. Daigle : Merci.

Le vice-président : Honorables sénateurs, je désire accueillir nos prochains témoins, les représentants du Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick : la directrice exécutive, Mme Lois Corbett, et le coordonnateur du programme maritime, M. Matt Abbott.

Je vous demanderai à tous deux de présenter vos exposés, après quoi les sénateurs poseront des questions. Merci.

Lois Corbett, directrice exécutive, Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick : Honorables sénateurs, c'est un plaisir de revoir certains d'entre vous et de faire la connaissance des autres.

Mon nom est Lois Corbett. Je suis la directrice exécutive du Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick. Notre bureau principal est à Fredericton et c'est là que je travaille, mais Matt, le coordonnateur de notre programme maritime, travaille à notre autre bureau, à Saint Andrews.

C'est un privilège et un honneur d'être ici aujourd'hui afin de vous faire part de certaines de nos préoccupations les plus inquiétantes à propos des incidences des déversements d'hydrocarbures possibles. Matt m'accompagne parce qu'il est notre présence sur le terrain, si c'est un terme qu'on peut employer à propos de quelqu'un qui se trouve sur un bateau dans la baie de Fundy.

Avec votre permission, j'aimerais laisser Matt présenter le reste de notre exposé et nous pourrons tous deux répondre à vos questions par après.

Le vice-président : Bien sûr. Allez-y, Matt.

Matt Abbott, coordonnateur du programme maritime, Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick : Merci beaucoup de nous recevoir et merci, Lois.

Le Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick, ou CCNB, travaille depuis longtemps à la préservation et à la promotion de la santé et de la durabilité environnementale et sociale.

En bref, la création du CCNB remonte à 1969 et c'est l'une des plus anciennes organisations environnementales au Canada. Nous avons géré, et nous le faisons encore, un certain nombre de programmes qui coïncident ou qui correspondent en partie aux enjeux que vous étudiez aujourd'hui. Simplement pour poser le contexte et vous donner une idée de nos domaines d'expertise, nos programmes comprennent un programme de protection des eaux douces défendant entre autres la gestion des bassins versants; un programme de préservation des forêts; un programme sur la biodiversité qui couvre des espèces en péril; un programme sur les contaminants et la santé humaine qui met l'accent sur les contaminants atmosphériques; un programme de solutions en matière de climat et d'énergie qui est depuis longtemps à l'avant-garde des efforts de réduction des gaz à effet de serre et des changements climatiques au Nouveau- Brunswick, au Canada et dans le monde; enfin, le programme que je gère, le programme maritime, qui comprend une Sentinelle de la baie de Fundy, ce qui est mon autre titre, et qui a pour but de promouvoir la protection de l'écosystème marin de la baie de Fundy. À titre de Sentinelle de la baie de Fundy, je pilote un bâtiment examinant les incidents de pollution et les autres enjeux environnementaux dans la baie de Fundy pour les documenter. Également en ma qualité de Sentinelle de la baie de Fundy, je collabore étroitement avec les Premières Nations, les pêcheurs, les exploitants touristiques et les membres des collectivités côtières de la baie dans le cadre de divers efforts visant à protéger l'intégrité écologique de la baie.

Ce ne sera probablement pas une grande surprise pour bon nombre d'entre vous si je vous dis que le CCNB a des inquiétudes profondes à propos des conséquences environnementales, sociales et économiques possibles des grands projets d'exportation pétrolière tel que l'oléoduc Énergie Est proposé.

Nous avons mené des recherches étendues sur divers impacts de la proposition, en mettant un accent spécial sur les risques pour l'eau douce au Nouveau-Brunswick et les conséquences d'une augmentation du trafic de navires-citernes et des risques de déversement d'hydrocarbures dans la baie de Fundy.

En tant qu'organisation, nous avons aussi beaucoup réfléchi aux efforts nécessaires dans une période de changements climatiques graves et nous avons mis de l'avant des propositions qui permettraient au Nouveau- Brunswick de lutter utilement contre les changements climatiques tout en créant des emplois et beaucoup de possibilités économiques.

Notre position est que l'oléoduc Énergie Est nuira gravement à nos efforts de lutte contre les changements climatiques en facilitant l'utilisation continue et élargie des carburants fossiles et en investissant l'expertise et le capital disponibles dans l'expansion des carburants fossiles plutôt que dans le travail dur, mais profitable, permettant de se libérer de la dépendance à l'égard des carburants fossiles.

Si vous me le permettez, je souhaite vous brosser un tableau des eaux marines que nous côtoyons aujourd'hui. Comprendre l'écologie de la baie de Fundy et les économies qu'elle soutient est essentiel pour peser les risques et les avantages d'un projet comme Énergie Est qui, comme vous le savez tous, propose de placer ses installations d'exportation ici même, à Saint John.

Deux fois par jour, 160 milliards de tonnes d'eau de mer s'engouffrent dans la baie de Fundy et en ressortent, créant les plus grandes marées au monde. Ces marées spectaculaires créent un écosystème sans pareil et diversifié. La baie de Fundy a une productivité biologique exceptionnelle et attire plusieurs espèces de grandes baleines, des marsouins, des dauphins et des phoques ainsi qu'un grand nombre d'espèces de poissons et d'oiseaux, des palourdes, des myes et des crustacés tels que le homard et le krill. J'espère que vous aurez l'occasion de goûter à nos fruits de mer pendant votre séjour. C'est délicieux.

La baie de Fundy a soutenu la prospérité de collectivités humaines et animales pendant des millénaires. Les données archéologiques indiquent que des peuples autochtones vivent sur les rives de la baie de Fundy depuis au moins 13 000 ans. Les Pescomodys, les Micmacs et les Malécites tirent encore leur nourriture de la baie de Fundy. La baie de Fundy représente encore aujourd'hui le gagne-pain de 5 000 familles de pêcheurs tout en soutenant une industrie touristique prospère.

Les effets sur les communautés marines sont une question très importante pour nous. Je vous le dis en mon nom personnel, comme quelqu'un vivant lui-même dans une collectivité côtière qu'il aime. Nous devons tenir compte des emplois que ce projet Énergie Est met en péril, pas seulement de ceux qu'il pourrait créer.

Je sais que le Chef Ron Tremblay témoignera aujourd'hui, mais je ne crois pas que vous entendrez les représentants de l'industrie touristique et des pêches. Je vous presse d'entendre ce qu'ils ont à dire si vous en avez l'occasion dans l'avenir.

Laissez-moi lancer à chacun de vous une invitation personnelle. Si vous voulez voir de quoi a l'air la baie de Fundy au large et ce qui la rend si spéciale, je vous souhaiterai la bienvenue à bord du bâtiment de la Sentinelle de la baie de Fundy n'importe quand.

Nous croyons que l'oléoduc Énergie Est devrait inquiéter tous ceux qui aiment la baie de Fundy et en tirent leur subsistance. Bien qu'il subisse déjà un stress important de l'activité industrielle s'y déroulant, des changements climatiques et de l'instabilité des populations de poissons et d'autres animaux, l'écosystème marin de la baie de Fundy demeure un milieu dynamique qui soutient des collectivités côtières animées.

Il est essentiel de protéger de tout stress supplémentaire des régions aussi productives que la baie de Fundy, afin qu'elles soient assez fortes pour résister aux changements environnementaux et continuer à faire vivre des collectivités longtemps encore.

Je désire ici ouvrir une parenthèse pour vous rappeler que, lorsque nous parlons de changer le niveau d'utilisation de la baie de Fundy, nous parlons de la baie d'aujourd'hui et non pas de la baie de Fundy du passé. Le golfe du Maine, dont la baie de Fundy fait partie, est l'une des masses d'eau se réchauffant le plus rapidement dans le monde. Nous nous trouvons réellement dans la mire des changements climatiques, ici. Alors, si nous pensons ajouter de l'activité industrielle dans la baie de Fundy, il nous faut voir cette dernière comme elle est maintenant, et non pas comme elle était auparavant.

Mais je passe. Pour nous préparer à parler devant vous aujourd'hui, nous avons étudié les questions guidant votre étude. Nous y donnerons des réponses brèves en prévoyant fournir des précisions pendant la période de questions.

Vous demandez comment le gouvernement fédéral pourrait faciliter l'obtention d'une licence sociale pour des projets de transport de pétrole brut et d'infrastructure tels que cet oléoduc. C'est la première question qu'on nous a posée et qui guide votre étude ici et maintenant.

Nous croyons que le rôle du gouvernement fédéral n'est pas de faciliter l'obtention d'une licence sociale. Le gouvernement fédéral doit assurer un processus réglementaire crédible et robuste. On n'obtient pas une licence sociale en redoublant les activités de relations publiques, mais au moyen de processus crédibles tenant compte des vrais risques. J'espère que le gouvernement fédéral se rend compte qu'une licence sociale pourrait ne jamais être obtenue pour un projet tel que le projet Énergie Est.

Nous ne devons pas oublier que des projets tels qu'Énergie Est nous emprisonnent dans des décennies d'utilisation continue et élargie des carburants fossiles.

Cela nous mène à la seconde question, relative à la manière de renforcer la confiance du public dans le processus d'examen de l'oléoduc. J'ai peut-être déjà répondu à la question, mais je soulignerai seulement que, dans un processus crédible, il doit être au moins possible de dire « non ». Si un « oui » au projet est inéluctable, en fait ou en perception, on peut s'attendre à ce que la confiance du public dans le processus ne soit pas au rendez-vous.

J'ai encore quelques commentaires. Désolé si j'ai dépassé le délai imparti.

Vous demandez aussi comment faciliter la participation des peuples autochtones aux décisions entourant le transport du pétrole brut. Nous pourrions bien sûr laisser les diverses nations autochtones répondre elles-mêmes. Je crois et j'espère que vous avez eu amplement l'occasion d'entendre différents points de vue au sein des collectivités des Premières Nations.

Vous demandez dans votre dernière question si une stratégie nationale est nécessaire et quels en seraient les principaux éléments. Nous répondrons oui, une stratégie nationale est nécessaire. Nous croyons que cette stratégie nationale devrait cibler l'abandon de notre dépendance à l'égard des carburants fossiles et saisir les occasions de devenir des chefs de file d'une économie à faibles émissions de carbone.

Voici qui conclut nos commentaires. Ils sont demeurés très généraux pour vous donner une idée de nos domaines d'expertise et pour vous aider dans vos délibérations sur la question. Nous espérons pouvoir vous donner des précisions au cours de la période de questions. Merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé aujourd'hui.

Le vice-président : Merci de votre exposé.

Le sénateur Boisvenu posera la première question.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup de votre présence. J'avais quelques questions de précision. Hier, on a eu une présentation qui a été faite par Irving sur certains aspects de leur exploitation, et un des dossiers qu'ils nous ont présentés, c'était celui de la croissance de la population de baleines. Selon les inventaires qu'ils ont faits ou que d'autres organismes ont faits il y a une dizaine d'années, il y avait à peu près 250 baleines noires présentes, et on en compterait aujourd'hui 525 et plus. Or, vous dites dans votre revue, dont je viens de prendre connaissance, que la baleine noire est en décroissance. À la page 14, vous dites qu'il semblerait, cette année, que la baleine noire que l'on voit généralement dans la baie d'Hudson est en train de changer de cap, et vous dites que la population de baleines noires est en déclin. Vous l'indiquez dans le titre. Or, une autre organisation affirme que cette population a doublé depuis 10 ans. J'essaie de comprendre qui dit vrai.

M. Abbott : Peut-être que c'est une question de traduction, ou peut-être qu'on a fait erreur. Je ne l'ai pas ici. Une baleine noire, c'est le right whale, c'est bien ça? Oui, c'est ça. Alors, merci beaucoup de votre question.

[Traduction]

Si nous disons qu'elle est en déclin, c'est une erreur de rédaction. Mais je dirais qu'elle est certainement toujours en péril, car sa population demeure très fragile.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que vous êtes d'accord avec les chiffres que nous a fournis...

[Traduction]

M. Abbott : Oui, absolument. Je suis le premier à dire qu'il faut donner crédit à toutes les parties qui ont aidé au rétablissement de la population de baleines noires, et cela comprend Irving qui en a été un grand promoteur et qui a contribué à déplacer le couloir de navigation, un facteur majeur pour aider au rétablissement de la population de baleines noires. Nous devons sans faute leur donner le crédit qu'ils méritent.

Je pense que la population de baleines noires fait encore face à un certain nombre de menaces. Nous avons enregistré plusieurs mortalités cette année encore. La plupart sont causées par des emmêlements dans des engins de pêche. Je dirais donc que c'est un des principaux risques maintenant.

Nous savons par des recherches effectuées dans d'autres régions que, dans les secteurs où il y a beaucoup de bruit sous-marin, la capacité des baleines noires à communiquer entre elles est fortement réduite. Les études menées dans la baie de Fundy nous montrent que le niveau d'hormones de stress des baleines noires chute lorsqu'il n'y a pas de circulation de navires-citernes dans la baie. Ce sont des niveaux élevés d'hormones de stress.

On a en fait mené une étude tout de suite après les attentats tragiques du 11 septembre, à New York, au moment où le trafic maritime a cessé dans le monde. C'était une occasion unique de comparer les niveaux de stress chez les baleines lorsqu'il y a du transport maritime et qu'il n'y en a pas. Nous savons que le trafic entraîné par le transport maritime cause du stress chez les baleines. Nous ne savons pas combien de bruit devient trop de bruit.

Je désire revenir sur mon commentaire précédent à propos du changement qui s'est produit dans la baie de Fundy. Nous avons enregistré du stress supplémentaire dû aux changements climatiques et à d'autres facteurs. Nous devons être très prudents.

Je n'essaie pas du tout d'éviter votre question. Si nous avons dit que leur population était en déclin, je suis heureux de reconnaître mon erreur. J'aurais dû m'en apercevoir. Leur population est encore en péril.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Dans l'autre argument que vous avancez, vous dites que le transport maritime connaîtra une croissance. Il y a une dizaine d'années, on observait à peu près 1 000 bateaux par année. Il y a eu un déclin important. Maintenant, on calcule à peu près 800 bateaux par année et, avec l'exploitation de la plateforme qui serait construite, on reviendrait à peu près à 1 000 bateaux par année, ce qui veut dire environ un bateau de plus tous les deux jours.

M. Abbott : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que cela permet d'affirmer qu'il y aura une croissance importante de la circulation marine?

[Traduction]

M. Abbott : Eh bien, nous croyons, d'après nos recherches et des discussions avec des scientifiques étudiant le bruit sous-marin et d'autres questions, qu'il s'agit d'une augmentation importante. Je crois qu'un point clé, sur lequel nous achoppons souvent, est qu'il faut se rappeler que la baie de Fundy que nous connaissons aujourd'hui n'est pas la baie de Fundy que nous avions par le passé.

Ce que je vois comme l'essentiel de mon travail, c'est de faire tout en mon pouvoir pour m'assurer que la baie de Fundy pourra résister aux changements auxquels elle fait face. Ceux-ci comprennent les changements climatiques, qui sont les principaux. Je crois que si nous prenons les bonnes décisions concernant la baie de Fundy, elle pourra s'adapter aux changements importants qu'elle connaîtra.

Il nous faut gérer les pressions. Je dirais que les 281 navires-citernes prévus par Énergie Est représentent une augmentation importante. Oui, cela nous ramène aux niveaux antérieurs de voilà 10 ou 15 ans, mais la baie de Fundy, même si seulement 15 ans se sont écoulés, devrait nous inspirer des inquiétudes en raison de la rapidité des changements associés aux changements climatiques et de ce que nous prévoyons dans l'avenir.

Je n'essaie pas du tout de noyer votre question. Je crois qu'il s'agit d'une excellente question et que vous allez droit vers des points clés, mais je crois que l'élément principal est que la baie de Fundy change et qu'il nous faut voir la baie de Fundy comme elle est maintenant et comme nous pouvons prévoir qu'elle sera dans l'avenir, et non pas comme elle était dans le passé.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le débat, souvent, est très difficile et très émotif dans le cadre de projets de cette nature, et c'est pour cette raison qu'il faut garder un niveau de langage qui correspond à la réalité. Lorsque vous avez des titres aussi alarmants que celui-là, « La population de baleines noires en déclin », alors que c'est faux, et lorsque vous dites qu'il y aura une augmentation importante du transport maritime, alors que ce n'est pas tout à fait juste, vous ne pensez pas que des déclarations de cette nature-là nuisent au dialogue entre les promoteurs de projets importants et les gens qui défendent des valeurs environnementales? Il est tout à fait louable de défendre la protection de l'environnement; cependant, ce type de déclaration contribue à désinformer la population. En lisant ça, je me dis qu'il y a un problème, mais lorsque je parle à d'autres personnes, il n'y en a pas de problème. On a doublé la population de baleines. Donc, je me demande s'il est possible pour les groupes environnementaux de tenir un discours qui correspond à la réalité plutôt qu'à des objectifs que vous voulez atteindre en étant un peu alarmistes.

[Traduction]

M. Abbott : Une excellente question. Je crois que la qualité du discours est très importante. Bien que je ne l'aie pas sous la main, je reconnais que nous pouvons avoir fait une erreur dans ce titre, mais je dirais qu'il est entièrement légitime de soulever des inquiétudes à propos du sort des baleines noires. Le bruit est un des facteurs clés. Le risque de collision avec un navire augmente avec la circulation. Je crois que le déplacement du couloir de navigation était important et le demeure, mais les baleines que nous voyons passent et repassent encore dans les couloirs de navigation.

Je dirais que le niveau des arguments me préoccupe à certains moments. Des déclarations de tous les côtés peuvent m'inquiéter. Je remets vraiment en question certains des énoncés concernant le nombre d'emplois associés au projet, particulièrement quand on ne tient pas compte des emplois qu'il met en danger, que j'ai brièvement mentionnés et dont nous pourrons parler plus en détail plus tard.

Des promesses sont faites aux collectivités locales. J'ai parlé à des maires et à d'autres personnes à qui on a dit que leur appui à cet oléoduc permettrait de réduire ou d'éliminer le trafic ferroviaire qu'ils voient et qui les inquiète vraiment. Nous savons que ce ne sera pas nécessairement le cas. Avant même les audiences de l'Office national de l'énergie, les promoteurs de l'oléoduc ont dit clairement qu'ils ne savaient pas s'il réduirait de façon importante le trafic ferroviaire. Je crois qu'il est important de regarder ce qui se dit officiellement, comme cet exemple.

Je crois que vous avez raison de dire que le niveau de langage peut poser des problèmes. Je crois que bon nombre de gens disent des choses qui ne nous aident pas nécessairement à avancer. Je vous invite particulièrement à étudier les déclarations faites autour du nombre d'emplois, du déplacement du trafic ferroviaire, des questions qui touchent profondément les gens. Je suis d'accord avec vous. Je m'efforce de me reposer entièrement sur les faits et je travaille à des questions qui, je crois, méritent nos efforts.

J'apprécie votre examen soigneux de notre bulletin et j'examinerai la question en sortant. Si vous avez trouvé une erreur, j'apprécie beaucoup que vous me la signaliez.

Le sénateur Boisvenu : Merci.

Le vice-président : Sénateur Mercer?

Le sénateur Mercer : Je suis un peu déconcerté, et ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. Vous avez dit que le gouvernement fédéral n'avait pas de rôle à jouer dans le processus, qu'il ne devrait pas y participer. L'édification de la nation est une responsabilité du gouvernement du Canada. Si le gouvernement fédéral n'avait pas participé à l'édification de la nation par le passé, Sir John A. Macdonald n'aurait pas construit de chemin de fer traversant le pays. Nous n'aurions pas construit la voie maritime du Saint-Laurent. Le programme de développement des aéroports, qui a doté la plupart des grandes villes du pays d'aéroports, n'aurait pas vu le jour. Nous n'aurions pas eu la route transcanadienne.

La géographie de notre pays ne fait aucun sens d'est en ouest. Si on se place du point de vue de l'histoire, il s'est construit d'est en ouest et a survécu comme pays indépendant parce que des gens ont eu la prévoyance de le définir comme nation, de Sir John A. Macdonald jusqu'à nos jours.

Je suis un peu curieux. Le gouvernement fédéral aurait-il dû s'abstenir de participer à la conception d'un régime national d'assurance-maladie qui fait l'envie de bien d'autres pays parce que, en s'en mêlant, il entrait en fait dans un champ de compétence provinciale, alors qu'il a fait œuvre d'édification de la nation en l'offrant? Où trace-t-on la ligne où cesse l'édification d'une nation? J'ai peur que ce que vous dites, ce soit que le gouvernement ne devrait jouer aucun rôle, point à la ligne.

Mme Corbett : Sénateur, sauf le respect que je vous dois, je crois qu'il s'agit d'une très bonne question.

Le sénateur Mercer : Toutes nos questions l'ont été.

Mme Corbett : Bien sûr, elles sont toujours toutes bonnes. Je le sais. J'aurais dû le dire au début.

Nous devions et nous avons mené des exercices de définition d'une nation au moyen d'exercices tels que ceux que vous avez mentionnés autour du régime d'assurance-maladie. Nous avons mené des exercices de définition de notre nation avec les pensions de vieillesse, les allocations familiales et la feuille d'érable. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que tout le monde au Canada comprend l'importance, non seulement de votre institution, mais de notre gouvernement fédéral lorsqu'il se consacre à un exercice d'édification de la nation.

Mais nous n'avons pas établi ces programmes au seul profit de l'entreprise privée. D'accord? Nous les avons établis pour répondre à des besoins sociaux.

J'aime vraiment les exemples que vous nous donnez en matière de transports et je les comprends : le canal, la voie maritime, le chemin de fer. Ce sont des liens qui, je le crois, nous rassemblent de l'est à l'ouest et du nord au sud. Ce qui m'inquiète, c'est que nous devons faire très attention à la définition que nous donnons à notre pays dans le cadre de ces exercices.

Ce serait, comme Matt en a parlé plus tôt, un exercice d'édification de la nation étonnant, stimulant et plaisant — et je vous mets au défi de le faire — que d'effectuer la transition vers les carburants propres et une économie verte. J'adorerais voir les efforts que vous déploieriez dans le cadre de cet exercice d'édification de la nation.

Le sénateur Mercer : Passons à ce qui pourrait être en conflit direct avec le rôle de Matt en tant que Sentinelle de la baie de Fundy.

Je suis de la Nouvelle-Écosse. La moitié de cette baie est à nous.

M. Abbott : Vous m'effrayez.

Le sénateur Mercer : Nous avons donc certains intérêts en jeu dans cette affaire. Quel est votre avis sur l'énergie marémotrice? Si vous voulez que nous abandonnions les hydrocarbures, que dites-vous de l'énergie marémotrice? L'industrie place des turbines dans la baie de Fundy et utilise les plus fortes marées au monde pour produire de l'électricité.

M. Abbott : J'aimerais pouvoir dire que je comprends pleinement la nature de la baie de Fundy et j'ai consacré du temps à des réunions en Nouvelle-Écosse avec des pêcheurs et des exploitants touristiques sur telle ou telle question; même si mon travail se passe au Nouveau-Brunswick, beaucoup d'enjeux auxquels nous travaillons concernent toute la baie. Je veux entendre ces voix.

Sur la question de l'énergie marémotrice, je pense que c'est pourquoi il nous faut une stratégie d'ensemble. Il nous faut vraiment un plan nous permettant de prendre des décisions avisées à l'avenir. Nous devons mettre en place l'infrastructure qui nous permettra de disposer de diverses sources d'énergie renouvelable. Il peut y avoir des endroits où la production d'énergie marémotrice serait appropriée. Il peut y avoir d'autres endroits où elle ne conviendrait pas.

Le sénateur Mercer : La baie de Fundy fait-elle partie de la seconde catégorie?

M. Abbott : Il peut y avoir des endroits dans la baie de Fundy où cela pourrait se faire convenablement. Je crois qu'il faut encore répondre à des questions assez importantes en ce qui a trait à — nous voulons vraiment contrôler les conséquences parce que je serais très affligé qu'un projet d'énergie renouvelable compromette considérablement, par exemple, la montaison du gaspareau dans la rivière Ste-Croix, qui fait présentement l'objet d'un rétablissement assez important et spectaculaire, passant d'un plancher historique de 900 pour revenir aux plafonds historiques d'environ deux millions. Il y a eu des propositions dans la région où je vis, mais nous n'avons pas d'idée précise de l'incidence que cela pourrait avoir sur d'autres occasions environnementales et économiques importantes.

L'énergie marémotrice pourrait très bien jouer un rôle. On pourrait trouver de bons sites dans la baie de Fundy. Je suis enthousiasmé par les recherches qui se font dans le domaine. Je crois qu'il nous faut commencer à la bonne échelle et prendre vraiment le temps qu'il faut à l'étape de la recherche pour être sûrs de la faire de façon responsable. Cela fait sans aucun doute partie de l'ensemble d'options.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de l'enjeu des baleines noires et plus précisément de certaines difficultés qu'elles ont eues récemment, qui étaient associées à des engins de pêche. Devrions-nous interdire la pêche dans la baie?

M. Abbott : J'en parle sans cesse avec les pêcheries. Je travaille en collégialité avec une organisation, la Fundy North Fishermen's Association, au repêchage de gros débris du fond de la baie. Ils ont ramené plus d'un millier de casiers à homards perdus parce que leurs filins ont été coupés par les engins d'autres bateaux, peut-être des bateaux de pêche, mais aussi d'autres industries. Ils travaillent très fort à retirer des eaux des engins de pêche perdus.

L'industrie de la pêche a travaillé à cartographier les endroits où les engins de pêche se trouvent dans l'eau lorsqu'il y a des baleines, afin d'essayer de comprendre où les interactions entre les baleines et les engins se produisent et de trouver des façons de les limiter.

Je sais qu'on a fait des expériences avec différentes sortes d'engins dans le Maine afin de réduire les risques. Il s'agit donc d'un enjeu important. Je dirais que cela en est vraiment un. Je constate une activité très importante dans les pêcheries. Elles ont montré qu'elles étaient prêtes à s'atteler à ce problème et à réduire les risques et elles sont assez proactives à ce sujet.

Je comprends les liens que vous faites. Vous me permettrez de présumer que vous allez ensuite me dire : « Pourquoi ne pouvons-nous pas permettre la circulation bien pensée de navires-citernes si vous croyez que nous pouvons pêcher de manière bien pensée? » Ce que je dis, c'est qu'on envisage une augmentation importante du trafic de navires-citernes dans un secteur où l'on sait que le bruit est un des principaux problèmes. Nous ne voulons pas en arriver au point où la baie de Fundy n'est plus accueillante pour une espèce d'animaux marins.

Le sénateur Mercer : Je suis un peu curieux. Vous avez spécifiquement parlé de casiers à homards perdus au fond de la baie. Vous avez ensuite parlé de baleines noires mortes à cause d'accidents dus à des engins de pêche. Des casiers à homards et leurs filins ont tué des baleines noires?

M. Abbott : L'emmêlement dans des engins de pêche a été un problème majeur.

Le sénateur Mercer : Des engins de pêche au homard?

M. Abbott : Très probablement. Une fois qu'une baleine s'est emmêlée dans un câble, la priorité est de couper le câble. Nous ne savons donc pas toujours exactement quels engins étaient attachés au câble. Vous pourriez peut-être trouver des gens pouvant vous donner une réponse plus précise. On peut certainement parler d'engins de pêche au homard, ou à tout câble plongeant dans l'eau, particulièrement s'il est attaché à un objet lourd ou à quelque chose se trouvant au fond, et c'est une des raisons pour lesquelles nous collaborons avec l'industrie de la pêche, avec le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral et avec l'industrie de l'aquaculture. Nous avons cartographié les débris marins immergés. Nous commençons un projet pilote au large de la baie de Fundy et nous ciblons particulièrement les débris marins auxquels une corde est fixée parce que vous pouvez imaginer que si une baleine s'emmêle dans une corde fixée solidement au fond et que la marée monte, la situation devient très dangereuse.

Nous travaillons de manière proactive avec plusieurs secteurs afin d'éliminer ou de réduire les risques là où ils sont. Tout câble se trouvant dans l'eau constitue un problème, et très certainement les engins de pêche au homard.

Je dirai que, lorsqu'on trouve une baleine morte, on ne peut pas toujours trouver une cause exacte, mais si le corps porte des cicatrices dues à l'emmêlement avec un engin de pêche et que celui-ci n'est plus là, nous ne pourrons pas nécessairement savoir ce que c'était. Mais nous pourrons présumer qu'il s'agit d'un facteur contributif, même s'il peut y en avoir eu d'autres.

Le sénateur Mercer : J'ai beaucoup de sympathie pour les baleines noires et je désire m'assurer que nous faisons ce que nous pouvons pour les protéger. J'ai un peu plus de sympathie pour les pêcheurs de homards et les pêcheurs en général que pour les baleines noires et je crains que nous confondions les enjeux ici.

Mme Corbett : Je dois préciser très clairement que nous sommes à 182 p. 100 en faveur des homards et des pêcheurs de homards. Nous travaillons, Matt travaille très étroitement, avec les pêcheurs de homards et ceux d'autres pêcheries très cruciales.

Votre question m'a rappelé une chose que Thomas Berger a dite lorsqu'il étudiait la vaste question de construire ou non l'oléoduc Mackenzie. Vous vous en souvenez? C'était voilà très longtemps.

Il a dit : « Certaines personnes ont tenté de me convaincre que nous devrions peut-être prendre tout le Nord du Canada et en faire un grand parc national immaculé, mais j'ai choisi de ne pas le faire. »

Nous ne proposons pas de prendre la baie de Fundy et d'en faire une sorte de musée pour 500 baleines noires. Nous voyons les gens, les pêcheries, les bateaux, les exploitants touristiques, toute l'économie de la pêche dans la baie de Fundy comme absolument cruciaux pour les Néo-Brunswickois et la côte de la Nouvelle-Écosse avec qui nous partageons notre baie.

Vous m'avez rappelé ce commentaire de Berger qui date de bien longtemps et je vous en remercie, sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Dans tout ce que vous avez mentionné, aucune n'était une industrie qui — vous avez parlé des pêcheries, du tourisme. Vous n'avez pas parlé de la construction des grands navires qui a fait partie pendant des années de l'histoire de la baie de Fundy. Il y avait un grand chantier naval au bout de la baie, à Advocate, en Nouvelle-Écosse, voilà bien des années. L'histoire de la baie tourne autour du transport maritime, qu'il s'agisse des pêcheries ou des gros transports. Nous avons longtemps transporté des produits à travers cette baie sur de grands voiliers à l'époque où ils servaient au transport. Les bâtiments ont changé.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président : Avant de passer à notre second tour de questions, j'en ai moi-même quelques-unes pour nos témoins.

Je désire éclaircir un point, car vous avez tous deux évoqué la question de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, ou une économie sans émissions de carbone.

Je suis membre du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles et nous étudions cette question en ce moment. Mais, en second lieu, je précise ceci : notre mandat ici n'est pas d'étudier le passage à une économie à faibles émissions de carbone.

Monsieur Abbott, j'ai beaucoup de sympathie pour votre position en ce qui a trait à la baie de Fundy. La baie de Fundy est un des écosystèmes marins uniques au monde; non seulement y trouve-t-on les plus hautes et les plus basses marées, mais on y trouve les marées les plus fortes au monde. Nous devons faire très attention à la façon dont nous le gérons. Mais vous avez tourné cet avis en un argument qui m'a semblé essentiellement opposé à l'importation du pétrole de l'Ouest en soi.

Nous importons du pétrole brut non corrosif d'Arabie saoudite ou des États-Unis dans les cales des navires. Tout cela passe par les eaux de la Nouvelle-Écosse. J'aimerais avoir l'occasion, en tant que Néo-Écossais, de voir ce pétrole arriver par oléoduc et d'enlever ces cales de navire de nos eaux avec leur pétrole.

À l'heure actuelle, le pétrole peut traverser n'importe quelle province dans un wagon-citerne ou naviguer sur n'importe quelle voie navigable de la côte Est par bateau ou encore se déplacer par camion-citerne. Il y en a qui arrive présentement des États-Unis par un oléoduc qui doit être inversé.

Pourquoi croyez-vous qu'il soit préférable pour les Canadiens d'importer du pétrole d'Arabie saoudite et des États- Unis que de transporter leur propre pétrole?

M. Abbott : Bien sûr. Dans une colonne du Financial Post, je crois, ou peut-être du National Post, Irving a déclaré sans ambiguïté ne pas avoir l'intention de réduire ses importations d'Arabie saoudite et que l'entreprise comptait continuer de recevoir ces livraisons. Je crois que cela avait probablement un rapport avec la qualité du produit et sa compatibilité avec leur procédé de raffinage.

Je pense donc que la question fondamentale, et c'est quelque chose à quoi nous avons beaucoup réfléchi depuis que l'oléoduc a été proposé, est la suivante : s'agit-il réellement de remplacer d'autres sources de pétrole ou bien est-ce, à la base, un projet d'exportation?

Selon l'analyse à laquelle nous avons participé et l'examen attentif de diverses sources d'information, ne provenant pas toute de groupes ayant les mêmes opinions que nous, je vous dirai que nous sommes très préoccupés par le fait que nous ne constaterons probablement aucune réduction du trafic maritime que nous avons maintenant. Il est probable qu'il augmentera. Nous verrons donc une bonne part d'importations. Nous verrons probablement des niveaux comparables d'importation avec une certaine exportation qui s'y ajoutera.

Le vice-président : D'accord, c'est juste. Mais, bien sûr, Irving n'est pas la seule raffinerie au pays.

M. Abbott : Non.

Le vice-président : Il y a des raffineries en Ontario et au Québec qui auront accès à l'oléoduc. Vous devez aussi intégrer cela à l'équation.

L'autre élément que je veux mettre au clair a rapport avec les éléments que vous avez mentionnés à juste titre lorsque nous avons parlé de l'évolution du pays par l'édification de la nation : les allocations familiales, les pensions de vieillesse, l'assurance-maladie. Tout cela dépend d'énormes injections d'argent venant presque entièrement du gouvernement fédéral. Vous avez dit que nous ne devrions pas en faire une obsession et je suis d'accord avec vous en ce qui concerne les entreprises privées qui seraient les seules à faire des profits. Mais le champ pétrolier de l'Alberta fait probablement plus pour la capacité du gouvernement fédéral de financer ces projets que toute autre source de revenu. Il nous faut créer de la richesse dans notre pays.

Au cours des 15 dernières années, le champ pétrolier de l'Alberta a transféré 200 milliards de dollars au gouvernement fédéral. Deux cents milliards de dollars. Comme vous le savez, et comme je le sais en qualité de Néo- Écossais, nos provinces sont toutes débitrices. Nous dépendons des paiements de transfert. Nous dépendons de la péréquation. La province de Québec a obtenu environ 100 de ces 200 milliards de dollars pour soutenir ses programmes sociaux.

Il nous faut créer de la richesse. Il nous faut créer du revenu pour conserver le mode de vie que nous avons. J'ai dit à des gens : « Ce n'est pas le Canada de mes grands-parents. » Les gouvernements ne faisaient alors rien pour les gens, mais maintenant ils en font beaucoup. Mais il nous faut des recettes.

Si vous n'obtenez pas le revenu de la capacité de hausser les redevances dans des provinces comme l'Alberta ou par la capacité du gouvernement du Canada de créer un revenu d'impôt, d'où viendront ces recettes?

Mme Corbett : Je crois que c'est la raison pour laquelle vous êtes sénateur et moi directrice exécutive. C'est une question difficile. Je suis très sincère et je ne fais pas semblant. Je n'ai pas de bonne réponse à vous donner, car je ne crois pas qu'il existe de bons dollars ou de mauvais dollars. Je crois qu'il existe des dollars, sénateur.

Je me rends compte cependant et je dirais, sauf le respect que je vous dois, que le projet dont nous tentons de discuter aujourd'hui, le projet Énergie Est, a été conçu à un moment et dans une année où le marché était très différent. Le marché et le prix du pétrole ne sont plus les mêmes que lorsque vous avez commencé vos démarches ou lorsque le projet d'oléoduc Énergie Est a été proposé.

Devons-nous tous trouver comment diversifier nos économies provinciales et nationale? Bien sûr qu'il faut le faire. Devrions-nous chercher à accélérer au moyen d'installations la capacité de faire des profits dans l'industrie de l'énergie solaire et marémotrice, pour répondre à la question du sénateur Mercer? Absolument, oui.

Comme vous le savez, sénateur, les installations de production d'énergie solaire dans le monde entier commencent tout juste à donner leur plein rendement et le coût de l'installation a connu une chute spectaculaire au cours des deux dernières années seulement. Je sais que cela peut paraître comme une sorte d'idée environnementaliste folle des années 1980. Mais ce n'est qu'une impression. L'énergie solaire est moderne, la technologie est propre et elle est profitable.

Je me rends compte de la position où nous nous trouvons tous, vous comme sénateur de la Nouvelle-Écosse et moi, comme citoyenne du Nouveau-Brunswick, cette situation précaire qui nous rend dépendants des transferts fédéraux de montants prélevés à des gens qui travaillent fort dans le secteur privé. Je crois que nous devons investir dans l'industrie de demain tout en soutenant les travailleurs de l'industrie d'aujourd'hui.

Rappelez-vous qu'il y a beaucoup de Néo-Brunswickois et de Néo-Écossais à Fort McMurray, comme vous le savez. Nous avons tous des cousins, des oncles, des nièces ou des neveux là-bas. Nous connaissons des gens là-bas. Ils sont de notre famille.

Le vice-président : Je crois que je ne serais pas injuste en disant qu'ils soutiendraient probablement tous le projet Énergie Est, dans l'ensemble. Ils en ont besoin. Ils en voient le besoin.

Sénateur Mockler?

Le sénateur Mockler : Je suis quelque peu intrigué, et ce n'est pas la première fois. C'est la raison de votre présence.

[Français]

Le sénateur Boisvenu, en faisant la lecture de la publication que vous nous avez présentée, Écoalerte, du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick, a relevé deux énoncés qui ne sont pas véridiques à la page 14.

Par ailleurs, lorsque vous parlez de l'électricité et d'Énergie NB, j'aimerais vous encourager à venir présenter au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles les sujets dont vous nous avez parlé dans votre énoncé au début. Cela dit, je suis aussi membre du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles au Sénat, et lorsque le vice-président de la Commission d'énergie du Nouveau-Brunswick est venu nous voir, on lui a demandé si, au Nouveau-Brunswick, demain matin — on sait que ce ne sera pas demain matin —, on mettait fin à la production d'électricité par le charbon, il y aurait un impact sur le consommateur. Si on fermait la centrale électrique qui est alimentée au charbon, quel impact cela pourrait-il avoir sur les familles néo-brunswickoises?

[Traduction]

M. Abbott : Merci beaucoup de cette question. Je vais laisser Lois vous fournir les précisions. J'aime être enfoncé dans le varech jusqu'aux genoux et je pense assez souvent à ces choses.

Nous n'avons jamais proposé de cesser immédiatement. Nous avons toujours défendu une transition. Nous avons présenté au fil des ans plusieurs idées, plusieurs plans pour y arriver. Je pense que Lois peut compléter ma pensée mais, bien sûr, si nous proposons une transition, il faut que ce soit une transition bien pensée, active et rapide.

Bien sûr, nous ne proposerions jamais de fermer l'interrupteur demain parce qu'il nous faut mettre en place l'infrastructure. Les gens ont besoin de leur maison. Je veux assurément une maison bien chauffée. Je veux avoir de la lumière lorsque j'arrive à la maison ce soir et je veux conserver ma nourriture au froid.

Je ne fais que préciser que nous avons toujours défendu une transition et que les possibilités sont nombreuses.

Lois a approfondi ces questions un peu plus que moi.

Mme Corbett : Merci de votre question, sénateur. Matt a tout à fait raison. Planifier d'arrêter de brûler du charbon, et c'est là un exemple concret, prend beaucoup de temps. Je crois même, si nous prenons l'expérience de l'Ontario, que passer de la décision à l'abandon final a pris environ 17 ans.

Nous pouvons parler aujourd'hui de l'abandon du charbon en comprenant qu'il faut planifier une transition qui aura cette durée pour la centrale de Belledune, dans le nord du Nouveau-Brunswick.

C'est la même chose avec notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles pour le transport. Cela prendra du temps et il faudra beaucoup de gros efforts de la part de tous.

Ce qui est intéressant, comme vous le savez peut-être, sénateur, c'est que voilà quelques années vous n'auriez pas entendu un environnementaliste dire qu'« il faut tout électrifier ». Mais on l'entend aujourd'hui, car cela dépend d'où provient notre électricité; s'il y a plus d'énergie solaire, d'énergie renouvelable ou d'hydroélectricité, on peut s'en servir pour électrifier aussi notre réseau des transports.

Je réfléchis à l'avenir et je pense à une transition juste.

Le sénateur Mockler : Je désire vous faire part de ce que le comité de l'énergie, voilà deux semaines — et je ne veux pas nous détourner de l'ordre de renvoi qui nous provient des Transports et qui porte sur l'oléoduc, monsieur le président, alors j'y reviendrai immédiatement après.

J'arrive tout juste de l'Ouest du Canada. Nous avons visité la Colombie-Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan. Captage du CO2; je suis sûr que vous savez de quoi il s'agit. On peut étudier les véhicules électriques, penser à de nouvelles façons d'utiliser les piles à hydrogène, à des méthodes novatrices dans l'industrie forestière. Je ne veux pas aller vers l'industrie forestière, parce qu'à titre d'ancien président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, nous avions des recommandations spécifiques pour le gouvernement à ce propos.

Je crois que nous avons un dénominateur commun, votre conseil et moi, ou nous. Je dirais, à titre de sénateur du Nouveau-Brunswick, que nous avons un dénominateur commun. C'est de trouver la meilleure manière d'améliorer l'activité économique et les programmes, l'infrastructure qui fera croître et qui soutiendra notre économie. Sommes- nous d'accord là-dessus?

Mme Corbett : Oui, nous le sommes. Tout à fait.

Le sénateur Mockler : Bien. Par conséquent, je passe au niveau suivant, qui est l'énergie.

Madame Corbett et monsieur Abbott, vous avez évoqué la grande importance qu'elle a, et le président l'a aussi mentionnée, quand on étudie des projets tels que ceux pouvant définir une nation. Je constate que 7 Néo-Brunswickois sur 10, peu importe où ils vivent, soutiennent Énergie Est.

Si c'est le cas, ou si ce n'est pas le cas, qu'en pensez-vous? Notre formule vise à vous permettre d'être entendus et, en tant que parlementaire depuis plus de 32 ans, je crois m'être toujours engagé à ce que M. et Mme Untel, les contribuables du Nouveau-Brunswick, les gens que je représente, puissent être entendus. C'est la raison de votre présence aujourd'hui.

Je suis perturbé quand je regarde le document que vous nous avez présenté et que je vois qu'il n'est pas tout à fait factuel. Croyez-vous qu'il faut prendre les décisions en fonction de données et d'analyses scientifiques lorsqu'on se lance dans des projets ayant trait aux ressources naturelles?

M. Abbott : Il existe un éventail de sources d'information qui sont absolument cruciales. Ma base se trouve à Saint Andrews, où nous avons la Station biologique de St. Andrews, qui est le plus ancien centre de recherche maritime Canada. Si jamais vous en avez l'occasion, je vous recommande chaudement de le visiter. Le travail qu'on y fait est très impressionnant.

Je travaille très étroitement avec les milieux scientifiques de toute la province et particulièrement à Saint Andrews, et j'ai établi des liens avec certains chercheurs universitaires qui viennent travailler avec nous ici.

Bien sûr, l'information scientifique joue un rôle crucial. Nous voulons en obtenir beaucoup. Lorsque nous parlons des risques du bruit sous-marin, par exemple, nous disons que nous ne savons pas où se trouve le seuil. Nous ne savons pas quelle intensité est trop forte. Ce sont des questions qu'il nous faut au moins étudier, même si nous ne trouvons pas de réponse concluante.

Nous ne pouvons pas toujours trouver une réponse définitive. Les choses sont parfois un peu trop complexes. Il nous faut creuser et trouver une meilleure approche afin de pouvoir prendre de meilleures décisions. Nous sommes tout à fait en faveur de cela.

Je dirai aussi, en ce qui a trait au discours public, que lorsque je me déplace et que je parle aux gens, je m'aperçois qu'ils mettent beaucoup d'espoir dans Énergie Est pour éliminer le transport ferroviaire du pétrole. Ce que j'entends les représentants de TransCanada dire quand on leur demande officiellement si Énergie Est diminuera le transport ferroviaire du pétrole, c'est « essentiellement, nous l'espérons ». J'ai apporté avec moi des citations tirées des séances en comité de l'ONE parce que je pensais bien que la question serait soulevée.

Il faut communiquer de l'information solide et il nous faut prendre le temps de faire des recherches solides. Je dirai que cela me préoccupe au plus haut point lorsque les promoteurs de ce projet laissent les gens espérer que le projet éliminera les risques associés au transport ferroviaire du pétrole alors que nous ne savons vraiment pas si ce sera le cas. C'est une des raisons pour lesquelles je crois qu'il est important que des gens comme nous et bien d'autres communiquent avec le public. Nous le faisons parfois très bien et parfois, comme vous l'avez découvert aujourd'hui, il y a des faux pas.

Le sénateur Mockler : C'est exact. Le conseil nous a donc présenté ceci.

Puis-je vous demander, monsieur Abbott, si vous l'avez lu avant de nous le présenter?

M. Abbott : J'en ai examiné des ébauches et j'en ai un exemplaire chez moi, que j'ai lu en partie. Il m'arrive parfois, lorsque je lis quelque chose plusieurs fois, que le texte s'imprime dans ma tête et que je ne vois pas une erreur. Je crois qu'il me faut simplement un réviseur.

Je sais que la population des baleines noires n'est pas en déclin. Je peux vous citer tous les chiffres et je suis très intéressé à la question. Elles demeurent encore très menacées. Cinq cents baleines, ce n'est pas assez pour que la population soit en sûreté. Je crois qu'il est essentiel de continuer à prendre des mesures et de travailler de concert pour aider cette population à poursuivre sa croissance. Il y a beaucoup de gens qui mettent la main à la pâte, déjà, et je les applaudis tous.

J'ai révisé le document, mais on manque parfois une erreur même si on lit plusieurs fois quelque chose.

Le sénateur Mockler : Croyez-moi, nous sommes tous humains.

M. Abbott : Alors je retiens cela. Je crois que vous pouvez prédire ce que je ferai dès que je sortirai de cette pièce.

Le sénateur Mockler : En même temps, lorsque vous le réviserez et si vous voyez d'autres corrections à apporter, veuillez en faire part au président afin qu'il les fasse lui aussi. Cela m'est arrivé aussi, je peux vous le dire. Cela m'est arrivé lorsque j'étais en Colombie-Britannique avec le Pembina Group. L'information n'était pas toute complètement exacte. Alors je comprends. Vous vous êtes présenté devant le comité et vous avez mon respect à cet égard.

Mon dernier commentaire et ma dernière question sont les suivants : je suis conscient qu'il faut se fonder sur la science et respecter les faits. Je regarde la baie de Fundy et je veux vous faire part de ce que je pense et obtenir vos commentaires. Je n'ai rien contre vous, je désire simplement faire mon travail de parlementaire et, si Dieu le veut, je continuerai à la faire. Mais, en même temps, il est très important de regarder les faits et d'entendre le pour et le contre.

Je crois personnellement que vous avez ici un instrument qui vous permet de communiquer de l'information et, au bout d'un certain temps, nous ferons des recommandations au gouvernement fédéral par l'entremise de la chambre du Sénat.

Lorsque je regarde toute la baie de Fundy, la couverture est assurée par, et je cite, Atlantic Emergency Response Team Inc., ou ALERT, entreprise qui a été créée en 1991 et qui est autorisée aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada à gérer les urgences environnementales. Chaque navire-citerne pénétrant dans la baie de Fundy doit avoir un contrat avec cette entreprise.

Je ne veux pas poser de questions à propos des contrats, parce que le sénateur Boisvenu en a parlé plus tôt.

Le texte poursuit ainsi :

Notre raffinerie de Saint John, le terminal Canaport et le terminal East Saint John disposent chacun d'équipes d'intervention d'urgence sur place comptant un effectif total de 200 personnes.

[...] Environ 26 personnes sont de service par quart et disposent d'un équipement complet, notamment avec un camion « d'attaque rapide » sur place, un camion incendie, un véhicule servant de poste de commandement de lieu d'incident et d'autres véhicules d'intervention adaptés à diverses situations de contingence, y compris les incendies, les fuites, les déversements et les urgences médicales.

La question que je vous pose est la suivante : peut-on faire quelque chose de plus pour apaiser les craintes et montrer que nous cherchons des solutions aux préoccupations des Canadiens?

M. Abbott : J'ai visité l'installation d'ALERT à plusieurs reprises. Plusieurs de leurs bateaux me rendent jaloux. En fait, j'aimerais avoir la plupart. Je ferais volontiers un échange, mais je ne crois pas qu'ils voudraient. Je suis impressionné par la quantité d'équipement qu'ils ont.

Mais j'ai aussi examiné les comptes rendus des déversements d'hydrocarbures dans la baie de Fundy, afin de savoir à quoi il faut s'attendre. Nous n'avons pas eu de déversement important, vraiment majeur, mais il y a eu des déversements. C'est pourquoi j'ai apporté une page d'un rapport que nous avons rédigé voilà un peu plus d'un an. ALERT dispose de beaucoup d'équipement et de beaucoup d'expertise. On ne peut pas gérer le brouillard avec de l'expertise et de l'équipement. En 2007, nous avons perdu dans le brouillard la trace d'un déversement relativement mineur. Ce sont les conditions réelles.

Comme nous l'avons dit, nous avons un des régimes de courant de marée les plus élevés au monde. Nos marées sont très hautes. L'histoire des déversements d'hydrocarbures nous apprend que le pétrole se déplace rapidement et qu'il s'étend loin. Les hydrocarbures ont flotté dans la baie pendant une assez longue période, puis la nappe a touché terre un peu au nord de Digby, du côté de la Nouvelle-Écosse. Nous n'avons pas vu de grand nettoyage en mer dans beaucoup de cas, parce qu'on ne peut tout simplement pas accéder à la nappe.

Le bitume est un autre élément qui change avec le projet Énergie Est. Nous savons que le bitume se comporte parfois différemment d'autres produits pétroliers. Je sais qu'il peut se comporter de la même façon dans certaines conditions. Les eaux de la baie de Fundy sont troubles, parce qu'il y a beaucoup de sédiments et bien des choses dans l'eau, comme vous pouvez l'imaginer, avec tout ce va-et-vient. Nous avons aussi un fort régime de courant et de vagues.

Une grande partie de l'équipement d'ALERT est conçu pour une mer relativement calme. Il y a de nombreuses conditions qui font qu'il est difficile ou impossible de contenir un déversement d'hydrocarbures.

Je vous ai offert à tous un tour de bateau. Mon bateau a une longueur de 20 pieds. Je vous conseille de vérifier les prévisions des vents avant de me prendre au mot. Je le ferai certainement.

Je sais qu'il existe un certain nombre de conditions dans lesquelles on ne peut pas nettoyer efficacement un déversement parce que nous sommes dans la baie de Fundy. Séjournez un peu à Saint John et vous commencerez à bien connaître le brouillard aussi.

J'ai rencontré les représentants d'ALERT qui m'ont dit que le bitume ne coulera pas; il ne se comportera pas différemment dans la baie de Fundy. Lorsque je prends connaissance des recherches faites par Environnement Canada, ou de recherches de la National Academy of Sciences des États-Unis et d'autres organismes, des organismes très crédibles, je crains que le bitume ne se comportera pas comme du pétrole ordinaire. Lorsque j'entends l'organisation d'intervention m'assurer qu'il se comportera comme du pétrole ordinaire, je m'inquiète vraiment.

Ils m'ont dit simplement, à plusieurs reprises, qu'ils avaient des modèles indiquant que le bitume ne coulera pas et que ce ne sera pas un problème. Il faudrait vraiment réexaminer cela, parce que les recherches scientifiques vraiment crédibles qui se font, du bon travail souvent effectué par le gouvernement fédéral, qui devrait en être félicité, nous disent que c'est différent lorsqu'on transporte de grandes quantités de bitume.

J'espère avoir répondu à votre question sans détour. C'était mon intention, mais j'ai fourni aussi un certain contexte.

Le sénateur Mockler : Merci.

Le vice-président : Merci beaucoup de vos exposés.

Mme Corbett : Je veux simplement, si vous me le permettez, monsieur le président, faire écho au sentiment d'un grand sénateur que le Nouveau-Brunswick a eu.

Nous venons d'ouvrir un dialogue. Si vous avez besoin de plus d'information de notre part, nous sommes disponibles. Nous apporterons la correction. Vous pourrez la voir tout de suite sur notre site web. Si vous désirez poursuivre, restons en contact.

J'apprécie le temps que vous nous avez accordé aujourd'hui. Merci bien.

Le vice-président : Merci beaucoup.

Je désire accueillir nos prochains témoins, qui sont du Grand Conseil malécite : Ron Tremblay, grand chef de Wolastoq, et Alma Brooks, une grand-mère.

Veuillez commencer vos exposés, après quoi les sénateurs poseront des questions.

Ron Tremblay, Grand Chef de Wolastoq, Grand Conseil malécite : Je souhaiterai la bienvenue dans ma langue, la langue de cette terre, pré-européenne. Je traduirai ensuite ce que j'ai dit.

[Note de la rédaction : Le témoin parle dans sa langue maternelle.]

Maintenant je traduis.

Je vous souhaite la bienvenue au pays des Wolastoqs et des Malécites. Mon nom traditionnel est Morningstar- burning et je représente les totems du clan du corbeau et du loup.

Je suis le grand chef du Grand Conseil malécite. L'endroit où nous nous trouvons aujourd'hui s'appelle Menahqesk. « Mena » désigne le courant doux et lent de la rivière et « qesk » désigne l'entrée d'une large ouverture sur l'océan.

Mon peuple a vécu ici, près de l'océan et en amont de la rivière, depuis le début des temps. Nous possédons encore notre pays et nos ancêtres n'ont jamais cédé de terres. Notre langue est importante, tout comme nos traités.

Je parle au nom des animaux, des poissons, des oiseaux, des insectes, de cours d'eau et de l'ensemble du territoire malécite et de l'ensemble des familles étendues que nous représentons. Ceci est la vérité. Ainsi soit-il.

J'ai apporté avec moi aujourd'hui ce dont nos ancêtres se sont servis pour établir un lien avec les premiers colonisateurs venus ici, les wampum utilisés pour les traités. J'ai apporté trois ceintures wampum avec moi. Je parlerai plus tard à propos de l'une d'elles.

J'ai aussi apporté le drapeau de la nation wolastoq. Notre grand-mère le tiendra pendant que je le décrirai.

La femme et l'homme wolastoq sont dans un canoë et suivent notre totem, le rat musqué. Le rat musqué fournit à notre peuple de la nourriture et de la fourrure et nous guide vers la médecine. La femme, l'homme, le rat musqué et le canoë sont de couleur rouge. Cela symbolise notre relation avec notre Mère la terre et tous nos ancêtres.

Le soleil jaune représente notre premier grand-père, qui se lève à l'est et nous rappelle notre lien avec les Wabanakis, le peuple de l'Aube. Le bleu symbolise l'eau, qui donne toute vie et l'entretient, et le vert symbolise toute la végétation du monde des plantes. Le rouge au bas représente nos ancêtres, qui sont les racines retenant notre nation à la terre et qui nous rappellent notre responsabilité de protéger notre pays, Wolastokuk.

Je suis ici aujourd'hui en qualité de grand chef du Grand Conseil wolastoq. Notre peuple a des inquiétudes très, très profondes à propos de l'état de notre pays.

Il a été aujourd'hui violé; j'abhorre utiliser un mot aussi dur, mais il a bien été violé. Il a été coupé à blanc; il a été aspergé d'insecticide; il a été endigué sans notre permission. Et, dans tous les traités de paix et d'amitié conclus avec les gouvernements du passé, nos chefs permanents qui ont signé ces traités et mis leur marque sur ces documents n'ont jamais cédé un pouce de terre.

Nous voilà ici aujourd'hui, faisant face à une nouvelle dévastation, une dévastation proposée qui traversera nos eaux sacrées, car nous considérons nos eaux et notre terre comme sacrées. Je ne suis pas sûr que vous puissiez le comprendre, mais, lorsque nous faisons des cérémonies, nous allons dans les bois, nous jeûnons, nous nous sacrifions et nous remercions toute vie.

Lorsque nous faisons une cérémonie, nous remercions toutes les choses vivantes. Nous remercions d'abord le centre de la terre, le cœur de notre Mère la terre, où le feu brûle. Nous remercions ensuite un à un tous les niveaux en remontant, tous les aquifères qui nous donnent de l'eau pure, la vie, tous les insectes et tous les animaux qui vivent dans le sol. Nous les remercions de leur vie.

Puis, à la surface, nous remercions toutes les choses vivantes qui vivent, de la surface en montant : les arbres, les plantes, la nourriture, la médecine, les oiseaux et toutes les formes de vie qui nous rattachent tous à la vie.

Nous ne nous distinguons pas des insectes. Nous ne nous distinguons pas de l'ensemble de la végétation. Nous en faisons partie. Lorsque nous levons le regard, nous remercions notre premier grand-père, le soleil. En tant que Wabanakis, comme nous nous appelons nous-mêmes, nous faisons partie de la Confédération Wabanaki. Nous avons un lien avec la première lueur qui pointe à l'est. Nous faisons une cérémonie et remercions cette lumière. Cette lumière donne sa chaleur à la terre. La science, et c'est le seul aspect de la science dont je parlerai, la science est l'ensemble du processus permettant d'obtenir la vie grâce au soleil, grâce à l'eau, grâce à la végétation, grâce à la nourriture, grâce à la médecine, tout cela fait partie de la science qui nous garde en vie, qui nous garde actifs, qui nous permet, en tant qu'êtres humains, de marcher debout.

Alors, lorsque nous levons les yeux le matin et que nous rendons grâces, nous remercions le soleil; nous remercions notre grand-mère, la lune; nous remercions notre père, le ciel, et tous nos frères et sœurs, les étoiles. C'est ce pour quoi nous rendons grâces. Et c'est ce que nous sommes, les Wabanakis.

L'été dernier, le député Romeo Saganash est venu nous visiter sur notre territoire. Il nous a présenté un projet de loi, le projet de loi C-262. J'espère que vous connaissez tous le projet de loi qu'il a présenté. Ce projet de loi demande à tous les représentants élus d'adopter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Puis-je vous rappeler que le Parti libéral, alors qu'il était dans l'opposition, a présenté le même projet de loi, exactement le même? Maintenant qu'il est au pouvoir, voilà le projet de loi remis en question.

Il est trop compliqué à réaliser. C'est trop compliqué à intégrer à la Constitution ou à rendre compatible avec les lois. Un droit de la personne est-il trop compliqué? Nos droits en tant qu'êtres humains sont-ils trop compliqués?

Je félicite Romeo d'avoir présenté ce projet de loi. Je recommande au Sénat de se tourner vers le présent gouvernement et de faire pression pour qu'il veuille bien adopter ce projet de loi. Donnez-nous des droits de la personne, en tant qu'êtres humains, pour que nous puissions vivre une relation de nation à nation.

Puis-je vous rappeler que j'étais présent à New York le printemps dernier, le 10 mai 2016, à la quinzième session de l'Instance permanente sur les questions autochtones des Nations Unies. J'étais assis un peu en retrait de la ministre Carolyn Bennett lorsqu'elle a reçu une ovation debout. Je ne suis ni pessimiste, ni optimiste : je suis réaliste; je ne me suis donc pas levé, car, pour moi, les mots ne signifient rien. Les mots ne signifient rien pour moi. Des actions.

Elle a lu ce merveilleux discours édifiant sur la manière dont le Canada soutiendra et honorera la Déclaration, sans réserve. Réserve signifie exigences, conditions, restrictions, modifications, adultération. Donc, le Canada approuvait sans réserve le document, mais nous voilà encore aujourd'hui à faire des pressions pour que le Canada signe et respecte la DNUDPA.

Puis-je vous citer quelques extraits du discours de la ministre Bennett? « Personne n'est oublié » a-t-elle presque crié après avoir décrit comment le Canada allait procéder.

Le premier ministre a écrit ces mots dans les lettres de mandat qu'il a adressées à chacun de ses ministres :

Aucune relation n'est plus importante pour moi et pour le Canada que la relation avec les peuples autochtones. Il est temps de renouveler la relation de nation à nation avec les peuples autochtones pour qu'elle soit fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la collaboration et le partenariat.

J'espère que vous savez aussi cela, au Sénat : il y a plus de 160 avis d'ébullition de l'eau dans les collectivités des Premières Nations, aujourd'hui même, un an après que le Parti libéral a pris le pouvoir. Encore. Une collectivité est sous avis d'ébullition de l'eau depuis 19 satanées années, et je surveille mon vocabulaire. Dix-neuf ans. Pouvez-vous l'imaginer? Pouvez-vous imaginer devoir faire bouillir votre eau pendant 19 ans?

Je vais juste vous lire quelques autres passages du discours de Mme Bennett :

Nous ne visons rien de moins que l'adoption et l'application de la Déclaration, conformément à la Constitution canadienne [...]

En adoptant et en mettant en œuvre la Déclaration, nous donnons vie à l'article 35 que nous reconnaissons comme un ensemble complet de droits pour les peuples autochtones au Canada. Le gouvernement du Canada est d'avis que ses obligations constitutionnelles permettent de mettre en application tous les principes de la Déclaration, y compris le « consentement préalable, libre et éclairé ».

La raison de la présence ici de Patrick Lacroix est la promotion de l'oléoduc.

Selon ce document et selon l'article cité de la DNUDPA, nous devons donner notre consentement préalable, libre et éclairé avant qu'il se passe quoi que soit. Ce n'est pas celui de nos frères et sœurs colonisés qui possèdent des entreprises de consultation ou des firmes d'experts-conseils sur nos terres, parce que nous savons qui ils sont. Nous connaissons les Phil Fontaine, nous connaissons les Roger Augustine et nous connaissons les Dave Paul. Nous savons qui ils sont, et c'est à eux que le gouvernement parlera parce que c'est dans son intérêt. C'est eux qui feront de l'argent, pas notre peuple, pas ceux qui ont des avis d'ébullition de l'eau, pas les nécessiteux au sein de nos collectivités.

Nous connaissons les plus hauts taux de suicide, de dépendance, d'adoption hors des collectivités, de violence, les plus hauts taux de tout le Canada, et nous avons encore une loi pour nous contrôler, contrôler nos gens. Vous appelez nos collectivités des Premières Nations. Ce ne sont pas des Premières Nations — ce sont des collectivités; ce sont des réserves. Les gens appartiennent à une nation. Ce ne sont pas des Premières Nations. Et ces collectivités sont gérées par le gouvernement; elles sont contrôlées.

Qu'est-ce que tout cela signifie pour le Canada maintenant? Rien de moins qu'une participation totale à la façon d'aller de l'avant concernant l'adoption et la mise en œuvre, en partenariat avec les Premières Nations, la nation métisse et les Inuits. Les provinces et les territoires du Canada, dont la collaboration et l'appui joueront un rôle essentiel dans ce travail, y participeront aussi [...]

Le Canada a déjà commencé à concrétiser la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Notre gouvernement croit qu'une relation de nation à nation et d'Inuits à État avec les peuples autochtones signifie un partenariat sur la scène mondiale [...]

Soyons honnêtes, la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ne doit pas nous effrayer.

Donc, selon la ministre Bennett, cela ne doit pas nous effrayer.

Chers amis, nous traversons une période palpitante. Le dialogue est entamé. D'un bout à l'autre du pays, les Canadiens et les Canadiennes empruntent la voie de la réconciliation. Les appels à l'action lancés par la Commission de vérité et réconciliation ont aidé à faire la lumière sur un sombre chapitre de l'histoire du Canada et sur l'effet de ce triste héritage.

Nous pensons que les appels à l'action tracent également la voie à suivre. Il faut des changements fondamentaux et fondateurs. Il s'agit de redresser les torts historiques. Il s'agit d'effacer notre passé colonial. Il s'agit d'écrire ensemble, comme partenaires, une nouvelle page de notre histoire. J'ai la conviction qu'une fois la vérité connue, on ne peut plus la renier.

C'est ce qu'elle a dit.

Nous connaissons maintenant la vérité. Nous connaissons les faits de notre histoire commune avec les peuples autochtones au Canada. Il faut maintenant que tous les Canadiens et les Canadiennes empruntent la voie de la réconciliation.

[...] le chef héréditaire, Ray Jones, nous a cité une phrase [...] qui signifie qu'il faut remettre le canot à l'endroit. En prenant notre engagement aujourd'hui en faveur de l'adoption et de la mise en application complètes de la Déclaration, nous poursuivons le travail essentiel de la réconciliation et de la remise à l'endroit du canot.

Puis-je ajouter une citation de Charmaine White Face? Voici une question posée dans un de ses livres :

Reconnaîtra-t-on jamais les droits humains des peuples autochtones? Oui, mais ce ne sera pas par des mots ou sur le papier. Lorsqu'on laisse un système tel que celui qui domine le monde aujourd'hui se déchaîner sur les êtres humains, sur les ressources naturelles et pratiquement tout ce qui se trouve sur cette terre, ce système est destiné à s'effondrer et s'effondrera un jour. Le temps qui reste à ce système, y compris en Amérique du Nord, est très, très court. La Loi naturelle de cause à effet prévaudra.

Je vais cesser ma lecture maintenant. Je vais vous parler de cette ceinture de wampum. Je ne sais pas si vous êtes familier avec cette ceinture, mais elle nous vient de nos frères et sœurs de la Confédération de Haudenosaunis, mieux connue sous le nom de Confédération iroquoise. Lorsque leur territoire a été envahi, ils sont allés trouver le gouvernement colonial et ont créé cette ceinture wampum dans laquelle ils nous ont tous inclus.

Cette ceinture wampum à deux rangées signifie qu'il y a deux rangs, un pour le colonisateur et un pour les peuples autochtones. Nous sommes dans notre canoë et les colonisateurs sont sur leur bateau; en créant cette ceinture wampum, ils ont dit : « Nos chemins ne se croiseront jamais. Nous respecterons votre mode de vie aussi longtemps que vous respecterez le nôtre. Ne croisez pas le chemin de notre canoë et nous ne croiserons pas le chemin de votre bateau ». Mais, comme nous le savons, les chemins du canoë et du bateau se sont croisés plusieurs fois par le passé. Et nous voici aujourd'hui, nous affrontant encore, en tentant de rester dans nos embarcations. Comme un de mes frères l'a dit, « on ne peut pas garder un pied dans le canoë et l'autre sur le pont du bateau; c'est impossible ».

Nous avons de la difficulté aujourd'hui à conserver l'identité de nos peuples en raison, comme je l'ai dit plus tôt, du nombre élevé de cas de violence se produisant dans nos collectivités; en continuant de l'avant et en acceptant l'oléoduc proposé, nous ne créerons que davantage de destruction dans notre pays et au sein de nos peuples. Les emplois ne guériront pas nos gens. Cet oléoduc ne résoudra pas les problèmes de nos gens. Il nous faut avoir de nouveaux accès à nos propres terres, les terres non cédées auxquelles nous n'avons jamais renoncé.

Nous devons avoir une sécurité alimentaire. Nous devons à nouveau faire pousser notre propre nourriture. Nous devons protéger nos eaux. Nous devons garantir un avenir à nos enfants. Comme nous le disons toujours, les sept prochaines générations. Les sept prochaines générations : nous sommes toujours prévoyants.

Vous trouverez dans notre paquet un document intitulé 1721; c'est la lettre que les chefs wabanakis ont envoyée au gouverneur Shute, du Massachusetts, en la signant de leur propre signature. Si vous regardez au bas, vous verrez que tous les signataires ont tracé le symbole du totem de leur clan. Ils demandaient qu'on arrête de s'installer sur leurs terres, d'envahir leur territoire. Nous n'avons jamais cédé nos terres. Nous voulons vivre en paix. C'était le raisonnement à l'époque.

Encore aujourd'hui, nous ne vivons pas en paix. Puis-je vous rappeler ce qui se passe à Standing Rock? Des milliers d'Autochtones tentent de préserver leurs terres et leurs eaux sacrées. Énergie Est pourrait être notre prochain Standing Rock. Est-ce là l'héritage avec lequel le Sénat, l'actuel gouvernement et ces entreprises veulent vivre?

Ces gens protègent leur terre, leurs terres sacrées? Des bulldozers sont passés sur leurs sites sacrés, leurs cimetières. Cela se produira ici. Toutes ces choses se reproduiront ici.

L'oléoduc proposé traversera, je crois, plus de 200 cours d'eau seulement au Nouveau-Brunswick. Vous pouvez appliquer les règlements les plus sécuritaires, ce qui est fait de la main de l'homme échouera. N'importe quoi. C'est pourquoi les lois que nous observons sont les lois naturelles, les lois naturelles tirées des grands mystères, notre lien avec l'esprit, l'identité de notre peuple. C'est ce que nous observons.

Vous êtes, en ce moment même, assis sur notre terre sacrée. Ce n'est pas Saint John. Ce n'est pas le Nouveau- Brunswick.

[Note de la rédaction : Le témoin parle dans sa langue maternelle.]

Ce sont nos terres sacrées.

Je presse le Sénat de ne pas transformer cette tribune en simple formalité, mais d'écouter. Vous avez un chef indigène de service qui vient se vider le cœur. Je ne suis pas ici pour quémander; je suis ici pour discuter avec vous. Ce n'est pas une consultation, c'est une discussion. Je veux m'en assurer. Ce n'est pas une forme de consultation. Cette relation de nation à nation devrait commencer en discussion de nation à nation et pas en consultation.

J'ai inclus dans le paquet le traité sur l'eau de notre nation. Je ne vais pas vous le lire. Je vais vous laisser prendre votre temps pour le lire. En outre, c'est notre Grand Conseil qui a préparé ce traité de l'eau. En fait, ce traité de l'eau a été lu ici, à cap Rouge, parce que les membres de cap Rouge sont sur nos terres sacrées et nous leur avons dit : « Nous vous aiderons à protéger l'eau ». Nous avons aussi une Déclaration des Wolastoq sur les droits de notre Mère la terre. Nous avons préparé voilà un an un document qui a fait l'objet d'un communiqué de presse. Vous pouvez le lire de votre côté. Mais c'est très sérieux pour nous. Nous considérons la terre et notre Mère la terre comme un être vivant. Nous considérons tout ce qui se trouve sur elle ou autour comme étant vivant.

Je désire vous remercier du temps que vous nous avez consacré. Vous verrez aussi les noms de lieux qui sont dans la liste. Il y en a 62, et il y a plus, 62 noms de rivières, d'affluents et de terres sacrées pour nos gens, et vous verrez qu'ils veulent dire quelque chose. Ces noms sont des verbes. Ils sont vivants.

En outre, vous verrez sous les noms le wampum wabanaki, notre ceinture wampum qui a été conçue pour représenter les quatre Premières Nations Wabanaki et les termes importants relatifs à notre nation : Le Grand Traité de Paix, la famille, la confédération, les coutumes, etc.

C'est notre bassin versant, c'est notre territoire et c'est là que l'oléoduc proposé est censé passer, entièrement dans notre territoire, sauf peut-être une petite partie qui traverse le territoire des Micmacs.

Nous serions donc les gens qui feront face à la destruction lorsqu'il y aura des déversements — pas si, mais quand — et que les arbres seront tous coupés à cause de l'oléoduc? Les animaux perdront leur maison, les poissons et les amphibiens souffriront. C'est ici que nous sommes nés. Nous ne pouvons pas nous en aller. Nous n'avons nulle part où aller. C'est notre souche. C'est pourquoi le bas du drapeau est rouge. C'est le sang de nos ancêtres.

Vous tous, vous pouvez partir parce que votre première maison n'est pas ici. Nous sommes d'ici.

[Note de la rédaction : Le témoin parle dans sa langue maternelle.]

Je désire vous remercier du temps que vous nous avez consacré. Je sais que cet exposé était un peu hors norme. Je crois qu'il était très important pour vous de savoir qui nous sommes, en tant que Grand Conseil wolastoq. Merci.

Le vice-président : Merci, chef Tremblay.

Nous passons maintenant aux questions des sénateurs. Sénateur Mockler?

Le sénateur Mockler : C'était un exposé puissant. J'ai quelques questions pour vous, chef.

Avez-vous été consulté à propos du trajet de l'oléoduc?

M. Tremblay : Non. J'ai été à un événement portes ouvertes de TransCanada ici, à Saint John voilà deux ans. En fait, Patrick était là. J'ai parlé à Patrick et à quelqu'un d'autre, je crois que c'était quelqu'un de Calgary qui était un des représentants; il a dit qu'il me reviendrait pour tenir une conversation, mais ça n'est jamais arrivé. Je leur ai fourni mon adresse de courriel et mes coordonnées; je n'ai rien reçu d'eux.

Les personnes avec qui ils traitent sont les chefs de la Loi sur les Indiens. Ce n'est pas pour les discréditer, mais ils ne sont responsables que de leur collectivité. En tant que Grand Conseil, nous représentons toutes nos terres, tout le territoire jamais cédé qu'on peut voir d'ici.

Alma Brooks, Grand Conseil malécite : Puis-je dire d'abord quelque chose?

Le sénateur Mockler : Puis-je dire « Oui, grand-mère »?

Mme Brooks : Oui, vous le pouvez. Merci.

La Loi sur les Indiens ne s'applique que dans les réserves. Aux termes de la Loi sur les Indiens, c'est le conseil, la majorité au conseil qui prend les décisions. Les chefs d'AANC sont donc essentiellement des présidents de conseil d'administration. En fait, je crois qu'ils votent. Ils sont donc dans leur propre réserve des briseurs d'égalité.

Nos droits aux termes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones comprennent le droit de choisir qui parle en notre nom. On ne nous a jamais donné cette possibilité. Je peux vous dire maintenant que la majorité de nos gens n'ont pas été consultés.

En fait, nous n'avons même pas participé à la décision sur la forme que prendrait le processus de consultation. Je ne sais pas qui a pris la décision relative au processus de consultation. Je ne sais pas d'où c'est venu. C'est juste arrivé comme cela. En autant que je sache, le gouvernement doit consulter ses propres citoyens, ses propres membres.

Nous avons le droit de donner notre consentement préalable, libre et éclairé, jusqu'à ce qu'il y ait eu un règlement relatif aux terres ou qu'on règle des choses laissées en suspens, tel que nos traités, nos traités d'avant la Confédération. Il y a beaucoup de choses qui ont été laissées à l'abandon. Vous ne pouvez pas négocier avec quelqu'un venant de l'Ouest ou quelqu'un appartenant à une autre nation ou un autre peuple et nous appliquer, ici, le résultat de vos discussions. Nous avons le droit de participer aux décisions, à toute décision prise qui met en jeu notre avenir et celui de nos enfants. C'est la chose juste à faire.

Il a fallu 25 ans pour que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones en arrive là. Même dans ce processus, beaucoup de nos droits ont été dilués. La Déclaration des Nations Unies a abouti à quelque chose : c'est mieux que rien. Maintenant, le Canada veut faire une version canadienne de ce que cela signifiera, ou l'interpréter sans notre participation, sans que nous soyons informés et sans notre consentement. Ce n'est pas juste.

C'est la raison pour laquelle il est impératif pour nous et que nous vous demandons, sénateurs, de retourner à Ottawa et de talonner le gouvernement libéral pour qu'il appuie le projet de loi C-262 sur l'adoption de la Déclaration des Nations Unies, afin que nous puissions commencer les discussions et les négociations.

En ce qui a trait à l'oléoduc, vous voyez son trajet ici, au cœur de notre territoire. Ça m'inquiète vraiment parce que notre territoire est un bassin versant. La plus grande partie de notre territoire est un bassin versant entier. J'ai parlé à un monsieur du Nebraska qui a combattu l'oléoduc XL, et il m'a dit qu'il y avait eu 21 fuites la première année. Un oléoduc tout neuf, 21 fuites. Alors ce n'est pas si, mais quand il y aura une fuite.

À ce que j'ai compris, le bitume est très dangereux parce qu'il est mélangé avec beaucoup de produits chimiques. Tellement mélangé et toxique qu'il émet un gaz très toxique quand il touche l'eau. On ne peut pas le nettoyer parce qu'il coule au fond et adhère à tout ce qu'il touche. Alors vous pouvez imaginer. Il nous a dit que c'était les petites fuites qui étaient les plus dangereuses; pas les gros déversements, mais les petites fuites parce qu'elles peuvent fuir pendant des mois sans même qu'on s'en aperçoive.

Nous en avons appris beaucoup sur l'oléoduc. Nous sommes très, très inquiets. La santé et le bien-être de mon peuple ne dépendent pas d'emplois, emplois, emplois à tout prix. Bien sûr, tout le monde veut un emploi, mais pas à tout prix. Notre santé et notre bien-être dépendent de la santé et du bien-être de l'environnement de notre territoire.

Le sénateur Mockler : Merci. J'ai quelques autres questions.

Je dois revenir en arrière. Je viens de demander nos recherchistes du Parlement du Canada. On dit que ce sont les meilleurs des pays du G20.

Je viens de demander à notre recherchiste, chef Tremblay, de jeter un coup d'œil sur le projet de loi C-262. Alors, pour le processus du projet de loi C-262, c'est un projet de loi émanant d'un député.

Mme Brooks : En effet.

Le sénateur Mockler : Du fait que c'est un projet de loi émanant d'un député, en démocratie, je ne veux pas entrer dans une polémique, mais c'est un fait que nous pouvons étudier un projet de loi émanant d'un député à la Chambre des communes dans le contexte d'un régime de gouvernement britannique. Nous ne l'avons pas encore reçu au Sénat, je vous le dis parce que vous l'avez demandé et, monsieur le président, j'aimerais informer le chef et grand-mère que nous ne l'avons pas encore dans notre chambre. Mais il fait partie de l'instruction au programme législatif du gouvernement à la Chambre de communes, pour savoir où et quand ce projet de loi C-262 sera présenté et, quand il arrivera, on en débattra et on le renverra à un comité. Mais je désire commencer par une question, monsieur le président.

Vous avez un allié.

Sénateurs, nous avons un allié au Sénat en ce moment et c'est le sénateur Murray Sinclair. Le sénateur Murray Sinclair est un nouveau sénateur, un ancien juge, un juriste des Premières Nations, qui a été président de la Commission de vérité et réconciliation sur les pensionnats indiens. En fait, il a été le premier juge autochtone nommé au Manitoba.

Avez-vous l'intention de porter l'affaire à l'attention du sénateur Sinclair de manière à ce que le sénateur Sinclair puisse parler aux leaders du gouvernement appropriés afin qu'ils réorientent le programme législatif pour réexaminer le projet de loi C-262, qui passera ensuite au Sénat? Je voulais seulement éclairer un peu le processus du programme législatif de notre système démocratique. Je ne veux pas m'étendre sur les commentaires que vous avez faits parce que je sais que vous avez beaucoup de défis en ce qui a trait à la dimension sociale de nos Premières Nations. J'aurai l'occasion, vous pouvez me croire, si le président me le permet, de demander d'ici 15 minutes à M. Patrick Lacroix pourquoi il n'a pas communiqué avec vous ou, s'il l'a fait, s'il y a un représentant de l'entreprise qui collabore avec les Premières Nations, parce qu'il est important que vous soyez consulté.

Voilà mon commentaire. Désirez-vous porter l'affaire à l'attention du sénateur Sinclair?

M. Tremblay : Oui, nous le désirons. Merci de me rappeler qu'il a maintenant un poste si éminent. Je l'ai déjà rencontré une fois et c'est un orateur très dynamique. Oui, je l'ai rencontré.

Je me suis rendu aux Nations Unies au cours des trois dernières années afin de surveiller ce qui se passait dans le monde pour les peuples autochtones. Tous ces projets de développement des ressources autour du monde, qui s'imposent sur les terres autochtones, et les meurtres d'hommes et de jeunes garçons autochtones au nom du développement des ressources. Beaucoup d'entreprises sont canadiennes. C'est triste, et triste à avaler que le Canada s'emballe publiquement pour les droits de la personne, mais agisse autrement en coulisse. Je suis né un jour de pluie, mais ma mère me disait : « Tu n'es pas né de la dernière pluie ».

Le sénateur Mockler : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Madame Brooks, bienvenue. Merci beaucoup d'être présents.

Écoutez, j'ai quelques questions. La première question, c'est que j'essaie de comprendre d'abord votre position par rapport au projet. Est-ce que votre position est un refus ferme ou est-ce que votre refus est conditionnel?

[Traduction]

M. Tremblay : Nous nous trouvons dans cette position : nous savons qu'il n'y a pas de certitude à 100 p. 100 que des problèmes se produiront avec cet oléoduc. Je me rappelle, quand j'étais petit garçon, que j'étais un jour près de la rivière avec mon grand-père. J'avais sept ou huit ans. Il a regardé la rivière et m'a dit, dans notre langue : « J'avais l'habitude de cueillir des herbes médicinales; à cet endroit, je cueillais ceci, je cueillais cela » disait-il. « Maintenant, je ne peux plus rien cueillir à cause de ces barrages. » C'est à ce moment que je suis devenu environnementaliste, à l'âge de six ans, à cause de mon grand-père.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Mais vous savez, Grand Chef, que les Cris de la baie James sont très heureux qu'il y ait des barrages.

[Traduction]

M. Tremblay : Eh bien, c'est leur droit. Quant à nous, nous avons six barrages en amont et en aval de nos rivières. Nous n'avons plus de saumon, et le saumon était notre filet de sécurité. Et il n'y a aucune garantie que ces oléoducs ne fuiront pas. Notre terre et notre eau ont déjà subi assez de dommages et ça doit cesser.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si vous mettez en perspective l'utilisation du chemin de fer, celui-ci représente des garanties encore moins importantes en termes de sécurité, parce que tous les scientifiques nous disent que le pipeline représente un niveau de sécurité d'environ 99,9 p. 100, ce qui n'est pas le cas des chemins de fer. De plus, en tenant compte de la perspective selon laquelle le transport du pétrole par chemin de fer va presque doubler d'ici 10 ans, nous sommes mis devant un choix de problèmes, dans le fond : le pipeline, qui a un niveau de risque d'environ 0,01 p. 100, et les chemins de fer. On a vu à Lac-Mégantic l'accident majeur qui s'est produit. Donc, votre position de refus, est-ce qu'elle est liée strictement à la sécurité, tant en ce qui concerne la faune ou les déversements, ou est-elle liée à d'autres événements?

Je vous rappellerai qu'en 2014, j'ai eu la chance d'aller visiter les communautés nordiques où on sait qu'il y a beaucoup de développement minier, beaucoup de développement au niveau des ressources naturelles. Dans plusieurs de ces communautés, les compagnies sont parties prenantes du développement économique, ce qui a favorisé une forme de richesse, une forme d'entrée de fonds qui a permis à certaines communautés d'améliorer leur sort sur le plan social, sur le plan de l'éducation, sur le plan des soins de santé, et d'améliorer leurs conditions de vie. Est-ce que, dans ce cadre-là, le projet de pipeline ne pourrait pas être une occasion pour votre communauté, si elle était davantage impliquée dans le développement économique, d'être un véhicule pour améliorer la vie de vos concitoyens sur le plan social, éducatif, et cetera?

[Traduction]

Mme Brooks : Nous préférerions que vous alliez du côté des énergies alternatives, quelque chose qui nourrit la vie, pas qui la détruit.

Je travaille avec certaines des femmes du Nord dont vous parlez, dans les collectivités du Nord, et elles me disent qu'elles appuient l'industrie minière maintenant parce qu'il n'y avait plus d'économie après l'arrêt de la chasse aux phoques. Ils n'ont rien d'autre. Ils sont si désespérés qu'ils disent maintenant à la Chine : « Oui, bien sûr, vous pouvez ouvrir des mines ici ».

Mais ici, dans notre territoire, et je ne parle que pour mon propre territoire, nous préférerions que le pays prenne une autre orientation face aux changements climatiques. Les changements climatiques sont déjà là. Ce n'est pas « S'il y en aura », il y en a déjà. Il nous faut regarder ce que sera l'avenir. Que restera-t-il pour nos enfants, vos enfants, vos petits-enfants? Que leur laisserons-nous, un désastre?

L'oléoduc pourrait créer 100 emplois en traversant notre territoire, mais s'il y a un déversement dans la baie de Fundy, c'est 500 emplois qui seront détruits, les emplois des gens qui pêchent le homard et le pétoncle et des choses comme ça. Le pétrole ne s'arrêtera pas à la limite du comté. S'il y a un déversement en amont, il s'écoulera en aval. Il pourrait contaminer tout le bassin versant de la rivière Saint-Jean. Tout dépend de l'endroit où ces fuites se produiront. Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas si, mais quand.

Nous préférerions que vous déplaciez l'économie; il y a un mouvement mondial, un mouvement à l'échelle planétaire qui se produit. Pourquoi sommes-nous pris dans cette situation? Vous avez parlé tout à l'heure de la richesse de la province. La richesse de la province a fui et se trouve aux Bahamas. Pendant quatre générations, la richesse a été extraite d'ici, extraite des ressources par des gens à qui elles n'appartenaient pas, sans notre consentement.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce qu'on est d'accord pour affirmer qu'il y a un consensus mondial pour développer des énergies de remplacement, comme dans le secteur de l'automobile?

[Traduction]

Mme Brooks : Oui.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je pense qu'il y a un consensus mondial. On sait, par contre, en étant réalistes, que ça ne se fera pas dans une décennie. On parle de plus de deux ou trois décennies pour faire ce transfert-là. N'y aurait-il pas de coentreprise particulière qui pourrait se faire avec les gens qui utilisent l'énergie fossile — je pense aux compagnies pétrolières —, afin qu'ils puissent être des investisseurs en faveur du développement d'énergies nouvelles grâce aux revenus dont ils disposent et qui pourraient permettre d'accélérer le processus de transformation?

[Traduction]

Mme Brooks : Ils ont déjà la technologie pour passer aux énergies alternatives. Ils disposent déjà de la technologie nécessaire.

C'est simplement qu'il y a des gens qui s'accrochent et qui ne veulent pas bouger. Bien sûr, il faudra qu'il y ait une période de transition, oui, mais elle ne devrait pas être très longue.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Actuellement, l'énergie verte qu'on appelle soit éolienne, solaire ou thermique représente environ moins de 1 p. 100 des besoins en énergie au Canada. Moins de 1 p. 100. Donc, pour passer à 100 p. 100, sommes-nous d'accord qu'il s'agit de quelques décennies?

[Traduction]

Mme Brooks : En ce moment, vous voulez dire?

Le sénateur Boisvenu : Oui.

Mme Brooks : Ça ne prendra pas des siècles, non.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si on veut accélérer le processus...

[Traduction]

Mme Brooks : Nous n'avons pas des siècles.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Non, je vous parle de décennies. Je parle de décennies et non de siècles. Je parle de 10 à 20 ans. Je ne parle pas de siècles, madame Brooks.

[Traduction]

Mme Brooks : Je ne crois pas que nous disposions d'autant de temps.

M. Tremblay : Voilà quelques années, au début des années 1990, j'ai eu l'honneur de m'asseoir devant un aîné. Il s'appelait William Commanda; il était de Maniwaki. Il était la dernière personne vivante à pouvoir lire les ceintures wampum, comme celles qui sont ici. Il en avait une, une ceinture wampum, qui faisait 25 pieds de long et 2 pieds de large. Il l'appelait la ceinture de prophétie.

Cela lui a pris environ deux heures et demie à lire cette ceinture de prophétie et il est arrivé à cet endroit où il y avait un croisement. « Jeune homme », m'a-t-il dit; j'étais jeune, en 1991, mais je ne le suis plus autant. « Jeune homme », m'a-t-il dit, « tu verras çà de ton vivant ». « Il y a un serpent noir », et c'étaient ses mots en 1991, « un serpent noir qui va de l'ouest vers l'est. Il faut couper la tête du serpent à sa naissance ».

Nous étions en 1991; on ne parlait pas d'oléoduc Énergie Est en 1991. Il a ajouté : « Si ce serpent traverse, notre vie comme nous la connaissons prendra fin. Toutes les formes de vie sur nos territoires s'éteindront ». Je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire jusqu'à ce que j'entende cette proposition d'oléoduc. J'ai trouvé dommage qu'il soit mort trois ou quatre ans auparavant, mais il avait probablement aux alentours de 79 ans à l'époque. Mais il m'avait dit : « Tu dois arrêter ce serpent. Coupe-le à sa source. Sinon, la vie est terminée. La vie telle que nous la connaissons est terminée ». Peut-être pas de mon vivant, mais je désire que vous vous arrêtiez pour y penser, et que vous mettiez de côté tout cela, les emplois et l'économie, et toute cette infrastructure. Qu'allons-nous laisser aux sept prochaines générations? C'est notre façon de penser, et je vous presse d'adopter ce point de vue.

Qu'allez-vous laisser à vos petits-enfants? Quel genre de mode de vie? Quel mode de vie vos petits-enfants devront-ils adopter pour vivre? Chanteront-ils nos louanges ou nous blâmeront-ils?

Je vais au lit le soir et je fais mes cérémonies, mes prières pour vous tous afin que vous ayez une prise de conscience à propos de votre vie, de vos petits-enfants. Je prie pour vos petits-enfants.

Le sénateur Boisvenu : Merci, chef.

Le vice-président : Nous avons presque épuisé le temps alloué. J'ai une dernière question, chef, avant de terminer.

Vous avez parlé de consultation et d'avoir l'occasion de parler. Avez-vous proposé de faire un exposé devant l'Office national de l'énergie?

M. Tremblay : Oui.

Le vice-président : C'est l'endroit qui convient le mieux pour faire un exposé.

M. Tremblay : Oui.

Mme Brooks : Nous l'avons fait.

M. Tremblay : Oui, c'est vrai.

Le vice-président : Vous ferez donc un exposé?

M. Tremblay : Oui, nous l'avons fait.

Le vice-président : Bien. En ce qui a trait à l'exposé que vous nous avez présenté aujourd'hui, avec tout le respect que je vous dois, vous devez comprendre que nous ne sommes ni le Comité sénatorial permanent des Peuples autochtones, ni le Comité sénatorial permanent de l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, dont je suis membre. Nous sommes le Comité sénatorial permanent des Transports et des communications, et nous n'avons vraiment pas le mandat d'étudier ces aspects, mais nous en ferons part au Comité sénatorial permanent des Peuples autochtones et aux autres comités pouvant être concernés.

M. Tremblay : Ce qui est malheureux quand on vit dans cette province, c'est que le gouvernement provincial ne nous reconnaît pas parce qu'il connaît nos vues en matière de protection de notre territoire. Je suis sûr qu'il a avisé des gens comme Patrick de ne pas entrer en contact avec nous, parce que nous avons tenté d'obtenir des rencontres avec le premier ministre et avec divers membres du Parti libéral provincial et qu'ils refusent de nous voir.

J'aimerais vous remercier de nous avoir accordé de votre temps ainsi que cette occasion de parler.

Mme Brooks : Oui, merci beaucoup.

M. Tremblay : Je penserai à vous et à vos petits-enfants au cours de mes cérémonies.

Le vice-président : Merci à tous deux de vos exposés.

Je désire accueillir nos derniers témoins d'aujourd'hui à Saint John, qui sont les représentants d'Énergie Est et de TransCanada : M. Patrick Lacroix, directeur des relations avec les intervenants du Nouveau-Brunswick et M. Christian Matossian, directeur des relations avec les Autochtones.

Messieurs, veuillez commencer votre exposé; les sénateurs poseront des questions par après.

Patrick Lacroix, directeur, Relations avec les intervenants du Nouveau-Brunswick, Énergie Est, TransCanada : Merci beaucoup monsieur le président. Bon après-midi à tous.

Au nom d'Énergie Est, j'aimerais remercier le Sénat du Canada et les membres du Comité permanent d'avoir organisé cette séance à Saint John et de prendre le temps de visiter le Nouveau-Brunswick.

J'aimerais remercier tous les témoins présents aujourd'hui ainsi que ceux ayant déjà donné leur exposé pour avoir pris le temps de participer à ce processus.

[Français]

Aujourd'hui, je veux vous présenter le projet Énergie Est, vous parler de son promoteur, TransCanada, et souligner l'importance que nous avons donnée à la planification des mesures d'urgence et aux relations avec les intervenants et les communautés autochtones. Ensuite, je vais conclure en soulignant quelques-uns des avantages que le projet peut offrir à la région et au Canada.

[Traduction]

Avec plus de 64 années d'expérience, TransCanada est un chef de file du développement responsable et de l'exploitation fiable de l'infrastructure énergétique nord-américaine. TransCanada exploite un réseau de gazoducs de gaz naturel qui s'étend sur plus de 90 000 kilomètres à travers l'Amérique du Nord. Cela comprend notre acquisition récente de Columbia Pipeline.

TransCanada est actuellement propriétaire ou possède des intérêts dans une capacité de production d'énergie de plus de 10 000 mégawatts au Canada et aux États-Unis. Plus du tiers de cette capacité provient de sources sans émissions telles que l'énergie solaire, l'énergie éolienne, l'hydroélectricité et l'énergie nucléaire. TransCanada est aussi le développeur et l'exploitant d'un des principaux réseaux d'oléoducs d'Amérique du Nord, qui s'étend sur plus de 4 300 kilomètres, reliant des installations continentales de production de pétrole en expansion aux marchés et aux raffineries.

Au-delà de tous ces chiffres, TransCanada est une organisation axée sur des valeurs. Nos valeurs guident notre manière de travailler, nos relations interpersonnelles et chaque jour de notre exploitation de TransCanada depuis plus de 65 ans. Nos valeurs sont l'intégrité, la responsabilité, la collaboration et l'innovation, mais nous les résumons simplement en disant que nous faisons ce qu'il faut.

Laissez-moi vous parler un peu d'Énergie Est. Point saillant de notre projet proposé de transport de pétrole brut de l'Ouest du Canada jusqu'à la côte Atlantique, Énergie Est est un projet de 15,7 milliards de dollars, financé à 100 p. 100 par le secteur privé et qui s'étendra sur 4 500 kilomètres, de l'Alberta à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Une caractéristique unique de cet oléoduc est qu'un tronçon de 3 000 kilomètres, de la frontière entre l'Alberta et la Saskatchewan jusque dans l'est de l'Ontario, est un gazoduc qui sera transformé et dont l'impact environnemental sera ainsi considérablement réduit. Dans l'Ouest du Canada, le pétrole brut pénétrera dans l'oléoduc à deux endroits : Hardisty, en Alberta, et Moosomin, dans l'est de la Saskatchewan.

En progressant vers l'est, Énergie Est livrera son pétrole brut à deux raffineries du Québec, l'une à Montréal et l'autre près de Québec, ainsi qu'à la raffinerie d'Irving Oil, ici même à Saint John, que vous avez eu la chance de visiter hier à ce que j'ai compris.

Le terminal maritime de Saint John, une coentreprise avec Irving Oil, permettra d'exporter sur les marchés internationaux une partie du pétrole brut transporté par Énergie Est.

L'oléoduc transportera tous les types de pétrole brut produits dans l'Ouest, le léger comme le lourd, et provenant du réservoir conventionnel comme des sables bitumineux.

[Français]

Alors, pourquoi avons-nous proposé le projet Énergie Est? L'une des raisons, c'est qu'il n'y a pas d'autres moyens que le chemin de fer, à l'heure actuelle, pour acheminer le pétrole brut produit dans l'Ouest du Canada vers l'Atlantique.

[Traduction]

En outre, le récent rapport de l'Office national de l'énergie, appelé L'avenir énergétique du Canada en 2016, fournit un scénario de capacité d'oléoduc limitée dans lequel, d'ici 2040 les besoins en transport ferroviaire seront d'environ 1,2 million de barils par jour. Énergie Est est la façon la plus sûre et la plus responsable du point de vue de l'environnement de transporter le pétrole brut canadien de l'ouest vers l'est du Canada et les marchés d'exportation. Cela est étayé par un rapport de 2015 de l'Institut Fraser qui conclut que les oléoducs sont quatre fois et demie plus sûrs que les voies ferrées pour le transport du pétrole brut sur de longues distances. Le transport par pipeline produit aussi moins de gaz à effet de serre que les autres méthodes.

En 2015, les raffineries du Québec et du Canada Atlantique ont importé en moyenne 566 000 barils de pétrole par jour de pays comme les États-Unis, l'Arabie saoudite et le Nigéria. Au prix moyen du pétrole de l'an dernier, c'est une somme quotidienne de 35 milliards de dollars qui quitte l'économie canadienne alors qu'elle pourrait continuer à y circuler.

Je vais demander à mon collègue Christian de vous exposer nos stratégies de dialogue avec les intervenants et les Autochtones.

Christian Matossian, directeur, Relations avec les Autochtones, Énergie Est, TransCanada : Merci, Patrick. Merci, sénateurs, de nous recevoir.

Ce que nous avons fait depuis les stades embryonnaires du projet, et que nous continuerons de faire, c'est nourrir un dialogue avec les collectivités autochtones et non autochtones traversées par le projet, et en particulier celles que le projet pourrait directement concerner. Nous le faisons dans le but de communiquer de l'information, évidemment avec l'objectif que toutes les parties aient la capacité de prendre des décisions éclairées. Nous le faisons pour cerner les enjeux, les préoccupations et les conséquences possibles et dans le but de les comprendre et de les gérer.

Du côté du dialogue avec les Autochtones, nous avons rencontré 167 collectivités et organisations autochtones dans sept provinces, dont la Nouvelle-Écosse. Nous avons ici, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, 21 collectivités et organisations. Nous nous sommes engagés à fournir des ressources et un soutien à ces collectivités afin de leur permettre de dialoguer efficacement avec nous et de cerner les conséquences possibles pour leurs droits ancestraux.

Nous le faisons au moyen de cadres ou d'ententes de participation nous indiquant véritablement comment mener le dialogue et sur quelles bases. Soixante-huit de ces ententes ont été conclues à l'échelle du projet. Nous appuyons aussi des études du savoir traditionnel afin d'assister les collectivités dans l'évaluation dont le projet modifie l'utilisation traditionnelle des terres et des ressources. Soixante-quatorze de ces études sont en cours à l'échelle du projet.

En ce qui a trait aux collectivités non autochtones et aux municipalités, nous dialoguons avec 45 municipalités au Nouveau-Brunswick et avons tenu près de 500 réunions avec ces collectivités au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle- Écosse et rencontré 291 propriétaires terriens au Nouveau-Brunswick seulement, le long du trajet proposé. Nous offrons un ensemble d'outils de dialogue qui sont énumérés dans notre présentation, mais certains des plus importants ont déjà été mentionnés sous le nom de portes ouvertes. Nous avons tenu plus de 100 événements portes ouvertes sur tout le trajet du projet, dont 19 au Nouveau-Brunswick, et des journées de la sécurité tournant autour de la sécurité de l'oléoduc et des interventions d'urgence; nous avons reçu plus de 3 000 participants au Nouveau-Brunswick seulement.

Je crois que c'est assez de faits saillants pour le moment. Je redonne la parole à Patrick.

M. Lacroix : Merci, Christian.

Énergie Est intégrera la sécurité à chaque élément du projet. Cela étant dit, il nous faut être prêts à intervenir en cas d'urgence, n'importe où le long du projet d'oléoduc tout entier, et prévoir les pires des scénarios même s'ils sont improbables.

Énergie Est sera responsable de tous les aspects des préparatifs et des interventions, y compris toute activité d'assainissement et de rétablissement ainsi que les dommages connexes, et en assumera tous les coûts.

Énergie Est s'engage à préparer son plan d'intervention d'urgence en étroite collaboration avec tous les premiers répondants locaux et autres groupes de services d'intervention d'urgence conformément au processus d'examen réglementaire et à s'assurer que des plans sont prêts pour tous les éléments du projet bien avant les dates prévues de mise en service.

L'amélioration continue s'obtient par la mise en pratique des compétences. En 2015 seulement, TransCanada a investi plus de 1 milliard de dollars en maintenance préventive et mené au total 125 exercices d'intervention d'urgence.

Je vais parler un peu des avantages économiques. Afin d'avoir une idée des avantages économiques globaux auxquels on peut s'attendre d'un projet de l'envergure d'Énergie Est, TransCanada s'est tournée vers le Conference Board du Canada. Laissez-moi simplement souligner certains des avantages retirés par le Nouveau-Brunswick seulement.

Au cours de la période de développement, on parle de plus de 3 500 emplois, directs et indirects, avec un sommet de plus de 10 000 travailleurs au cours de la période de pointe des travaux de construction. Il y aura annuellement 261 emplois, directs et indirects, pendant les 20 premières années d'exploitation.

En recettes fiscales pour le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, seulement pour les actifs et les activités au Nouveau-Brunswick, on parle d'un revenu d'impôt supplémentaire de 853 millions de dollars et d'une contribution globale de 6,5 milliards de dollars au PIB du Nouveau-Brunswick.

[Français]

En conclusion, je voudrais réitérer notre conviction qu'Énergie Est est le moyen le plus sûr et le plus respectueux de l'environnement pour transporter le pétrole brut de l'ouest vers l'est. Nous nous engageons à fournir ce produit en toute sécurité, de façon responsable et fiable, et notre objectif est d'avoir zéro incident.

[Traduction]

Énergie Est fournira aux raffineries de l'est du Canada la possibilité de remplacer le pétrole brut de l'étranger qu'ils importent actuellement pour répondre à leurs besoins. Cela aura une incidence considérable sur l'amélioration de la sécurité et des avantages économiques pour notre pays. Comme Christian l'a mentionné, nous avons ouvert, un dialogue étendu le long du trajet de l'oléoduc depuis plus de trois ans, le moment où le projet a été annoncé, et nous continuerons à dialoguer activement et de façon ouverte avec nos collectivités et nos groupes autochtones.

On a apporté plus de 700 modifications au trajet de l'oléoduc route depuis la première demande, en 2013, en réponse au dialogue et à la rétroaction ainsi qu'aux préoccupations et aux enjeux cernés.

Nous sommes déterminés à utiliser les commentaires que nous recevons et à écouter dans le cadre d'un véritable dialogue bilatéral. Nous alléguons que donner l'aval au projet Énergie Est est dans l'intérêt bien compris de notre pays.

Je désire tous vous remercier de votre attention.

Le vice-président : Merci de vos exposés.

Je commencerai les questions. Sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Merci, messieurs, de votre présence. Je passerai rapidement aux questions.

Vous parlez de 15,7 milliards de dollars. Le financement a-t-il déjà été réuni?

M. Lacroix : Le projet d'oléoduc a eu en 2013 un tableau de chasse qui a établi un intérêt commercial dans le projet. Il est appuyé du point de vue commercial, oui.

Le sénateur Mercer : Vous pourriez donc commencer demain et l'argent coulerait?

M. Lacroix: Oui, le financement a été obtenu.

Le sénateur Mercer : Je désire changer totalement de sujet. Le sénateur MacDonald et moi-même sommes tous deux de Nouvelle-Écosse. Ma question est simple : pourquoi s'arrêter ici, à Saint John? Il est important d'être à proximité de la raffinerie Irving, je comprends cela, mais vous avez aussi entendu, dans les témoignages, une certaine opposition à l'utilisation de la baie de Fundy. Pourquoi ne pas continuer jusqu'au détroit de Canso, en Nouvelle-Écosse, où nous avons maintenant de grands terminaux portuaires qui servent à l'importation de pétrole, où nous sommes directement sur l'océan Atlantique et où le port est libre de glaces et un peu plus près des marchés, où vous n'avez pas à vous inquiéter des baleines noires qui sont sensibles, ici, dans la baie de Fundy? Pourquoi ne pas se rendre au détroit de Canso? Cela vous rapproche du marché, peu importe quel marché et où il se trouve.

M. Lacroix : Merci de votre question. C'est une très bonne question.

Nous avons été très intéressés par la Nouvelle-Écosse pour ce prolongement. Vous vous rappelez peut-être que le projet ne se rendait pas au Nouveau-Brunswick en 2013, et que c'est lorsqu'il y a eu un intérêt commercial à amener l'oléoduc à Saint John qu'Énergie Est de TransCanada a ajouté un oléoduc vers Saint John et un terminal portuaire pour l'exportation.

Il n'y a aucun plan en ce moment pour une prolongation jusqu'en Nouvelle-Écosse, mais certaines collectivités ont exprimé leur appui, voté des résolutions d'appui, et les entreprises de Nouvelle-Écosse montrent beaucoup d'intérêt, comme les entreprises du Nouveau-Brunswick d'ailleurs.

Le sénateur Mercer : Il y a en Nouvelle-Écosse un gazoduc qui remonte jusqu'au Nouveau-Brunswick et il y a donc déjà un pipeline qui sert à cette fin. Je n'en connais pas assez sur la mécanique de tout cela, mais je suppose que le gazoduc n'est pas compatible avec ce que vous voulez faire. Mais vous avez déjà décidé, pour l'oléoduc; vous avez déjà tracé le trajet.

M. Lacroix : Je crois que vous parlez du Maritime Northeast qui part de l'île de Sable. Il s'agit d'un gazoduc.

Le sénateur Mercer : Oui, et je comprends que vous avez déjà un trajet. Il me semble qu'avec toutes les autorisations qu'il a fallu obtenir pour placer le gazoduc à cet endroit, il serait un peu plus facile de...

Une voix : TransCanada a un réseau mixte aussi.

M. Lacroix : Tout à fait, 90 000 kilomètres de gazoduc. Comme je le disais, il faudrait que ce projet soit appuyé par la volonté des expéditeurs de transporter du pétrole jusqu'en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mercer : Nous ne parlons pas de le transporter jusqu'en Nouvelle-Écosse pour le raffiner, nous parlons de le transporter jusqu'aux eaux sujettes aux marées, et des eaux qui ne sont pas aussi délicates du point de vue de l'environnement que la baie de Fundy. Nous parlons de nous rendre jusqu'à l'océan Atlantique et d'y arriver dans des conditions sans glace. Je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas étudié cela plus sérieusement.

M. Lacroix : Vous défendez très bien votre position, mais je crains que la demande ne soit déjà devant l'ONE.

Le sénateur Mercer : D'accord. Vous avez parlé du stade embryonnaire du projet. Quand ce stade embryonnaire a-t- il commencé?

M. Lacroix : Je crois que l'idée d'un oléoduc allant d'ouest en est a été évoquée pour la première fois en 2012. Je crois qu'Énergie Est a déposé une description du projet en 2013. Je devrai vérifier la date exacte à laquelle une description du projet a été déposée devant l'ONE, mais notre demande officielle a été produite en octobre 2014.

Le sénateur Mercer : L'entreprise n'a-t-elle pas à un certain moment regardé où se trouvaient les marchés mondiaux et envisagé de quelle manière elle pourrait apporter les produits à ces marchés, et se rendre compte peut-être qu'elle aurait dû y penser avant 2012?

M. Lacroix : C'est une bonne question. Je ne peux pas vous répondre en ce qui a trait à la genèse du projet, mais son gros avantage est le gazoduc sous-utilisé qui se rend de l'Alberta jusqu'à la frontière est de l'Ontario. C'est arrivé en raison du développement des projets gaziers aux États-Unis, le schiste Marcellus et tout ça. C'est un revirement assez récent. Le projet est réalisable sur le plan économique grâce à la conversion d'un gazoduc déjà installé.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de conversion d'un gazoduc. J'ai aussi parlé de convertir un gazoduc existant déjà parce que, d'après nos renseignements, le champ gazier de l'île de Sable s'épuisera très bientôt, certainement d'ici à ce que vous commenciez à pomper du bitume de l'Alberta et de la Saskatchewan. Il me semble qu'il pourrait être d'une utilité cruciale.

Je vais changer de sujet pour un moment et passer à la sécurité. Il s'agit d'un gros oléoduc, qui est long. Les gens s'inquiètent des fuites. À quelle fréquence s'attend-on à des alertes le long du pipeline?

M. Lacroix : À quelle fréquence? Il me faudrait deviner, mais je peux vous parler des méthodes de détection.

Le sénateur Mercer : Lorsque je parle d'alertes, c'est de quelque chose, quelque part dans le réseau qui ferait s'allumer un témoin indiquant que quelque chose ne va pas dans le secteur numéro x. Vous ne savez pas à quelle fréquence cela peut se produire?

M. Lacroix : Je ne ferais que supposer.

Le sénateur Mercer : Il me semble qu'avec la technologie d'aujourd'hui, et tous les systèmes mondiaux de positionnement dont on dispose, qu'un témoin pourrait s'allumer pour indiquer sans délai qu'une fuite a été détectée dans un champ au nord du Nouveau-Brunswick. Il me semble qu'une technologie devrait être en place pour que quelqu'un puisse dire : « Nous avons un problème au nord du Nouveau-Brunswick », et bang, nous fermons le réseau tout de suite.

M. Lacroix : Nous avons un centre de contrôle à Calgary et un centre de contrôle redondant au cas où le premier serait paralysé ou deviendrait inutilisable; il surveille tout notre réseau de pipelines 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

Le sénateur Mercer : Avec quelle rapidité peut-on fermer l'oléoduc? Je suis assis ici. Je suis un technicien assis ici. Il y a un grand tableau de commande devant moi et un témoin rouge s'allume pour indiquer qu'il y a un problème. Combien de temps me faut-il pour fermer l'oléoduc?

M. Lacroix : Le principe de base est que n'importe qui se trouvant dans la salle de contrôle peut le fermer. Personne ne doit trouver un responsable haut placé ou le président de l'entreprise. Ils ont le pouvoir de le fermer. S'ils détectent immédiatement une défaillance importante, ils le fermeront immédiatement.

Le sénateur Mercer : Que signifie « immédiatement »?

M. Lacroix : Eh bien, immédiatement signifie, selon l'endroit où l'incident possible se produirait, qu'on fermerait les vannes. On ne peut pas le fermer comme le tuyau d'arrosage de votre terrain. Ces vannes doivent être fermées dans un ordre séquentiel afin d'isoler la section où s'est produit l'incident. Une personne de l'endroit sera dépêchée immédiatement pour enquêter sur l'incident.

Le sénateur Mercer : Je comprends ce que vous dites, mais je vous conseillerais d'améliorer vos explications. Je vous recommande une description plus précise de ce qui se passe et d'insister sur l'aspect immédiat, parce que c'est ce que les gens veulent savoir.

M. Lacroix : Vous parlez d'un risque possible d'incident, mais, comme je l'ai dit dans mon exposé, TransCanada dépense plus de 1 milliard de dollars par année en maintenance préventive. Nous survolons l'oléoduc toutes les deux semaines. Nous plaçons des JIP, des jauges d'inspection de pipeline, à des intervalles réguliers et on peut en insérer à plusieurs endroits le long du trajet.

Le sénateur Mercer : Utilisez-vous des drones?

M. Lacroix : Je ne sais pas à propos des drones. Je crois qu'il s'agit d'un aéronef piloté. Mais la JIP intelligente est munie de plusieurs capteurs qui voyagent avec le pétrole dans l'oléoduc et peuvent détecter des défectuosités possibles aussi fines qu'un filet dans les tuyaux. Il y a deux fronts. Mais il s'agit d'une surveillance équilibrée de sorte que le volume entre les diverses vannes et stations de pompage est toujours surveillé. Il y a de multiples capteurs qui travaillent à la fois — c'est un peu comme une tour de contrôle, ce centre de Calgary — et si un de ces éléments déclenche un doute chez l'opérateur, il doit immédiatement creuser la question.

M. Matossian : Ce sont des extraits des exposés de nos spécialistes de la détection des fuites, qui sont venus sur place pour les présenter. Selon le mode d'opération de notre oléoduc Keystone, il est souvent fermé. Vous savez, on ferme d'abord et on pose des questions après. S'il y a des anomalies dans le système, il y a une règle des 10 minutes. Vous pouvez fermer l'oléoduc tout de suite; vous n'avez pas à attendre 10 minutes. Mais, après 10 minutes, si vous n'avez toujours pas trouvé sans doute possible la catégorie d'anomalie et sa raison de l'anomalie, on ferme l'oléoduc.

Je n'ai pas les statistiques précises, mais on parle de 50 à 100 fermetures de l'oléoduc par année. Le délai nécessaire à l'arrêt du débit va de 10 à 13 minutes, je crois.

Le sénateur Mercer : C'est une meilleure explication.

Je paraphraserai le premier ministre pour mon dernier commentaire, monsieur le président : nous sommes en 2016 et vous ne parlez pas d'utiliser des drones?

M. Lacroix : Vous voulez dire des drones pour surveiller l'oléoduc sur son trajet?

Le sénateur Mercer : Oui. Il me semble qu'aujourd'hui les enfants du voisinage font voler des drones. Vous avez des lanceurs de base-ball qui perdent un doigt parce qu'ils jouent avec des drones. Il me semble que la technologie est là. Il vous faut travailler à rassurer les Canadiens et à leur montrer que vous maîtrisez la situation en vous modernisant.

J'aurais cru que chaque soudure importante de l'oléoduc serait reliée à une alerte m'avertissant en cas de problème. Vous m'avez dit qu'une alerte sonnerait à Calgary et qu'il existait une règle des 10 minutes. J'aime bien la règle des 10 minutes. J'aimerais avoir une règle des 5 minutes, mais je me rends compte de la difficulté. Vous parlez d'inspection par les airs, mais vous n'utilisez pas l'autre technologie, moins coûteuse, des drones. Je ne suis pas venu pour vous économiser de l'argent, mais les choses pourraient tourner de cette façon. Si vous ne savez pas comment les utiliser vous-même, embauchez un adolescent de 16 ans. Il le fera pour vous.

M. Matossian : J'ai une petite réponse pour vous. J'ai l'avantage d'avoir appris des collègues qui se déplacent avec nous que le système de détection des fuites fait appel à des technologies éprouvées. C'est parce que nous savons qu'elles sont fiables.

Cela étant dit, l'entreprise étudie toutes sortes de nouvelles technologies dans le cadre de son amélioration continue. Je ne sais pas vraiment si les drones en font partie. On les étudie probablement, en même temps qu'un éventail de technologies qui sont des outils d'inspection intérieure, des outils d'inspection aérienne.

Le sénateur Mercer : J'aurais cru que vous saviez cela.

M. Matossian : Je ne suis pas le gars de la R-D; je suis le gars des relations avec les Autochtones.

Le sénateur Mercer : Mais tout le monde dans l'entreprise fait partie de l'équipe des ventes. Vous tentez de vendre le projet aux Canadiens.

M. Matossian : Pour le moment, la méthode la plus sûre et fiable d'inspection aérienne est un aéronef, à notre avis.

Le sénateur Mercer : Merci.

Le vice-président : Sénateur Mockler?

Le sénateur Mockler : J'ai dit, pendant que le grand chef Tremblay était là et faisait son exposé, que je poserais une question à M. Lacroix à la première occasion. Avant de poser cette question, permettez-moi de préciser que je sais pertinemment, et j'en ai été témoin en qualité de parlementaire, que Patrick Lacroix rappelle les gens, que Patrick Lacroix aime parler aux gens et que Patrick Lacroix est un excellent organisateur. Je ne suis pas toujours d'accord avec lui, mais ça ne fait rien.

Pourquoi n'avez-vous pas rappelé le grand chef, et si vous l'avez rappelé, croyez-vous, vous et M. Matossian, que les Premières Nations ont été bien consultées?

M. Lacroix : Je commencerai par dire que ce que le grand chef Tremblay a dit, que nous nous étions rencontrés au cours d'un événement portes ouvertes, est exact, mais je demanderai à Christian d'expliquer notre réponse à M. Tremblay, car nous l'avons effectivement rappelé.

M. Matossian : Je crois qu'il est important de préciser quelques éléments. Notre approche du dialogue avec les Autochtones est de parler directement aux collectivités possédant les droits et de nous fier aux dirigeants élus de ces collectivités pour nous fournir une orientation sur la manière dont le processus de dialogue atteindra les objectifs ou respectera le principe de l'inclusion, sera proactif et éclairant, et permettra d'obtenir des commentaires.

Nous avons, comme je l'ai dit, engagé un dialogue avec 167 collectivités et organisations sur l'ensemble du parcours de l'oléoduc et nous nous fions à elles pour nous dire à quoi doit ressembler ce dialogue. Il prend plusieurs formes. Il y a à travers le pays une diversité de points de vue sur la forme que prend le dialogue. Il y a beaucoup de différences entre les points de vue favorisant la conversion et ceux favorisant la construction, entre les points de vue ruraux, périurbains et urbains. Mais l'important est que le dialogue doit être respectueux et culturellement approprié, et qu'il nous faut une orientation sur la forme qu'il prendra.

Nous avons échangé avec le Grand Conseil wolastoq et j'ai mis en évidence dans ma part de ce dialogue la participation des aînés, ou des chefs traditionnels, au processus de dialogue, par divers moyens tels que la participation aux réunions, des séances d'information communautaire, la participation même à des réunions au sommet où il n'y aurait pas de chef ou de conseiller élu, aux termes de la Loi sur les Indiens, mais auxquelles participeraient des aînés et des dirigeants respectés de la collectivité. Comme je l'ai dit, nous appuyons des études sur le savoir traditionnel ou des études sur l'utilisation traditionnelle des terres et des ressources, et les collectivités établissent elles-mêmes comment elles les mèneront. Ces études font participer les aînés, les utilisateurs des terres et les cueilleurs et ne réunissent pas seulement de l'information à propos de l'endroit où se trouvent ces ressources, sur la façon dont les terres sont utilisées et comment les droits protégés par la constitution sont exercés, mais ont aussi soulevé des questions et des préoccupations relatives au projet. Ces études, ou beaucoup d'entre elles, se poursuivent.

Au Nouveau-Brunswick, nous espérons obtenir bientôt l'étude de la nation malécite. Je sais qu'elle est en cours et je sais qu'elle est très complète. Les Micmacs du Nouveau-Brunswick mènent aussi leurs études et nous sommes en pourparlers avec la Mi'kmaq Rights Initiative de Nouvelle-Écosse, à la suite de leur protocole d'étude sur le savoir écologique des Micmacs. Nous respectons encore là la manière dont ils veulent mener ces activités, et nous discutons avec eux de la manière d'obtenir l'information relative à l'utilisation des terres et des ressources et l'utilisation des ressources marines de la baie de Fundy au profit des Premières Nations de Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mockler : Merci. Je sais que les choses sont parfois difficiles lorsqu'il y a un nouveau processus et je suis satisfait de ce que j'ai entendu. Mais je crois qu'il est important et qu'il relève de vos fonctions d'effectuer un suivi à propos de ce que le sénateur Mercer a dit sur le moment de parler aux gens et de préparer les documents afin de faire avancer les choses et d'en arriver à une décision finale.

Je crois fermement, et vous me direz si je me trompe, qu'il faut prendre des décisions fondées sur des données scientifiques.

En qualité de Canadien de l'Atlantique, j'appuierai tout projet qui améliorera l'avenir économique de notre population. Mais je désire aussi préciser qu'à mon avis, en qualité de sénateur du Nouveau-Brunswick, de faire très attention à ne pas commencer à regarder d'autres régions du Canada atlantique si cela ne fait pas partie de notre ordre de réunion.

[Français]

Lorsqu'on parle de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, ou bien de Canso, il est important de laisser la communauté des affaires prendre ces décisions-là, parce que je ne voudrais pas donner l'impression qu'on recommande d'autres endroits. On a assez de difficulté à mettre en place un mécanisme pour être écouté, alors si on commence à entendre qu'il y a d'autres régions et qu'on ouvre la porte à d'autres régions, on court le risque de se faire dire un jour qu'on ne pourra pas considérer le projet Énergie Est.

[Traduction]

Je souhaite dire à Énergie Est que j'espère que vous laisserez le milieu des affaires décider, mais restez vigilant face aux autres possibilités, et lorsque vous étudierez ces autres possibilités, assurez-vous que des données scientifiques les appuieront afin de protéger notre population.

[Français]

M. Lacroix: Merci pour la question. Non, absolument. Comme on le disait tout à l'heure, il y a eu une période d'ouverture pour permettre aux gens de produire une déclaration d'intérêt.

[Traduction]

Parce que c'est « prendre ou payer », car les gens devaient réserver du volume dans l'oléoduc afin que nous puissions aller de l'avant, et le financement commercial du projet, tel qu'il est défini aujourd'hui, est complètement assuré.

Lorsqu'on parle du milieu des affaires, il y a un grand intérêt, partout au pays, pour le Canada atlantique et pour devenir un fournisseur d'Énergie Est. Énergie Est a, au cours des trois dernières années, déjà investi plus de 42 millions de dollars dans les entreprises du Nouveau-Brunswick, pas seulement dans les entreprises même, mais en effectuant des relevés géologiques, en menant le dialogue, en demandant des traductions. Nous avons déjà investi une somme considérable dans la province.

Nous faisons attention de ne pas en faire trop, trop tôt, mais plus de 300 entreprises se sont déjà inscrites au Nouveau-Brunswick seulement afin d'effectuer des travaux pour Énergie Est, et cela s'ajoute aux entreprises du Québec. Il y a beaucoup d'intérêt à ce que le projet aille de l'avant. Je ne répéterai pas les avantages économiques, je crois qu'ils sont bien connus, et il y a une question que j'ai posée à un autre intervenant plus tôt dans la journée, mais nous avons aussi mis sur pied une initiative de perfectionnement de la main-d'œuvre en collaboration avec tous les syndicats, les collèges communautaires, les collèges privés du Nouveau-Brunswick; en effet, il y a dans l'Ouest du Canada une expertise dans la construction de pipelines, qu'il s'agisse de gazoducs ou d'oléoducs, mais ici, au Nouveau- Brunswick, à part le Maritimes & Northeast et le Brunswick Pipeline, il n'existe pas d'infrastructure d'emploi permanente, stable. Nous avons ouvert un dialogue avec les syndicats dont les membres pourraient travailler au projet et ils sont mobilisés, intéressés, et nous allons continuer pendant que nous passerons par les diverses étapes réglementaires.

Le sénateur Mockler : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue. J'ai plusieurs questions.

La première, est-ce que vous avez pris connaissance du sondage qui a été diffusé dans les médias hier sur l'adhésion des Canadiens au pipeline et sur l'exploitation des ressources naturelles?

M. Lacroix : Je ne suis pas certain de celui-là en particulier, mais il y en a eu plusieurs au cours des six derniers mois. Je sais qu'il y en a eu un qui a été diffusé ce matin par Abacus, je crois, mais je vais vous écouter.

Le sénateur Boisvenu : Non, je voulais savoir si vous en aviez pris connaissance, et le cas échéant, quelle était votre réaction?

M. Matossian : C'était lequel? Abacus?

Le sénateur Boisvenu : Je suis convaincu que vous l'avez suivi.

M. Lacroix : Je pense qu'encore aujourd'hui, il y a eu un sondage au Nouveau-Brunswick qui démontrait un taux d'appui de 70 p. 100 en faveur du projet, qui sondait tous les Néo-Brunswickois. Or, nous avons principalement dirigé nos efforts vers les communautés qui sont potentiellement affectées par le projet, alors c'est encourageant de voir qu'il y a beaucoup d'appui au Nouveau-Brunswick. Ce n'est pas tout le monde qui appuie le projet, et comme mon collègue l'expliquait, nous, notre travail depuis trois ans, c'est de cerner sur le terrain les inquiétudes et les préoccupations d'un propriétaire foncier, d'une communauté, d'un maire, des premiers répondants, et d'y répondre. Comme je vous le disais, on a effectué plus de 700 changements à la route depuis la proposition de 2014, et les chiffres fluctuent à travers le pays, de même que la façon dont la question est posée, mais, depuis, y a eu des sondages en février et mars qui démontraient qu'une majorité de Canadiens était en faveur du projet.

Le sénateur Boisvenu : Je vais vous diriger un peu vers la problématique du Québec, parce que je pense que c'est là où le niveau de résistance sera élevé. Il est sûr que le Québec est encore traumatisé par l'événement de Lac-Mégantic. Il y a une grande confusion entre l'exploitation et le transport de la matière première comme telle. Il n'y a pas beaucoup de politiciens québécois qui sont sortis publiquement pour approuver votre projet. Je dirais même que, à la limite, les signaux que les politiciens québécois lancent, c'est qu'ils ne sont pas très favorables à l'exploitation, car il y a eu un recul en ce qui a trait au golfe Saint-Laurent, un recul concernant les gaz de schiste, et un recul après la tragédie de Lac- Mégantic. Québec revient beaucoup sur l'exploitation. Donc, les signaux qu'il lance à ceux qui s'opposent au pipeline font en sorte que la visibilité est beaucoup plus portée sur ceux qui s'opposent que sur ceux qui sont en faveur.

Lorsqu'on était à Montréal il y a quelques jours, il y a des représentants qui ont fait une critique assez sévère de votre approche au Québec. Je pense au sénateur, mon voisin, qui vous compare un peu à un danseur qui arrive assez tard en soirée et qui, cinq minutes avant la fin de la soirée, invite la plus belle fille à danser, en pensant qu'il n'y a personne d'autre. Les gens comparent un peu votre approche à celle-là, au Québec, dans le sens où il n'y a pas eu beaucoup d'explications qui ont été données sur l'aspect public. Il n'y a pas eu beaucoup de convergence, je ne dirais pas pour déformer, mais pour axer votre travail sur la désinformation qui a été faite. Il y a beaucoup de désinformation qui a été faite par certains groupes environnementalistes, et on se sert beaucoup du projet de pipeline, dans le fond, pour appuyer des objectifs liés davantage à des questions d'exploitation.

Le Québec est quand même au centre de ce projet-là, car, par exemple, ils ont refusé le stockage dans le Bas-Saint- Laurent. La décision a été prise de se tourner vers le Nouveau-Brunswick. Alors, quelle sera votre stratégie pour faire en sorte que les obstacles qu'on risque de rencontrer au Québec soient aplanis?

M. Lacroix : Premièrement, on a un nouveau vice-président au Québec, Louis Bergeron. Il a été responsable de la construction du pipeline Saint-Laurent, donc il a acquis de l'expérience à mener un projet de pipeline de gaz ou de pétrole, à rencontrer les communautés et faire le travail nécessaire sur le terrain. On a encore beaucoup de chemin à faire au Québec, beaucoup de travail et de pain sur la planche, mais la compagnie s'est engagée à s'y mettre et à travailler étroitement avec les parties prenantes et avec les communautés. L'objectif de TransCanada, ce sont les communautés qui sont potentiellement affectées. Je sais que, depuis une bonne année et demie, il y a eu beaucoup de rencontres avec les municipalités, et on continue à faire le travail de fond. Ce n'est pas fini, et on va continuer de s'y mettre. Nous avons donné deux semaines d'audiences ici, au Nouveau-Brunswick, qui se sont bien déroulées, où les intervenants ont eu la chance de poser des questions publiquement. Vraiment, le processus de l'Office national de l'énergie vise à offrir un forum pour ces grandes questions-là et, malheureusement, il a pris fin à la fin août. Cependant, il y a un engagement à faire le travail de fond au Québec pour changer un peu le ton.

Le sénateur Boisvenu : C'est un commentaire que je fais. J'ai comme l'impression que si on n'enlève pas la confusion qui règne entre l'exploitation et le transport, je ne vois pas comment le défi pourra être relevé. Votre travail à vous, c'est de transporter le pétrole, ce n'est pas de l'exploiter.

M. Lacroix : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Je ne pense pas que les exploitants de l'Ouest canadien viendront au Québec expliquer le processus, et on ne voit pas beaucoup de leadership gouvernemental politique au Québec dans ce dossier. Le gouvernement fédéral est assez timide aussi. Donc, on ne sait pas trop qui va attraper la balle au vol pour démystifier les éléments à la fois complexes et erronés de ce projet.

M. Lacroix : C'est une question très valide. Je ne dirais pas qu'il y a une réponse claire et précise à votre question. Il y a beaucoup d'intervenants comme vous le dites, les exploitants des sables bitumineux, mais il y a des exemples de projets qui sont allés de l'avant, comme la ligne 9 d'Enbridge, à Montréal, et le pipeline Saint-Laurent. Donc, de notre côté, nous nous engageons à cerner les questions et les préoccupations et à travailler face à face avec les élus municipaux et avec les citoyens. Nous avons bon espoir que le processus de l'Office national de l'énergie permettra d'entendre autant les inquiétudes que les avantages liés à notre projet, grâce aux données scientifiques probantes, aux analyses d'ingénierie et aux études d'impact environnemental qu'on a faites.

Le sénateur Boisvenu : J'ai une dernière question, mais vous n'êtes pas obligé d'y répondre. Est-ce que vous avez une stratégie particulière en ce qui concerne M. Coderre?

M. Lacroix : C'est la même stratégie que nous avons pour toutes les communautés où le projet est proposé, que ce soit la ville de Saint-Jean, d'Edmundston ou même les plus petites communautés. On veut être présent, on veut avoir une relation ouverte, un engagement et une communication dans les deux sens. C'est comme ça qu'on veut s'y prendre à travers le pays.

Le sénateur Boisvenu : En tout cas, bonne chance.

[Traduction]

Le vice-président : Avant de passer au second tour, j'ai quelques questions que je voudrais vous poser à tous deux.

La première a trait à l'utilisation de l'oléoduc pour le transport du pétrole vers l'est. Vous dites que le pétrole proviendra de deux sources, l'une à Hardisty et l'autre en Saskatchewan, et que la livraison du pétrole se fera aux raffineries du Québec et à une raffinerie du Nouveau-Brunswick. Existe-t-il une possibilité de livrer du pétrole aux raffineries de l'Ontario ou se trouvent-elles trop loin du sentier battu?

M. Lacroix : Je ne sais pas. Notre projet, tel qu'il est, est raccordé à ces trois raffineries.

Le vice-président : À cet égard, et je suis sûr que vous êtes au courant, avec la viscosité différente des différents liquides passant dans l'oléoduc et l'utilisation des JIP, on peut transporter différents types de pétrole dans l'oléoduc. J'avais l'impression, lorsqu'on a annoncé le projet Énergie Est, qu'on parlait d'expédier du bitume à ces raffineries, ce qui exigerait, je crois, leur mise à niveau à un coût considérable. Envisage-t-on d'expédier du brut synthétique, comme du pétrole synthétique, à ces raffineries?

M. Lacroix : Le pétrole voyagera dans l'oléoduc en lots de 300 000 barils, 20 000 barils, 30 000 barils, 50 000 barils et sera de tous les types de pétrole brut produits dans l'Ouest du Canada et le nord des États-Unis; ces lots comprendront du pétrole conventionnel et du bitume dilué.

Le vice-président : Mais le bitume sera-t-il utilisé dans ces raffineries ou sera-t-il seulement destiné à l'exportation?

M. Lacroix : Du fait que j'ai beaucoup participé au dialogue de partenariat avec Irving Oil, j'ai entendu leur réponse à cette question; ils ont la capacité de raffiner tous les types de pétrole brut transporté par Énergie Est, y compris le bitume dilué.

Le vice-président : Savez-vous si des contrats ont déjà été signés, et pour quels volumes, et s'ils auraient été conclus entre TransCanada et ces raffineries pour la livraison de ce produit en particulier?

M. Lacroix : J'aurais espéré qu'ils aient répondu à cette question lorsque vous les avez rencontrés hier, mais Irving Oil a divulgué le volume au cours d'une audience du BAPE au Québec, je crois. Je ne suis pas sûr si je devrais être la personne à vous le divulguer, mais ils ont rendu public le volume du contrat qu'ils ont signé avec TransCanada pour réserver de l'espace dans l'oléoduc.

Le vice-président : Savez-vous s'ils ont signé un contrat à cet effet?

M. Lacroix : Avec Irving Oil?

Le vice-président : Oui.

M. Lacroix : Oui, ils sont un expéditeur sous contrat.

Le vice-président : Bien, d'accord.

Le second tour. Sénateur Mercer?

Le sénateur Mercer : Je veux revenir à mes questions sur la Nouvelle-Écosse. Désolé, je n'ai pas fait le lien au premier tour.

Vous avez mentionné au moins cinq fois la Nouvelle-Écosse cet après-midi. Vous avez dit avoir consulté les peuples autochtones de la Nouvelle-Écosse; vous avez parlé de collectivités de Nouvelle-Écosse. Vous parlez à tous ces Néo- Écossais, mais vous n'avez aucun intérêt pour le détroit de Canso. Je ne comprends pas. Pourquoi parlez-vous à des gens avec qui vous n'êtes pas intéressé à faire affaire et si vous n'êtes pas intéressé à faire passer un oléoduc chez eux? Vous parlez aux Micmacs de Nouvelle-Écosse. Vous parlez à tous ces gens.

M. Lacroix : J'aime votre persistance, mais la question est, je l'ai déjà mentionné, que la baie de Fundy est une baie commune.

Le sénateur Mercer : J'ai dit aux gens, plus tôt, que la baie de Fundy nous appartenait en partie. Ne l'oubliez pas, sénateur Mockler.

M. Lacroix : Notre désir est d'établir un dialogue autant avec les collectivités autochtones que les collectivités non autochtones, avec des collectivités comme Digby, en Nouvelle-Écosse, des groupes de pêcheurs, des associations touristiques et nous avons donc dialogué, sur les deux côtés de la baie, avec des particuliers, des représentants élus, des propriétaires-exploitants pour les mettre au courant du projet. C'est pour cette raison que nous avons établi un dialogue en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mercer : Continuez.

M. Lacroix : Non, je m'arrêterai ici.

Le sénateur Mercer : Je suis du quartier nord de Halifax et cela en prend beaucoup pour me faire renoncer, mais je crois avoir été servi.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président : Je terminerai avec le sénateur Mockler.

Le sénateur Mockler : J'aimerais rappeler à mon ami de la Nouvelle-Écosse que lorsque le pipeline Maritimes & Northeast passait par le Nouveau-Brunswick pour se rendre au marché des États-Unis, les élus du nord du Nouveau- Brunswick ont tout essayé pour avoir une charge minimum justifiant le prolongement, mais les entreprises n'étaient pas présentes pour le justifier. Mais je suis heureux qu'on négocie avec un sens des affaires. Il sera basé dans des collectivités qui sont prêtes, et c'est nécessairement bon pour ce qu'ils font.

J'ai une dernière question. J'ai posé une question sur la réduction du carbone lorsque nous étions en Alberta, mais je ne veux pas parler de réduction du carbone. Vous avez dit, et vous avez raison, que les émissions de CO2 seront réduites par l'utilisation d'oléoducs; c'est un fait. Les pipelines sont toujours le moyen le plus sûr au monde de transporter du pétrole. Mais Ressources naturelles Canada a annoncé le 17 mai dernier les noms de trois personnes qui étudieraient ce qu'on appelle le Projet d'agrandissement du réseau Trans Mountain, ce qu'on appelle un comité d'experts de ministériel. Il a reçu le mandat d'ouvrir un dialogue avec les collectivités et les groupes autochtones locaux et d'examiner la rétroaction du public transmise en ligne.

Avec l'expérience que vous avez accumulée dans l'ensemble du Canada et dans nos provinces, croyez-vous qu'un tel comité, mis sur pied par le gouvernement fédéral, dédoublerait les travaux entrepris par l'Office national de l'énergie, sans parler de Ressources naturelles Canada?

M. Lacroix : C'est une bonne question et je n'en sais pas assez à propos du comité d'experts et du projet que vous avez mentionnés pour risquer une réponse. Il faudrait voir son mandat et je préfère ne pas faire de suppositions sur sa validité.

Le sénateur Mockler : Non, je crois que c'est très raisonnable.

Mon petit commentaire, monsieur le président, est merci beaucoup d'avoir amené le comité au Nouveau-Brunswick et je l'applaudis; merci beaucoup.

Le vice-président : Merci, sénateur Mockler. Je suis heureux d'être ici. J'aimerais remercier nos témoins de leurs exposés.

Nous avons trois autres personnes qui désirent faire des exposés : Gordon Dalzell, Paula Tippett et David Thompson. Nous manquons de temps aujourd'hui. Nous allons organiser une vidéoconférence pour les entendre au cours de notre prochaine réunion, dans une semaine ou à peu près à Ottawa. Nous apprécions leur intérêt et nous nous assurerons de les accueillir.

Honorables sénateurs, nous avons terminé notre audience d'aujourd'hui. Je désire remercier nos témoins de leur participation, de leur contribution à l'étude. Cette journée au Nouveau-Brunswick a été productive. Nous pourrons ramener tous les renseignements recueillis ici afin de produire dans un très proche avenir nos recommandations à l'intention du gouvernement du Canada.

(La séance est levée.)

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