Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 7 - Témoignages du 21 octobre 2016
HALIFAX, le vendredi 21 octobre 2016
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 13 heures, afin d'étudier l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'est du Canada et vers les ports situés sur les côtes atlantique et pacifique du Canada.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, cet après-midi, le comité poursuit son étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'est du Canada et vers les ports situés sur les côtes atlantique et pacifique du Canada.
Je vous présente notre premier témoin de l'après-midi, Stephen Thomas, coordonnateur de l'énergie du Centre d'action écologique.
Veuillez commencer votre déclaration, monsieur Thomas. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.
Stephen Thomas, coordonnateur de l'énergie, Centre d'action écologique : Je suis le coordonnateur de l'énergie du Centre d'action écologique, à Halifax. Je tiens à commencer ma déclaration en exprimant ma reconnaissance et ma gratitude relativement à notre présence sur le territoire micmac de K'jipuktuk ou Halifax. Je tiens à remercier le président, le Comité permanent des transports et des communications et tous les membres du comité de m'avoir invité ici aujourd'hui pour comparaître au nom du Centre d'action écologique et de ses membres.
Depuis 1971, le Centre d'action écologique, ou CAE, s'efforce de rendre la Nouvelle-Écosse et le Canada atlantique plus sains et plus durables. Aujourd'hui, le CAE est l'association écologiste la plus importante du Canada atlantique, avec plus de 5 000 membres, 500 bénévoles, 45 employés et 7 domaines d'action, y compris l'équipe responsable des activités liées à l'énergie, dont je fais partie.
Le CAE travaille en étroite collaboration avec des spécialistes des sciences sociales et naturelles et utilise des analyses stratégiques détaillées pour favoriser une société qui respecte et protège la nature et offre des solutions durables du point de vue environnemental et économique à ses citoyens.
Le CAE et moi participons régulièrement en tant qu'intervenants dans le cadre d'examens de projet et de processus connexes auprès de la Commission des services publics et d'examen de la Nouvelle-Écosse, l'Office national de l'énergie et des commissions d'examen des évaluations environnementales.
Je souligne que, le 9 mars dernier, le Sénat a décidé d'approuver l'étude à laquelle nous participons, ici, aujourd'hui, soit l'étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'est du Canada et vers les ports situés sur les côtes atlantique et pacifique du Canada.
Les activités réalisées dans le cadre de la présente étude coûteront aux Canadiens 354 652 $ tirés du budget approuvé le 12 avril 2016. Le CAE tient à affirmer clairement que, selon nous, nous ne croyons pas qu'il soit vraiment opportun pour le Sénat de dépenser des ressources en vue de l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport, à des fins d'exportation, du pétrole brut vers les raffineries de l'est du Canada et vers les ports situés sur les côtes atlantique et pacifique du Canada ou d'y participer.
Le Centre d'action écologique et ses membres considèrent que cette étude et l'accent mis par le comité vont un peu à l'encontre d'un certain nombre d'initiatives fédérales très médiatisées en cours, y compris le cadre pancanadien en matière de croissance propre et de changements climatiques et, particulièrement, le processus de modernisation de l'Office national de l'énergie. En outre, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles mène actuellement une étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. De plus, mentionnons aussi que, en octobre dernier, la Chambre des communes a voté en faveur de la ratification de l'Accord de Paris et des cibles actuelles et futures du Canada en matière de réduction des gaz à effet de serre dans le cadre du processus de contribution prévue déterminée au niveau national de la CCNUCC. Enfin, fait le plus approprié ou le plus important, j'estime que l'étude est peut-être en conflit avec les résultats de l'examen indépendant réalisé par l'Office national de l'énergie sur les projets d'oléoduc Énergie Est de TransCanada, de ce côté- ci du pays, et Trans Mountain, de la société Kinder Morgan, sur la côte Ouest.
Plus précisément, nous croyons vraiment que ce n'est pas nécessairement le travail du gouvernement fédéral de faciliter l'acceptabilité sociale pour mener des projets d'oléoduc ou tout autre projet. Selon nous, cette acceptabilité sociale peut seulement venir des collectivités, et celles-ci doivent avoir l'occasion d'accepter ou de refuser de l'accorder grâce à un processus réglementaire juste et complet. Ces processus réglementaires doivent permettre aux collectivités et intervenants de choisir et de refuser d'accorder une acceptabilité sociale selon leurs conditions.
À une époque où le gouvernement fédéral mène d'importantes consultations auprès des provinces, des territoires, des Premières Nations, des scientifiques et de nombreux intervenants partout au Canada sur ces enjeux, nous estimons que les travaux du comité sénatorial dans le cadre de la présente étude sont de mauvaise foi et constituent une utilisation contradictoire des ressources par le gouvernement fédéral.
Je n'ignore bien sûr pas la réalité qui nous attend et les défis que représente pour la société canadienne une transition ambitieuse et juste vers une économie décarbonisée. Cependant, je crois que l'heure est venue de le faire, et que nous avons là une occasion de laisser place à l'imagination, de miser sur des recherches et de définir une vision.
Je crois que les Canadiens et les habitants du Canada atlantique en particulier ont des raisons de célébrer les mesures qui ont été prises pour réduire les émissions, pour travailler en collaboration et réimaginer nos économies et pour veiller à ce que nous laissions à nos petits-enfants des collectivités dynamiques et en santé.
Partout au Canada, nous avons aussi conclu de solides traités qui fournissent aux peuples autochtones d'importantes occasions de s'exprimer et des processus consultatifs pour obtenir un consentement libre, préalable et éclairé. Je crains que l'attention consacrée par le comité sénatorial à l'étude actuelle ne compromette les réussites du passé, ne mine les importants processus de consultations menés auprès des Autochtones, et ne brime en quelque sorte l'imagination.
J'aimerais vivre dans un Canada où le Sénat réalise des études visant à soutenir les Canadiens et les Autochtones dans le cadre d'une transition vers une économie décarbonisée fondée sur des principes juridiques. Je sais que, durant une séance précédente, ce matin, les Micmacs de la Nouvelle-Écosse, en particulier des représentants de KMK et de Sipekne'katik ont comparu pour donner leurs points de vue. J'appuie le comité permanent, qui déploie tous les efforts possibles pour consulter les Micmacs de la Nouvelle-Écosse lorsqu'ils étudient des enjeux pouvant avoir un impact sur leurs terres, étendues d'eau et moyens de subsistance traditionnels.
J'ai apporté aujourd'hui un certain nombre de documents à l'appui, et je serai heureux de vous les fournir en référence et de les transmettre au comité, par voie électronique ou en personne. Je suis prêt à écouter les questions et les réponses du comité et des participants réunis ici aujourd'hui. Je serai heureux de poursuivre la discussion sur ce sujet après la séance d'aujourd'hui pour aborder les questions précises énoncées dans le cadre de l'étude que réalise actuellement le Sénat.
Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître et merci de m'avoir accordé de votre temps.
Le sénateur Mercer : C'est habituellement maintenant que je remercie le témoin d'être là, mais je ne suis pas sûr de savoir pourquoi vous êtes ici maintenant que vous nous avez dit que, selon vous, nous ne devrions pas dépenser d'argent. Selon vous, nous ne devrions pas réaliser l'étude, mais vous êtes ici pour nous le dire.
Vous ne comprenez pas la différence entre l'Office national de l'énergie et le Parlement du Canada. L'Office national de l'énergie a un rôle précis à jouer. Le Parlement du Canada, par l'intermédiaire des comités de la Chambre des communes ou du Sénat, peut étudier certains sujets de son choix au nom de ses mandants et au nom des Canadiens.
Je ne vous comprends pas. C'est totalement illogique selon moi. Vous dites que le gouvernement fédéral ne devrait pas aider les entreprises privées à obtenir une acceptabilité sociale. Nous devrions peut-être alors tout simplement fermer nos portes. Cela pourrait être la meilleure recommandation : fermons le Parlement. Mais je souligne : pas d'impôt, comme c'est le cas. Cependant, le Centre d'action écologique n'aura plus de donateurs. Vous savez pourquoi? Tout le monde sera au chômage. Soyons sérieux.
Le travail du gouvernement du Canada, qui réunit la Chambre des communes et le Sénat, c'est de s'assurer que le pays va bien. Comment pouvez-vous vous attendre à ce que le pays aille bien si nous abandonnons l'une des industries précises qui, au cours des dernières années, a été la locomotive de l'économie nationale? Je parle du secteur gazier et pétrolier. Comment cela est-il supposé se produire? Où vous attendez-vous à ce que les gens travaillent? Comment voulez-vous que vos donateurs aient de l'argent à vous donner si on mettait fin à toutes les activités dans le secteur gazier et pétrolier?
M. Thomas : Merci de la question. Si j'ai bien compris, vous me demandez de vous expliquer quelles autres occasions d'emploi nous pouvons saisir dans notre économie autre que le secteur pétrolier et gazier.
Le sénateur Mercer : Non, ce n'est pas du tout ce que je vous demande. Comprenons-nous bien : il y a toutes sortes d'autres occasions. Nous comprenons aussi qu'il serait préférable que nous délaissions les secteurs qui génèrent du carbone.
Cependant, cela ne se fera pas du jour au lendemain. On n'y arrivera pas aujourd'hui, et pas demain. Cependant, d'ici à ce que nous trouvions de meilleures façons de faire les choses, c'est là où nous en sommes. N'est-ce pas le travail du gouvernement du Canada de maximiser une situation économique positive pour ses citoyens? N'est-ce pas là notre travail?
M. Thomas : Absolument.
Le sénateur Mercer : Merci beaucoup.
M. Thomas : Je ne suggère pas d'éliminer le secteur pétrolier et gazier, assurément pas en Alberta ni ici, sur la côte atlantique, ni aujourd'hui, ni demain, mais le niveau de développement dont on parle souvent dans de telles procédures — et c'est un sujet abordé par l'Office national de l'énergie relativement aux deux projets d'oléoduc que j'ai mentionnés, Énergie Est et Trans Mountain, de Kinder Morgan —, on parle d'infrastructures qui nous enferment dans une certaine façon de répondre à nos besoins énergétiques et la façon dont nous serons dépendants de cette industrie dans le cadre de notre économie pendant 30, 40 ou 50 ans. Selon moi, cet horizon est trop long et trop important.
Je ne saurais être plus d'accord avec vous, et j'ai essayé de le dire clairement dans ma déclaration lorsque j'ai précisé que je ne ferme pas les yeux sur le difficile processus qui nous attend. Cela exigera une vision, des recherches et un travail de collaboration pour imaginer une façon différente de faire rouler notre économie. À la lumière de tous les autres processus en cours et compte tenu du discours du gouvernement fédéral sur le besoin de se pencher sérieusement sur la crise climatique et vu l'adoption de l'Accord de Paris, je ne crois pas que le gouvernement fédéral et, dans ce cas- ci, un comité sénatorial dépense des ressources pour essayer de faciliter ou, d'une certaine façon, d'accroître ou de fabriquer une acceptabilité ou un consentement social à l'égard des projets liés aux carburants fossiles et, dans la situation actuelle, à l'égard du transport du pétrole par oléoduc ou par rail.
Je ne vois pas ces deux choses exister dans le même monde ou exister dans le même Canada vers lequel nous nous dirigeons. C'est ce que j'essayais de souligner dans ma déclaration et que je tiens à communiquer dans la conversation que j'aimerais avoir.
Le sénateur Mercer : Dans notre mandat, il est question de trouver une façon de transporter le produit vers les côtes, et nous discutons des oléoducs. Nous n'avons pas beaucoup parlé du transport ferroviaire à part pour rappeler que ce n'est probablement pas une très bonne idée après l'accident de Lac-Mégantic. Selon vous, nous aurons les mains liées pendant 30, 40 ou 50 ans. Je ne sais pas si 30, 40 ou 50 ans seront suffisants parce que la mise au point des solutions de rechange ne s'est pas faite aussi rapidement qu'on l'aurait aimé. Nous sommes tous en faveur de solutions de rechange, mais nous sommes ici, et ce qui nous intéresse c'est ce qui se passe maintenant. La planète dépend du gaz et du pétrole.
Nous possédons les troisièmes réserves mondiales de gaz et de pétrole en importance. Ne devrions-nous pas miser sur ces ressources pour faire travailler les Canadiens, faire entrer des richesses au Canada et en Alberta et en Saskatchewan, afin qu'on puisse payer les paiements de péréquation afin que ceux d'entre nous qui vivent ici, en Nouvelle-Écosse, aient des soins de santé de bonne qualité, un bon système d'éducation, des autoroutes en bon état, de bons transports en commun et toutes les autres choses qui vous viennent à l'esprit et que nous avons en abondance en Nouvelle-Écosse?
M. Thomas : Encore merci. Je ne crois pas être en désaccord avec vous sur ces points. J'apprécie les services sociaux auxquels les Canadiens ont accès et je crois que nous devons continuer à les fournir. Ce que j'essaie peut-être de proposer, ici, aujourd'hui, c'est que nous pouvons avoir un peu plus d'imagination que de simplement dire que le secteur pétrolier et gazier est la seule façon, la façon la plus importante ou une des principales façons de fournir tout cela aux Canadiens.
Je crois que le moment dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire, c'est le moment actuel compte tenu de la crise climatique et de notre compréhension de la signature de l'Accord de Paris et des procédures qui ont mené à cet accord durant la première Conférence des Parties 21 dans le cadre de la CCNUCC.
Vous avez souligné très clairement que le Canada possède les troisièmes réserves mondiales de pétrole en importance. Est-ce que je suis en train de dire que nous ne devrions pas les exploiter pleinement ou que nous ne devrions pas extraire toutes ces ressources? C'est bel et bien ce que je dis, que nous ne devrions pas exploiter pleinement ces ressources.
Le sénateur Mercer : Quelle est la solution de rechange? Supposons que nous disons: « Stephen, c'est une bonne idée ». Nous appelons le premier ministre de l'Alberta demain et le premier ministre de la Saskatchewan et nous leur disons : « Fermez tout. On ferme boutique. »
Quelle est la solution de rechange? Que devons-nous faire? Je ne crois pas que nous réussirons à trouver une seule personne qui vous contredit lorsque vous dites qu'adopter une source d'énergie de rechange qui ne pollue pas et qui n'est pas une cause de réchauffement climatique ne serait pas une bonne chose. Nous sommes tous d'accord, mais ce n'est pas pour demain.
Vous continuez de soutenir les avantages que nous avons, ici, en Nouvelle-Écosse. Je suis un résidant de la Nouvelle- Écosse, mais vous ne me dites pas de quelle façon nous allons payer pour tous ces avantages si nous fermons le secteur gazier et pétrolier. Comment paierons-nous pour tous ces avantages? De quelle façon pourrons-nous payer pour le merveilleux mode de vie que nous avons dans cette province si ce n'est pas avec le gaz et le pétrole?
M. Thomas : Par souci de clarté, je ne suis pas venu ici avec un plan pour notre économie. Je ne possède pas un plan en trois étapes pour nous rendre à destination. Ce que je demande au comité sénatorial, c'est de réfléchir aux autres façons d'arriver à nos fins sans développer le secteur pétrolier et gazier.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, je me suis demandé si les ressources consacrées à l'étude actuelle sont dépensées de la façon la plus opportune ou la plus sage, alors qu'il y a au Canada un secteur de l'électricité renouvelable et de l'énergie renouvelable au Canada qui croît et qui pourrait bénéficier d'un soutien et tirer profit d'une étude sur la meilleure façon d'assurer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. C'est ce que je voulais dire. Nous devons nous réunir et discuter de cette transition plutôt que de discuter de la façon d'exploiter davantage les ressources pétrolières et gazières.
Le sénateur Mercer : J'allais justement me tourner vers vous parce que vous êtes membre du comité de l'énergie.
Le vice-président : Je suis membre du comité de l'énergie et, actuellement, nous étudions la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Ces travaux sont en cours.
Le sénateur Mercer : Merveilleux, nous pouvons faire deux choses à la fois.
Le vice-président : Deux choses à la fois, oui.
Le sénateur Mercer : Imaginez.
Le sénateur Greene : En fait, je ne sais pas si je veux vraiment poser des questions. Premièrement, j'ai aussi été surpris par votre exposé. Vous êtes de toute évidence un idéaliste, et c'est parfait, mais ce que vous nous avez dit n'a aucune portée pratique dans un avenir immédiat. Je partage assurément le sentiment d'indignation du sénateur Mercer. Indignation est peut-être un mot un peu fort.
Le sénateur Mercer : C'est un peu fort.
Le sénateur Greene : C'est fort, oui. Il n'a pas présenté les choses avec une forte indignation, mais on ressentait un tel sentiment dans ses questions et j'éprouve la même chose. Cependant, j'ai deux ou trois questions pour vous, et l'une est très simple. En quoi consiste l'acceptabilité sociale? De quoi s'agit-il? Où puis-je présenter une demande pour l'obtenir?
M. Thomas : Merci de la question. Je crois que c'est le nœud de notre désaccord, ici, aujourd'hui. Même si je voulais être honnête dans ma déclaration préliminaire et que je voulais vous exposer la position du Centre d'action écologique et la mienne dans ce dossier, je ne voulais pas manquer de respect au comité. Je voulais être honnête et vous donner un point de vue qui est peut-être différent de celui à l'origine de l'étude.
En quoi consiste l'acceptabilité sociale et comment peut-on l'obtenir ou de quelle façon le gouvernement peut-il en faciliter l'obtention?
Le sénateur Greene : Oui, et comment peut-on savoir qu'on en a une?
M. Thomas : Je crois qu'on le sait lorsqu'on n'en a pas. Je crois que, dans le cas de l'oléoduc Énergie Est, il est évident que, peut-être, on n'en a pas.
Je crois que l'acceptabilité sociale vient des collectivités. Elle vient des municipalités et des secteurs de la société canadienne. Elle vient des Autochtones, des différentes nations au Canada. Selon moi, par l'intermédiaire de processus réglementaires et consultatifs, les collectivités accordent une acceptabilité sociale si elles ont eu l'occasion de participer aux processus, l'occasion de comprendre le projet et la possibilité de comprendre la façon dont on développera l'économie du Canada et de participer à la prise de décisions.
Le sénateur Greene : Comment sait-on qu'une collectivité accorde son adhésion? Il y a un vote?
M. Thomas : Je suis sûr que c'est différent dans chaque collectivité. Dans le cas de l'Assemblée des Premières Nations au Québec et au Labrador, ces personnes se sont élevées à l'unanimité contre l'oléoduc Énergie Est. De plus, 300 municipalités du Québec, y compris Montréal, se sont opposées à l'oléoduc Énergie Est. Les pêcheurs et les industries côtières le long de la baie de Fundy en Nouvelle-Écosse se sont prononcés publiquement contre l'oléoduc. Je crois que vous commencez à comprendre que ce projet n'obtient peut-être pas l'acceptabilité sociale pour aller de l'avant. Ce n'est assurément pas le cas le long de tous les segments de l'oléoduc des 4 600 kilomètres dans le cas du projet Énergie Est.
Je suis d'accord avec le Sénat et l'Office national de l'énergie : c'est difficile à comprendre exactement. Ce n'est peut- être pas vrai. Lorsqu'on donne l'occasion de le faire, c'est clair lorsqu'un consentement est donné, et, encore une fois, lorsqu'on donne l'occasion de le faire, c'est clair lorsque le consentement n'est pas donné. Je crois que les notions d'acceptabilité sociale et de consentement sont très étroitement liées.
Lorsque je parle de processus réglementaires solides et robustes de l'Office national de l'énergie ou dans le cadre de processus d'évaluation environnementale, il est important de donner l'occasion aux collectivités, municipalités et Premières Nations d'accorder leur consentement ou de ne pas l'accorder.
Le sénateur Greene : Vous dites que l'acceptabilité sociale et le consentement sont des notions liées, mais que ce n'est pas la même chose. Est-ce ce que vous dites? Ces deux notions sont différentes ou est-ce la même chose?
M. Thomas : Je ne sais pas. Vu la façon dont on parle d'acceptabilité sociale au sein du gouvernement et dans le cadre de l'étude, je crois que cette notion est très étroitement liée à celle de consentement et qu'on pourrait les considérer comme une seule et même chose.
Le sénateur Greene : Puisque l'acceptabilité sociale est aussi difficile à quantifier, est-ce vraiment une notion utile?
M. Thomas : Je crois que cela dépeint une situation. Je crois que c'est une notion utile. En général, cette notion permet de déterminer si la société canadienne donne ou non son accord général dans le cadre de projets ou de plans de développement ou au sujet des façons de développer notre économie. C'est une notion utile. Je crois que la notion de consentement est plus utile.
Le sénateur Greene : Dans quelle mesure?
M. Thomas : Parce qu'elle est plus claire, parce qu'elle permet aux collectivités, aux municipalités et aux Premières Nations de s'exprimer.
Le sénateur Greene : Alors, pourquoi n'utilisons-nous pas la mesure de consentement plutôt que celle d'acceptabilité sociale?
M. Thomas : Je crois que ce serait une bonne idée. Je crois que vous pourriez demander aux collectivités, aux Premières Nations et aux municipalités, et ce serait une façon plus directe de faire les choses.
Le sénateur Greene : Je suis d'accord sur ce point.
M. Thomas : Merci.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Sur votre site Internet, vous vous déclarez comme étant le porte-parole des Néo-Écossais en matière d'environnement. C'est juste?
[Traduction]
M. Thomas : Merci de la question. Si j'ai bien compris la question, je ne me considère pas comme le porte-parole de la Nouvelle-Écosse en matière d'environnement. Je suis seulement ici aujourd'hui pour représenter le Centre d'action écologique et ses membres.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Cependant, sur votre site Internet, c'est bien indiqué : le Centre d'action écologique. C'est vous, ça, n'est-ce pas, le porte-parole des Néo-Écossais en matière d'environnement? Est-ce que ça veut dire que la position que vous prenez aujourd'hui représente la position de tous les gens qui travaillent dans le domaine de l'environnement dans votre province?
[Traduction]
M. Thomas : Non. Je ne sais pas exactement d'où vous tirez l'information selon laquelle j'affirme être le porte-parole de tous les Néo-Écossais ou de toutes les personnes qui s'intéressent à l'environnement en Nouvelle-Écosse. Je ne prétends pas représenter tous les citoyens ou tous les points de vue de la Nouvelle-Écosse. Je peux seulement être ici en tant que Stephen Thomas, du Centre d'action écologique.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'essaie de comprendre. Votre position me rend très confus. Est-ce que vous parlez en votre nom personnel ou au nom de votre association?
[Traduction]
M. Thomas : Je suis ici au nom de mon groupe, le Centre d'action écologique.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Donc, je reprends ma question. Si vous parlez au nom de votre groupe, et que votre groupe prétend être le porte-parole des Néo-Écossais en matière d'environnement, est-ce que cela signifie que votre position reflète la position de tous les gens qui travaillent dans le domaine de l'environnement dans votre province? C'est ce que votre site Internet nous dit. J'essaie simplement de comprendre, parce que nous avons entendu un autre groupe environnemental dans une autre province, et sur son site Internet, il y avait des énoncés qui étaient faux. Or, cela ne nous aide pas beaucoup à avoir un dialogue avec les groupes environnementaux.
Ce matin, nous avons accueilli des groupes autochtones, des gens qui ont des revendications tout à fait légitimes, mais qui font preuve d'une certaine ouverture à discuter du dossier. Avec les groupes environnementaux, j'ai toujours eu une approche axée sur le développement durable. Le développement durable signifie un développement économique qui n'est pas sauvage, mais qui tient compte de la préoccupation des groupes environnementaux. Je comprends donc que votre groupe se situe ailleurs, en affirmant qu'il est contre toutes formes d'exploitations. C'est ça?
[Traduction]
M. Thomas : Non, et pardonnez-moi de ne pas savoir exactement d'où vous tirez ces déclarations ou cette idée. Encore une fois, le Centre d'action écologique et moi ne croyons pas que la façon d'éviter la crise climatique, c'est de mettre totalement fin au développement pétrolier et gazier ou à toutes les activités d'extraction aujourd'hui ou demain.
Ce qui me préoccupe, c'est qu'il n'y a aucun plan d'élimination progressive et aucune procédure de gestion du déclin de ces industries. Ce que je vois, ce sont des plans comme ceux proposés ici, aujourd'hui, qui facilitent l'expansion de ces industries et des activités d'extraction de ces ressources. C'est ce avec quoi je suis en désaccord.
Je crois qu'il y a des industries que nous devons soutenir et qu'il y a assurément des travailleurs dans ces industries auxquels nous devons consacrer beaucoup d'attention afin de les soutenir tandis que nous procéderons à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Thomas, est-ce que vous suivez le développement, entre autres, de l'industrie de l'automobile électrique?
[Traduction]
M. Thomas : Oui, je le fais.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Donc, on sait que ce type de véhicule, une automobile complètement électrique, c'est le véhicule de l'avenir. Le président l'a dit tantôt, on fait une étude actuellement sur la transition des véhicules à essence vers les véhicules électriques. Cependant, en étant réaliste, on sait que cette transition ne se fera pas à court terme, elle se fera sur un horizon d'une décennie ou de deux décennies. À l'heure actuelle, moins de 1 p. 100 de l'énergie utilisée par l'être humain est une énergie qu'on appelle verte, soit l'énergie éolienne, solaire ou électrique. Mais l'électricité a un impact sur l'environnement. Vous savez, le Québec a aménagé beaucoup de rivières, et cela a eu un impact sur l'environnement.
Donc, dans la mesure où cette transition est amorcée, est-ce qu'il est possible que des groupes comme le vôtre, qui prennent des positions que je qualifierais de radicales, puissent adopter une approche en matière de développement durable tout en étant conscients que l'énergie pétrolière et gazière peut être utilisée pour développer de nouvelles énergies, mais aussi pour améliorer le sort de certaines communautés? C'est un peu l'exemple qu'on avait ce matin avec les Autochtones, pour lesquels cela peut représenter un outil intéressant de développement social qui pourrait leur permettre d'avoir accès à de l'énergie nouvelle, laquelle sera pas mal plus dispendieuse que l'énergie conventionnelle. On est d'accord à ce sujet? Une auto qui fonctionne au gaz aujourd'hui coûte environ de 10 000 $ à 15 000 $. La voiture électrique se vend 100 000 $. Donc, si votre groupe affirme demain matin qu'il souhaite qu'on mette fin au pétrole, cela aura pour effet d'empêcher une partie de la société à avoir accès à ce qu'on appelle de la nouvelle énergie, à cause des coûts qui y sont liés aujourd'hui. Vous êtes conscient de cela, que vous allez créer une iniquité sociale entre les biens nantis, qui auront accès à cette énergie plus coûteuse, et ceux qui sont moins bien nantis, qui n'y auront pas accès. Donc, vous condamnez à une plus grande pauvreté des gens comme les Autochtones avec qui nous avons discuté ce matin.
[Traduction]
M. Thomas : Eh bien, j'ai l'intention de répondre à votre question de façon respectueuse, mais je crois que vous me faites dire beaucoup de choses, ici, aujourd'hui, et c'est difficile pour moi de savoir où commencer.
Premièrement, rien de ce que j'ai dit ne condamne les Autochtones ou n'importe quel secteur de la société canadienne à un niveau de vie inférieur. Je n'ai pas l'intention de dire une telle chose, et je ne crois vraiment pas l'avoir dit.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ce n'est pas ce que j'ai dit.
[Traduction]
M. Thomas : Pardonnez-moi si c'est une question d'interprétation.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ce que j'ai dit, c'est que, en négligeant immédiatement l'utilisation des ressources conventionnelles, comme énergie —
[Traduction]
M. Thomas : Je n'insiste pas sur l'arrêt immédiat de l'exploitation.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Alors, je m'excuse. C'est ce que je pensais avoir compris.
[Traduction]
M. Thomas : Pardonnez-moi. C'est peut-être une erreur liée aux mots que j'ai utilisés ou une erreur d'interprétation. Je ne voulais pas laisser entendre qu'il faut mettre fin immédiatement à l'exploitation des ressources pétrolières et gazières. Je comprends la situation et je suis favorable à une réduction raisonnable, contrôlée et soutenue au fil du temps des activités d'extraction des ressources pétrolières et gazières d'une façon qui, en fait, soutient les Premières Nations et les Canadiens à faible revenu qui doit faire partie de nos premières considérations au moment de déterminer de quelle façon nous assurerons la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Alors, je vous suis reconnaissant de faire cette nuance. Merci.
[Traduction]
M. Thomas : Toutes mes excuses.
Le vice-président : J'ai quelques questions à vous poser, monsieur Thomas, les raffineries dans l'est du Canada sont actuellement ravitaillées par rail et par navires, des navires transportant le pétrole brut d'endroits comme l'Arabie saoudite. Tous ces navires qui se rendent au Nouveau-Brunswick ou au Québec passent dans les eaux de la Nouvelle- Écosse. Un oléoduc, bien sûr, remplacerait — ou nous donnerait l'occasion de remplacer — tout ce pétrole importé par du pétrole extrait au pays transporté dans un système plus sécuritaire.
Ces raffineries fonctionnent encore. Elles ne vont pas fermer leurs portes au cours des 5, 10, 15 ni même 20 prochaines années. Je suis curieux. Pourquoi croyez-vous qu'il est préférable de faire venir le pétrole par voie maritime d'autres pays et de l'importer par rail d'autres pays comme les États-Unis, alors que nous pourrions fournir du pétrole d'une source plus sécuritaire, plus fiable et probablement moins dispendieuse ici même au pays?
Vous devez accepter la prémisse ou le fait que du pétrole se rend déjà dans ces endroits de façon conventionnelle. Que ce soit par route, train ou navire, les livraisons n'arrêteront pas. Le fait qu'il n'y ait pas d'oléoduc n'empêchera pas l'acheminement de pétrole dans ces installations. Quelle est votre justification?
M. Thomas : Encore une fois, pour être clair, ma principale préoccupation ici, ce n'est pas l'utilisation de ressources pétrolières ou gazières ni même du charbon ou des carburants fossiles. C'est la poursuite et l'augmentation de l'utilisation de ces ressources au-delà de ce que la science décrit comme étant la limite sécuritaire, ce que la science nous dit qu'est notre juste part de cette utilisation limite sécuritaire.
Le vice-président : Avec tout le respect que je vous dois, ce n'est pas un enjeu actuellement. Ces raffineries reçoivent du pétrole de toute façon. Nous cherchons une solution, une solution plus sécuritaire, plus fiable et moins dispendieuse, qui permettrait de créer plus de richesses au pays, richesses qui seraient utilisées pour aider les collectivités et les gens. Le pétrole se rendra dans ces raffineries de toute façon. Il s'y rend déjà actuellement.
M. Thomas : Effectivement.
Le vice-président : Pourquoi refuseriez-vous au pays une méthode meilleure, plus efficiente, plus économique, plus sécuritaire et plus propre de transporter le pétrole vers ces raffineries?
M. Thomas : S'il y avait un projet proposé pour transporter du pétrole brut canadien vers les raffineries canadiennes, surtout ici, sur la côte Atlantique du Canada, je serais en mesure de discuter de ce projet.
Le vice-président : C'est ce que c'est. C'est l'objectif du projet.
M. Thomas : Si on parle précisément de l'oléoduc Énergie Est, plus de 80 p. 100 du bitume dilué qui passe dans cet oléoduc est destiné à l'exportation de brut par la baie de Fundy. C'est ce que je trouve problématique. Mon problème, c'est que 1,1 million de barils par jour faciliteront l'expansion au-delà de la limite que je juge sécuritaire pour les sables bitumineux de l'Alberta.
Le vice-président : Bon, nous allons quelque part. L'une de mes déceptions aujourd'hui en ce qui concerne votre présence, ce n'est pas vos propos politiques au début; nous entendons souvent ce genre de propos de nature politique à Ottawa. Je peux vivre avec cela, mais je suis un conservateur et une des personnes qui sont prêtes à écouter le Centre d'action écologique parce que je crois que vous faites du bon travail.
M. Thomas : Merci.
Le vice-président: J'espérais que vous nous fourniriez une analyse constructive du transport du bitume dans la baie de Fundy et par les oléoducs. J'espérais que le Centre d'action écologique puisse nous fournir un genre d'évaluation générale de l'impact de ces activités, mais vous n'avez rien fait de tel. Vous ne nous avez donné aucune matière à réflexion ni à discussion.
Je crois que c'est une occasion ratée pour vous, vraiment une occasion ratée, parce que nous étions prêts à écouter des arguments raisonnables et bien appuyés. Vous ne vous en êtes même pas approché. En fait, ce n'était même pas sur votre écran radar.
Vous avez parlé d'aider les gens à faible revenu. Saviez-vous qu'en Ontario on a dépensé une fortune pour faire la transition des centrales alimentées au charbon à des centrales au gaz? Ils n'ont pas construit leurs centrales au gaz. Ils ont subventionné l'énergie solaire et éolienne. Et maintenant, le vérificateur général de l'Ontario dit que les consommateurs ontariens ont dépensé 38 milliards de dollars de plus que nécessaire pour leur énergie et que les gens sont vulnérables à la pauvreté énergétique.
Ce que les gens font, les gens à faible revenu, c'est qu'ils se débranchent du système et brûlent du charbon plutôt que d'utiliser de l'électricité pour chauffer leur maison. En quoi est-ce une bonne idée? Pourquoi est-ce que cela fonctionne? Est-ce cela que vous voulez voir? Ce genre de situation existe déjà. Les personnes à faible revenu sont poussées vers la pauvreté énergétique. C'est quelque chose qui se produit partout en Europe. L'Allemagne, qui était avant-gardiste dans le domaine de l'énergie propre, est en train de rouvrir ses usines alimentées au charbon parce que l'énergie éolienne et solaire n'arrive pas à répondre à la demande durant les heures de pointe. Il y a de graves problèmes. Vous ne pouvez tout simplement pas en faire fi.
Comme je l'ai déjà dit, je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous adoptiez une position politique dure sur le sujet, mais j'aurais vraiment aimé que vous utilisiez l'excellente occasion qui s'offre à vous en venant ici pour nous fournir des arguments scientifiques. Vous n'avez pas saisi l'occasion de le faire. Franchement, je suis très déçu en tant que membre du comité et que Néo-Écossais. Il y a beaucoup de pétrole qui est transporté dans nos cours d'eau. Je voulais entendre l'avis du Centre d'action écologique sur cette situation, et vous ne nous avez donné rien sur quoi travailler.
Êtes-vous en désaccord ou en accord avec ce que je dis? Vous ne nous avez rien donné sur quoi travailler. Vous abordez finalement la question de la baie de Fundy et du bitume qui passe par là après que nous vous avons questionné en long et en large.
M. Thomas : Je ne me souviens pas qu'on m'ait posé une question au sujet de la baie de Fundy avant maintenant. Je serai heureux d'en parler.
Le vice-président : Faites-le, s'il vous plaît.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de l'oléoduc qui passe à Saint John, au Nouveau-Brunswick, et le pétrole acheminé qui est ensuite exporté.
M. Thomas : Oui.
Le sénateur Mercer : Actuellement, le seul point à l'ordre du jour public, pas l'ordre du jour du comité, c'est l'exportation du bitume par la baie de Fundy. S'il faut suivre chaque gallon de bitume de Fort McMurray aux rives de la baie de Fundy pour vous, alors nous devrons le faire, mais c'est logique que c'est ce qui allait se produire.
Le vice-président : Nous essayons d'être transparents, ici. Nous tentons d'inviter des gens à nos réunions. Si nous avions peur de parler au Centre d'action écologique, nous ne vous aurions pas invité, ici, aujourd'hui. En fait, je suis l'une des personnes qui s'étaient assurées que vous seriez invité, mais vous avez gâché votre occasion de contribuer de façon utile.
Nous écoutons des gens utiliser toutes sortes d'arguments nébuleux parce que, essentiellement, ils veulent qu'on laisse le pétrole dans le sol. C'est quelque chose qu'on entend tout le temps, et ils utilisent des termes comme l'acceptabilité sociale ou des arguments différents. Le pétrole sera extrait de toute façon. S'il n'est pas transporté par oléoduc, ce sera par navire, ce sera par chemin de fer ou par camion. Actuellement, rien n'empêche les gens de transporter du pétrole grâce à ces trois méthodes au pays et d'une province à l'autre. C'est un fait.
M. Thomas : Encore une fois, s'il y avait un projet proposé sur le transport de ressources canadiennes vers des raffineries canadiennes en vue d'une consommation canadienne, je serais prêt à en discuter. Je ne crois pas que l'oléoduc Énergie Est est ce projet. Je crois qu'il s'agit principalement d'un oléoduc d'exportation et c'est l'une des choses qui me préoccupent le plus. L'ampleur du projet et ses 1,1 million de barils par jour facilite, selon moi, l'expansion de nos activités d'extraction du pétrole et du gaz au-delà des niveaux sécuritaires.
Je serai heureux de vous fournir le cinquième rapport d'évaluation du GIEC qui présente un genre de budget du carbone, si je peux m'exprimer ainsi. Les niveaux de dioxyde de carbone que nous continuons à envoyer dans l'atmosphère avant que nous tous, en tant que communauté mondiale, passions...
Le vice-président : Ce n'est pas un sujet destiné au comité des transports.
M. Thomas : Je crois que vous devriez y réfléchir. Je crois que vous devriez tenir compte des autres processus en cours.
Le vice-président : Non. Le comité de l'énergie est là pour réfléchir à ces choses. Le comité des transports ne se penche pas là-dessus. Ce n'est pas notre mandat. C'est comme si je vous demandais de réfléchir au prix des œufs au pays. Ce n'est pas le mandat du Centre d'action écologique. Ce n'est pas votre mandat, et ce n'est pas le nôtre.
Vous avez été invité aujourd'hui pour parler des enjeux liés directement au transport du pétrole brut par oléoduc et voie maritime. C'est sur ces sujets que nous espérions entendre vos avis éclairés.
M. Thomas : Effectivement. Je considère que mes opinions sont éclairées et fondées sur la science.
Le vice-président : Nous devons les connaître. Vous devez nous fournir des renseignements, non?
M. Thomas : Excellent.
Le vice-président : Plutôt que de formuler des déclarations politiques, vous devez nous fournir des renseignements et des évaluations environnementales et écologiques.
M. Thomas : Peut-être qu'une des frustrations ressenties ici, dans la salle, c'est que je considère cette conversation, le cadre de notre conversation, comme étant très limitée dans la mesure où nous allons accroître l'exploitation des ressources pétrolières et gazières, nous allons accroître l'exploitation des sables bitumineux albertains, et le Sénat du Canada va faciliter tout cela grâce au cadre de la discussion et à ces conversations.
Le vice-président : Encore une fois, nous ne disons pas cela du tout. Vous me mettez des mots dans la bouche. Ce n'est pas ce que nous disons. Nous ne disons pas que nous allons accroître quoi que ce soit.
Nous parlons du pétrole destiné à nos raffineries de l'est. Tout ce pétrole arrive au pays de toute façon dans des navires et par rail. Cette utilisation n'arrêtera pas. Le fait d'empêcher le pétrole des sables bitumineux d'être transporté n'arrêtera pas le transport de pétrole dans le pays ni l'importation de pétrole. Le pétrole arrivera quand même. Apparemment, c'est correct de brûler le pétrole de l'Arabie saoudite, mais ce n'est pas bien de brûler le nôtre. C'est la position dans laquelle vous mettez notre pays.
M. Thomas : Sénateur MacDonald, je considère que c'est la huitième fois, ici, aujourd'hui, qu'on me fait dire des choses, et je ne l'apprécie pas. Je devrais peut-être m'excuser d'avoir commencé tout cela du mauvais pied. Je ne sais pas quoi vous dire.
Je suis d'accord avec vous sur le fait que la conversation n'est pas vraiment constructive en ce moment. J'aimerais continuer, mais je n'aime pas que vous disiez que j'appuie l'importation de pétrole d'ailleurs.
Le vice-président : Vous devez commencer de bonne foi. Lorsque vous venez discuter avec nous, vous devez arriver de bonne foi. Nous acceptions votre présence ici de bonne foi. J'avais vraiment hâte d'entendre ce que vous aviez à dire au sujet de la gestion du bitume qui passe par les oléoducs, qui traverse les collectivités et des cours d'eau. J'avais vraiment hâte d'entendre ce que le Centre d'action écologique avait à dire. C'est tout.
Le sénateur Mercer : Je vais vous poser une question très simple. Nous importons du pétrole d'Arabie saoudite et de certains pays d'Afrique. Je ne crois pas que nous en importons beaucoup du Venezuela de nos jours, mais nous en importons du Nigeria et d'autres endroits dans le monde. C'est ce que nous faisons actuellement.
Un des objectifs de l'oléoduc Énergie Est, c'est de remplacer ces importations. Parlons de cela pour un moment, est- ce une bonne chose?
M. Thomas : Je crois que c'est dangereux de parler de l'oléoduc Énergie Est comme s'il s'agissait d'un oléoduc pour les Canadiens et pour les ressources canadiennes. Je crois que la majeure partie du bitume qui passera dans cet oléoduc sera exportée. Encore une fois, je crois que s'il y avait un projet sur la table concernant l'utilisation des ressources canadiennes, ici, je serais en position d'en parler. Je pourrais même appuyer un tel projet dans une certaine mesure selon ce qui se produirait.
Le sénateur Mercer : Vous convenez avec moi que nous importons du gaz et du pétrole d'autres pays.
M. Thomas : C'est exact, assurément.
Le sénateur Mercer : Assurément.
M. Thomas : Et je conviens...
Le sénateur Mercer : Est-ce une bonne idée d'arrêter de le faire et de remplacer ces ressources par des ressources canadiennes?
M. Thomas : Vous ne serez pas surpris si j'assortis ma réponse de certaines conditions, mais je crois que l'utilisation de pétrole canadien dans les raffineries canadiennes peut être une bonne chose. Je crois que c'est une très bonne chose si cela ne facilite pas une expansion et une dépendance accrues à l'égard de ces ressources.
Je crois avoir tenté d'exprimer clairement que, selon moi, nous devons nous diriger vers une diminution gérée de l'utilisation de ces ressources. Je comprends et j'accepte la réalité que nous utilisons ces ressources actuellement et que nous dépendons de ces ressources. Une très grande partie de notre économie en dépend et un très grand nombre de Canadiens travaillent dans ce secteur.
D'ici à ce que notre économie soit décarbonisée, l'utilisation de ressources canadiennes est une bonne idée. L'utilisation des ressources canadiennes, tout dépendant du projet, est un sujet dont nous pourrions parler.
Selon moi, on ne propose pas ici un projet qui permet une telle situation sans déclencher d'autres alarmes dans mon analyse en ce qui a trait à l'expansion et la dépendance accrues relativement à cette ressource.
Le sénateur Mercer : Vous êtes jeune. Je ne serai pas là pour voir ce jour-là, mais vous serez peut-être encore là lorsque nous abandonnerons l'économie fondée sur le carbone. Vous verrez aussi ce jour-là un chômage massif en Alberta et en Saskatchewan, et ce sera vous, en tant que contribuable de la Nouvelle-Écosse, qui devrez payer des impôts afin de couvrir les paiements de péréquation qui iront de la Nouvelle-Écosse vers l'Alberta.
Nous voulons tous miser sur la diversification. Nous voulons tous nous assurer que les Canadiens sont prospères, mais nous ne pourrons pas le faire en vase clos en faisant fi de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Oui, nous voulons passer au niveau suivant. En même temps, nous avons de très bonnes ressources au pays que le monde veut acheter. Oui, certains de ces acheteurs ne sont pas les plus connus. Nous produisons de l'uranium aussi. Nous savons tous ce à quoi peut servir l'uranium, mais nous procédons à son extraction quand même.
Notre frustration, c'est que nous ne sommes pas contre là où vous voulez en venir. Je crois que nous sommes tout simplement perplexes quant à la façon dont vous voulez nous amener là aussi rapidement et à votre vision de ce qui produira d'ici là. De quelle façon le gouvernement doit-il réagir au chômage massif et à la pauvreté massive à laquelle il faut s'attendre si on en vient là où le Centre d'action écologique veut nous amener et si nous procédons aussi rapidement qu'il le désire?
Si nous le faisons, nous aurons de graves problèmes. Si nous choisissons cette voie, nous aurons de grandes, très grandes difficultés.
Le vice-président : Monsieur Thomas, je vous remercie du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
Honorables sénateurs, je tiens maintenant à accueillir notre prochain témoin, l'honorable Michael Samson, un ami à moi et le ministre de l'Énergie. J'admets que je n'ai jamais voté pour Michael, mais il n'est pas dans ma circonscription. Reste à voir comment se passera sa campagne. Il est accompagné de Kim Himmelman, directrice, Réglementation et politique stratégique. Monsieur le ministre, veuillez présenter votre déclaration préliminaire, puis les sénateurs vous poseront quelques questions.
L'honorable Michel P. Samson, ministre de l'Énergie, ministère de l'Énergie de la Nouvelle-Écosse : Merci beaucoup, monsieur le sénateur MacDonald. Depuis le dernier redécoupage des circonscriptions électorales, je m'approche de plus en plus de votre ville natale. Je me rends maintenant jusqu'à East Bay et jusqu'à Huntington, sur la rue Grand Mira.
Mesdames et messieurs, je vous remercie sincèrement de l'occasion que vous m'offrez de vous rencontrer et de discuter d'un enjeu d'importance nationale et locale. Je suis très heureux d'être accompagné de Kim Himmelman, directrice, Réglementation et politique stratégique, du ministère de l'Énergie, de Michelle Perry, directrice des Communications, et d'Adam Langer, adjoint administratif.
[Français]
Je sais que vous étudiez les aspects entourant le transport du pétrole brut par oléoduc, y compris la façon de partager équitablement les risques et les profits.
[Traduction]
Je crois que la meilleure chose que je peux faire, c'est de parler du transport du pétrole brut vers les points et les raffineries de l'Est canadien. Cependant, j'espère que vous trouverez mes commentaires utiles dans le contexte national.
Le pétrole brut joue un rôle important dans notre vie de tous les jours. On l'utilise pour produire l'électricité qui éclaire nos maisons. Il aide à fabriquer les produits que nous utilisons. Il nous permet de nous déplacer et d'échanger des marchandises librement. Il nous permet de réchauffer nos maisons durant les hivers canadiens. Le pétrole brut est omniprésent dans la vie de la plupart des familles canadiennes.
Ma province est en tête de peloton au Canada en ce qui a trait au passage à des sources d'énergie plus renouvelables. La Nouvelle-Écosse mène au pays en ce qui a trait aux réductions des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons déjà réduit nos émissions totales de près de 30 p. 100 comparativement aux niveaux de 2005.
[Français]
Nous sommes actuellement des chefs de file nationaux en matière d'efficacité, d'énergie renouvelable et de réduction des gaz à effet de serre.
[Traduction]
Nous sommes déterminés à continuer à faire notre part pour nous assurer que les sources d'énergie renouvelable jouent un rôle de plus en plus important dans notre panier d'énergies. Nous vivons aussi dans un monde où la demande énergétique continue d'augmenter. Aujourd'hui, le pétrole est le plus important carburant du monde, et il compte pour environ 33 p. 100 de l'énergie consommée. D'ici 2040, on s'attend à ce que la demande augmente d'environ 32 p. 100. Par conséquent, le besoin en pétrole brut, en plus des énergies renouvelables, continue d'augmenter.
Le Canada est l'un des rares pays qui possèdent les ressources nécessaires pour répondre à la demande. En plus de contribuer à de meilleures perspectives de richesse pour notre région découlant de l'utilisation responsable des ressources naturelles nationales, ce secteur peut nous aider à faire des investissements importants dans les infrastructures dont nous et les autres provinces avons besoin pour poursuivre notre transformation vers un avenir faible en carbone.
Actuellement, ma province peut seulement répondre à ses besoins en pétrole d'une façon. La Nouvelle-Écosse ne possède pas d'infrastructure d'oléoduc. Tout notre pétrole but arrive par l'océan et par pétrolier. Nous sommes donc assujettis aux prix du pétrole à l'échelle mondiale. En 2014, après 95 ans d'exploitation, la raffinerie Imperial Oil, à Dartmouth, a mis fin à ses activités.
[Français]
Depuis plus de 10 ans, la Nouvelle-Écosse compte sur une raffinerie régionale, celle de Saint-Jean, au Nouveau- Brunswick, ce qui présente des défis relativement à la sécurité et à l'approvisionnement.
[Traduction]
La fermeture a fait en sorte que les stocks de notre province étaient beaucoup plus bas. Durant la fin de semaine de la fête du Travail, en 2015, l'approvisionnement local en pétrole brut était si bas que les stations d'essence et les résidents de la Nouvelle-Écosse n'ont pas pu se procurer de l'essence pendant plusieurs jours.
Après une absence de plus de 10 ans, Irving réactive son terminal maritime et son installation de stockage de carburant. De nouveaux oléoducs sont installés afin que le pétrole apporté par navire puisse être transféré dans des réservoirs jusqu'à ce qu'il soit nécessaire. L'ouverture officielle a eu lieu hier, à Woodside. On s'attend à ce que l'ouverture améliore la chaîne d'approvisionnement des produits pétroliers en Nouvelle-Écosse, même si on ne sait pas exactement si elle permettra d'éliminer toute interruption future.
Les terminaux NuStar, à Point Tupper, ma circonscription d'origine, fournissent des services de stockage de pétrole et peuvent charger et décharger des pétroliers. NuStar possède un excellent dossier de sécurité en ce qui a trait au chargement et au déchargement de pétrole sans aucun incident majeur. En fait, de chez moi, à Arichat, sur l'île Madame, je vois des pétroliers presque chaque jour tout juste à l'extérieur du port.
La Nouvelle-Écosse a exposé très clairement sa position au sujet des oléoducs. Nous avons appuyé sans détour Énergie Est malgré le fait que l'oléoduc se terminerait à Saint John. Nous voyons ce projet comme une initiative d'édification de la nation et une bonne nouvelle pour la santé économique de notre région et du pays. Nous croyons à l'importance de la coopération régionale, surtout dans le secteur de l'énergie.
Le Lien maritime sera le plus important ajout à la grille nationale canadienne de la dernière décennie. Il permettra de relier la Nouvelle-Écosse à l'énergie de Muskrat Falls, à Terre-Neuve-et-Labrador, nous donnera accès à plus d'énergie renouvelable, nous aidera à réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre et permettra de stabiliser les coûts d'électricité. Le projet permettra de créer une nouvelle boucle de transmission qui passera par le Canada atlantique et la Nouvelle-Angleterre et offrira de nouvelles occasions d'importation et d'exportation. C'est un excellent exemple de la façon dont la coopération régionale dans ce secteur peut être bénéfique pour tous.
Nous aimerions aussi qu'il y ait des oléoducs en Nouvelle-Écosse.
[Français]
Nous serions heureux de voir des investissements en faveur du prolongement de cette infrastructure jusque dans la région du détroit de Canso, en Nouvelle-Écosse.
[Traduction]
Nous croyons que le pétrole brut peut être transporté de façon sécuritaire et que des règlements stricts sont en place pour que l'on puisse s'assurer que les Canadiens et leur environnement sont bien protégés. Le dossier de Nustar en est un bon exemple. Le marché mondial a besoin des ressources canadiennes, et l'accès à l'océan de la Nouvelle-Écosse est une occasion phénoménale de faciliter les exportations. Nous considérons notre accès à l'océan comme étant un avantage économique naturel et comparatif. Nous reconnaissons aussi que notre marché national est relativement limité. Une augmentation des exportations doit être une partie importante de la création d'un avenir plus brillant pour tous les Néo-Écossais.
[Français]
À cet égard, nous avons des avantages importants. Les ports libres de glace les plus au nord sur la côte Est de l'Amérique du Nord sont en Nouvelle-Écosse et nous sommes en mesure d'y charger le pétrole brut canadien sur de gros pétroliers pour l'exportation. Notre proximité avec les marchés de l'Europe du Nord-Ouest, de l'Est de l'Amérique du Sud et de l'Asie occidentale est utile d'un point de vue stratégique.
[Traduction]
Jusqu'à présent, j'ai surtout parlé du transport du pétrole d'ouest en est. J'aimerais aussi souligner au comité l'occasion stratégique consistant à transporter le pétrole du bassin sédimentaire de l'Ouest canadien, mais aussi le gaz naturel vers l'est du Canada en beaucoup plus grandes quantités que ce n'est le cas actuellement.
La Nouvelle-Écosse possède trois propositions de projet d'exportation de gaz naturel liquéfié. Tous ces projets avancent à bon train dans le cadre du processus d'approbation réglementaire. Si un seul projet va de l'avant, il requerra 800 millions de pieds cubes de gaz naturel chaque jour. On pourrait l'obtenir de l'Ouest canadien. Ce nouveau gaz naturel liquéfié est nécessaire et pourrait fournir des sources d'énergie plus propres dans le Canada atlantique et le reste du monde.
En plus de créer des débouchés vraiment nécessaires dans notre région, cela aiderait aussi l'industrie albertaine du pétrole et du gaz à se rétablir. L'accès à du pétrole et du gaz par oléoduc créerait d'importantes occasions de développement économique, de la construction et de l'entretien de l'oléoduc à l'exploitation des terminaux d'exportation en passant par l'entretien des bâtiments.
Les nouveaux emplois et la nouvelle richesse générés grâce au renforcement de la capacité d'exportation de la Nouvelle-Écosse pourraient avoir un impact transformateur. Cela pourrait aussi aider les producteurs canadiens à obtenir un meilleur prix pour leur produit. La sécurité énergétique accrue aiderait à s'assurer que les pénuries comme celles de 2015 sont des incidents isolés.
Lorsque vous réfléchirez à cet enjeu, j'encourage fortement le comité à prendre en considération non seulement le pétrole, mais aussi le gaz naturel. C'est un levier économique qui constitue une énergie de rechange fiable aux sources d'énergie renouvelable.
Il est très important d'obtenir le soutien des Canadiens relativement au transport sécuritaire de nos ressources. De bons processus réglementaires fondés sur des données scientifiques qui trouvent un juste équilibre entre les différentes valeurs propres à notre société, y compris le respect de notre environnement, un désir d'avoir un travail intéressant et la vigueur économique sont essentiels.
On ne peut pas s'attendre du public qu'il soutienne les projets s'il n'est pas informé de ce qu'ils représenteront ou de la façon dont on respectera nos responsabilités à l'égard de l'environnement et à l'égard les uns des autres. Il faut fournir aux gens les renseignements sur le contexte dans lequel on leur demande de se faire une opinion. Il faut communiquer sans tarder les avantages que ces projets représentent pour les travailleurs, les collectivités et notre pays. Les Canadiens veulent que le développement se fasse dans le respect des droits des personnes touchées et en s'assurant que l'environnement, nos terres et nos cours d'eau sont protégés. Les Canadiens doivent savoir que le cadre réglementaire est solide et sera rigoureusement appliqué. La communication accrue du fait que le Canada fixe la norme industrielle à l'échelle mondiale pour ce qui est des pratiques exemplaires dans le domaine de la réglementation serait utile, et ceux qui ne respectent pas nos normes doivent être tenus responsables.
Pour créer une relation entre l'industrie, le gouvernement et le peuple, il faut non seulement dire les bonnes choses, mais faire les bonnes choses. Comme on dit, c'est au fruit qu'on juge l'arbre. Les mots et les actions doivent être harmonisés. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord avec les mesures prises, nous pouvons savoir que les lois de notre pays et nos responsabilités morales et sociales sont maintenues.
Tous les ordres de gouvernement, l'industrie et les organisations connexes partagent également la responsabilité à l'égard de ce travail. Ce n'est pas un effort qui a un début et une fin clairement définis. Les répercussions des projets liés aux ressources naturelles au pays ont des effets profonds. Lorsqu'un projet échoue à cet égard, on est tous mis dans le même panier, et le lien de confiance est brisé.
[Français]
La cohérence est essentielle, d'où l'importance pour cette industrie et d'autres industries canadiennes d'adopter et d'appliquer les meilleures pratiques pour engager la population.
[Traduction]
Pour ce qui est de la confiance du public à l'égard du processus d'évaluation environnementale fédéral des projets d'oléoduc, il serait opportun d'en accroître l'accessibilité. L'accessibilité n'est pas seulement une question de transparence. Il s'agit de présenter l'information de façon à ce qu'on puisse avoir facilement et rapidement accès aux principaux points, dans un monde où il y a tellement d'information partout. Des initiatives d'éducation, des consultations approfondies et des activités de sensibilisation au sujet des avantages aideront le grand public à prendre une décision éclairée.
[Français]
Pour faire progresser cet important dossier, il faut savoir collaborer et faire preuve de souplesse. Tous les Canadiens touchés doivent aussi y participer activement.
[Traduction]
Tous les gouvernements au Canada ont intérêt à permettre une croissance économique qui trouve un juste équilibre entre l'intendance de notre environnement et les besoins des gens que nous avons le privilège de servir. Il faut réunir les provinces pour discuter des préoccupations communes et régionales et trouver des solutions pour pouvoir enfin aller de l'avant. Il faut aussi déterminer de quelle façon toutes les provinces en profiteront. La façon dont ces avantages se manifesteront peut être différente, mais égale.
Selon nous, les avantages pour les Premières Nations doivent être une priorité. Il est crucial de jeter un nouveau regard sur l'atténuation des préoccupations environnementales sur terre et en mer. L'occasion de participer à une discussion nationale fondée sur des données probantes devrait être créée si nous décidons d'adopter quelque chose de similaire à une stratégie nationale.
[Français]
Merci encore de nous avoir donné l'occasion de vous rencontrer.
[Traduction]
Je suis maintenant prêt à répondre aux questions des sénateurs sur cet enjeu qui, de toute évidence, est important pour nous tous.
Le sénateur Mercer : Premièrement, monsieur le ministre, nous vous remercions d'être là. Avant le début de la réunion, nous avons mentionné avoir passé quelque temps dans votre circonscription, hier. Comme toujours, c'est un plaisir d'être là, à cet endroit superbe comme toujours, surtout à l'automne lorsque les arbres arborent leurs parures automnales.
Bon, vous avez mentionné certaines interactions que vous avez eues avec TransCanada. Vous avez piqué ma curiosité. L'une de mes critiques au sein du comité dans le cadre de notre étude concerne l'arrivée tardive de TransCanada dans la discussion pour parler aux Canadiens, obtenir leur approbation et connaître leur intérêt quant au fait de permettre au projet d'oléoduc d'aller de l'avant. Quelle a été votre réaction à ces réunions avec TransCanada?
M. Samson : Merci de la question. Essentiellement, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, en soutien au terminal NuStar, a formulé la proposition à TransCanada, proposition que j'ai transmise personnellement, que toute quantité de produits raffinés excédentaires à Saint John soit envoyée directement au terminal de NuStar aux fins de stockage et d'expédition à partir de ces installations en raison de sa longue histoire au sein de cette industrie et de son très bon bilan en matière de protection de l'environnement et de sécurité. Selon nous, il s'agissait de l'occasion pour la Nouvelle- Écosse de participer elle aussi au projet.
J'ai dit clairement à ce moment-là que l'analyse de rentabilisation proposée était fondée sur l'hypothèse que l'oléoduc se termine à Saint John. Toute capacité de raffinage excédentaire serait assumée grâce à la construction de nouveaux réservoirs à Saint John où stocker le pétrole avant d'expédier l'excédent.
Évidemment, notre intention en tant que province était de soumettre cette proposition. Au bout du compte, nous convenons qu'une décision d'affaires devait être prise. Lorsque nous sommes partis, la porte n'était pas fermée, mais pour l'instant, cela ne faisait pas partie de l'analyse de rentabilisation proposée par TransCanada.
J'ai aussi eu l'occasion de parler de cette possibilité à mon homologue albertaine pour m'assurer qu'elle savait ce que proposait la Nouvelle-Écosse. Nous voulions aussi dire clairement — par l'intermédiaire du premier ministre et de tous les ministres du Cabinet — que, peu importe si on décidait de prolonger l'oléoduc jusqu'au détroit de Canso ou non, nous allions continuer à vraiment appuyer le projet. Nous avons dit très clairement aux promoteurs, aux Néo-Écossais et aux autres Canadiens que notre province allait soutenir le projet.
Le sénateur Mercer : J'ai deux autres questions. La première concerne l'aspect environnemental. Vous avez parlé du bilan de sécurité environnementale de NuStar. Je veux vous parler de l'environnement dans la baie de Fundy.
Nous sommes passés par le Nouveau-Brunswick plus tôt cette semaine pendant deux ou trois jours. Nous avons discuté avec des gens là-bas. Nous avons pu voir les installations sur place. Nous connaissons aussi bien la géographie de la baie de Fundy et toute la question des marées qui sont les plus fortes du monde et ainsi de suite. Je n'ai pas besoin de vous expliquer les risques : les baleines noires y passent l'été, et leur population est en déclin. Il faut aussi admettre que les changements apportés à la gestion des déplacements des navires qui passent par la baie au cours des quelques dernières années ont eu un impact positif sur la population de ces baleines.
Je considère tout de même qu'il s'agit d'une zone délicate d'un point de vue environnemental en raison des hautes marées, de la situation des baleines noires et des activités de pêche très saines qui ont lieu tant du côté du Nouveau- Brunswick que du côté de la Nouvelle-Écosse de la baie.
J'aimerais connaître votre avis sur l'impact d'un déversement catastrophique de bitume d'un pétrolier sur la nature délicate du point de vue environnemental de la baie de Fundy. En raison de la force des marées, il est probable qu'une assez bonne quantité de bitume sortirait de la baie, et cela deviendrait alors un problème international pour nous, parce que le pétrole se retrouverait probablement sur les côtes américaines. Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet? Là où je veux en venir, c'est que le détroit de Canso est, d'un point de vue environnemental, un endroit beaucoup plus sécuritaire que la baie de Fundy.
M. Samson : Merci de poser la question. Nous sommes bien sûr au fait du débat qui a eu lieu. La situation nous place dans une position difficile, puisque, même si nous avons entendu ces préoccupations, nous sommes aux prises avec les mêmes préoccupations au large de nos côtes. Qu'il s'agisse du programme d'exploration actuel de Shell ou de certains des programmes de forage que réaliseront British Petroleum et Statoil, nous sommes confrontés aux mêmes préoccupations et nous faisons de notre mieux pour les atténuer. C'est difficile pour nous en tant que province, dans l'esprit de coopération régional, de mettre activement en lumière ces préoccupations du Nouveau-Brunswick, alors que nous avons des préoccupations similaires dans différentes parties de la Nouvelle-Écosse aussi.
Encore une fois, notre approche a consisté à dire que nous serions tout à fait favorables à ce que l'oléoduc soit prolongé jusqu'au détroit de Canso. Nous voulons mettre de l'avant cette possibilité sous la forme d'une proposition d'affaires plutôt que d'essayer de faire ombrage à ce que le Nouveau-Brunswick a mis de l'avant relativement au terminal de Saint John.
Le sénateur Mercer : Nous jouons encore aux types gentils. Je suis d'accord avec vous : c'est une décision d'affaires. C'est l'une des forces motrices dans ce dossier. Selon moi, nous pouvons aussi leur faire une bonne proposition commerciale parce que nous avons déjà un gazoduc qui va des gisements de l'île de Sable jusqu'à nos clients dans le nord des États-Unis en longeant le Nouveau-Brunswick.
J'ai l'impression que ce gazoduc a déjà été approuvé. Du point de vue environnemental, on a mis la dernière main à ce projet. Ce serait une façon assez intéressante de procéder pour eux. Je ne connais pas la réglementation précise en Nouvelle-Écosse. Je m'en remets à vous à ce sujet. J'imagine que de nouvelles études ne seraient pas requises si on décidait d'assortir le gazoduc d'un oléoduc le long du même trajet.
M. Samson : Je ne peux pas vous fournir une réponse précise à cette question, mais je sais qu'un des sujets que nous avons soulevés consistait à établir si c'était même possible dans le cadre du projet proposé d'oléoduc Énergie Est. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous ne voulons pas voir seulement du pétrole venir vers l'Est, nous voulons aussi du gaz naturel.
Je crois savoir qu'il y a certaines préoccupations liées au fait de juxtaposer un oléoduc pour le pétrole brut et un gazoduc dans le même corridor. Encore une fois, je ne suis pas un expert en la matière et je ne veux pas vous donner une réponse définitive, mais je sais que, lorsque nous avons proposé qu'il s'agissait d'une option possible et que nous avons demandé si c'était quelque chose qui pouvait être fait, d'importantes préoccupations ont été soulevées quant à savoir si c'était même une possibilité. Je devrai retourner voir mon personnel pour lui demander d'examiner le point précis que vous avez soulevé afin de pouvoir confirmer s'il serait possible ou non de construire deux pipelines de ce genre dans le même corridor.
Le sénateur Mercer : Parce que votre discussion sur les terminaux de gaz naturel concerne davantage le gaz naturel qui vient de l'Ouest canadien plutôt que le gaz naturel venant des champs de l'île de Sable, vu que ceux-ci s'épuiseront bientôt.
M. Samson : Nous nous rendons compte que chaque puits a sa date de péremption. Évidemment, vu les niveaux de production actuels dans le cadre de notre projet sur l'île de Sable, nous savons que la durée de vie de ces puits arrivera à terme à un moment donné. C'est la raison pour laquelle nous cherchons d'autres occasions d'avoir du gaz.
J'ai eu des occasions de parler avec mon homologue de l'Alberta. Le fait est que la Nouvelle-Écosse veut le gaz de l'Alberta. L'Alberta a besoin d'expédier son gaz. Nous voyons là l'occasion de répondre à ses besoins d'expédition de gaz et de combler notre désir d'en recevoir, non seulement pour notre propre utilisation, mais pour saisir des occasions d'exportation sous forme de GNL. C'est la raison pour laquelle nous avons formulé cette proposition. Ce sont des discussions que nous poursuivrons, parce que nos projets de GNL ont besoin d'une source stable de gaz pour être couronnés de succès.
Les promoteurs discutent, non seulement dans l'Ouest canadien, mais aussi avec ceux de la zone schisteuse Marcellus aux États-Unis. Nous menons diverses discussions, mais nous considérons encore que le gaz de l'Ouest est une occasion de répondre aux besoins de l'Alberta, qui doit expédier sa production, et de répondre à nos besoins d'un approvisionnement sécuritaire pour assurer le maintien de l'industrie du GNL dans la province.
Le sénateur Mercer : Ma dernière question concerne la formation. Ce matin, nous avons eu l'occasion de parler au chef régional Morley Googoo au sujet de la participation des Autochtones au processus, et évidemment, des approbations que bon nombre d'entre eux devraient fournir lorsque ces choses traverseront leurs terres.
Qu'en est-il de la formation? Je sais que vous n'êtes pas la ministre des études supérieures, mais vous êtes son collègue. C'était très intéressant. Le chef aimait l'idée de faire participer le collège communautaire afin de préparer — si jamais on finit par aller de l'avant — un processus de formation à l'intention des jeunes hommes et femmes autochtones afin qu'ils puissent être formés de façon à pouvoir participer aux travaux de construction de tout ce qu'il faudra construire et pour en assurer la gestion.
Je vous encouragerais peut-être à essayer de parler à la ministre Regan et à l'encourager à s'intéresser à cette question. Même si ce n'est pas dans l'immédiat, c'est quelque chose qu'ils devraient songer à faire, car, comme le chef Googoo l'a mentionné ce matin, c'est quelque chose qui les intéresse.
J'utilise toujours comme point de référence le moment où le gouvernement fédéral a annoncé le contrat de construction navale octroyé à Irving Shipbuilding à Halifax. Nous savons tous que le Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse se mettait à adapter certains de ses programmes aux besoins dans les 24 à 48 heures qui ont suivi. Le Collège communautaire est en mesure de faire cela, mais nous devons pouvoir nous assurer que l'idée a été portée à leur attention.
M. Samson : Je comprends certainement cela. Je suis heureux que le chef Googoo soit venu vous parler ce matin. Je connais le chef Googoo depuis nombre d'années, depuis l'époque où il était chef à Waycobah, au Cap-Breton, et j'ai eu la possibilité de travailler avec lui sur de nombreux dossiers.
Certes, notre gouvernement est doté d'un mécanisme permettant des négociations très fructueuses et respectueuses avec les 13 communautés des Premières Nations dans notre province, à savoir l'initiative KMK, qui fonctionne bien. En même temps, nous sommes très fiers du fait que la démarche consiste non seulement à respecter les droits de nos communautés des Premières Nations, mais aussi à les mobiliser, à permettre que la formation soit dispensée et à veiller à ce qu'elles participent activement, ce qui est d'une importance vitale pour nous.
J'ai eu l'occasion, en janvier, d'aller visiter le Stena IceMAX, le navire qui fait du forage pour Shell au large de nos côtes. J'étais extrêmement heureux de voir que l'entreprise chargée des services d'alimentation à bord du navire appartient en partie à une communauté des Premières Nations. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de rencontrer une dame de la nation Potlotek — qui se trouve dans ma circonscription — qui travaillait ce jour-là. Quelques autres employés étaient issus de Premières Nations du Cap-Breton. Il était fantastique de voir qu'au-delà du respect des droits, il y avait aussi des retombées économiques.
Je vais certainement faire suivre ces commentaires. Nous demeurons très optimistes à l'égard de la croissance de l'exploitation au large de nos côtes, laquelle exigera qu'on offre beaucoup de formation. Nous voyons certainement une synergie prendre forme. Bien entendu, nous voulons nous assurer que les gens sont formés et qu'ils sont prêts à répondre aux besoins en main-d'œuvre. Il est assurément essentiel que nos Premières Nations fassent partie de cela.
Voici un fait que les gens ne connaissent peut-être pas : en Nouvelle-Écosse, la croissance démographique la plus rapide a lieu dans nos communautés des Premières Nations. C'est pour nous l'occasion de travailler en étroite collaboration avec nos communautés des Premières Nations afin de veiller à ce que leurs membres possèdent la formation voulue pour tirer parti des débouchés dans notre province. La croissance qui a lieu est très porteuse, comme nous comme pour les communautés des Premières Nations.
Le sénateur Greene : Merci beaucoup, et merci aussi de cette excellente déclaration préliminaire. J'espère que le prochain témoin sera aussi bon que vous. Trop souvent dans le passé, les intervenants de la région de l'Atlantique ou des Maritimes en particulier n'ont pas su tirer parti d'occasions qui se présentent parce qu'ils ne s'entendaient pas. Bien souvent, ils se sont disputés, de sorte que personne n'a tiré parti de l'occasion.
J'étais très content d'entendre votre position relativement à la possibilité d'inclure le détroit de Canso. Quoi qu'il en soit, vous appuyez l'option du Nouveau-Brunswick, Saint John. Je crois que c'était excellent. Je vous félicite, et je félicite votre gouvernement pour cela.
Ma question est totalement différente, par contre. Il y a un terme que nous entendons à l'occasion et qui est mis de l'avant par différents groupes. Vous êtes le premier politicien auquel je peux poser la question ici. Est-ce que le terme « acceptabilité sociale » vous dit quelque chose? Si oui, que veut-il dire?
M. Samson : Il me dit certainement quelque chose. En tant que gouvernement, il faut être convaincu que le cadre réglementaire en place, en plus de permettre aux entreprises et aux entrepreneurs de connaître les règles du jeu, permet aussi à la collectivité dans son ensemble de comprendre quelles sont les règles du jeu. Les problèmes surviennent lorsque la confusion règne ou lorsqu'il n'y a pas de règles dignes de ce nom.
Le gouvernement provincial a travaillé très dur. En effet, nous pouvons compter sur une fonction publique très dévouée qui fait de son mieux pour régler tout enjeu. Nous avons vu des mégaprojets être lancés en Nouvelle-Écosse, et même des projets plus modestes. Le cadre réglementaire est là. Quoi qu'il en soit, lorsqu'on parle d'acceptabilité sociale, on doit comprendre qu'on n'obtiendra jamais un appui total.
Nous voyons cela à l'égard d'un certain nombre de projets qui ont lieu dans notre province actuellement. À un moment donné, il faut voir si les règles du jeu ont été suivies. Est-ce que les règles étaient claires pour tout le monde? Est-ce que tout le monde a eu vraiment l'occasion de participer au débat et aux discussions entourant le projet? Est-ce que tout le monde a reçu en temps opportun une réponse aux questions posées aux personnes ou aux organisations concernées? Le gouvernement doit prendre une décision.
Le sénateur Greene : D'accord.
M. Samson : L'acceptabilité sociale repose sur la combinaison de trois choses : il faut s'assurer que des règles sont en place et que les gens ont eu la possibilité de participer au processus, puis vous devez prendre une décision définitive.
J'ai eu l'occasion, en tant que ministre, de participer à quelques dossiers où, au bout du compte, il fallait qu'une décision soit prise. J'étais convaincu que les mesures qui s'imposaient avaient été prises. Des possibilités adéquates d'obtenir des réponses avaient été offertes. Au final, une décision doit être prise, et je suis toujours d'avis que mes décisions à l'égard de ces projets étaient bonnes.
Certains des projets font l'objet de contestations devant les tribunaux, alors que d'autres se poursuivent. On n'obtiendra jamais un appui total, mais la question qu'il faut se poser est la suivante : est-ce que le cadre permettant à cela de se faire était en place, et est-ce que le processus a été mené selon les règles de l'art? Si le gouvernement provincial, dans ce cas, et les municipalités jugent que les règles sont clairement en place et que le public a eu la possibilité de participer au processus, alors, au bout du compte, une décision devra être prise, d'une manière ou d'une autre.
Le sénateur Greene : Fantastique, j'aime cette réponse également. Nous prenons tout cela en note. Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, bonjour. Effectivement, j'apprécie beaucoup mon voyage dans votre magnifique province. J'aurais deux questions à vous poser. Ma première question, si j'ai bien compris votre présentation, c'est que la province de Nouvelle-Écosse est satisfaite du trajet proposé par Énergie Est, avec un point final au Nouveau-Brunswick sans extension en Nouvelle-Écosse. Est-ce bien cela?
M. Samson : La proposition que la Nouvelle-Écosse a présentée à TransCanada et au gouvernement de l'Alberta suggérait que, au lieu de s'arrêter à Saint-Jean — pour une capacité supplémentaire, chaque jour —, la ligne pourrait être prolongée jusqu'au port de Canso, où il y a déjà le terminal de NuStar. On leur a proposé cela, puisque c'est une entreprise qui est là depuis des années et que leur bilan en matière de protection de l'environnement et de sécurité est bien connu. Mais pour nous, à la fin de la journée, il s'agissait de leur proposer un plan d'affaires qui était dans leur meilleur intérêt, soit de prolonger la ligne jusque chez nous, au cap Breton. Comme ça a été indiqué à un moment donné, dans leur plan d'affaires, que le trajet allait s'arrêter à Saint-Jean, nous avons indiqué très clairement que, même avec ce trajet, nous envisagions le projet comme un projet national. C'était un projet qui allait entraîner des retombées économiques pour notre province, même si le travail se faisait à Saint-Jean et dans d'autres parties du pays.
En même temps, c'était un projet qui allait nous assurer la sécurité d'accès au pétrole, en Nouvelle-Écosse. Voilà pourquoi nous avons fait la proposition. À un moment donné, ils nous ont répondu que ce tracé ne faisait pas partie de leur plan d'affaires. On avait donc deux choix. Comme province, on aurait pu décider, dans les circonstances, de ne pas appuyer le projet. Pour nous, c'était davantage une question nationale, une question régionale, et c'est pour cette raison que notre province a indiqué que, même si le tracé s'arrêtait à Saint-Jean, nous envisagions tout de même les avantages de ce projet et que nous l'appuyions entièrement.
Le sénateur Boisvenu : Nous avons visité NuStar hier, je crois. Je pense que la province doit être très fière de cette entreprise, pas uniquement sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan social et sur le plan de l'engagement de la communauté. Je pense que c'est un modèle d'entreprise, alors je tenais à vous le dire. Ça a été une très belle visite.
L'autre question que je voudrais vous poser — et je ne veux pas vous mettre dans l'eau chaude, monsieur le ministre — concerne l'Office national de l'énergie, qui va reprendre bientôt ses audiences. Il y a quatre nouveaux commissaires qui ont été nommés hier. Je sais aussi que vous avez des réunions avec vos collègues ministres de l'Énergie des autres provinces, une ou deux fois par année. J'imagine que le sujet de l'oléoduc est au centre de vos discussions.
M. Samson : Oui.
Le sénateur Boisvenu : La résistance la plus évidente actuellement se manifeste au Québec. On l'a vu hier, à Gatineau, où le Conseil municipal a voté une proposition qui refuse le tracé ou le projet dans sa forme actuelle. Est-ce que vous pensez que vous pourriez avoir un rôle politique à jouer pour faire avancer l'acceptation sociale du projet au Québec?
M. Samson : C'est une très bonne question. Quand nous avons des réunions de ministres, je pense que c'est l'occasion pour la Nouvelle-Écosse ou pour moi-même, comme ministre — et même pour le premier ministre de la province, dans le cadre des réunions des premiers ministres du pays —, de communiquer le message, que j'ai entendu à plusieurs reprises au Québec, de la façon dont le Québec peut profiter du passage de cette ligne sur son territoire, puisque la ligne passe plus par Montréal, comme il avait été prévu.
Maintenant, pourquoi devrait-on approuver le projet? Je pense que l'exemple de la Nouvelle-Écosse est un bon exemple. Bien entendu, nous aurions voulu que la ligne se rendre jusqu'à nous, mais ce n'est pas le plan en ce moment. Nous voyons toujours comment le projet va profiter au pays. L'Alberta a besoin d'acheminer son pétrole, elle a besoin de nouveaux marchés, et ça profite à une autre province; l'Alberta et la Nouvelle-Écosse.
Hier, quand j'ai participé à l'ouverture du nouveau quai, le terminal d'Irving, M. Irving nous a parlé d'une période de construction de six semaines pour la raffinerie. Il y avait 27 000 personnes, soit 27 000 ouvriers. Monsieur le sénateur, je peux vous assurer que sur les 27 000 ouvriers, il y en avait beaucoup de la Nouvelle-Écosse. Il y en avait beaucoup de chez nous, du cap Breton. Je connais des ouvriers de chez nous qui ont fait leur vie chez Irving, à Saint- Jean. Alors, nous percevons les aspects économiques de ce projet-là, et c'est ce même message que nous communiquons au Québec.
Sur un autre sujet, lorsque vous nous demandez quel rôle nous pouvons jouer pour favoriser ce dossier, j'ai parlé plus tôt du projet Maritime Link, qui va permettre à la ligne de passer de Terre-Neuve jusqu'au cap Breton, pour le projet de Muskrat Falls. De notre côté, nous voyons l'occasion d'avoir un système de transmission de l'hydroélectricité dans l'Est du Canada, au Québec et dans toutes les provinces de l'Atlantique, non seulement à travers toutes nos provinces, mais aussi jusqu'en Nouvelle-Angleterre. Il s'agit de discussions et d'un type de coopération qui n'ont jamais eu lieu auparavant.
Pour la Nouvelle-Écosse, lors de la dernière réunion des ministres, j'en ai fait la proposition et, comme on sait, il y a des politiques qui sont parfois difficiles entre Terre-Neuve-et-Labrador et le Québec. Mais, je pense que la Nouvelle- Écosse a un rôle à jouer, parce qu'elle n'a jamais fait partie de ces discussions-là et des anciennes guerres qui ont eu lieu. C'est donc le temps de travailler ensemble. Ce projet nous sera profitable, il sera profitable au Québec, à Terre- Neuve-et-Labrador, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard.
En outre, il ne s'agit pas seulement de l'aspect économique, mais aussi de la protection de l'environnement. En effet, en Nouvelle-Écosse, nous sommes trop dépendants du charbon. Nous avons encore des usines à charbon, et le charbon est la source d'électricité la plus importante en Nouvelle-Écosse. Alors, il sera profitable pour nous et pour toute la région d'avoir accès à de l'hydroélectricité et à de l'énergie renouvelable dans notre province. Alors, je serai très heureux de rencontrer mes collègues du Québec pour leur transmettre le message que nous avons une décision à prendre en Nouvelle-Écosse : soit celle de garder ce qui profite à la Nouvelle-Écosse, ou celle de participer à un projet qui sera bon pour la région et pour le pays. C'est donc pour cette raison que nous avons pris la décision d'appuyer pleinement ce projet.
Le sénateur Boisvenu : Merci, et bravo pour votre français!
M. Samson : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le vice-président : Avant de passer à la deuxième série d'interventions, j'aimerais vous poser quelques questions afin d'obtenir des éclaircissements.
Je tiens à dire, aux fins du compte rendu, que nous appuyons bien sûr le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et ses efforts pour renforcer notre appui de principe au projet de pipeline. Nous savons qu'il est important pour le pays, pour la création de richesses et pour la production de recettes nous permettant de répondre aux besoins de notre société. Tout comme vous, nous voulons être en mesure de maximiser les retombées éventuelles pour notre propre province.
Je suis heureux de savoir que vous avez approché le gouvernement de l'Alberta ainsi que TransCanada directement au sujet de la disponibilité de Point Tupper. Le plan d'affaires initial prévoyait l'établissement de deux terminaux : un à Cacouna, au Québec, tout près de Québec, sur le fleuve Saint-Laurent, et un autre à Saint John. On exporterait ou on déplacerait les mêmes volumes, sauf que le projet de terminal au Québec a été abandonné.
Je suis curieux. Lorsque vous avez parlé au ministre de l'Énergie, au gouvernement de l'Alberta et à TransCanada, est-ce avant ou après l'annonce de l'abandon du projet d'aménagement d'installations d'exportation au Québec?
M. Samson : Merci de poser la question. Je devrais corriger quelque chose. Je crois avoir mentionné dans ma dernière réponse que le pipeline s'arrêterait à Montréal. Vous avez raison : il s'agissait de Québec et non de Montréal. C'était après l'annonce de cette décision, et c'est pourquoi nous estimions pouvoir offrir cette capacité supplémentaire.
À la lumière de ce que nous avions vu du projet, nous savions que la raffinerie à Saint John possède une capacité quotidienne maximale inférieure à celle du pipeline. Il s'agissait de déterminer ce qu'il adviendrait de l'excédent, car il y a une limite au nombre de barils qu'une raffinerie peut traiter dans une journée.
C'est à ce moment-là que nous avons vu, tout comme NuStar, la possibilité d'étendre le pipeline jusqu'à Point Tupper au lieu de construire de coûteux réservoirs afin d'entreposer le pétrole jusqu'à ce qu'il soit expédié ou raffiné.
Notre approche reposait sur des considérations liées aux affaires et aux retombées économiques. Au final, TransCanada est une société privée, et elle doit forcément prendre une décision optimale sur le plan financier.
Nous sommes bien sûr conscients de certaines des préoccupations soulevées par le sénateur Mercer au sujet de l'accroissement des activités de navigation dans la baie de Fundy. C'était pour nous l'occasion de promouvoir le bilan en matière de sécurité ainsi que les antécédents du détroit de Canso et de l'installation de NuStar. Nous voulions faire savoir ces choses afin qu'une décision d'affaires puisse être prise. Nous n'allions pas reprendre nos billes si notre proposition n'était pas retenue.
Pour nous, il s'agissait de décider ce qui sert l'intérêt supérieur de la région et ce qui sert l'intérêt supérieur du pays. Le message que j'ai laissé était que l'offre était lancée : vous me dites aujourd'hui que cela ne fait pas partie de votre plan d'affaires actuel, mais mon message à vous est que l'offre est toujours là. Notre gouvernement serait d'accord s'il était décidé à un moment donné qu'il est dans notre intérêt supérieur de peut-être envoyer cela à l'installation de NuStar, dans le détroit de Canso. L'offre est lancée, et nous serons certainement disposés à travailler avec eux s'ils décident d'en tirer parti.
Le vice-président : J'ai une autre question. Elle porte sur quelque chose que vous avez dit plus tôt, en réponse aux questions du sénateur Mercer. Vous avez parlé, à juste titre, de la gestion des préoccupations éventuelles de la communauté internationale à l'égard des déversements de pétrole. Nous avons de telles préoccupations concernant l'exploitation qui se fait au large de l'île de Sable. Il est tout à fait juste de dire cela, mais il est juste également d'affirmer que, lorsqu'on expose l'île de Sable à des risques, cela n'affecte que la zone extracôtière de notre province. Dès qu'un projet de ce genre est lancé — disons — par nos voisins de la province du Nouveau-Brunswick, dans la baie de Fundy, cela nous expose automatiquement à un risque. Nous devons composer avec des risques, mais nos décisions ne leur font pas courir les mêmes risques.
Nous avons le témoignage du directeur général de l'Administration de pilotage de l'Atlantique. Nous avons passé en revue les volumes de navires pétroliers fréquentant les divers ports de l'est du Canada. L'an dernier, le détroit de Canso a reçu 330 pétroliers, et Saint John a traité presque quatre fois ce nombre, soit plus de 1 100.
Vous vous rappellerez qu'il y avait beaucoup plus de pétroliers dans le détroit de Canso il y a plusieurs années. N'y aurait-il pas un argument environnemental à exposer relativement à la gestion du risque, au lieu de doubler le nombre de pétroliers dans la baie de Fundy? Il y a un solide argument écologique à présenter pour ce qui est de déplacer une partie de l'activité liée aux navires pétroliers à Point Tupper et de donner à la province l'occasion de gérer le risque global.
M. Samson : Ma réponse à cette question est que nous avons soulevé délicatement cette question, mais que, au bout du compte, encore une fois, nous comprenons qu'une décision d'affaires doit être prise. Il faut que les chiffres soient concluants. Nous ne pensions pas qu'il était judicieux d'essayer de promouvoir la Nouvelle-Écosse aux dépens du Nouveau-Brunswick ou de créer de la peur pour le bien de notre province.
Nous faisons face aux mêmes questions lorsque nous tentons de gérer l'exploitation au large de nos côtes. Des activités de forage seront menées sur certaines des parcelles à l'égard desquelles des soumissions ont été présentées. Certains avancent que si le pire arrivait, les répercussions pourraient affecter d'autres administrations également. Il est difficile pour nous de promouvoir notre exploitation hauturière comme étant très sécuritaire et écologique, puis de signaler à une autre province que nous avons des préoccupations et qu'elle doit prendre des mesures à l'égard d'un risque accru.
Tout moment où des produits pétroliers sont transportés au large de nos côtes est source de préoccupations. Nous voulons veiller à ce que des mécanismes de sécurité soient en place et à ce que les risques soient réduits. Dans le cas qui nous occupe, il est certain que cela doit reposer sur une décision d'affaires éclairée.
C'est pourquoi nous avons mis nos atouts en valeur. Nous continuons de dire clairement au gouvernement de l'Alberta et à TransCanada que la possibilité est toujours là. Je demeure optimiste quant à la possibilité de voir un jour cette activité arriver au détroit de Canso, mais c'est à eux qu'il revient de décider.
Le vice-président : Nous parlons de l'exportation de pétrole, mais, bien entendu, nous importons beaucoup de pétrole également. J'aimerais souligner à mes collègues qu'on ne peut importer du pétrole vers des raffineries du Nouveau-Brunswick sans passer par nos eaux.
Nous observons qu'il y a de la résistance à certains endroits au Québec. Est-ce que le gouvernement de la Nouvelle- Écosse s'est adressé au gouvernement du Québec ou aux parties préoccupées au Québec pour leur faire savoir que nous gérons actuellement le risque en leur nom afin de fournir du pétrole à leurs raffineries?
M. Samson : C'est un argument très intéressant. À la lumière de certains des points soulevés par le sénateur Boisvenu, je crois que c'est une occasion qui se présente à nous. J'entends certainement le message que vous me transmettez aujourd'hui. Nous allons assurément parler de cela à notre premier ministre et à nos collègues pour voir si la région de l'Atlantique — pas seulement la Nouvelle-Écosse, mais ses autres collègues provinciaux également — pourrait jouer un rôle plus actif et faire part de ses observations au Québec sur cet enjeu.
J'étais à l'ouverture du terminal hier, et j'ai parlé au capitaine de l'un des navires pétroliers qui s'y trouvaient. Ils quittent Saint John, puis se rendent à Halifax, et passent par l'Île-du-Prince-Édouard et par Terre-Neuve pour finalement remonter le fleuve Saint-Laurent, jusqu'à Québec, pendant toute l'année. Il n'est pas toujours facile de naviguer sur le Saint-Laurent, à cause de la glace, vu le type de produits qu'ils transportent, mais ils sont en mesure de le faire. J'ai certainement entendu la proposition que vous faites, et je pense qu'il y a une possibilité.
Comme je l'ai mentionné, nous tenons assurément ce genre de discussions en ce qui concerne le circuit de transport d'électricité, l'hydroélectricité et l'énergie renouvelable. Nous avons commencé des discussions. Nous avons soulevé cette question auprès du gouvernement fédéral, et il s'est montré très intéressé à voir comment nous pourrions réaliser cela. Certes, le gouvernement fédéral voit l'avantage d'une telle chose, non seulement du point de vue économique, mais aussi du point de vue de la réduction des gaz à effet de serre et de notre accès accru à une énergie renouvelable.
À cet égard, il y a possibilité de présenter des observations au gouvernement de l'Alberta et aux municipalités touchées afin qu'ils comprennent comment nous avons réussi à faire cela. Il y a un risque. Ce n'est pas toujours à l'avantage de notre province, mais nous comprenons que le risque est parfois pris pour le bien d'autres provinces. Nous faisons cela. Nous acceptons cela. Nous jugeons que cela fait partie de notre devoir d'assurer l'approvisionnement en pétrole des autres régions autour de nous.
Le vice-président : J'ai une dernière question avant que nous passions au deuxième tour. J'ai insisté pour dire cela clairement à nos collègues de l'ouest du Canada lorsque nous avons tenu nos séances là-bas. Les gens nous disaient que l'oléoduc Énergie Est traversait six provinces et procurait une foule d'avantages à celles-ci. Je leur ai répondu qu'il traverse effectivement six provinces, mais qu'une fois rendu au bout, le pétrole doit passer par nos eaux, et nous voulons que ce soit reconnu.
Est-ce que la province a songé, un moment donné, à demander le statut d'intervenant à l'Office national de l'énergie? Je sais que nous ne l'avons pas demandé. Je suis seulement curieux de savoir si nous y avions songé, et si non, pourquoi pas?
M. Samson : Je sais qu'il y a eu des discussions sur cette question au bureau du premier ministre, mais j'ignore les détails de la décision de ne pas demander le statut d'intervenant. Je suis incapable de vous donner une réponse précise à ce sujet.
Le sénateur Mercer : J'ai juste une question. Merci d'être venu et d'avoir présenté un exposé excellent. Je veux revenir sur la question de l'environnement. Je vois que nous nous comportons encore comme des boy-scouts. Nous sommes de bonnes gens. Nous aimons nos voisins. Nous ne voulons pas les empêcher de tirer parti de cette occasion, mais nous devons voir à nos intérêts également.
J'aimerais donc attirer votre attention sur la baie de Fundy. Nous devons être préoccupés par la possibilité que des incidents qui surviendraient au Nouveau-Brunswick, au moment soit du chargement, soit des déplacements dans la baie de Fundy, nous affectent tout autant et peut-être même davantage à cause de la longueur de notre littoral et de la taille de notre pêcherie dans la baie de Fundy. Il me semble que nous devrions être un peu plus vigoureux dans nos interventions sur ce dossier.
Je suis d'accord pour dire que nous allons féliciter le Nouveau-Brunswick si nous n'obtenons pas ce que nous voulons, à savoir un pipeline menant jusqu'à Point Tupper. Cela dit, nous devrions nous montrer un peu plus vigoureux sur le plan de l'environnement. Si un incident devait survenir — on espère que cela ne se produira jamais —, cela aurait un effet énorme sur notre littoral dans la baie de Fundy. Je ne peux pas le mesurer, mais selon mon souvenir de la carte de la baie de Fundy, une plus grande part de notre littoral serait probablement affectée par un incident dans la baie.
Je vous demanderais instamment — au gouvernement et à vous-même — de songer à vous montrer un peu plus dynamiques dans vos rapports avec l'organisation de réglementation fédérale dans le cadre de vos efforts pour promouvoir le prolongement du pipeline jusqu'à Point Tupper.
M. Samson : Merci, sénateur, de poser la question. Nous avons une grande confiance pour ce qui est de la capacité de transporter du brut par navire. De fait, tous les produits qui arrivent en Nouvelle-Écosse pour notre consommation intérieure arrivent par navire. Si nos activités hauturières sont fructueuses, il est plus que probable, vu la distance qui sépare les installations des côtes, que tout pétrole ou tout gaz naturel extrait sera transporté par navire.
Nous sommes convaincus par le bilan en matière de sécurité de l'industrie. Nous croyons à la sûreté des navires. Nous les avons vus au large de nos côtes, que ce soit dans le détroit de Canso ou ailleurs dans les terminaux à Halifax, où tous ces produits sont livrés. Nous avons un fantastique bilan de sécurité. Nous continuerons dans l'avenir d'avoir des navires venant chez nous pour répondre à nos besoins intérieurs. Nous sommes très confiants à l'égard de la technologie et des antécédents en matière de sécurité.
Je vais certainement faire part de vos préoccupations à mes collègues afin qu'elles soient soulevées à l'occasion de discussions avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick et que nous obtenions des réponses satisfaisantes.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Encore une fois, merci beaucoup, monsieur le ministre. J'apprécie beaucoup votre présentation.
Sans vouloir aborder votre stratégie par rapport aux communications que vous aurez avec votre homologue du Québec, je trouve que le point que le sénateur MacDonald vient d'apporter — le fait que le Québec s'est retiré d'un futur terminal pour des raisons environnementales — est un bon argument, mais j'ajouterais un autre argument, monsieur le ministre, si vous le permettez, c'est aussi le fait que ce tracé aura un effet sur le nombre de trains qui circulent au Québec et qui sont remplis de pétrole. Quand on connaît l'événement de Lac-Mégantic, que vous avez sans doute suivi dans les médias, il y a encore un traumatisme au sein de la population à ce sujet. Le pipeline peut représenter une forme de sécurité pour réduire ce traumatisme-là. Je pense donc que c'est un argument supplémentaire que vous pourrez transmettre à votre homologue du Québec. C'est une suggestion que je vous fais, monsieur le ministre, mais je crois que c'est aussi un élément important dans le débat actuellement.
M. Samson : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Sur cette question, nous avons tous vu, ici, la tragédie qui a eu lieu, et c'est pour cette raison que nous avons des pipelines depuis plusieurs années pour transporter notre gaz naturel. C'est une façon de transporter le pétrole et le gaz naturel en laquelle nous avons confiance.
D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'aller aux États-Unis, en Pennsylvanie, pour examiner leur industrie du gaz naturel. En examinant la carte des lignes, c'est incroyable, il y en a partout! C'est presque difficile de trouver du terrain où il n'y a pas de lignes qui passent sous terre. C'est leur réalité, c'est une chose qui a été faite en toute sécurité pendant des années.
Pour notre part, nous sommes convaincus que c'est la meilleure façon d'acheminer le pétrole de l'Alberta et des provinces de l'Ouest vers nos côtes. C'est pour cette raison que nous tentons en même temps d'obtenir une ligne pour le gaz naturel. On voit que c'est encore le meilleur moyen de transport, qui génère également des avantages économiques pour notre province. Bref, je tiens compte du fait que les points que vous avez soulignés sont des questions que nous aborderons avec nos collègues du Québec.
Le sénateur Boisvenu : Bonne chance!
M. Samson : Merci.
[Traduction]
Le vice-président : Je tiens à remercier Mme Himmelman et vous-même d'être venus nous rendre visite. Nous avons une conversation fantastique avec vous. Nous avons beaucoup appris.
J'aimerais présenter notre dernier témoin de l'après-midi, l'honorable Jamie Baillie, député de Cumberland South et chef de l'opposition à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse.
Veuillez présenter votre déclaration préliminaire, monsieur Baillie, puis les sénateurs auront des questions pour vous.
L'honorable Jamie Baillie, député de Cumberland South, chef de l'opposition, Assemblée législative de la Nouvelle- Écosse : À tout le monde ici — les membres du comité et les personnes qui parcourent le pays avec eux — je souhaite la bienvenue dans la merveilleuse ville de Halifax.
Je crois que je suis le dernier témoin aujourd'hui. Je suis peut-être tout ce qui vous sépare d'un verre de vin ou de bière. Je vous encourage à fréquenter l'un de nos nombreux établissements sympathiques au centre-ville si vous en avez la possibilité avant de partir pour l'aéroport.
[Français]
Pendant quatre ans, ma famille et moi avons visité l'Université Sainte-Anne pour participer à une activité familiale en français, le « family French camp ». C'était une bonne idée pour mes jeunes filles, mais surtout pour moi.
[Traduction]
Cela dit, ma maîtrise de l'autre langue officielle du Canada se limite à peu près à cela, alors je fais appel à votre indulgence si vous me posez des questions dans les deux langues. Je ferai de mon mieux.
Premièrement, je vais vous montrer quelque chose de relativement unique. Je crois savoir que notre ministre de l'Énergie vient de comparaître devant votre comité pour exprimer l'appui du gouvernement de la Nouvelle-Écosse à l'oléoduc Énergie Est. Je suis ici pour faire la même chose. En tant que chef de l'opposition officielle, les progressistes- conservateurs, je suis ici pour vous dire que nous appuyons fermement la construction de l'oléoduc Énergie Est pour les raisons que j'exposerai brièvement.
J'espère que notre présence ici envoie un message très clair à votre comité et à nos concitoyens canadiens au sujet de l'importance de ce pipeline, pour le pays au complet, certes, mais aussi en particulier pour la partie du pays dont nous sommes responsables, ici dans le Canada atlantique.
Le Canada a déjà construit et exploite plus de 800 000 kilomètres de pipeline. Si ces conduites n'existaient pas, il faudrait 4 200 wagons-citernes et 15 000 citernes routières pour transporter quelque trois millions de barils de pétrole par jour au pays. Notre pays a une expérience fantastique des pipelines, notre bilan de sécurité à ce chapitre est fantastique, et nous pouvons compter sur d'excellentes sociétés privées qui possèdent le savoir-faire requis pour concevoir, aménager et exploiter les pipelines en toute sécurité. De fait, nos pipelines sont plus rentables, plus écoénergétiques et plus fiables que tout autre moyen de transport terrestre du pétrole brut.
En 2014, 611 000 barils de pétrole ont été transportés par chemin de fer, qui est un moyen plus coûteux et moins efficient de transporter le pétrole au pays. En 2015, notre industrie canadienne du pipeline a investi 1,3 milliard de dollars dans la sécurité des pipelines. Nous avons tout à fait confiance en la capacité des sociétés de pipeline privées canadiennes de concevoir, d'aménager et d'entretenir un réseau de pipelines sécuritaire d'ouest en est.
Ici dans le Canada atlantique, nous n'avons que quelques raffineries, comme vous le savez sans doute. Ces raffineries ne sont pas reliées à un réseau de pipelines. Par conséquent, presque tout le pétrole brut qui entre dans le Canada atlantique arrive par navires pétroliers.
Le Canada atlantique importe son pétrole des États-Unis, de l'Algérie, de l'Arabie saoudite, du Nigeria, de l'Angola et de l'Irak, mais nous n'avons pas un lien direct par pipeline avec les sables bitumineux ou avec la production de notre pays en Alberta ou ailleurs dans l'Ouest.
Comme certains d'entre vous le savent — peut-être le savez-vous tous —, les Canadiens de l'Atlantique jouent un rôle clé dans la mise en valeur des ressources pétrolières de l'Ouest canadien depuis des générations. Pendant les belles années, environ 30 000 Canadiens de l'Atlantique travaillaient dans le secteur de l'exploration et de l'exploitation pétrolière dans l'Ouest. Nombre d'entre eux sont retournés à la maison à cause du ralentissement, mais nous savons que ces choses sont cycliques. Les Canadiens de l'Atlantique sont très fiers du rôle qu'ils ont joué dans l'enrichissement de notre pays grâce à la mise en valeur des ressources de l'Ouest.
Avec l'oléoduc Énergie Est, nous avons devant nous une occasion de participer encore à la mise en valeur de nos ressources pour le bien de tous, y compris en prenant de nouveaux emplois qui seraient créés dans notre région du Canada.
À mon avis, le débat continu entourant l'oléoduc Énergie Est à l'échelle du pays est lié très directement à la façon dont la richesse est créée, distribuée et répartie au Canada. Dans notre région du Canada, les quatre provinces de l'Atlantique sont connues comme étant les démunies — les provinces pauvres —, terme que je déteste, soit dit en passant. Si jamais je me fais élire premier ministre de la Nouvelle-Écosse, ce que j'ai l'intention de faire, je vais personnellement déposer un projet de loi pour bannir ce mot du dictionnaire.
La Nouvelle-Écosse touche à elle seule un peu plus de 1 milliard de dollars de paiements de péréquation chaque année. Je tiens à ce que vous sachiez que nous ne voulons pas de cet argent. Nous ne voulons plus en dépendre. Nous voulons créer notre propre richesse dans notre propre région du pays. Ce que nous demandons au reste du Canada et au gouvernement national par l'intermédiaire du Sénat et de votre comité, ce n'est pas de continuer d'améliorer ou de bonifier les paiements de péréquation ni d'enchâsser la péréquation dans notre Constitution comme elle l'est déjà. Ce que nous vous demandons, c'est de nous donner les outils dont nous avons besoin pour nous tenir debout, prospérer et tirer parti de nos propres ressources et afin de participer à la mise en valeur de nos ressources naturelles en travaillant ici, à la maison. Or, c'est ce que l'oléoduc Énergie Est représente à mes yeux. C'est ce qu'il représente aux yeux du Parti progressiste-conservateur, opposition officielle ici en Nouvelle-Écosse, et c'est ce qui tient à cœur à de très nombreux Canadiens de l'Atlantique.
Je suis ici aujourd'hui pour clamer mon appui à l'égard d'Énergie Est en tant que Canadien de l'Atlantique, y compris le terminal à Saint John, où nous avons la merveilleuse occasion de raffiner le bitume qui arrive là, puis d'envoyer le produit fini aux États-Unis par pipeline. C'est fantastique pour Saint John, pour le Nouveau-Brunswick et pour le Canada atlantique, et j'appuie le projet.
Je veux ajouter aussi qu'une occasion économiquement et environnementalement viable se présente à nous de prolonger l'oléoduc jusqu'à Saint John, puis de le faire dévier jusqu'en Nouvelle-Écosse pour qu'il se rende jusqu'à Point Tupper, port naturel offrant des possibilités de stockage naturel, à partir d'où le pétrole peut être transporté par pétrolier et exporté de façon sécuritaire à l'étranger.
Je vais conclure sur ce point, car, en tant que député de Cumberland South, ma circonscription comprend la baie de Fundy. Elle a un écosystème unique au monde. Il s'agit d'un site vierge merveilleux hébergeant des pêcheries dynamiques, y compris celles du homard et du pétoncle. C'est une des merveilles naturelles du monde, et son potentiel marémoteur est énorme.
L'argument environnemental que je veux faire valoir est qu'il est beaucoup mieux d'acheminer du bitume non raffiné à l'installation Irving de Saint John, puis de transporter le produit fini par pipeline de Saint John à Point Tupper, en Nouvelle-Écosse, d'où on peut le charger en toute sécurité sur des navires pétroliers et l'expédier à l'étranger. De cette façon, nous tirons avantage à la fois du produit raffiné transmis aux États-Unis par pipeline depuis le Nouveau-Brunswick et du produit non raffiné exporté vers l'Europe. Je dis cela parce que je crois que c'est le moyen le plus écologiquement judicieux d'expédier le produit vers l'Europe. Je suis certain que vos recherches feront ressortir également les avantages économiques d'une telle façon de faire.
Sans vouloir faire de jeu de mots, je me permets de vous donner un bon tuyau : ce serait une bonne idée d'étendre le pipeline jusqu'à Saint John, puis de construire un embranchement menant jusqu'à Point Tupper. En fait, sur les plans économique et environnemental, c'est la meilleure façon de procéder. Sur ces mots, je vous remercie beaucoup de m'avoir accordé de votre temps aujourd'hui. Si vous avez des questions, je suis heureux de me mettre à votre disposition aussi longtemps que vous le voulez.
Le vice-président : Monsieur Baillie, merci beaucoup de votre exposé. C'est très apprécié. Nous allons commencer par le sénateur Boisvenu.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, monsieur Baillie. Vous portez un nom qui est très célèbre au Québec. Jean- Maurice Bailly était commentateur sportif à La Soirée du hockey — Hockey Night in Canada. Il est décédé depuis plusieurs années, mais il était une vedette au Québec. Alors, si vous venez vous promener au Québec, on vous demandera sûrement si vous étiez parent avec Jean-Maurice Bailly.
J'ai une question assez précise à vous poser. On sait que l'Office national de l'énergie reprendra bientôt ses consultations. On sait un peu ce qui s'est passé dernièrement. Il y a quatre nouveaux commissaires qui ont été nommés hier. La question que je vous poserais est la suivante : allez-vous vous présenter à nouveau devant l'Office national de l'énergie pour faire valoir votre point de vue, que vous nous avez partagé aujourd'hui, selon lequel vous souhaitez une prolongation du pipeline vers le détroit de Canso? D'autre part, quels seront vos arguments pour faire changer d'idée Énergie Est, qui a déjà rendu une réponse au gouvernement de la Nouvelle-Écosse quant au fait qu'elle n'a pas l'intention de prolonger le pipeline jusqu'au détroit de Canso? C'est donc une question à deux volets, à savoir si vous allez rencontrer à nouveau l'Office national de l'énergie et quels seront vos arguments pour faire pencher Énergie Est vers votre recommandation de prolonger le pipeline.
[Traduction]
M. Baillie : Merci beaucoup de poser la question. C'est apprécié. La réponse, en un mot, est oui. Je serais ravi de m'adresser à l'ONE et à tout autre organisme ayant un rôle à jouer dans l'approbation ou le refus du projet de pipeline.
J'insisterai fortement sur le fait que je suis en faveur de la proposition actuelle de mener l'oléoduc jusqu'à Saint John. Je crois toujours qu'il s'agit d'un bon projet même s'il s'arrête là. En tant que Canadien de l'Atlantique, je crois que ce projet est bon pour notre région du pays même si c'est là que s'arrête le projet. Je suis également d'avis — comme nombre de personnes, d'ailleurs — qu'il s'agit d'un très bon projet pour le pays au complet.
D'emblée, je suis en faveur de l'établissement d'un pipeline qui traverse le pays d'ouest en est afin qu'on puisse maximiser la valeur économique de la ressource pétrolière de l'ouest du Canada en la transportant vers le Canada atlantique aux fins du raffinement et de l'exportation par les méthodes les plus efficientes.
Je crois aussi qu'il y a un solide argument économique et environnemental en faveur de l'ajout d'un pipeline latéral vers Point Tupper, et je ferai valoir cet argument à l'ONE. Je peux vous assurer qu'il ne s'agit pas, à mon sens, de sacrifier un aspect pour l'autre. Mon principal objectif est de soutenir le projet de pipeline Énergie Est sous sa forme actuelle. Même si son prolongement n'avait pas lieu, j'appuierais toujours le projet tel qu'il a été envisagé. Ceux d'entre nous qui veulent voir une industrie dynamique prendre forme ici et des exportations vers l'étranger à partir du port le plus écologiquement sûr de la côte atlantique peuvent aussi parler en faveur de Point Tupper.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le président, je m'excuse, car je devrai partir dans quelques minutes. Soyez assuré, monsieur Baillie, que je répondrai à votre invitation de passer le week-end à Halifax, car j'y reviendrai bientôt
[Traduction]
Le vice-président : Merci, sénateur Boisvenu.
Le sénateur Mercer : Monsieur Baillie, merci d'être ici. Il est intéressant de constater qu'une bonne part de votre exposé ressemblait beaucoup à celui du ministre. Encore une fois, nous, les gens de la Nouvelle-Écosse, faisons de bons voisins : nous appuyons ce qui est censé aller à Saint John.
J'aimerais parler de votre circonscription, à savoir Cumberland South. Votre circonscription donne sur la baie de Fundy. Je sais que mon frère se trouve à être un de vos électeurs, car il vit à Apple River. Je connais bien la partie de la baie qui jouxte votre circonscription.
L'Administration de pilotage de l'Atlantique nous a dit aujourd'hui que 1 116 navires ont été pilotés dans le port de Saint John en 2015. Or, nous parlons d'accroître considérablement le nombre de navires lorsque ce terminal sera construit et que nous commencerons à exporter le produit à partir de là. Ensuite, je suis allé voir les chiffres qu'il nous a donnés pour le détroit de Canso, et il y avait eu là 320 navires pilotés. Le pilotage ne concerne pas que les pétroliers. Il y a toute une foule d'autres navires qui bénéficient de service de pilotage dans les deux ports.
L'environnement de la baie de Fundy est délicat : les baleines noires ainsi que de nombreuses autres espèces délicates y convergent pendant l'été. Nous devrions tous être préoccupés par l'équilibre écologique de la baie de Fundy. Même si j'appuie aussi le projet de pipeline dans l'Est, je suis très préoccupé par le fait que nous allons avoir le terminal à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Si nous le mettions dans le détroit de Canso, nous pourrions utiliser le terminal de NuStar qui est déjà là. Nous avons visité le terminal de NuStar hier et avons vu à quel point son expansion pourrait être aisée. Nous avons vu ses installations de chargement et de déchargement et constaté à quel point ces activités peuvent être accomplies de façon très rapide et sécuritaire. Le bilan de cette installation en matière de sécurité est excellent.
J'aimerais que nous retournions à cette table. Je vous encouragerais, comme l'a fait le sénateur Boisvenu, à vous adresser à l'Office national de l'énergie et à lui dire que le pipeline devrait aller jusqu'à Saint John, au Nouveau- Brunswick. Il faut acheminer le produit de l'Ouest jusqu'à la raffinerie Irving. Nous devons transporter le produit jusqu'à la mer de façon sécuritaire, et le lieu le plus sécuritaire serait Point Tupper.
L'argument en faveur de ce changement serait de nature environnementale. Êtes-vous prêt à parler de l'aspect environnemental de la chose?
M. Baillie : Certainement. Vous soulevez des points fantastiques, sénateur Mercer. Je suis ravi d'entendre que vous avez un frère vivant dans ma circonscription. Cela nous rapproche en tant que gens venant de la Nouvelle-Écosse. Je vous avais posé une question au sujet de votre sœur Colleen, plus tôt, et maintenant vous me dites que votre frère est un de mes électeurs. Je lui rendrai visite la prochaine fois que j'irai à Apple River.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas bien la baie de Fundy, laissez-moi vous dire qu'elle pourrait très bien compter parmi les Sept Merveilles du monde. Son potentiel sur le plan de l'énergie marémotrice est un aspect que nous commençons tout juste à explorer. En effet, les marées les plus hautes du monde sont dans la baie de Fundy. Elle a le potentiel de fournir en électricité 30 000 foyers. C'est renouvelable, et c'est pour toujours. En plus, c'est prévisible, contrairement au vent, car nous savons que la marée monte et descend toutes les six heures. La technologie moderne nous permettra d'exploiter ce potentiel et de bâtir un fantastique réseau électrique à l'échelle du Canada atlantique, de concert avec les provinces voisines.
Vous avez raison de dire qu'il y a 1 000 navires pilotés de toutes sortes ou plus qui circulent du côté de Saint John, au Nouveau-Brunswick. À cause de la configuration du fond de la baie de Fundy ainsi que des marées, ces navires sillonnent en fait le côté néo-écossais de la baie de Fundy avant d'entrer dans le port de Saint John ou d'en sortir. Cela ne fait pas d'eux de mauvais voisins : c'est que la géologie du secteur les force à faire cela.
Nombre de mes électeurs, comme votre frère et d'autres encore, gagnent leur vie dans la baie de Fundy. Beaucoup de gens ont dans la baie de Fundy une résidence d'été ou une maison familiale depuis des générations. Ce sont des gens qui appuient la création d'emplois et des projets de pipeline comme celui-là. Ils ont des préoccupations légitimes au sujet du risque environnemental lié à la présence de superpétroliers — peu importe qu'ils soient sécuritaires, peu importe le nombre de coques qu'ils ont pour tenir le bitume — qui sillonnent une zone où l'environnement est aussi délicat.
Ils ont raison d'être préoccupés, et nous avons une solution. Nous avons un autre emplacement de terminal de pipeline qui pourrait s'avérer plus sécuritaire. Cela correspond en partie à une bonne gestion ou atténuation des risques. L'effet d'un incident sur la baie de Fundy serait dévastateur. Le fait de déplacer le bitume de façon sécuritaire, par pipeline, vers Point Tupper, puis de l'expédier par navire réduit le risque d'incidents et fait que le nettoyage après un incident, si improbable soit-il, serait beaucoup plus aisé.
Je crois que l'ONE va tenir compte des facteurs de risque et envisager les mesures d'atténuation des risques pour notre environnement par d'autres moyens. Le terminal de Point Tupper aura fière allure une fois qu'il aura intégré cette considération dans ses délibérations. Merci d'avoir soulevé cette question.
Le sénateur Mercer : La dernière chose où je veux en venir, monsieur Baillie, c'est que vous avez raison, mais que l'un des éléments dont nous ne parlons pas assez, c'est le fait que, si un incident se produisait dans la baie de Fundy, ce ne serait pas qu'un incident dans la baie de Fundy. Compte tenu de la pression extrêmement élevée de ses marées, devinez ce qu'elles font? Elles vont expulser le déversement, et cela va devenir un incident environnemental dans l'État du Maine, au Rhode Island, dans l'État du Massachusetts et à New York. Nous ne voulons pas qu'un accident ait lieu où que ce soit, qu'il s'agisse de la baie de Fundy ou du détroit de Canso, mais s'il survient dans la baie de Fundy, cela devient un incident international, au lieu de quelque chose que nous contenons et gérons par nous-mêmes.
M. Baillie : Vous avez très bien décrit cela, sénateur Mercer. Je ne voulais pas trop m'attarder à ce dont aurait l'air un incident. Vous avez tout à fait raison. Ce serait un incident qui toucherait la côte est des États-Unis. Merci de l'avoir souligné si clairement.
Le sénateur Greene : Merci beaucoup de votre exposé. Je vous en suis reconnaissant, en tant que Néo-Écossais, en tant qu'habitant des Maritimes, du Canada atlantique et en tant que Canadien. Selon moi, vous visez juste à tous les égards. J'ai une question à poser, et elle porte sur un sujet différent.
Un terme est utilisé par diverses délégations dans les exposés qu'elles nous présentent, et ce terme, c'est « acceptabilité sociale ». De votre point de vue, que veut-il dire, ou bien a-t-il une quelconque signification?
M. Baillie : C'est une excellente question. Laissez-moi l'opposer à un autre terme que nous recherchons auprès de notre gouvernement national, c'est-à-dire le leadership. En tant que comité sénatorial, vous faites preuve de leadership en vous rendant dans notre région du Canada qui est déjà favorable à l'oléoduc Énergie Est et en cherchant à entendre le point de vue des gens. Je vous en suis reconnaissant.
Ce commentaire ne se veut aucunement partisan, mais je m'inquiète de la possibilité que l'acceptabilité sociale, dans le monde politique, signifie que nous allons faire quelque chose s'il est clair que toutes les personnes possibles sont d'accord avec l'idée et que personne n'est en désaccord, et qu'il s'agisse de l'absence de leadership ou de son contraire.
Je comprends votre message concernant l'acceptabilité sociale. Je ne dis pas que ce terme n'a aucune valeur. Il en a une, mais, lorsqu'il remplace le leadership, nous avons un problème politique. Je veux exposer clairement les conséquences de ce problème politique pendant que j'ai votre attention. Quand il n'y a aucun leadership à l'égard de grandes initiatives nationales comme celle-ci, ce que cela veut dire pour le Canada atlantique, c'est que nous ne pouvons pas prendre les devants, nous ne pouvons pas gagner notre vie par nos propres moyens, nous ne pouvons pas nous débrouiller tout seuls, et nous sommes toujours redevables au reste du Canada pour nos paiements de transfert.
Je rejette tout cela. J'ai besoin du leadership de notre gouvernement national relativement à ce projet et à d'autres projets semblables afin qu'on nous donne, à mes concitoyens néo-écossais et à moi-même, les outils nécessaires pour nous débrouiller, pour nous tirer d'affaire seuls et pour contribuer au Canada sur un pied d'égalité avec toutes les autres régions. Je sais que nous avons la capacité de le faire.
Je vous demande, en tant que comité sénatorial, de rapporter à Ottawa le message selon lequel nous considérons Énergie Est et certaines autres de nos idées comme notre moyen de régler la question de la péréquation de façon positive, c'est-à-dire de nous débrouiller par nous-mêmes au lieu de nous disputer afin de déterminer combien de paiements de transfert de plus ou de moins devraient être effectués. Je serais ravi de prendre le dernier chèque de péréquation qui nous est envoyé, de le déchirer, puis de dire : « Merci, nous allons prendre les choses en main à partir de là ». Comme il s'agit d'une partie généreuse de notre pays, je ne veux pas critiquer le programme. Nous avons besoin des énergies et du leadership nécessaires pour le faire. Si notre gouvernement national se cache derrière le voile de l'acceptabilité sociale pour ne rien faire, voilà l'effet qu'il a sur le Canada atlantique, à mon avis.
Je veux mentionner rapidement que la discussion que le sénateur Mercer et moi-même venons tout juste de tenir au sujet des conséquences environnementales... et les meilleurs moyens de les atténuer sont acceptables afin de dissiper les préoccupations sociales et de générer une acceptabilité sociale pour qu'un projet économique puisse être mis en œuvre. Je pense qu'il s'agit d'un argument valable dans ce domaine.
Le sénateur Greene : Excellent, cette réponse me va. Merci.
Le vice-président : Monsieur Baillie, je veux vous adresser deux ou trois commentaires et questions. Vous avez mentionné le besoin de leadership à l'égard de ces enjeux. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que les ordres de gouvernement responsables doivent exercer leur compétence, l'appliquer et faire ce qu'ils sont tenus de faire.
J'ai cherché sur Google des noms et de l'information sur le projet, et quel est le nom qui est apparu? C'était celui de Colleen Campbell, de Nova-Ouest. Colleen a été une députée libérale pendant de nombreuses années. Ceux d'entre nous qui fréquentent le milieu de la politique se souviennent de l'époque où Charlie Haliburton et elle ont échangé ce siège pendant ce qui a semblé être des décennies parce qu'il s'agissait du siège qui a changé de main le plus souvent dans la province. Colleen est une dame âgée, maintenant, mais elle est encore très vive d'esprit, et elle a été citée dans le journal local, là-bas.
Elle était vraiment estomaquée qu'un effort soit déployé ou qu'une initiative vise à exporter de grandes quantités de pétrole lourd par la baie de Fundy et qu'aucune audience publique ne soit tenue dans la province ou dans cette région à ce sujet. Elle a formulé un argument très légitime quand elle a dit : « Lorsque j'étais la députée, ici, à l'époque où je faisais de la politique, cela n'aurait absolument pas pu se produire sans la participation des collectivités qui bordent la baie de Fundy et sans une discussion avec elles, à ce sujet. »
Je ne veux pas trop faire preuve de partisanerie à cet égard, mais, en tant que Néo-Écossais, nous devons nous occuper de ce qui se passe dans notre propre cour. Je dis aux gens : « Si nous ne sommes pas prêts à défendre nos intérêts, il ne faut pas nous attendre à ce que d'autres le fassent pour nous. »
Le gouvernement provincial en a-t-il fait assez afin de s'organiser pour que cette affaire fasse l'objet de discussions avec les gens de la baie de Fundy? Pensez-vous qu'il en a fait assez? Devrait-il en faire plus? Selon vous, y a-t-il quelque chose que nous devrions faire que nous n'avons pas fait pour ce qui est de mobiliser le public à l'égard de cet enjeu?
M. Baillie : Je vous remercie, sénateur MacDonald, de poser ces questions. Je suis en accord avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse quant à l'importance de la mise en œuvre du projet. Je veux insister là-dessus.
Pour répondre directement à votre question, notre gouvernement provincial — qui est de la même allégeance politique que le gouvernement national actuel — n'a pas été un défenseur assez solide du projet, en général. Sans égard à l'exposé qui vous a été présenté aujourd'hui — et j'ai été ravi de le voir —, notre gouvernement provincial ou notre premier ministre n'a pas déclaré fortement son appui dans le domaine public. Je souhaite voir cet appui. Je me tiendrai à ses côtés s'il choisit de l'affirmer. J'espère qu'il le fera.
Il importe que des consultations aient lieu dans les régions touchées, que l'incidence soit positive — comme à Point Tupper, par exemple — ou qu'elle puisse constituer un certain risque environnemental, comme pour les collectivités qui bordent la baie de Fundy. Bien entendu, des consultations devraient être tenues, et, à mon avis, ces consultations devraient être axées sur la gestion des risques, sur l'atténuation des risques, sur la meilleure façon de procéder, non pas sur le fait qu'il faut procéder ou non à la mise en œuvre. Je suppose qu'il s'agit de la différence entre une acceptabilité sociale appropriée et une acceptabilité sociale tenant lieu de bouclier.
Si la tenue de consultations signifie que nos dirigeants gouvernementaux se présentent dans notre collectivité pour nous dire ce que nous devrions faire — oui ou non —, cela ne va jamais nous mener nulle part. C'est une absence de leadership. Si nos gouvernements provincial et national arrivent et disent qu'ils considèrent que ce projet a une grande valeur économique et qu'ils demandent quelles sont les préoccupations, environnementales ou autres, dans votre région et quelle est la meilleure façon de les atténuer, à mes yeux, il s'agirait d'un processus très approprié. Ce processus n'a pas encore eu lieu.
Je voudrais conclure ma réponse en invitant votre comité à visiter Apple River, dans le comté de Cumberland — c'est une des collectivités que vous avez mentionnées — et à entendre les gens s'exprimer directement. Vous pourrez tous séjourner chez le frère du sénateur Mercer.
Le vice-président : Oui. En guise d'exemple, nous pouvons regarder la faune de la baie. Nous avons mentionné les baleines noires. Les baleines à bosse s'y nourrissent cependant quatre ou cinq mois par année. C'est très diversifié. Quand le nombre de baleines noires a vraiment atteint son plus bas niveau, nous nous sommes rendu compte que le risque était réel. Il ne s'agissait pas seulement d'un risque. Des collisions se produisaient avec les navires-citernes et les grands bâtiments qui traversent la baie. Ceux qui ont été impliqués — c'est tout à leur honneur — sont venus négocier ou ont déterminé un nouvel itinéraire pour les navires-citernes, qui les faisait passer à l'ouest et au sud de l'itinéraire habituel.
C'est le prix que nous avons à payer. C'est un prix qu'il vaut la peine de payer, mais il a envoyé tous les navires- citernes bien plus près de la côte de la Nouvelle-Écosse. L'argument que faisait valoir le sénateur Mercer plus tôt, c'est que les deux tiers de cette côte appartiennent à la Nouvelle-Écosse. Je ne veux pas être dur envers le Nouveau- Brunswick, mais la vérité, c'est que cette province ne peut pas prendre de décision concernant la baie de Fundy sans qu'elle ait d'incidence sur nous. C'est tout simplement un fait géologique et géographique.
Je vous encourage à parler au gouvernement provincial, à peut-être tenir des audiences dans cette région et à obtenir l'opinion des gens. Nous sommes favorables au développement, mais la gestion des risques est simplement une responsabilité. C'est le simple fait d'être responsables à l'égard de la question. Nous devons à tous les Néo-Écossais de maximiser les avantages potentiels de ce projet pour la Nouvelle-Écosse, mais nous devons aussi à nous-mêmes et aux générations à venir de nous assurer que l'atténuation et la gestion des risques soient organisées adéquatement dans l'un des écosystèmes maritimes les plus sensibles au monde. Je vous encouragerais à exercer un peu de pression sur le gouvernement provincial. Aujourd'hui, j'ai parlé de la même chose à ses responsables, parce que je pense que le public de la Nouvelle-Écosse serait favorable au projet et l'appuierait.
M. Baillie : Merci. Si je pouvais simplement réagir à cela très rapidement, je veux ajouter à ma réponse précédente que je crois que le résultat de consultations publiques appropriées serait l'acheminement d'une extension de l'oléoduc jusqu'à Point Tupper afin d'éviter tout simplement la baie de Fundy. Le résultat de ces discussions serait non pas qu'il faut atténuer le risque dans la baie, mais qu'il faut éviter la baie en tant que telle.
Tout comme dans le cas de l'acheminement de l'oléoduc par les terres de partout au pays, des itinéraires seront choisis pour des raisons sensibles à l'environnement, et à juste titre. Ce devrait aussi être le cas du trajet de l'oléoduc, et du bitume en tant que tel, à travers le Canada atlantique jusqu'au grand large. C'est un très bon argument.
Le vice-président : Je veux simplement clore ce sujet. L'Office national de l'énergie a interrompu ses audiences pour un certain nombre de semaines, car il doit se reconstituer, mais je crois savoir que, depuis hier, l'effectif complet de l'office a été renouvelé. Ses membres devraient demander la tenue d'autres audiences bientôt. Je vous encouragerais à demander le statut d'intervenant au nom des gens de la Nouvelle-Écosse afin que vous puissiez présenter ces préoccupations aux autorités compétentes.
Monsieur Baillie, vous êtes notre dernier témoin. Je me plais parfois à penser que nous gardons le meilleur pour la fin. Je l'espère. Au nom du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, je vous remercie infiniment de l'exposé que vous avez présenté aujourd'hui.
(La séance est levée.)