Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 9 - Témoignages du 15 novembre 2016
OTTAWA, le mardi 15 novembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour en faire l'examen.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, aujourd'hui, le comité examine le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et une autre loi en conséquence. Le projet de loi envisagé vise à maintenir la sécurité des routes et à protéger les consommateurs canadiens et donnerait au ministre des Transports le pouvoir d'exiger d'une entreprise qu'elle procède à un rappel, d'exiger des entreprises qu'elles réparent un véhicule faisant l'objet d'un rappel gratuitement pour le consommateur et d'empêcher que de nouveaux véhicules soient vendus au Canada avant qu'ils aient été réparés.
Tandis que le comité commence son examen du projet de loi, nous sommes très heureux d'accueillir l'honorable Marc Garneau, ministre des Transports. Il est accompagné de M. Donald Roussel, sous-ministre adjoint délégué, Sécurité et Sûreté, et Mme Kim Benjamin, directrice générale, Sécurité routière et règlements des véhicules automobiles. Le ministre demeurera avec nous pour la première heure, mais les représentants du ministère resteront ensuite pour répondre à nos questions.
Bienvenue, monsieur Garneau. Je vous invite à nous présenter votre déclaration préliminaire, après quoi les sénateurs pourront poser leurs questions. La parole est à vous, monsieur.
[Français]
L'honorable Marc Garneau, C.P., député, ministre des Transports : Chers sénateurs, aujourd'hui, je voudrais vous donner un aperçu du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et une autre loi en conséquence, communément appelée Loi sur le renforcement de la sécurité automobile pour les Canadiens. J'accorde une très grande importance à la sécurité, et ce projet de loi nous aidera à améliorer celle des Canadiens de manière considérable.
Avec ce projet de loi, nous visons à établir un régime de sécurité automobile amélioré conformément à notre engagement à l'égard de la sécurité du public canadien. Nous sommes convaincus que la Loi sur la sécurité automobile, les règlements et les normes qui en découlent figurent parmi les principales mesures qui ont permis de réduire progressivement le nombre de morts et de blessés dans les collisions routières, et ce, en dépit de l'augmentation du nombre de véhicules automobiles sur nos routes.
Malgré cela, en 2014, les collisions automobiles au Canada ont fait 1 834 morts et 149 900 blessés. Ce sont ces tragédies qui expliquent pourquoi nous cherchons toujours à améliorer la sécurité automobile pour les Canadiens.
[Traduction]
Le projet de loi propose un grand nombre de modifications, mais je veux simplement souligner les plus importantes, celles qui visent à combler des lacunes considérables du régime législatif, surtout en ce qui a trait aux rappels.
Cependant, je dois tout d'abord souligner que les principaux fabricants et importateurs de véhicules ont, dans le passé, généralement remédié aux défectuosités liées à la sécurité des véhicules canadiens. Cependant, aujourd'hui, si un véhicule, un pneu ou un siège pour enfant démontrait clairement une défectuosité susceptible de mettre en danger la sécurité des Canadiens et que le fabricant n'était pas d'accord et refusait de réparer volontairement le véhicule, il y aurait très peu de mesures qui pourraient être prises.
Par conséquent, on propose de modifier la loi, tel qu'il avait été proposé dans le projet de loi C-62, afin que le ministre des Transports puisse ordonner à une entreprise de remédier à une défectuosité ou à un cas de non-conformité dans un véhicule ou un équipement, si cela est considéré comme étant dans l'intérêt de la sécurité publique. De plus, on pourrait exiger des entreprises qu'elles paient pour remédier à une défectuosité ou à un cas de non-conformité dans un véhicule ou un équipement.
Ensemble, ces pouvoirs d'ordonnance sont importants pour intervenir dans des situations potentielles lorsque des consommateurs devraient payer pour remédier à une défectuosité ou à un cas de non-conformité dans un véhicule ou un équipement. Une telle situation représente un fardeau financier déraisonnable pour les Canadiens et pourrait mettre à risque d'autres personnes, lorsque les propriétaires de véhicules ne sont pas en mesure d'effectuer les réparations nécessaires.
[Français]
Afin d'éviter que de nouveaux véhicules ou équipements qui ont des défauts ou qui ne sont pas conformes sur le plan de la sécurité soient vendus aux Canadiens, on pourrait également ordonner aux entreprises de s'assurer que les problèmes soient réglés avant que les véhicules soient vendus à des consommateurs et utilisés sur les routes canadiennes. Ces nouveaux pouvoirs d'ordonnance s'appuient sur le pouvoir d'exiger qu'une entreprise publie un avis de défaut ou de non-conformité, tel que déposé en 2014 par le gouvernement précédent. Ensemble, ils aideraient à assurer que les défauts seront corrigés et que les avis de rappel seront envoyés d'une manière qui respecte les consommateurs et qui permette de régler les problèmes liés à la sécurité.
[Traduction]
Comme je l'ai déjà mentionné, les entreprises sont depuis longtemps tenues responsables des produits qu'elles vendent. Les nouveaux pouvoirs proposés s'appliqueraient dans le cadre de situations extraordinaires, lorsque le gouvernement doit intervenir.
Le pouvoir de faire respecter les exigences de la loi et ses règlements connexes est une autre lacune législative importante à combler. À l'heure actuelle, la loi ne possède que des outils limités d'application de la loi pour inciter les entreprises à se conformer. En cas d'infraction, les poursuites criminelles sont la seule mesure d'exécution possible. Cette mesure nécessite beaucoup de temps et d'argent et, dans certains cas, elle ne convient pas à une infraction donnée.
Par conséquent, la modification proposée de la loi sur la sécurité automobile prévoit des sanctions administratives pécuniaires pour enjoindre aux entreprises à se conformer. Ces sanctions sont une mesure efficiente, efficace et économique par rapport aux poursuites criminelles. Le gouvernement précédent l'a également reconnu puisqu'il a proposé des modifications de cette nature dans le projet de loi C-62.
[Français]
Les sanctions administratives pécuniaires, ou SAP, sont similaires aux contraventions remises au conducteur lors d'infractions au Code de la route. Par exemple, dans le cadre des modifications proposées, lorsqu'une entreprise ou une personne viole une règle ou ne se conforme pas à la réglementation, le ministère pourrait lui imposer une sanction préétablie ou une « amende » pour l'inciter à se conformer.
Cependant, dans certains cas, les sanctions pécuniaires ne sont pas le meilleur outil pour améliorer la sécurité des Canadiens et d'autres mesures peuvent être pertinentes ou plus avantageuses pour les Canadiens. Pour cette raison, on propose également de donner la possibilité de signer des accords consensuels. Ces accords permettraient de négocier un règlement en cas d'infraction à la loi et pourraient être utilisés pour réduire une pénalité en échange d'autres concessions concernant la sécurité de l'entreprise. Pour s'assurer de leur application, on devra faire enregistrer les accords consensuels auprès d'un tribunal. De plus, pour assurer la responsabilité et la transparence, les accords consensuels seraient publiés.
Dans l'ensemble, le régime de sanctions administratives pécuniaires et les accords consensuels augmenteront nettement les mesures d'application offertes en vertu de la Loi sur la sécurité automobile pour assurer la sécurité des Canadiens.
[Traduction]
Il est important de souligner que les modifications proposées de la loi ne concernent pas uniquement le régime d'application de la loi et la conformité. Les technologies changent rapidement, et les véhicules connectés et automatisés finiront par être offerts sur le marché. À mesure que ces technologies et d'autres technologies émergeront, nous devrons pouvoir en tirer profit tout en assurant la sécurité des Canadiens. Toutefois, nos règlements ne sont pas toujours assez souples pour s'adapter à ces changements, et il est donc proposé de modifier les dispositions relatives aux arrêtés à effet provisoire et aux dispenses de la loi, afin qu'elles aient la souplesse nécessaire pour appuyer ces innovations tout en continuant d'assurer la sécurité.
En terminant, ce que l'on propose dans le projet de loi est un ensemble de changements importants et puissants, nécessaires à la Loi sur la sécurité automobile, fondés sur les changements proposés en 2015 dans le projet de loi C-62. Avec les autres modifications apportées à la loi au cours des dernières années, il s'agit d'une évolution considérable de la loi qui augmenterait le nombre d'outils d'application de la loi et les exigences à l'égard de l'industrie dans le but de renforcer la sécurité des Canadiens.
Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Je suis prêt à répondre à vos questions. Merci.
Le vice-président : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Doyle : Je n'avais pas l'intention d'être le premier intervenant, mais, bienvenue, monsieur le ministre. Je suis ravi de vous voir ici.
J'ai consulté certaines des notes du ministère des Transports, et vous dites que les changements apportés aux dispositions sur la conformité et l'application de la loi permettront d'harmoniser davantage les régimes canadien et américain, tout en continuant à protéger et à servir les Canadiens, ce qui est une bonne chose. Comme vous le savez, avant l'ALENA, le Pacte de l'automobile unissait les États-Unis et le Canada. Il semble aussi que le projet de loi aura aussi pour effet d'accroître l'harmonie entre la réglementation américaine et canadienne en matière de sécurité automobile, ce qui est aussi une bonne chose. Cependant, la prochaine administration américaine semble avoir certaines réticences à l'égard de l'ALENA. Prévoyez-vous des difficultés futures, disons, au sein des industries canadienne et américaine, qui sont étroitement intégrées? Devrions-nous être préoccupés?
M. Garneau : Merci, monsieur le sénateur. Je ne prévois pas de problème lié à cet enjeu précis, qui concerne la sécurité et la réglementation. Pour ce qui est du projet de loi en tant que tel, les dispositions que nous mettons actuellement en place auront pour effet d'harmoniser notre régime avec celui des États-Unis. Fait surprenant, la plupart des Canadiens ne savent probablement pas que, à l'heure actuelle, tout ce que le gouvernement canadien peut faire, c'est d'exiger d'un fabricant qu'il émette un avis de défectuosité. Je crois que les gens pensent qu'il en va du Canada comme des États-Unis et qu'on peut, en plus d'exiger un avis de défectuosité, obliger directement un fabricant à procéder à un rappel et à des réparations. Grâce aux modifications proposées dans le projet de loi, nous harmoniserons notre régime avec celui des États-Unis du point de vue des défectuosités et des rappels.
Je ne crois pas qu'il y aura des répercussions liées à l'ALENA ou à une possible renégociation de l'ALENA. Je crois que ce que nous faisons ici est clairement lié à la sécurité, et les discussions avec le secrétaire aux Transports me donnent à penser que ce n'est pas un enjeu qui risque de faire l'objet d'une éventuelle révision parce qu'il est lié à la sécurité.
Le sénateur Doyle : Selon vous, il ne serait pas justifié, par exemple, de reporter le projet de loi jusqu'à ce que nous sachions précisément là où nous en sommes dans ce dossier? J'imagine que le projet de loi serait différent. Ou sommes-nous si étroitement intégrés que nous devrions probablement regarder de plus près ce qui arrivera à l'ALENA?
M. Garneau : Je ne veux pas retarder le projet de loi parce qu'il est lié à la sécurité et parce que je crois vraiment que toute éventuelle modification liée à l'ALENA n'aura aucun impact sur ce que nous faisons. L'ALENA concerne davantage le commerce, tandis que le projet de loi est lié précisément à la sécurité.
Je suis ravi de dire que, dans le domaine de la sécurité des transports et en ce qui a trait à l'harmonisation de la réglementation, le Canada et les États-Unis ont toujours eu des régimes très harmonisés, peu importe l'administration. Par conséquent, je crois qu'il est dans notre intérêt d'aller de l'avant, parce que, évidemment, bon nombre des véhicules qui sont achetés au pays viennent de fabricants américains. En fait, certains d'entre eux produisent même des véhicules ici même au pays. Selon moi, la situation exige que nous agissions le plus rapidement possible pour assurer l'harmonisation.
La sénatrice Unger : Merci, monsieur le ministre, d'être là. Pouvez-vous donner au comité quelques renseignements contextuels liés au projet de loi en nous fournissant de l'information générale sur les rappels de véhicules? Pouvez-vous nous dire quand on a commencé à faire des rappels et qui a mis de l'avant cette notion : le gouvernement ou l'industrie? Avant la présentation du projet de loi en 2015, y avait-il des problèmes liés au système de rappel? Je sais que vous avez mentionné un exemple possible, mais y avait-il des problèmes ou est-ce que les choses fonctionnaient bien?
M. Garneau : Je devrais peut-être laisser mes collègues examiner l'histoire pour déterminer quand les rappels ont commencé, mais il ne fait aucun doute que le grand public l'a remarqué. En fait, le gouvernement précédent, comme vous le savez, a entrepris un processus lié au projet de loi C-62.
Des incidents comme celui lié aux coussins gonflables Takata ont fait en sorte qu'un très vaste public au pays s'est intéressé à la question des rappels, parce que, en fait, de nombreux Canadiens possédaient des véhicules munis de coussins gonflables Takata et ils ne savaient pas pourquoi nos voisins du Sud semblaient faire quelque chose, tandis que les choses avançaient plus lentement de notre côté. J'ai moi-même un véhicule muni d'un sac gonflable Takata.
L'interrupteur d'allumage de GM a suscité beaucoup d'attention publique dans les médias, et c'est un dossier qui a duré assez longtemps.
Au bout du compte, si Transports Canada estime qu'il y a un problème de sécurité, nous devons avoir la capacité de passer à l'action, parce qu'il y aura toujours des situations où les parties ne s'entendront pas.
Je vais vous donner un exemple. Actuellement, il y a un problème lié à certains modèles et certaines années de la camionnette Ford F-150. Les véhicules sont munis d'une pompe à vide, et la pompe sert dans le processus de freinage. En ce moment, il y a un désaccord entre Ford et Transports Canada quant à savoir si ces pompes sont défectueuses. Nous croyons, à la lumière de notre analyse que, lorsque la pompe est défectueuse dans ces modèles précis, la distance de freinage des camions est plus longue. Notre position est fondée sur des données probantes. C'est, en ce moment, une indication ou un exemple d'une situation où il y a un tel désaccord.
Comme je l'ai dit, la plupart du temps, les fabricants prennent rapidement les mesures nécessaires. Ils émettent un avis de rappel et font ce qu'il faut. Si le projet de loi est adopté, les ministres des Transports pourraient utiliser les ordonnances prévues dans des situations exceptionnelles, comme celle que je viens de mentionner. Il peut aussi y avoir un désaccord au sujet de l'existence même de la défectuosité. Dans une telle situation, nous avons l'obligation d'agir afin d'assurer la sécurité des Canadiens. Mes collègues en sauront peut-être plus que moi au sujet de l'historique des rappels et au moment où ils remontent.
Donald Roussel, sous-ministre adjoint délégué, Sécurité et Sûreté, Transports Canada : Oui. Le cadre des rappels n'était pas assez rigoureux dans la loi actuelle. Le présent projet de loi introduit la notion d'avis. Le rappel est la dernière étape dans une série de processus. Il y a des avis de défectuosité et des avis de non-conformité. Puis, si, au terme d'un dialogue avec l'entreprise, cette dernière ne réagit pas de façon appropriée, nous devons avoir le pouvoir d'exiger un rappel. C'est ce que permet le projet de loi. Dans le projet de loi précédent, ces mécanismes n'avaient pas assez de mordant.
Grâce à l'avis de non-conformité et à tous les mécanismes associés au régime de sanctions administratives pécuniaires, les SAP, on peut exercer de la pression sur les fabricants afin qu'ils réfléchissent à la question sérieusement et qu'ils passent à l'action, ce qui peut les pousser à entreprendre d'eux-mêmes un processus de rappel, au besoin. S'ils ne font rien, et que nous sommes en désaccord — au terme d'analyses, de tests et au moyen de pouvoirs supplémentaires au titre de cette loi pour exiger plus de tests ou d'analyses —, nous pouvons exiger un rappel. Mais il faut comprendre que le rappel est vraiment à utiliser en dernier recours. Il faut maintenir le dialogue avec les fabricants et favoriser leur responsabilité.
M. Garneau : Madame la sénatrice, pour revenir sur ce que M. Roussel a dit, en ce moment, dans le dossier des Ford F-150 — où nous sommes en désaccord avec le fabricant —, nous avons demandé l'avis des propriétaires de ce véhicule. Comme M. Roussel l'a dit, un rappel serait vraiment utilisé en dernier recours. Habituellement, nous dirions à l'entreprise — au fabricant — que, selon nous, il y a une défectuosité. Nous donnons aux fabricants l'occasion de s'expliquer. Nous invitons aussi les propriétaires à participer au processus. Au bout du compte, si nous estimons que rien n'a changé et qu'il y a bel et bien une défectuosité, alors nous avons le pouvoir de prendre des mesures.
La sénatrice Unger : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le ministre, d'être là. Comme par hasard, lorsque j'ai ouvert mon courrier jeudi, il y avait un avis de rappel de la société Chrysler relativement à mon Jeep Compass et à un problème de coussin gonflable. J'ai donc vraiment hâte de voir ce que nous allons faire.
La question de la responsabilité est une question que je me posais déjà bien avant de recevoir l'avis de rappel associé à mon véhicule. Vous allez maintenant devoir assumer une responsabilité : alors que, avant, vous aviez un pouvoir moral, vous aurez maintenant le pouvoir juridique de participer aux processus de rappel. Par conséquent, reconnaissez-vous le fait que vous pourriez avoir à assumer une certaine responsabilité? Par exemple, disons qu'un véhicule est défectueux et qu'on débat dans le domaine public de la question de savoir s'il y a vraiment une défectuosité — comme c'est le cas, par exemple, dans le cadre de vos discussions actuelles avec Ford au sujet des F-150 —, et, entretemps, quelque chose se produit. Le fils ou la fille de quelqu'un meurt en raison de ce que certaines personnes pourraient juger être une défectuosité. Puisque vous avez maintenant un pouvoir juridique et plus seulement un pouvoir moral, acceptez-vous aussi une certaine responsabilité à l'égard des Canadiens?
M. Garneau : Eh bien, c'est une question pour laquelle je n'ai pas de réponse. Je ne suis pas un avocat dans ce domaine précis, mais je dirais que, de notre point de vue, c'est important pour nous d'agir au nom du public canadien lorsqu'il est question de sécurité. Nous voulons apporter une série de modifications qui nous donneront un peu plus de latitude pour assurer la sécurité des Canadiens.
M. Roussel : Le projet de loi que vous avez devant les yeux rend l'information accessible. Bien sûr, il y a parfois beaucoup de brouhaha ambiant, mais, en rendant l'information accessible, une entreprise désignée par le ministre peut donner un avis à ce dernier en ce qui a trait à un véhicule ou une pièce d'équipement. Il y aurait donc des éléments supplémentaires dans la loi concernant les obligations de rendre l'information accessible. Nous pouvons obtenir de l'information, exiger qu'une date de correction soit établie, puis fournir l'avis approprié au ministre. Il s'agit donc bien sûr d'une responsabilité supplémentaire, mais il y a un cadre qui définit la façon dont l'information est transmise officiellement aux ministres dans le nouveau projet de loi et qui précise nos pouvoirs accrus d'exiger de l'information des ministres et de demander des renseignements ou des tests supplémentaires. Kim, voulez-vous ajouter quelque chose?
Kim Benjamin, directrice générale, Sécurité routière et règlement des véhicules automobiles, Transports Canada : Nous avons actuellement le pouvoir d'exiger des fabricants qu'ils nous fournissent des renseignements en émettant un avis de défectuosité. Ce pouvoir figure actuellement dans la loi. Ce que nous ajoutons aujourd'hui, dans le projet de loi, c'est le pouvoir d'exiger des fabricants qu'ils prennent des mesures correctives, ce qui est un pouvoir que nous n'avions pas avant.
Peu importe notre responsabilité, elle existe déjà dans le cadre de la loi actuelle, et, sans vouloir parler au nom des avocats, je dirais que les changements que nous apportons aujourd'hui visent davantage à exiger des entreprises qu'elles payent elles-mêmes pour les réparations et qu'elles s'assurent que les réparations sont faites, ce qui, selon moi, améliorera la sécurité pour les Canadiens et réduira la responsabilité pour tout le monde. Je précise cependant que je ne suis pas une avocate.
Le sénateur Mercer : J'ai appris il y a longtemps à ne jamais essayer de parler au nom des avocats, parce qu'ils ont déjà de la difficulté à parler en leur nom.
Monsieur le ministre, vous avez mentionné deux ou trois fois la non-conformité dans votre déclaration. Qui détermine s'il y a non-conformité? Qui dit que l'entreprise X ou l'entreprise Y est non conforme ou que la mesure corrective n'est pas conforme à l'intention de la loi?
M. Garneau : C'est Transports Canada. Cela fait partie de notre responsabilité.
Le sénateur Mercer : C'est vous, le ministre?
M. Garneau : Oui, au bout du compte, c'est moi. Nous avons des inspecteurs, et si nous croyons qu'une pièce précise d'un véhicule n'est pas conforme à la réglementation du point de vue de la sécurité, alors nous avons l'option de dire que ce véhicule n'est pas conforme. Dans un même ordre d'idées, si nous trouvons une défectuosité associée à un véhicule avant le fabricant, nous avons aussi le pouvoir de dire qu'il y a là une défectuosité.
Le sénateur Mercer : Maintiendra-t-on la pratique qu'on utilisait déjà et qui consiste à communiquer publiquement le désaccord sur la non-conformité de façon à ce que le grand public sache que vous avez déterminé que l'entreprise X est non conforme? Comme nous le savons, cette pratique a un impact important sur les ventes de véhicules.
M. Garneau : Oui, nous sommes obligés de rendre l'information publique, alors c'est ce que nous faisons.
Le sénateur Black : Monsieur le ministre, merci beaucoup d'être là. Si vous le voulez bien, j'aimerais que nous parlions de ce que vous et votre ministère pensez des véhicules automatisés. Vers la fin de votre déclaration, vous avez mentionné une certaine souplesse pour protéger l'innovation et le fait de trouver un juste équilibre entre l'innovation et la sécurité. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet s'il vous plaît?
M. Garneau : La sécurité doit toujours rester l'enjeu primordial, mais, comme vous le savez, les différents fabricants déploient beaucoup d'efforts pour mettre au point des véhicules automatisés et connectés. Dans certains cas, ces percées sont si rapides que nous devons, si je puis dire, courir très rapidement pour suivre le rythme et bien tenir compte de tout ce qui concerne la sécurité et l'ensemble de la réglementation.
Le processus de modification réglementaire prend parfois beaucoup de temps. Les arrêtés à effet provisoire et les dispenses nous donnent plus de souplesse pour apporter les changements — parfois de façon temporaire — jusqu'à ce que nous puissions les rendre permanents. Lorsque nous constatons que, par exemple, d'autres pays ont apporté des changements à leur réglementation relativement aux véhicules automatisés, plutôt que d'entreprendre le processus réglementaire habituel et de tout changer, nous pouvons agir plus rapidement. Cela nous permet d'être plus agiles, puisqu'il s'agit de nouvelles technologies auxquelles nous aurons accès beaucoup plus rapidement que la plupart des gens peuvent le croire et qu'on commencera plus vite qu'ils ne le croient à croiser des véhicules automatisés sur la route. Évidemment, nous voulons avant tout nous assurer que les routes sont sécuritaires, mais nous voulons aussi pouvoir apporter des changements rapidement, et ces dispositions nous donneront la souplesse supplémentaire nécessaire pour le faire.
Le sénateur Black : Merci, monsieur le ministre. Je crois que c'est très bien réfléchi, parce que les modifications soutiennent l'innovation.
M. Garneau : En effet. Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles on a procédé ainsi. Parfois, nous pouvons miner l'innovation en raison d'un long processus bureaucratique.
Le sénateur Black : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Eggleton : Merci, monsieur le ministre d'être là et de nous présenter le projet de loi S-2. Je crois que la Corporation des associations de détaillants d'automobiles appuie le projet de loi. La Corporation représente l'industrie du détail et les concessionnaires d'automobiles. Elle souligne une différence entre cette loi et la loi américaine, dans la mesure où la loi américaine offre une certaine protection aux concessionnaires d'automobiles si un véhicule qui fait l'objet d'une ordonnance doit rester sur le terrain du concessionnaire le temps qu'il soit réparé, parce que, s'il est là pendant une certaine période, il pourrait perdre de sa valeur. C'est le genre de choses qui pourrait arriver, par exemple, vers la fin d'une année automobile lorsqu'un véhicule ne peut être vendu tant que tous les aspects des travaux de réparation nécessaires n'ont pas été réglés et que les travaux de réparation en tant que tels n'ont pas été réalisés. Apparemment, la loi américaine exige des fabricants qu'ils indemnisent les concessionnaires dans une telle situation, ce qui n'est pas le cas ici. Pouvez-vous expliquer cette situation?
M. Garneau : Merci, monsieur le sénateur, de la question. Vous avez tout à fait raison : l'une des choses abordées dans les modifications que nous proposons, c'est que lorsqu'il y a une défectuosité, lorsqu'on détermine qu'un modèle précis est défectueux et qu'il y a un certain nombre de ces véhicules qui attendent d'être vendus sur le terrain d'un concessionnaire, nous estimons que, pour des raisons de sécurité, ces véhicules ne doivent pas être vendus tant que la défectuosité n'est pas réglée.
Si le fabricant et les concessionnaires veulent conclure un accord, à eux de voir, mais, de notre point de vue, ce qui est important, c'est que le véhicule — et c'est une mesure à laquelle nous avons beaucoup réfléchi — ne soit pas vendu à un Canadien si on sait qu'il est défectueux. En d'autres mots, je ne veux pas acheter un véhicule relativement auquel le vendeur me dit : « Oh, en passant, ce véhicule fait l'objet d'un rappel en raison d'une défectuosité précise. » Cette défectuosité devrait être réparée avant la vente du véhicule. C'est la position que, selon nous, nous devons adopter pour des raisons de sécurité.
Le sénateur Eggleton : Eh bien, vous avez tout à fait raison. La sécurité est primordiale, et les problèmes doivent être réparés. Ces défectuosités découlent du processus de fabrication, pas du processus de vente du concessionnaire d'automobiles, et la situation soulève donc une question d'équité. La loi américaine, que vous dites suivre, prévoit cette situation et prévoit le remboursement du concessionnaire d'automobiles par le fabricant. Pourquoi ne pas faire la même chose? Vous avez dit que vous tentez de reproduire ce que font les Américains.
M. Garneau : Eh bien, pas tout. Il y a certaines choses que nous faisons un peu différemment. Selon nous, c'est un enjeu qu'il revient au fabricant et au concessionnaire de régler.
Le sénateur Eggleton : Je vois. D'accord. Permettez-moi de vous poser une question sur un autre sujet. Si j'ai bien compris, Transports Canada dit qu'intenter des poursuites criminelles pour assurer la conformité avec la loi est chronophage et coûteux. Y a-t-il eu beaucoup de poursuites? Pouvez-vous nous dire combien de poursuites ont été intentées et combien ont été réglées? Y a-t-il eu de longues procédures devant les tribunaux? Je ne me rappelle pas vraiment en avoir entendu beaucoup parler, mais peut-être que vous pourriez nous expliquer de façon plus approfondie pourquoi ce n'est pas une bonne façon de procéder. Quelles sont les preuves?
M. Garneau : Je m'en remettrai à mes collègues s'ils connaissent des exemples de poursuites. Cependant, cela dit, il demeure que c'est un processus important et que nous estimons que l'introduction de sanctions administratives pécuniaires et d'ententes de consentement est une façon d'éviter d'avoir à intenter des poursuites criminelles. En outre, ces mesures nous permettent éventuellement de passer à l'action plus rapidement et, dans le cas des ententes de consentement, d'obtenir la coopération du fabricant et d'en venir à un accord. Cependant, je ne sais pas si, dans le passé, il y a eu beaucoup de poursuites criminelles.
Mme Benjamin : Je crois que c'est seulement à une ou deux occasions dans l'histoire de cette législation que nous avons opté pour des poursuites criminelles. La vraie valeur des SAP, pour nous, c'est qu'elles permettent de régler certaines infractions avant que l'on doive se rendre au niveau pénal. Il y a par exemple infraction lorsqu'une entreprise omet d'informer rapidement le public d'une défectuosité. Ce sont des types d'infractions relativement auxquels, actuellement, nous pouvons formuler nos demandes poliment ou avec fermeté, mais nous n'avons pas vraiment d'autre choix d'outil. Les sanctions administratives pécuniaires nous permettront d'obtenir la conformité des fabricants relativement à ces enjeux de niveau inférieur ou moyen, avant que la situation ne dégénère et que les problèmes grossissent. Pour ce qui est des poursuites criminelles en tant que telles, nous avons rarement opté pour cette méthode.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue ainsi qu'à vos collaborateurs. Nous sommes heureux de vous revoir.
Mes collègues ont beaucoup parlé des comparaisons entre les États-Unis et le Canada. Vous connaissez sans doute les émissions de télévision comme J.E. à TVA et Enquête à Radio-Canada. Dans des dizaines de cas, on a vu des citoyens aux prises avec des citrons qui devaient se défendre seuls devant les tribunaux, et ce, à grands frais, car nous connaissons tous les délais interminables du système de justice pénale au Québec.
Aux États-Unis, lorsqu'un citoyen est aux prises avec un véhicule qui a eu trois ou quatre réparations et qu'il y a une impossibilité de réparer le problème, une loi oblige le fabricant ou le vendeur à remplacer le véhicule. Ce ne sera pas le cas pour nous avec le projet de loi S-2 et, par conséquent, les citoyens seront encore pris à se défendre eux-mêmes sans que l'État ne puisse les accompagner dans ce processus.
N'y aurait-il pas eu lieu d'apporter un amendement à ce projet de loi afin de permettre de gérer ces cas pénibles pour les citoyens lorsqu'ils doivent se battre devant les tribunaux pour faire réparer leur véhicule pour un défaut de fabrication ou de réparation? Encore une fois, les États-Unis défendent mieux leurs citoyens que le Canada. Qu'en pensez-vous?
M. Garneau : Je sympathise avec ceux qui ont acheté des citrons. Nous connaissons tous quelqu'un à qui s'est arrivé. Les amendements que nous étudions aujourd'hui sont reliés à la sécurité. Il s'agit de la Loi sur le renforcement de la sécurité automobile pour les Canadiens. Là, certainement, il faut prendre des mesures. Il y a des situations où la voiture n'est pas fiable, est toujours en panne; cependant, ce n'est pas relié à la sécurité. C'est peut-être la façon dont l'automobile a été conçue, mais ces cas ne sont pas visés par le projet de loi. Ici, on se concentre exclusivement sur l'aspect de la sécurité.
Le sénateur Boisvenu : Je vous rappelle le cas d'une dame à Montréal dont le problème en était un de sécurité : le freinage. Il n'y a rien de plus sécuritaire à mon avis. Elle a dû prouver devant les tribunaux qu'il s'agissait d'une erreur de fabrication et que c'était irréparable.
Je comprends que ce projet de loi tiendra compte surtout de l'aspect plus collectif d'un problème que d'un aspect particulier, mais j'ai rarement vu des compagnies automobiles faire des rappels au Canada. Cela est toujours provenu des États-Unis et ensuite, on faisait les rappels au Canada. Ce projet de loi corrigera-t-il cet aspect? Comme le secrétaire aux États-Unis, aurez-vous le pouvoir de rappeler des véhicules?
M. Garneau : C'est l'une des propositions, mais il faut faire le point sur l'un des exemples que vous avez cités, le freinage. Si c'est un défaut de conception du système de freinage, les mesures en place nous permettent de forcer la compagnie à rappeler les automobiles et à les réparer. Par contre, si une personne va au garage et que la voiture est bien conçue, mais que le mécanicien fait mal son travail pour réparer ou remplacer des freins, il ne s'agit pas là d'un problème de conception, mais bien d'un problème de mauvaise réparation, et ce n'est pas couvert par le projet de loi. Le projet de loi vise les problèmes de conception.
Le sénateur Boisvenu : Quel processus devra suivre un citoyen qui veut déposer une plainte ou qui souhaite que vous interveniez en tant que ministre? Le processus sera-t-il long ou court? Pouvez-vous nous expliquer grosso modo le processus administratif ou juridique?
M. Garneau : Souvent, le propriétaire signale le problème au manufacturier. Dorénavant, nous exigeons que les manufacturiers nous tiennent informés à ce sujet. Je vais céder la parole à M. Roussel.
M. Roussel : Pour la première partie de votre question, l'article 8.1 du projet de loi donne le pouvoir au ministre d'ordonner ces tests et d'effectuer des analyses ou des études.
Le sénateur Boisvenu : À la suite d'une plainte déposée par un citoyen?
M. Roussel : Il peut s'agir d'une plainte déposée par un citoyen, d'informations que nous obtenons par différents moyens, grâce à nos propres tests ou par l'entremise de nos inspecteurs qui détectent un problème. Nous avons mis de la pression pour certains cas de rappels pour lesquels les Américains n'avaient pas la même vision que nous. Il y a eu des cas où nous avons agi à titre de leader. Pour la portion des plaintes traitées par le ministère, nous avons une mécanique très élaborée. Mme Benjamin vous donnera plus de précisions à ce sujet.
[Traduction]
Mme Benjamin : Nous avons essayé de rendre le processus le plus simple possible. En fait, un numéro 1-800 permettant de communiquer avec Transports Canada figure dans tous les manuels d'automobile. Les gens peuvent nous soumettre leur plainte en nous appelant, en venant dans nos bureaux ou en communiquant avec nous sur Internet. Nous prenons en note tous leurs renseignements, nous les comparons avec d'autres plaintes, nous ouvrons des dossiers et nous menons des enquêtes.
Nous pouvons découvrir une défectuosité après avoir reçu une plainte du public comme nous pouvons la découvrir dans le cadre de nos essais ou durant des discussions avec les fabricants. Mais, effectivement, nous recevons beaucoup, beaucoup de plaintes du public, et nous les examinons et ouvrons des dossiers.
Le sénateur Runciman : Bonjour, monsieur le ministre. J'ai deux ou trois questions.
Mme Benjamin a mentionné que des poursuites criminelles ont rarement été intentées contre les fabricants et que vous n'avez pas choisi cette méthode. À quand remonte la dernière fois où le gouvernement est passé à l'action et a intenté des poursuites criminelles contre un fabricant automobile?
Mme Benjamin : C'est une information que je vais devoir confirmer. Ça fait assez longtemps. Habituellement, nous réussissons à travailler avec les fabricants et à régler les problèmes de défectuosité ou de non-conformité.
Le sénateur Runciman : C'est bien ce que je pensais. Je comprends ce que vous dites au sujet de la loi, mais, d'un autre côté, je pense à la situation de General Motors et aux commutateurs de démarrage défectueux. L'entreprise a été au courant du problème pendant 10 ans si je ne m'abuse. Il a été déclaré qu'il coûtait 57 cents pour réparer le commutateur d'allumage défectueux. L'entreprise doit maintenant verser des indemnisations en raison de 124 décès. Je pense aux victimes dans ces situations et je me demande pourquoi, apparemment, les gouvernements ont hésité à prendre des mesures malgré la grande négligence de l'entreprise, qui a causé autant de douleur, de souffrance et de décès.
Y a-t-il une réaction liée au fait d'opter pour un règlement financier avec le gouvernement ou d'opter pour une autre initiative de cet ordre, plutôt que de se retrouver devant les tribunaux pour s'attaquer de front au problème et envoyer un message très clair aux fabricants, soit que, si ce genre de choses se reproduit, on ne s'en tiendra pas à une simple tape financière sur les doigts, et des personnes pourraient se retrouver en prison?
M. Garneau : Pour commencer, nous vous reviendrons sur la question de savoir à quand remontent les dernières poursuites au Canada. Je crois que c'est quelque chose que vous voulez savoir.
Les poursuites restent une option, c'est évident, mais ces autres mécanismes, les sanctions administratives pécuniaires et les ententes de consentement, sont aussi de nouveaux outils que nous mettons en place et qui nous donneront un peu plus de souplesse lorsque nous déterminons s'il est préférable d'opter pour une autre approche plutôt que des poursuites criminelles.
Assurément, le dossier des commutateurs d'allumage de GM est un cas exceptionnel, mais votre remarque est judicieuse.
Le sénateur Runciman : Espérons que, à l'avenir, le gouvernement tiendra compte de l'impact sur les victimes et leur famille lorsqu'il prend de telles décisions.
Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, vous n'êtes pas accompagné d'un avocat? C'est ce que vous avez indiqué. Pour revenir sur ce dont vous parlez, ici, la question des dispenses liées aux technologies et la façon dont vous gérez cet aspect des choses dans le cadre du projet de loi grâce aux arrêtés à effet provisoire et aux dispositions sur les dispenses pour avoir une certaine souplesse, plutôt que d'utiliser un processus réglementaire — je me demande —, quelles sont les répercussions juridiques de cette décision? Le savez-vous? Il me semble que, du point de vue du comité et d'un point de vue parlementaire, il pourrait y avoir certaines préoccupations et on pourrait voir là — peut-être — une façon de contourner le processus réglementaire, ce qui pourrait avoir des répercussions. Je sais que le sénateur Mercer a soulevé la question de la responsabilité.
Pour ce qui est du fait de ne pas utiliser le processus réglementaire et d'utiliser ces arrêtés à effet provisoire — parce qu'ils nous évitent les maux de tête bureaucratiques —, je me demande s'il y a des répercussions juridiques sur le gouvernement, quelque chose dont le comité devrait tenir compte.
M. Garneau : La sécurité restera primordiale, quelles que soient les décisions que nous prenons. Cependant, comme j'ai essayé de le souligner, nous voulons aussi tenir compte du fait que nous sommes confrontés à des percées technologiques rapides. Mesdames et messieurs les sénateurs, nous n'allons pas prendre de raccourci en ce qui a trait à la sécurité. Le recours aux arrêtés à effet provisoire ou aux dispenses sera temporaire. Ce sera une façon de reconnaître le fait que l'innovation est là, mais nous ne le ferons pas aux dépens de la sécurité.
Le sénateur Runciman : L'utilisation des arrêtés à effet provisoire est-elle répandue au sein du gouvernement pour, comme vous le dites, éviter temporairement d'appliquer le processus réglementaire?
M. Garneau : Je vais laisser mon collègue répondre.
M. Roussel : Oui, dans notre portefeuille, nous avons un ensemble de types différents de dispenses. Ces mesures ne portent pas toutes le même nom. Par exemple, dans le cadre de la Loi sur la marine marchande du Canada, le Bureau d'examen technique en matière maritime a les mêmes mesures de protection que celles qui figurent dans la section des dispenses du projet de loi que vous avez devant les yeux, à l'alinéa 9.1a), où il est question des dispositifs de sécurité équivalents ou supérieurs à ceux qui sont conformes aux normes réglementaires.
Par conséquent, cette mesure de protection est appliquée lorsque nous accordons des équivalences pour des dispenses et lorsque nous réalisons des analyses pour déterminer les équivalences. Et si nous n'arrivons pas à respecter de façon claire la mesure de protection, alors il faut prévoir des mesures d'atténuation, que ce soit dans le cadre du fonctionnement d'un navire, d'un avion, d'un train ou, dans la situation précise qui nous occupe, un véhicule motorisé et les interactions avec celui-ci.
Dans la disposition sur la dispense, en ce moment, on parle d'une période de trois ans, ce qui nous donne une certaine marge de manœuvre. L'objectif, c'est d'accorder ces dispenses après que des essais ont été réalisés dans le cadre du régime réglementaire. C'est donc un régime similaire à ce que prévoient d'autres lois du portefeuille.
Le sénateur Runciman : Je comprends, mais il n'y aurait probablement pas là les mêmes répercussions à grande échelle en ce qui concerne la sécurité publique. Vous avez parlé du fait que c'est comparable à...
M. Garneau : Je suis désolé, monsieur le sénateur, cela ne changerait rien aux répercussions liées à la sécurité. Je crois que cela a été dit clairement.
Le sénateur Runciman : J'ai utilisé l'expression « à grande échelle », pour faire une comparaison entre le secteur automobile et le secteur des transports maritimes et ce genre de choses. C'est tout ce que j'essayais de dire.
Vous avez parlé de lois et de politiques similaires aux États-Unis. Pour ce qui est des dispenses liées aux technologies, à votre connaissance, le libellé et les outils sont-ils comparables à ceux des États-Unis? Le savez-vous?
Mme Benjamin : Pour ce qui est du pouvoir de dispense, en fait, les États-Unis ont un pouvoir de dispense assez semblable. Dans le cadre de leur nouveau processus, qui vise à composer avec l'arrivée des véhicules automatisés et connectés, ils essaient de déterminer de quelle façon utiliser ce pouvoir de dispense plus fréquemment et de façon plus agile. De leur côté aussi, ils sont en train de changer le processus et de le rendre un peu plus convivial.
Pour revenir rapidement à la question du pouvoir de dispense et des arrêtés à effet provisoire, ce sont des pouvoirs déjà prévus dans la loi. L'objectif du projet de loi, c'est de les modifier. Il y a déjà, habituellement, des arrêtés à effet provisoire. Cependant, ils durent un an, pas trois. Puisqu'il s'agit de règlements très techniques, il est très difficile de faire adopter un nouveau règlement en un an. De mémoire, récemment, nous avons utilisé cette disposition pour les sièges de sécurité d'enfants, dans le but de nous conformer à la réglementation américaine.
Le sénateur Runciman : Le seul commentaire que je veux formuler au sujet du libellé concerne l'expression « porter considérablement atteinte à la sécurité de fonctionnement du modèle dans son intégrité ». Selon moi, c'est un libellé très subjectif, monsieur le président. C'est la seule préoccupation que je souligne pour le compte rendu. Je sais qu'on nous garantit que la sécurité ne sera pas compromise, et nous acceptons bien sûr ces garanties.
Le vice-président : Merci, sénateur Runciman. Avant de passer à la deuxième série, je veux souligner que des avocats sont ici et qu'ils se joindront aux témoins pour la deuxième heure, après le départ du ministre. Vous aurez donc l'occasion de leur poser certaines de ces questions de nature juridique.
Le sénateur Doyle : Monsieur le ministre, vous avez mentionné dans vos notes que les entreprises ont tendance à assumer la responsabilité à l'égard des produits qu'ils vendent et que les nouveaux pouvoirs proposés serviront uniquement dans des situations extraordinaires, lorsque le gouvernement doit intervenir. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? En quoi précisément consisteraient des situations extraordinaires dans le cadre desquelles le gouvernement juge nécessaire d'intervenir? Serait-il question de décès, d'accidents ou je ne sais quoi d'autre?
M. Garneau : Mme Benjamin a donné des exemples de situations où nous avons reçu des plaintes du public, lorsque des gens estiment qu'il y a un problème et que leur véhicule est défectueux. C'est le genre de situation dont il est question, ou encore lorsque nous menons des inspections et que nous concluons qu'il y a peut-être une défectuosité. Nous avons l'obligation et la capacité de discuter avec le fabricant pour lui dire que nous craignons qu'il y ait une défectuosité et de mettre en branle ce processus.
La plupart du temps, les fabricants cernent les défectuosités eux-mêmes et par leurs propres moyens et ils s'en occupent. Cependant, il y a eu des cas — j'ai donné l'exemple actuel des camionnettes Ford F-150 au sujet desquelles nous avons reçu des plaintes portant sur des distances de freinage anormalement longues — où il y a eu désaccord. Le gouvernement du Canada et Transports Canada — qui est chargé de surveiller la sécurité — sont à couteaux tirés avec le fabricant. C'est dans de telles situations où nous estimons qu'il faut prendre certaines mesures — dans l'intérêt de la sécurité des Canadiens — que ces pouvoirs supplémentaires nous serviront.
Le sénateur Doyle : Vous avez dit qu'il y a eu deux ou trois poursuites criminelles. Est-ce au cours des deux ou trois dernières années? Combien y en a-t-il eu, disons, au cours des 10 dernières années?
Mme Benjamin : Si ma mémoire ne me joue pas de tours, il n'y en a eu aucune au cours des 10 dernières années.
Le sénateur Doyle : D'accord, il y en a eu deux ou trois. Combien de temps durent ces démarches? J'imagine que ça dépend de la situation.
Mme Benjamin : Je n'ai pas de renseignements détaillés à ce sujet. Nous devrons vous donner une réponse plus tard à ce sujet.
M. Garneau : Nous ferons un suivi à ce sujet.
Le sénateur Doyle : Dans quel pourcentage des cas les entreprises coopèrent-elles immédiatement? Coopèrent-elles immédiatement lorsque le gouvernement dit publiquement qu'elles doivent procéder à un rappel? D'après votre expérience, le processus est-il habituellement très rapide?
Mme Benjamin : Oui, habituellement. Nous travaillons en assez étroite collaboration avec les fabricants pour communiquer de l'information et, en général, les fabricants se plient à nos demandes. Il y a seulement eu quelques cas que nous avons dû mettre de l'avant. Dès que nous croyons qu'il y a un désaccord, nous mettons le dossier de l'avant. Si je ne m'abuse, il y a seulement eu deux ou trois cas au cours des dernières années.
La sénatrice Unger : Monsieur le ministre, quels changements ont été apportés au projet de loi S-2 comparativement à sa version précédente, le projet de loi C-62? Et pour quelle raison avez-vous apporté ces modifications?
M. Garneau : Merci, madame la sénatrice. En grande partie, le projet de loi est identique au projet de loi C-62, mais nous avons introduit le pouvoir de négocier des ententes de consentement — c'est l'une des mesures intermédiaires permettant d'éviter les poursuites criminelles —, le pouvoir de conclure des accords de nature administrative, la durée et la portée des arrêtés à effet provisoire — dont la durée passe d'un an à trois ans —, l'élargissement de la portée des dispenses et le fait de prévoir l'approbation ministérielle. Les deux derniers éléments sont liés à la sécurité, mais pas à l'enjeu des rappels. Ces changements concernent le volet technologique du dossier.
Nous avons apporté de légères modifications à ce qui était prévu dans le projet de loi précédent en ce qui concerne les sanctions administratives pécuniaires, le régime touchant les violations de la loi et les mécanismes de recours. Il y a un mécanisme de recours devant le Tribunal d'appel des transports du Canada. Nous avons apporté de légers changements à ces endroits. Je vais céder la parole à mes collègues, qui fourniront des renseignements à ce sujet.
Aussi, un dernier changement consiste à exiger de certains importateurs et vendeurs qu'ils conservent certains dossiers et qu'ils fournissent des renseignements à Transports Canada. Nous voulons avoir accès à plus de renseignements et nous voulons forcer les fabricants à conserver plus de dossiers sur les plaintes et les enjeux liés à la sécurité.
Pour ce qui est des modifications, je n'en connais pas bien le détail.
Mme Benjamin : En ce qui a trait au programme des sanctions administratives pécuniaires, lorsque, précédemment, nous avons proposé un tel régime, il n'y avait pas de niveau maximal de sanctions pouvant être imposées. Cette fois-ci, nous avons ajouté un pouvoir réglementaire qui nous donne la capacité de créer un plafond pour chaque type de violation, parce qu'on pourrait vouloir un plafond très différent selon le type de violation. Aux États-Unis, si je ne m'abuse, le plafond s'élève à 105 millions de dollars. C'est un montant très élevé, et c'est la raison pour laquelle nous ne l'avions pas inclus la première fois. Cependant, à la lumière des commentaires que nous avons reçus par la suite, nous estimions qu'il était approprié d'ajouter un plafond qui répond aux besoins de chaque type de violation.
En ce qui concerne les pouvoirs de collecte de renseignements, précédemment, nous avions défini des types bien précis de renseignements que nous voulions recueillir, et le tout était défini dans la loi. Les Américains ont recueilli beaucoup de renseignements au cours des dernières années, et ils ont été assez critiqués dans la mesure où ils n'obtenaient pas nécessairement les bons renseignements et ne les évaluaient pas de façon appropriée. Ils travaillent actuellement en collaboration avec l'industrie pour déterminer quels renseignements permettent vraiment d'accroître la sécurité et sont nécessaires pour qu'il soit possible de savoir qu'il y a une défectuosité.
Cette fois-ci, ce que nous avons fait dans le projet de loi, c'est de proposer d'inclure un pouvoir nous permettant de créer par règlement les types précis de données qu'il faudrait recueillir afin que nous puissions nous aligner d'assez près sur les résultats de l'étude américaine, de façon à ce que nous puissions travailler en collaboration avec l'industrie et obtenir les meilleures données possible, pas seulement des données de façon générale. Voilà pour le détail des principaux changements.
La sénatrice Unger : L'industrie accepte-t-elle généralement ces changements proposés?
Mme Benjamin : Elle n'a aucun problème avec la collecte de renseignements si les exigences sont similaires à celles des États-Unis. En raison des systèmes de TI nécessaires pour recueillir les plaintes du public et consigner les rapports sur le terrain, les types de renseignements requis, tant que nos exigences sont harmonisées avec les exigences américaines et que les fabricants n'ont pas à créer des systèmes de données uniques pour le Canada, ils se disent favorables.
La sénatrice Unger : Une dernière question rapide : pourquoi le projet de loi est-il présenté devant le Sénat plutôt que la Chambre des communes?
M. Garneau : Parce que nous savons que les processus du Sénat sont très efficients.
La sénatrice Unger : Merci de cette réponse, monsieur le ministre.
Le sénateur Mercer : La flatterie vous mènera à tout, monsieur le ministre. Nous vous remercions de ces aimables commentaires.
J'ai dit tantôt que j'ai reçu un avis de rappel jeudi dernier relativement à mon véhicule. J'ai pris le temps de lire le document. Le fabricant m'a dit qu'il y avait une défectuosité et que c'était lié à mon sac gonflable, ce qui, bien sûr, est un enjeu de sécurité. Le fabricant m'a ensuite dit que, même si le coussin est défectueux et qu'une réparation est nécessaire, il ne peut pas le faire immédiatement.
Pourrait-il procéder ainsi et tout de même être conforme au titre de la nouvelle loi? Dans l'affirmative, y a-t-il une limite imposée aux fabricants de façon à ce que, une fois un processus de rappel entrepris, il y ait une date limite pour offrir aux consommateurs les réparations nécessaires? Si le consommateur ne prend pas le temps de rapporter le véhicule chez le concessionnaire, alors c'est son problème, mais dans mon cas, comme je vous l'ai expliqué, je ne pourrais pas conduire mon véhicule demain chez le concessionnaire parce qu'il n'est pas prêt à faire le travail.
M. Garneau : Oui. Une des modifications prévues dans le projet de loi exigera que la défectuosité puisse être réglée dans un certain délai.
Le sénateur Mercer : De quelle façon allez-vous déterminer cette période?
M. Garneau : Je vais laisser mes collègues répondre.
Mme Benjamin : En ce qui concerne le temps qu'il faut pour procéder à une réparation, l'un des changements que nous avons apportés au projet de loi la dernière fois consistait à forcer les fabricants à communiquer plus rapidement avec les propriétaires de véhicules pour leur dire qu'il y a un problème lié à leur véhicule. Dans le passé, les fabricants pouvaient attendre de savoir quand ils pourraient réparer la défectuosité avant d'envoyer la lettre d'avis. La dernière fois, lorsque nous avons proposé des modifications dans le projet de loi, nous avons fait une distinction entre ces deux choses afin que les gens aient accès à l'information et puissent déterminer s'ils veulent ou non continuer d'utiliser leur véhicule. L'important, c'était de les informer de l'existence d'un problème.
Puis, nous avons réfléchi et nous nous sommes demandé de quelle façon composer avec le fait que la solution n'est peut-être pas nécessairement prête. On ne peut pas imposer un délai avant lequel le constructeur doit avoir une mesure corrective, parce qu'il n'aura peut-être pas la solution technique pour y arriver. Il pourrait arriver qu'un fabricant ait à racheter un véhicule plutôt que de le réparer.
Ce que nous avons fait dans le projet de loi, c'est de prévoir différentes mesures correctives. Une mesure corrective pourrait être une réparation ou encore le rachat du véhicule par le fabricant si celui-ci ne peut pas être réparé.
Le sénateur Mercer : À quel prix? Si le fabricant doit racheter le véhicule, qui établit le prix?
Mme Benjamin : C'est écrit ici. Je pourrais vérifier, mais le montant est fondé sur la valeur marchande.
Le sénateur Mercer : La valeur marchande aura perdu des plumes si le véhicule est défectueux.
M. Garneau : Si le véhicule a cinq ou six ans, oui, la valeur marchande peut être très différente.
Mme Benjamin : Cependant, ce que nous avons ajouté, c'est que nous ne pouvons pas dire au fabricant qu'il doit avoir fait les réparations avant telle ou telle date, parce que la solution technique n'est peut-être tout simplement pas connue. Ce que nous avons indiqué, c'est que le fabricant doit indiquer la date en question dans l'envoi postal distribué. S'il ne connaît pas la date au début, il doit envoyer un nouvel avis pour fournir la date une fois la date connue.
Dans le projet de loi, nous avons décidé de fournir au ministre un pouvoir qui lui permet d'aller voir l'entreprise et de lui demander de prouver qu'elle ne peut pas régler le problème plus rapidement, de façon à ce que nous puissions examiner la situation et constater que : « Eh bien, le fabricant fait tout ce qu'il peut et ne laisse pas tout simplement traîner les choses parce qu'il ne veut pas payer pour la mesure corrective ou pour sa mise en œuvre. »
Le temps nécessaire pour procéder à la réparation la plus techniquement faisable et la plus rapide sera différent d'une situation à l'autre, alors on ne peut pas dire : « Vous devez le faire en six mois, deux ans ou deux semaines. » Les fabricants doivent agir le plus rapidement possible, et, si nous croyons qu'ils prennent trop de temps, nous allons examiner leurs dossiers. En outre, si nous concluons qu'ils ne procèdent pas assez rapidement, alors nous les mettrons à l'amende grâce au processus de SAP, pour nous assurer qu'ils ne se traînent pas les pieds afin de ne pas procéder aux réparations.
C'est difficile, parce qu'une solution technique peut ne pas exister lorsque les fabricants informent les clients de l'existence d'un problème. Ils essaient de communiquer l'information afin d'informer les clients, puis ils reviendront avec une solution dès qu'ils en auront une.
Le vice-président : Notre heure passée avec le ministre est terminée. Je tiens à remercier encore une fois le ministre Garneau d'être venu nous voir ce matin. C'est toujours un plaisir de vous voir, monsieur.
M. Garneau : Merci beaucoup.
Le vice-président : Et maintenant, honorables sénateurs, pour poursuivre les discussions avec les représentants de Transports Canada, Mme Marie-France Taschereau, conseillère juridique du ministère, et Alain Langlois, avocat général, se joignent à leurs collègues. Merci d'être là. Sénateurs, la parole est à vous; vous pouvez poser des questions.
Le sénateur Mercer : Bienvenue aux nouveaux invités. Je crois savoir qu'il y a maintenant deux avocats ici, ce qui nous garantit que nous aurons droit à deux opinions différentes, même si elles ne sont pas exprimées durant la réunion.
Vous étiez tous les deux dans la salle lorsque nous avons posé des questions au ministre, et il y a eu deux ou trois questions qui relevaient du domaine juridique et qui concernaient les dernières fois où il y a eu des poursuites criminelles. Vous avez peut-être entendu ces questions. Pouvez-vous nous préciser ce que vous pouvez ajouter à ce débat. Monsieur Langlois?
Alain Langlois, avocat général et directeur exécutif associé, Transports Canada : Pour ce qui est de la question des poursuites criminelles, je dois dire que je ne connais pas la réponse. Je travaille pour Transports Canada depuis 10 ans. Je ne suis au courant d'aucune poursuite criminelle intentée contre des fabricants au titre de la loi. S'il y en a déjà eu, c'était il y a longtemps, et nous pouvons faire certaines vérifications, trouver une réponse et vous la fournir plus tard.
Le sénateur Mercer : Il y a plus de 10 ans?
M. Langlois : Oui.
Le sénateur Mercer : On peut le dire sans se tromper. Madame Taschereau? Non? D'accord.
M. Langlois : Une autre question soulevée durant la première heure concernait la responsabilité au moment d'exercer les pouvoirs liés aux arrêtés. Le fait que le ministre a le pouvoir d'exiger des entreprises qu'elles rappellent des véhicules ne transfère pas la responsabilité des fabricants au ministre. D'un point de vue réglementaire, chaque fois que le ministre se mêle d'une situation et utilise un pouvoir qu'il a au titre d'une loi de prendre des mesures pour protéger la sécurité des Canadiens — que ce soit relativement à un véhicule, un chemin de fer ou l'aéronautique —, l'arrêté n'a jamais pour effet de transférer la responsabilité de quiconque est responsable de l'avion, du véhicule ou du navire au ministre.
Le sénateur Mercer : Cependant, disons que je suis dans un groupe de consommateurs qui ont eu un problème avec un véhicule X. Nous avons formulé des plaintes et fait connaître nos préoccupations au ministère, au ministre et au fabricant. Le fabricant a refusé de faire quoi que ce soit, et le ministre n'a pas jugé bon d'émettre un arrêté, mais, au bout du compte, ce sont les clients qui ont raison. Il y a une défectuosité qui a causé un préjudice irréparable, peut-être même des décès dans certains cas. Vous êtes tous deux des avocats, alors vous savez bien ce que l'avocat des consommateurs leur recommanderait.
Je n'ai rien contre le fait que ces personnes poursuivent l'État, mais je crains que l'État ne finisse par assumer la responsabilité qui devrait revenir aux fabricants. Si on découvre que c'est le ministère qui a tardé à délivrer une ordonnance — le ministre est le porte-parole du ministère dans ce dossier — , en adoptant le projet de loi, est-ce que nous exposons l'État à des poursuites à l'avenir?
M. Langlois : Vous avez raison au sujet du scénario que vous décrivez. L'État s'expose toujours à des poursuites. Chaque fois que l'État agit, peu importe de quelle façon, quelqu'un peut le poursuivre pour une raison quelconque, que la poursuite soit fondée ou non. La question de savoir si ces personnes auraient gain de cause est une autre affaire. Tout le monde peut poursuivre l'État. Dès que l'État intervient ou agit dans de tels dossiers, il s'expose à des poursuites. Cependant, le simple fait d'accorder au ministre le pouvoir d'agir ne constitue pas à proprement parler un transfert de responsabilité des fabricants à l'État.
Le sénateur Mercer : Le ministre a fait un peu de petite politique en parlant de la capacité d'imposer des SAP. De quelle façon peut-on utiliser ces dispositions pour imposer une amende? Si je me rappelle bien, l'exemple utilisé par le sénateur Runciman concernait les véhicules de General Motors. La réparation d'un commutateur d'allumage qui coûtait moins d'un dollar a été reportée pendant des années. Soudainement, l'entreprise va maintenant réparer tous les commutateurs, ce qui est une bonne chose, mais le constructeur n'a rien fait pendant des années en sachant très bien qu'il y avait une défectuosité et qu'il ne la réparait pas. Y a-t-il un processus dans le cadre de ce nouveau projet de loi pour permettre d'imposer une amende à un fabricant qui ne donne pas suite à un problème après l'avoir découvert?
M. Langlois : Du point de vue de la réglementation — et c'est vrai dans ce cas-ci —, il y a toujours deux approches. D'un côté, le ministère essaie de rétablir la conformité de l'industrie. C'est l'un des types de mesures réglementaires que le ministère prend habituellement lorsqu'il est question de sûreté et de sécurité.
Pour ce qui est du deuxième volet, peu importe si l'entreprise se conforme à nouveau à la loi — et espérons que c'est le cas —, la deuxième approche en fait consiste à regarder ce qui s'est produit, les causes de la non-conformité et le processus connexe. Puis, peu importe si l'entreprise est à nouveau conforme, on se demandera s'il faut prendre des mesures à l'égard de la non-conformité, qu'il s'agisse d'une SAP, de poursuites ou d'autre chose, comme les ententes de consentement qui sont prévues dans le projet de loi.
Kim pourra se prononcer si elle n'est pas d'accord, mais, à mes yeux, il y a toujours deux actions.
Le sénateur Mercer : Comme j'ai dit, s'il y a plus d'un avocat, on aura droit à deux avis différents.
M. Langlois : Selon moi, c'est une question distincte. La question du rétablissement de la conformité de l'industrie est un enjeu de conformité, tandis que les SAP et les poursuites criminelles concernent davantage la réaction aux cas de non-conformité.
Le sénateur Mercer : Je ne sais pas si les consommateurs et les électeurs canadiens aimeront vraiment cette réponse, et le fait que vous ne pouvez rien y changer.
Madame Benjamin?
M. Roussel : Je peux répondre à cette question. Je vais essayer de garder la chose le plus simple possible. Les avocats sont là avec nous; c'est tout un défi.
Le projet de loi accorde au ministre le pouvoir d'obtenir de l'information. Sautons directement à la fin et au résultat, par exemple, du dossier du commutateur de GM. Ce processus a duré 10 ans. Nous devons savoir si l'entreprise possédait l'information. Par conséquent, si nous avons des renseignements selon lesquels une telle situation est en train de se produire, le projet de loi nous donne des pouvoirs supplémentaires pour obtenir l'information, qui est peut-être cachée quelque part dans un laboratoire.
Le sénateur Mercer : Et imposer une amende?
M. Roussel : Dans un premier temps, il faut recueillir l'information.
Le sénateur Mercer : Imaginons que l'entreprise — nous ne nommerons pas de nom — est jugée coupable d'avoir eu des renseignements pendant des années au sujet d'une pièce d'équipement défectueuse et de n'avoir rien fait. Le projet de loi contient-il un mécanisme nous permettant d'imposer une amende?
M. Roussel : Après avoir recueilli les renseignements et avoir procédé à l'examen concernant le cas de non-conformité, et puis l'ensemble... Il y a deux possibilités : les SAP, selon la gravité de l'infraction dont on parle, ou les poursuites.
Le sénateur Mercer : Au bout du compte, ce que les Canadiens veulent savoir c'est si, lorsque le dossier arrivera sur le bureau du ministre — pas nécessairement le ministre Garneau, parce que je ne m'en prends pas à lui, je parle du titulaire du poste de ministre de façon générale — et qu'il faut déterminer si des poursuites s'imposent ou non, à un moment donné, le ministre a-t-il l'option de ne pas donner suite aux renseignements qui se retrouvent sur son bureau?
Imaginons que, à l'avenir, un ministre vienne de la circonscription d'Oshawa ou d'Oakville, où se trouvent les plus grosses usines de constructeurs de voitures du pays. Il pourrait se retrouver dans une situation où il va exiger quelque chose qui aura un impact direct sur son avenir politique personnel parce que sa décision peut avoir un impact sur l'usine X ou Y qui se trouve dans sa circonscription. Il faut prévoir un mécanisme de sécurité intégré, ici, pour protéger les consommateurs canadiens afin que, si le dossier se retrouve sur mon bureau et que je suis à la fois ministre et résident d'Oakville ou d'Oshawa, je ne puisse pas dire : « Je ne vais rien faire parce que cela aura un impact direct sur mon avenir politique dans ma circonscription. »
M. Langlois : Les poursuites sont toujours une option. Tant qu'une personne ne décide pas de ne pas intenter de poursuites, c'est toujours une option.
Le sénateur Mercer : Mais qui décide s'il faut intenter des poursuites ou non? Est-ce le ministre?
M. Langlois : Au bout du compte, le ministère évalue la nature de la non-conformité et détermine si la situation est assez grave pour justifier une enquête. Le niveau de preuve pour les poursuites est beaucoup plus élevé que pour une SAP, par exemple. Il faut mener une enquête pour recueillir des éléments de preuve de façon appropriée afin de pouvoir soutenir des poursuites.
Une fois les documents et les éléments de preuve recueillis à l'appui d'une poursuite, on prépare un dossier de poursuites. Ensuite, quelqu'un décide s'il faut transférer le tout au SPPC, c'est-à-dire au procureur général, afin qu'il intente des poursuites. Au bout du compte, la décision d'intenter des poursuites revient au procureur général; ce n'est jamais le ministre responsable, comme, dans ce cas-ci, le ministre des Transports qui tranche. Le ministère des Transports peut décider qu'il veut intenter des poursuites, mais le dossier est transmis au procureur général, qui, lui, prendra la décision à la lumière des éléments de preuve en évaluant si les chances de réussite sont suffisamment bonnes pour qu'il intente les poursuites.
Le sénateur Doyle : J'allais vous parler de toute la gamme des politiques et des mesures législatives qui permettent de promouvoir la conformité. Toutes les stratégies liées à la conformité sont-elles décrites directement dans le projet de loi? Je remarque que, à la page 40, on mentionne certains pouvoirs en ce qui a trait aux inspecteurs et je ne sais quoi d'autre. Toutes les stratégies liées à la conformité figurent-elles dans le projet de loi ou y a-t-il des stratégies que vous pouvez définir ou sortir de votre chapeau, disons, lorsque vous en avez besoin? Suis-je assez clair?
Je ne vois pas quelles sont vos stratégies liées à la conformité dans le projet de loi. Il y en a seulement quelques-unes. Y a-t-il des stratégies que nous ne connaissons pas que vous pourriez utiliser dans des dossiers difficiles, par exemple?
M. Roussel : Je crois que nous devons aller au-delà du projet de loi. Il faut nous voir comme un programme. Dans le cadre de notre programme — et nous en avons un grand nombre, bien sûr —, mais dans le cadre de nos programmes liés à la sécurité des véhicules automobiles, nous menons toute une série de campagnes de sensibilisation. Prenons l'exemple évident des sièges de sécurité d'enfants; nous testons de grandes quantités de nouveaux sièges de sécurité pour enfants qui entrent régulièrement sur le marché. Nous menons des activités de promotion liées à ces sièges; il y a donc là toute une série d'éléments liés à la conformité. C'est le cas le plus évident qui vient à l'esprit des gens, mais il y en a d'autres qui sont un peu plus complexes.
Lorsqu'il est question du fameux dossier des pneus d'hiver et de certaines initiatives conjointes avec d'autres administrations, comme les provinces — la portée de ces dossiers est beaucoup plus large que la loi en tant que telle —, les mécanismes de conformité et d'application de la loi figurent dans la loi, tout comme certains mécanismes de recours et de réparation.
De façon générale, dans le cadre du programme, il y a toujours des règlements, des mesures de conformité et des mesures d'application de la loi. Ce sont surtout les règlements que nous modifions régulièrement, puis il y a les mécanismes de conformité et d'application de la loi et les programmes de sensibilisation. La plupart de nos programmes sont conçus de la même façon.
Pour répondre à votre question, il faut évaluer l'ensemble de ces choses lorsque le public regarde le ministère dans son ensemble.
Le sénateur Doyle : Par conséquent, lorsque le projet de loi sera adopté... Avez-vous mené des enquêtes pour déterminer s'il entraînera une importante augmentation du nombre de véhicules rappelés au pays?
Mme Benjamin : Nous n'avons pas mené d'enquête, mais je peux vous dire que, au cours des trois ou quatre dernières années, le nombre de rappels a augmenté d'environ 40 p. 100. Le public est maintenant très au courant du processus de rappel des véhicules, et les fabricants comprennent maintenant beaucoup mieux qu'ils doivent s'assurer de communiquer leurs avis très rapidement. On note déjà une augmentation exponentielle. Ce que les changements nous permettront de faire, c'est de nous assurer que toutes les réparations sont bel et bien faites. Il n'est pas question d'augmenter le nombre de rappels; on tente plutôt de s'assurer que tout est géré de façon appropriée une fois les rappels rendus publics.
Le sénateur Doyle : De toute évidence, vous prévoyez tirer beaucoup d'avantages du point de vue de la sécurité grâce au projet de loi. Y a-t-il quelque chose de précis qui vous vient à l'esprit et qui vous donne à penser qu'on pourra accroître la sécurité dans certains domaines où nous ne le faisions pas avant?
Mme Benjamin : Selon moi, la capacité de signer une ordonnance de consentement est l'un des principaux changements prévus dans le projet de loi. C'est un outil qui a été utilisé aux États-Unis avec beaucoup de succès au cours des dernières années. Toutes les fois que vous avez entendu qu'il y a eu une importante amende imposée aux États-Unis dans un dossier où une entreprise a été obligée de faire quelque chose, habituellement, les mesures prises ne se limitent pas à une amende. En effet, habituellement, en plus de l'amende, des changements doivent être apportés au sein de l'entreprise en tant que telle, comme la création d'un nouveau régime de sécurité ou de campagnes de sensibilisation.
Grâce à l'ordonnance de consentement, si nous estimons que l'entreprise n'a pas trouvé la défectuosité ou n'est pas conforme, nous pourrons, en plus d'imposer une amende, négocier la réalisation d'autres activités au sein de l'entreprise qui, selon nous, pourront accroître la sécurité. Nous croyons que c'est un outil très utile qui a été ajouté dans cette version du projet de loi et qui, selon nous, sera très bénéfique.
Le sénateur Doyle : Merci.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue et merci d'être venu nous expliquer ce projet de loi. J'ai quelques questions à poser à M. Roussel et à ses collaborateurs.
Dans le projet de loi, on fait souvent référence au fait que l'article s'applique déjà aux États-Unis. En ce qui concerne les rappels des véhicules, dans quelle mesure s'est-on basé sur la situation américaine pour rédiger le projet de loi S-2?
M. Roussel : C'est une excellente question. Le défi entre les régimes canadien et américain est le suivant : il est difficile d'examiner ce projet de loi du point de vue de la sécurité sans tenir compte des éléments liés à la protection du consommateur. Vous avez d'ailleurs soulevé ce point au ministre.
Pour notre part, comme le ministre l'a mentionné, les régimes ne sont pas tout à fait similaires, équivalents ou égaux. Il y a certaines nuances, car on ne part pas de la même base.
Nous avons voulu retrouver des éléments similaires entre les régimes pour nous rapprocher le plus possible de quelque chose d'uniforme, toutes proportions gardées, dans le contexte nord-américain. On a fait en sorte que les recours soient à peu près les mêmes qu'aux États-Unis et qu'on n'accuse pas de retard. Il y a souvent de la concurrence entre les pays. Mme Benjamin l'a déjà mentionné, on constate parfois ce phénomène en ce qui a trait aux amendes, par exemple, en parlant des 105 millions de dollars américains. On essaie de se rapprocher le plus possible.
Notre écart est important, ce qui a justifié nos efforts dans l'élaboration des deux projets de loi, soit l'actuel projet de loi S-2 et le précédent projet de loi C-64.
Le sénateur Boisvenu : Vous parlez du projet de loi C-62.
M. Roussel : Je parle du projet de loi C-62, excusez-moi. Le projet de loi C-64 est un texte sur lequel j'ai travaillé il y a plusieurs années.
Nous avons apporté des améliorations au projet de loi S-2 par rapport au projet de loi C-62 afin de tenir compte des facteurs technologiques. Nous avons apporté d'autres ajustements à la suite de commentaires que nous avons reçus.
En fin de compte, on vise un outil qui sera en constante évolution et qui nous permettra de retourner aux programmes, à la réglementation, aux régimes de prévention et aux interactions entre la population et le secteur manufacturier.
Le sénateur Boisvenu : Les deux projets de loi se distinguent-ils strictement du point de vue technologique ou y a-t-il d'autres éléments plus fondamentaux de l'ancien projet de loi C-62 qui n'ont pas été retenus dans le projet de loi S-2?
M. Roussel : Le ministre a passé à travers la liste. On parle aussi du pouvoir de négociation. Le projet de loi précédent posait des défis en ce qui a trait à la transparence du processus. On a ajouté que les données doivent être publiées. C'est l'une des améliorations.
Le recours sur le plan technologique est un élément additionnel, en plus du délai d'un an à trois ans. Un an est beaucoup trop court pour élaborer une réglementation. Le but est de faire l'analyse des exemptions techniques et de nous assurer que nous avons un équivalent sur le plan de la sécurité. Par la suite, si tout fonctionne, il faut le mettre en œuvre au sein du régime réglementaire avec l'approbation du gouverneur en conseil afin d'assurer une meilleure transparence. Il faut aussi apporter certains ajustements aux mécanismes de recours au Tribunal d'appels des transports du Canada (TATC).
Le sénateur Boisvenu : Ce projet de loi a-t-il fait l'objet de consultations auprès des constructeurs automobiles canadiens et américains?
M. Roussel : On travaille autant avec l'association des constructeurs canadiens qu'avec ce qu'on appelle les « domestiques nord-américains » et les constructeurs mondiaux, qui sont de grands importateurs, mais aussi des fabricants dans le contexte nord-américain. On a beaucoup discuté avec eux. On ne pouvait pas, bien sûr, leur révéler le contenu du texte du projet de loi. Toutefois, ils ont pu consulter le texte de loi précédent. Nous examinons les commentaires qu'ils nous ont transmis.
Maintenant, c'est au Parlement de décider. Je suis sûr que les parlementaires seront heureux de venir expliquer leur point de vue, tout comme nous, à savoir la nécessité d'ajouter telle ou telle clause. Il faut s'assurer d'obtenir les informations nécessaires ainsi que les tests pour prendre les mesures de renforcement de la loi et mener à terme la discussion, quitte à accepter le désaccord et à se donner plus de pouvoir pour remédier aux problèmes le plus rapidement possible. Il est souvent question des délais qui sont extrêmement longs.
Le sénateur Boisvenu : En donnant plus de pouvoir au ministre, vous serez en mesure de raccourcir les délais.
M. Roussel : C'est notre objectif.
Le sénateur Boisvenu : Vous n'aurez pas à vous adresser au Conseil privé.
M. Roussel : Notre objectif est d'accélérer l'interaction et l'analyse des tests en prenant les décisions administratives qui s'imposent, d'augmenter le niveau de conformité à un avis ou à une pénalité administrative pécuniaire et, à la limite, d'envisager la possibilité d'une poursuite.
[Traduction]
Le sénateur Runciman : J'aimerais approfondir la question des poursuites criminelles un peu, par simple curiosité. Je remarque que les SAP et les ententes de consentement ont été intégrées parce que vous n'aviez pas d'outils à part les poursuites criminelles, mais ce n'était pas vraiment un outil efficace, puisque, apparemment, on ne l'utilisait pas. S'il l'a été, personne ne semble se souvenir de l'avoir utilisé.
Je reviens à l'exemple de General Motors que j'ai utilisé et aux 124 décès, alors que les représentants de l'entreprise savaient depuis 10 ans — selon les rapports — que le commutateur d'allumage était défectueux. De mémoire, je pense qu'au moins deux des personnes décédées étaient des Canadiens. M. Langlois a indiqué qu'il travaille au ministère depuis maintenant 10 ans, pour les services juridiques, j'imagine, mais je ne sais pas si vous avez participé aux discussions liées à ce dossier.
Quand des gens meurent, quel est le processus? Quel a été le processus? Vous avez parlé du procureur général et de l'enquête. Qui mènerait cette enquête? Dans de telles situations lorsque des gens meurent, est-ce que la police intervient pour déterminer si des poursuites criminelles sont appropriées? Dans la négative, j'aimerais vraiment savoir ce qui se passe dans une telle situation.
M. Langlois : Pour commencer, je n'ai participé d'aucune façon au dossier de General Motors. Je ne sais rien de ce dossier.
Les poursuites liées à une non-conformité réglementaire et des poursuites en vertu du Code criminel sont deux choses très différentes. Dans une situation où les poursuites sont intentées au titre d'une loi de réglementation comme la Loi sur la sécurité automobile, l'enquête est réalisée par le ministère responsable de la loi. Dans ce dossier, c'est Transports Canada qui mènerait l'enquête. Il y a des inspecteurs nommés au titre de la loi qui surveillent la conformité, et, si la surveillance de la conformité pousse un inspecteur à croire qu'il y a eu une violation de la loi qui pourrait être de nature criminelle, il passe alors en mode « enquête ». Il faut évidemment recueillir des éléments de preuve comme on le fait dans un dossier criminel et en conformité avec la Charte et toutes les protections qui s'appliquent dans le cadre de poursuites criminelles. Le représentant du ministère pourrait mener l'enquête et monter un dossier qui sera ensuite transféré au procureur général afin que ce dernier l'examine.
Le sénateur Runciman : Alors la police ne participerait jamais à l'enquête?
M. Langlois : Non, c'est une enquête réglementaire.
Le sénateur Runciman : Je parle d'une situation où il y a eu des décès.
M. Langlois : Je ne suis pas au courant de la situation, mais les services de police ont peut-être été appelés sur les lieux de l'accident.
Le sénateur Runciman : Ce n'est pas ce dont je parle.
Qu'arrivera-t-il dans ces situations? Si beaucoup de personnes meurent, et nous avons une situation où c'est justement ce qui s'est produit, quel serait le processus lié à une telle situation? J'aimerais que vous nous reveniez là-dessus.
J'ai soulevé la question de l'utilisation de solutions de rechange à la réglementation relativement aux initiatives associées à la technologie. Du point de vue de la loi, quelle est la différence? Je sais que vous avez éprouvé des maux de tête bureaucratiques liés à la réglementation, mais pour ce qui est de la loi, quelle est la différence entre la réglementation et un arrêté à effet provisoire?
M. Langlois : Pour ce qui est de l'impact juridique?
Le sénateur Runciman : Oui.
M. Langlois : Il n'y en a pas.
Le sénateur Runciman : Alors pourquoi avons-nous des règlements? Pourquoi le gouvernement n'utilise-t-il pas tout simplement pas des arrêtés à effet provisoire?
M. Langlois : Ils ont des objectifs différents. D'un point de vue stratégique, ils sont liés à des approches très différentes et ont des objectifs différents. Du point de vue juridique, l'impact est le même. Du point de vue stratégique, un ministère comme celui des Transports en tire une certaine souplesse, mais, du point de vue de l'application de la loi, l'effet de la réglementation ou de l'arrêté à effet provisoire est le même.
M. Roussel : C'est une bonne question. Il faut tenir compte de la grande complexité. Si nous prenons, par exemple, l'aviation civile, où il y a 900 différents règlements pris par le gouverneur en conseil, nous ne voulons pas recevoir continuellement des arrêtés à effet provisoire parce que nous serions inondés par les secteurs. Nous ne pourrions pas gérer une telle situation.
Dans le cadre de l'exercice de nos pouvoirs de réglementation, il y a des discussions de haut niveau pour élaborer des normes, puis nous convenons de ces normes, soit par l'intermédiaire d'une organisation des Nations Unies ou, une entente Canada-États-Unis ou l'homologation de la CSA ou par l'intermédiaire de n'importe quelle autre organisation reconnue qui élabore des normes. Puis nous adoptons ces normes grâce à un règlement. Cela donne à l'exploitant qui œuvre dans le domaine une certitude quant à ce quoi il doit se conformer. C'est un système qui est loin d'être parfait. Il faut des années, bien sûr, pour mettre toute la réglementation en place, mais c'est le système que nous avons.
Puis, il y a les ramifications des technologies spéciales, et cela s'applique à tous les modes. Nous devons trouver ce mécanisme d'exceptions ou d'équivalences afin de pouvoir dire : « D'accord, il faut aller de l'avant ici. » Des véhicules autonomes sont un exemple, et les UAV en sont un autre. C'est la même chose dans les secteurs maritimes. Par conséquent, ces mécanismes nous aident au sein même de ces différentes législations à accommoder les exploitants et les fabricants afin qu'ils puissent aller de l'avant et améliorer les technologies qu'ils utilisent et aussi, parfois, améliorer la sécurité dans le cadre de leurs activités.
C'est le meilleur des deux mondes puisqu'on respecte les pouvoirs de réglementation du gouverneur en conseil, mais nous bénéficions aussi de la marge de manœuvre nécessaire pour permettre l'innovation du point de vue technologique. Nous ne pouvons pas tout prédire dans les règlements. Il y a des limites à ce que nous pouvons faire.
Le sénateur Runciman : Je ne suis pas un expert dans le domaine. Je sais qu'il y a un outil, la réglementation. Je n'arrive pas à trouver le mot approprié. Si vous regardez ce dont nous parlons, ici, il n'y aura pas de diminution importante du niveau de sécurité générale offert par le modèle. Le Comité d'examen de la réglementation s'en donnerait à cœur joie avec ce genre de langage. Je crois que c'est troublant. Je peux comprendre l'utilisation de ces genres d'outils dans un ensemble de domaines, mais lorsqu'il est question de la sécurité publique, c'est troublant, et le comité devrait s'en préoccuper dans une certaine mesure. Nous devrions nous pencher davantage sur cet enjeu, peut-être avec l'avocat du comité d'examen de la réglementation. Merci.
La sénatrice Unger : Est-ce que vous recommanderiez des amendements au projet de loi?
M. Roussel : C'est une très bonne question, mais la réponse est non, et j'ajouterai « pour le moment ».
La sénatrice Unger : Merci beaucoup.
Le vice-président : Je tiens à remercier les représentants de Transports Canada du temps qu'ils ont passé ici ce matin. Nous leur sommes très reconnaissants.
Durant la réunion demain soir, nous poursuivrons notre étude sur le transport du pétrole brut. La séance est levée.
(La séance est levée.)