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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 9 - Témoignages du 22 novembre 2016


OTTAWA, le mardi 22 novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour en faire l'examen.

Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénateurs, ce matin, le comité poursuit son étude du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et une autre loi en conséquence. Nous recevons deux groupes de témoins aujourd'hui. Durant la première heure, nous allons accueillir des associations de l'industrie de l'automobile, et, durant la deuxième heure, des groupes de consommateurs.

Je souhaite la bienvenue au premier groupe de témoins. Nous accueillons David Adams, président des Constructeurs mondiaux d'automobiles du Canada, les CMAC, et John White, président, de la Corporation des associations de détaillants d'automobiles. Mark Nantais, président de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, se joindra à nous plus tard.

J'invite maintenant les témoins à présenter leur déclaration. On a demandé à chaque témoin de présenter une déclaration préliminaire de cinq minutes. Ensuite, les honorables sénateurs pourront poser des questions.

David Adams, président, Constructeurs mondiaux d'automobiles du Canada : Monsieur le président, honorables membres, je vous suis extrêmement reconnaissant de me permettre de discuter aujourd'hui de l'enjeu important de la sécurité automobile et des modifications proposées à la Loi sur la sécurité automobile, qui figure dans le projet de loi S-2, la Loi sur le renforcement de la sécurité automobile pour les Canadiens.

En guise de contexte, Constructeurs mondiaux d'automobiles du Canada est une association commerciale nationale qui représente les intérêts canadiens des 15 fabricants d'automobiles les plus respectés du monde et de 27 marques. Le mandat de notre association est de promouvoir des politiques publiques saines qui soutiennent la compétitivité et la durabilité du marché automobile du Canada.

En 2015, nos membres représentaient 56 p. 100 du marché canadien. Ils emploient directement et indirectement environ 77 000 Canadiens, et deux d'entre eux ou leurs sociétés affiliées produisent aussi 43 p. 100 des véhicules fabriqués au Canada.

Nos membres ont été parmi les premiers à intégrer des technologies de pointe dans les véhicules, que ce soit les technologies environnementales, comme les véhicules hybrides ordinaires, les voitures hybrides rechargeables, les véhicules électriques à batterie ou les véhicules hybrides à pile à hydrogène ou les technologies liées à la sécurité, comme la ceinture de sécurité à trois points et le contrôle électronique de la stabilité.

Après plus de 40 ans d'améliorations des technologies de sécurité passives, qui visent à atténuer les blessures humaines en cas d'accident de la route, l'industrie obtient de moins en moins de rendements dans ce domaine et a, par conséquent, réorienté ses priorités pour mettre l'accent sur la mise au point et l'intégration de technologies de sécurité actives visant à permettre d'éviter d'entrée de jeu les accidents de la route. En effet, les systèmes d'assistance à la conduite de pointe actuels sont les composantes des véhicules automatisés de demain, quelque chose que le projet de loi S-2 tente aussi d'envisager.

Même si bon nombre des dispositions contenues dans le projet de loi visent à harmoniser davantage le Canada avec les États-Unis, ce que les CMAC appuient, il nous faut aussi bien comprendre toutes les répercussions d'une harmonisation accrue avec les États-Unis. Si les objectifs d'une harmonisation accrue sont de réduire la fréquence et la durée des problèmes d'harmonisation réglementaire — dans la mesure où les retards liés à l'établissement de la réglementation canadienne font courir un risque inutile aux consommateurs et constituent un fardeau accru pour l'industrie et le gouvernement — nous appuyons cette initiative. Cependant si l'harmonisation plus poussée et plus stricte avec les États-Unis en matière de norme de sécurité réduit la marge de manœuvre du Canada pour commercialiser un plus large éventail de véhicules écologiques à la fine pointe de la technologie et des véhicules assortis de systèmes de sécurité perfectionnés approuvés en vertu d'autres régimes réglementaires solides, comme les normes de la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe, la CENUE, nous croyons que les Canadiens perdront au change et que Transports Canada perdra une occasion de jouer un rôle de premier plan en ce qui a trait à l'évolution du cadre réglementaire nord-américain.

Un cas d'espèce concerne les systèmes adaptatifs d'éclairage frontal de pointe et les technologies de phares adaptatifs, des technologies qu'on envisage actuellement d'inclure dans la NSVAC 108. Ces technologies, qui sont utilisées avec succès en Europe et ailleurs depuis 10 ans, représentent le plus important pas en avant dans l'éclairage de face des véhicules des 70 dernières années.

Un éclairage périphérique accru pour la conduite en zone urbaine et rurale, une illumination améliorée des routes, l'éclairage lorsqu'on conduit dans des conditions météorologiques difficiles, la visibilité accrue des panneaux de circulation et des obstacles en bord de route ne sont que quelques-uns des nombreux avantages de cette technologie.

Les précieuses secondes gagnées grâce à ces systèmes nous donnent plus de temps pour éviter des obstacles ou freiner, ce qui entraîne une réduction du nombre de collisions et de décès. Le Canada a des hivers plus longs et plus sombres et compte des agglomérations moins denses que les États-Unis. Par conséquent, nous croyons que le Canada devrait maintenir la capacité de mettre en place de telles technologies, qui fournissent des avantages en matière de sécurité, même si les États-Unis ne sont pas prêts à inclure ces mises à niveau et ces améliorations dans leurs propres normes dans leur propre FMVSS. À cet égard, le Canada peut faire preuve d'innovation dans sa réglementation et tirer profit des dispositions en matière de coopération réglementaire contenues dans l'accord commercial entre le Canada et l'UE.

Les membres des Constructeurs mondiaux d'automobiles du Canada croient que la sécurité de leurs clients est primordiale. Ils appuient les modifications à la Loi sur la sécurité automobile qui permettront d'améliorer de façon importante la sécurité publique. Cependant, tout fardeau réglementaire supplémentaire sans avantage tangible pour la sécurité des automobilistes devrait être évité, puisque les coûts liés à la conformité et la production de rapports réduisent les ressources que les entreprises peuvent consacrer à l'amélioration des technologies automobiles.

L'expérience aux États-Unis est instructive à cet égard et a prouvé que la détermination des problèmes de sécurité est souvent une tâche très complexe et que les données ne sont pas suffisantes pour s'en acquitter. Par conséquent, nous recommandons au gouvernement de prendre le temps d'examiner cet enjeu pour déterminer si la prépondérance de la preuve justifie d'adopter la voie des États-Unis actuellement.

Pour terminer, vu les modifications obligatoires en matière de sécurité ainsi que la perturbation de l'industrie automobile découlant de l'introduction rapide de nouvelles technologies, les conducteurs risquent d'être laissés pour compte puisque la sensibilisation publique prend du retard sur le rythme des changements. Le gouvernement devrait revoir son rôle lié à la promotion de la sécurité routière en assurant une meilleure coordination avec les provinces et en faisant des efforts constants pour sensibiliser le public. Un bon exemple : le ministre Garneau a récemment annoncé que des caméras de vision arrière seront obligatoires en 2018. Selon nous, il s'agit d'un pas vers l'avant positif, mais cela changera aussi le comportement des conducteurs. Si le gouvernement choisit de rendre ces technologies obligatoires, il a alors aussi l'obligation de rappeler aux conducteurs qu'ils doivent aussi regarder dans les rétroviseurs et vérifier leurs angles morts.

Même si nos membres ont certaines réserves précises à l'égard des modifications proposées à la Loi sur la sécurité automobile, la plupart des préoccupations soulevées peuvent être dissipées si l'on précise certains termes et certaines dispositions de façon à faciliter l'élaboration des dispositions réglementaires découlant des modifications proposées à la loi. À cette fin, nos membres demandent au ministère d'entreprendre des consultations exhaustives auprès de l'industrie au moment d'élaborer les dispositions réglementaires associées aux modifications apportées à la loi.

Merci beaucoup.

John White, président, Corporation des associations de détaillants d'automobiles : Monsieur le président, honorables sénateurs, merci de m'avoir invité aujourd'hui pour représenter la Corporation des associations de détaillants d'automobiles, la CADA.

La CADA est l'association nationale des concessionnaires franchisés qui vendent des voitures et des camions neufs. Nous comptons plus de 3 200 concessionnaires, qui représentent un secteur clé de l'économie canadienne. Les concessionnaires d'automobiles sont les propriétaires de petites entreprises qui offrent des emplois stables dans pratiquement toutes les collectivités du Canada. Ensemble, ils fournissent une carrière durable et bien rémunérée à plus de 150 000 personnes.

[Français]

Nos membres ont vendu pour plus de 100 milliards de dollars en biens et services aux consommateurs canadiens l'an dernier, un chiffre qui connaît une croissance importante en 2016. Nos membres représentent le plus grand secteur du commerce de détail du pays, en raison de leur volume combiné, alors qu'il s'agit de petites entreprises traditionnelles qui assument des risques et des dépenses de capital énormes.

[Traduction]

La CADA s'est toujours préoccupée de la sécurité et de l'équité pour les consommateurs. Fidèle à cet engagement, la CADA siège au conseil d'administration du Programme d'arbitrage pour les véhicules automobiles du Canada, le PAVAC, qui règle les différends entre les consommateurs et constructeurs de véhicules par un arbitrage ayant force exécutoire.

Conformément à notre engagement soutenu à assurer la sécurité de nos clients et à prendre soin d'eux, nous appuyons le projet de loi S-2. À ce titre, nous aimerions recommander fortement quelques améliorations clés en ce qui concerne les stocks des concessionnaires. La CADA veut s'assurer qu'il y a un recours pour le consommateur et que les concessionnaires sont indemnisés lorsqu'un avis de défectuosité est émis. Il faudrait donc que le constructeur ait l'obligation de rembourser les coûts des pièces et de la main-d'œuvre associés à la réparation. Ce dernier aurait aussi l'obligation d'indemniser les concessionnaires à hauteur de 1 p. 100 de plus que le prix payé pour ces véhicules, par mois, au prorata, à partie de la publication de l'avis jusqu'à ce que le véhicule soit racheté ou que la réparation soit faite. Enfin, le constructeur aurait l'obligation de racheter le véhicule faisant l'objet d'un rappel en raison d'une défectuosité ou de fournir aux concessionnaires un correctif immédiat à apporter.

Le gouvernement du Canada et l'industrie de l'automobile canadienne travaillent depuis plusieurs années à coordonner les politiques automobiles du pays avec celles des États-Unis, et nous appuyons ce processus. Notre industrie est intégrée à l'échelle du continent, et la concordance réglementaire et législative entre le Canada et les États-Unis devrait être un des objectifs premiers du secteur. La CADA et les constructeurs ont souvent demandé au gouvernement de s'aligner sur les États-Unis à cet égard, et la loi sur le rappel ne devrait pas faire exception à la règle.

La disposition recherchée par les concessionnaires canadiens existe déjà aux États-Unis. La CADA s'est rendue à Washington pour rencontrer son homologue américain, et nous avons constaté que l'approche fonctionne bien là-bas.

Maintenant que le gouvernement a ce nouveau pouvoir sur le processus de rappel, un contrepoids est nécessaire pour garantir que les concessionnaires d'automobiles — au centre d'un mécanisme complexe, coûteux et accaparant — sont traités de façon juste à titre de petites entreprises clientes des constructeurs.

Les concessionnaires d'automobiles ne sont pas structurés comme les autres entreprises de vente au détail qui reçoivent des stocks sous forme de comptes fournisseurs, d'opérations de consignation ou d'autres systèmes semblables. Les concessionnaires contractent des emprunts de taille pour payer d'avance les stocks de véhicules. Je l'ai dit et je le redis : les véhicules sur les terrains des concessionnaires ne sont pas vendus en consignation. Ces véhicules valent des millions de dollars, et il en coûte des milliers de dollars par mois pour les tenir en stock, les entretenir, les protéger et les assurer. Lorsqu'un rappel est déclenché, plusieurs de ces véhicules deviennent invendables et restent sur le terrain, où ils perdent de la valeur, pendant que dure le processus de rappel, souvent plusieurs mois.

Dans les faits, certains constructeurs indemnisent volontairement les concessionnaires pour les rappels, mais plusieurs ne le font pas. Cette décision revient au fabricant et à la direction du fabricant à tout moment. La relation entre un constructeur et une petite concession n'est pas un partenariat d'égal à égal. L'adoption de l'amendement que nous proposons consacrera l'équité que nous espérons obtenir pour toutes les concessions du Canada, et non pas seulement pour celles qui ont la chance d'être associées à un constructeur disposé à compenser le fardeau des rappels.

Nous vous incitons fortement à adopter nos amendements, et nous vous remercions d'avoir écouté notre position. Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.

Merci.

Le vice-président : Merci.

Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par le sénateur Doyle.

Le sénateur Doyle : Merci de nous avoir présenté vos exposés aujourd'hui. J'ai deux ou trois questions d'ordre général.

J'ai entendu dire que, dans le passé, les lois canadiennes au sujet des défectuosités des automobiles n'ont pas été très efficaces. J'espère que le projet de loi changera la situation. Certaines personnes disent que, dans le domaine de la politique publique et des enjeux liés la sécurité publique, nous sommes en retard comparativement aux États-Unis. Êtes-vous d'accord?

M. White : Par rapport à cette situation?

Le sénateur Doyle : En ce qui concerne les rappels et les défectuosités.

M. White : À ce sujet, je crois que le gouvernement fait un grand pas en avant en rattrapant le retard avec les autres administrations, comme les États-Unis et d'autres marchés. Il y a définitivement là une occasion de combler le retard.

Le sénateur Doyle : Les États-Unis ont-ils des pouvoirs plus importants en matière de rappel que nous en avons, ici, au Canada?

M. White : Oui, en effet.

Le sénateur Doyle : Dans quelle mesure?

M. White : Je crois savoir que le gouvernement américain peut émettre un rappel; il peut, à sa discrétion, imposer une interdiction de vente pour des véhicules qui ont des problèmes de sécurité ou de non-conformité. On utilise de façon assez importante ces pouvoirs aux États-Unis.

Le sénateur Doyle : Est-ce quelque chose qui est prévu dans notre projet de loi?

M. White : D'après ce que j'ai compris du projet de loi, le gouvernement aurait bel et bien le pouvoir de le faire, monsieur.

Le sénateur Doyle : Quel sera l'impact sur les fabricants d'automobiles au Canada? Seront-ils touchés positivement ou négativement d'une façon ou d'une autre par le projet de loi?

M. Adams : En ce qui concerne la différence entre le Canada et les États-Unis, la politique du Canada a généralement consisté à emboîter le pas aux États-Unis quant aux politiques publiques et à s'aligner sur ce que font les Américains en matière de législation sur la sécurité et de législation environnementale.

Quant à votre question précédente sur la mesure dans laquelle nous sommes en retard, oui, dans certains cas, nous sommes en retard, parce que notre système de réglementation a besoin de temps pour emboîter le pas aux États-Unis. Ce que j'essayais de dire dans ma déclaration, c'est que l'harmonisation ou l'alignement avec les États-Unis n'est pas problématique si le Canada conserve une certaine marge de manœuvre en matière de réglementation, ce qu'il a fait dans le passé.

Le sénateur Doyle : Êtes-vous préoccupé par l'augmentation du niveau de protectionnisme aux États-Unis? Il semble y avoir eu beaucoup de discussions récemment au sujet du protectionnisme là-bas. Cette situation influera-t-elle sur le secteur manufacturier ici, d'une façon ou d'une autre?

M. Adams : C'est très tôt, et nous ne savons pas encore ce que pense le président désigné, mais la seule chose sur laquelle nous pouvons nous appuyer en ce moment, c'est ce qui a été dit publiquement. Comme on peut le lire dans le Globe and Mail aujourd'hui, le fait que, même si le PTP figure sur la liste des choses à faire du président désigné au cours des 100 premiers jours, il ne soit aucunement mention de l'ALENA, est un pas dans la bonne direction. Assurément, du point de vue du secteur manufacturier, le Canada, les États-Unis et le Mexique sont intégrés au sein du marché nord-américain et, évidemment, je crois que toute perturbation de cet accord serait problématique.

Le sénateur Doyle : Vous avez dit que les constructeurs ne payent pas toujours pour les défectuosités. Je croyais que c'était l'opposé. Je croyais que les constructeurs payaient toujours pour les défectuosités si un concessionnaire devait rappeler un véhicule en raison d'un défaut de fabrication. Est-ce toujours le cas?

M. White : Permettez-moi d'expliquer la différence entre ce qui se passe avec un véhicule dans les stocks d'un concessionnaire avant d'être vendu et ce qui se passe après la vente du véhicule.

En cas de rappel, le constructeur paye pour le travail, pour les pièces et pour la main-d'œuvre au taux préétabli. Dans cette mesure, le concessionnaire est indemnisé. Le constructeur émet un rappel à l'intention du consommateur, et le consommateur se présente chez le concessionnaire. Celui-ci procède ensuite à la réparation et récupère ensuite l'argent auprès du constructeur. Les niveaux fluctuent d'un constructeur à l'autre, mais, dans cette situation, le concessionnaire est indemnisé.

Là où, parfois, le concessionnaire est indemnisé et, d'autres fois, non, c'est dans le cas des véhicules qui ne peuvent pas être vendus en raison d'un rappel et lorsqu'il n'y a pas de pièce ou lorsqu'il n'y a pas de solution de rechange et qu'il n'y a aucune exigence ou obligation d'indemniser les concessionnaires. Ce qui se produit actuellement dans de tels cas, c'est que certains constructeurs fournissent un niveau d'indemnisation quelconque à certains concessionnaires, et d'autres, non. C'est à leur discrétion.

À titre de précision, le concessionnaire est indemnisé pour les réparations.

Le sénateur Black : Merci d'être là. C'est très intéressant. Qui aurait pensé que ce dossier pouvait être aussi intéressant?

Monsieur Adams, vous avez entendu la suggestion d'amendement proposée par M. White au nom de son organisation. Y êtes-vous favorable?

M. Adams : Pour revenir à ce que le ministre a dit dans sa déclaration au comité, il croit que cette question dépasse le champ d'application du projet de loi. La relation entre les concessionnaires et les constructeurs au Canada est une relation symbiotique; l'un a besoin de l'autre.

Pour ce qui est du point soulevé par M. White, à savoir que certains constructeurs le font et d'autres, non, je crois que les constructeurs qui n'aident pas leurs concessionnaires manquent vraiment de vision puisqu'il s'agit d'une relation à très long terme qui dure des années et des années.

L'autre chose dont il faut tenir compte, c'est qu'on voit de plus en plus ces jours-ci des concessionnaires individuels fermer leurs portes et de plus en plus de groupes de concessionnaires ouvrir leurs portes. Assurément, les pratiques des différents constructeurs seront connues au sein des groupes de concessionnaires, qui réunissent parfois 7, 8 ou 9 concessionnaires différents.

Je ne sais pas, mais j'imagine que, dans de telles situations, la plupart des constructeurs fournissent un certain niveau d'indemnisation à leurs concessionnaires.

Le sénateur Black : Cependant, nous avons entendu ce matin que ce n'est pas toujours le cas en raison du débalancement du pouvoir de négociation. Je suis interpellé par l'argument selon lequel il y a un fardeau injuste imposé à certains concessionnaires. Je comprends que — s'il s'agit d'une grande organisation — les choses sont peut-être un peu différentes, mais cette situation m'interpelle tout de même. Si certains constructeurs ne veulent pas fournir de soutien, nous devrions peut-être les aider à comprendre qu'ils devraient le faire.

M. Adams : Comme j'ai déjà dit, un constructeur qui n'aide pas son concessionnaire dans une telle situation manque cruellement de vision. Ce n'est pas bon pour la relation future, parce que, dans la plupart des cas, il s'agit d'une relation de longue durée, pas une relation d'affaires qui prend fin après trois ans.

Comme je l'ai dit, de telles situations se produisent peut-être. Je ne le sais pas, mais je crois que, si les concessionnaires ne sont pas indemnisés, cela ne fait pas très bien paraître le constructeur.

Le sénateur Black : J'en déduis que vous comprendriez si le comité appuyait un tel amendement.

M. Adams : Selon moi, la façon d'aborder la question, c'est que, essentiellement, l'objectif est de fournir aux concessionnaires les mêmes avantages que ceux fournis aux États-Unis. Je crois que les concessionnaires sont aussi réglementés au titre de la Motor Vehicle Safety Act aux États-Unis. Je ne crois pas que les concessionnaires souhaitent être réglementés au titre de la Loi sur la sécurité automobile.

Le sénateur Black : Cela m'amène à ma prochaine question, qui est destinée à M. White. Quelle est la pratique aux États-Unis en ce qui concerne l'amendement que vous proposez?

M. White : L'amendement proposé est enchâssé dans la législation aux États-Unis.

Le sénateur Black : Ah oui?

M. White : Oui, elle l'est.

Pour préciser, la formule que nous proposons par souci d'harmonisation est le même principe que celui qui figure dans la législation américaine; il est fondé sur la même formule.

Le sénateur Black : Pour être clair — pas seulement pour moi, mais pour les personnes qui nous regardent —, si j'ai une concession à Flint, au Michigan, et que des véhicules sur mon terrain font l'objet d'un rappel, je suis indemnisé par le constructeur pour ces véhicules conformément à ce que prévoit le projet de loi?

M. White : Les constructeurs doivent fournir une indemnisation.

Le sénateur Black : C'est très utile. Merci, messieurs.

Le sénateur Mercer : Merci, messieurs d'être là. Nous vous remercions.

Monsieur Adams, vous avez parlé de la récente annonce de M. Garneau selon laquelle des caméras de recul allaient être obligatoires à compter de 2018. Je crois que c'est une très bonne nouvelle.

Vous avez ensuite parlé de l'obligation de rappeler aux conducteurs qu'ils doivent tout de même regarder dans leur rétroviseur et vérifier leurs angles morts. Je suis là aussi d'accord. Cependant, selon moi, une partie de cette responsabilité revient aux constructeurs. Prenons une publicité d'un de ces principaux constructeurs automobiles où il est question de caméra de recul : dans ce genre de publicités, personne ne vérifie ses angles morts. Les gens se fient uniquement à la caméra, qui devient leurs yeux derrière la tête. Quiconque a déjà essayé de conduire un de ces véhicules — et c'est mon cas — saura que, si on essaie de simplement utiliser la caméra, on sera dans l'eau chaude, parce qu'on perd toute vision périphérique selon la direction dans laquelle on tourne.

J'ose espérer qu'on ne donne pas l'impression aux gens qui regardent que... Ou il faudrait peut-être rappeler aux constructeurs que, dans leur publicité, ils doivent faire la promotion de la sécurité et que la vérification des angles morts est requise, même lorsqu'on a une caméra de recul.

M. Adams : Merci beaucoup de ce commentaire. Je l'apprécie. Vous avez tout à fait raison. Il faut faire de la sensibilisation non seulement au sujet des caméras de recul, mais au sujet d'une myriade d'autres percées technologiques. Certaines personnes diront : « Eh bien, j'ai un avertisseur de sortie de voie sur mon véhicule », et elles peuvent penser qu'il s'agit uniquement d'une alerte s'ils quittent leur voie. Une de ces technologies se limite peut-être à une lumière ou un son lorsqu'on sort de sa voie, une autre technologie peut entraîner une correction physique ayant pour effet de ramener le véhicule dans la voie. Cependant, si les gens ne connaissent pas la différence entre ces deux technologies, c'est problématique.

Je suis d'accord. Je crois que nous aurons tous un rôle à jouer en matière de sensibilisation auprès du consommateur, nous-mêmes, comme constructeurs, gouvernements, d'autres organisations sans but lucratif et concessionnaires. M. White pourrait vous le dire mieux que moi, mais lorsque la plupart des consommateurs vont chercher leur véhicule, la dernière chose qu'ils veulent c'est de passer encore 45 minutes à écouter quelqu'un leur expliquer comment chaque élément du véhicule fonctionne.

Le sénateur Mercer : Ils savent comment les choses fonctionnent.

M. Adams : Tout le monde croit le savoir, vous avez raison. Merci, cependant, de ce que vous avez dit. C'était apprécié.

Le sénateur Mercer : Monsieur White, vous nous avez donné une liste de choses qui devraient se produire lorsqu'il y a des rappels.

En fait, mon véhicule fait l'objet d'un rappel actuellement. J'ai reçu un avis du constructeur me disant que mon véhicule fait l'objet d'un rappel, mais il a ajouté « ne le ramenez pas tout de suite au concessionnaire, parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour régler le problème, nous n'avons pas assez de pièces ». Dans sa lettre — et je l'ai lue très attentivement —, le constructeur n'a pas dit : « Ne conduisez pas le véhicule. » Mais j'avancerais que, si j'étais un jeune père et que je conduis souvent mon véhicule avec mes enfants à bord, il serait préférable que je ne le fasse pas. C'est comme ça que je vois les choses. Mais le constructeur ne m'a rien dit au sujet du fait que je ne devais pas conduire le véhicule. Il a seulement dit : « Il faut régler le problème. C'est un problème de sécurité, mais nous n'avons pas les pièces. Nous vous appellerons lorsque nous aurons les pièces. » Ne devrait-il pas être de la responsabilité du constructeur de prodiguer de bons conseils aux consommateurs sur le fait de continuer à utiliser le véhicule?

M. White : Oui, j'avoue que cela serait utile. Je ne connais pas précisément votre situation, mais la communication et l'information sont essentielles. Souvent, c'est une question de savoir si l'enjeu est lié à la sécurité ou la conformité. Encore une fois, il y a de nombreuses situations différentes. Mais, oui, le constructeur devrait avoir la responsabilité de décrire clairement la situation au concessionnaire afin que, bien sûr, ce dernier puisse orienter le consommateur, en tant que premier point de contact.

Le sénateur Mercer : La suggestion selon laquelle un éclairage périphérique avancé pour la conduite en zone urbaine améliore l'illumination de la route est tout à fait logique selon moi. Dites-vous qu'il faudrait exiger dans la loi qu'on adopte ce type d'éclairage dans les véhicules d'aujourd'hui?

M. Adams : Ce que je voulais laisser entendre dans mes commentaires, c'est qu'à l'heure actuelle, comme nous suivons principalement les États-Unis pour ce qui est de la façon de réglementer, si les États-Unis estiment qu'ils ne sont pas prêts à se prononcer sur les systèmes d'éclairage avancé pour l'instant, cela semble empêcher le Canada d'être capable de le faire maintenant. Ma recommandation serait d'accorder au Canada la souplesse voulue pour intégrer les systèmes d'éclairage avancé à ses propres règlements, ici et maintenant.

Le sénateur Mercer : Toutefois, n'oublions que si vous achetez une automobile dans notre pays, l'éclairage s'allume automatiquement au démarrage, alors que cela ne se produit pas aux États-Unis. Lorsque je me rends aux États-Unis, les gens me disent que mes phares sont allumés. Bien sûr que mes phares sont allumés, puisque mon automobile est construite de cette façon : c'est une caractéristique de sécurité. Je ne voudrais pas tenir pour acquis qu'une chose n'est pas la bonne chose à faire juste parce que nos amis américains disent qu'ils ne peuvent pas le faire ou qu'ils n'aiment pas cela. Si nous décidons qu'il serait justifié d'adopter cet éclairage périphérique avancé, alors peut-être que nous devrions le faire. Nous devrions peut-être mener au lieu de suivre.

M. Adams : Je suis d'accord : nous devrions mener au lieu de suivre. La réalité, c'est que nombre des véhicules qui sont au pays aujourd'hui sont déjà dotés d'un système d'éclairage avancé; c'est seulement qu'il est éteint. Il a été programmé de façon que les caractéristiques du système d'éclairage avancé ne fonctionnent pas au Canada.

Les mêmes préoccupations ont été soulevées au sujet de personnes voulant venir aux États-Unis avec ce véhicule doté d'une caractéristique qui n'est pas offerte dans ce pays. On peut s'adresser à un concessionnaire pour faire désactiver ces caractéristiques à nouveau. Mais nous ne devrions pas priver les Canadiens de caractéristiques offertes ailleurs dans le monde.

Le sénateur Mercer : Particulièrement s'il s'agit de caractéristiques de sécurité, et l'éclairage avancé en est une. Si vous parcourez de longues distances sur des autoroutes inter-États — qui ont quatre voies, pendant de longues périodes, il est très utile de pouvoir compter sur un système d'éclairage avancé. Cela vous donne une autre idée de ce qui se passe au loin lorsque vous approchez un autre véhicule.

Le vice-président : Notre troisième témoin est arrivé. Il a déployé beaucoup d'efforts pour être ici ce matin. J'espère que son retard n'est pas imputable à un problème d'automobile.

Mark A. Nantais, président, Association canadienne des constructeurs de véhicules : Air Canada possède le don plutôt unique de pouvoir faire échouer le meilleur des plans. Je tiens à m'excuser à tous les membres du comité.

Le vice-président : Eh bien, les choses ne se sont pas passées comme prévu, mais vous n'avez pas échoué. Vous avez la parole, monsieur Nantais.

M. Nantais : Merci beaucoup. Encore une fois, toutes mes excuses.

Je représente l'ACCV, et nous comptons parmi nos membres Fiat-Chrysler, Ford et General Motors. Sans trop insister sur l'importance économique de ces sociétés ou de l'industrie elle-même, je préciserai qu'elles représentent environ 60 p. 100 de la production au Canada.

Nous souscrivons aux objectifs du projet de loi S-2 de renforcer la sécurité des Canadiens et d'accroître la souplesse en matière de réglementation en soutien à l'introduction de technologies de pointe et d'autres innovations en matière de sécurité. Je vais probablement ajouter quelques commentaires à votre question, sénateur Mercer, à cet égard.

Nous sommes particulièrement en faveur des amendements au projet de loi S-2 qui fournissent un processus clair, rigoureux et transparent pour l'exercice d'un certain nombre de pouvoirs d'ordonnance ministériels, qui reconnaissent la rapidité de l'évolution technologique par l'augmentation de la capacité de fournir des exemptions aux normes si les nouvelles technologies fournissent des avantages accrus ou équivalents en matière de sécurité par rapport à ceux qui sont conformes aux normes prescrites, et qui prolongent les délais des ordonnances provisoires en vue d'harmoniser rapidement les exigences canadiennes déjà adoptées par d'autres gouvernements.

Nous avons cerné trois secteurs préoccupants prioritaires ayant des implications opérationnelles pratiques et commerciales, en particulier depuis que le projet de loi inclut la possibilité de déléguer certains des pouvoirs ministériels existants ou nouveaux prévus dans les amendements.

Premièrement, l'article 10.61, « Interdiction d'offrir en vente : défaut ou non-conformité ». Nous soutenons l'objectif stratégique d'interdire la vente de véhicules non conformes ou défectueux. Cependant, les fabricants ne contrôlent pas directement la vente au détail de véhicules aux consommateurs. Les nouveaux véhicules sont vendus en gros aux concessionnaires d'automobiles neuves qui, en tant qu'entités commerciales indépendantes, prennent possession du véhicule et concluent la vente avec le client. Les membres de l'ACCV conseillent aux concessionnaires de ne pas vendre des véhicules faisant l'objet d'un rappel tant et aussi longtemps que la réparation n'a pas été effectuée. Les concessionnaires qui décident néanmoins de vendre un véhicule faisant l'objet d'un rappel pourront être assujettis à une responsabilité légale importante.

Le pouvoir proposé oblige indûment le fabricant ou l'importateur de véhicules d'exercer une autorité sur les entreprises indépendantes privées qui ne relèvent pas directement du fabricant. À notre avis, il est tout à fait inapproprié de tenir les fabricants ou les importateurs criminellement responsables des actions de concessionnaires de véhicules neufs détenus et exploités indépendamment. En conséquence, nous recommandons que le pouvoir d'interdire la mise en vente soit remplacé par le pouvoir d'ordonner aux fabricants et aux importateurs de véhicules d'émettre un avis aux concessionnaires afin qu'ils remédient au problème du véhicule avant sa vente au premier usager.

Deuxièmement, l'article 8.1, « Pouvoir d'ordonner des tests, analyses ou études ». Nous reconnaissons que Transports Canada propose ce pouvoir unique au Canada afin de répondre, dans certains cas, aux besoins de recueillir rapidement des renseignements aux fins de vérification de la non-conformité ou du défaut, si l'information n'est pas fournie volontairement. Cependant, le libellé du projet de loi est formulé en termes si généraux qu'il risque d'être utilisé à mauvais escient au-delà de l'intention d'ordonner des tests, analyses ou études, et ce, quel que soit le scénario, et c'est l'aspect qui nous préoccupe.

Il faut modifier le libellé afin, d'une part, de clarifier l'intention de cette disposition d'ordonner des tests, analyses ou études afin de vérifier la non-conformité et, d'autre part, d'y inclure la notion du caractère raisonnable. Les changements proposés au libellé sont décrits dans l'information que nous vous avons présentée d'avance par écrit.

Troisièmement, le paragraphe 10.4(1), « Date de correction ». Les membres de l'ACCV s'efforcent de communiquer aux propriétaires de véhicules les renseignements sur le rappel les plus exacts et à jour possible. La loi exige actuellement qu'une première lettre de notification sur le rappel soit envoyée aux propriétaires de véhicules au plus tard 60 jours après l'avis à Transports Canada. Si les pièces nécessaires à la réparation du véhicule ne sont pas immédiatement disponibles, une lettre de notification de suivi sera envoyée aux propriétaires de véhicules dès que les pièces seront disponibles.

Cependant, en vertu de la loi, une entreprise informera le ministre d'un rappel « dès qu'elle [...] constate l'existence » d'un défaut ou d'une non-conformité. À ce stade préliminaire d'un rappel, il arrive fréquemment qu'une entreprise ne dispose pas des renseignements sur la disponibilité des pièces de rechange.

Durant les étapes préliminaires d'un rappel ou lors de rappels complexes, les estimations de la date de disponibilité des pièces peuvent être révisées à plusieurs reprises; en théorie, une telle situation exige que les entreprises envoient un nouvel avis chaque fois qu'une date est révisée. L'exigence proposée de fournir une date estimée de correction entraînerait des attentes irréalistes des consommateurs et la transmission de renseignements possiblement trompeurs; au bout du compte, elle désensibiliserait le public à l'égard de l'importance du premier avis et saperait sa confiance envers le système.

Si une telle exigence était incluse dans la loi, il ne serait plus possible de tirer parti de technologies de communication adaptées afin de fournir des renseignements plus rapidement, comme les outils de consultation en ligne sur le rappel à partir du numéro d'identification du véhicule mis en place par nos membres.

Cette nouvelle exigence n'est pas requise dans la loi et peut être traitée conformément à l'article 15 du Règlement sur la sécurité des véhicules automobiles en vigueur, qui définit tous les renseignements requis dans l'avis destiné au ministre et dans l'avis envoyé aux propriétaires de véhicules.

Transports Canada a le pouvoir de demander des renseignements afin de confirmer la première date de correction en vertu de l'alinéa 11(1)a) de la loi. L'exigence proposée pour la première date pourrait être ajoutée à l'article 15 du Règlement sur la sécurité des véhicules automobiles et pourrait aussi inclure l'obligation qu'une entreprise fournisse, sur demande, toute information ou tout document que le ministre estime nécessaire afin de vérifier que la date prévue est la première date à laquelle la correction peut être faite.

En outre, des règlements sont en train d'être révisés afin de mettre en œuvre certains amendements au projet de loi C-31, ainsi que d'autres outils visant à améliorer la transmission de renseignements aux consommateurs.

En conclusion, les membres de l'ACCV se sont engagés à assurer la sécurité des Canadiens et veulent que les amendements proposés favorisent l'atteinte des objectifs énoncés dans la loi, d'une manière pratique et réalisable.

Je m'en voudrais de venir ici et de ne pas vous dire qu'on peut faire des progrès additionnels à ce chapitre. En effet, on pourrait étendre le pouvoir conféré à Transports Canada en vertu de la loi pour qu'il puisse aller au-delà de la fabrication et de l'importation de véhicules et s'intéresser aussi aux pièces de remplacement, comme les pare-brise, les conduites et liquides de frein ou les sacs gonflables de remplacement. Ces aspects sont abordés aux États-Unis, et nous pourrions améliorer de façon appréciable la sécurité des Canadiens au pays.

Je vous remercie et répondrai avec plaisir à toutes vos questions.

Le vice-président : Nous allons reprendre les interventions des membres là où nous avions arrêté.

Le sénateur Greene : J'aimerais poser une question à M. White, puis les autres témoins pourront intervenir par la suite.

Je comprends pourquoi vous demandez ces amendements, mais pourriez-vous m'expliquer en détail les dispositions actuelles de la loi américaine concernant le fait que l'indemnisation des concessionnaires s'applique seulement aux rappels amorcés par le gouvernement, et non aux rappels volontaires des fabricants? Ai-je bien compris?

M. White : Je crois savoir qu'elle s'applique aux deux.

Le sénateur Greene : Elle s'applique aux deux aux États-Unis? Naturellement, elle s'appliquerait aux deux ici.

M. White : Essentiellement, le gouvernement a le pouvoir d'effectuer un rappel; les fabricants peuvent le faire volontairement. Les protocoles en vertu desquels un rappel est volontaire ou obligatoire sont les mêmes.

Le sénateur Greene : Et le niveau de l'indemnisation est le même?

M. White : Il n'y a aucune différence entre les deux.

Le sénateur Greene : Dans la loi américaine?

M. White : Oui, monsieur.

Le sénateur Greene : Pourriez-vous me dire quelle valeur l'amendement que vous proposez représente pour les concessionnaires automobiles?

M. White : Non. Je ne me suis pas penché sur cet aspect, mais c'est quelque chose que nous pourrions essayer d'estimer.

Le sénateur Greene : Quels sont les enjeux liés à un rappel où l'indemnisation à un niveau donné est exigée par rapport à un rappel où ce n'est pas le cas? Je m'intéresse précisément au temps qu'il faut pour négocier une entente avec le fabricant au sujet d'un aspect touchant le rappel.

M. White : Je ne suis pas absolument certain de comprendre la question. Pourriez-vous la reformuler, s'il vous plaît?

Le sénateur Greene : Dans une situation où il n'y a pas d'entente relative à l'indemnisation, combien de temps faut-il, habituellement, pour en négocier une?

M. White : La réponse brève, monsieur, est que cela dépend. Normalement, ce n'est pas un processus négocié. Il s'agirait d'un processus descendant où le fabricant, s'il décide d'offrir une indemnisation quelconque à un moment donné après qu'un rappel a été amorcé ou qu'un ordre de ne pas vendre le produit en question a été donné, déciderait de signifier un avis à son concessionnaire et d'indiquer quelle serait l'indemnisation offerte.

Dans certains cas, cela ne se produit pas. Ensuite, le concessionnaire, par l'intermédiaire d'un conseil — chaque concessionnaire ne va pas négocier individuellement avec le fabricant — ou d'un organe consultatif quelconque, s'adresserait au fabricant et dirait : « Pouvez-vous nous aider? Combien de temps ce rappel va-t-il durer, et quand allons-nous recevoir nos pièces ou le correctif? » Parfois, il s'agit d'un correctif logiciel. « Et pourriez-vous s'il vous plaît nous prêter assistance? » Normalement, c'est le genre d'échange qui aurait lieu. Au final, c'est au fabricant que revient la décision, car c'est son argent qu'on utilise pour soutenir la démarche.

En réalité, cela dépend de la situation, du fabricant concerné et de la personne qui dirige cette société à ce moment-là. C'est pourquoi cet amendement clarifie la chose et prévoit les mêmes règles de base pour tout le monde.

Le sénateur Greene : Et ce processus prendrait quelques mois, normalement?

M. White : Sans trop aller dans le détail, monsieur, nous avons vu des cas, cette année, où un fabricant est intervenu après deux ou trois semaines. Dans un autre cas relatif à un problème comparable, qui touchait plus d'un fabricant, on a décidé de ne pas fournir de soutien. Enfin, un troisième fabricant aux prises avec le même problème a pris des mesures, après 30 ou 40 jours, pour offrir un certain niveau de soutien, sous une forme différente de ce que l'autre fabricant aurait offert. Ce n'est pas uniforme.

Le sénateur Greene : Les conseils de concessionnaires sont-ils organisés à l'échelle provinciale, ou est-ce plus ou moins à l'échelle locale?

M. White : Les deux. Cela dépend de la taille du groupe de concessionnaires. Si je prends l'exemple de mon homologue M. Nantais et de ses membres, comme le nombre de concessionnaires est élevé, on s'attendrait peut-être à des conseils régionaux ou provinciaux relevant d'un conseil national. Il s'agira soit d'un conseil, soit d'un comité consultatif, soit d'une équipe de communication.

Ce n'est pas le cas, normalement, chez les fabricants plus modestes. Il pourrait s'agir d'un conseil national où siègent des représentants provinciaux, comme vous le faites ici.

Le sénateur Greene : Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait répondre?

M. Nantais : John White a raison. Sur le plan opérationnel, aux États-Unis, je crois savoir que ces dispositions ont rarement été invoquées à cause de la relation commerciale qui existe entre les concessionnaires et les fabricants. En effet, cela peut varier en fonction des ventes et des ententes concernant la prestation de services et de la relation qu'ils ont, et il est possible que cela se règle par l'intermédiaire de conseils de concessionnaires. Il y a de nombreuses variantes.

Il ne faut pas oublier que les concessionnaires américains sont également visés par la loi et qu'ils s'exposent à des amendes s'ils vendent au détail un véhicule faisant l'objet d'un rappel ouvert. C'est une combinaison de toutes ces choses.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une relation commerciale et que le projet de loi n'est pas structuré de façon à prendre cela en compte. Il est axé purement sur la sécurité et sur les fabricants et importateurs de véhicules, ce qui est judicieux, selon nous. Nous croyons que les amendements que nous avons ici...

Le sénateur Greene : Êtes-vous en train de dire que vous seriez favorable aux amendements s'ils étaient dans un projet de loi différent?

M. Nantais : Non. Nous disons qu'il devrait revenir aux concessionnaires et aux fabricants de définir leurs relations interentreprises. Mais nous affirmons également que, en ce qui concerne le pouvoir d'ordonner des choses, on devrait ordonner aux fabricants et aux importateurs d'aviser les concessionnaires du fait qu'il y a un rappel ouvert et qu'ils ne devraient pas vendre ce véhicule tant que le rappel ouvert est en vigueur. Nous faisons déjà cela dans le cadre de cette relation, mais, aux fins d'uniformité, nous devrions peut-être avoir une disposition du genre où le ministre a la possibilité d'ordonner aux fabricants et aux importateurs d'aviser leurs concessionnaires qu'ils ne devraient pas ou ne doivent pas vendre un véhicule visé par un rappel ouvert.

Le sénateur Eggleton : Merci de vos exposés.

Vous vous consacrez tous au marketing d'automobiles, mais vous approchez la chose selon des points de vue et des intérêts différents. Certes, nous avons entendu le point de vue de l'association des concessionnaires automobiles au sujet des amendements qu'elle aimerait qu'on apporte au projet de loi, et nous avons entendu les commentaires de M. Adams et de M. Nantais sur ce point.

Monsieur White et monsieur Adams : qu'est-ce que les fabricants d'automobiles ont à dire au sujet de la possibilité que les trois amendements présentés par M. Nantais portent atteinte aux intérêts de vos membres?

M. White : Tout d'abord, je tiens à souligner que nous appuyons le projet de loi sous sa forme actuelle, à l'exception des amendements que nous voulons voir enchâssés dans la loi. Nous appuyons le projet de loi.

Pour ce qui est des commentaires formulés par mon collègue, M. Nantais, je comprends qu'il veuille qu'un certain partage des responsabilités soit prévu. Encore une fois, il faudrait que nous nous penchions sur sa proposition, mais de façon générale, je comprends son point de vue.

Nous devons également veiller à ce que la communication du fabricant avec le concessionnaire soit claire et opportune, car les rappels ne sont pas toujours assortis d'un ordre de ne pas vendre le produit en question. Dans le cas d'un rappel amorcé pour des raisons de conformité ou de sécurité, il y aura effectivement un ordre de ne pas vendre, mais dans d'autres cas, cela va déboucher sur des rappels. Je veux que toutes les personnes ici présentes sachent qu'il n'y a pas toujours ordre de ne pas vendre.

De ce point de vue, et en ce qui concerne les commentaires formulés par MM. Nantais et Adams, où le projet de loi est envisagé sous l'angle des aspects technique et technologique, notre association n'a pas vraiment de position. Quelles que soient les technologies de pointe intégrées à nos véhicules, nous voulons veiller à ce que nos concessionnaires possèdent la formation et les pièces appropriées et soient en mesure de répondre adéquatement aux besoins des clients à ce chapitre.

Concernant les éléments techniques du projet de loi, nous nous en remettons à l'expertise des deux fabricants.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Adams, avez-vous quelque chose à dire au sujet de ce que demandent les trois Grands ici?

M. Adams : Nous serions aussi en faveur des amendements proposés par M. Nantais.

Pour ce qui est des enjeux particuliers, comme il l'a souligné, si je ne m'abuse, l'un des amendements concerne les essais et le pouvoir complet d'ordonner des essais de toutes sortes. Vous pouvez penser que cela va se faire de façon raisonnable et rationnelle, mais le libellé actuel du projet de loi ne garantit aucunement cela. Nos membres sont préoccupés par cela, c'est certain.

Quant aux autres amendements qu'il a proposés, je n'y verrais aucune objection non plus.

Le sénateur Eggleton : Laissez-moi revenir à M. White. Je comprends ce que vous dites au sujet des véhicules que vous avez payés ou que vous financez et qui ne pourront entrer sur le marché en raison des réparations qui doivent être apportées. Lorsque les réparations tiennent à des défauts, les fabricants sont logiquement responsables. Alors, vous dites que le fabricant assume les coûts de réparation. Mais vous détenez un stock de véhicules, et cela occasionne des coûts.

M. White : C'est exact.

Le sénateur Eggleton : Avez-vous des chiffres au sujet de cet aspect? Vous demandez à obtenir la même chose qu'aux États-Unis. Avez-vous des chiffres, du côté des États-Unis ou du vôtre, qui en illustrent l'importance?

M. White : Ce n'est pas quelque chose que j'ai avec moi aujourd'hui. Toutefois, nous sommes en mesure de fournir ces chiffres au comité pour la suite de ses délibérations. C'est un aspect que nous pouvons examiner.

Pour vous donner une idée, le fabricant doit se charger du coût de gros des stocks, c'est-à-dire ce qu'il faut payer pour maintenir les stocks. C'est normalement soumis à un taux supérieur au taux préférentiel. Aujourd'hui, comme nous jouissons évidemment d'un taux préférentiel favorable, les taux sont très bons, mais il n'en a pas toujours été ainsi. Les fabricants doivent veiller à ce qu'on fasse démarrer les automobiles, à ce que les batteries soient chargées et à ce que les freins ne grippent pas. Il y a des coûts d'assurance que le concessionnaire doit assumer.

Comme je l'ai dit, il s'agit de coûts d'ensemble qui, pour le concessionnaire moyen, s'élèvent à des dizaines de milliers de dollars par mois pour maintenir les stocks. Si la valeur de votre stock s'élève à environ 3 ou 3,5 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent pour un petit concessionnaire.

Si vous détenez des stocks ne pouvant être vendus, vous assumez ces coûts. Mais l'autre répercussion de cela, c'est que, si vous avez une marge de crédit de 3 millions de dollars, disons, et qu'un demi-million de dollars de stock visé par un rappel ne peut être vendu, votre banque ou votre institution financière ne voudra pas vous donner un autre demi-million de dollars pour compenser. Je vous donne un exemple général, mais vous voyez ce que je veux dire.

Par conséquent, il est très difficile, évidemment, de quantifier cela.

Le sénateur Eggleton : C'est une réponse utile.

M. Nantais : Je crois qu'il est raisonnable d'affirmer — et je pense que vous serez d'accord avec moi, David — qu'il est dans l'intérêt d'un fabricant de traiter ses concessionnaires de façon juste et équitable, particulièrement dans le cadre d'un rappel très complexe effectué pour des raisons de sécurité, tout d'abord à cause de la relation d'affaires elle-même, mais aussi parce qu'il importe de réagir et de donner suite à ce rappel dans les plus brefs délais, non seulement pour le bien de la relation d'affaires avec les concessionnaires, mais aussi dans le but de conserver et de continuer de servir les consommateurs. Tous les efforts sont déployés pour effectuer un rappel le plus vite possible.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que les autres font cela? Il y a les trois Grands, mais ils ne sont pas les seuls touchés. Qu'en est-il des autres?

M. Nantais : Je ne saurais parler pour les autres. Je crois qu'il importe de comprendre, par contre, que tout le monde déploie tous les efforts pour veiller à ce que ces correctifs soient apportés le plus vite possible.

Nous avons eu récemment des rappels très complexes visant des nombres élevés de véhicules, ce qui explique pourquoi certaines statistiques relatives aux rappels sont en hausse; il suffit de penser au coussin gonflable Takata. De nombreux fabricants utilisent les mêmes composantes dans un grand nombre de gammes et de produits. La capacité d'un fabricant de pièces de produire de nouvelles pièces et des pièces de remplacement n'est pas toujours au rendez-vous, de sorte que le rappel dure plus longtemps que certains ne l'auraient espéré.

Dans des situations comme celles-là, je crois que tous les efforts sont déployés et que les concessionnaires ainsi que les fabricants tirent parti de toute occasion de se rencontrer et d'en venir à une solution équitable et raisonnable.

M. Adams : Au cas où mes commentaires antérieurs n'auraient pas été clairs : oui. Et comme Mark l'a dit, tous nos fabricants sont d'avis qu'il est dans l'intérêt de tout le monde d'entretenir des relations à long terme. Lorsqu'on punit le concessionnaire à l'égard d'une situation échappant à sa volonté, lorsqu'il n'a pas le droit de vendre des véhicules visés par un rappel, personne ne gagne.

Le sénateur Eggleton : Il y a certainement quelque chose qui cloche, ou vous ne demanderiez pas cela.

M. White : Je suis d'accord avec mes deux collègues pour dire que c'est dans l'intérêt de tous. Toutefois, je ne serais pas venu demander cela si c'était toujours le cas.

Oui, notre relation avec les fabricants repose sur un partenariat; il ne s'agit pas d'un partenariat entre égaux, mais c'est un partenariat. Mais il reste que nous cherchons vraiment à obtenir un cadre uniforme, juste et équitable : ainsi, il n'y a aucune discussion, et nous suivons tous la même voie, peu importe qui est le fabricant, peu importe qui dirige. Dans 20 ans, l'ampleur des négociations sera fonction de l'identité des trois personnes assises à la table.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'ai plusieurs questions à poser, mais compte tenu du temps, je devrais peut-être tirer au sort pour savoir qui répondra à mes questions.

Monsieur Nantais, voici ma première question : selon nos renseignements, le Service de recherche du Congrès américain, en 2014, a estimé qu'environ 15 millions de véhicules ont fait l'objet d'un rappel. Si on compare avec le Canada durant la même période, combien de véhicules ont été rappelés?

[Traduction]

M. Nantais : C'est une très bonne question. Malheureusement, je ne pourrais vous donner un chiffre total. Je suis certain que nous pourrions vous l'obtenir, puisque tous les rappels et toutes les mesures prises sont consignés par Transports Canada. Il est difficile de répondre à cette question.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Cela m'amène à ma deuxième question, et vous me corrigerez si j'ai tort. Selon des renseignements que j'ai obtenus, le Canada fonctionne différemment des Américains pour ce qui est du rappel des véhicules. Au Canada, on transmet des directives internes aux concessionnaires au lieu d'effectuer des rappels massifs. Est-ce le cas?

[Traduction]

M. Nantais : J'avancerais, sénateur, qu'il y a en fait énormément de similitudes entre le Canada et les États-Unis pour ce qui est des rappels. Si vous jetez un coup d'œil au résumé des mesures prises au Canada et aux États-Unis, vous constaterez qu'elles sont très similaires.

Au Canada, il arrive qu'on s'appuie sur l'information et l'analyse des données provenant des États-Unis au moment de déterminer si un rappel peut être amorcé au Canada. Notre secteur d'activité étant fortement intégré — les produits sont essentiellement identiques des deux côtés de la frontière —, si un rappel est effectué aux États-Unis, nous allons généralement faire de même au Canada, à moins que le rappel en question ait une quelconque composante régionale. Par exemple, si le rappel de sécurité tient à un problème lié à des aspects environnementaux — comme l'humidité, la chaleur, une variation de ces facteurs qui cause le défaut —, alors nous examinerons la question pour déterminer si cela s'applique au Canada.

Il se peut que le Canada n'impose pas un rappel général, pour ces motifs, mais l'inverse est vrai également. Il est déjà arrivé, cela se sait, que le Canada lance un rappel même si les États-Unis n'en ont pas lancé un. Je pense par exemple au cas de corrosion, dans les régions où nous utilisons de grands volumes de sel ou dans les régions côtières, où nos véhicules sont exposés au sel, qui entraîne de la corrosion ou s'attaque aux câbles, par exemple. Au Canada, nous avons déjà lancé un rappel.

De la même manière, nous avons encore quelques...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je serai plus précis. Aux États-Unis — selon les renseignements que j'ai obtenus —, on procède beaucoup plus par des rappels systématiques. Ainsi, le propriétaire d'un véhicule reçoit du constructeur un avis l'informant d'une défectuosité et qu'il a un certain délai pour faire réparer son véhicule. Au Canada, on envoie la directive au concessionnaire, qui pourra ensuite aviser le propriétaire du véhicule.

Cette information est-elle exacte?

[Traduction]

M. Nantais : Non, pas tout à fait, sénateur. Encore une fois, notre processus est très semblable à celui des États-Unis. Dès qu'il prend connaissance d'un défaut ou d'un problème de non-conformité, le fabricant doit immédiatement aviser le ministre, dès que le fait est connu. Et il doit aviser le consommateur dans un délai de 60 jours. C'est très semblable à ce qui se fait aux États-Unis.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : En 2014, si les Américains ont rappelé 14 millions de véhicules, au Canada, en théorie, on devrait avoir rappelé environ 1,5 million de véhicules en 2014-2015, étant donné que notre population est 10 fois moins importante que celle des États-Unis?

[Traduction]

M. Nantais : De manière générale, ce ratio serait correct, nous ne devons pas oublier que les marchés ne sont pas identiques. Les Américains achètent certains types de véhicules en plus grand nombre que les Canadiens, et ils achètent différents modèles. Notre parc de véhicules est plus petit, par exemple, et nous avons tendance à acheter des véhicules qui ne sont pas tout à fait équipés de la même manière.

Notre parc automobile n'est pas identique, et c'est pourquoi je dirais que ce ratio de 10 pour 1 ne s'applique pas nécessairement, monsieur le sénateur.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma dernière question s'adresse à M. White. Vous avez travaillé pour Volkswagen, je crois, jusqu'en 2015.

M. White : J'ai travaillé pour Volkswagen et General Motors, oui.

Le sénateur Boisvenu : Au moment de la crise, vous étiez chez Volkswagen.

M. White : J'étais en Australie.

Le sénateur Boisvenu : Pouvez-vous nous décrire brièvement comment cette crise a ébranlé la confiance des consommateurs envers les constructeurs automobiles? On s'aperçoit aujourd'hui que BMW, Audi et peut-être même Mercedes n'ont pas respecté certaines normes environnementales. Comment votre industrie retrouvera-t-elle la confiance des consommateurs envers ces marques ainsi que d'autres marques?

M. White : Évidemment, cela n'aide pas l'image de l'industrie. À mon avis, tous les manufacturiers devront travailler fort pour veiller au bon respect des normes, accomplir leur travail sur une base éthique et fidéliser leur clientèle.

Il y aura beaucoup du travail à faire afin de rebâtir l'image pour certaines marques. Nos concessionnaires, qui sont sur la ligne de feu, devront travailler de concert avec les manufacturiers pour regagner la confiance des clients. Il y aura beaucoup de travail à faire dans les années à venir.

Le sénateur Boisvenu : Le projet de loi S-2 aidera sans doute à ce chapitre.

M. White : Oui.

[Traduction]

Le vice-président : Messieurs, merci de vos exposés. Notre temps est écoulé. Nous avons vraiment apprécié votre présence ici ce matin.

Nous allons laisser à nos prochains témoins le temps de s'installer et nous allons poursuivre notre étude sur le projet de loi S-2. C'est avec plaisir que je présente les prochains témoins : Ian Jack, directeur général, Communications et relations gouvernementales des affaires publiques, de l'Association canadienne des automobilistes; George Iny, directeur général, Montréal, de l'Association pour la protection des automobilistes, qui est accompagné par John Raymond, directeur, Toronto. M. Raymond aidera M. Iny à répondre aux questions.

Veuillez commencer vos exposés; vous avez cinq minutes, après quoi les sénateurs auront des questions à vous poser.

[Français]

Ian Jack, directeur général, Communications et relations gouvernementales des affaires publiques, Association canadienne des automobilistes : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de ce dossier fort intéressant et fort important pour l'avenir de la sécurité routière au Canada.

[Traduction]

Permettez-moi de commencer en vous remerciant d'avoir invité l'Association canadienne des automobilistes à venir ici aujourd'hui pour commenter le projet de loi S-2.

Notre association a été fondée en 1913 à titre d'association sans but lucratif; ce qu'elle est toujours aujourd'hui. Nous comptons neuf clubs qui fournissent à plus de 6,2 millions de membres de toutes les régions du pays des services routiers d'urgence, des services automobiles et de voyage, des économies et des services d'assurance détaillés. Depuis ses tout débuts, en 1913, la CAA défend des questions qui préoccupent ses membres.

Nos dossiers comprennent notamment la sécurité routière, l'environnement, la mobilité, les infrastructures et la protection des consommateurs. Dès le début, la CAA a réclamé des panneaux d'arrêt, des campagnes d'éducation du public sur l'importance des ceintures de sécurité et des coussins gonflables, des campagnes contre la conduite en état d'ébriété et la conduite inattentive — des campagnes qui se poursuivent aujourd'hui —, et elle est donc depuis près d'un siècle l'un des principaux défenseurs de la sécurité routière.

À l'échelle du Canada, dans toutes les provinces, près d'un automobiliste sur quatre est membre de la CAA. Nous sommes l'une des associations canadiennes de consommateurs les plus importantes et les plus dignes de confiance, puisque nous offrons aux voyageurs et aux décideurs les renseignements clés dont ils ont besoin sur les questions d'importance.

Les commentaires sur les rappels de sécurité automobile que nous présentons aujourd'hui visent à assurer que les consommateurs sont en sécurité et sont traités sur un pied d'égalité, et que les constructeurs leur offrent les réparations nécessaires en temps opportun.

Aux États-Unis, la National Highway Traffic Safety Administration a le pouvoir d'exiger que les constructeurs rappellent les véhicules qui présentent des défauts de sécurité ou qui ne respectent pas les normes de sécurité fédérales. Depuis que cette loi a été adoptée, en 1966, plus de 390 millions de voitures, camions, autocars, véhicules récréatifs, motocyclettes et vélomoteurs ainsi que 46 millions de pneus, 66 millions de pièces d'équipement pour véhicules motorisés et 42 millions de sièges pour enfants ont fait l'objet d'un rappel pour corriger des vices de sécurité.

Ici, au Canada, la CAA est convaincue que, pour les propriétaires des près de 24 millions de véhicules légers qui circulent sur les routes aujourd'hui, le projet de loi S-2 est un pas dans la bonne direction, et qu'il contribue à raffermir le régime de conformité et d'application de la loi afin de mieux protéger la sécurité de tous les Canadiens.

Nous sommes heureux également de voir que le projet de loi, dans sa forme actuelle, donnera pour la première fois au ministre des Transports le pouvoir d'ordonner aux entreprises de corriger un défaut ou un cas de non-conformité et pourra infliger des sanctions administratives pécuniaires aux entreprises qui ne se conforment pas.

Même si la plupart des constructeurs respectent les normes rigoureuses que nous avons établies pour les véhicules canadiens, qui ont fait de notre réseau routier un des plus sûrs au monde, il n'en reste pas moins que, à l'heure même où nous nous parlons, Transports Canada mène 17 enquêtes sur des défauts de sécurité.

Il y a des cas où l'intervention du gouvernement peut être non seulement utile, mais indispensable. Le 10 novembre dernier, par exemple, Transports Canada a rendu une décision provisoire et établi un défaut de sécurité des freins des camions F-150 2011 et 2012. Le ministère avait reçu plus de 100 plaintes à ce sujet.

Lorsqu'il a comparu devant votre comité la semaine dernière, comme vous le savez certainement, honorables sénateurs, le ministre des Transports, M. Marc Garneau, a déclaré que son gouvernement avait communiqué avec Ford et qu'il avait été déçu de constater que le constructeur réfutait ces constatations. Il a ajouté que, selon la loi en vigueur, le résultat est une impasse. Cela ne suffit pas. Le projet de loi S-2 multipliera les outils dont dispose le ministre pour garantir la sécurité des Canadiens.

Aujourd'hui, la mesure la plus vigoureuse que Transports Canada peut prendre lorsqu'il estime que certains véhicules constituent un danger pour les Canadiens consiste à obliger le constructeur à envoyer un avis de défaut aux propriétaires, pour que ces derniers sachent que leurs véhicules sont dangereux. Ça se limite à ça.

Le gouvernement n'a pas le pouvoir de contraindre un constructeur à ordonner un rappel. Cela fait du système canadien un véritable tigre en papier, littéralement. Le projet de loi S-2 conférera au ministre le pouvoir d'ordonner aux entreprises d'émettre un avis de rappel, de les obliger à réparer tout véhicule faisant l'objet d'un rappel, sans frais pour le consommateur, et de les empêcher de vendre ces véhicules neufs vendus au Canada tant qu'ils n'auront pas été réparés. C'est assez semblable aux lois américaines, et cela finira par uniformiser les règles du jeu pour les consommateurs canadiens.

De fait, aujourd'hui, le site web de Transports Canada fournit des renseignements sur les rappels de véhicules et encourage les consommateurs à donner suite au rappel de leur véhicule le plus rapidement possible. Le projet de loi S-2 est un outil d'application de la loi des plus efficaces, pour les rappels de véhicules, lorsque le ministre estime qu'une intervention est indispensable.

Cela fait trop longtemps que les mesures de protection des consommateurs canadiens sont à la traîne de celles des États-Unis. À notre avis, même si le projet de loi S-2 n'est pas parfait, il contribue dans une large mesure à rééquilibrer la situation, et il représente un progrès indéniable pour les consommateurs canadiens.

Messieurs les sénateurs, merci de m'avoir accordé du temps ce matin. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

[Français]

George Iny, directeur général, Montréal, Association pour la protection des automobilistes : Je m'appelle George Iny. Je suis le directeur général de l'Association pour la protection des automobilistes. Je ferai ma présentation en anglais et je répondrai aux questions dans les deux langues.

[Traduction]

C'est John Raymond qui est à côté de moi; il travaille pour l'Association, mais auparavant, il était concessionnaire d'automobiles. Je voulais inviter quelqu'un qui avait travaillé dans le domaine et dans les deux rôles, quelqu'un qui, lorsqu'il était concessionnaire, menait ses affaires avec une intégrité absolue. Si certaines questions l'exigent, si nous voulons creuser certaines questions, il pourra répondre en s'appuyant sur son expérience de la vraie vie.

L'APA est un organisme d'intérêt public. Nous sommes d'abord et avant tout des pêcheurs. Nous avons essentiellement des lignes de renseignements directes et un site web, et nous nous occupons des plaintes des consommateurs.

Pendant des années, avant la naissance d'Internet, vous auriez dit que nous étions à peu près l'équivalent d'éclaireurs pour Transports Canada. Environ 10 p. 100 des plaintes adressées au gouvernement seraient passées par nos bureaux.

Nous travaillons aussi avec un réseau de concessionnaires d'automobiles qui nous ont été recommandés, et nous communiquons avec eux assez régulièrement. Il y a à l'heure actuelle plus d'une quarantaine de ces concessionnaires. En conséquence, nous savons bien ce qui se passe des deux côtés de la clôture.

La Loi sur la sécurité automobile actuellement en vigueur est à certains égards aussi vieille qu'une maison qui n'a pas été rénovée depuis les années 1960, littéralement. Certaines exigences, comme Ian vient de le souligner, sont quelque peu désuètes. Le constructeur n'a qu'à vous envoyer une lettre pour vous aviser que votre véhicule peut être dangereux et que vous risquez de vous blesser. Je crois que cela explique en partie pourquoi nous avons réuni aujourd'hui un important appui, de tous les côtés, en faveur de sa mise à jour.

J'aimerais aborder quelques-unes des modifications proposées. Premièrement, nous avons beaucoup parlé aujourd'hui des rappels. C'est un peu, pour reprendre l'analogie de la maison, comme si vous parliez de votre comptoir de cuisine en granit et de vos électroménagers. Ce sont des choses visibles, mais le travail doit se faire ailleurs. Il y a beaucoup d'autres initiatives, dans ce projet de loi, également.

Aujourd'hui, on compte quelque 600 rappels par année au Canada et aux États-Unis. Dans 99 p. 100 des cas, il s'agit de rappels volontaires, et, de notre point de vue, cela veut dire que rien n'a changé. En pratique, les choses se passent déjà bien, sur ce plan-là, même si le cadre juridique du Canada n'est pas identique à celui des États-Unis.

Vous vous intéressez aux autres cas, 1 p. 100, c'est-à-dire six rappels — certaines années, le nombre est plus élevé, d'autres, il l'est moins —, où il se passe l'équivalent de ce que Ian a décrit, c'est-à-dire qu'il ne se passe rien, et notre gouvernement doit alors aller demander aux Américains de faire quelque chose, et on a l'impression que le constructeur fait la sourde oreille.

Et, même dans ces cas-là, il n'est pas évident que, malgré l'immobilisme, tous les cas vont mener à un rappel. Notre gouvernement n'est pas reconnu comme un gouvernement qui en impose aux constructeurs d'automobiles. Dans le tableau que nous avons brossé de la situation, nous avons beau remarquer surtout les rappels et les enquêtes qui ne fonctionnent pas bien, celles qui donnent lieu à des batailles et dont les médias parlent longtemps, cela ne veut pas nécessairement dire que la situation se présentera inévitablement.

Nous estimons qu'il s'agit davantage d'une mise à jour. Cela donnera au gouvernement les outils dont il a besoin, dans un petit nombre de cas, lorsqu'il lui faut plaider. Non seulement ça paraît mal, mais en plus, ce n'est pas une bonne politique que de l'exiger. C'est donc une bonne chose.

Il y a ensuite la capacité de faire des recherches en temps réel. À l'heure actuelle, il y a sur le site de Transports Canada une liste des constructeurs d'automobiles grâce à laquelle vous pouvez savoir si un rappel a été lancé. Cela fait plus de 20 ans que ce service est offert. Avant Internet, vous pouviez téléphoner pour savoir si votre automobile faisait l'objet d'un rappel, mais ne pouviez pas savoir si le défaut de votre automobile avait été corrigé. Et c'est ce dont nous avons besoin aujourd'hui.

À l'heure actuelle, le gouvernement semble tenir un blogue. Il appelle les constructeurs pour obtenir des informations et il les affiche sur son site web. La modification, idéalement, permettrait au gouvernement d'exiger qu'un fabricant d'automobiles — ici, quiconque distribue des véhicules — à fournir ce service au grand public de façon qu'une personne puisse, premièrement, savoir si son véhicule est visé et, ensuite, savoir si les correctifs ont été apportés.

La question de la protection des renseignements personnels ne nous préoccupe pas tellement, ici. Une automobile, ce n'est pas une personne, et l'aspect de la sécurité du public est beaucoup plus important.

C'est également très important si nous voulons, un jour, arriver à faire réparer des véhicules qui ont été cédés à un autre propriétaire sans avoir été réparés. C'est de cela que nous voulons parler, et il faudra peut-être s'assurer que les provinces sont d'accord. Il est important qu'elles sachent qu'elles peuvent toutes obtenir les mêmes informations et qu'elles peuvent aussi aviser un consommateur qui vient faire renouveler ses enregistrements que son véhicule fait l'objet d'un rappel en cours et qu'il doit le faire réparer au garage. Nous le faisons pour les contraventions de stationnement. Nous pouvons obtenir de l'information sur les contraventions de stationnement. C'est pourquoi je crois que c'est un aspect important.

En ce qui concerne les sanctions administratives pécuniaires, il semble que c'est nouveau. Elles s'apparenteront à des contraventions pour infractions au code de la route et viseront les conducteurs dont le véhicule n'est pas conforme. Sur ce point, Ian et moi ne sommes pas d'accord à 100 p. 100. Du côté de l'APA, nous croyons que les amendes ne devraient pas être trop élevées, mais en réalité, il faudrait que le montant augmente dans le cas où la non-conformité se répète.

Le problème, actuellement, c'est que Transports Canada dispose d'un marteau énorme dont il est très difficile de se servir, et c'est pourquoi il ne sert pas. Nous préférerions une culture axée sur l'application régulière et uniforme des lois. On nous a dit que ces sanctions auraient justement ce résultat-là.

Le montant des amendes perçues en application des nouvelles dispositions est versé au Trésor. L'APA estime qu'il faudrait mettre de côté une partie de cet argent pour des recherches d'intérêt public sur la sécurité routière. On peut réaliser de très bonnes recherches avec d'autres petites sommes d'argent; il y a des exemples.

Vous avez parlé du dossier Volkswagen. Le problème a été découvert par une poignée de chercheurs universitaires qui avaient obtenu une subvention de moins de 100 000 $. Le problème avait échappé à sept ou huit pays qui avaient établi des normes sur les émissions des moteurs diesel.

Nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un amendement utile, et qu'il faudrait mettre de côté une partie de cet argent pour des recherches d'intérêt public sur la sécurité routière.

Pour terminer, parlons des taux d'exécution des rappels. Selon la loi actuelle — qui remonte à 1970 —, le constructeur doit transmettre chaque trimestre un rapport sur le pourcentage des véhicules réparés; il doit le faire jusqu'au huitième trimestre, après quoi il n'en est plus question.

Nous avons observé que certaines entreprises ne font rien, la première année. Elles prennent leur temps et ne commencent à produire des rapports que le cinquième, le sixième ou le septième trimestre, et, après le huitième trimestre, elles en ont terminé; c'est la fin. Il n'est plus question d'enquête, étant donné qu'elles avaient annoncé un rappel. Elles n'ont pas tout réglé, mais elles ne font face à aucune conséquence importante.

De la façon dont nous voyons les choses, ces modifications renforceraient les mesures de suivi et toutes les activités qui concernent les réparations visées par les rappels. Si la première lettre ne donne aucun résultat, il vous faudrait envoyer un nouvel avis aux propriétaires actuels, non pas les propriétaires initiaux dont le nom figure dans vos dossiers, de manière à redresser votre taux d'exécution des rappels et des correctifs. Nous pensons que c'est une bonne chose.

Il a déjà été question, ici, de ce que nous appelons les rappels préalables, c'est-à-dire pour le cas où un concessionnaire prend livraison d'une automobile visée par un rappel en cours, mais ne la vend pas. Je puis vous le dire, de manière générale, la pratique de l'industrie dans ce dossier est très correcte. La plupart des constructeurs ont adopté une très bonne pratique dans ce domaine, en général, c'est-à-dire sauf dans le cas où la sécurité n'est pas en cause, lorsque l'étiquette est rédigée en espagnol et en anglais plutôt qu'en français et en anglais — ce sont des choses qui arrivent —, ou lorsque la pression dans les pneus est trop haute, ce qui ne menace pas vraiment la sécurité. Les rappels préalables ne représentent pas un si grand problème que cela.

Ce qui nous préoccupe, cependant, c'est que, de la façon dont la disposition est formulée, quelqu'un pourrait penser que cela veut dire que Transports Canada ne peut exercer aucun pouvoir, au chapitre des taux de rappel, une fois que le véhicule a été vendu pour la première fois. Est-ce que ce serait possible? À l'heure actuelle, même si le gouvernement n'exerce pas ses pouvoirs de façon très créative, il exerce quand même une certaine surveillance et il a quelques responsabilités dans ce dossier; nous serions déçus si cette disposition était mal comprise et que les gens pensaient que, une fois qu'un véhicule est vendu, le problème disparaît.

J'ai terminé.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : M. Iny ne vous a pas dit qu'il est une vedette de la radio et de la télévision au Québec. Je tiens à féliciter M. Iny pour son excellent travail en matière de défense des intérêts des consommateurs automobiles.

Il est intéressant pour notre comité d'entendre la version des consommateurs. Nous avons eu beaucoup de discussions avec les représentants des producteurs et des vendeurs. La version des consommateurs est très importante, parce que le projet de loi S-2 vise à mieux les protéger.

En examinant le modèle américain par rapport au modèle canadien, dans le cadre du projet de loi S-2, où notre pays se situe-t-il en matière de protection des consommateurs, d'un côté et de l'autre de la frontière?

M. Iny : Il y a deux points de vue : la législation et les règlements. En général, le Canada suit les règlements américains. Nous ne sommes pas désavantagés. Quand il y a des différences, nous recevons les mêmes équipements.

Pour la loi, ces mises à jour vont outiller Transports Canada d'une mesure qui se compare davantage à la pratique actuelle aux États-Unis. On a, par exemple, la possibilité de nommer une personne de l'externe à titre de vérificateur au sein d'une compagnie d'automobiles. On a des amendes en cas de délais et une facilité de vérifier rapidement, en temps réel, si le véhicule fait l'objet d'un rappel. Ce sont toutes des choses qu'ont les Américains. Nous voyons ces éléments comme une mise à jour de notre loi. On n'aura pas les mêmes amendes ou pénalités que les Américains. À d'autres points de vue, la loi n'est pas la même, et il n'est pas essentiel qu'elle le soit non plus.

Le sénateur Boisvenu : Les constructeurs automobiles attendent-ils trop longtemps pour intégrer dans leur configuration de base certains équipements de sécurité? Je pense entre autres aux régulateurs de vitesse intelligents, aux freins d'urgence, au signal de débordement lorsque le véhicule change de voie. Les constructeurs automobiles attendent-ils trop longtemps pour intégrer ces équipements dans leur configuration de base? On sait que les consommateurs doivent payer un supplément pour avoir certains équipements dans leur véhicule.

M. Iny : C'était vrai à une certaine époque, mais c'est sans doute l'inverse aujourd'hui. Des efforts sont faits pour que des dispositifs de sécurité intelligente, comme les systèmes anticollisions, soient installés sur les véhicules plus abordables. C'est une question quand même intéressante.

Pour l'instant, le projet de loi n'aura pas de répercussions sur la tendance actuelle. Il n'y a pas d'obligation d'installer d'autres dispositifs, sauf pour les équipements qui sont déjà requis. Nous attendons de voir les premières études sur le terrain avec les véhicules.

Le sénateur Boisvenu : Selon vous, le projet de loi S-2 va-t-il assez loin ou pourrait-il être élargi pour mieux protéger les consommateurs?

M. Iny : Dans l'ensemble, je suis très satisfait de ce texte de loi. On peut même dire que c'est un moment historique. Nous avons corrigé des lacunes qui existaient en 1970 à l'époque de notre première loi en matière de rappels.

Il y a environ un an et demi, le projet de loi S-62, est mort au Feuilleton à cause des élections. À certains endroits, entre autres pour les rappels sur les véhicules qui n'ont pas été vendus, le projet de loi S-62 était un peu plus...

Le sénateur Boisvenu : Corsé?

M. Iny : Oui. Toutefois, ce projet de loi représente une belle évolution.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Messieurs, je suis un peu curieux. Vous avez tous les deux proposé des changements, et nous avons reçu des changements d'autres intervenants. Est-ce que les changements que les autres ont proposés et ceux que vous proposez pourraient aller de pair?

M. Jack : Nous ne proposons aucun amendement. À notre avis, il est temps que le projet de loi soit adopté. On vient tout juste de le dire, le projet de loi soumis au gouvernement précédent était en substance identique. S'il y avait une différence, c'était que le projet de loi précédent était un peu plus rigoureux. Nous avons aujourd'hui sous les yeux le projet de loi S-2, et ce qui importe le plus, dans ce projet de loi, c'est qu'il donne au ministre des pouvoirs appropriés en matière de rappels et sur certains des autres enjeux dont il a été question aujourd'hui.

Les autres témoins ont longuement discuté de la question de savoir qui, du concessionnaire ou du constructeur, devait payer et pour quoi. Nous ne voulons pas que l'adoption du projet de loi soit retardée pour des questions comme celles-là.

J'ajouterais que la réglementation nous permettra de régler des enjeux importants. Nous sommes très curieux et nous avons hâte de savoir ce que le gouvernement proposera, en matière de réglementation. Je tiens à recommander aux membres du comité de garder l'œil sur la réglementation qui se prépare.

George a dit la même chose, il y a un instant. Par exemple, pour le moment, la moitié seulement des fabricants offre sur leur site web un service de recherche par numéro d'identification de véhicule. C'est impossible à faire, sur le site web de Transports Canada. Si vous voulez savoir si votre véhicule fait l'objet d'un rappel, vous ne pouvez que faire confiance au fabricant. Mais il y aura bientôt un règlement. Le ministère s'est fait dire qu'il fallait que ce règlement voie le jour.

En ce qui a trait aux exigences s'appliquant aux rapports de sécurité, les responsables de Transports Canada disent attendre, avant d'adopter un règlement en la matière, que la National Highway Traffic Safety Administration ait terminé son étude. Quel volume de données les fabricants seront-ils tenus de fournir? Cette question aura son importance.

Les sanctions administratives pécuniaires seront imposées au titre d'un règlement, non pas de la loi. Selon nous, en fait, il faudrait un régime échelonné. Je lisais hier dans le magazine Automotive News qu'un fabricant de taille moyenne dépensait de 100 000 à 500 000 $, tous médias confondus, pour lancer un nouveau modèle. Sachant cela, je crois que vous serez d'accord sur le fait que ce fabricant peut absorber le coût des sanctions administratives pécuniaires. Nous avons besoin d'une mesure réellement dissuasive, de manière que le coût de l'exécution du rappel ne dépasse pas de beaucoup le coût des sanctions administratives pécuniaires auxquelles le fabricant pourrait faire face.

En même temps, nous serions d'accord pour dire avec George qu'il ne faut pas, comme aux États-Unis, fixer la limite supérieure à 105 millions de dollars. C'est un peu trop gros, pour nous. Nous n'avons pas besoin d'aller jusque-là.

Ce que je veux souligner, monsieur le sénateur, c'est tout simplement que nous devons aussi porter attention au règlement qui sera adopté et à ses nombreuses dispositions.

Le sénateur Mercer : Je dois toutefois souligner que, si le projet de loi a été présenté au Sénat plutôt qu'à la Chambre des communes, c'est, je crois, parce que nous pourrions justement proposer quelques amendements, de façon que, lorsqu'il sera présenté à la Chambre des communes, le projet de loi sera de bien meilleure qualité. Ainsi, nous ne ralentissons pas le processus, au contraire, nous l'accélérons, car nous préparons un meilleur projet de loi à présenter à la Chambre des communes. C'est que, si le projet de loi s'y rend un jour — avec tout le respect que je dois à mes collègues de l'autre endroit —, mes collègues n'auront ni le temps ni les informations détaillées que nous avons pour s'y attaquer.

Je crois que le gouvernement fait bien de faire passer le projet de loi par ici, pour commencer, étant donné que nous avons le temps de bien nous en occuper. Je ne dis pas que mes collègues ne s'en occupent pas bien; ils n'ont tout simplement pas le temps de s'en occuper comme il faut. C'est une simple question de temps.

À mon avis, nous ne ralentirions pas le processus en proposant des modifications; nous améliorerons la loi avant qu'elle se rende à l'autre endroit.

M. Jack : Vous avez raison, monsieur le sénateur.

Le sénateur Mercer : J'ai posé la même question à un certain nombre de témoins. Comme je l'ai déjà dit, mon véhicule fait l'objet d'un rappel. J'ai reçu de mon concessionnaire une lettre me disant que mon véhicule faisait l'objet d'un rappel; sur la lettre, il y avait aussi cette précision : « Nous ne pouvons pas nous charger de la réparation, car nous n'avons pas les pièces nécessaires. Nous ne savons pas à quel moment nous allons les avoir. » La lettre ne dit pas non plus si je peux conduire mon véhicule ou si je devrais m'en abstenir.

J'imagine que si je ne devais pas le conduire, le concessionnaire me l'aurait fait savoir. Le problème, c'est le coussin gonflable. De toute façon, je n'assois jamais ma petite-fille sur le siège avant, elle est trop petite. Mais si j'avais des petits-enfants plus âgés, je serais un peu inquiet de n'avoir reçu aucune information sur la question de savoir si je pouvais utiliser mon véhicule en toute sécurité.

Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir, peu importe le type de lettre, des références directes sur la question de la sécurité?

M. Iny : Ce qui était préoccupant, auparavant, c'est que les constructeurs d'automobiles, lorsqu'ils se sont mis à envoyer ces avis, n'étaient pas assez convaincants. Je me souviens d'un vieux rappel de Volkswagen. Le constructeur conseillait aux consommateurs de ne pas stationner leur véhicule près d'un arbre de Noël ou de matériaux combustibles, dans le garage, pendant le temps des Fêtes.

Le sénateur Mercer : Je me demande bien pourquoi.

M. Iny : Aujourd'hui, ces lettres sont souvent rédigées dans une langue directe et formelle lorsqu'il est question d'expliquer qu'un véhicule peut causer des blessures à une personne ou des dommages importants.

Vous avez raison; les entreprises ne feront pas ce petit quelque chose de plus, ce qui reviendrait, dans votre cas, puisqu'il s'agit d'un rappel pour corriger un sac gonflable, à dire qu'il n'y a pas eu aucun cas au Canada et que le risque de problème est faible.

Je suis d'accord sur le fait que nous devons donner au gouvernement le pouvoir, par le truchement des modifications, je l'espère, de prendre des dispositions quant à la formulation de ces avis. Le gouvernement intervient rarement en cette matière. C'est une possibilité. En fait, nous traitons toutes les semaines, je dirais — si ce n'est pas tous les jours, parfois — des plaintes émanant de gens qui sont nerveux parce que, tout comme vous, ils ont pris connaissance de l'avis et qu'ils craignent que leur véhicule ne soit pas sécuritaire ou ne savent pas s'ils peuvent avoir ou non des passagers. C'est donc un problème.

Mais ce n'est pas dans tous les cas de rappel que des pièces sont en rupture de stock et que le conducteur se demande s'il peut prendre le volant.

Ce dont vous avez besoin, en fait, je crois, c'est d'un organisme de réglementation qui a suffisamment de souplesse et d'outils pour s'occuper de ces avis. Ces avis, en effet, sont une cause d'insomnie pour bien des gens, pour les gens qui les reçoivent, et une source d'inquiétude probablement inutile pour ce qui est de ce rappel particulier.

Le sénateur Eggleton : Merci à vous tous d'être ici. J'aimerais vous poser des questions au sujet des témoins précédents. Je ne sais pas si vous avez entendu leurs témoignages. Ils ont recommandé notamment que le projet de loi, qui vise à modifier la Loi sur la sécurité automobile, soit encore plus modifié. Les fabricants ont présenté trois suggestions. Les concessionnaires — M. Raymond est tout à fait au courant — disent qu'il faudrait agir avec eux comme on agit avec les concessionnaires des Américains, c'est-à-dire que les fabricants devraient les rembourser lorsqu'ils ont dans leur stock des véhicules invendus, qui entraînent des coûts s'ajoutant aux coûts des réparations.

Je connais déjà en partie le point de vue de M. Jack, qui voudrait que l'on ne modifie pas davantage le projet de loi. Cependant, j'aimerais connaître votre opinion à propos des modifications soumises à notre comité par les fabricants d'automobiles, les trois Grands, et la Corporation des associations de détaillants d'automobiles; avez-vous des commentaires à formuler?

M. Iny : En ce qui concerne les rappels, la relation entre le détaillant et le fabricant n'en est pas une d'égalité. Le fabricant est aux commandes; le détaillant doit faire ce qu'on lui dit de faire, et il s'agit souvent — dans certains cas — de regarder la valeur de sa franchise diminuer pendant que son fabricant stagne ou est en train d'esquiver les coups et de ne pas faire ce qu'il faut. Ces situations se produisent vraiment.

Le fait d'étendre la portée de la loi afin qu'elle englobe la relation commerciale entre le fabricant et le détaillant serait quelque chose de nouveau et de presque époustouflant, au Canada. Nous serions ravis de quoi que ce soit qui favorise l'équité entre les diverses parties concernées, y compris les consommateurs, mais aussi d'entreprise à entreprise.

Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, John.

John Raymond, directeur, Toronto, Association pour la protection des automobilistes : J'ai été très satisfait des commentaires de John White selon lesquels la CADA est une ancienne détaillante d'automobiles. Notre travail consiste à nous occuper de la première ligne, à faire affaire avec les consommateurs. S'ils sont dédommagés de façon responsable, ils pourront beaucoup mieux s'occuper de leurs mandants et de leurs clients. Je serais en faveur de cet amendement, tout à fait.

Le sénateur Eggleton : Que dites-vous de ce qu'a proposé l'Association canadienne des constructeurs de véhicules?

M. Iny : Nous ne voudrions pas voir Transports Canada se faire couper les ailes du point de vue de sa capacité de faire de la recherche. Je pense que ce sont ses affaires que le ministère veut étudier. Si ce n'était vraiment pas pertinent par rapport à la sécurité et qu'on demandait à un fabricant d'automobiles de produire des documents, je pense qu'il pourrait facilement se défendre.

D'autres enjeux pourraient être liés à la relation entre le fabricant et le détaillant, où quelqu'un n'a peut-être pas suffisamment été pris en considération. Je n'en suis pas exactement certain.

Il est certain qu'un fabricant d'automobiles dispose d'amplement d'outils pour empêcher un détaillant de vendre un véhicule, s'il souhaite y avoir recours. Il ne contrôle peut-être pas l'enregistrement du véhicule, mais il y a des sanctions qui pourraient être appliquées de manière à faire en sorte que, de fait, aucun détaillant ne courrait le risque de faire cela.

Actuellement, je dirais que la pratique de l'industrie entourant ce qui précède les appels est assez bonne. Il s'agit d'une voiture flambant neuve qui n'a jamais été vendue.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Jack, avez-vous d'autres commentaires à formuler?

M. Jack : Je ne m'oppose pas à tous les amendements pour toujours. J'essayais de dire que, dans certains cas, cela fait maintenant des décennies que nous attendons que cette loi soit mise à jour. Tout ce qui est pour le bien du consommateur et qui peut être adopté assez rapidement... Nous ne nous y opposerions certainement pas, à l'ACA. Nous ne voulons simplement pas voir les choses s'enliser. Compte tenu de l'histoire des lois dans ce domaine, on pourrait dire que, plus les fabricants doivent travailler sur des choses, moins la loi devient stricte au fil du temps. Honnêtement, il s'agirait d'une préoccupation que nous aurions dans ce domaine.

Une question que nous n'avons pas encore soulevée, jusqu'ici, ce sont les taux d'achèvement. Je ne sais pas si cette question a été abordée dans le témoignage du ministère, la semaine dernière, mais ils sont plutôt faibles. L'une des choses dont l'industrie ne parle pas beaucoup — mais je suis certain que George pourrait approfondir la question plus que moi —, c'est qu'il s'agit en fait d'un processus coûteux. Les bilans de consommation de l'industrie ne sont vraiment pas aussi bons que vous pourriez le penser. Ce pourrait être dû en partie à sa responsabilité. En partie, bien sûr, on se rend au deuxième ou au troisième propriétaire d'un véhicule, et il est très difficile de retracer les gens. Le fait qu'on veut ou non dépenser l'argent nécessaire pour faire cela, passé un certain stade, dépend de la philosophie de l'entreprise et de sa volonté, honnêtement. Certains fabricants font le nécessaire pour que leur taux d'achèvement atteigne 30, 40 ou 50 p. 100, puis ils arrêtent. Ce n'est pas réglé, si vous cherchez des choses qui pourraient être réglées.

M. Iny : Dans notre mémoire écrit, nous abordons les amendements. Je crois qu'ils permettraient de régler la question des taux d'achèvement. Je n'en suis pas certain, car nous le mentionnons. Je n'ai pas établi de lien entre cette question et l'une des dispositions parce que je n'étais pas certain de laquelle. Si, en fait, les gens de Transports Canada vous disent que c'est compris, cela nous va. Si ce n'est pas le cas, alors, au risque de ralentir les choses, il faut que ce soit pris en considération.

Le sénateur Eggleton : Je vais l'indiquer.

Le sénateur Runciman : Monsieur Iny, Phil Edmonston était-il le chef de votre organisation?

M. Iny : Oui. Je lui ai parlé. Il est maintenant à la retraite, au Panama.

Le sénateur Runciman : Je vous complimente au sujet de la nouvelle approche. J'ai présenté la première loi anticitron de l'Ontario, et il était à l'arrière de la salle à me chahuter tout au long du processus; alors, c'est très rafraichissant.

Le projet de loi contient une mention du recours à des arrêtés à effet provisoire, y compris l'utilisation et le développement de nouvelles technologies. Les arrêtés à effet provisoire accorderont des dispenses des règles. Quel était le libellé? Je l'ai inscrit ici : « La dispense ne peut être accordée lorsqu'elle aurait pour effet de porter considérablement atteinte à la sécurité de fonctionnement du modèle dans son intégrité. » Il s'agit du libellé exact, que je trouve très subjectif.

Y en a-t-il parmi vous qui avez des préoccupations au sujet du recours à des arrêtés à effet provisoire, au lieu que ce soit prévu par règlement?

M. Iny : J'imagine que c'est là pour une raison.

Le sénateur Runciman : Bien sûr.

M. Iny : C'est nécessaire en raison du rythme auquel la technologie évolue. Nous préférons que les choses soient prévues à l'intérieur d'un cadre, au lieu qu'elles soient faites de façon ponctuelle.

Il y a assez de réticence ou d'inertie à l'idée de courir le risque d'essayer quelque chose de nouveau, alors si le gouvernement a obtenu le pouvoir d'étudier quelque chose et veut l'autoriser à la lumière d'une étude ou temporairement, nous ne craignons pas trop qu'il finisse par s'agir d'une grosse faille qui serait impossible à corriger.

Le sénateur Runciman : Parce que c'est prévu par règlement?

M. Iny : Si je comprends bien, on a la capacité de le faire, puis ce serait fait par règlement. Ai-je tort?

Le sénateur Runciman : Il y a des arrêtés à effet provisoire de trois ans. Il se trouve que je siège au comité qui se penche sur la réglementation, et les arrêtés à effet provisoire sont maintenant de trois ans... Trois autres années, et trois autres années. Voilà le problème, surtout lorsqu'il s'agit de la sécurité publique.

M. Iny : Dans ce cas, je vais m'abstenir humblement de répondre à votre question, car je pense qu'il me manque un élément nécessaire pour que je puisse vous répondre de façon responsable.

Le sénateur Runciman : Quelque chose à quoi réfléchir, peut-être.

M. Iny : Oui.

Le sénateur Runciman : Dans leur mémoire, les constructeurs ont aussi parlé du recours à des règlements plutôt qu'à des lois — c'est l'autre partie de l'équation, je suppose — en ce qui concerne les dispositions relatives aux notifications. Ils veulent que l'article soit retiré du projet de loi. Avez-vous un commentaire à formuler à ce sujet pour indiquer si vous pensez qu'il s'agit d'un amendement approprié ou s'il y a des conséquences dont nous devrions être conscients?

M. Iny : Si les fabricants souhaitent fournir une garantie du fait qu'ils ne vont pas le diluer en faisant du lobbying après coup, je suppose.

Je respecterais la structure actuelle de la loi et du règlement. Sous le régime de l'ancienne loi, la notification, c'était le recours. Ce n'était pas la loi; c'était l'élément clé. Je pense que nous sommes encore dans la tradition de cette loi.

Le sénateur Runciman : Alors, vous êtes satisfait du projet de loi? Vous n'appuyez pas l'amendement proposé?

M. Iny : Il faudrait que j'en apprenne davantage au sujet de leur préoccupation à l'égard de l'article. Ce qui m'inquièterait, ce serait que l'on effectue des négociations qu'on dilue plus tard, des négociations qu'on ne pourrait pas effectuer maintenant, si cela figurait dans la loi.

M. Jack : Comme je le disais plus tôt, bien souvent, il n'y a pas de ligne directe entre le fabricant et le consommateur final. Un maillon incroyablement important dans la chaîne consiste à s'assurer que les consommateurs sont avisés que leur véhicule fait l'objet d'un rappel. On penserait que ce serait automatique, mais ça ne l'est pas. Nous partagerions la position de George selon laquelle il est très important que cela soit fait.

C'était lié à l'argument formulé par John White, dans le groupe de témoins précédent, selon lequel on dépend de la bonne volonté des entreprises. Au pays, 21 constructeurs vendent des véhicules, et l'écrasante majorité sont de bonnes entreprises citoyennes, la plupart des jours de la semaine, mais je ne pense pas que nous puissions compter là-dessus dans ce domaine crucial, en tout temps.

M. Iny : L'un des problèmes qui se posent relativement aux notifications — actuellement, c'est ce que j'appellerais la pensée la plus étroite et rigide —, c'est une lettre envoyée par courrier à la dernière adresse figurant dans mes dossiers, c'est-à-dire la première adresse à laquelle la voiture a été livrée. Si la voiture a été revendue ou que la personne a déménagé, c'est fini. Dans ce cas, à peu près la moitié des notifications ne se rendent pas à l'adresse ou au propriétaire actuel de la voiture.

Les comptes commerciaux sont une autre question. Si vous êtes une société de crédit-bail, une meilleure pratique permet maintenant de contourner cela. Toutefois, si vous recevez 50 notifications, vous ne voulez pas déranger 50 clients, alors vous les jetez simplement aux poubelles. J'ai vu cela se produire. Aujourd'hui, c'est mieux, mais je ne suis pas certain. Ainsi, la notification est importante.

Le sénateur Runciman : J'ai été intrigué quand vous avez parlé des sanctions et que vous avez affirmé qu'il y avait un marteau qui n'est pas utilisé. Si vous regardez le problème des commutateurs d'allumage de General Motors, on nous dit qu'ils ont causé 124 décès, dont au moins deux au Canada. Nous avons entendu une certaine conversation au sujet de Takata également. Ce chiffre me frappe : 124 décès.

Vous affirmez maintenant qu'on va pouvoir se servir du marteau. Il me semble que, dans le projet de loi, un effort est déployé dans le but d'éviter à tout prix les accusations au pénal. On a certainement été en mesure de les éviter jusqu'à maintenant, il me semble, quand on a un nombre important de décès, qu'il pourrait y avoir eu des amendes salées, mais qu'aucune accusation n'est portée au pénal, à ma connaissance. Qu'a fait ou dit votre organisation en ce qui concerne ces problèmes qui ont causé un préjudice important?

M. Iny : Vous soulevez quelques questions. Je vais commencer par le gros marteau.

Nous ne voulions pas dire que ce gros marteau allait être utilisé plus souvent; c'est que nous leur donnons d'autres outils, comme un tournevis, et peut-être une lime à ongles, alors il n'y aurait pas la même crainte.

En outre, si cela se mettait à faire partie du paysage, ici, si vous pouviez nommer une personne afin qu'elle se rende dans l'entreprise et qu'elle y établisse une culture de sécurité, au lieu de travailler dans un mode uniquement punitif, vous pourriez en fait travailler dans un mode axé sur les pratiques exemplaires. Nous voyons cela comme un résultat possible de ce qui est proposé.

Oui, nous nous sommes posé la même question : pourquoi est-ce que personne n'est allé en prison? Il est clair que, dans le cas de Takata, les incidents ne se produisent pas au Canada. C'est une conversation à tenir aux États-Unis.

Quant à l'affaire GM, ce sont des cas particuliers. Nous ne pouvons pas simplement le dire en général. L'entreprise canadienne n'était pas vraiment au courant de ce qui se passait. Elle n'était impliquée dans aucun aspect clé ou concret du camouflage, à ma connaissance, à moins qu'il y ait des documents sous scellés qui n'ont pas été rendus publics.

Oui, il est parfois étonnant qu'une mauvaise pratique n'ait pas d'incidence personnelle sur les consommateurs de cette manière, car il s'agirait d'un facteur dissuasif très puissant.

Nous sommes actuellement dans une affaire d'essence, où nous avons intenté la poursuite civile pour un cartel de prix. Relativement parlant, il s'agit de quelques cents le litre de votre essence, et beaucoup de gens ont été assignés à résidence. C'est vraiment difficile pour eux. C'est une peine très difficile comparativement aux amendes. Tout à fait, cela aurait une incidence importante sur les entreprises.

Je ne pense pas qu'il s'agira d'un résultat très probable au Canada, avec ou sans le projet de loi, car nous ne faisons pas beaucoup de recherche et de développement ici.

À un échelon plus élémentaire, c'est-à-dire l'obtention d'une certaine discipline relativement à la réception de vos plaintes et au fait de ne pas les enterrer, quand vous envoyez vos notifications, assurez-vous de faire intervenir des gens, de ne pas vous retrouver dans un cul-de-sac à ce moment-là. Assurez-vous que vos notifications sont compréhensibles afin que, si vous dites à une personne que le véhicule pourrait provoquer un incendie dans sa maison, vous ne les fassiez pas vivre avec ce risque pendant six mois.

Ces éléments seraient importants et aideraient à instaurer une certaine rigueur.

En passant, une fois que ces outils seront offerts, votre travail ne fera que commencer. Notre tâche aura peut-être été accomplie, mais Transports Canada devra se remettre au travail, car le ministère est comme une personne qui n'est pas allée au gymnase depuis un certain temps et à qui on remet une nouvelle carte de membre. Elle n'est pas en forme avant d'avoir commencé à aller au gymnase.

Le vice-président : Je vous remercie, messieurs, des exposés que vous avez présentés ce matin.

Au nom du comité, je voudrais informer tout le monde du fait que, demain soir, nous allons procéder à l'étude article par article du projet de loi S-2.

(La séance est levée.)

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