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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 11 - Témoignages du 8 février 2017


OTTAWA, le mercredi 8 février 2017

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour poursuivre son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

Le président: Ce soir, le comité poursuit son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.

[Traduction]

Des représentants de Transports Canada comparaissent devant nous aujourd'hui: MmeKim Benjamin, directrice générale, Sécurité routière et réglementation automobile; Catherine Higgens, sous-ministre adjointe, Programmes; Craig Hutton, directeur général, Politiques stratégiques; et Ryan Klomp, directeur principal par intérim, Programmes environnementaux et de transport.

Je rappelle aux sénateurs que le ministre des Transports a demandé au comité de faire cette étude et que nous comptons donc que le ministère des Transports nous appuie fermement. Ce sont également les premiers témoins qui comparaissent devant nous et, pour cette raison, je vais leur donner un peu plus de temps, si vous le voulez bien. Normalement, nous leur accordons 10 minutes, mais je pense que nous pouvons les laisser poursuivre quelques minutes de plus, étant donné l'importance du sujet.

[Français]

Je souhaite la bienvenue aux représentants de Transports Canada, et je les invite à commencer leur présentation.

[Traduction]

Catherine Higgens, sous-ministre adjointe, Programmes, Groupe des programmes, Transports Canada: Bonsoir. Je tiens d'abord à remercier le comité pour cette occasion de témoigner de mon appui considérable envers votre étude sur les problématiques techniques et réglementaires liées au déploiement des véhicules branchés et automatisés.

Cette étude arrive à point nommé. Les systèmes de transport de partout à travers le monde se transforment grâce à ces technologies émergentes et perturbatrices. La vitesse à laquelle ces innovations arrivent sur le marché continue de s'accélérer.

Ces technologies pourraient apporter des avantages tangibles aux Canadiens. La connectivité des véhicules en temps réel et leur automatisation peuvent réduire de beaucoup le nombre de collisions et ainsi sauver des vies et diminuer le risque de blessures. Ces technologies peuvent aider les voyageurs, les conducteurs et les expéditeurs de marchandises à prendre de meilleures décisions en temps réel, ce qui améliore l'efficacité et la performance environnementale du réseau de transport. Elles peuvent aussi rendre le transport plus accessible aux Canadiens qui ne peuvent conduire en raison d'un handicap, en leur donnant accès aux possibilités qu'ils n'avaient pas avant.

Ces avantages potentiels encouragent les économies dotées d'importantes industries automobiles à élaborer des politiques et à moderniser leurs cadres réglementaires afin d'introduire les technologies de véhicules connectés et automatisés.

Il peut être pratique de définir un vocabulaire commun pour la discussion d'aujourd'hui. J'utiliserai donc les définitions suivantes. La connectivité, ou véhicules connectés, utilise des technologies de connexions câblées et sans fil pour permettre aux véhicules, aux infrastructures de transport et aux usagers de la route d'échanger de l'information en temps réel.

Par exemple, les véhicules connectés peuvent partager leur localisation, leur vitesse et leur direction afin d'alerter les automobilistes d'une possible collision, ou de mieux coordonner les déplacements pour réduire au minimum la congestion et les émissions.

L'«automatisation» fait référence à l'utilisation de technologies intégrées au véhicule tels les détecteurs, les caméras, le GPS et les cartes numériques, qui permettent aux véhicules de s'orienter en prenant un contrôle partiel ou total de la conduite. La connectivité et l'automatisation ne sont pas des technologies concurrentes; elles sont, au contraire, très complémentaires. Ces deux éléments sont nécessaires à long terme pour parvenir à une transformation et récolter les avantages de ces technologies.

Quelles sont les implications pour le secteur automobile et le réseau de transport canadien? Plusieurs tendances se dessinent, attribuables à la connectivité et à l'automatisation; elles auront d'importantes implications pour l'industrie automobile et le réseau de transport du Canada.

Premièrement, dans le secteur de la fabrication, les acteurs non traditionnels font leur entrée sur le marché de l'automobile. Les technologies de l'information et des communications deviennent plus importantes que l'assemblage final des véhicules quant au développement des véhicules haut de gamme.

Deuxièmement, nous assistons à une transition vers la «mobilité en tant que service». Les usagers du réseau de transport s'attendent de plus en plus à une «mobilité sans interruption» qui est permise par la connectivité. Par exemple, les entreprises de covoiturage (comme Uber) se multiplient dans le monde et redéfinissent la façon de percevoir la mobilité.

À plus long terme, ces tendances et ces technologies apporteront des changements à la mobilité des personnes et de la marchandise, l'accessibilité et l'efficacité du transport, de plus l'aménagement du territoire et l'employabilité.

Le déploiement de technologies de véhicules connectés et automatisés est un projet de taille. Les plus hauts niveaux d'automatisation posent de sérieux défis techniques. Il y a bien plus à la conduite que d'éviter des obstacles. La conduite exige la capacité de lire les panneaux de signalisation routière, de réagir adéquatement lors d'intempéries ou de situations imprévisibles (telles les zones de construction), et d'anticiper les actions des autres usagers de la route.

L'automatisation complète, c'est-à-dire un véhicule pouvant conduire du point A au point B peu importe les conditions, pourrait se concrétiser dans une décennie, voire plus. Il est probable que nous verrons une automatisation progressive de nos véhicules d'ici quelques années. Par exemple, des voitures qui se conduisent automatiquement sur les autoroutes ou dans des endroits définis, sans intervention humaine continue.

Cette technologie représente un défi pour nos cadres réglementaires conventionnels concernant les véhicules. Les gouvernements, l'industrie et d'autres parties prenantes devront collaborer afin d'établir des normes pour évaluer la performance de l'automatisation complète.

Nous devons répondre à des questions comme: Quelle doit être la performance d'un système pour qu'il soit jugé assez sécuritaire pour conduire sans intervention humaine? Comment devrait fonctionner un véhicule automatisé face à une situation où il ne peut piloter de façon sécuritaire?

Dans les années à venir, le transport s'intégrera de plus en plus dans l'infrastructure numérique essentielle du Canada. Les véhicules modernes dépendent de systèmes électroniques et comportent de nombreux réseaux de communication intégrés: des systèmes d'infodivertissement aux systèmes de surveillance de la pression des pneus. Tous les systèmes logiciels sont sensibles à de possibles failles en matière de cybersécurité qui doivent être abordées, et ce travail est en cours.

Au fur et à mesure que les véhicules deviendront de plus en plus sophistiqués, ils produiront et recueilleront plus de données. À terme, nous devrons aussi traiter des enjeux liés à la confidentialité et à la propriété des données.

Pour commencer à aborder certaines de ces questions, les États-Unis, l'Europe et le Japon ont investi beaucoup dans les essais de véhicules connectés et automatisés et les initiatives de déploiement. Certaines administrations adoptent des réglementations et fournissent des lignes directrices sur le déploiement à l'industrie.

Par exemple, les États-Unis ont publié un projet de réglementation qui propose que tous les nouveaux véhicules légers soient munis d'un système de capacité de sécurité de communication de véhicule à véhicule. Cette proposition fait suite à des décennies de projets pilotes et d'investissements dans l'infrastructure intelligente.

Les États-Unis ont aussi publié une politique fédérale sur les véhicules automatisés, appelée «Automated Vehicle Policy», afin d'accélérer la mise en place d'un cadre de réglementation initial, et de fournir les pratiques exemplaires visant à guider les fabricants et les autres entités vers la conception, le développement, les essais et le déploiement sécuritaires de véhicules automatisés.

Si le Canada veut suivre le rythme, il devra recruter du personnel hautement qualifié possédant de nouvelles compétences, en plus d'aider au développement de technologies de communication et d'infrastructure intelligente. La collaboration entre tous les niveaux de gouvernement du Canada, l'industrie et le milieu universitaire et la mobilisation du public sera nécessaire.

De plus, étant donné la nature intégrée du secteur des transports du Canada et des États-Unis (et de leurs économies), il sera important de s'assurer que le secteur des transports est prêt pour l'arrivée de véhicules connectés et automatisés, simultanément avec les États-Unis. Le maintien d'une interopérabilité transfrontalière VC-VA est une priorité.

Le leadership gouvernemental peut empêcher le développement d'une mosaïque de lois et de pratiques locales et régionales qui pourraient entraver les efforts de déploiement de l'industrie.

Au Canada, aucun niveau de gouvernement ou ministère n'est responsable de tous les aspects du transport connecté et automatisé. Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Transports Canada et Sécurité publique Canada ont tous un rôle à jouer. Les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux possèdent et gèrent l'infrastructure de transport, ce qui comprend les routes, les feux de circulation et les centres de gestion des transports. Ils font progresser des initiatives pour soutenir le déploiement et les essais.

Il est important que les politiques et les approches de réglementation canadiennes s'harmonisent et soient complémentaires aux normes internationales. Les ministres des Transports du G7 ont accepté de travailler ensemble pour aider au développement du domaine de la conduite automatisée et connectée, dans le but d'apporter une importante contribution à la sécurité routière et à l'amélioration de la mobilité dans le monde entier. C'est la raison pour laquelle le Canada participe au Groupe de travail des ministres des Transports du G7.

Transports Canada collabore aussi avec le Forum mondial de l'harmonisation des règlements concernant les véhicules des Nations Unies, où nous représentons les intérêts du Canada en matière de sécurité, souvent en coopération avec les États-Unis.

Promouvoir l'innovation dans le secteur des transports est un élément fondamental. La stratégie du ministre Garneau, Transports 2030, comprend un engagement envers l'appui au «déploiement sécuritaire et rapide des véhicules connectés et automatisés sur nos routes publiques en vue d'améliorer la sécurité routière; de réduire la congestion; d'accroître la mobilité; de protéger l'environnement et d'appuyer les possibilités économiques pour les entreprises canadiennes».

Pour concrétiser cette vision, le Canada devra développer et maintenir une solide compréhension des problématiques et des impacts des technologies de rupture, pour que nous puissions exploiter de façon proactive les possibilités, relever les défis et tirer profit du plein potentiel de ces technologies.

Nous vous remercions à nouveau de nous avoir donné l'occasion de participer à cette importante étude en temps opportun. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, madame Higgens. Le sénateur Boisvenu, du Québec, posera la première question.

Le sénateur Boisvenu: Merci beaucoup à nos invités.

Ma première impression, à la lecture de votre rapport, c'est qu'il m'apparaît très général; il ne me renseigne pas, comme sénateur, sur la place qu'occupe le Canada dans ce dossier. Je ne sais pas quel est votre rôle, je ne sais pas qui joue un rôle d'impulsion au sein du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la gestion de ce dossier. Comme nous en avons discuté à la dernière rencontre, il s'agit là d'un dossier qui frappera de plein fouet les travailleurs et les foyers. Selon moi, le passage aux véhicules connectés donnera lieu à la même révolution que celle qui a eu lieu lorsque nous sommes passés du cheval à la voiture à essence.

Je m'excuse de vous le dire, mais ce qui me déçoit de votre mémoire, c'est le fait qu'il est très général et qu'il ne me renseigne pas sur les perspectives et la place qu'occupe le Canada. Que faut-il mettre en place? Est-ce qu'on s'intéresse à des groupes? Est-ce qu'on fait partie de groupes? Est-ce qu'on sait où on s'en va?

[Traduction]

Mme Higgens: Peut-être puis-je expliquer quel rôle mon ministère se voit jouer dans son mandat par rapport au développement et au déploiement de ces nouvelles technologies révolutionnaires.

De notre point de vue, nous pensons pouvoir apporter une contribution importante en nous concentrant sur les nouvelles technologies et en adoptant une approche souple et progressive de la réglementation propice à l'innovation nécessaire pour leur mise en marché, tout en veillant sur la sécurité de la population canadienne. C'est un rôle de chef de file auquel Transports Canada accorderait la plus grande attention.

De plus, notre ministère, toujours dans le cadre de son mandat, cherchera à intégrer les efforts afin de réaliser des essais, de mener des projets pilotes et de déployer les nouvelles technologies en situation réelle au Canada. C'est un domaine où nous pouvons travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires afin de bénéficier de l'expertise et de l'expérience de ce déploiement. Il est essentiel, à mon sens, pour les capacités du Canada de tirer parti de ces technologies et de ces possibilités.

Ce sera important du point de vue de la coopération intérieure et internationale, qui nous permettra de travailler avec nos collègues et partenaires pour définir les protocoles d'essai, la réglementation, le partage des données et les paramètres de l'infrastructure intelligente qui établiront le contexte dans lequel l'industrie proposera des technologies. C'est également un rôle essentiel.

[Français]

Le sénateur Boisvenu: Je vais vous poser une question plus pointue. Vous êtes en contact avec les provinces, par exemple, en matière de réaménagement du réseau routier. Êtes-vous en contact avec les constructeurs automobiles pour savoir combien de véhicules ils ont l'intention de vendre? J'ai l'impression qu'on est spectateur au lieu de travailler en amont. Ce qui s'en vient, on le verra dans six mois, dans un an ou dans deux ans. Si, dans cinq ans, au lieu d'avoir 3000 ou 4000 voitures électriques, on en a 50000, prévoyez-vous des stratégies en termes de cohabitation, de voitures autoguidées, de voitures au gaz? J'ai l'impression que le Canada est très passif dans ce dossier. Ai-je raison?

[Traduction]

Mme Higgens: Je crois que d'autres pays, comme les États-Unis, notamment, le Japon et l'Europe, ont avancé dans certains aspects de leur cadre de réglementation et je peux demander à Kim de parler de cet élément particulier dans un moment. Je dirais que nous commençons à peine à comprendre comment cette technologie peut être introduite dans un contexte canadien et comment nous pouvons tirer parti de nos atouts et créneaux dans cet espace technologique.

Nous avons, par exemple, une entreprise, BlackBerry QNX, qui détient 50p.100 des parts de marché pour ce qui est des systèmes d'exploitation des véhicules dans l'industrie automobile. Cette technologie est une plateforme pour les véhicules connectés et automatisés. BlackBerry QNX a, en fait, ouvert à Ottawa un centre d'innovation dans lequel elle a investi 100 millions de dollars et créé 650 emplois pour renforcer sa position dans l'industrie automobile dans ces technologies.

Il s'agit d'un exemple. Nous sommes en contact avec cette entreprise et nous parlons souvent avec elle pour comprendre ses projets pour le futur et savoir ce dont elle a besoin de la part du gouvernement du point de vue des normes, des cadres et des politiques à adopter.

Je voudrais aussi mentionner que nous avons investi avec les provinces et les universités en Colombie-Britannique et en Alberta pour concevoir une plateforme d'essai afin de pouvoir tester en situation réelle certaines technologies de véhicule connecté. Cette initiative en cours est passionnante. Elle nous permettra d'en savoir plus sur les technologies connectives, par exemple, sur la communication entre l'infrastructure et le véhicule en ce qui concerne les données relatives à la sécurité, à la signalisation routière, et ainsi de suite, en situation réelle. Ce projet pilote se poursuit en ce moment même.

Nous travaillons également avec des universités en Ontario, comme l'Université de Waterloo et l'Université McMaster, qui ont toutes deux des centres d'expertise et d'excellence sur les véhicules automatisés et connectés.

Nous avons les prémices d'une base, mais nous avons encore beaucoup à faire pour ce qui est de notre stratégie, et nous nous intéressons aussi à cette étude pour l'éclairer.

Voulez-vous parler des aspects réglementaires, madame Benjamin? C'est un élément essentiel.

Kim Benjamin, directrice générale, Sécurité routière et réglementation automobile, Groupe sécurité et sûreté, Transports Canada: Je peux sans doute apporter des précisions à ce sujet.

Si on regarde les règlements et le cadre de réglementation, je dirais qu'on a deux côtés différents. D'une part, il y a le contenu — ce qui entre, en fait, dans une norme technique — et, d'autre part, le cadre qui nous permet d'accepter ces normes. Beaucoup des normes techniques mêmes sont définies sur une base multilatérale. Par exemple, nous participons aux groupes de travail de l'ISO et nous collaborons avec nos partenaires européens à la définition de nouvelles normes techniques qui sont les bases à partir desquelles ces technologies iront de l'avant. Autrement dit, une fois ces normes définies, nous savons qu'elles s'appliqueront au Canada et qu'elles seront acceptées dans le monde entier.

Nous avons également apporté, il y a deux ans, des modifications à la Loi sur la sécurité automobile qui nous permettent d'adopter par renvoi des normes, une fois qu'elles sont définies, de sorte que nous n'avons pas à définir nous-mêmes toutes nos normes. Une fois que l'ISO a créé une norme et que nous avons travaillé avec elle, nous pouvons l'adopter par renvoi dynamique afin de l'utiliser dans notre système.

Comme vous le savez, nous venons de passer tout le processus du projet de loiS-2 qui comporte d'autres mécanismes qui doivent nous permettre d'utiliser plus facilement et de façon plus souple de nouvelles exemptions et de nouveaux arrêtés à effet provisoire nécessaires pour accepter les nouvelles technologies qui se présentent et sur lesquelles nous n'avons peut-être pas travaillé, mais qui viennent de l'industrie. Du moment qu'elle peut démontrer que le véhicule est toujours sûr, nous pouvons l'autoriser à l'importer au Canada. Nous essayons de travailler sur les normes et sur le cadre.

Parallèlement, à notre Centre d'essais pour véhicules automobiles de Blainville, nous procédons également à des essais. Nous testons les systèmes de freinage et de suivi de voie automatique pour bien comprendre comment des technologies fabriquées ailleurs, par exemple en appliquant une norme définie aux États-Unis, fonctionneront quand même au Canada avec la neige, la glace et le grésil. C'est une façon de traiter différents éléments sur de nombreux fronts.

Vous demandiez si nous parlons à d'autres intervenants. Le Conseil des ministres a créé un groupe de travail qui réunit les provinces et les territoires, ainsi que le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé et des représentants de tous ces différents groupes. De cette manière, nous sommes certains de ne pas refaire le travail les uns des autres et de rassembler ce qui se fait de façon coordonnée afin de mettre à profit le travail de tous.

Vous voyez que tous les éléments de base sont en place, mais comme le disait Catherine, nous continuons sur la lancée de ces éléments afin de déterminer ce que nous devons faire d'autre. Nous réunissons encore des données et travaillons toujours avec nos partenaires pour élaborer certaines normes et apporter de premiers changements à notre législation afin de pouvoir plus facilement accepter ces normes et reconnaître que nous avons déjà une certaine automatisation.

En 2011, nous avons mis en œuvre un nouveau règlement sur le contrôle de stabilité électronique et l'utilisation du régulateur de vitesse dans les véhicules. Il s'agit là des premières étapes de l'automatisation. Lorsque nous parlons de véhicules automatisés, nous parlons des niveaux d'automatisation parce que nous ajouterons ensuite d'autres éléments à ce système. Tous ne sont pas en place d'un coup. Nous les installons progressivement.

Pour l'heure, la prochaine étape de la réglementation ou des normes portera sur le freinage. Ensuite, nous passerons au maintien dans la bonne voie. Je ne dirais pas qu'il s'agit de priorités prescrites, mais c'est dans cette direction que vont généralement les organismes de normalisation. J'espère que cela vous éclaire davantage.

Le sénateur Doyle: Je crois qu'il est évident que les États-Unis jouent un rôle de chef de file dans la préparation à l'arrivée des véhicules automatisés et des véhicules connectés. D'après nos notes, l'industrie automobile américaine et canadienne est très intégrée. Étant donné la volonté déclarée des États-Unis de renégocier l'ALENA, est-ce que cela changera un tant soit peu la nature de l'intégration de l'industrie automobile américaine et canadienne?

Mme Higgens: C'est une bonne question. Il y a tellement de questions en ce moment sur ce qui va se passer avec la nouvelle administration américaine, et je crois qu'il est trop tôt pour spéculer.

Cependant, la nouvelle secrétaire aux Transports, Elaine Chao, a parlé à son audience de confirmation de l'importance de la sécurité. Elle a aussi parlé de l'innovation dans le secteur des transports. C'est manifestement un sujet qu'elle suit de près, tout comme l'apparition de nouvelles technologies révolutionnaires. Il est évident que ce sont des priorités pour elle, ce qui donne une idée de l'évolution à venir dans le secteur des transports. Les bases sont solides entre les deux pays. Nous collaborons depuis longtemps à l'harmonisation des réglementations dans le cadre du Conseil de coopération Canada-États-Unis en matière de réglementation, nous cherchons à comprendre ensemble les nouvelles technologies et nous réalisons des essais communs, ce qui fait que nous avons des bases très solides et que nous travaillerons en étroite concertation avec nos collègues américains.

Le sénateur Doyle: Qu'en est-il de l'infrastructure qu'il va falloir pour traiter les données nécessaires au fonctionnement des VC et des VA? Qu'en est-il des besoins en matière d'infrastructure en milieu urbain et en milieu rural au Canada?

Mme Higgens: Nous avons des déploiements en cours au Canada en ce moment même, à Edmonton et dans la région métropolitaine de Vancouver. L'Ontario est allé de l'avant et a créé un cadre stratégique pour des essais sur route de véhicules automatisés, il a défini des paramètres et ouvert son infrastructure pour ces essais. Cela nous éclairera sur les besoins, les coûts et les choses que nous devons comprendre au sujet de l'infrastructure.

En 2016, dans l'Énoncé économique de l'automne, le gouvernement a annoncé son intention de lancer un défi des villes intelligentes. C'est très important parce que ce défi encouragera à investir dans des choses comme les routes intelligentes, les systèmes intelligents de gestion de la circulation et les réseaux de transport intégrés, et qu'il invitera les centres urbains dans tout le pays à relever ce défi pour voir comment ces éléments s'intègrent en situation réelle au Canada. C'est un autre domaine où nous en apprendrons plus sur les besoins en matière d'infrastructure.

Le sénateur Doyle: Avez-vous examiné la perte nette et le gain net d'emplois que l'arrivée des véhicules connectés et automatisés pourrait entraîner dans le secteur des transports?

Mme Higgens: Les technologies révolutionnaires bousculeront beaucoup de choses et feront changer les tendances de l'emploi. Je parlais plus tôt de certains des emplois nouveaux qui seront créés par ces technologies; QNX, 650 emplois à Ottawa. GM a créé un centre d'innovation dans la région du Grand Toronto, 1000emplois hautement qualifiés en ingénierie. C'est le genre de choses dont le Canada pourra profiter en adoptant les nouvelles technologies.

Nous avons des atouts au Canada et des domaines dans cette technologie où nous sommes concurrentiels. Nous avons un potentiel solide à exploiter pour ce qui est de la R-D et des universités. Nous possédons des centres de R-D de tout premier ordre. Nous avons des secteurs à fort potentiel, comme ceux des technologies de l'information et des communications, bien sûr, mais aussi des technologies automatisées, de traitement des données et de protection des renseignements personnels. Ces domaines créeront des emplois, mais il devrait y avoir des retombées en matière d'emploi dans des domaines traditionnels, comme les conducteurs de véhicules et les camionneurs. Il pourrait y avoir une incidence sur le transport.

Les véhicules entièrement connectés et automatisés entraîneront de profondes mutations sociales.

Le sénateur Mercer: Merci beaucoup. C'était un exposé fascinant. Le sujet continue de me faire terriblement peur, mais ce n'est pas grave.

J'ai plusieurs questions. Donc, je reviendrai à la deuxième série.

Le président: Le sénateur est le doyen du comité des transports.

Le sénateur Mercer: J'y ai siégé avec Laurier.

Dans votre exposé, vous avez mentionné que les États-Unis, l'Europe et le Japon ont beaucoup investi dans des essais de véhicules connectés et automatisés et dans des initiatives de déploiement. Pourquoi pas nous? Que faisons- nous?

J'ai trois principales inquiétudes alors que nous commençons cette étude. La première concerne les emplois; la deuxième, le commerce; et la troisième, la protection des renseignements personnels avec toutes ces données en circulation qui feront qu'on saura où je vais quand je n'ai pas envie qu'on le sache, même si je ne vais nulle part où je ne devrais pas aller.

Maintenant que je vous ai tout dit, vous pouvez peut-être me rassurer.

Mme Higgens: Vous soulevez des questions fondamentales en ce qui concerne les véhicules automatisés et surtout connectés. Nous devons travailler avec l'industrie et avec nos autres partenaires gouvernementaux, mais aussi parler avec le public et vraiment régler certains de ces problèmes qui vont devenir très réels une fois la technologie révolutionnaire lancée. Il me semble que nous avons parlé un peu de l'emploi, qui connaîtra des changements.

Pour ce qui est de la protection des renseignements personnels, nos partenaires internationaux ont également soulevé le problème. II en a beaucoup été question au G7, de la protection de la vie privée. Nous avons au Canada de très bons fournisseurs de technologie qui sont bien placés pour rivaliser avec leurs concurrents dans ce domaine, mais en tant qu'organisme de réglementation et en tant que gouvernement, c'est un domaine auquel nous devons aussi réfléchir. Voulez-vous parler de certaines questions relatives à la protection des renseignements personnels et des possibilités qu'examinent les gouvernements?

Ryan Klomp, directeur principal par intérim, Programmes environnementaux et de transport, Groupe des programmes, Transports Canada: La protection des renseignements personnels est, évidemment, primordiale pour les organismes de réglementation et les consommateurs face au déploiement accru des technologies de véhicules connectés et automatisés. Il faut, cependant, faire la distinction entre deux types de connectivité. Il y a la connectivité nécessaire aux systèmes d'infodivertissement, aux systèmes de géolocalisation et à des dispositifs du véhicule. Et il y a aussi les communications entre véhicules pour des questions de sécurité, ce qui est l'objet de l'élaboration de règles, et ces communications reposent sur une technologie de communication dédiée à courte distance. Cette technologie de communication de véhicule à véhicule dont on se propose d'équiper le parc automobile repose sur le principe de la prise en compte du respect de la vie privée dès la conception du système. Par conséquent, quand on a décidé de mettre au point la technologie et les capacités de communication entre véhicules, il a fallu s'assurer qu'il serait difficile de retracer les personnes et les véhicules, de sorte que les véhicules communiquent à des fins de sécurité de manière relativement anonyme. Ce qui est essentiel pour l'acceptation par le public. Ce n'est certainement pas le seul problème. C'est quelque chose qu'il faut examiner d'un point de vue très holistique.

Le sénateur Mercer: Vous avez soulevé la question de la sécurité. Dans votre exposé, vous parliez de sauver des vies et de diminuer le risque de blessures. Je ne vois pas très bien comment cela marche, à moins que tous les véhicules en circulation soient connectés. Si vous avez quelqu'un qui roule et qui n'est pas connecté, je ne vois pas comment les routes sont plus sûres, car il ne communique pas avec la voiture qui roule à côté. N'est-ce pas préoccupant?

À la page6 de votre exposé, vous dites que nous devons répondre à des questions comme: Quelle doit être la performance d'un système pour qu'il soit jugé assez sécuritaire pour conduire sans intervention humaine? Comment devrait fonctionner un véhicule automatisé s'il ne peut piloter de façon sécuritaire? Qui va répondre à ces questions, vous, nous, l'industrie?

Mme Higgens: Je demanderai à Kim d'expliquer comment les organismes de réglementation relèveront ce défi.

Mme Benjamin: Pour ce qui est de la sécurité, si nous disons que cela va améliorer la sécurité, c'est notamment parce que la plupart des collisions sont dues à une erreur de conduite, plutôt qu'à un véhicule défectueux ou qui fonctionne mal. Nous parlerons d'abord des technologies automatisées, puis des technologies connectées.

Avec les technologies automatisées, votre voiture vous préviendra que vous êtes sur le point de causer un accident et vous pourrez sans doute l'éviter. L'idée est que, ces technologies gagnant du terrain, nous devrions être en mesure d'augmenter la sécurité en réduisant au minimum les erreurs humaines possibles.

Lorsque nous parlons de connectivité avec le véhicule, vous avez raison; l'objectif ultime est que tout le monde soit équipé de toutes ces technologies, mais entre-temps, certaines voitures seront équipées de la technologie connectée et d'autres pas. Les États-Unis travaillent entre autres — ils nous ont avisés d'un projet de règlement que nous étudions attentivement — en partant de l'idée que tous les nouveaux véhicules en seront équipés. Il faudra plusieurs années pour y arriver, mais le but est de passer progressivement à un parc automobile équipé de cette technologie. Comme vous le dites, c'est un changement complet et il prendra des années. Il s'agit donc de petites améliorations progressives à la sécurité, mais pas du résultat final.

Par ailleurs, les États-Unis s'interrogent également sur leurs normes, sur les différentes façons de s'y conformer et sur les essais — et nous suivons de près leur démarche à cet égard, de même que celle de l'Australie et d'autres pays.

Par conséquent, dès lors que nous avons un nouveau règlement ou une nouvelle norme, ils s'accompagnent d'une méthode d'essai. Il nous faudra plus de méthodes variables. Nous continuerons d'exiger du fabricant qu'il nous démontre la sécurité du dispositif, et la démonstration est axée sur la performance. Nous faisons un test de collision pour vérifier qu'ils respectent leur norme — il ne s'est pas déformé plus qu'il ne devrait ou il s'est arrêté quand il le devait. Tous ces essais doivent avoir lieu sur un système de performance pour vérifier qu'il répond toujours aux normes élémentaires que nous nous attendons à voir respectées.

Ce sera difficile et je dirais que nous avons devant nous une tâche très intéressante. Mais si nous avons demandé l'aide de ce groupe, c'est entre autres parce qu'il est peut-être en mesure de nous aider par des recommandations dans ce domaine également.

Le sénateur Mercer: J'imagine que d'ici que tout le parc soit équipé de la technologie, celle-ci aura encore évolué.

Mme Benjamin: Nous vivons dans un monde en constante mutation. Les États-Unis examinent aussi la possibilité d'installer quelque chose dans les véhicules ou dans le téléphone cellulaire qu'on emporterait quand on prend sa voiture. Ils réfléchissent à bien des façons de connecter les véhicules, mais, quelle que soit la solution, il faudra l'étudier et en éprouver la sécurité avant de l'imposer.

La sénatrice Unger: Je remercie les témoins de leur présence ce soir.

Je suis d'Edmonton. Donc, quand le comité s'y est rendu l'automne dernier, nous avons pris un autobus, et c'était un véhicule connecté. Honnêtement, la première chose qui m'est venue à l'esprit a été la distraction au volant. Cette chose n'arrêtait pas de nous parler, au point que je trouvais cela très irritant et qu'arrivée à destination, j'avais mal à la tête.

J'ai des questions sur le coût. Cette technologie va être intégrée dans tous les nouveaux véhicules. Qui pourra se les offrir et qui paiera l'infrastructure, les routes, les changements qu'il va falloir faire? Que va-t-il arriver aux camions qui empruntent les mêmes routes aujourd'hui?

Ce ne sont que quelques éléments. Par exemple, à Edmonton, on a monté des dispositifs sur les lampadaires. Je ne les avais jamais remarqués avant, mais ils nous donnaient des instructions. J'ai trouvé cela déconcertant. Il y en a aussi de montés sur des édifices. Il y en a partout. Je n'ai pas encore eu l'occasion de parler au maire pour lui demander qui diable paie pour tout cela. On ne m'a jamais dit à moi, en tant que contribuable, qu'on allait installer ces trucs. Tout cela coûte de l'argent, c'est donc une grande question.

Dans votre exposé, vous dites que Transports Canada collabore aussi avec le Forum mondial de l'harmonisation des règlements concernant les véhicules des Nations Unies. La collaboration avec les États-Unis, notre partenaire le plus probable dans tout cela, est-elle étroite?

Mme Benjamin: Tout d'abord, pour répondre à la question de la distraction au volant, nous sommes conscients, entre autres, que surtout à bord d'un nouveau véhicule équipé de tout un tas d'options, on ne sait pas comment voir la vitesse à laquelle on roule parce qu'il y a tellement de choses sur le tableau de bord. Nous étudions de près l'interface humain-machine afin de voir comment nous pouvons réduire la distraction due au véhicule et de déterminer quelles normes pourraient être exigées autour de ce type d'interaction.

Pour ce qui est du coût, je parlerai du coût du véhicule et je laisserai le coût de l'infrastructure à mes collègues. Quand nous proposons un règlement, c'est parce qu'il y a un avantage sur le plan de la sécurité. Par exemple, quand nous avons proposé le règlement sur le contrôle électronique de la stabilité, nous avons dû démontrer que les économies pour la société, les vies épargnées, l'emportaient sur le coût éventuel du véhicule. Nous sauverons des vies et il y aura ce coût supplémentaire, mais si nous ne pouvons pas démontrer qu'il s'agit d'un coût raisonnable et qu'il est compensé par des économies, nous ne pouvons pas proposer de règlement.

Nous ne proposons pas ce règlement pour améliorer la société, mais parce qu'il y a un avantage du point de vue de la sécurité et que le rapport coût-avantage est positif selon nous.

En ce qui concerne les Nations Unies et les États-Unis, quand nous allons aux Nations Unies, nous y allons avec les États-Unis. Ils participent aussi à ce forum. Il existe un ensemble de normes au sein de l'Union européenne qui ne se limite pas à l'Union européenne; elles s'appliquent dans beaucoup d'autres pays. Les États-Unis ont des normes et nous en avons aussi. Nous essayons de faire en sorte que les normes canadiennes soient aussi proches que possible des normes américaines. On dirait parfois que nous sommes à la remorque des États-Unis, mais en réalité, nous travaillons de concert avec eux pour essayer d'arriver à la même norme et, après, nous faisons des renvois d'un côté et de l'autre.

Quand nous nous adressons à l'Union européenne, c'est parce que nous avons décidé que cela présente un avantage. Il peut s'agir de quelque chose que les États-Unis et le Canada choisiront de mettre en œuvre et il se peut que nous voyions quelque chose. Il y a quelques différences entre le Canada et les États-Unis, et s'il y a un motif de sécurité, il est possible que nous choisissions d'avoir une différence. Toutefois, la plupart des normes dont nous parlons représentent ce qui fonctionne le mieux pour tout le monde, et nous nous mondialisons, en ce sens que ces normes passent d'un pays à l'autre. Cependant, nous travaillons en étroite collaboration avec tous nos partenaires, les États-Unis et l'Union européenne.

Mme Higgens: Je parlerai de l'infrastructure. Je soulignerai d'abord que pour tirer tous les avantages des véhicules automatisés et connectés, nous devrons faire appel à l'infrastructure. Pour tirer tout le parti de l'avantage sur le plan de la sécurité, de toute l'efficacité et des retombées environnementales, cette connexion de l'infrastructure est essentielle.

Pour être précis quant au type d'infrastructure, il s'agit de capteurs intégrés dans l'infrastructure capables, par exemple, de donner des informations sur la température et l'humidité, ce qui permettra, ensuite, de conseiller sur la vitesse. On pourrait avoir une vitesse optimale sur une portion de route dans différentes conditions météorologiques. On pourrait avertir un conducteur s'il roule à une vitesse à laquelle il risque de brûler un feu rouge.

Il pourrait s'agir d'avertissements en zone scolaire ou de messages variables sur la vitesse indiquant les vitesses optimales pour réduire au minimum les congestions et optimiser l'efficacité. Toutes ces choses sont intégrées dans l'infrastructure.

Je pense que ce dont vous parlez au sujet d'Edmonton faisait probablement partie du banc d'essai mis en place. Il s'agit d'un partenariat entre Transports Canada, l'université et la province de l'Alberta qui se sont réunis pour créer ce banc d'essai que vous avez vu avec les capteurs. Si vous vous demandiez qui paie ce banc d'essai, il s'agit d'un partenariat pour une démonstration ou une contribution volontaire.

Je dirais, plus généralement, que les provinces, les territoires et les municipalités sont, en fait, propriétaires de l'infrastructure routière au Canada et que, tôt ou tard, ils participeront aux frais et aux investissements nécessaires pour intégrer ces capteurs dans l'infrastructure.

Je soulignerai que la congestion routière coûte au Canada quelque 5 milliards de dollars par an et que, les véhicules connectés entrant en circulation et étant capables d'améliorer l'efficacité, cette technologie aura des retombées économiques. Il y a des coûts, mais aussi des avantages dont profiteront les provinces et les municipalités, ainsi que le palier fédéral.

De plus, on évalue à 65 milliards de dollars les retombées du secteur des véhicules automatisés pour le Canada. Les nouvelles technologies représentent beaucoup de richesses qui peuvent être injectées dans l'économie. Par conséquent, quand nous regardons les coûts, nous devons regarder les coûts et les avantages qu'il y a faire entrer l'infrastructure dans l'ère de la connectivité.

M.Klomp: J'ajouterai juste quelques exemples à titre d'illustration.

S'il est important que l'infrastructure fasse partie de la capacité de communication avec les véhicules, c'est pour être capable de gérer le réseau de transport de manière intégrée, holistique, pour être en mesure de gérer les véhicules, les feux de circulation, les intersections et les routes à l'échelle systémique. Ce système est très puissant et, avec la couverture numérique, il fera passer notre réseau de transport au XXIe siècle.

Il y a quelques exemples, comme le mentionnait Catherine, où il y a des avantages à installer une infrastructure routière intelligente. Rien que le fait d'avoir des feux de circulation programmés en fonction de la circulation peut faire économiser de 2 à 5p.100 de carburant par an par véhicule. À elles seules, les limites de vitesse variables font économiser de 5 à 13p.100 de plus, en particulier dans les corridors très congestionnés.

Nous avons étudié de près dernièrement la circulation coopérative de camions en peloton qui permet une communication entre véhicules pour un peloton rapproché de camions de gros tonnage afin d'obtenir des avantages aérodynamiques, et nous avons constaté des économies pouvant atteindre 14p.100.

C'est donc quand on peut commencer à s'occuper du réseau de transport, des véhicules et de la circulation des marchandises, des personnes et des services d'un point de vue global qu'on obtient beaucoup d'avantages environnementaux, économiques et sécuritaires qui, selon nous, compenseront certainement l'investissement dans l'infrastructure routière intelligente nécessaire à son fonctionnement.

Le président: Nous voulons que tout le monde pose ses questions. Par conséquent, des questions et des réponses plus courtes nous faciliteront la vie. Vous pouvez toujours revenir et nous vous demanderons probablement de le faire.

Le sénateur Eggleton: Merci beaucoup.

Je remarque que vous dites dans vos observations, madame Higgens, qu'aucun palier de gouvernement ou ministère en particulier n'est responsable de tous les aspects de la connectivité et de l'automatisation dans les transports. Vous avez mentionné trois ministères fédéraux, les provinces et les administrations municipales. Très bien, mais qu'en est-il de la coordination du tout? J'imagine qu'une coordination est nécessaire et qu'il faut un chef de file, quelqu'un qui convoque les réunions. Qui s'en charge?

M.Hutton: C'est un très bon point. Leadership et coordination. Étant donné le nombre d'acteurs dans l'industrie, la commercialisation de ces technologies, leur application et leur déploiement sur les routes, il faut une grande coordination entre les acteurs et aussi avec ceux qui n'interviennent pas nécessairement dans l'espace des transports. Les Samsung et les Blackberry QNX du monde sont, en fait, nouveaux dans le monde du transport, mais ce sont ces technologies qui ont des conséquences pour les modèles d'affaires des transports et pour les véhicules. Coordonner le tout est une tâche importante.

Les transports relevant des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral, ce rôle de coordination est tout à fait essentiel. Le Conseil des ministres responsable des transports et de la sécurité routière s'en charge pour s'assurer qu'à mesure que le travail avance, il permet qu'un palier qui s'occupe d'un aspect particulier en informe les autres. L'Ontario, comme nous le disions, s'est attelé à son projet pilote, mais ce travail est partagé entre les paliers, de sorte que le Conseil des ministres devient un cadre où se fait une partie de cette coordination.

Comme il a été mentionné plus tôt, nous coprésidons le Comité des véhicules automatisés et connectés mis sur pied par le Conseil des ministres après sa réunion de septembre 2016, où les ministres ont décidé de voir comment ces technologies commencent à entrer en service et à évaluer la nécessité d'une meilleure coordination afin d'en comprendre les effets, puis de déterminer quel rôle exactement joue chaque acteur.

Comme Catherine le mentionnait, il y a cette responsabilité de la part des provinces et des territoires par rapport à la propriété d'une partie de l'infrastructure et à la gestion des actifs. Il y a la question de l'octroi de permis qui se fait à l'échelon provincial et territorial aussi, mais là encore, il faut qu'à cet égard aussi le travail se fasse de concert dans tout le pays. Il existe des tribunes où ces débats ont lieu. Le groupe de travail des véhicules connectés et automatisés réunira des acteurs pour s'assurer que, lorsque des lacunes ou des problèmes particuliers sont repérés et qu'on n'en parle pas assez ou qu'on n'agit pas assez vite, le travail puisse être orienté dans une bonne direction pour faire en sorte qu'on tienne compte de tous les aspects.

Le sénateur Eggleton: Vous coprésidez donc avec l'Ontario?

M.Hutton: Avec l'Ontario, c'est cela.

Le sénateur Eggleton: Est-ce que votre ministère est le ministère fédéral responsable?

M.Hutton: Effectivement.

Le sénateur Eggleton: Vous avez également expliqué, madame Higgens, que les États-Unis ont aussi publié une politique fédérale sur les véhicules automatisés, appelée Automated Vehicle Policy, afin d'accélérer la mise en place d'un cadre de réglementation initial, et de fournir les pratiques exemplaires visant à guider les fabricants et les autres entités vers la conception, le développement, les essais et le déploiement sécuritaires de véhicules automatisés. Est-ce que nous aurons également une politique de ce genre?

Mme Benjamin: En effet, les États-Unis ont publié ces directives. Comme je le mentionnais plus tôt, une des choses que nous avons faites dans le projet de loiS-2, c'est de donner plus de latitude et de permettre de recourir davantage aux exemptions, ce qui est un des aspects traités dans leur politique. Nous examinons les mêmes domaines qu'on examine aux États-Unis et la politique qu'ils ont adoptée est une façon de dire: «Voici ce à quoi nous réfléchissons. Qu'en pensez-vous?»

Nous examinons leur politique et le système mis en place en Australie, nous examinons toutes ces questions et faisons notre analyse pour dire ce que nous pensons être le bon régime pour le Canada. Nous étudions la possibilité d'élaborer une telle politique, mais nous en sommes encore à l'étape de l'analyse.

Le sénateur Eggleton: Cela semble être quelque chose d'utile comme cadre de réglementation initial, car cette politique fournirait des pratiques exemplaires et des orientations aux fabricants. Ça semble être utile et, à mon avis, nous voudrions la voir en place. Vous allez donc en élaborer une, mais quand sera-t-elle prête?

Mme Benjamin: Nous l'étudions à l'heure actuelle et nous rassemblons toutes les données. Je ne peux pas encore vous donner de date de mise en œuvre.

Le sénateur Eggleton: Vous avez mentionné l'Australie, mais là encore, comme d'autres l'ont dit ici, nous avons avec les États-Unis un marché de l'automobile intégré. C'est à cela qu'il faut prêter le plus d'attention, et quand nous avons étudié la loi sur la sécurité automobile, le projet de loiS-2, il a été précisé très clairement que vous vouliez être sur la même longueur d'onde que les États-Unis. Il me semble que c'est l'essentiel aussi.

Mme Benjamin: C'est un élément clé.

Le sénateur Runciman: Il a été répondu à la plupart de mes questions sur les aspects économiques. J'ai une observation à faire et j'aimerais, probablement, une réponse des témoins. La technologie évolue tellement vite qu'il est très difficile de la devancer, et je m'interroge, entre autres, avec ce qui se passe et par rapport à cette étude, sur les aspects relatifs à la police et à la sécurité qui entourent ces types de véhicules.

Je siège au Comité des affaires juridiques et je vois les problèmes que rencontrent les forces de police qui se demandent, avec la légalisation de la marijuana, comment elles vont lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. Le défi, en l'espèce, est bien plus grand. Selon ce que nous acceptons comme plan de travail, si nous décidons, en tant que comité, de passer à une étude plus longue, je pense que nous devrions choisir une ou deux priorités pour un rapport provisoire et, à mon avis, ça devrait être une priorité en raison de l'évolution rapide de la technologie et des questions très importantes, en particulier en matière de sécurité.

Nous voyons dans d'autres régions du monde des attentats suicides commis avec des voitures bourrées d'explosifs, alors, s'il est possible d'avoir un véhicule sans conducteur, sans parler de tous les autres défis en matière de contrôle... À mon avis, nous devrions en faire une priorité pour le comité. Si nous produisons effectivement un rapport intérimaire, je pense qu'il sera bien accueilli. Il se peut qu'il faille aller rencontrer des responsables à Washington.

Le président: Nous examinerons avec l'analyste la question de l'échéancier et de la longueur de l'étude, et nous nous réunirons dès que possible en comité plénier.

La sénatrice Bovey: Je vous remercie de votre exposé. Pour faire suite à ce que disait le sénateur Eggleton, je suis fascinée par la mondialisation dans ce domaine et j'ai lu aujourd'hui le rapport publié à Toronto en octobre dernier. Je suis tout à fait consciente, après l'avoir lu ces dernières heures, de la somme de travail que l'Ontario et que les États- Unis ont abattue. Je dois cependant demander s'il nous faut réinventer la roue ou s'il existe déjà quelque chose sur lequel nous pouvons bâtir notre propre plateforme?

Le temps file et on estime que dans trois ans, la technologie en sera à un point où les voitures sans conducteur seront prêtes à circuler sur les routes. Déjà, en Suède, 100 voitures automatisées seront en circulation cette année, et tout va très vite.

Je suis préoccupée par le calendrier et, comme je le disais, je ne voudrais pas qu'on réinvente la recherche. Nous avons différentes conditions. Je sais que la neige est différente et la glace aussi. Est-ce qu'on a l'intention de tout regarder ou est-ce qu'il existe un programme avec tout le travail international et provincial que vous pouvez reprendre pour que nous puissions nous concentrer sur les questions qui ne sont peut-être pas traitées ailleurs?

Mme Benjamin: Nous rassemblons des données, mais nous travaillons sur plusieurs aspects. Il y a le cadre législatif et de réglementation et les normes à y intégrer. Il y a toutes les questions qu'il faudra traiter à tous les paliers de gouvernement et nous devons décider de ce qui est fédéral et ce qui est provincial, et nous essayons de traiter chacun de ces domaines. Nous mettons surtout l'accent jusqu'à présent sur la définition des normes concernant les technologies particulières à venir.

Pour ce qui est du calendrier, les opinions varient quant à la rapidité avec laquelle ces véhicules seront prêts, et un véhicule capable de rouler en toute sécurité dans le désert du Nevada, par exemple, sera très différent d'un véhicule qui circulerait à Ottawa aujourd'hui. Il me semble que trois ans pour avoir un véhicule de ce type capable de rouler par tout temps au Canada, c'est court.

La sénatrice Bovey: J'ai lu avec grand intérêt l'article du magazine the Atlantic sur l'éthique des voitures autonomes et j'espère donc que vous examinerez les aspects éthiques dans votre travail.

Mme Benjamin: Certainement.

Le sénateur Duffy: L'industrie souhaite-t-elle faire des choses au Canada maintenant et y a-t-il des demandes de feu vert toujours à l'étude à votre ministère? Est-ce qu'elle vient frapper à votre porte? Et quels sont les délais pour traiter ses demandes?

Mme Benjamin: L'industrie n'est pas venue nous présenter de proposition disant: «Voilà exactement comment nous allons procéder pour maintenir la sécurité», et nous n'avons donc pas encore eu de demande d'exemption accompagnée d'une documentation que nous puissions examiner.

Le sénateur Duffy: Je pensais que c'était à Boston, mais le chercheur dit que c'est à Philadelphie qu'Uber a déployé des voitures sans chauffeur. Je crois que j'ai vu quelque chose, il y a deux ou trois mois, qui disait qu'ils ont eu un problème le premier jour et qu'on ne les pas remises sur la route. Est-ce qu'on sait si le projet Uber se poursuit à Philadelphie?

Tout le monde a vu Google Street View. Je crois savoir que Google a également mis au point une voiture sans chauffeur. Où en est ce projet? Si on est capable de le faire à Philadelphie où on annonce 25 centimètres de neige aujourd'hui, peut-être qu'on peut le faire ici aussi.

M.Klomp: Il est important de revenir aux observations préliminaires de ma collègue où elle expliquait que l'automatisation deviendrait progressivement une réalité dans les transports. Pour ce qui est de la voiture de Google, par exemple, qui est déployée en Californie, même si elle est automatisée, un conducteur doit toujours se trouver au volant pour prendre les choses en main si le système ne peut plus fonctionner comme prévu. C'est similaire au déploiement de plus de véhicules automatisés à Philadelphie.

Il est important de reconnaître que l'automatisation prendra du temps. Il s'écoulera probablement plus de 10 ans avant que nous ayons un véhicule entièrement capable de rouler sans aucune intervention humaine sur tout le trajet, mais l'essai de ces véhicules sur la route, en situation réelle, est important pour comprendre les limites de ces systèmes.

Le sénateur Duffy: Y a-t-il une raison pour laquelle Uber ne fait pas d'essai similaire au Canada? Autrement dit, y a-t-il une raison réglementaire? Y a-t-il un obstacle officiel qui l'empêcherait de le faire ici s'il le décidait?

M.Klomp: Pas que nous sachions. À l'heure actuelle, évidemment, nous savons que l'Ontario a un projet pilote de déploiement de véhicules automatisés qui permettra d'essayer ce type de véhicule. La province est responsable de l'octroi de permis et de l'immatriculation du véhicule en question. Plusieurs entreprises lui ont demandé de pouvoir faire des essais de véhicule automatisé en Ontario. Ce programme a été lancé début janvier. Je ne crois pas qu'Uber ait encore fait une demande, mais je ne pense certainement pas que quoi que ce soit l'empêcherait actuellement de procéder à un essai de cette nature.

Le sénateur Mercer: Je ne m'attends pas à ce que vous répondiez à cette question, mais je vous la poserai pendant l'étude et je la poserai à pratiquement tous les témoins: sommes-nous prêts à tirer parti de ces changements, c'est-à- dire à créer des emplois pour les Canadiens, à fabriquer les pièces et la technologie qui iront dans ces véhicules? Voilà une question qu'il faut poser.

Cependant, vous avez dit en réponse à une autre question que vous travaillez avec des universités en Ontario. Pourquoi seulement en Ontario? Nous avons d'excellentes universités ailleurs dans le pays. Je ne voudrais pas qu'on dise qu'il n'y a que Toronto qui compte pour ce gouvernement.

Mme Higgens: Je peux répondre à cette question. Je tiens à mentionner les autres grandes universités avec qui nous avons un partenariat et, en particulier, l'Université de la Colombie-Britannique et l'Université de l'Alberta aussi, mais nous avons tout un réseau d'universités. Ce n'était qu'un exemple.

Le sénateur Mercer: Et n'oubliez pas les universités dans l'Est, je vous en prie. C'est une publicité de l'Université Dalhousie.

Les gens me posent une question pratique à propos de cette étude que nous commençons; à savoir: imaginons que toutes les voitures du pays soient connectées. Tout le monde est équipé de la technologie. Un gamin de 15 ans enfermé dans le sous-sol sur l'ordinateur de sa mère pirate le système et le sabote. Tout à coup, nous avons 34 millions de personnes dans le pays qui ont perdu leur technologie. Or, beaucoup n'auront jamais conduit qu'en utilisant cette technologie. Nous avons donc 34 millions de personnes qui ne savent peut-être pas aussi bien conduire que leur système automatisé. Qu'arrivera-t-il?

M.Klomp: La cybersécurité revêt manifestement une importance capitale.

En ce qui concerne les véhicules connectés, par exemple, la communication entre véhicules, il existe dans la conception du système des éléments explicites qui la permettent. Par exemple, si un utilisateur a piraté un véhicule et qu'il envoie intentionnellement un signal erroné ou malveillant, on lui retirera la capacité de communiquer avec le réseau.

Le sénateur Mercer: Qui «on», le conducteur?

M.Klomp: Non, le système lui-même, c'est le système qui régulera la communication entre véhicules.

Le sénateur Mercer: Si quelqu'un prend le contrôle du système, la décision ultime doit être prise par l'homme ou la femme assise à ce que nous appelons maintenant la place du conducteur. Ils doivent être en mesure de déconnecter la technologie en cas de problème.

M.Klomp: Bon. Pour ce qui est des communications, certains éléments nous permettent de bloquer la capacité de communiquer d'un véhicule.

En ce qui concerne les véhicules automatisés, ce qui est crucial, à mon sens, pour la cybersécurité, c'est de repérer continuellement les menaces et de les atténuer. C'est pourquoi l'industrie, y compris Transports Canada, procède à des essais sur des véhicules pour repérer des facteurs de menace potentiels et les atténuer, mais ce sera un processus continu. Il faudra se faire part des pratiques exemplaires. Il sera nécessaire de communiquer l'information sur des menaces malveillantes potentielles contre les véhicules et les contrer, comme ce qui se fait, au fond, avec nos appareils mobiles et nos ordinateurs. Mais il faut certainement équiper les véhicules de mécanismes de sécurité auxiliaires pour parer à des tentatives de piratage malveillant.

Il ne s'est rien passé jusqu'ici, pour autant que nous sachions, mais le sujet fait partie des priorités de la plupart des équipementiers automobiles qui automatisent de plus en plus leurs systèmes.

Le sénateur Greene: Il y a tellement de questions et elles sont toutes étroitement imbriquées les unes dans les autres. Certaines sont provinciales et d'autres fédérales. Où finit, en général, la compétence fédérale et où commence la compétence provinciale? Ou, autrement dit, serait-il possible d'avoir une liste de toutes les questions et une description précisant de qui elles relèvent? Peut-être même qu'un tableau serait une bonne chose. Je pense que cela nous aiderait à savoir à qui poser quelles questions.

Le président: Si vous pouvez l'adresser au greffier, il le fera suivre aux membres du comité. Bonne question, sénateur Greene. D'autres questions?

Chers collègues, merci beaucoup. Je tiens à remercier les témoins de leur exposé. Nous nous réunirons de nouveau sur ce sujet mardi matin prochain et nous entendrons des représentants d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Certaines questions concernant davantage les emplois, la recherche et la technologie seront donc traitées à ce moment-là. Le sénateur MacDonald présidera la séance.

Je remercie les membres du comité. Le comité directeur se réunira aussitôt après que vous aurez quitté la table, et nous ferons une proposition pour vous pour la semaine prochaine.

(La séance est levée.)

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