Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 14 - Témoignages du 5 avril 2017
OTTAWA, le mercredi 5 avril 2017
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 46, pour poursuivre son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Mesdames et messieurs les sénateurs, ce soir, le comité poursuit son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.
Nous allons entendre des représentantes du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé. Veuillez accueillir Allison Fradette, directrice générale, et Wendy Doyle, coprésidente du Groupe de travail sur les véhicules automatisés du CCATM.
Mme Doyle est également la directrice générale du Bureau de la sécurité routière du ministère des Transports de l'Alberta. Merci à vous deux d'être présentes à notre réunion.
Je vous invite à nous présenter vos exposés, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.
Allison Fradette, directrice générale, Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé : Bonsoir. Je veux tout d'abord remercier le comité d'avoir permis au Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé de participer à la séance de ce soir.
Pour ceux qui ne le savent pas, le CCATM est un organisme sans but lucratif qui coordonne tous les aspects de l'administration, de la réglementation et du contrôle du transport par véhicule automobile ainsi que de la sécurité routière au pays.
Il compte parmi ses membres des représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, issus des différents ministères des Transports et de la Sécurité et des Services publics ainsi que des sociétés d'assurance publiques.
Notre mission est de veiller à ce que les déplacements routiers de passagers et de marchandises au Canada se fassent de la façon la plus sûre et la plus efficace. Notre rôle, en tant que forum et en tant qu'organisation, est d'exercer un leadership de collaboration visant la gestion des priorités de sécurité routière au Canada.
Nous offrons un forum où les représentants des administrations provinciales, territoriales et fédérale peuvent communiquer, travailler en coordination et examiner des questions d'importance nationale en matière de compétences, et où nos membres peuvent soulever des enjeux et de sorte que nous puissions proposer des idées et trouver les solutions ayant les meilleurs effets.
En tant que forum, nous recherchons l'harmonisation à l'échelle nationale dans tous les cas possibles, mais nous voulons aussi reconnaître l'autonomie des provinces, des territoires et du fédéral compte tenu des compétences de chacun.
Les véhicules automatisés sont à n'en pas douter un enjeu important et actuel pour nos membres. Je suis ravie d'être accompagnée de Wendy Doyle, représentante du Comité sur la sécurité routière — recherche et politique de l'Alberta, et coprésidente du Groupe de travail sur les véhicules automatisés du CCATM.
Wendy Doyle, coprésidente, Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, Groupe de travail sur les véhicules automatisés, ministère des Transports de l'Alberta, gouvernement de l'Alberta : Merci de nous accueillir ce soir.
Les membres du CCATM reconnaissent que les questions touchant les véhicules automatisés et connectés sont complexes et nécessitent la collaboration de multiples parties prenantes. Par son approche générale, le CCATM est en bonne position à cet égard. Capables d'aller chercher l'expertise d'autres pays et de mettre leurs propres expériences et connaissances en commun, ses membres sont à même de tracer la voie à suivre.
Les véhicules automatisés présentent moult avantages pour l'administration du transport motorisé. L'évolution technologique dans le secteur automobile, notamment les véhicules automatisés actuellement à l'étude, ouvre de nouvelles perspectives dans les domaines de la sécurité routière, de la protection de l'environnement et de la mobilité.
Dans cette optique, le CCATM s'emploie en priorité à déterminer par quels moyens les administrations devront se préparer et s'adapter à leur arrivée sur nos routes.
En juin 2014, son conseil d'administration a approuvé la constitution du Groupe de travail sur les véhicules automatisés, que je copréside avec Mark Francis, de la Colombie-Britannique.
Depuis sa création, le groupe de travail a mis en branle plusieurs initiatives visant à aider les membres du CCATM à comprendre les véhicules automatisés et certaines des incidences de nature réglementaire et politique.
Entre autres, un atelier de deux jours a été organisé pour les membres et partenaires du CCATM et les autres acteurs du secteur en novembre 2015.
Nous avons créé une liste de vérifications pour les essais pilotes ainsi que la conception d'outils de communication destinés à uniformiser la terminologie et le discours des administrations relativement aux essais pilotes et aux exigences réglementaires visant spécifiquement les véhicules automatisés.
Plus récemment, en novembre 2016, le CCATM a produit à l'intention de ses membres un livre blanc détaillé sur les véhicules automatisés qui donne un aperçu général des avantages et des principaux enjeux qui s'y rattachent, de même que des efforts déployés par les autres principaux pays pour adopter la nouvelle technologie.
En février 2017, ce livre a été transmis au Groupe de travail sur les véhicules automatisés et connectés du Comité de soutien à la politique et à la planification relevant du Conseil des sous-ministres responsables des transports et de la sécurité routière.
Le CCATM et le groupe de travail continuent de suivre de près l'évolution des véhicules automatisés de types commerciaux et non commerciaux en sondant les administrations et en réalisant des revues de littérature et des analyses sur les enjeux connexes qui émergent, notamment la réglementation, la technologie et les résultats des essais.
De plus, nous trouvons important de rester en constante communication avec nos partenaires et les autres acteurs du milieu. Depuis 2014, nous collaborons avec diverses organisations à la définition des pratiques exemplaires à l'égard des véhicules automatisés.
Au Canada, à cette fin, le CCATM travaille avec le Groupe de travail sur les véhicules automatisés et connectés du Comité de soutien à la politique et à la planification relevant du Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière.
Aux États-Unis, mon confrère de la Colombie-Britannique et moi représentons le CCATM au sein du groupe de travail sur les véhicules automatisés de l'American Association of Motor Vehicles Administrators (AAMVA), un organisme directement lié à la National Highway Traffic Safety Administration qui fait aussi du travail pour le ministère américain des Transports.
Afin de rester au courant de tous les derniers développements dans le dossier des véhicules automatisés, les membres et le personnel du CCATM ont pris part à de multiples conférences et réunions nationales et internationales sur les véhicules automatisés et continueront de le faire. Nous continuons aussi de soutenir la recherche sur cette technologie émergente qui peut aider nos membres.
La prochaine réalisation d'importance du groupe de travail sera une politique encadrant l'administration, la réglementation et le contrôle des véhicules automatisés.
Dans le cadre de son travail d'élaboration de lignes directrices, le groupe de travail du CCATM passera en revue les lignes directrices de l'AAMVA afin de garantir la réciprocité pour les administrations canadiennes. On s'attend à ce que les lignes directrices de l'AAMVA soient rendues publiques en 2017.
Le CCATM ne peut que profiter de la communication des connaissances et des pratiques exemplaires. Nous voyons d'un œil favorable toute possibilité de collaboration, particulièrement pour un enjeu complexe et évoluant aussi rapidement que les véhicules automatisés et connectés.
Comme avec toute technologie perturbatrice, il reste beaucoup d'inconnus au chapitre des répercussions sociales, économiques et environnementales. Comme toujours, les membres du CCATM ont à cœur l'intérêt collectif et abordent ces questions sous l'angle de la sécurité routière.
Merci. J'ai terminé. C'est avec grand plaisir que ma collègue et moi répondrons maintenant à vos questions. Merci.
Le vice-président : Merci beaucoup de vos exposés.
La sénatrice Griffin : J'ai une question rapide pour commencer. Vous l'avez peut-être dit, mais je l'aurais manqué.
Parmi les organismes et administrations qui sont représentés, est-ce que le gouvernement fédéral interagit avec votre association?
Mme Fradette : Oui. Le gouvernement fédéral, représenté par Transports Canada, est un membre à part entière de notre organisation.
La sénatrice Griffin : Cela va être très important pour l'avenir, dans le domaine des véhicules automatisés.
L'une de mes préoccupations — c'est gênant pour notre pays —, c'est que nous avons un taux très élevé d'analphabétisme fonctionnel. Je vois cela comme un réel obstacle, concernant les véhicules automatisés et les personnes qui les pilotent. Je présume que vous allez devoir adopter un nouveau régime d'examen dans chaque province et peut-être même imposer de la formation et du recyclage pour les conducteurs actuels. Est-ce un enjeu dont vous avez discuté?
Mme Doyle : L'avènement de ce type de technologie s'accompagne de beaucoup de répercussions sur les politiques. De façon plus précise, tout va vraiment dépendre du type d'automatisation et du degré d'automatisation du véhicule.
En ce moment, parce que la technologie est très nouvelle, les administrations ne se concentrent que sur les essais. Les constructeurs et les entreprises technologiques font des essais. On n'a pas encore déployé de véhicules comme la Tesla aux États-Unis.
Nous avons de la chance, dans le sens qu'il n'y a pas de véhicules déployés en ce moment, mais vous avez raison. Une fois qu'ils seront offerts au grand public, il y aura assurément un volet éducation pour leurs utilisateurs.
La sénatrice Griffin : Je représente une petite circonscription, l'Île-du-Prince-Édouard, et je peux imaginer notre direction de la sécurité routière submergée de demandes de personnes devant subir un examen et ayant peut-être besoin de formation. Je suis sûre que le secteur privé peut assumer une partie de cela, mais il faudrait quand même des examens réalisés par la province. Cela pourrait représenter tout un fardeau pour toutes les administrations, et en particulier pour les plus petites provinces.
Mme Doyle : En ce moment, l'industrie semble faire des tests dans les grands centres. Tout dépendra du degré d'automatisation du véhicule. Si l'humain demeure celui qui intervient en cas d'urgence, il vous faudra le même permis qu'aujourd'hui. Cela ne changera que si les véhicules fonctionnent véritablement sans conducteur.
D'ici là, les directions responsables des véhicules à moteur devront continuer de former les conducteurs et de les soumettre à des examens selon certaines normes afin de garantir la sécurité.
Mme Fradette : J'ajouterais à cela que l'un des bienfaits d'une organisation comme le CCATM, c'est que s'il y a des tests dans d'autres pays comme aux États-Unis, nous entretenons des liens très étroits avec nos homologues américains par l'intermédiaire du groupe de travail entre autres. Nous pouvons nous appuyer sur les leçons qu'ils ont déjà apprises. Miser sur l'expérience d'administrations plus importantes est vraiment utile pour une organisation ou une petite province comme l'Île-du-Prince-Édouard.
L'avantage d'être un participant au CCATM, c'est qu'on peut miser sur les leçons apprises par les administrations plus importantes qui ont peut-être un moteur économique, politique ou géographique leur permettant d'être plus avancées dans certains domaines. Pour une administration moins importante, ces leçons apprises sont avantageuses et très utiles.
Le sénateur Mercer : Madame Doyle, vous avez mentionné un livre blanc très détaillé sur les véhicules automatisés, et vous avez dit l'avoir transmis au sous-ministre des Transports en février dernier. Est-ce que ce livre blanc est accessible?
Mme Doyle : Oui.
Le sénateur Mercer : Je présume que nos recherchistes l'ont. Sinon, vous pourriez nous le transmettre.
Au début, madame Fradette, vous avez parlé de sécurité routière. Je comprends de quelle façon cela contribue à la sécurité routière et à l'efficacité pour les véhicules connectés, en particulier pour le transport en commun. Certains d'entre nous sont allés à Edmonton et ont fait un tour dans un autobus connecté. Nous avons vu l'infrastructure qu'ils ont pour soutenir cette connectivité, alors nous comprenons cela.
J'ai de la difficulté à comprendre l'aspect sécuritaire des véhicules automatisés. Oui, c'est sûr parce que c'est programmé pour tout faire comme il le faut. Je dois consacrer 35 minutes à me rendre de chez moi à l'aéroport de Halifax afin de venir ici chaque semaine, et je fais le trajet inverse chaque semaine. Parfois, je circule dans Ottawa, ce qui est un peu plus dangereux que mon lieu de résidence en Nouvelle-Écosse.
Je vois des idiots sur la route, et vous savez quoi? Ils ne sont pas programmés comme mon véhicule automatisé. C'est un facteur. Si nous avions tous des véhicules automatisés sur la route, il n'y aurait pas d'accidents parce que tous les véhicules sauraient ce qu'ils font et communiqueraient probablement entre eux, et ainsi de suite. Cependant, ce n'est pas le cas.
Il faudra des années et des années avant que ce soit le cas, tout dépendant des coûts et de la capacité des constructeurs automobiles de répondre à la demande si la demande est là.
En quoi voyez-vous que cela contribue à la sécurité routière?
Mme Fradette : Je vais laisser ma collègue répondre à cette question, mais avant, je trouve important de signaler que les membres du CCATM portent une très grande attention à la sécurité routière. Je pense que c'est un renseignement vraiment important. Le Canada a l'un des meilleurs bilans sur les 60 dernières années, en matière d'amélioration de la sécurité routière et de réduction des décès et des blessures graves, et ce, malgré le plus grand nombre de conducteurs, de kilomètres parcourus et de véhicules. Je pense que les données les plus récentes remontent à 2014.
Nous avons beaucoup de bonnes raisons d'être fiers, mais cela ne signifie pas que nous devons oublier d'être vigilants. Il y a eu beaucoup de discussions sur les avantages des véhicules automatisés, sur le plan de la sécurité. Le groupe de travail en a certainement discuté.
Mme Doyle : De 85 à 90 p. 100 des accidents à l'échelle du Canada sont attribuables aux erreurs des conducteurs. Nous savons donc que si la technologie peut éliminer certaines des erreurs que les humains commettent au volant, cela entraînera une réduction des collisions causées par les erreurs.
Nous savons que les humains ne sont pas infaillibles. Nous allons continuer de faire des erreurs, peu importe la formation que nous recevons, parce que nous pouvons facilement être distraits et que nous sommes humaines. Nous avons des défauts.
Ce qui est intéressant de la technologie, c'est qu'on peut concevoir des algorithmes qui atténueront beaucoup de ces problèmes. Vous avez raison de dire que l'intégration sera difficile tant que nous n'aurons pas un fort volume de véhicules automatisés. Les véhicules connectés munis de cette technologie pourront comprendre ou déterminer l'effet de l'atmosphère ou de l'environnement autour d'eux et réagir en conséquence.
Les ingénieurs créent des algorithmes pour ces véhicules. Ils travaillent à des choses comme la reconnaissance des mains, comme dans le cas d'un piéton qui agit la main, même si la voiture a le droit de passage; la reconnaissance des sirènes; la capacité de reconnaître la couleur des feux d'un véhicule, les panneaux d'arrêt et tous les dispositifs de signalisation possibles, peu importe le territoire.
La technologie et les algorithmes intégrés dans ces véhicules servent exactement à cela : réduire les risques d'accidents que les humains vont continuer d'avoir.
Le sénateur Mercer : J'ai deux brèves questions. Les Canadiens se posent ces questions sachant que ces discussions ont lieu. J'essaie de les aider, aussi.
Vous avez dit que de 85 à 90 p. 100 des accidents sont attribuables aux erreurs des conducteurs. Je vous crois.
Qu'arrive-t-il quand un véhicule automatisé entre en collision avec un véhicule ordinaire conduit par une personne? Cela suscite certaines questions. Qui fait quoi? Qui appelle la police? Qu'est-ce qui se passe si le véhicule sans conducteur quitte la scène de l'accident? Il pourrait ne pas y avoir de conducteur dans l'autre véhicule. Qu'arrive-t-il s'il part simplement?
Il ne me semble pas y avoir de garanties. Même s'il y a quelqu'un dans la voiture — car nous pouvons présumer qu'il y aura une personne dans la voiture, même si cette personne ne conduit pas —, cette personne ne sera peut-être pas en mesure de prendre les commandes du véhicule.
Avez-vous analysé cela? Avez-vous examiné premièrement le facteur sécurité, deuxièmement le facteur responsabilité, et troisièmement le facteur frustration qui va s'installer chez les personnes impliquées des deux côtés?
Mme Doyle : Je vais commencer par la question de l'assurance ou de la responsabilité. Au Canada, selon la province ou le territoire, l'assurance est publique ou privée. Le type d'assurance de la province ou du territoire déterminera s'il faut signaler une collision.
Selon le scénario que vous décrivez, sénateur, un véhicule circule sur les routes et est impliqué dans une collision. Il y a beaucoup d'inconnus. Nous devons admettre qu'il y a beaucoup d'inconnus en ce moment, parce qu'au Canada, actuellement, il n'y a que les essais. Un ingénieur teste l'équipement dans le véhicule. Le public ne peut pas monter dans le véhicule et se rendre du point A au point B.
Le sénateur Mercer : Nous avons entendu des témoignages au sujet de flottes de camions de transport sans conducteurs. Une personne supervise peut-être la flotte, mais il n'y a pas nécessairement de conducteurs dans tous les véhicules.
Mme Doyle : C'est la circulation en peloton, oui, et c'est quelque chose qui se produit effectivement un peu partout dans le monde en ce moment.
Je n'ai pas de réponse à votre question particulière sur la responsabilité. Les constructeurs disent que la technologie, aux États-Unis, est considérée comme étant le conducteur, ce qui fait que le véhicule lui-même aurait vraisemblablement la capacité d'alerter les autorités. Ce serait assez semblable à OnStar et à certaines des technologies que nous avons maintenant. Si tout le reste échoue, l'autre personne, l'autre humain devrait alors faire l'appel.
Le sénateur Mercer : La question de l'assurance est celle que je trouve la plus intéressante. Je ne suis pas un adepte de l'industrie de l'assurance. J'ai une expression pour la qualifier : c'est une forme d'extorsion légalisée car on ne peut rien faire contre elle. On est à sa merci. Que Dieu vous garde de faire une réclamation. Vous achetez une police d'assurance pour être assuré, mais lorsque vous faites une réclamation, la compagnie ne vous assurera plus ou elle augmentera considérablement vos cotisations.
Supposons que tout se passe bien et que nous en arrivons au point où nous avons toute une industrie et où un pourcentage de nos véhicules seront autonomes.
Comment pouvons-nous, en tant que législateurs et membres du public, nous assurer de ne pas nous faire flouer par le secteur de l'assurance par l'entremise de frais pouvant être imposés pour assurer un véhicule autonome? Si l'option, comme vous l'avez dit, est une sécurité routière améliorée grâce à ces véhicules, ne devrions-nous pas nous attendre à une baisse de nos cotisations plutôt qu'à une hausse?
Mme Fradette : Je ne vais pas répondre à cette question directe, mais je voulais aborder le sujet.
Le sénateur Mercer : Vous devriez être assise ici car nous ne répondons jamais aux questions non plus.
Mme Fradette : Je ne veux pas fournir des renseignements pour lesquels je ne suis pas bien informée, mais je veux souligner que le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé a des partenaires assureurs à la table.
De ce fait, ils ont la chance de travailler ensemble de façon harmonieuse, d'échanger sur ces questions et de s'assurer que les citoyens canadiens ne seront pas désavantagés lorsqu'ils discutent des solutions associées à la façon d'administrer les assurances : quelle réglementation doit être mise en place et quels sont les enjeux auxquels ils sont confrontés?
Même si j'estime qu'il est peut-être prématuré de trouver les solutions pour eux, l'occasion de communiquer, de collaborer et de relever ces enjeux est quelque chose que les membres du CCATM ont pu faire.
Mme Doyle : Je n'ai pas grand-chose d'autre à dire. Je ne suis pas une spécialiste de l'assurance. Dans quelques-unes des recherches que nous avons réalisées, dès qu'il y a une diminution du nombre d'accidents, l'incidence sur les primes d'assurance est moindre et les compagnies d'assurances peuvent alors ajuster leurs taux en conséquence.
Malheureusement, je connais peu l'industrie de l'assurance et la façon dont elle fixe les taux, alors je ne peux pas vous dire grand-chose à ce sujet.
La sénatrice Galvez : Je suis la sénatrice Galvez, du Québec.
Dans votre déclaration, vous voyez d'un très bon œil l'arrivée des véhicules d'un point de vue environnemental et économique.
Je présume, mais vous pouvez faire d'autres observations, que ces véhicules seront alimentés à l'électricité verte, ou à l'énergie verte, pour répondre aux besoins multiples du transport personnel, du transport public et peut-être du transport de marchandises lourdes. Avez-vous une idée de quel sera le pourcentage de ces nouveaux véhicules? Quel sera le pourcentage des véhicules pour le transport personnel, le transport public et le transport de marchandises lourdes?
Comment l'infrastructure sera-t-elle adaptée à ce nouveau type de transport? Nos autoroutes en asphalte et en béton pourront-elles accueillir ce nouveau type de transport ou devons-nous apporter des changements?
Mme Doyle : Puis-je clarifier votre première question? Parlez-vous des économies que les gens pourront faire?
La sénatrice Galvez : Non. Vous pouvez me parler des économies. Je serais très curieuse de savoir les économies qui seraient réalisées. Vous pouvez peut-être me le dire : Est-ce que ce sera 100 p. 100 pour une personne qui conduit sa voiture ou qui emprunte le transport en commun?
Mme Doyle : À l'heure actuelle, de nombreuses hypothèses seront émises à ce sujet jusqu'à ce que l'on intègre massivement les véhicules autonomes. Nous savons que quelques-unes des entreprises qui se penchent sur cette solution œuvrent dans l'industrie des réseaux de transport, où il y aura une flotte de véhicules et ces voitures seront regroupées ou mises en commun à l'extérieur des centres-villes. Vous pourriez pouvoir faire un appel. Le véhicule vous transportera du point A au point B, puis quittera le centre-ville pour réduire la congestion et sera stationné ailleurs jusqu'à ce qu'on ait besoin de l'utiliser.
On dit également qu'un grand nombre de jeunes de la génération du millénaire obtiennent leur permis de conduire plus tard dans la vie. Ils n'en voient pas l'utilité ou ils n'ont pas les moyens d'acheter un véhicule comme les gens dans le passé. Ils changent la façon dont les villes sont construites. Elles sont plus propices à la marche. Il y a moins de places de stationnement. Les voies de circulation sont plus étroites.
Pour répondre à votre question sur l'infrastructure plus précisément, les voies peuvent être beaucoup plus étroites parce qu'il y a moins place à l'erreur et qu'il n'y a pas de problème avec les cyclistes et les piétons. Il faudra du temps pour que l'infrastructure soit adaptée aux fonctions de ces véhicules, mais on entend dire que moins de gens posséderont leur propre véhicule car ils pourront partager des véhicules dans une économie du partage.
La sénatrice Galvez : Vous ne pouvez pas me dire quel sera le pourcentage de ces nouveaux véhicules pour le transport personnel, le transport en commun et le transport de marchandises lourdes?
Mme Doyle : Je pense qu'il n'y a que des hypothèses à l'heure actuelle, pour être honnête.
Dans le cadre de discussions que j'ai eues avec des homologues commerciaux, j'ai constaté que ce qui est intéressant avec l'automatisation, c'est que dans l'industrie commerciale, on semble pouvoir choisir le type d'automatisation que l'on veut, selon l'industrie.
Si le camion de transport commercial est dans une zone de circulation dense, on pourrait vouloir un système d'aide à la navigation dans ce véhicule et aucune technologie d'automatisation. Si le véhicule fait beaucoup de conduite sur l'autoroute, on voudra peut-être avoir un dispositif qui se rapporte à ce type de conduite. L'industrie commerciale aura besoin d'un conducteur pour arrimer le chargement et régler les problèmes mécaniques, si bien qu'il faudra un conducteur pendant encore un bon moment.
J'ai mentionné le partage de véhicules ou le réseau de transport. Nous avons mené un sondage il y a de cela deux ans, et le taux de personnes qui veulent faire l'acquisition de véhicules autonomes ou très autonomes est peu élevé. Avant que les gens connaissent en quoi consiste cette technologie et sachent qu'elle est sécuritaire, ces véhicules seront probablement plus utilisés dans l'industrie commerciale et les réseaux de partage plutôt que comme véhicules personnels.
La sénatrice Bovey : Je vais tout de suite vous faire étalage de mon ignorance complète. Je ne vais pas admettre que j'ai des craintes, mais je me sens un peu comme dans le film Retour vers le futur jusqu'au milieu des années 1980 lorsque nous avons tous commencé à acheter nos premiers ordinateurs personnels. Pas si longtemps avant, nous ne pensions pas que nous aurions des ordinateurs à la maison.
J'ai l'impression que ce secteur évolue très rapidement. Nous avons peut-être des aspirations, mais nous ne savons pas vraiment comment elles se concrétiseront. J'ai une grande préoccupation qui découle des déclarations et divers points de vue formulés par les merveilleux témoins qui comparaissent devant nous.
J'ai un exemplaire de votre livre blanc. Je dois admettre que je ne l'ai pas lu attentivement, mais il est clair que vous travaillez à établir les responsabilités parmi les divers ordres de gouvernement.
La Chambre des représentants aux États-Unis a un projet de loi qui exige que la National Highway Traffic Safety Administration, la Federal Trade Commission, le National Institute of Standards and Technology et le département de la Défense — et j'en passe — se réunissent pour élaborer des normes pour ces véhicules. Nous avons également discuté de la cybersécurité.
Pendant que je traite toute cette information, j'ai quelques questions simples à vous poser : qui dirige le tout? Qui rassemble tous les éléments en gardant à l'esprit que c'est la voie que nous devons suivre? Le nombre de partenaires est énorme et les répercussions sont incroyables. Je suis un peu inquiète car je ne comprends pas vraiment qui dirige le tout? Est-ce que c'est vous? J'espère qu'il y a un responsable.
Mme Fradette : Vous avez soulevé un point très important en disant qu'il y a de nombreux partenaires. Il faudra toujours de multiples partenaires en raison de la complexité de la question. Le secteur des transports fait l'objet d'une transformation sans précédent.
Il faut des partenariats avec les gouvernements et l'industrie. Des partenariats doivent être établis avec les compagnies d'assurances et les organismes de réglementation. Nous devons faire preuve d'ouverture d'esprit quant à la façon dont nous envisageons la sécurité, les avantages en matière de sécurité et les besoins des citoyens, ainsi que la façon d'équilibrer le tout avec nos obligations réglementaires.
Il n'y a pas qu'un partenaire. Vous avez mentionné la cybersécurité. L'industrie doit être à la table, de même que les compagnies d'assurance, les organismes de réglementation, les fabricants et les entreprises de technologie. Il y a de multiples partenaires et il y a également des différences géographiques, démographiques, culturelles et politiques qui découleront des différents besoins dans une province donnée. Une province comme l'Ontario devra avoir des partenaires transfrontaliers en raison de la nécessité d'harmonisation au sein de la province.
Il y a de multiples vecteurs et partenaires. Même si nous n'avons pas toutes les réponses dans le contexte de la réglementation dans notre secteur et notre vision en matière de sécurité routière, le rôle de notre organisme consiste à regrouper les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral et à les amener à se pencher sur la meilleure façon de tirer des leçons : nous devons établir comment nous pouvons nouer des partenariats avec nos homologues américains et comment nous pouvons travailler au sein de la NHTSA et du département des Transports des États-Unis. Le transport est intégré en Amérique du Nord. Nous sommes bien placés dans notre secteur de la sécurité routière pour nous associer aux bonnes personnes.
C'est une question complexe, alors je ne suis pas certaine s'il y a une seule réponse.
La sénatrice Bovey : Rapidement, cela inclut-il les questions de protection de la vie privée, de cybersécurité et tous ces autres éléments qui, comme nous le savons, seront fondamentales?
Avec tout le respect que je vous dois, je ne sais pas trop quelles sont les bonnes questions à poser, et je ne pense pas que je suis la seule dans cette situation.
Mme Doyle : Vous avez raison. Il y a de nombreuses questions de politique à considérer, selon l'intervenant qui se trouve à la table. Si on examine la situation en tant que question d'administration des transports motorisés, la distraction au volant changerait évidemment lorsque le conducteur n'a pas besoin de conduire. Les permis que doit avoir et les exigences que doit respecter le conducteur changeraient également. La conduite avec facultés affaiblies changerait également car si le conducteur n'a pas le contrôle du véhicule, les répercussions sont différentes également. C'est quelque chose à considérer du point de vue de la sécurité.
Vous avez mentionné la cybersécurité et l'assurance. Ces partenaires ont également différents intérêts, différentes questions et différents enjeux politiques. C'est déstabilisant et difficile car il y a tellement de problèmes différents qui se superposent. Cela dépend si nous parlons de la mise à l'essai et du déploiement éventuel de ces véhicules.
La sénatrice Bovey : J'espère qu'il y a un responsable quelque part.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Mesdames, merci beaucoup de votre présentation. Je vais poursuivre dans la même veine que la sénatrice Bovey. Le dossier des transports relève des 10 provinces et des 3 territoires. Les infrastructures relèvent des gouvernements fédéral et provinciaux et des municipalités. Il y a des infrastructures conjointes américaines et canadiennes. Il y aura une cohabitation de la voiture traditionnelle, de la voiture semi-autonome et de la voiture autonome.
Ce que j'ai appris de nos consultations, c'est que personne ne joue un rôle d'impulsion dans ce dossier, ni au sein du gouvernement ni au Canada. Il n'y a pas de coordination, et tout le monde travaille en silos. C'est la recette parfaite pour un échec de la transition vers un projet aussi important. Tout le monde le dit, l'évolution vers la voiture autonome aura le même effet que le passage du cheval à la voiture à essence. Le changement sera aussi magistral.
Une organisation canadienne a proposé que le gouvernement nomme immédiatement un ministre responsable de la transition et de la transformation. Cette question ne relèverait pas uniquement du ministère des Transports. La suggestion est de nommer un ministre responsable de la transition qui aurait comme mandat d'harmoniser l'ensemble des actions, aussi bien dans les provinces qu'au gouvernement fédéral. Ce serait le coordonnateur en chef. Ainsi, on tenterait de ne pas rater cette transition et on éviterait de prendre du retard, pour ne pas que le Canada, avec les voitures autonomes, se retrouve au Moyen-Âge par rapport à d'autres pays dans 10 ou 15 ans.
Que pensez-vous de cette proposition?
[Traduction]
Mme Doyle : Merci de la question. C'est désorganisé en raison des différentes couches d'enjeux politiques et des intervenants qui ont différents intérêts. C'est une excellente observation.
Au Canada, le Conseil des sous-ministres responsables des transports et de la sécurité routière a un Comité de soutien à la politique et à la planification. J'ai mentionné dans mon mémoire qu'il a un groupe de travail sur les véhicules autonomes et connectés.
À l'heure actuelle au Canada, il y un grand nombre d'organismes : l'ATC, l'Association des transports du Canada, le CCATM, et l'AAMVA, comme nous l'avons déjà mentionné. Ces organismes relèvent des sous-ministres responsables des transports et de la sécurité.
J'aime votre idée qu'il y ait une personne responsable. Je pense que cela ajouterait de la clarté et contribuerait à réunir des partenaires à la table. Nous serions ouverts, par l'entremise du CCATM, à participer d'une façon ou d'une autre.
Mme Fradette : Il convient de le souligner car nos membres sont les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral dans les ministères des Transports, et on suivrait leurs directives. Il existe déjà une occasion par l'entremise du comité du CSPP dont Wendy a parlé. Toute occasion de collaborer davantage serait importante et bienvenue.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'ai travaillé 30 ans au gouvernement du Québec à titre de cadre supérieur. La façon de gérer un problème dont personne n'est responsable, c'est de créer un comité. Or, de par mon expérience, je ne fais pas du tout confiance aux comités. La seule façon de déresponsabiliser une organisation, c'est de créer des comités.
Selon moi, si le gouvernement ne se dote pas d'une structure pyramidale par rapport à la gestion de ce projet, il y aura une foule de développements dans d'autres pays, même chez nos voisins du sud, et le Canada risque de manquer le coche.
[Traduction]
Le sénateur Runciman : Vous avez mentionné plus tôt les véhicules semi-autonomes. C'est comme la Tesla, j'imagine. La Tesla est semi-autonome. Un humain doit être dans la voiture, soit derrière le volant ou dans la voiture. Y a-t-il des véhicules autonomes immatriculés à l'heure actuelle sur les routes de l'un ou l'autre des pays du G7?
Mme Doyle : Certains États américains ont des lois sur la mise à l'essai. La dernière fois que j'ai vérifié, ils étaient six. Je crois qu'un État ou deux ont des lois en matière de mise à l'essai en cours d'élaboration.
La Californie travaille également à l'élaboration d'une loi sur le déploiement, ce qui signifie que vous seriez en mesure d'acheter un véhicule. Il n'y aurait pas d'ingénieur. Cette technologie est encore à l'étape de la mise à l'essai. La loi de la Californie permettra plus précisément de mettre à l'essai ces véhicules auprès des membres du public.
Je ne connais aucun grand véhicule qui a été déployé mis à part, comme vous l'avez mentionné, la Tesla, où il faut un conducteur pour faire des manœuvres d'évitement s'il devait arriver quelque chose. Elle est encore semi- automatique pour l'instant.
Le sénateur Runciman : Quelle est la marque des véhicules qu'Uber utilise en Arizona?
Mme Doyle : Je ne le sais pas.
Mme Fradette : Je m'engage à assurer un suivi pour répondre à votre question sur les véhicules semi-automatiques dans les pays du G7. Je pense qu'Uber fait des mises à l'essai en Pennsylvanie, et je crois que ce sont des véhicules de marque Volvo.
Le sénateur Runciman : Nous avons entendu plusieurs questions au sujet de la responsabilité et des assurances. Dans un article que j'ai lu récemment, mais que je n'ai pas pu trouver dans mon empressement à me rendre ici, on disait que la Grande-Bretagne a élaboré une politique pour régler cette question. Connaissez-vous cette politique?
Mme Doyle : Oui.
Le sénateur Runciman : Pourriez-vous expliquer brièvement ce qui se fait?
Mme Doyle : Vous mettez quelque peu ma mémoire à l'épreuve, sénateur. C'est une politique assez bien rédigée que notre groupe de travail a examinée. Elle est assez simple.
C'est l'une des premières qui porte précisément sur quelques-uns des enjeux stratégiques que nous avons évoqués plus tôt. Je n'ai malheureusement pas suffisamment de détails à l'esprit pour vous fournir les grandes lignes.
Le sénateur Runciman : On a formulé une remarque concernant l'enquête d'un décès dans une Tesla en 2016. La National Highway Traffic Safety Administration a déclaré que les conducteurs ont la responsabilité de lire le manuel du propriétaire, mais les fabricants doivent le concevoir en n'oubliant pas les conducteurs inattentifs.
J'ignore combien de personnes autour de cette table ont lu leur manuel du propriétaire.
Le sénateur Greene : Je l'ai lu.
Le sénateur Runciman : Il y a en a un. C'est signe que cela devrait faire peur à bien des gens.
Vous avez parlé des jeunes de la génération du millénaire qui n'achètent pas de voiture, mais à mon avis, ce devrait être à l'avenir un facteur pour la délivrance de permis d'un conducteur. Compte tenu de la complexité de ces systèmes, il devrait peut-être y avoir une connaissance de base des répercussions sur le fonctionnement de votre véhicule, quelles qu'elles soient.
Prévoyez-vous cela dans le cadre du processus à l'avenir?
Mme Doyle : C'est l'une des questions dont nous avons parlé lorsque nous explorions le sujet. Les réactions étaient mitigées. Certains font la comparaison avec le régulateur de vitesse. Une personne peut acheter un nouveau véhicule équipé d'un régulateur de vitesse, d'un mécanisme de prévention des collisions ou d'une nouvelle technologie quelconque. Les gens reçoivent un peu d'information lorsqu'ils achètent le véhicule du concessionnaire, puis ils partent avec le véhicule. Généralement, tout se passe bien. D'autres estiment qu'il faut offrir des formations et effectuer des mises à l'essai exhaustives pour comprendre la technologie.
Il y a deux courants de pensée où certains croient qu'il faut des mises à l'essai exhaustives et d'autres qui estiment que nous devrions faire confiance à la technologie. Lorsque la technologie est intégrée dans un véhicule conformément à une norme précise, il faut y faire confiance.
C'est une excellente question, sénateur, mais il n'est pas facile d'y répondre.
Le sénateur Runciman : Vous avez mentionné dans votre livre blanc les défis associés à la conduite en hiver. Vous avez mentionné la neige et la glace noire, mais vous n'avez pas mentionné les nids-de-poule d'Ottawa. La conduite au printemps peut également présenter des défis pour certaines de ces technologies, j'imagine.
Vous avez également mentionné que l'infrastructure publique devra changer. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Par infrastructure, faites-vous allusion aux ponts et aux routes? La majorité de ces infrastructures sont administrées au niveau municipal, et ce ne sont pas toutes les municipalités qui possèdent les mêmes capacités financières.
De quels types d'infrastructure parlez-vous? Quelles sont les répercussions financières?
Mme Fradette : Nous observons ce qui se passe dans d'autres pays, dont les États-Unis, en Virginie. Cet État est un pionnier sur le plan des tests liés à l'infrastructure, à Virginia Tech et, en fait, dans l'ensemble de la collectivité, à différents endroits. On se concentre sur les fruits à portée de la main, à défaut d'une meilleure description.
Les routes à péage sont nombreuses dans cette collectivité. Il existe déjà beaucoup de technologies pour surveiller la circulation et le comportement des véhicules au moment du péage. Certains aspects technologiques et certains aspects d'infrastructure routière ont été ajoutés pour tirer parti d'une technologie de communication entre véhicules et infrastructures. Je crois que c'est de bon augure pour la recherche et l'examen des pratiques exemplaires.
Il y a peut-être d'autres pays qui ont une longueur d'avance. On peut les considérer comme ayant une longueur d'avance dans la recherche et les activités, mais l'avantage d'être au Canada et de surveiller les comportements et les activités observés dans d'autres pays, c'est que nous pouvons tirer des leçons de leur expérience.
Puisqu'il faut bâtir la confiance du citoyen et du consommateur pour qu'ils veuillent utiliser ces véhicules, nous avons des possibilités de nous inspirer de ces leçons et de ne pas répéter les erreurs qui ont été commises dans certains pays au départ.
Deux ou trois de nos partenaires américains ont dit que s'ils pouvaient remettre le dentifrice dans le tube, ils le feraient. Ils ont établi des règles et ils essaient maintenant de prendre un peu de recul.
Le Canada occupe une position enviable sur le plan de la sécurité routière et du cadre réglementaire pour surveiller ce qui se passe dans d'autres pays et prendre des décisions éclairées pour ses citoyens et son cadre réglementaire en fonction des leçons retenues. Je crois que c'est un point important.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Je suis préoccupée par la planification. Vous dites, à juste titre, qu'il s'agit d'une technologie qui évolue rapidement. Dans certains pays, elle est même accessible à l'heure actuelle, et vous dites aussi, avec beaucoup de franchise, qu'il reste beaucoup de boîtes noires à ouvrir — en anglais, vous avez dit « a lot of unknowns » —, notamment au chapitre des répercussions sociales, économiques et environnementales. Personnellement, je suis moins préoccupée dans ce cas-ci par les enjeux environnementaux que par les enjeux sociaux et économiques. J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur la nature de vos préoccupations pour ces deux types d'enjeux. Qui, en ce moment, réfléchit, analyse et travaille sur les impacts éventuels au chapitre social et économique, et envisage des mesures alternatives ou compensatoires pour répondre aux aspects qui seront négatifs, comme l'impact sur l'emploi.
[Traduction]
Mme Doyle : Je vais d'abord parler des répercussions économiques, si vous me le permettez. En analysant certaines des questions liées précisément aux aspects économiques, souvent, les gens se demandent si les conducteurs de véhicules commerciaux perdront leur travail lorsque les véhicules arriveront sur le marché, surtout lorsqu'on pense aux entreprises de transport en réseau : taxi, Uber, Lyft, TappCars ou toute entreprise qui offre ce type de service.
Nous savons que des fabricants portent attention à l'industrie du covoiturage, mais nous savons qu'il y a des pénuries de main-d'œuvre également. Dans l'industrie commerciale, en raison de la tâche complexe que constitue le transport des gros chargements, il faudra beaucoup de temps avant que la technologie puisse faire tout ce que les conducteurs doivent faire et les remplacer.
J'ai mentionné un peu plus tôt une partie des exigences en matière d'arrimage des cargaisons et d'entretien pour les véhicules commerciaux. Si les phares ne fonctionnent plus ou qu'un problème de freinage survient, l'humain fait les réparations. Ce serait encore ce à quoi nous nous attendrions, car nous voulons toujours nous assurer que les véhicules qui circulent sur nos routes sont sécuritaires, qu'ils soient hautement automatisés ou non.
Il y a encore de la place pour les conducteurs de véhicules commerciaux. La technologie remplacera une partie des tâches liées à la conduite. Je crois qu'il faudra beaucoup de temps avant que cela ait des conséquences sur le travail des conducteurs de véhicules commerciaux. Nous savons qu'il y a une pénurie de conducteurs de véhicules commerciaux également, et c'est donc un avantage.
La sénatrice Saint-Germain : Il s'agit d'une réponse générale. Avez-vous des données qui appuient votre réponse?
Mme Doyle : Non, malheureusement. Nous examinons presque seulement des éléments généraux, car il y a peu de réponses à l'heure actuelle. C'est basé sur des hypothèses et des attentes quant à ce que feront les industries : il s'agit de savoir dans quelle mesure cela les intéressera ou si elles préféreront le statu quo et continueront d'acheter les véhicules commerciaux actuels plutôt que des véhicules automatisés.
La sénatrice Saint-Germain : Qu'en est-il des aspects sociaux?
Mme Fradette : Bien qu'il y ait assurément des aspects sociaux lorsqu'il s'agit des entreprises de transport en réseau et des grandes questions économiques, le fait est que notre mandat en tant qu'organisme est plus restreint. Il est axé sur le cadre réglementaire des permis et de l'immatriculation.
D'un point de vue personnel, je dirais que nous parlons du passage vers l'utilisation de véhicules automatisés, mais nous avons tous déjà pris l'avion. Des avions peuvent être pilotés de façon automatique. À mon avis, très peu d'entre nous monteraient à bord d'un avion sans pilote, même si c'est possible et qu'on nous dit qu'il est automatisé et sécuritaire.
Que nous réserve l'avenir dans les transports? Il est juste d'affirmer que d'abord et avant tout, les organismes de réglementation se concentreront sur la sécurité des citoyens. Pour le cadre réglementaire, les décisions liées à la sécurité seront de la plus haute importance.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Votre comparaison avec les avions, je la comprends sur le plan technologique, mais quant aux impacts économiques, il n'y avait pas beaucoup d'avions dans les airs qui étaient conduits par des pilotes non automatiques et qu'on a dû ranger à l'aérogare. Je voulais apporter cette nuance-là. Merci.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Un peu plus tôt, ma collègue, la sénatrice Bovey, a demandé qui était responsable. Je ne sais pas trop qui est responsable non plus, mais je connais l'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici. Le ministre des Transports nous a demandé de mener cette étude, et je félicite le ministre et le gouvernement d'avoir pris une initiative que je respecte.
Vous avez dit qu'il se peut que les milléniaux n'achètent pas de voitures, qu'ils en feront peut-être un usage partagé, et cetera. L'une des principales industries au pays, et en particulier dans cette province-ci, c'est l'industrie automobile, la fabrication. Les prix qu'établira l'industrie ne seront-ils pas élevés au point où nous continuerons à acheter des véhicules, dont nous avons besoin pour nous déplacer?
Je ne pense pas que chez General Motors, Ford, Chrysler, Toyota, Honda, Nissan, et cetera, les gens essaient de trouver des moyens de vendre moins de voitures. Leur objectif est d'en vendre plus.
Je peux imaginer qu'un chef de file de l'industrie qui ne mène pas d'activités en Amérique du Nord, comme Tata, un fabricant de très petites voitures en Inde, soit intéressé en raison du volume qu'il pourrait produire.
Je comprends pourquoi les fabricants discutent avec vous. Il faut qu'ils sachent ce qui se passe et ils voudront surveiller l'évolution des choses. Si j'étais actionnaire d'une de ces entreprises, je ne saurais pas quels sont les avantages pour moi. J'ignore quelle est la motivation financière à moins que je fixe un prix suffisamment élevé pour me permettre de réaliser des profits. Encore une fois, pourquoi le consommateur achètera-t-il le véhicule s'il coûte cher?
Mme Doyle : Bien que nous ne puissions pas faire d'observations sur les prix et sur ce qui motive certains des fabricants, nous savons que la plupart de fabricants prennent la question de la responsabilité sociale très au sérieux. S'ils peuvent réduire le nombre d'accidents mortels et de blessures graves, ils font la bonne chose.
D'après une partie des discussions que nous avons eues avec de principaux fabricants, nous savons qu'ils comprennent que les gens aiment conduire. Les gens qui veulent conduire continueront d'acheter des véhicules pour les conduire. Dans bien des discussions, on se demande s'il y aura des véhicules sans conducteurs fabriqués en série qu'on pourra acheter. S'agira-t-il de véhicules de conavettage qu'on pourra héler à partir de son téléphone, mais qu'on ne pourra pas acheter, en fait? Nous ne savons pas ce qu'il en sera, mais c'est une chose à surveiller.
Le sénateur Mercer : La situation du Canada n'est pas unique, mais il est nécessaire de voir dès le départ si les véhicules peuvent fonctionner dans plus d'une langue. Si ces discussions sont menées par l'industrie américaine, il n'en sera pas question. Notre pays a deux langues officielles et bon nombre d'autres pays en ont encore plus. Nos amis américains semblent déterminés à ne s'en tenir qu'à l'anglais, même si les États-Unis ont une forte population d'hispanophones.
Cependant, dans vos études et vos activités, avez-vous tenu compte de la nécessité que les véhicules soient bilingues? Si j'achète un véhicule sans conducteur, il se peut que je le garde pendant deux ans et que je le vende à mon ami et voisin, qui est francophone. Le Canada compte différents groupes ethniques qui ont leur propre langue. Examine-t-on la question à mesure que les choses progressent?
Mme Fradette : Nos membres surveillent la recherche qui est menée ailleurs dans le monde, et l'un des aspects intéressants, c'est le comportement social des véhicules.
Il ne s'agit pas seulement des langues, mais de la culture également. Des travaux de recherches sont menés par des fabricants de véhicules partout en Amérique du Nord. Ils embauchent des anthropologues et des gens qui étudient les comportements des gens pour déterminer comment les véhicules autonomes fonctionneraient dans d'autres pays dont le code de la route est légèrement différent ou dont les langues sont différentes.
Je ne peux faire d'observations sur l'état d'avancement de leurs travaux, mais je sais que des fabricants de véhicules et d'autres acteurs intervenants font des recherches.
Le sénateur Mercer : Ce que vous me dites me rappelle un voyage en taxi que j'ai fait une fois à Delhi, en Inde. Le conducteur nous a dit que trois choses sont essentielles pour être un bon conducteur de taxi à Delhi : de bons freins, un bon klaxon, et de la chance.
La sénatrice Galvez : Avez-vous une idée du temps que cela prendra? Quelles sont les étapes? Quand verrons-nous au Canada la première entreprise qui mettra des voitures et des autobus autonomes sur les routes?
Mme Doyle : À l'heure actuelle, il n'y a pas vraiment de consensus sur le temps qu'il faudra. Si l'on demande l'avis des fabricants de véhicules, pour bon nombre d'entre eux, 2020 est en quelque sorte l'année magique où ils veulent qu'un modèle soit prêt à l'utilisation, ce qui ne veut pas dire qu'on pourra l'acheter.
Les technologies n'en sont encore qu'à leur tout début et personne ne le sait vraiment. De plus, du côté des autorités de la réglementation, on pense que les politiques et les dispositions législatives leur permettant de protéger le public ne sont peut-être pas en place, compte tenu du temps qu'il faut pour faire adopter des mesures.
Il peut s'agir de 10 à 15 ans pour les véhicules hautement automatisés qui éliminent en grande partie la conduite. Pour ce qui est des véhicules complètement automatisés qu'on pourrait acheter ou héler, on parle de plus de 15 ans.
Le sénateur Runciman : J'ai une brève question sur la cybersécurité. J'ai consulté votre rapport sur un examen ou un sondage qui a été effectué en Allemagne, dans lequel on indiquait que la cybersécurité était la principale préoccupation de la plupart des gestionnaires de risques.
Hier, un organisme canadien responsable de la sécurité a comparu devant nous. La plupart d'entre nous étaient un peu préoccupés par le fait qu'on accordait peu d'importance à cette question. On nous a dit qu'un manque de ressources ne permet pas d'y accorder l'importance qui est peut-être nécessaire et que, je pense, vous croyez nécessaire.
J'ai soulevé entre autres la question d'exiger des choses des fabricants. J'ai donné l'exemple de l'installation de technologie de vérification numérique dans les véhicules. Comme je l'ai dit hier, et je vais le répéter, je ne suis pas un grand partisan des interventions gouvernementales dans les affaires, d'aucune façon, mais je pense que le gouvernement devrait jouer un rôle plus actif dans ce secteur afin de s'assurer que les fabricants respectent certaines obligations concernant les questions touchant la cybersécurité.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Mme Doyle : La seule chose que je peux dire, c'est que le gouvernement fédéral est responsable des Normes de sécurité des véhicules automobiles du Canada, les normes selon lesquelles les véhicules automobiles sont construits et jugés sécuritaires pour la route.
C'est dans ces normes que l'information est intégrée pour la fabrication de nouveaux véhicules. Les choses se compliquent lorsque les gens veulent améliorer un véhicule. Si l'on équipe un véhicule moins récent d'une technologie qu'une tierce partie sera capable d'offrir, les choses se compliquent. Les provinces et les territoires doivent alors prendre cela en main, car c'est de leur compétence. Ce n'est pas un véhicule de fabrication récente conformément à ces normes.
Je prends bonne note de votre observation. Vous avez raison. J'ignore si Allison veut ajouter quelque chose à cet égard.
Le sénateur Runciman : Ce n'est pas clair. Je n'ai peut-être pas bien compris votre réponse. Je parle de l'idée que le gouvernement exige que des mesures de protection soient intégrées à la fabrication de nouveaux véhicules. Je ne parle pas d'améliorations, par exemple.
Je parle du rôle du gouvernement qui consiste à dire aux fabricants qu'il s'agit d'une préoccupation majeure touchant la sécurité du pays et qu'il exige qu'ils installent ce type de technologie pour protéger la population en général.
Mme Fradette : Pour de nouveaux véhicules, cela relèverait du gouvernement fédéral actuellement.
Le sénateur Runciman : Je le sais. Ma question est la suivante : croyez-vous que le gouvernement devrait intervenir à cet égard et exiger cela pour les fabricants?
Mme Doyle : Oui.
Le sénateur Runciman : C'est un rôle qu'il devrait jouer.
Mme Doyle : Oui.
Le sénateur Runciman : Très bien. Je suis d'accord avec vous.
Le vice-président : J'aimerais remercier les représentantes du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé de leur participation.
Puisqu'il n'y a plus de question, la séance est levée.
(La séance est levée.)