Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 16 - Témoignages du 9 mai 2017
OTTAWA, le mardi 9 mai 2017
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour poursuivre son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, bienvenue au Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Ce matin, nous poursuivons notre étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui les représentants de deux groupes de consommateurs. De l'Association pour la protection des automobilistes, nous recevons George Iny, le directeur du siège social, à Montréal. De plus, de l'Association canadienne des automobilistes, nous avons Ian Jack, qui est directeur général, Communications et relations gouvernementales des affaires publiques; et Jason Kerr, qui est directeur aux Relations gouvernementales des affaires publiques.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue. Je sais que vous êtes des habitués. Vous avez comparu l'an passé dans le cadre de l'étude du projet de loi S-2. Vous avez eu tellement de plaisir que vous vouliez revenir. Monsieur Jack, la parole est à vous.
Ian Jack, directeur général, Communications et relations gouvernementales des affaires publiques, Association canadienne des automobilistes : Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir invités à venir vous parler aujourd'hui de nos préoccupations et du point de vue des Canadiennes et des Canadiens au sujet des véhicules branchés et automatisés.
[Traduction]
La plupart d'entre vous connaissent notre association. Fondée en 1913, la CAA est une fédération à but non lucratif regroupant 9 clubs offrant à plus de 6,2 millions de membres, d'un océan à l'autre, de l'assistance routière, des services automobiles, des assurances, des récompenses et des services de voyage. Depuis ses débuts, la CAA défend aussi des causes au nom de ses membres. Aujourd'hui, il s'agit notamment de la sécurité routière, de l'environnement, de la mobilité, de l'infrastructure et de la protection des consommateurs.
Près d'un automobiliste adulte sur quatre dans chaque province est membre de la CAA. Aujourd'hui, nos observations vous apporteront une perspective importante — celle des conducteurs — sur les véhicules branchés et autonomes.
[Français]
Il est à la fois logique et utile d'étudier en parallèle les véhicules branchés et autonomes, puisque leur développement est interrelié, mais il ne faut pas oublier pour autant qu'ils ne sont pas identiques. La technologie des véhicules dits branchés est déjà répandue. En fait, pratiquement tous les véhicules qui sortent des usines aujourd'hui ont une forme quelconque d'automatisation; pensons notamment aux régulateurs de vitesse ou aux systèmes d'aide au stationnement. Cependant, il faudra encore plusieurs années, jusqu'à 30 ans peut-être, avant que les véhicules entièrement automatisés ou autonomes deviennent monnaie courante.
[Traduction]
Pareillement, le comité s'en voudrait de ne pas inclure les véhicules électriques dans son étude. Mais, ici aussi, il faut savoir qu'un véhicule électrique n'est pas synonyme de véhicule autonome ou de véhicule branché. Il ne serait pas étonnant que l'on conduise un jour des autos qui soient à la fois autonomes et branchées, mais qui ne seraient pas alimentées par un moteur à combustion interne. Ces nouveautés, bien que toutes liées, évolueront à leur propre rythme et présenteront leurs propres débouchés et difficultés, autant pour les consommateurs que les fabricants et les décisionnaires.
En ce qui concerne les véhicules branchés qu'on voit sur nos routes, des masses de données sont déjà recueillies. Dans le secteur des technologies, beaucoup de gens estiment qu'un véhicule pourra bientôt émettre à lui seul pas moins d'un giga-octet de données par seconde. En mai 2015, le fabricant Tesla a déclaré avoir recueilli pour 780 millions de milles de données de navigation sur les 18 mois précédents et dit qu'il récolte maintenant un autre million de milles toutes les 10 heures.
[Français]
Chez CAA, nous croyons que l'un des enjeux les plus urgents actuellement dans le domaine des véhicules branchés et automatisés est lié à la transparence des données enregistrées par le véhicule et le contrôle du consommateur sur ces données.
[Traduction]
Selon un sondage pancanadien commandé par la CAA en février 2017, 49 p. 100 des Canadiens ont déclaré ne pas être au courant de l'étendue des données émises par leur véhicule. Et en ce qui concerne la transmission de ces données, 90 p.100 des Canadiens estiment que c'est au consommateur qu'il revient de décider qui y aura accès.
Il est intéressant de noter que, selon le même sondage, près de 70 p. 100 des Canadiens jugent que la technologie de données à bord des véhicules est très ou quelque peu avantageuse, tandis qu'une forte majorité juge aussi la chose inquiétante. Oui, cela fait plus de 100 p 100. Cela s'explique par le fait que bon nombre de Canadiens voient à la fois les avantages et les risques de la technologie. Ceux qui se disent inquiets ne sont pas nécessairement des dinosaures : cela comprend aussi les gens qui aiment adopter de nouvelles technologies.
[Français]
Dans l'ensemble, le sondage a révélé que 81 p. 100 des Canadiens ressentent le besoin que des règles claires soient mises en place et appliquées pour protéger la confidentialité des données qui les concerne dans le système des véhicules.
[Traduction]
La CAA maintient depuis longtemps que les propriétaires de véhicules devraient être informés des données qu'on recueille et pouvoir, dans les limites du raisonnable, choisir à qui les transmettre. Il ne serait guère utile d'opter pour une approche du tout ou rien, où les automobilistes seraient forcés d'abandonner leurs droits à la vie privée pour profiter des avantages de la technologie. Après tout, dans ce nouvel univers, votre véhicule n'en saura pas plus sur vous que votre téléphone.
Dans ce contexte, nous sommes d'accord avec les propos tenus ici le mois dernier par M. Therrien, le commissaire à la vie privée, qui souhaitait voir la création d'un code de pratique pour la protection des renseignements personnels dans le contexte des automobiles branchées. Il recommandait aussi que le fédéral se montre proactif plutôt que de réagir uniquement aux plaintes en matière de vie privée. Pour autant, il ne faudrait pas conclure que l'intérêt des consommateurs est sauf, juste parce que le gouvernement envisage de financer un rapport venant d'un tiers ou qu'il s'engage à se montrer proactif.
Nous signalons aussi que le Sénat américain est actuellement saisi d'un projet de loi sur la sécurité et la protection des renseignements personnels dans les véhicules qui porterait création de normes fédérales sur la sécurité des autos américaines et le droit à la vie privée des automobilistes. La loi prévoirait un système de cotation de la protection des renseignements personnels ainsi qu'un avis explicite et bien en vue qui préciserait quelles données seraient recueillies, à quelles fins et si elles seraient transmises ou sauvegardées. Finalement, la loi donnerait à l'automobiliste la possibilité de refuser la cueillette de données sans que cela l'empêche de se servir des outils de navigation. C'est une loi intéressante.
[Français]
Je sais que le temps file et que votre rapport ne porte pas seulement sur la confidentialité des données, alors en terminant, j'aimerais parler un peu plus des véhicules autonomes.
[Traduction]
Interrogés sur les avantages des voitures autonomes, seulement 50 p. 100 des répondants pensent que ce type de véhicules leur donnera plus de temps pour leurs loisirs pendant leur trajet. Cela contredit ce que bon nombre de spécialistes voient comme principal avantage. Les principaux avantages cités sont l'accessibilité accrue pour les personnes à mobilité réduite et la lutte contre la fatigue au volant.
[Français]
Il ne fait aucun doute que les véhicules autonomes joueront en faveur de la sécurité routière. La CAA appuie donc le développement responsable de ces véhicules. Quant à l'ère des véhicules connectés, nous y sommes déjà et leur omniprésence sur les routes n'est plus qu'une question de temps. C'est pourquoi nous saluons l'occasion que nous offre cette étude. C'est maintenant, avant d'être emportés par la vague, que les décideurs doivent mesurer le rôle du gouvernement fédéral dans ce dossier et les ramifications qu'auront ces avancées technologiques pour les citoyens.
[Traduction]
Outre la protection des renseignements personnels, il faut tenir compte de bien d'autres questions : l'acceptation des consommateurs, la mise à niveau de l'infrastructure gouvernementale, les questions morales et éthiques, les conséquences pour les assureurs et, à terme, la cohabitation des véhicules autonomes et des véhicules dits « non intelligents » sur les routes partagées.
Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner et sommes prêts à répondre à vos questions.
[Français]
George Iny, directeur, siège social, Association pour la protection des automobilistes : Monsieur le président, l'Association pour la protection des automobilistes (APA) st un organisme d'intérêt public qui a des bureaux à Montréal et à Toronto. Nous desservons l'ensemble du Canada. L'association a été fondée en 1969 par deux Américains qui sont venus s'installer au Canada et qui travaillaient auparavant pour l'équipe de Ralph Nader, aux États-Unis, laquelle faisait partie de l'ensemble des associations qui ont vu le jour à cette époque de contestations sociales. Il y a plusieurs associations de consommateurs au Québec, dont un nombre important existe encore aujourd'hui.
L'APA intervient pour défendre les intérêts des consommateurs et consommatrices. Nous appuyons à l'occasion des recours collectifs. Nous sommes parfois requérants et, d'ailleurs, nous avons une audition devant la Cour suprême à la fin du mois dans le cadre de l'un de nos recours. L'APA fait aussi l'évaluation des commerces quant à leurs pratiques de vente dans le cadre d'enquêtes anonymes menées sur le terrain et souvent commanditées par le gouvernement. En outre, l'association mène un programme d'essai de véhicules neufs en collaboration avec la revue Protégez-vous, que certains connaissent.
Nous sommes une petite association d'environ une douzaine de personnes et nous tentons d'améliorer un peu notre rayonnement avec l'aide d'experts de l'industrie qui se joignent souvent à nous à titre volontaire, de façon très discrète.
Nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de certains enjeux, parce que votre enquête est vaste. Nous savons que d'autres experts viendront témoigner dans les semaines à venir, et nous ne voulons pas nécessairement aborder les mêmes questions qu'eux. Nous tenterons de compléter le tableau en cernant certaines préoccupations qui n'ont peut- être pas encore été discutées.
[Traduction]
Comme Ian l'a dit plus tôt, dans une certaine mesure, bon nombre de véhicules que nous conduisons offrent déjà une forme limitée de conduite automatisée, comme le régulateur de vitesse. En vertu de la loi, tous les véhicules possèdent maintenant un système de stabilité — même si les propriétaires ne le savent pas — qui prend le relais lorsque le véhicule se dirige hors de la route. Donc, le véhicule intervient — le conducteur ne le sait peut-être même pas — pour essayer de se redresser. Par conséquent, même si vous sortez de la route et frappez un poteau, par exemple, vous le percuterez probablement de front. Même à cet égard, l'automatisation a aidé à réduire les blessures.
Ces dispositifs ont été mis au point par des fabricants de véhicules de la vieille école, qui fabriquaient déjà les véhicules proprement dits, et ils se veulent des ajouts que l'on peut intégrer aux systèmes du véhicule. On ne les a pas considérés comme étant révolutionnaires. Ce n'était que de nouveaux dispositifs, de nouvelles technologies. Le régime juridique qui les régit demeure inchangé. Même s'il existe maintenant des voitures qui peuvent se garer elles-mêmes lorsqu'on appuie sur un bouton, il n'a pas été nécessaire de passer en revue l'ensemble des risques couverts, et le conducteur est encore le principal responsable de la maîtrise du véhicule.
Si nous décidons d'accroître davantage l'autonomie des véhicules et d'adopter ce qui semble être un échéancier beaucoup plus serré, d'après ce que nous avons vu, ce sera fait au plus tôt dans 3 ans et au plus tard, dans 30 ans. Lorsqu'il s'agit d'une technologie perturbatrice, il est très difficile de prédire exactement quand et à quelle vitesse elle sera déployée.
De toute évidence, l'arrivée de cette technologie nous obligera à revoir le cadre juridique ou les protections que nous avons actuellement, et aussi la mesure dans laquelle nous pourrons l'adapter à l'avenir. Dans une certaine mesure, l'avenir repose fermement sur le passé, et lorsque nous remarquons des lacunes, nous serons capables de les corriger de manière proactive; c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Je veux attirer votre attention sur certaines de ces questions.
Il existe aussi d'autres moyens de transport qui ont recours à un haut niveau d'automatisation ainsi qu'à une certaine communication entre véhicules.
L'ascenseur est généralement considéré comme le moyen de transport de personnes le plus sécuritaire. De toute évidence, l'ascenseur est entièrement automatisé de nos jours, mais cela n'a pas toujours été ainsi. Les ascenseurs communiquent entre eux au moyen de systèmes rudimentaires pour éviter qu'ils n'arrivent tous en même temps au même étage. Il peut sembler normal d'appuyer sur un bouton lorsque l'on entre dans un ascenseur. Cela n'a pas toujours été le cas. Il y en a peut-être parmi vous qui se souviennent des valets d'ascenseur.
L'aviation est peut-être l'autre domaine dans lequel des experts d'autres disciplines aux prises avec les mêmes problèmes pourraient fournir une sorte de feuille de route.
Les humains ont une mauvaise réputation en tant que conducteurs. Quand on y pense, si quelqu'un proposait de nos jours un moyen de transport qui permet de se déplacer jusqu'à 200 kilomètres à l'heure et que nous maîtrisons pleinement, nous n'autoriserions probablement pas de simples particuliers à l'utiliser. Les collisions sont l'une des principales causes de blessures ou de décès chez les jeunes. Les facteurs humains — les chiffres varient un peu d'une étude à l'autre — sont en cause dans plus de 95 p. 100 des collisions, en dépit de ce que nous pensons. Les experts disent, par exemple, que même si la chaussée était glissante, le conducteur allait trop vite lorsqu'on tient compte des conditions, ce qui constitue sans aucun doute une erreur humaine.
Ce qui inquiète les experts, c'est que malgré les améliorations dans la protection des occupants — les véhicules sont devenus une sorte de boîte d'œufs; on est protégé de tous les côtés —, nous n'avons pas observé la réduction du nombre de décès ou de blessures que nous espérions obtenir. Après la réduction importante observée au cours des 10 dernières années, nous semblons être arrivés au point où le nombre d'incidents ne change plus. On explique cette situation par le fait que nous ne faisons pas attention, qu'un plus grand nombre de choses qu'avant retiennent notre attention au volant. Les véhicules étaient déjà munis d'un dispositif de communication bidirectionnelle avant que cela ne fasse l'objet d'une étude exhaustive, ou peut-être avant qu'on comprenne à quel point c'est risqué. Je parle de la communication avec l'utilisateur au moyen d'un téléphone cellulaire. Compte tenu de ce que nous savons maintenant, cette technologie aurait été conçue de manière à ce qu'on ne puisse pas l'utiliser dans une voiture, rien de moins. Peu de données prouvent, par exemple, que la communication mains libres est plus sécuritaire. C'est plus une question d'attention, d'attention partagée, qu'une question de conduite à une main.
L'autre préoccupation, bien entendu, c'est que nous encourageons les gens à utiliser d'autres moyens de transport, et comme il y a un plus grand nombre de piétons et de cyclistes sur les routes, ils sont plus nombreux à être impliqués dans les collisions. Un véhicule intelligent qui observe constamment tout ce qui l'entoure pourrait réduire considérablement le nombre de collisions.
Si nous n'envisageons pas de tout repenser, mais tout simplement d'ajouter la technologie aux véhicules existants dans lesquels il y a encore quelqu'un au volant, les premières données à notre disposition laissent croire qu'il y aura de 30 à 40 p. 100 moins de collisions impliquant ces véhicules. Ces véhicules regarderont, ressentiront et conduiront. Vous en conduisez peut-être déjà un si vous avez une voiture européenne haut de gamme. De nombreux véhicules vendus l'année dernière sont déjà munis de ces dispositifs. Le véhicule vous avertit lorsqu'un objet est trop proche du devant du véhicule. Il pourrait être capable de vous prévenir de la présence d'un piéton, et il freinera si vous n'intervenez pas, ou retournera dans sa voie si vous ne réagissez pas. Les dispositifs de ces véhicules peuvent déjà réduire les collisions dans une proportion de 30 ou 40 p. 100. C'est apparemment ce que les données indiquent.
Dans le milieu de la santé publique, une réduction de l'ordre de 30 p. 100 est renversante; c'est énorme. On se bat pour de petites améliorations, et c'est donc un départ très prometteur et une approche adaptée au cadre juridique actuel.
La loi fédérale exige que le fabricant automobile qui constate un défaut dans un véhicule soit tenu d'en donner avis au gouvernement et aux propriétaires du véhicule. Grâce au travail que vous avez fait l'automne dernier, nous espérons que les fabricants devront bientôt faire le rappel gratuitement. Cela fonctionne actuellement ainsi, et la correction est presque toujours apportée sans frais.
La loi exige également que les entreprises fournissent au gouvernement les moyens d'extraire ou d'analyser les renseignements créés ou recueillis par le véhicule ou l'équipement. C'est important, car de nos jours, des données sont déjà enregistrées par les véhicules avant un accident. En effet, le véhicule enregistre déjà les données des 30 dernières secondes ou des deux dernières minutes, comme la vitesse, l'utilisation des freins et le changement de vitesse. Les entreprises ne transmettaient pas toujours cette information au gouvernement, même si le véhicule la recueillait, mais c'est une obligation.
Les lois provinciales et fédérales considèrent que la personne qui a la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur, qu'il soit en mouvement ou non, est la principale partie responsable de son fonctionnement sécuritaire. C'est fondé sur un modèle selon lequel le conducteur est au volant, pas dans un véhicule entièrement automatisé.
De retour à la loi, pour trouver une analogie, il faut remonter avant l'époque de l'automobile, probablement à celle des chevaux et des chariots. Bien entendu, les chevaux étaient partiellement automatisés. L'animal n'écoutait pas toujours le cocher. Il avait parfois peur, ce qui entraînait des dommages. Il est arrivé que l'on doive déterminer à qui revenait la responsabilité. Le propriétaire disait que le cheval avait agi de manière spontanée et indépendante, qu'il ne le maîtrisait pas. Bien entendu, la partie lésée faisait valoir que le propriétaire du cheval en était responsable. Pour élaborer un cadre, nous devrons peut-être remonter dans le temps afin de voir comment on tranchait ces questions. Nous pourrons peut-être ainsi distinguer ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas.
Les fabricants d'automobiles possèdent déjà des millions de véhicules que nous conduisons tous les jours. Ils font l'objet de contrats de location. En théorie, en tant que propriétaires, ils pourraient être tenus responsables et subir une perte si le bien loué est détruit. Les fabricants d'automobiles ont trouvé un moyen de contourner le problème : ils exigent une assurance adéquate. Ils déterminent le niveau de responsabilité que vous devez assumer et les protections minimales contre les collisions. Ce sont les modalités du contrat de location. Le système d'autopilotage d'un véhicule pourrait lui-même faire l'objet d'une assurance que l'utilisateur serait obligé de payer; c'est possible.
J'en parle aujourd'hui parce qu'on a avancé que le cadre juridique est insurmontable ou qu'il n'est pas à la hauteur. Pourtant, il y a déjà des situations analogues et il pourrait y avoir d'autres moyens de transport, comme l'avion et l'ascenseur, pour lesquels on s'est déjà penché sur la question.
Il y a finalement la protection des renseignements personnels. Dans le manuel du propriétaire d'un nouveau véhicule que vous avez acheté, il est clairement indiqué que vous possédez les données électroniques enregistrées par votre véhicule avant une collision et que personne ne peut s'en servir sans votre autorisation ou celle d'un tribunal. La difficulté, c'est que ce n'est peut-être pas les seules données recueillies par votre véhicule. Par exemple, si vous vous abonnez à certains services de conciergerie, on peut vous demander de signer, lorsque les services sont offerts, un formulaire de divulgation ou de consentement qui autorise l'échange ou l'utilisation de renseignements personnels. La seule façon de pouvoir obtenir les services est de signer le document ou de cocher la case qui dit « j'accepte ». D'un côté, l'industrie reconnaît explicitement que les données sur le véhicule vous appartiennent, mais, de l'autre, vous acceptez de transmettre certaines données. Il faudra se demander si la protection actuelle...
Le président : Pouvons-nous passer aux questions sous peu?
M. Iny : Je serai bref.
Les données doivent être mises à la disposition du gouvernement, et Transports Canada doit s'outiller pour cette ère nouvelle. Nous croyons qu'il serait utile de créer une équipe d'environ trois à cinq personnes disposant de l'expertise et des ressources appropriées. Elle devrait être composée d'ingénieurs formés au codage informatique requis et d'autres spécialisations — et on ne devrait pas forcément faire des transferts et aller chercher des gens dans d'autres ministères, mais plutôt trouver les personnes qui ont les compétences voulues. Cela vous permettrait de faire enquête lorsque des véhicules autonomes ou partiellement autonomes sont impliqués dans un accident, de recourir aux compétences et aux technologies les plus récentes et de participer aux recherches.
Nous pourrions également avoir des groupes de travail — le gouvernement en avait dans le passé. On les appelait les organismes nationaux de la sécurité publique. Ces organismes étaient multidisciplinaires et incluaient la police. Ils pourraient inclure les fabricants d'automobiles, certainement les fabricants des systèmes de guidage. L'idée est que ce groupe pourrait relever les problèmes émergents et contribuer à élaborer des stratégies pour régler les problèmes avant que les véhicules ne circulent sur les routes.
On a l'impression à l'heure actuelle que le secteur change trop rapidement pour permettre à la réglementation d'être efficace et fait en sorte de la rendre désuète rapidement. Cependant, il y a d'autres outils, que ce soit un protocole d'entente ou un autre mécanisme, où il y a d'importants intervenants à la table qui prennent l'engagement de respecter certaines normes. Je pense que c'est très important avant que les véhicules circulent sur les routes et soient conduits par des personnes.
J'ai terminé mes remarques.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je souhaite la bienvenue à nos invités, et je vous remercie de vos exposés.
Monsieur Jack, au cours de la dernière décennie, est-ce que l'apparition des voitures semi-intelligentes a beaucoup changé votre relation avec la clientèle? On attendait de la CAA du dépannage pour les batteries, et cetera; la technologie fait-elle en sorte que le rôle de la CAA évolue et change avec le temps?
M. Jack : Je vous remercie de cette question.
[Traduction]
Il ne fait aucun doute qu'il y a un défi opérationnel à long terme pour nous tous dans l'industrie automobile pour tracer la voie à suivre. À court terme, nous n'avons vu aucune incidence sur les activités de la CAA. Nous continuons d'enregistrer une croissance de 100 000 ou 200 000 appels chaque année, peu importe l'économie ou les nouveautés, et nous en sommes très heureux.
Les deux ou trois principales raisons pour lesquelles les gens nous appellent sont parce que leur batterie est à plat, qu'ils ont laissé les clés dans leur voiture et ont verrouillé les portières ou qu'ils doivent changer un pneu en bordure de la route. On peut s'attendre à ce que deux de ces trois raisons disparaissent d'ici les 5 à 10 prochaines années. Je ne pense tout simplement pas que les gens auront des clés dans les 5 à 10 prochaines années. C'est une amélioration technologique simple que nous voyons dans de nombreux véhicules de nos jours, et nous nous attendons à ce que les batteries continuent d'être améliorées.
Par ailleurs, dans ce pays, nous aurons toujours — pour quelques centaines d'années à tout le moins — un hiver. Par conséquent, les batteries continueront de tomber à plat et les gens continueront d'avoir des problèmes.
C'est une excellente question à propos de l'avenir, pas seulement pour nous, mais aussi pour les marchés secondaires de l'automobile, les gens qui réparent les véhicules, surtout les petites entreprises familiales, par opposition aux concessionnaires. L'accès aux logiciels pour réparer les véhicules est problématique. Nous voyons déjà que Tesla fait des mises à jour logicielles à partir de l'usine, ce qui réduit de nombreux problèmes. À mesure que les véhicules deviennent de plus en plus des téléphones intelligents roulants, il y aura de plus en plus de solutions logicielles par opposition à des marteaux à panne ronde et à des clés à douilles pour régler les problèmes des véhicules. Je pense que c'est un peu ce que l'avenir nous réserve.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Iny, vous avez soulevé deux éléments dans votre mémoire qui ont attiré mon attention. Le premier est de renforcer la capacité de Transports Canada et le deuxième est la collaboration plus évidente entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, y compris avec les municipalités. Ces deux éléments ont aussi été soulevés par d'autres intervenants, y compris le fait que le leadership fédéral dans ce domaine semble relativement éclaté. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces deux éléments?
M. Iny : Dans le cas du premier élément, lorsqu'un véhicule est commandé de façon autonome ou semi-autonome, lors d'une situation d'urgence avant un impact, il faut analyser le programme et avoir les outils pour interroger le véhicule pour savoir où est stockée l'information. La loi actuelle prévoit que l'information soit contenue dans le véhicule, mais aujourd'hui, elle peut être stockée dans le nuage ou à l'extérieur du Canada. On voudrait que Transports Canada ait du personnel compétent pour faire ces analyses et interroger le véhicule convenablement, et il faut que les entreprises comprennent que le rayonnement de l'accès comprendra toute l'information colligée par le véhicule, et peut-être même par d'autres véhicules si l'impact implique plus d'un véhicule. C'était un peu notre souci.
On avait été témoin de cette situation, il y a une dizaine d'années, lorsque Toyota avait des appareils qui pouvaient enregistrer les conditions avant un impact. On avait énoncé des allégations, mais Transports Canada n'avait pas été mis au courant et, lorsqu'il l'a appris, il n'avait pas l'outil pour interroger le véhicule. Cela ne devrait pas se reproduire à l'avenir. Par exemple, si vous prenez la culture d'une compagnie comme Uber, celle-ci n'est pas très ouverte à partager son information, même avec les sociétés de transport qui feront peut-être affaire avec elle. Elle insiste sur la confidentialité. Nous voulons que ce soit bien clair que, en matière de sécurité, cette règle ne s'applique pas.
Quant à votre deuxième question, effectivement, si on regarde l'histoire de l'automobile, les premiers permis de conduire et les premières permissions de circuler émanaient des municipalités. On allait à l'hôtel de ville, on connaissait le maire ou quelqu'un d'influent et on obtenait le droit de prendre une calèche pour circuler sur les routes. On voit la même chose se produire maintenant. Ce sont les municipalités qui ont innové. Certaines provinces ont commencé à intervenir, mais l'idéal, ce serait d'avoir des normes et une certaine concertation, au lieu d'un nivellement par le bas.
Le sénateur Boisvenu : J'aimerais faire un peu de publicité pour la revue que vous publiez, monsieur Iny. Il s'agit de la revue Protégez-vous, qui est très belle. Je vous encourage tous à vous la procurer et à la consulter pour déterminer si votre véhicule constitue un bon achat.
Le sénateur Cormier : Messieurs, je vous remercie de vos présentations, et surtout du travail que vous faites pour la protection des consommateurs.
En fait, selon un sondage réalisé par le cabinet McKinsey & Company, il semblerait que les attitudes à l'égard des voitures branchées ou automatisées varient en fonction de l'âge, de la situation géographique et du niveau de revenu. Ma question s'adresse à M. Jack. Savez-vous si vos membres ont cette même préoccupation? Est-ce que le taux d'adhésion au concept des véhicules automatisés varie en fonction de l'âge, de la situation géographique et des revenus? Si oui, quels seraient les enjeux pour le plein déploiement des voitures automatisées dans les régions rurales, notamment?
M. Jack : Les plus jeunes sont plus ouverts à la technologie, mais pour nous, la surprise, c'était que les chiffres n'étaient pas très différents. On a vu une différence d'environ 10 points de pourcentage lorsqu'on a fait notre sondage auprès des jeunes et des personnes plus âgées.
[Traduction]
Nous estimons qu'il n'y a pas une grande différence sur cette question. L'un des points que j'ai soulevés dans mes remarques liminaires, c'est que lorsque nous avons examiné les données et avons isolé les gens qui réagissent favorablement aux technologies, je pense qu'environ 63 p. 100 des gens avaient des préoccupations.
[Français]
Les gens avec les Apple Watch.
[Traduction]
Quelque 60 p. 100 d'entre eux voient l'autre côté de la médaille également. Nous trouvons cela très intéressant.
[Français]
Le sénateur Cormier : Monsieur Iny, en ce qui concerne le consentement du citoyen à donner accès aux données, dans notre vie quotidienne, on nous demande régulièrement d'y consentir afin de pouvoir avoir accès à un service. À votre avis, quel rôle pourrait jouer le gouvernement fédéral afin de mieux sensibiliser les citoyens à cette question? On a facilement tendance à consentir, et cela peut avoir un impact négatif, évidemment, sur la circulation des données.
M. Iny : À notre avis, la notion classique du consentement, qui est une entente libre négociée entre deux parties qui connaissent tous les aléas de la chose, ne s'applique pas ici. C'est un faux consentement lorsqu'on demande à quelqu'un de cocher une petite case pour lui donner accès à un nouveau logiciel sur son appareil, que ce soit pour une automobile, un téléphone ou un autre appareil. La personne désire obtenir la commodité, l'utilité du bien. Souvent, aussi, la petite case ne se limite pas seulement à un consentement quant à l'échange d'information, car il y a beaucoup d'autres choses qui l'accompagnent.
À notre avis, on doit avoir des balises et, tout d'abord, des priorités en matière de partage de l'information. Il est clair qu'une information collectée qui a une application en matière de sécurité ou de protection du public, ou peut-être pour interdire une activité criminelle ne sera pas traitée de la même façon que, par exemple, une information collectée à des fins purement économiques. Il y aura une hiérarchie et des règles. Ce serait l'idéal, et ce serait en dépit de ce à quoi le consommateur aurait consenti sans réfléchir, au moment de recevoir une application neuve.
[Traduction]
M. Jack : Si vous me le permettez, j'ajouterais que nous avons toujours discuté à la CAA de la notion de choix pour les consommateurs. Ils ne devraient probablement pas avoir le choix concernant les données anonymisées sur la sécurité. J'imagine que Transports Canada s'intéresserait beaucoup au concept d'une base de données sur les rappels en temps réel, où il pourrait voir en temps réel qu'un véhicule donné commence à avoir des problèmes de freins, par exemple. Ce concept serait utile pour le public et pour les questions de sécurité publique, comme George l'a dit.
Pour ce qui est des autres renseignements qui sont colligés, il y a la façon dont les gens conduisent — et nous parlons encore ici des 5 à 10 prochaines années pendant lesquelles ces données seront recueillies et pourront être transmises. Mais avant de faire la transition vers les véhicules complètement autonomes, que les gens posséderont individuellement ou non, on devrait donner le choix aux consommateurs. Nous avons donc utilisé la bonne vieille notion des stations de radio préprogrammées à titre d'exemple. Le fait de répondre par oui ou non à la question : « Voulez-vous tous les avantages de ce système, mais, soit dit en passant, nous allons utiliser toutes vos données et faire ce que nous voulons avec vos données? », comme George l'a dit, ce n'est pas vraiment un choix. Nous pensons que les gens doivent pouvoir dire : « Je suis disposé à communiquer cette information, mais peut-être pas celle-là. »
Comme nous l'avons dit, nous reconnaissons bien entendu que les gens ont le droit de garder l'anonymat. Les métadonnées au sujet des véhicules sur la route ne sont pas complètement anonymes cependant.
[Français]
M. Iny : Nous aimerions que ce soit réglé avant, et pas après. Nous avons vu comment il a été difficile de régler certaines questions, par exemple dans le cas de la liste des numéros de télécommunication exclus et du spam, parce qu'on n'avait pas été prévoyant au départ lorsque ces pratiques ont commencé. L'idéal est de commencer le travail maintenant et de rassembler les gens de l'industrie autour de la table pour qu'on comprenne bien tous les enjeux et pour qu'on trouve des moyens de créer un bon équilibre en ce qui concerne la protection des renseignements personnels.
[Traduction]
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Je suis membre de la CAA depuis plus de 30 ans.
M. Jack : Merci de la publicité que vous nous faites.
La sénatrice Galvez : Je sais que votre organisation est d'une grande aide aux automobilistes.
Cette question est très intéressante et importante et nous avons abordé de nombreux aspects, mais j'aimerais discuter avec vous de deux aspects. Premièrement, il y a la transition entre un véhicule autonome avec conducteur et l'électrification accrue du véhicule, et nous avons maintenant divers problèmes de sécurité. Un jour, les voitures n'auront plus de conducteur, et je veux savoir encore combien de temps il faudra et comment nous devrions procéder à la mise en œuvre. Nous sommes dans une période de transition à l'heure actuelle.
L'autre question porte sur les enjeux liés à la confidentialité des données. Je l'ai divisée en trois parties. Il y a les données qui me sont utiles, car ma voiture apprend comment je conduis. Si elle me dit : « Vous ne faites pas cette manœuvre correctement, vous devriez faire ceci », je vais bien entendu autoriser l'utilisation de mes données pour pouvoir apprendre et améliorer ma conduite.
Deuxièmement, l'entreprise veut ces données. Je ne pense pas que je veuille fournir ces données à l'entreprise pour qu'elle les utilise à d'autres fins. En tant que consommateur, je veux choisir qui peut utiliser ces données.
Troisièmement, quelqu'un peut proposer que si je donne mon consentement, alors ces données seront utilisées dans l'intérêt public. Je vais accepter si l'on peut me garantir que ces données seront utilisées par une université à des fins d'analyse, de collecte de mégadonnées ou de calcul des mégadonnées. Je donnerais peut-être mon consentement dans ces cas-là.
Je suis allée à l'Université Dalhousie, qui est la seule université qui travaille avec Tesla, et ces données sont utilisées. Si c'est dans l'intérêt de tous parce que c'est pour la recherche, alors je pense que j'accepterais.
Si vous discutez de cette question avec vos consommateurs, ils voudront peut-être voir ces aspects.
M. Jack : Oui. Puis-je commencer?
Le président : Oui.
M. Jack : Eh bien, comme presque tous vos témoins vous le diront, personne ne sait exactement quand cette transition aura lieu. C'est l'un des grands défis. C'est également la raison pour laquelle nous pensons qu'il est très judicieux pour un comité comme celui-ci de se pencher sur ce dossier à l'heure actuelle. Je pense que nous pouvons dire avec certitude que nous ne conduirons pas tous des véhicules autonomes dans deux ou trois ans d'ici, alors vous avez du temps pour mener votre étude et formuler vos recommandations, et les gouvernements fédéral et provinciaux auront le temps de mettre les processus en place pour se préparer.
L'un des aspects qu'on ne sait pas, c'est si les routes seront plus sécuritaires entretemps ou si elles seront plus dangereuses, à vrai dire, lorsque nous aurons divers modèles de véhicules en circulation. Je pense que nous pouvons dire sans nous tromper qu'elles ne seront pas plus sécuritaires. Nous verrons bien si ce sera le cas, mais vous aurez des conducteurs qui jugeront les robots et des robots qui tenteront de juger les conducteurs aux intersections. Ce sera une transition très difficile, à mon avis. On risque d'atteindre le seuil critique un peu plus tôt. Nous pourrions arriver à un point où les organismes de réglementation devront retirer des routes les voitures avec conducteur. Nous ne sommes pas encore rendus là, mais nous y arriverons un jour. Des programmes de rachat pourraient être mis en place notamment, car ce sera un défi de taille.
Ce qui pourrait aider sur le plan monétaire, pour faire un lien avec votre deuxième question, c'est la valeur du véhicule et les données qui sont recueillies. Nous pouvons donc parler du point de vue de la protection des renseignements personnels et du point de vue du commissaire Therrien, qui a comparu devant vous il y a quelques semaines et qui a parlé d'assurer un encadrement de l'industrie, ce que nous appuyons.
Une autre école de pensée, qui est un peu plus libertaire, c'est d'examiner la situation et de dire : « Ces données sont utiles. » Nous avons vu le travail d'un consultant qui, de façon très approximative, a calculé et a proposé un avenir possible où l'on pourrait acheter un véhicule d'une valeur de 40 000 à 50 000 $, mais si vous communiquez toutes les données, vous pourriez obtenir le véhicule pour 5 000 $, voire gratuitement, si vous commencez à calculer la valeur des données dans le véhicule.
En principe, c'est une façon intéressante d'envisager l'avenir. Pour être honnête, il pourrait valoir la peine pour un fabricant d'automobiles de racheter votre vieille voiture et de vous offrir un véhicule autonome, tout comme les entreprises de télécommunications adorent vous remettre un téléphone plus récent, apparemment gratuitement, car elles savent que vous utiliserez plus de données, et elles ont une emprise sur vous à ce moment-là. C'est fort probablement ce que l'avenir nous réserve. Ces données ont manifestement une valeur monétaire. Certaines personnes pourraient décider de les vendre.
M. Iny : Si on regarde le calendrier de mise en œuvre des nouvelles technologies dans l'industrie automobile, il faudra de 12 à 30 ans avant que la moitié des véhicules sur les routes aient une fonction particulière, l'air climatisé ou une transmission automatique, par exemple. La raison pour laquelle cela peut prendre autant de temps, c'est qu'un véhicule a une grande valeur. Donc, la flotte existante, même si les véhicules n'ont pas les fonctions les plus récentes, ne sera pas quelque chose qu'on jettera aux rebus — comme votre bonne vieille télévision lorsque vous avez acheté un écran plat ou votre magnétoscope lorsque vous avez acheté votre premier DVD —, car les véhicules sont des produits de valeur dans lesquels nous avons investi et pour lesquels nous avons effectué des paiements. Le modèle traditionnel est une mise en œuvre assez progressive de la nouvelle technologie.
La question qui se pose est la suivante : serait-il possible un jour — c'est ce dont Ian parlait — que le véhicule aura si peu de valeur parce qu'il n'est pas électrique et n'est pas branché, ce qui changerait la donne? Autrement, c'est sensiblement ce qui se passera. Il y aura une longue période de transition où des véhicules seront automatisés à différents niveaux.
Le président : Pour faire suite aux observations de la sénatrice Galvez, monsieur Jack, lorsque vous avez fait votre déclaration liminaire, vous avez parlé d'échanger ces données dans les véhicules. Mais dans les faits, on partagera les véhicules, car dans un milieu urbain, vous avez le véhicule de 9 heures à midi et une autre personne l'a de midi à 17 heures. Les données sont dans le véhicule et ne sont plus les vôtres. Où tracez-vous la ligne entre les données personnelles que la sénatrice Galvez tient à protéger et les données liées au véhicule qui sont moins personnelles? Le véhicule peut se rendre à un restaurant McDonald, mais si vous n'allez pas au McDonald, il ne vous y conduira pas. Où fixez-vous les limites en ce qui concerne l'échange de données?
M. Jack : Nous ne savons pas quelle en sera l'issue pour l'instant. À mesure que les fabricants d'automobiles font des progrès, les entreprises de technologie, qui conçoivent ces véhicules, essaient différents modèles. Elles veulent vraiment installer une connexion Wi-Fi derrière le tableau de bord. Il semble y avoir une tendance pour que les gens puissent faire fonctionner le véhicule à l'aide de leur téléphone intelligent.
J'espère que dans un avenir axé sur le partage de véhicules, le dirigeant de l'entreprise s'intéressera à ces deux aspects. Pour pouvoir monter à bord du véhicule, il vous faudra une pièce d'identité quelconque. Ce sera probablement votre téléphone. Il permettra au véhicule de savoir que c'est le sénateur Dawson qui est dans l'auto. Vous avez tout à fait raison de dire que certaines données sur les réparations — le niveau d'huile est bas ou doit être vérifié — sont liées au véhicule et non pas au passager Dennis Dawson qui est à bord du véhicule.
Je pense qu'il y aura deux sources de transmission, mais je ne peux imaginer que les propriétaires de ces véhicules, peu importe qui ils sont, ne voudront pas savoir qui est à bord de leurs véhicules. Par conséquent, ils pourront vérifier les données qui sont colligées dans le véhicule pendant que vous êtes à l'intérieur.
De plus, il y a l'exemple de l'hébergement Airbnb où quelqu'un dit : « Ma mère âgée et moi allons à Montréal pour la fin de semaine », mais en fin de compte, ce sont 16 jeunes hommes d'une maison d'étudiants qui débarquent et saccagent l'endroit. On pourrait s'imaginer que les propriétaires des véhicules, pour cette raison, voudront savoir que c'est vraiment le sénateur Dawson et son épouse au comportement exemplaire qui sont dans le véhicule et non pas quatre gars pour se rendre à l'Université Bishop pour la fin de semaine.
Le président : Merci, monsieur Jack.
La sénatrice Bovey : Ce dossier m'intéresse vivement, comme vous le savez, de même que le sondage de la CAA. Ma question est la suivante : comment le système gagnera-t-il la confiance du public? Combien de temps faudra-t-il, d'après vous, pour obtenir l'appui général de la population?
En examinant ce document et d'autres articles que j'ai lus, il semble y avoir de nombreux avis contradictoires. Les gens aiment l'idée. Ils sont emballés par l'idée. Ils en ont peur. Ils font davantage confiance à ce système qu'aux autres conducteurs. Ils aiment l'accessibilité, mais que se passera-t-il si on a un fauteuil roulant dans un véhicule autonome? Les opinions sont mitigées, avec environ 60 p. 100 des gens qui ont peur du concept, si l'on tient compte de la moyenne de deux ans, et on s'inquiète pour la responsabilité en cas d'accident. Quelle approche devons-nous adopter, compte tenu du fait que les gens sont emballés par l'idée, mais en ont peur, pour obtenir l'appui général?
M. Jack : Eh bien, je pense que les gens sont intelligents. Il n'y a pas de réponse à la majorité des questions que vous venez de soulever, alors il est tout à fait normal que les gens s'interrogent et s'inquiètent à propos de ces véhicules. Je pense qu'avec le temps, nous obtiendrons des réponses à la plupart de ces questions.
Nous nous trouvons à une réunion de comité gouvernemental, alors je pense qu'il serait bon que les décideurs nous guident gentiment dans ce domaine. Encore une fois, c'est la raison pour laquelle nous sommes très heureux; le moment est parfaitement choisi pour mener cette étude. Vous ne serez pas en mesure de répondre à toutes les questions concernant ce que le gouvernement et l'industrie devraient faire exactement, mais je pense qu'il faut servir de guide et expliquer clairement les questions qui doivent être traitées au cours des prochaines années, et dire ce qu'on attend du gouvernement et de l'industrie; ces démarches seront très utiles pour ce faire.
La sénatrice Bovey : Alors, quel est, selon vous, la principale question ou le principal conseil que nous devrions donner au gouvernement pour faire avancer ce dossier? Quelle est, à votre avis, la principale chose que le gouvernement devrait faire?
M. Jack : Je pense que ce sera une des technologies les plus transformatrices que nous ayons vues, si bien que les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, doivent la prendre au sérieux.
Une idée m'a traversé l'esprit tout à l'heure lorsque George parlait. Il a mentionné l'assurance. L'assurance- automobile est, en grande partie, une question de compétence provinciale, mais j'espère que le comité trouvera une façon de ne pas dire aux provinces quoi faire — jamais —, mais peut-être de dresser une liste de certaines des questions dont les décideurs provinciaux pourraient tenir compte.
Je pense que c'est le premier organe délibérant au pays à examiner sérieusement la question sous tous ses angles. En fait, ce serait très utile, car, à part la question de la sécurité du nouveau véhicule, le dossier de l'automobile a surtout été de compétence provinciale. Nous voyons avec le véhicule autonome que, soudainement, nous devons traiter des questions relatives au spectre, qui sont de compétence fédérale. Des questions internationales entrent aussi en ligne de compte, car vous ne voulez pas que votre voiture vous lâche à la frontière étatsunienne. Ce sont des questions de compétence fédérale. Nous nous penchons sur les questions interprovinciales dans lesquelles le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Je dirais que pour la première fois de l'histoire, le véhicule motorisé est en train de devenir au moins autant une question de compétence fédérale que provinciale.
Je vois des signes qui montrent que le gouvernement fédéral commence à prendre la chose au sérieux. Je sais qu'il compte un comité de direction générale qui commence à se pencher sur la question. Il serait très utile que vous les encouragiez subtilement dans cette voie.
La sénatrice Bovey : Merci.
Le président : Merci de nous faciliter beaucoup la tâche.
Le sénateur Runciman : Quand je regarde l'enquête que l'Earnscliffe Strategy Group a menée pour vous à la CAA, je présume qu'il s'agit de questions fermées?
M. Jack : C'est-à-dire?
Le sénateur Runciman : Les questions pour lesquelles vous avez des réponses. La firme de sondage pose cette gamme de questions.
M. Jack : C'est exact.
Le sénateur Runciman : Ils choisissent à partir de la gamme qui leur est présentée.
Je cherche à améliorer l'accessibilité des personnes à mobilité réduite comme les aînés. C'est seulement un secteur, mais nous avons accueilli un représentant du Victoria Transport Policy Institute.
M. Jack : Oui.
Le sénateur Runciman : La majorité des témoins qui sont passés devant le comité ont été très optimistes et enthousiastes, bien qu'ils aient exprimé des réserves.
Il s'agissait d'un témoin différent qui a soulevé nombre de questions intéressantes. Nous avons discuté des handicapés, par exemple, et il a parlé du problème d'entrer dans une automobile et d'en sortir, ces types de questions qui, selon moi, ne sont pas abordées dans pareilles enquêtes.
Il a parlé de taxis autonomes. Un taxi doit probablement être nettoyé assez régulièrement; il arrive, entre autres, que les gens soient malades dans les taxis.
M. Jack : Vous avez entendu le témoignage de Barrie Kirk.
Le sénateur Runciman : Il me semble donc qu'il pourrait être utile à un moment donné de poser aussi certaines de ces questions dans le cadre d'une enquête — de soulever certaines des questions auxquelles les gens n'ont peut-être pas pensé ou qu'ils n'ont pas envisagées. C'est une simple observation. Je pense qu'il a soulevé des points très valides que le comité devra prendre en compte, cela ne fait aucun doute.
Lorsqu'on parle de choses comme les services OnStar de GM, que font maintenant les constructeurs d'automobiles avec ces données? Les vendent-ils? Les conservent-ils, même après l'expiration de l'abonnement? Avez-vous des renseignements sur ce qui se passe aujourd'hui?
M. Jack : Je suis ravi que vous ayez posé la question.
Il y a trois ou quatre ans, le président de GM alors en poste disait qu'il voyait la télématique comme une possibilité de revenus tirés de nouveaux investissements à hauteur de 2 milliards de dollars pour l'entreprise. Cela tient toujours plus du rêve que de la réalité pour les constructeurs d'automobiles. Dans mes moments les plus espiègles, je les vois comme Gollum avec son précieux; ce qui compte, c'est de chercher et de récupérer « l'anneau ». Ils n'ont pas encore déterminé à quoi il servait ou quoi en faire.
Ils sont actuellement assis sur des montagnes de données dans l'espoir de les monnayer, mais cela ne s'est pas vraiment concrétisé, en grande partie parce qu'il s'agit de constructeurs d'automobiles et non de sociétés spécialisées dans les technologies. Nous pouvons nous attendre à ce qu'Uber, Google et les autres joueurs dans le secteur de la technologie trouvent un peu plus rapidement une façon de monnayer ces données.
Je vais seulement faire valoir deux ou trois arguments auprès de vous. Vous l'avez peut-être déjà vu, et je suis certain que vous en avez tenu compte dans vos travaux de recherche, mais l'enquête 2017 sur l'automobile de KPMG a soulevé un tas de questions intéressantes, notamment : « Qu'est-ce que les clients veulent en échange de leurs données? » En échange de leurs données, 84 p. 100 des consommateurs veulent bénéficier d'un avantage économique direct, tandis que 45 p. 100 des dirigeants du secteur de l'automobile croient qu'ils n'ont nul besoin de leur offrir quoi que ce soit en échange de ces données. Il s'agit de dirigeants du secteur qui ont été interrogés par KPMG, pas par des gauchistes radicaux cinglés comme nous. Il existe donc une dichotomie évidente. L'industrie a de l'espoir.
L'autre point que je vais soulever est que, l'an passé, le PDG d'Intel a déclaré : « Lorsqu'il est question de l'automobile de l'avenir, les données représentent littéralement le nouveau pétrole. » Et je n'accuserais jamais le magazine The Economist de plagiat, mais la nouvelle édition est apparue dans ma boîte de réception hier soir, et il y était aussi question du fait que les données sur les automobiles correspondent au nouveau pétrole.
Ces données sont très précieuses. Les constructeurs d'automobiles n'ont pas encore trouvé le moyen de les convertir, mais comme les Arabes avec leur pétrole, je suis sûr qu'ils y arriveront.
Le sénateur Runciman : Je me rappelle d'avoir vu une image de M. Ford, le dirigeant de Ford Motors, avec des signes de dollar dans les yeux en pensant à ce que l'avenir lui réservait.
M. Jack : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Runciman, je dirais que c'est acceptable du moment que les consommateurs en sont informés, qu'ils sont libres de dire « oui » ou « non », ou qu'ils ont leur mot à dire pour être dédommagés.
Le sénateur Runciman : Je ne suis pas certain si c'était M. Iny qui a fait allusion au piratage et au fait que 75 p. 100 des dirigeants du secteur de l'automobile ne sont pas dotés de stratégies sur les contre-mesures en ce qui touche le piratage. Je ne sais pas si cela montre qu'ils sont suffisants ou si cela révèle qu'ils ne s'intéressent qu'aux profits et pas aux importantes préoccupations de nombre de consommateurs.
M. Iny : C'est la culture. Le vol de voitures n'a rien de nouveau, et pendant plusieurs décennies, la clé était un article peu résistant qui coûtait quelques cents, et l'industrie s'opposait à devoir dépenser jusqu'à 4 $ par automobile pour une clé électronique.
L'industrie n'a pas assumé les coûts des vols de voiture; c'est le système pénal qui s'en est chargé. Elle n'a pas assumé les coûts de remplacement des automobiles, qui ont été couverts par les assurances. En conséquence, elle est, dans une certaine mesure, à l'abri de tout cela.
Le piratage est un nouveau type de vol. Je ne parle pas du terrorisme, car ce n'est pas mon domaine de spécialisation, mais, de toute évidence, si une personne pouvait simplement programmer votre automobile pour quitter votre entrée en pleine nuit sans avoir même à embaucher un humain pour ce faire, ce serait probablement plus sécuritaire, car l'automobile conduira mieux que la personne que vous embauchez pour faire ce genre de travail.
Mais, oui, il est possible que le nombre de vols augmente. Ce qui est clair, c'est que l'industrie ne s'y est pas adéquatement préparée. La disparition de la clé manuelle a fait en sorte qu'il soit plus facile de voler une voiture avec la bonne technologie, car il n'est plus nécessaire d'endommager le véhicule ou de demander à quelqu'un de forcer une serrure; il est possible de le faire à distance. Il vous faut toujours quelqu'un pour monter à bord et conduire.
C'est préoccupant.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais revenir à la question de la période de transition et de l'intégration d'un nombre croissant d'éléments. Nous sommes à l'ère des véhicules automatisés. La transition s'effectue graduellement, mais à un moment donné, nous allons en arriver à ce qu'on appelle l'automatisation de niveau 3, qui est décrite comme l'automatisation d'un système de conduite qui effectue tous les aspects de la conduite, sauf qu'un conducteur humain répondra de façon appropriée à une demande d'intervention. Les niveaux 4 et 5 vont même plus loin vers une conduite encore plus autonome.
J'ignore quand nous en arriverons au niveau 3 — peut-être bientôt, dans quelques années. Je ne sais pas qui achètera ces premiers véhicules. Il s'agira peut-être de gens qui ont pas mal d'argent, car ils pourraient être très coûteux. Je n'en sais rien.
La question est donc la suivante : comment faire en sorte que les gens puissent conduire de façon sécuritaire dans cette flotte de véhicules mixtes, avec certains des types de véhicules que nous avons aujourd'hui? Certaines personnes gardent leurs véhicules pendant longtemps. Il y a des routes de campagne, qui sont peut-être plus nombreuses que les rues urbaines. Ensuite, il y a les véhicules autonomes de niveau 3.
Un des témoins précédents a suggéré qu'on devrait peut-être leur réserver une voie sur les routes. Ce pourrait être un commencement. Il a aussi indiqué que cette voie desservirait les clients fortunés alors que ceux qui paient cette route avec leurs impôts ne pourraient pas l'emprunter. Il y a ici une question d'équité sociale.
Qu'en pensez-vous? Comment pouvons-nous nous préparer en prévision de cette situation où différents types de véhicules emprunteront les routes en même temps? Avons-nous besoin de choses comme des voies réservées?
Monsieur Iny, vous avez mentionné les ascenseurs, mais ceux-ci se trouvent dans des cages sur des rails, contrairement à ces automobiles.
J'aimerais que vous me fassiez part de vos suggestions à tous les deux concernant cette période d'intégration, car elle pourrait s'avérer très difficile.
M. Iny : Premièrement, il serait peut-être plus facile de programmer le véhicule automatisé pour reconnaître les comportements humains que le contraire. Je ne sais pas lequel serait le plus efficace.
Les gens qui instaurent la nouvelle technologie devraient reconnaître qu'elle sera exploitée parmi une flotte de véhicules mixtes. Nous espérons avoir la capacité de surveiller et d'intervenir si cette activité n'est pas sécuritaire.
Je pense qu'une voie réservée est probablement une bonne façon de déployer graduellement les véhicules, mais je ne pense pas que la séparation du système de transport se fasse jamais de cette façon. On pourrait l'avoir au départ, puisque nous avons déjà des voies réservées à certaines catégories de véhicules, et peut-être qu'elles pourraient devenir des voies pour les véhicules automatisés. Si nous envisageons une phase de mise en œuvre de 30 ans, alors ce sont de bonnes questions à poser.
Il est clair qu'une façon de contourner le problème est d'exiger qu'il y ait à la fois un conducteur humain et une fonction d'automatisation, ce qui voudra dire que le conducteur sera incité toutes les quelques secondes à poser les mains sur le volant. C'est ce que font les automobiles d'aujourd'hui, celles qui ont une capacité qui s'approche du niveau 3. Elles vous demandent de continuer à porter attention.
M. Jack : L'accident survenu avec la Tesla aux États-Unis a donné un exemple d'erreur humaine attribuable à la trop grande confiance que le conducteur accordait aux éléments automatisés de son véhicule quasi autonome.
Comme George l'affirme, à mon sens, ce n'est pas en raison de la technologie qu'il faudra probablement compter 30 ans pour assurer la transition. Nous y sommes presque, et je suis sûr que d'ici cinq ans, la technologie sera au point. Ce seront tous les autres facteurs qui seront en cause, qu'ils se rapportent à l'infrastructure ou au défi que vous avez décrit sur la façon d'intégrer les deux simultanément. C'est ce qui prendra beaucoup de temps et qui freinera l'industrie. Je pense que les gens vont s'habituer tranquillement à la technologie et que ce sera utile, mais cela laisse entendre qu'il faudra que la mise en œuvre soit graduelle.
Il est plus probable que les flottes de véhicules deviennent d'abord autonomes. Je peux voir une voie réservée sur la 401 aux camions autonomes. Ceux d'entre nous qui conduisent des véhicules personnels commenceront à le voir au fil du temps et, ensuite, nous finirons par nous y faire et la technologie deviendra plus grand public à ce moment-là.
Comme vous le savez sûrement, il existe déjà des exemples d'autobus autonomes en circuit fermé. Il s'agit d'une flotte de véhicules évidente.
Il y aura ensuite une flotte limitée de véhicules de service et, de là, on passera tranquillement aux véhicules personnels, non pas parce que la technologie ne sera pas au point, mais parce que, pendant les 5, 10 ou peut-être même 15 prochaines années, il s'agira de jouets pour les riches.
La flotte de véhicules est l'avenir le plus probable. Elle permettra aux gens de se faire à l'idée, et les choses évolueront ensuite.
Le sénateur Eggleton : Les contribuables devraient-ils payer tout cela alors que seules certaines entreprises ou personnes à l'aise posséderont ces types de véhicules?
M. Jack : Au plan commercial, je suppose que la réponse est oui. Une voie réservée aux camions sur la 401 offre des avantages économiques.
Je pense que l'industrie finira par payer la part du lion dans tout cela. Nous pouvons nous projeter 50 ans dans le futur, et qui sait à quoi ressemblera le monde? Je ne vois pas un avenir dans lequel les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral auront les moyens d'implanter des capteurs sous chaque kilomètre de chaque route au pays. En conséquence, pour que la technologie fonctionne au départ, elle devra se faire véhicule à véhicule, et ce n'est pas le gouvernement qui les mettra au point, mais bien le secteur privé. S'il veut vraiment que cela fonctionne, il devra élaborer les protocoles appropriés. Le rôle du fédéral sera de faire en sorte que le spectre soit présent; on pense, par exemple, à tout le travail qu'il accomplit maintenant pour les entreprises de télécommunications. C'est donc un fardeau supplémentaire. Nous passons maintenant à la connectivité 5G, et qui sait si ce ne sera pas 10G dans 10 ans, mais elle permet au gouvernement de générer des revenus.
Je ne vois pas un rôle gouvernemental important en matière d'infrastructure. Il est clair que sa contribution se fera plutôt du côté des politiques. Je suis sûr que vous avez déjà entendu des questions sur le nombre de véhicules- kilomètres qui seront parcourus. Ce nombre dictera la planification municipale. Aurons-nous besoin de stationnements intérieurs dans 20 ans? Que ferons-nous de ces espaces? Toutes ces questions seront intéressantes et influeront sur l'assiette fiscale, plus que l'éventualité que le gouvernement consacre des milliards de dollars au développement de l'infrastructure.
Jason Kerr, directeur, Relations gouvernementales des affaires publiques, Association canadienne des automobilistes : En décembre, j'ai assisté à une table ronde dans le cadre d'un forum de l'OCDE sur le transport international. Nous semblons toujours flirter avec l'idée d'une voie réservée à la circulation des véhicules autonomes. Une autre option à envisager a été soulevée à cette occasion, en l'occurrence, que le véhicule non intelligent soit garé en périphérie du centre-ville. Au centre, il n'y aura que des autobus et des taxis autonomes sur certaines rues, en gros des navettes qui transporteront tout le monde autour du centre. Ensuite, vous pouvez penser aux trains qui viendront au centre-ville et aux personnes qui seront transportées par des véhicules autonomes sur les derniers kilomètres.
Ce n'est pas uniquement le concept d'une voie réservée, bien que ce soit la première perception qu'on en aura, j'en conviens. Je pense que nous verrons la circulation en peloton de camions, de navettes et de taxis, avec des trains qui sont, dans certains cas, déjà autonomes puisqu'ils fonctionnent sur des rails. La technologie sera perfectionnée au fil des ans, si bien que les gens seront plus à l'aise de l'utiliser.
M. Iny : Au bout du compte, ce sera le contribuable qui paiera, peut-être pas sous forme d'impôts, mais d'une autre façon. Si nous tirons parti de cette initiative, espérons qu'elle générera des revenus supérieurs aux coûts.
La dernière fois que nous avons fait ces énormes investissements dans l'infrastructure, c'était à l'époque de l'arrivée des véhicules motorisés, lorsqu'il a fallu installer la signalisation dans les villes aux carrefours, ce qui n'existait pas auparavant. La signalisation routière a dû changer de façon dramatique, ainsi que la voirie. Cela coûte extrêmement cher.
Il est trop difficile de prévoir ce qui arrivera dans l'avenir. Comme Ian l'a expliqué cependant, la plupart s'entendront pour dire que cette fois-ci, il faudra dépenser sur les véhicules. La société ne sera pas aussi prête à assumer les coûts comme elle l'a fait pour les grands projets d'infrastructure routière des années 1920 et des années 1950.
Le sénateur Eggleton : En ce qui concerne la politique publique et les divers ordres de gouvernement, devrions-nous mettre à jour les lois ou encore en rédiger de nouvelles afin de tenir compte des véhicules autonomes, notamment pendant la période de transition? Ce que nous avons actuellement est basique. Nous avons des instruments qui portent sur la sécurité et les divers aspects qui concernent le gouvernement. Devrions-nous les conserver, en apportant quelques amendements afin de tenir compte des véhicules automatisés, ou le moment est-il venu de recommencer à zéro?
M. Iny : Moi, j'aime bien faire fond sur ce qui existe déjà et fonctionne. Les lois sont très prévisibles lorsqu'elles reposent sur des dispositions antérieures, alors qu'elles le sont beaucoup moins lorsque l'on fait table rase. Si l'on peut trouver l'essentiel de ce qu'il nous faut dans ce qui existe déjà, on devrait s'en servir comme base.
On en a parlé plus tôt, mais la situation évolue tellement rapidement qu'un règlement pris maintenant risquerait de devenir caduc rapidement. Il y a peut-être d'autres façons de procéder en sollicitant l'engagement actif des intervenants, non seulement les constructeurs de véhicules conventionnels, mais également les sociétés qui créent ces nouvelles technologies, en utilisant d'autres outils tels que des circulaires qui seraient valides pendant cinq ans. Dans un monde idéal, on le ferait de façon proactive avant que ces véhicules ne soient déjà sur nos routes, car à ce moment- là, vous rencontrerez énormément de résistance de la part des sociétés, qui vous reprocheront votre ingérence dans leur secteur.
Le sénateur Runciman : J'aimerais en savoir plus sur les essais sur la route. Quel rôle occupent les gouvernements pour ce qui est des voitures qui arrivent sur le marché? Nous avons parlé à Ralph Nader dans le passé et à Volkswagen plus récemment, qui a pris quelques engagements, mais dans bien des cas, leurs propos n'étaient pas exacts, c'est le moins que l'on puisse dire.
Quel est le processus actuel pour obtenir l'approbation du gouvernement? Par exemple, je sais que le véhicule semi- autonome de Tesla a provoqué un accident mortel en Floride, et on a décelé un problème dans le système de pilotage automatique. Quel est le processus actuel et à quoi ressemblera-t-il dans l'avenir?
M. Iny : Actuellement, on suppose que c'est un humain aux commandes du véhicule, et il faut obtenir une exemption à des fins de recherche s'il n'y en a pas. Si nous prenons le cas des voitures semi-autonomes, on pourrait probablement les intégrer au régime actuel, car l'humain doit toujours faire attention et le véhicule est doté de détecteurs de sécurité qui éteindront le système s'ils perçoivent que l'humain ne fait pas du tout attention. C'est là où nous en sommes maintenant.
Or, nous sommes ici aujourd'hui pour vous parler de la prochaine étape.
Oui, on pourrait envisager que quelqu'un voudrait tricher ou n'effectuerait pas suffisamment d'essais pour avoir une longueur d'avance. Nous avons un système en place pour ces cas de figure. Il fonctionne bien la plupart du temps, mais il faudra l'améliorer afin de réagir à ces cas de figure lorsqu'ils se présenteront.
J'espère que nous ne verrons jamais ces échecs spectaculaires comme celui que vous avez mentionné avec Volkswagen ou General Motors qui, pendant plus d'une décennie, ont agi avec la certitude, plus ou moins, que les autorités ne pourraient pas les épingler.
M. Jack : Vous ne serez guère étonnés d'apprendre que l'approche canadienne est normalement plus précautionneuse pour ce qui est d'autoriser ce genre de choses. On en est au Far West dans quelques États américains actuellement, et je soupçonne que les autorités concernées sont en train de repenser leur attitude.
J'aimerais vous faire un autre commentaire qui réunit certains des facteurs dont nous avons parlé récemment. Il s'agit de la privatisation accrue du transport terrestre, pour ainsi dire. Qu'il s'agisse des entreprises privées qui recueillent des données, ou d'Uber à Innisfil, en Ontario, qui fournit maintenant des services de transport en commun moyennant une subvention, c'est du covoiturage. Encore une fois, il est question de la possession ou non d'un véhicule, et non de véhicules autonomes proprement dits.
Autrefois, les seules personnes qui détenaient des données sur vous étaient la police de la circulation routière ou le ministre des Transports à qui vous présentiez votre demande de permis et d'assurance. Maintenant, une grande partie de cette activité se fait récupérer par le secteur privé. D'où notre commentaire sur la protection des données personnelles.
À mon avis, il y a là un rôle pour la politique publique, et peut-être pour le commissaire à la protection de la vie privée, afin de s'assurer que ces données sont protégées correctement. Il s'agit des données qui portent sur les véhicules, plutôt que sur les feux de circulation gérés par les municipalités.
Sur le plan fédéral, et cela vient rejoindre dans une certaine mesure ce qu'a dit le sénateur Eggleton, la plupart de ces régimes de mise à l'essai sont conçus par les municipalités et les provinces. S'il devait y avoir un rôle pour le gouvernement fédéral, ce serait peut-être de s'assurer que nous effectuons certaines des activités de recherche- développement au pays.
J'ai lu à la une du Globe and Mail aujourd'hui qu'une autre entreprise phare du secteur de l'intelligence artificielle a été rachetée par Uber et se déplacera vers les États-Unis. C'est un phénomène qui se poursuit dans le secteur scientifique et technologique. Le gouvernement devrait le savoir et devrait y réfléchir.
[Français]
Le président : J'aimerais remercier nos témoins de leur participation aujourd'hui.
[Traduction]
Chers collègues, demain nous entendrons des représentants de l'Institut du véhicule innovant et de Online Network- Enabled Intelligent Transportation Systems.
Sachez également que nos analystes ont préparé deux documents sur les véhicules automatisés aux États-Unis et dans d'autres pays que vous avez déjà reçus. Si vous avez des questions sur ces documents, vous êtes priés de communiquer directement avec les analystes.
Avant de lever la séance, je vais demander aux membres du comité directeur, c'est-à-dire la sénatrice Bovey et les sénateurs MacDonald et Boisvenu, de rester dans la salle afin que nous puissions tenir notre réunion.
Merci beaucoup.
(La séance est levée.)