Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 18 - Témoignages du 30 mai 2017
OTTAWA, le mardi 30 mai 2017
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 10 heures, pour poursuivre son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, ce matin, le comité poursuit son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.
[Traduction]
Permettez-moi de vous présenter notre témoin, M. Ross McKenzie. Il est directeur général du Centre de recherche automobile de l'Université de Waterloo, le WatCAR, qui est un des meilleurs centres de recherche automobile universitaires d'Amérique du Nord.
L'Université de Waterloo est également la première organisation à avoir été autorisée à faire rouler un véhicule autonome sur la voie publique au Canada dans le cadre du programme pilote d'essai de véhicules autonomes du ministère des Transports de l'Ontario.
[Français]
Monsieur McKenzie, merci d'être avez nous ce matin et merci de nous avoir invités à visiter votre centre de recherche. Veuillez faire votre présentation et, ensuite, les sénateurs et sénatrices vous poseront des questions. La parole est à vous.
[Traduction]
Ross McKenzie, directeur général, Centre de recherche automobile de l'Université de Waterloo (WatCAR) : Merci beaucoup. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui.
Je vous remercie de votre patience et vous prie d'excuser mon retard. Un membre de l'équipage était malade ce matin et n'a pas pu embarquer. Les passagers étaient prêts pour le décollage, mais l'équipage n'était pas complet.
Le président : Nous n'avons pas encore d'avions automatisés, et nous espérons n'en avoir jamais.
M. McKenzie : En fait, nous en avons, mais seulement une fois en vol. Le pilote automatique, tout ce qui concerne les véhicules autonomes, nous y viendrons.
Je suis ravi d'être des vôtres ce matin. Je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer devant vous.
Il y a quelques diagrammes pour illustrer mes observations préliminaires que je vous invite à consulter à mesure, si vous le voulez.
À l'échelle mondiale, une convergence technologique est en train de s'opérer rapidement en ce qui a trait aux véhicules transportant des passagers. La convergence permettant d'accélérer ces percées en matière de connectivité des véhicules et de conduite autonome est en train de se produire à un rythme jugé à peu près normal pour le secteur des technologies de l'information et des communications, mais à un rythme sans précédent pour les secteurs des systèmes de transport intelligents et de transport automobile.
Il existe quatre stades distincts dans le développement du secteur automobile qui aboutiront à la création de véhicules entièrement autonomes appelés à circuler sur les routes du Canada, à savoir des véhicules connectés, automatisés, hautement automatisés et, pour finir, entièrement autonomes.
Bientôt, les véhicules connectés et partiellement automatisés qui circulent aujourd'hui sur nos routes seront vraiment automatisés. Les véhicules deviendront alors hautement automatisés et, au final, entièrement autonomes. Le temps que cela prendra avant que nous y parvenions fait l'objet de maintes discussions.
La réponse à la question « Combien de temps? » dépend de ce que l'on entend par « véhicule entièrement autonome ». Si « autonome » signifie circuler dans la ville où vous vivez, il faut prévoir alors de 10 à 15 ans. Si « autonome » signifie se déplacer d'une ville à l'autre en parcourant les rues, les routes et les autoroutes avec bretelles d'accès et de sortie, il faut probablement compter entre 20 et 30 ans.
Ce que l'on sait, cependant, c'est que la puissance informatique à bord du véhicule augmente rapidement et continuera de croître à un rythme presque exponentiel. Les véhicules continuent de recevoir un volume de données croissant, qui provient d'un nombre de plus en plus grand de sources externes, et ils sont dotés d'un nombre sans cesse croissant de capteurs à bord, comme en fait foi le diagramme de la page 2 sur la connectivité, le GPS, les systèmes de vision, le radar, le lidar, les capteurs sans fil, l'autonomie, l'apprentissage par machine, la sécurité mobile, le contrôle des véhicules, la sécurité et la gestion de l'alimentation. Pour parvenir à une conduite autonome, il faut pouvoir traiter toutes ces données instantanément, en temps réel. Les données traitées sont ensuite utilisées par l'ordinateur du véhicule pour prendre des décisions relatives à la conduite grâce à un nombre sans cesse croissant de technologies de systèmes avancés d'aide à la conduite, ou ADAS, à bord du véhicule.
La révolution du véhicule autonome repose sur une connectivité améliorée du véhicule, connue sous le nom de V2X Communication, où X représente tout du conducteur et des passagers jusqu'aux communications de véhicule à véhicule, c'est-à-dire V2V; du véhicule à l'infrastructure routière, connue sous le nom de V2I; en passant par l'infrastructure TI en nuage jusqu'à l'Internet des objets, c'est-à-dire le V2C.
Au Canada, nous abordons cette révolution par le biais d'une synergie naturelle qui découle du chevauchement d'une grappe de l'industrie automobile et d'une grappe des technologies de l'information solidement établies dans le même espace géographique. Dans le domaine des TI, le corridor d'innovation Toronto-Waterloo de 110 kilomètres est le deuxième grand corridor d'Amérique du Nord, après celui de la Silicon Valley, en Californie.
Dans le secteur de l'automobile, on assemble plus de véhicules dans le corridor de 425 km qui va de Toronto à Windsor que dans tout autre État ou région d'Amérique du Nord. Ce chevauchement de deux grappes solidement établies dans les technologies de l'information et l'assemblage automobile est le seul de ce type en Amérique du Nord.
Au Canada, nous sommes engagés dans la création de véhicules connectés et autonomes, ce qui nous permet d'exploiter notre capacité de tirer parti de la solidité considérable de ces deux grappes qui se chevauchent.
Je demanderai aux sénateurs et aux sénatrices francophones de m'excuser : le diagramme du haut de la page 4 est le seul que je n'ai pas eu l'occasion de traduire.
À l'heure actuelle, deux sources principales travaillent à temps plein au développement de la conduite autonome au Canada : l'Université de Waterloo et BlackBerry QNX, ici, à Ottawa.
Nous avons un bilan solide et excellent en matière de collaboration entre le secteur privé, le gouvernement et le milieu universitaire. Qu'il soit question de systèmes de transport intelligents, ou STI, de technologies de l'information et des communications, ou TIC, d'assemblage automobile ou de production de pièces pour véhicules automobiles, au Canada, nous apprécions la diversité des perspectives et nous misons dessus pour mieux comprendre, appliquer et déployer les technologies.
Cet automne, le Canada accueillera le 24e Congrès mondial sur les systèmes de transport intelligents, qui se tiendra à Montréal du 29 octobre au 2 novembre. En tant que membre du conseil de STI Canada ayant participé à la proposition qui a été retenue d'organiser le Congrès mondial au Canada pour la deuxième fois seulement, je sais que, de partout au Canada, on attend cet événement avec impatience. Le Congrès mondial mettra à l'honneur et célébrera les progrès technologiques rapides non seulement dans les STI, mais aussi en matière de véhicules connectés, hautement automatisés et autonomes, réalisés en Amérique du Nord, en Europe et en Asie.
Je vous remercie sincèrement de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au Comité aujourd'hui. Je répondrai volontiers à vos questions et je me réjouis à la perspective d'une discussion productive.
Le président : Merci beaucoup, monsieur McKenzie.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie infiniment de votre exposé très intéressant. Nous entendons des experts dans ce domaine depuis un bon moment maintenant. Je me rends compte que je posais des questions très techniques, mais la semaine dernière était une semaine de relâche, ce qui m'a donné le temps de réfléchir. Je suis ingénieure de formation et je comprends votre enthousiasme au sujet de ce nouveau domaine et la passion qui vous anime dans cette compétition. Je sens votre adrénaline.
Cependant, je suis sénatrice à présent, citoyenne, et je dois ramener à l'essentiel ce que sont les besoins et les priorités sociales, et la façon dont cette industrie naissante répondra à ces besoins. Il s'agit de transports en commun, d'éliminer la congestion, de l'efficacité de ces voitures — parce que 90 p. 100 du temps, les voitures sont au garage — et de l'énergie verte. Voilà de quoi nous avons besoin. Nous n'avons plus besoin de voitures qui roulent aux combustibles fossiles. Enfin, nous devons faire en sorte que le matériel qui entre dans la fabrication des voitures utilise moins de ressources.
Je suis consciente que les choses ont changé depuis l'arrivée d'Apple, et il n'est nul besoin d'analyser davantage Apple. Le type nous dit : « Je sais ce qu'il vous faut », au lieu que ce soit la société qui dise : « Voilà ce dont nous avons besoin ». Je sais que les choses évoluent, mais aidez-moi à comprendre. Quelle est votre analyse?
M. McKenzie : Selon moi, les véhicules autonomes et à conduite autonome offrent à la société deux grandes possibilités. L'une est d'augmenter les systèmes de mobilité existants, qu'il s'agisse d'un réseau de transport par autobus ou d'un réseau de métro urbain dans un grand centre urbain. Cela concernera des personnes qui ne veulent pas nécessairement prendre le métro.
Prenons ma mère, par exemple. Elle aura 80 ans en novembre. Il y a deux ans, elle m'a demandé si elle aurait l'occasion un jour d'utiliser un de ces machins autonomes sur lesquels je travaille. Sa mère a vécu jusqu'à l'âge de 95 ans et sa grand-mère, jusqu'à 102 ans. Je pense donc qu'elle a de bonnes chances de les utiliser un jour.
Mais elle m'a expliqué qu'elle avait assez conduit et que ce n'était plus vraiment une nécessité pour elle. Donc, la solution qu'un véhicule ne lui appartenant même pas puisse passer la prendre pour la conduire chez le dentiste, puis la ramener chez elle, lui éviterait probablement d'avoir sa propre voiture. Il lui suffirait peut-être d'utiliser un véhicule qu'elle partagerait avec d'autres. Voilà le discours que m'a tenu ma mère après avoir regardé les nouvelles et compris des choses à partir d'extensions d'applications de type Uber.
Certaines personnes n'utiliseront pas les transports en commun rapides parce qu'elles ne sont pas intéressées, comme ma mère, ou peut-être parce qu'elles n'en ont pas besoin — il se peut qu'elles soient handicapées ou que, lorsqu'elles font leur épicerie, elles se retrouvent chargées de sacs qu'elles n'ont pas envie de traîner dans le bus —, et c'est là que ces types de véhicules combleront, selon moi, un vide.
Ce faisant, comme ils circuleront de façon autonome sur nos routes, ils ne brûleront pas de feu rouge. Un véhicule autonome ne quitte pas la route des yeux pour attraper sa tasse de café dans la console centrale et ne manque pas un panneau d'arrêt, ce qui m'est paradoxalement arrivé alors que j'allais parler de véhicules autonomes à Stratford. La police de Stratford m'a donné une contravention pour non-respect d'un arrêt, et à raison parce que j'étais dans mon tort. Mais si j'avais été à bord d'un véhicule autonome, je n'aurais pas manqué le panneau d'arrêt.
Les routes seraient moins congestionnées parce que ces véhicules autonomes rouleront prudemment. Ils laisseront un espace avec les autres véhicules et ils n'accéléreront pas pour franchir une intersection au risque de se retrouver au beau milieu et de bloquer la circulation dans l'autre sens.
Quant à l'efficacité de l'utilisation et à la consommation de plus d'énergie verte, je pense qu'il s'agit d'une évolution qui se produira naturellement et qui se produit déjà dans le transport automobile, qu'il soit ou pas autonome ou connecté.
Vous avez, par exemple, General Motors qui travaille sur ce projet à Oshawa avec son initiative de bicyclette ou de vélo électrique. Le principal objectif est ce qu'on appelle le premier ou le dernier kilomètre. C'est une lacune dans le réseau qui fait que les gens vivent un peu trop loin de l'arrêt de transport en commun. Disons que vous êtes à Toronto ou à Montréal. Si vous pouvez marcher jusqu'à cet arrêt, vous attraperez sans problème le train de banlieue pour gagner le centre-ville de la métropole.
Revenons au cas individuel. La personne conduira une voiture parce que l'arrêt est un peu trop loin pour s'y rendre à pied ou parce qu'il fait mauvais. Si elle pouvait utiliser un autre mode de transport, comme un vélo électrique, qu'elle laisserait en sécurité dans un stationnement pour bicyclettes à la gare GO ou à la station de métro, imaginez le nombre de véhicules qu'on pourrait retirer de la circulation en zone urbaine, sans parler des espaces de stationnement dont nous n'aurions plus besoin.
En ce qui concerne les besoins et les priorités sociales, je ne prétends pas que les véhicules autonomes et connectés seront la réponse, mais ils peuvent certainement, à mon sens, contribuer de bien des façons positives à une solution appropriée à certains des sujets dont vous parliez.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Merci de votre présentation qui était vraiment très intéressante. Je me réfère à la page 3 où se trouve votre tableau sur l'explication de la révolution du véhicule et sur les enjeux de l'interconnexion. Cela m'amène à vous parler de la gouvernance, notamment pendant la période de transition. Vous avez dit que d'ici 20 à 30 ans, l'ensemble des véhicules devraient être autonomes, mais qu'il y aura certainement une période de transition.
Vous être très rassurant concernant le volet de la technologie et de l'ingénierie. Ce n'est toutefois pas ce volet qui m'interpelle ou qui m'inquiète le plus. Mon inquiétude a davantage trait à toute cette dimension de la gestion des infrastructures publiques, notamment l'interconnexion avec les routes et la question des communications — le V2I et le V2C —, ainsi que les enjeux liés à la législation et à la réglementation, qu'il s'agisse de l'administration fédérale, provinciale ou municipale.
Croyez-vous que la technologie sera disponible, mais que la législation, elle, ne le sera pas et que, de ce fait, la mise en oeuvre pourrait être retardée? Existe-t-il un risque à ce sujet?
[Traduction]
M. McKenzie : Il est possible, selon moi, que la technologie soit prête plus tôt. Cependant, avant de vous répondre plus en détail, j'aimerais revenir un instant sur mes observations préliminaires. Peut-être me suis-je mal exprimé, mais quand bien même tous les véhicules seraient autonomes, tous ne rouleront pas en mode autonome. Il y aura toujours sur la voie publique des véhicules conduits manuellement par des conducteurs humains, comme le chauffeur de taxi qui m'a emmené à l'aéroport aujourd'hui.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Je vais modifier ma question : est-il possible que la technologie soit prête, mais qu'il y ait des enjeux liés à la réglementation et à l'adaptation des infrastructures, de surcroît dans un contexte hybride, c'est-à- dire où il y a la cohabitation de véhicules autonomes et de véhicules non autonomes? Il y a là un enjeu, et vous voyez où je veux en venir. Comment faire en sorte qu'on chemine parallèlement, mais selon un programme cohérent qui mènera au même point d'arrivée entre les gouvernements et l'industrie.
[Traduction]
M. McKenzie : Je vois où vous voulez en venir. Je comprends.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Je suis autonome.
M. McKenzie : Mon Dieu.
[Traduction]
Le défi pour la technologie, ce sera ces conducteurs qui conduiront leurs véhicules manuellement. Si nous avions une situation aujourd'hui où l'infrastructure routière telle que vous l'imaginez et les questions de gouvernance connexes, la technologie ayant une longueur d'avance, si je puis dire, si nous n'avions affaire qu'à des véhicules circulant en mode autonome, nous aurions un sérieux problème. Mais ce scénario est des plus improbables. Des propositions ont été formulées pour des régions isolées où seul un véhicule autonome peut circuler. Très franchement, si nous étions dans ce cas de figure, nous aurions des véhicules autonomes aujourd'hui parce que le plus grand défi pour les véhicules autonomes, ce n'est pas de rouler seuls sur une route en mode autonome au milieu de voitures autonomes. Le plus grand défi pour les véhicules autonomes, c'est de pouvoir interpréter sans problème, afin de pouvoir y réagir, le comportement aléatoire des piétons, des cyclistes, des motocyclistes et des humains qui conduisent d'autres véhicules.
Je n'ai pas de données scientifiques pour étayer ces chiffres, mais pour moi, 20 p. 100 du défi réside dans la conduite autonome et 80 p. 100 consiste à développer les véhicules autonomes suffisamment pour qu'ils puissent réagir aux actes aléatoires des humains avec qui ils sont obligatoirement en interaction parce que nous ajoutons les capacités autonomes à l'infrastructure existante de véhicules conduits manuellement, de piétons sur la voie publique, de cyclistes et de motocyclistes.
Pour ce qui est de l'avance prise par la technologie, cela n'arrivera selon moi que si une administration municipale prend l'initiative de déclarer que des véhicules autonomes peuvent circuler dans un certain espace dans un environnement urbain ou à la fois urbain et rural, si elle y est habilitée. En l'état actuel de la loi, les véhicules autonomes ne peuvent circuler sur la voie publique qu'en Ontario et seulement si un opérateur humain est assis à la place du conducteur, prêt à prendre le contrôle à tout moment.
À moins que des administrations, municipales ou provinciales, ne définissent des secteurs qui ne sont pas des zones de conduite autonome exclusive, mais des zones d'essai de conduite autonome, la technologie risque de dépasser la gouvernance.
Des initiatives municipales sont en cours. J'en connais une en Ontario. Une organisation du nom d'Ontario Good Roads Association a constitué un comité des véhicules automatisés et connectés au sein duquel elle n'a invité que quelques-unes des administrations les plus avant-gardistes, comme la ville de Brampton et la région de Peel. Ce comité compte une dizaine de membres. Il démarre modestement, mais l'Association compte lui faire connaître une croissance organique.
Ce comité aborde le sujet du point de vue que vous avez exposé, à savoir en se demandant ce que nous devons faire pour être prêts à l'arrivée de ces véhicules dans les rues de nos villes. Du point de vue d'une administration provinciale, s'il ne s'agit pas d'une route ou d'une voie qui relève de la responsabilité provinciale, le problème et la responsabilité sont tous deux du ressort de l'administration municipale.
Je ne peux pas parler pour le reste du pays. Je suis certain qu'il y a des discussions, mais en l'absence d'un programme pilote sur les véhicules autonomes dans d'autres provinces, la priorité est moindre.
Ils évoluent à un rythme assez parallèle à l'heure actuelle parce que les municipalités se montrent proactives et aussi parce qu'il faudra beaucoup de temps pour que la technologie capable de gérer les comportements humains aléatoires soit suffisamment au point pour qu'on ait des véhicules entièrement autonomes.
Le sénateur MacDonald : Je vous remercie. J'aimerais vous parler de la sécurité. Nous avons vu cette semaine tous les avions cloués au sol à Londres. Heathrow était à l'arrêt à cause d'un manque de sécurité.
BlackBerry QNX se trouve ici, à Ottawa, et même si son marketing est déplorable, il est certain et on le sait bien que BlackBerry propose des dispositifs parmi les plus sécurisés du monde.
Sont-ils assez sécurisés — et peut-on transférer cette technologie — pour que personne ne puisse pirater le système d'un véhicule entièrement automatisé ou un système entièrement automatisé? Imaginez le chaos si quelqu'un piratait ces systèmes et ces véhicules capables de tout faire sans que nous ayons à nous en soucier. Tout à coup, ils ne pourraient rien faire sans que nous nous inquiétions à leur sujet. Qu'en pensez-vous?
M. McKenzie : Dans tout système d'exploitation, dans toute application logicielle — qu'on parle d'un téléphone intelligent, d'un véhicule ou de toute autre chose entre les deux, dans le nuage ou sur l'Internet des choses —, la cybersécurité, et surtout dans le domaine de la sécurité mobile, est quelque chose dont on s'occupe énergiquement et qu'on étudie activement. Il existe des technologies qui peuvent faciliter la détection et la prévention du piratage de façon très élémentaire en surveillant la consommation d'énergie.
Pensez à un moniteur de rythme cardiaque et au rythme sinusal. C'est un peu ce que font ces technologies. Vous avez un système en mode autonome qui surveille la consommation d'énergie et détecte uniquement les variations. Dès qu'il en détecte une, il déclenche un signal d'alarme et demande pourquoi cet écart et s'il est normal.
Il existe des méthodes très simples qu'on utilise déjà. J'en connais quelques-unes en raison de ce sur quoi nous travaillons au Centre, mais aussi à travers des conversations et des discussions avec certains assembleurs. General Motors, par exemple, a toute une unité consacrée à la cybersécurité qui ne fait rien d'autre que de chercher à anticiper et à savoir ce qui se passe dans la tête de pirates potentiels en en employant quelques-uns.
On n'aura jamais de système totalement infaillible, mais on est tout à fait conscient du risque de problèmes. Nous avons vu, il y a deux ans, que quelqu'un a piraté assez facilement le système d'une Jeep, ce qui a entraîné le rappel mondial d'une série sur cinq ou six ans de production de la marque parce qu'il était possible de pirater le système de bord juste en roulant à côté du véhicule, et il ne s'agissait même pas d'un véhicule autonome.
Je crois que je me suis un peu écarté du sujet. J'ai probablement radoté et je m'en excuse. Si je n'ai pas répondu à votre question, je pourrais en dire plus si vous en avez une autre.
Le sénateur MacDonald : J'en ai une autre. Vous avez parlé de surveiller l'utilisation des données pour voir si quelque chose a été trafiqué. Connaît-on déjà des cas où ceux qui trafiquent les systèmes s'arrangent pour fausser la surveillance des données et de leur utilisation, autrement dit, pour qu'on ne puisse pas mesurer ce qui se passe?
M. McKenzie : A-t-on des exemples de systèmes trafiqués? Tout à fait. Le cas de Jeep que je viens de mentionner en est un bon exemple.
Le système est installé sur une Tesla aujourd'hui. Quand la mise à jour du logiciel s'est téléchargée sans que personne ne le demande, les systèmes d'exploitation ont tous été mis à jour. Résultat, on s'installait dans le véhicule qui annonçait : « Vous avez maintenant le pilote automatique », ce qui est très trompeur, car il ne s'agit pas d'une fonction de pilote automatique. Et le véhicule précisait qu'en utilisant le pilote automatique, on acceptait de s'asseoir à la place du passager, de faire attention et d'être prêt à prendre le contrôle du volant à tout moment. Tout le monde accepte et démarre.
Il n'a pas fallu 24 heures pour qu'on voie des photos de gens roulant endormis en pilote automatique dans les rues de San Francisco. On a vu des photos de gens quittant le siège du conducteur pour s'installer côté passager et rouler en pilote automatique, alors qu'il n'y avait plus personne dans le siège du conducteur.
Au fond, on peut seulement être aussi vigilant qu'on s'attend à ce que les autres le soient. Il n'y a pas juste le risque de piratage. Il y a aussi le problème des personnes qui abuseront du privilège qui leur est donné de pouvoir rouler dans ces véhicules.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur McKenzie. Ce que vous nous avez dit sur les composantes de ces futurs véhicules laisse comprendre qu'il y aura un bon nombre d'entreprises impliquées dans le développement et la fabrication. Dans quelle proportion les entreprises qui feront les composantes seront-elles des entreprises canadiennes? Combien d'emplois pourraient être créés avec ces nouvelles technologies? Dans quelle proportion les véhicules construits ici auront-ils du contenu canadien?
[Traduction]
M. McKenzie : La participation des entreprises canadiennes pourrait être importante. Je vous renvoie au diagramme en haut de la page 4. Prenons d'abord les points violets, qui correspondent à la recherche-développement des équipementiers automobiles. À Windsor, nous avons depuis longtemps des usines Chrysler, devenues FCA, et Ford.
À Oshawa, à l'autre extrémité de l'ellipse rouge, nous avons un centre technologique de General Motors qui existe depuis longtemps. Cependant, ce centre technologique de GM vient de doubler de taille, dans les 24 derniers mois. Il emploie maintenant plus de 300 personnes. En fait, il a modernisé le Chevrolet Bolt dont on fait en ce moment les essais sur le campus de R-D de General Motors à Warren, dans le Michigan. GM a utilisé des fournisseurs canadiens — dans quelle mesure, je ne sais pas — ainsi que des fournisseurs et des technologies d'autres pays aussi.
À Toronto, le deuxième point violet avec la lettre G est un nouveau campus de General Motors à Markham qui emploie actuellement un peu moins de 300 personnes. Il y a moins de 10 mois, il n'employait personne et, à terme, il emploiera jusqu'à 750 personnes dans la programmation de logiciels purs et dans le développement d'applications pour les véhicules autonomes, d'info-divertissement, d'options pour les passagers, ainsi que de la connectivité.
À Waterloo, General Motors a ouvert, il y a un peu plus d'un an, un « avant-poste technologique » qui est chargé d'exploiter l'écosystème du point de vue des TI, par opposition à une perspective automobile, dont les unités d'Oshawa, à deux pas de la chaîne de montage, s'occupent déjà dans leur centre technique.
Il ne vous a certainement pas échappé, il y a à peine trois mois, que Ford a décidé d'embaucher 400 anciens ingénieurs de BlackBerry qui travaillaient uniquement dans l'info-divertissement. Ils travaillent maintenant dans des bureaux ici, à Ottawa. Ils sont à peu près 200 à Ottawa, 100 à Waterloo et 100 à Oakville, au siège de Ford, qui travaillaient avant sur le campus de BlackBerry à Mississauga.
Je ne sais pas si on peut parler d'emplois sauvés, mais les « Trois de Detroit » ont compris, selon moi, qu'il leur est possible de développer ici, au Canada, des logiciels et les technologies de programmation connexes nécessaires parce que les Canadiens restent généralement plus longtemps chez le même employeur.
Au Michigan, dans le triangle qui va de Detroit à Ann Arbour et jusqu'à Flint au nord, on compte environ 375 centres de R-D dans le secteur de l'automobile. Aussitôt que quelqu'un dans un de ces centres accomplit quelque chose — dépose un brevet ou fait partie de l'équipe qui a lancé un produit, par exemple —, on cherche à le recruter à tout prix et, souvent, cette personne part travailler dans la Silicon Valley. Et ceux qui partent en Californie ne reviennent généralement pas. Je ne dis pas que les Canadiens ne partent pas en Californie, mais ils sont moins nombreux à partir et plus nombreux à revenir.
General Motors d'abord et maintenant, selon moi, Ford en ont conscience. C'est entre autres pourquoi j'insiste sur les grappes qui se chevauchent, parce que, s'il existe des possibilités dans l'approvisionnement en pièces et en matériel, la vraie possibilité se trouve dans la programmation, dans l'amélioration des systèmes d'exploitation de bord et des systèmes de contrôle, étant donné la puissance informatique accrue dont on équipe les véhicules.
Combien d'emplois? Combien d'entreprises? Nous en sommes à un moment où les possibilités abondent dans l'évolution de ce secteur dans l'espace des systèmes d'automobiles et de mobilité. Nous sommes bien placés pour jouer un rôle déterminant et être un acteur. Nous commençons à en voir les prémices, mais il faudra un effort et un engagement continus de la part des gouvernements fédéral et provinciaux, en coopération avec des entités telles que l'Association des fabricants de pièces d'automobile qui, je le sais, vous a présenté un exposé, et d'autres administrations pour continuer de faire savoir que nous avons les talents et les capacités voulus pour contribuer à l'évolution — ou à la révolution, selon le point de vue — de ce mode de transport par véhicule.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Peut-on dire que la A1 deviendra un peu un laboratoire de technologie, comme l'est la F1?
[Traduction]
M. McKenzie : Peut-on dire que nous deviendrons un laboratoire de technologie? Est-ce bien là la question?
[Français]
Le sénateur Dagenais : On sait que la F1 est reconnue comme étant un laboratoire pour les constructeurs automobiles. Il s'y fait beaucoup d'essais technologiques. Peut-on penser que la voiture électrique autonome, la A1, jouera le même rôle dans votre domaine?
[Traduction]
M. McKenzie : Oui, je crois qu'on le peut. Pour vous le prouver, je vous renvoie au diagramme et aux pastilles bleues « Auto IT R&D ».
Google a, à Waterloo et à Toronto, des activités qui traitent de divers éléments contribuant à la fonction Androïde Auto et Google Maps qui est maintenant si intuitive, utilisant un certain degré d'intelligence artificielle. Apple a certaines activités qui ne sont pas exclusivement axées sur la recherche à Toronto, mais ici à Ottawa, cette entreprise a une chose dont elle ne parle pas publiquement. Elle se trouve de l'autre côté de la rue de QNX, et c'est un projet appelé Titan, pour lequel elle a recruté quelques ingénieurs supérieurs de la division QNX de BlackBerry il y a 18 mois. Il y a de fortes rumeurs dans l'industrie qu'ils travaillent à une voiture et il est peu probable qu'ils construisent une telle voiture. Cependant, il y a aussi de fortes rumeurs que Magna tente intensément d'être le fournisseur de prédilection aux yeux d'Apple pour la construction éventuelle de ces véhicules.
Il y a aussi les partenariats entre Google et Fiat Chrysler, qui équipent des Pacifica dans des premiers essais de ces véhicules assemblés initialement à Windsor, puis modifiés en rattrapage de l'autre côté de la rivière, au Michigan, à des installations du groupe FCA. Le succès des premiers essais sur 20 véhicules a été tel qu'ils se sont maintenant engagés à en produire 100 autres. Ensuite, il y a Cisco Systems qui a un centre d'innovation à Toronto dont une portion du mandat est axée sur le développement automobile.
Sans que cela soit montré sur la carte, Microsoft a acheté une entreprise en démarrage de Waterloo appelée Maluuba, qui a été déménagée à Montréal pour être au cœur de la grappe d'AI rapidement émergente en aval le long de l'Outaouais.
Il y a toutes ces choses, et elles sont interconnectées. Tant que nous restons à la pointe de la technologie ou que nous y participons activement, il y a des éléments de tous ces aspects différents qui auront un rôle dans le développement des véhicules connectés et autonomes.
La sénatrice Bovey : Merci; je trouve tout ceci intéressant et excitant. J'ai lu récemment un article qui mentionnait le fait qu'à l'exposition universelle de 1919, on rêvait déjà des véhicules autonomes; c'est donc plaisant de voir que 98 ans plus tard, nous le faisons.
Votre remarque selon laquelle les données traitées sont utilisées par l'ordinateur du véhicule pour la prise de décisions en matière de conduite m'intrigue. J'ai lu un article de Hod Lipson, un roboticien. Il me semble que selon lui, les données sont le carburant dont se sert la voiture pour apprendre ce qu'elle doit faire. Je crois que nous nous sommes concentrés sur l'aspect confidentialité et sécurité des données. Pouvez-vous nous parler un peu plus des données en tant que carburant pour la prise de décisions par l'automobile?
Vous avez parlé de grappes et du travail qui s'y fait; voyez-vous une occasion ici de former un consortium pour présenter une demande au nouveau programme de subventions de supergrappes annoncé la semaine dernière?
M. McKenzie : Je vais parler d'abord des données, puis je répondrai à la question sur les supergrappes.
Un véhicule autonome ne circule jamais sur une route sur laquelle il n'a pas déjà été conduit manuellement. Quand il est conduit manuellement sur cette route pour la première fois, puis subséquemment le long de cette route de nouveau, que ce soit en mode de conduite autonome ou humaine, il crée la carte la plus détaillée que vous puissiez imaginer. Il note l'emplacement du poteau sur lequel se trouve le panneau d'arrêt, puis il utilise la technologie de détection des objets pour valider que c'est là qu'il est au moyen du radar la fois suivante où il avance sur cette route. Grâce au nombre constamment croissant de capteurs et de la quantité de renseignements captés, il trace un tableau et une carte bien plus complexe que nous puissions imaginer.
Oui, les données sont absolument cruciales. Et en ce qui les concerne, vous avez soulevé un point excellent. Les données sont recueillies par le véhicule et conservées dans le véhicule, pour que celui-ci puisse apprendre et puisse, la prochaine fois, se fonder sur ces données de lui-même. Il n'y a aucun problème en ce qui concerne la validité de ces données ou leur authenticité, parce qu'elles ont été recueillies par le véhicule lui-même.
Quant aux occasions qui s'offrent au titre de l'initiative de supergrappes annoncée la semaine dernière, je crois qu'il y a une occasion concernant les véhicules connectés et autonomes dans une perspective globale de fabrication de pointe. Je ne crois pas que nous devrions mettre tous nos œufs dans le panier de la connexion et de l'autonomie, quand ce qui est fait à cet égard n'est qu'un seul segment des progrès réalisés sur les plans de l'intelligence artificielle et de l'apprentissage machine, sans compter les améliorations des procédés de production et les méthodes améliorées d'intégration de davantage de logiciels et de fonctionnalités numériques dans les opérations mécaniques traditionnelles; je dirais que la fabrication de pointe serait une meilleure voie à prendre par opposition à une proposition de supergrappe visant exclusivement les véhicules connectés et autonomes.
Le sénateur Runciman : Pour en revenir au point soulevé par le sénateur MacDonald au sujet de la sécurité, je me demande si vous avez des idées quelconques concernant le rôle du gouvernement à ce sujet. Vous avez mentionné le fait que Tesla effectue des changements, puis les annonce aux propriétaires après-coup. Nous savons qu'il y a des voitures sur la route. Je crois que Tesla annonçait qu'elle allait commencer à faire circuler des voitures entre Los Angeles et New York, si elle ne l'a pas déjà fait, et Uber le fait.
Je me demande quel serait le rôle du gouvernement en matière de réglementation, parce qu'il y a eu des circonstances par le passé où la confiance à l'égard de l'industrie automobile a été ébranlée. Nous avons vu ce qui s'est passé chez General Motors, Volkswagen et d'autres, les allégations à l'endroit de Fiat Chrysler. Je ne suis pas un grand partisan de l'augmentation de la réglementation par le gouvernement, mais je crois qu'il y a un rôle crucial ici en ce qui concerne les mouvements de ces véhicules sur les routes, et en particulier l'aspect protection contre le terrorisme. Nous avons vu des voitures utilisées dans un certain nombre d'incidents, et pas seulement en Europe, mais au Canada également. Je ne suis pas très à l'aise de laisser cela à la discrétion de l'industrie et de dire que nous avons une approche normalisée à cet égard, mais je crois que le gouvernement pourrait avoir un rôle plus prononcé. Avez-vous une opinion là-dessus?
M. McKenzie : Je conviens qu'il y aurait lieu, au moins au stade initial ou à la phase initiale de l'établissement du réseau, de veiller à ce que cela soit structuré de sorte que la sécurité de la société soit assurée, de sorte qu'il y ait responsabilisation, et non pas simplement un semblant d'effort de la part de l'industrie, parce que celle-ci dit qu'elle s'autoréglemente quand, de fait, elle ne fait que le strict minimum de ce qu'elle doit faire, parce que nous avons vu cela se produire dans d'autres secteurs.
Dans l'ensemble, à moyen terme et à long terme, une fois les choses installées et établies, il pourrait s'agir de le faire simplement, et pas plus qu'un aspect de surveillance analogue à la surveillance de la vitesse sur les autoroutes présentement. Vous estimez que le public va respecter la limite de vitesse, puis vous avez des vérifications aléatoires ou des agents de police qui surveillent la vitesse et peuvent ou non donner des contraventions. Le système est établi et tout le monde sait où il doit aller pour conduire son véhicule en toute sécurité et, dans la plupart des cas, vous pouvez faire confiance à la société de faire cela parce que nous conduisons d'une façon sûre tous les jours. Par conséquent, à moyen et à long terme, moins de surveillance, mais il faut initialement s'assurer que les choses sont structurées correctement pour la société dans son ensemble, et je serais d'accord avec votre approche.
Le sénateur Eggleton : La science évolue avec de nouvelles technologies avant que le public ne les ait acceptées, avant que les gouvernements n'interviennent pour les réglementer, et il y a, bien sûr, une période de transition. Nous parlons de la situation finale en ce qui concerne les véhicules autonomes, mais il s'écoulera beaucoup de temps avant qu'ils circulent sur les routes avec d'autres types d'automobiles, celles auxquelles nous sommes habitués.
À quel point a-t-il été valable de procéder à plus de tests dans des zones hors route, peut-être des campus industriels ou certaines zones délimitées où il serait possible de tester les véhicules et de faire augmenter la confiance du public de sorte que celui-ci soit convaincu que ces véhicules peuvent fonctionner avant qu'ils ne soient totalement intégrés dans la circulation normale du monde réel?
M. McKenzie : Je crois que cela a été très valable. C'était une stratégie déployée initialement par Google quand ils ont eu, au départ, ce qu'on appelle la voiture Google, qui a été suivie maintenant par quelque chose qui ressemble un peu à une Beetle de Volkswagen. La voiture autonome initiale Google était un véhicule utilitaire sport Lexus. Elle était limitée à une zone confinée dans la région de Mountain View en Californie. Le nombre de milles couverts — Google a toujours parlé de millions de milles couverts par ses véhicules — a été parcouru, dans la grande majorité, dans cette zone. Le véhicule apprend la route pour pouvoir se concentrer sur les autres choses aléatoires qui pourraient se présenter en cours de route, que ce soit un piéton ou un autre véhicule conduit par une personne. Les zones ou aires de démonstration ont un objectif défini parce qu'il est possible de mettre à l'essai les véhicules dans une zone confinée et de déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, puis, à partir de ce niveau d'apprentissage, d'extrapoler pour un déploiement dans des zones plus larges.
Une autre chose utile, de façon très générale, a été le fait que nous ayons loué un parc de stationnement en novembre et décembre derniers pour mettre à l'essai les véhicules autonomes sur la neige. Les routes sont dégagées ou parsemées de sel, et nous avons fait venir un chasse-neige pour dégager le parc en fin de compte, mais nous n'avons jamais épandu de sel pour pouvoir mettre les véhicules à l'essai dans ces mauvaises conditions. C'est là un des avantages particuliers que nous avons au Canada, à mon avis, c'est-à-dire pouvoir procéder à des essais dans des conditions authentiques de températures froides, sans aller dans des zones isolées du Grand Nord où il fait très froid, mais le faisant dans un milieu urbain où il y a des gens, une population et des activités.
Le sénateur Eggleton : Est-ce que WatCAR procède à des essais dans des zones de démonstration?
M. McKenzie : Non, pas pour l'instant. Il y aura une démonstration organisée par l'Association des fabricants de pièces d'automobile et la ville de Stratford, à laquelle nous participerons.
Le sénateur Eggleton : Je trouve aussi très excitant ce que vous avez dit au sujet de la TI, que le couloir Toronto- Waterloo est le deuxième en Amérique du Nord, tout juste après celui de la Silicon Valley, et que dans ce couloir le secteur de l'automobile assemble plus de véhicules que tout autre État ou région en Amérique du Nord. Il ne faut surtout pas dire ça à Donald Trump.
Ce chevauchement, comme vous dites, réunit deux fortes capacités ici. Il y a aussi la question que vous avez soulevée au sujet de l'infrastructure routière, ou la V2I. Pouvez-vous nous en donner quelques exemples, et nous dire qui paiera ça?
M. McKenzie : Un exemple serait une intersection automatisée, où les feux de circulation à l'intersection porteront une caméra ou un dispositif quelconque de détection permettant de savoir quand un véhicule s'approche.
À l'heure actuelle, surtout en Ontario, il y a des capteurs sur les routes. Si vous vous avancez trop dans l'intersection, vous dépassez le capteur et vous pouvez alors attendre éternellement que les feux changent, ou si vous avez grimpé un peu sur le trottoir, ou si vous restez trop en arrière. Ces capteurs balaient la zone au-dessous et peuvent prévoir un changement plus immédiat en réaction à n'importe quelle condition météorologique pour automatiser le fonctionnement des feux afin de contrôler le véhicule. En ce qui concerne ce que vous avez dit plus tôt au sujet de l'environnement, cela réduit le temps pendant lequel le moteur d'un véhicule tourne au ralenti, maintient un flot plus cohérent de la circulation et réduit également la congestion.
Ce n'est qu'un seul exemple. Il y a aussi des capteurs pour l'infrastructure routière et il y a un peu de débat à l'heure actuelle, un certain défi parallèle au sein de l'industrie parce que la technologie avance très rapidement. On peut obtenir de l'information d'autres véhicules, et le besoin en infrastructure routière n'est pas aussi fort qu'il l'était il y a cinq ou sept ans.
Maintenant, nous avons même progressé au point où, par exemple, si en conduisant ma voiture deux kilomètres devant la vôtre, je passe sur une plaque de glace noire et, grâce à mon système d'antipatinage, seules les roues du côté passager patinent; c'est donc seulement dans la moitié de ma voie. Cette information, aujourd'hui, peut être recueillie en un paquet et transmise à un véhicule venant en sens inverse, jusqu'à ce que celui-ci arrive à mon niveau et, sans que je le sache en tant que conducteur, ou que le conducteur dans l'autre sens le sache, cette information est transmise à votre véhicule et fait en sorte que, lorsque vous arrivez à ce niveau deux kilomètres plus loin, votre véhicule agit proactivement avec toute sa technologie de bord, comme le système d'antipatinage, au lieu de vous laisser devoir réagir.
Il y a donc un immense potentiel dans la communication entre véhicules et entre un véhicule et l'infrastructure pour améliorer la sécurité et le fonctionnement des véhicules sur la route.
Le sénateur Eggleton : Qu'est-ce qui sera payé par le secteur automobile, par les fabricants, y compris les...
M. McKenzie : Oui, tous les feux de circulation déployés feront partie de la mise à niveau quand les villes ou municipalités renouvelleront leur parc de feux, et ce sera à un moindre coût, donc, sans coût supplémentaire.
[Français]
Le sénateur Cormier : Merci de votre présentation. Je m'intéresse à deux points principaux : l'accès à ces voitures autonomes et le transfert des connaissances et des compétences en matière de nouvelles technologies. Vous nous avez parlé de votre mère au début de votre témoignage. Je vais vous parler de la mienne, qui a 93 ans, mais qui ne vit pas dans le corridor Toronto-Waterloo. Elle ne vit pas non plus à Montréal, elle vit dans une des plus belles régions du Canada, le nord-est du Nouveau-Brunswick, qui est une région rurale.
Nous avons entendu énormément de témoignages et d'exemples venant de milieux urbains. Je me demande si vous avez réfléchi aux enjeux que pose l'intégration de ces véhicules autonomes dans les milieux ruraux. Au chapitre du transfert des compétences et des connaissances, vous êtes à l'Université de Waterloo, vous êtes donc expert en la matière. Comment pourrait-on s'assurer de transférer ces connaissances et compétences dans les provinces? Quel rôle pourrait jouer le gouvernement fédéral dans sa collaboration avec les provinces, l'industrie et les universités pour s'assurer que l'accès aux voitures autonomes et que le transfert des compétences et des connaissances en matière de nouvelles technologies soient une réalité?
[Traduction]
M. McKenzie : Je parlerai brièvement de l'intégration des véhicules autonomes et de l'élément rural.
Je crois qu'il y a de solides possibilités dans les milieux semi-ruraux, pour ainsi dire. Je pense à mon cousin cultivateur de céréales dans les Prairies en Saskatchewan. Il faut prendre deux autres routes de gravier pour accéder à celle sur laquelle il est situé. Ça, c'est rural pour moi.
Mais dans les régions semi-rurales, comme là où est votre mère, par exemple, des navettes autonomes pouvant transporter de quatre à six personnes pourraient fonctionner dans un milieu de covoiturage, pourraient permettre, par exemple, que tous les mardis, nous allions à l'épicerie ou tous les mercredis au centre des aînés pour jouer au bridge, ou quelque autre activité que ce soit. La capacité de déployer ces véhicules dans les milieux ruraux ou semi-ruraux sera considérable, parce qu'il n'y a pas là les problèmes de circulation dense ou de multiples routes. Un véhicule autonome pourra apprendre rapidement ce qu'il doit apprendre.
Une société française, ACCA Technologies, est en train d'établir une installation d'ingénierie ici au Canada. Elle travaille au développement de ce genre de navette de quatre à six personnes, comme le font d'autres en Amérique du Nord.
En ce qui concerne le transfert des compétences et ce que le gouvernement fédéral pourrait faire avec les provinces pour encourager les universités et les collèges, je reviens à ce que j'ai dit au sujet de nos antécédents de collaboration et de travail en commun. Je crois que si tout le monde continue à parler et à poser des questions comme vous le faites, ces possibilités se présenteront d'elles-mêmes.
Par exemple, il a été annoncé le mois dernier que l'Université de Toronto et l'Université de Waterloo feront partie des huit équipes participant à une compétition de conduite autonome. C'est une forme de compétition d'élèves toute récente pour les universités. Les participants sont trois écoles au Michigan, deux en Ontario et dans trois autres États — je crois que c'est la Caroline du Nord, le Texas et la Virginie. Nous nous intéressons déjà à cela à cause de l'intérêt soulevé, et cela s'ajoute aux autres équipes de compétition que nous avons, certaines dans des véhicules, offrant un cours d'intelligence artificielle précis pour l'application de ce que ces étudiants auront à développer dans cette compétition.
Tant et aussi longtemps que le dialogue se poursuivra, je crois que les possibilités continueront à se présenter.
[Français]
Le sénateur Cormier : Dois-je comprendre que le gouvernement fédéral devrait s'assurer que ce dialogue se poursuive? Est-ce ce que vous êtes en train de dire?
[Traduction]
M. McKenzie : Oui, je dirais que cela pourrait être très utile, et c'est ce qui se produit présentement. Les ministères Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Affaires mondiales Canada et Transports Canada ont tous des rôles actifs, et nous communiquons avec diverses directions dans chacun de ces ministères, ainsi qu'à Ressources naturelles Canada, en ce qui concerne les véhicules et le déploiement écologique de véhicules, sans compter les possibilités de véhicules connectés et autonomes.
[Français]
La sénatrice Galvez : Monsieur McKenzie, aujourd'hui, nous nous apercevons qu'avec des véhicules comme les Prius et les véhicules branchés, l'automatisation des véhicules est possible. La conduite est possible, parce que les infrastructures n'ont pas besoin d'être changées. Ce sont des véhicules qui circulent comme n'importe quel autre véhicule. Cependant, d'après les témoignages des experts que nous avons entendus, j'ai l'impression que, lorsque nous allons passer à l'étape de l'automatisation complète, nous aurons besoin d'une infrastructure bien différente, très coûteuse et très intense sur le plan de la technologie de l'information.
Si ce n'est que pour transporter une seule personne, ma mère, par exemple, ou un très petit groupe de personnes, qui devra payer? Pas eux. Comment voyez-vous cela? Serait-ce selon un modèle d'utilisateur-payeur? Est-ce l'industrie qui doit payer? Qui devra payer pour l'utilisation des infrastructures, selon vous?
[Traduction]
M. McKenzie : L'infrastructure routière n'a pas à être modifiée, du moins dans les cinq prochaines années. Après cela, elle devra être améliorée, que ce soit par le truchement de capacités de communication véhicule-infrastructure, ou de choses intégrées dans l'infrastructure routière qui facilitent la communication entre les véhicules. Par exemple, il y a la zone de démonstration prévue à Stratford. Stratford a un Wi-Fi gratuit généralisé dans tout son centre-ville. Il avait été installé principalement pour les touristes, mais il est prévu pour cette zone de démonstration d'utiliser la technologie de communication par le truchement d'Internet, au lieu d'utiliser la technologie cellulaire et les technologies présentement déployées, comme le placement d'antennes sur des téléphones cellulaires qui a fait beaucoup, ainsi que les communications spécialisées à courte portée, les CSCP. Par conséquent, la prochaine génération de communications sera mise à l'essai, parce que le Wi-Fi généralisé dans le centre-ville de Stratford est probablement d'avant-garde aujourd'hui. Qui va payer ça? Eh bien, dans le cas présent, c'est la ville de Stratford qui a payé, mais l'infrastructure prévue dans les téléphones cellulaires ou la technologie de communication avec forfaits de données s'améliorera. L'infrastructure routière sera améliorée. Je ne crois pas qu'elle devrait être modifiée ou qu'il faille procéder à un investissement distinct parallèle pour atteindre la pleine autonomie.
Quant à votre question demandant qui va payer, dans les circonstances où les gens ont recours au co-navettage pour aller jouer au bridge, au centre des aînés, ils devront payer ces services de la même façon qu'ils paieraient un taxi ou, un peu moins, l'autobus, mais ils seront probablement disposés à payer pour bénéficier de cette navette pratique qui vient à leur porte, au lieu d'avoir à marcher par mauvais temps, attendre l'autobus et ne pas arriver exactement à la porte.
La sénatrice Galvez : Merci.
Le président : Monsieur McKenzie, merci beaucoup de votre exposé aujourd'hui. Nous espérons organiser une visite à Waterloo l'automne prochain.
Chers collègues, demain nous entendrons des représentants des Constructeurs mondiaux d'automobiles du Canada et de Toyota. La semaine prochaine, nous avons trois séances. Lundi, nous allons à Kanata. Mardi matin, BlackBerry vient nous parler de ce que nous aurons vu la veille, et donc nous aurons des questions intéressantes. Mercredi, nous accueillerons l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, avec Ford, GM et Chrysler.
Demain soir, nous devrons décider quoi faire la semaine prochaine. La dernière semaine commence à être chargée. Est-ce que nous voulons inviter des témoins et ne pas avoir le temps de les entendre, ou clore la session sans avoir eu l'occasion de les voir? Vous avez tous vos caucus aujourd'hui, et nous aurons donc une meilleure idée de là où nous en serons à la fin juin. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)