Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 19 - Témoignages du 6 juin 2017
OTTAWA, le mardi 6 juin 2017
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour poursuivre son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.Ce matin, le comité poursuit son étude sur les véhicules branchés et automatisés.
[Traduction]
Je suis heureux de vous présenter notre groupe de témoins de BlackBerry. Nous accueillons Sandeep Chennakeshu, président, BlackBerry Technology Solutions, et John Wall, premier vice-président et chef de BlackBerry QNX.
[Français]
Je vous remercie d'être avec nous ce matin et de nous avoir accueillis, hier, à vos installations de QNX, à Kanata. Je vous invite à faire votre présentation et, par la suite, les sénateurs et sénatrices vous poseront des questions.
[Traduction]
Sandeep Chennakeshu, président, BlackBerry Technology Solutions, BlackBerry : Bonjour, monsieur le président et honorables sénateurs. Je vous remercie d'avoir invité BlackBerry à vous parler aujourd'hui des véhicules connectés et automatisés. Je suis le président de BlackBerry Technology Solutions, une division de BlackBerry. Je suis accompagné de John Wall, premier vice-président et chef de QNX Software Systems, une filiale de BlackBerry, que nous appelons BlackBerry QNX.
Comme les membres du comité le savent, l'industrie automobile est en période de grande transformation. En effet, une série d'ordinateurs, de logiciels, de capteurs, de mécanismes de positionnement et de réseaux connectés remplaceront éventuellement les humains dans la conduite automobile. BlackBerry joue un rôle essentiel dans cette transformation.
BlackBerry QNX est un fournisseur de technologie fiable dans l'industrie automobile depuis environ 20 ans. Ses logiciels sont utilisés par plus de 40 constructeurs d'automobiles, ils ont été installés dans plus de 60 millions d'automobiles et ils serviront de fondement aux systèmes de conduite autonome.
Une autre filiale de BlackBerry, Certicom, a fourni des solutions cryptographiques pour la télématique automobile à plusieurs générations de véhicules. La société mère, BlackBerry, gère des terminaisons mobiles et assure la sécurité des communications de données mobiles depuis presque aussi longtemps et, en décembre 2016, en présence du premier ministre Trudeau, elle a inauguré un centre d'innovation pour les véhicules sans conducteur dans ses installations d'Ottawa.
Des témoins précédents ont décrit aux membres du comité les nombreux avantages et risques potentiels liés à la mise en service de véhicules autonomes. L'un de ces enjeux concerne la sécurité des véhicules connectés et autonomes.
La nouvelle génération de véhicules sera de plus en plus dépendante des logiciels et des connexions à des réseaux externes pour remplir des fonctions essentielles. Cela posera des risques accrus pour la sécurité si la mise au point des systèmes automobiles n'est pas conforme aux pratiques exemplaires et aux normes de l'industrie en matière de sécurité. BlackBerry a établi un cadre de disciplines afin de sécuriser les voitures modernes et de réduire les risques de cyberattaque.
Nous travaillons en étroite collaboration avec les constructeurs d'automobiles et leurs fournisseurs et nous savons qu'ils prennent les questions de sécurité très au sérieux. Ils sont conscients des inquiétudes de la population et ils savent que s'ils ne prennent pas des mesures raisonnables pour assurer la sécurité des véhicules, cela aura des répercussions néfastes sur l'adoption de cette technologie, sans parler de leur réputation.
Cela ne signifie pas que le gouvernement n'a pas un rôle important à jouer. Les gouvernements ont la responsabilité d'assurer que la prochaine génération de véhicules soit mise en service de façon sécuritaire et qu'elle n'entraîne pas de risques déraisonnables. Par exemple, ils doivent faire la promotion des pratiques exemplaires, des normes et des directives liées à la conception et à la mise au point de systèmes de véhicules sécuritaires. Certaines de ces pratiques exemplaires et de ces normes existent déjà, tandis que d'autres devront être créées de toutes pièces ou adaptées de celles utilisées dans d'autres secteurs.
Dans la mesure où une réglementation est nécessaire, le gouvernement devrait tenter d'uniformiser les réglementations des différents gouvernements, afin d'éviter que l'on ne se retrouve avec un ensemble disparate de lois et de normes divergentes. Il faudra pour cela assurer une bonne coordination entre les divers ministères et gouvernements, y compris les gouvernements étrangers. Le partage des résultats d'essais, d'idées et d'expériences entre les organismes et les territoires permettra également aux gouvernements de se tenir efficacement au courant des changements technologiques rapides. La bonne nouvelle, c'est que le gouvernement fédéral a déjà entrepris des travaux dans ces domaines. Toutefois, il est possible d'en faire davantage.
Lors de réunions précédentes, vous avez discuté avec les témoins de savoir qui prend, ou devrait prendre, l'initiative en la matière. Même s'il faut tenir compte de la répartition des pouvoirs et des mandats de chaque ministère, il serait dans l'intérêt de toutes les parties intéressées, y compris de la population, que la coordination en coulisse entre les ministères du gouvernement fédéral et les provinces et les territoires soit plus visible et que les parties intéressées puissent s'adresser à un guichet unique ou à un point de contact principal pour avoir accès au gouvernement. Par exemple, si les intervenants de l'industrie souhaitent discuter de la question de la cybersécurité et des véhicules autonomes et connectés avec le gouvernement, à qui peuvent-ils s'adresser? À Transports Canada? À Sécurité publique Canada? Ou ailleurs?
Deuxièmement, même si le gouvernement est très réceptif aux commentaires de l'industrie, les consultations ne se font que de façon ponctuelle. Il ne semble pas exister de mécanisme ou de plateforme établie pour favoriser des consultations permanentes entre l'industrie et le gouvernement. Une telle plateforme aiderait l'industrie à mieux comprendre les priorités des organismes responsables de la réglementation, et le gouvernement pourrait s'informer sur la façon dont les industries règlent ces problèmes. Encore une fois, le lancement d'une telle plateforme exigera une meilleure coordination entre les ministères et les différents paliers de gouvernement.
En résumé, lorsqu'il s'agit d'enjeux liés à la sécurité et la cybersécurité, l'industrie et le gouvernement cherchent tous deux à suivre la meilleure démarche. Pour y arriver, il faudra adopter une approche collaborative. Les intervenants de BlackBerry sont prêts à participer à une telle initiative.
C'est ce qui termine mon exposé. M. Wall et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Nous vous remercions beaucoup de votre exposé.
Le sénateur Eggleton : Je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je suis désolé d'avoir manqué la visite de vos installations de Kanata qui a eu lieu hier. J'espère que je ne répéterai pas des questions que mes collègues vous ont déjà posées pendant la visite.
J'aimerais me concentrer sur la protection de la vie privée. Lorsque le commissaire à la protection de la vie privée a comparu devant le comité, il a souligné l'importance de la protection de la vie privée dès l'étape de la conception. Autrement dit, il faut tenir compte des besoins en matière de protection de la vie privée dans la conception et l'architecture de ces produits dès le départ. Dans quelle mesure BlackBerry QNX intègre-t-elle des éléments liés à la protection de la vie privée dans la conception de ses produits automobiles?
M. Chennakeshu : La gestion de la protection de la vie privée et des données relatives à la vie privée est essentiellement effectuée par les constructeurs d'automobiles. Ils contrôlent cet élément, car ils assemblent l'ensemble du système. Nous assemblons des pièces dans lesquelles nous incluons des éléments qui peuvent contribuer à protéger les données. Toutefois, au bout du compte, les politiques et la configuration liées à la protection des données qui peuvent être renvoyées et utilisées sont la responsabilité du constructeur d'automobiles.
Le sénateur Eggleton : Eh bien, cela me préoccupe, car on se renvoie la balle en ce qui concerne la responsabilité.
Permettez-moi de vous poser une question sur la séparation des enjeux liés à la protection des renseignements personnels et ceux liés à la sécurité. Des témoins précédents ont laissé entendre qu'on devrait séparer les systèmes essentiels à la sécurité et les systèmes non essentiels à la sécurité. Qu'en pensez-vous? Que faites-vous à cet égard?
M. Chennakeshu : C'est une question à deux volets, sénateur. Le premier concerne la confidentialité des données, et l'autre, la sécurité.
En ce qui a trait à la sécurité, nous avons adopté sept piliers qui, à notre avis, sont essentiels pour rendre l'automobile réellement sécuritaire. Il ne s'agit pas d'un seul élément, mais d'une série d'éléments nécessaires pour assurer la sécurité. L'isolement est un élément, mais ce n'est pas le seul. Si vous le souhaitez, je peux vous parler davantage des sept piliers.
Le sénateur Eggleton : Oui. Toutefois, je ne sais pas si j'ai suffisamment de temps.
M. Chennakeshu : Je peux vous donner un aperçu général.
Tout d'abord, il y a de nombreux fournisseurs dans l'écosystème de l'automobile. Par conséquent, une vulnérabilité peut être introduite à n'importe quel point de la chaîne d'approvisionnement. La première étape consiste donc à déterminer comment rendre la chaîne d'approvisionnement sécuritaire, car elle est très poreuse. C'est le premier pilier. Nous avons des techniques qui servent à colmater la chaîne d'approvisionnement.
Deuxièmement, il faut se demander comment utiliser uniquement des éléments fiables, par exemple des logiciels et de l'équipement qui ont fait leurs preuves. C'est le deuxième pilier.
Le troisième pilier est l'isolement. Comment peut-on isoler les systèmes essentiels à la sécurité et les systèmes non essentiels à la sécurité sur des réseaux distincts, afin de gérer la communication entre les deux? Il y a deux volets. Le premier vise l'isolement à l'échelle du réseau, et le deuxième concerne l'isolement des messages qui sont envoyés entre ces ordinateurs.
Le troisième élément est ce que nous appelons les bilans de santé sur le terrain. En effet, les logiciels évoluent ou se transforment au fil du temps. Les gens téléchargent des applications. Cela peut créer une vulnérabilité. On doit donc se demander comment scanner des codes ou des logiciels sur le terrain pour vérifier si une vulnérabilité a été introduite. C'est le quatrième pilier.
Lorsqu'on a cerné ces vulnérabilités, il faut se demander comment les corriger. C'est le cinquième pilier.
Nous aimerions également enseigner aux gens la bonne culture à adopter pour éviter les mauvaises techniques de construction. Nous offrons donc maintenant une formation axée sur cette culture à nos ingénieurs pour les encourager à construire des produits sécuritaires.
Enfin, lorsqu'on fait face à une vulnérabilité, il faut pouvoir disposer d'un réseau de crise pour échanger des renseignements sur cette vulnérabilité entre les parties intéressées, afin de prendre des mesures immédiates. Nous appelons cela la « connexion de crise ».
Ce sont les sept piliers qui, selon nous, devraient faire partie d'un cadre visant à mettre au point des solutions holistiques en matière de cybersécurité.
Le sénateur Eggleton : Si vous pouviez nous fournir une description plus approfondie de ces piliers par écrit, nous vous en serions reconnaissants.
M. Chennakeshu : Oui, absolument.
Le sénateur Eggleton : Dans votre exposé, vous avez dit que vous souhaitiez qu'on crée un guichet unique qui servirait de point de contact principal avec le gouvernement et que le gouvernement devait déterminer qui serait l'intervenant principal dans un tel cas. On a également laissé entendre au comité qu'il faudrait créer un nouvel organisme pour répondre à ce besoin. Avez-vous des commentaires à cet égard?
M. Chennakeshu : Non, pas vraiment. Je vais donner la parole à John, car il traite avec le gouvernement.
John Wall, premier vice-président et chef de BlackBerry QNX, BlackBerry : Au chapitre de la cybersécurité, il est certainement nécessaire de créer un point de contact approprié. J'ai collaboré avec plusieurs organismes gouvernementaux à cet égard, que ce soit à l'échelon provincial ou fédéral. Je crois que cet élément est suffisamment important pour qu'un organisme distinct ou un point de contact très précis représente un avantage.
Le président : La liste d'intervenants est très longue, et je demanderais donc à tous les membres du comité de faire preuve de discipline.
La sénatrice Bovey : Je ferai preuve de discipline. Je vous remercie de la visite qui a eu lieu hier. C'était très intéressant.
Le président : Ne vous sentez pas personnellement visée.
La sénatrice Bovey : J'aimerais revenir sur ce qu'a dit le sénateur Eggleton. Vous avez dit que la coordination en coulisse devrait être plus visible. Vous avez également précisé que cette coordination était effectuée à l'échelle du pays, ainsi qu'à l'échelle internationale. Cela nous aiderait si vous pouviez nous donner votre avis sur la façon de mettre cela en œuvre.
En raison de ce que nous avons entendu, j'aimerais savoir qui dirige tout cela, car cela me préoccupe. Il semble y avoir un grand nombre de dirigeants et de suiveurs, mais qui assure la cohésion? C'est le premier point.
L'autre point, c'est que vous avez dit que selon vous, il faudrait diffuser les résultats des essais. Je suis consciente que vous collaborez avec de nombreux constructeurs d'automobiles et qu'ils ont tous des plans dont ils souhaitent garder le secret jusqu'à leur présentation, mais dans le cadre des travaux de connexion que vous effectuez, j'aimerais savoir sur quelle base de référence ces résultats devraient être diffusés et comment il faudrait procéder.
M. Chennakeshu : C'est une très bonne question, sénatrice.
Nous croyons qu'à la base, nous faisons toujours face à des vulnérabilités; nous les appelons les vulnérabilités et expositions courantes, et nous utilisons l'acronyme CVE. Nous en voyons un grand nombre.
Chaque logiciel mis au point par un constructeur d'automobiles ou ses fournisseurs est légèrement différent, ce qui signifie que l'impact d'une vulnérabilité pourrait être légèrement différent sur chaque pièce. Même s'il s'agit de pièces semblables, l'impact pourrait être légèrement différent, par exemple, sur un groupe d'instruments numériques d'un véhicule comparativement à celui d'un véhicule d'une autre marque. À la base, je crois que les entreprises doivent communiquer les vulnérabilités qu'elles ont identifiées, leurs observations et les impacts enregistrés. Grâce à ces connaissances, nous pouvons mettre au point de nombreuses techniques pour renforcer l'ensemble du système.
Ce qu'il faut comprendre dans un système d'automobiles connectées et d'infrastructures — car ces voitures autonomes communiqueront entre elles et avec l'infrastructure —, c'est que si un élément est infecté, cela peut se propager comme un virus. Par conséquent, il est très important de communiquer les vulnérabilités dans le groupe afin de prendre des mesures proactives.
La sénatrice Bovey : Si vous rédigiez les règlements pour le gouvernement, serait-ce l'un des règlements que vous ajouteriez au système?
M. Chennakeshu : Je crois que je créerais une ligne directrice qui ordonnerait la création d'un réseau de connexion en cas de crise auquel l'adhésion serait obligatoire. Aujourd'hui, il existe des choses comme Auto-ISAC, un système dans lequel on partage des renseignements. Toutefois, tout le monde n'est pas membre et il n'y a aucune réponse immédiate. Il faut du temps pour obtenir une réponse de ces comités. Nous aimerions que cette réponse soit instantanée. En effet, même si vous détectez une vulnérabilité, comment pouvez-vous la signaler? Aujourd'hui, dans le cas des téléphones mobiles, lorsque vous décelez une vulnérabilité, il faut un mois, c'est-à-dire de 30 à 45 jours, pour obtenir une correction. Si vous savez qu'une voiture présente une vulnérabilité, seriez-vous prêt à attendre 45 jours pour la corriger? Non. Par conséquent, il serait préférable de diffuser ces renseignements instantanément.
La sénatrice Saint-Germain : Je vois que vous n'avez pas vos écouteurs. Je vais poser ma question, mais avant, je tiens à m'excuser de n'avoir pas pu participer à la visite qui a eu lieu hier. Toutefois, certains de mes collègues m'ont dit que c'était fantastique, et je vous en remercie.
[Français]
Ma principale préoccupation est liée à l'accessibilité à la téléphonie cellulaire dans les différentes régions du Canada. Ce service est déterminant à la capacité de conduire un véhicule autonome. Or, à ce sujet, on entend des points de vue partagés. On nous dit que la communication à courte portée devrait jouer un rôle important dans les communications entre véhicules et du véhicule à l'infrastructure. Cependant, certains experts nous disent que ce serait une mesure temporaire. Donc, les communications dédiées à courte portée, éventuellement, devraient céder la place à la technologie cellulaire 5G.
Ma préoccupation concerne autant l'accessibilité à l'infrastructure que la pertinence des investissements financiers, notamment, à l'aide des fonds publics. Que pensez-vous de la coexistence de ces deux technologies et du plan de match, en termes financiers, pour en venir un jour à avoir une accessibilité à la téléphonie cellulaire qui soit optimale dans le rapport investissement-rendement?
[Traduction]
M. Chennakeshu : Encore une fois, c'est une très bonne question. Dans l'industrie, on tente de déterminer quelle technologie sans fil donnerait les meilleurs résultats. Je crois qu'on n'utilisera pas seulement une technologie, mais plusieurs technologies.
Je crois que dans le cas d'une vaste zone à couvrir, il faut absolument utiliser la technologie cellulaire. Ensuite, il faut obtenir une localisation précise, au centimètre près. C'est possible. On ne peut pas y arriver avec la technologie GPS régulière, mais c'est possible avec la technologie GPS renforcée. Il s'agit d'une autre technologie nécessaire. Elle sera probablement fournie par satellite. Ensuite, la technologie à courte portée sera nécessaire, par exemple, lorsqu'il s'agit de communiquer d'une voiture à l'autre. Dans ce cas, on pourrait utiliser les communications dédiées à courte portée, les CDCP.
Je crois qu'on utilisera une combinaison de technologies. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il faudra du temps pour mettre au point des voitures autonomes de niveau 4 ou 5, c'est-à-dire dont la conduite est complètement automatisée. Cela ne se produira pas du jour au lendemain. Nous pensons qu'il faudra du temps avant de pouvoir offrir une couverture complète d'un pays à l'autre pour que cela fonctionne bien. Ces investissements sont nécessaires si on tient à lancer ce type de véhicule sur la route.
Je crois qu'on devrait commencer dans les villes et gagner ensuite les régions, car il est beaucoup plus facile de couvrir des régions locales que de vastes régions.
M. Wall : J'aimerais ajouter qu'un débat ouvert est en cours. En effet, de nombreux Européens attendent toujours la technologie 5G. Aux États-Unis, on utilise les CDCP. Selon de nombreux fournisseurs comme AT&T, et cetera, l'avenir appartient à un modèle hybride. Il y aura des réseaux sans fil à courte portée. Il y aura la technologie 5G. On espère que la technologie 5G fournira une couverture plus généralisée. Comme Sandeep l'a mentionné, selon nous, ce sont ces défis qui retarderont la conduite autonome à très large échelle pendant de nombreuses années.
La sénatrice Saint-Germain : Avez-vous un avis sur le partage du financement de la mise au point et de la mise en œuvre de ces technologies? Qui devrait payer? Qui devrait profiter des avantages? L'utilisateur?
M. Wall : Les contribuables.
La sénatrice Saint-Germain : Les contribuables?
M. Wall : Eh bien, c'est l'infrastructure gouvernementale.
M. Chennakeshu : Normalement, d'après ce que nous avons vu, je crois que cela ressemblera énormément à la façon dont nous l'avons fait au fil des ans. Je travaillais anciennement dans l'industrie des télécommunications. J'ai passé de nombreuses années chez Ericsson, la société de téléphonie mobile. J'y étais le directeur principal de la technologie, et j'ai participé à l'élaboration de sept ou neuf normes dans le monde. De grandes entreprises de télécommunications doivent investir pour construire l'équipement, et les fabricants de circuits intégrés doivent produire le bon type de circuits intégrés. Les fabricants de téléphones ou d'équipement doivent faire les bons investissements dans la recherche-développement pour être présents, parce que cela leur permet aussi de réaliser des profits.
Ensuite, le gouvernement y prend part lors de l'attribution du spectre. C'est à cette étape que les autorités doivent voir à l'attribution du bon spectre pour nous donner une telle couverture et éviter que ce soit fragmenté, ce qui rendrait le tout trop cher.
Le sénateur Mercer : J'aimerais remercier les personnes qui se sont occupées de la présentation hier. J'étais de la partie hier à Kanata. C'était excellent, et j'ai beaucoup appris, mais vous avez soulevé de nombreuses questions qui persistent encore aujourd'hui.
Nous sommes maintenant en 2030. Nous avons maintenant beaucoup de véhicules sur les routes qui ont cet équipement. J'aimerais parler de deux véhicules différents de deux constructeurs différents. Ce sont des modèles différents. Leur logiciel est différent et est fabriqué par des entreprises différentes, mais ces véhicules ont le même problème. Les deux propriétaires consultent le même mécanicien, qui n'est pas le concessionnaire où ils ont acheté leur véhicule. Comment ces propriétaires peuvent-ils faire réparer leur véhicule?
Nous avons une situation qui s'est produite dans d'autres industries, dont le secteur agricole, en ce qui concerne un important constructeur d'équipement agricole. Lors de la vente de l'équipement, le constructeur inscrit dans le contrat de vente que le propriétaire doit faire faire l'entretien de son équipement chez le concessionnaire du constructeur. Eh bien, ce n'est pas possible pour tout le monde qui utilise l'équipement de ce constructeur. Comme les agriculteurs sont les personnes les plus novatrices au monde, ils ont trouvé une façon de contourner le problème, mais cela peut annuler la garantie de leurs véhicules.
Comment cela fonctionne-t-il dans le cas d'un logiciel? Il est question d'une industrie axée sur les logiciels. Ce n'est pas la puissance du moteur qui importe; c'est principalement l'efficacité du logiciel qui compte. Comment cela fonctionnera-t-il pour le consommateur? J'ai un problème, et le sénateur Dawson a aussi un problème avec son véhicule. Nous avons acheté nos véhicules de différents constructeurs. Comment cela nous aide-t-il?
M. Chennakeshu : C'est une excellente question. Nous avons en fait réfléchi très attentivement à la question, parce qu'il y a en fait deux problèmes à régler dans cette situation. Je vais vous expliquer comment nous réparons le véhicule, puis j'aimerais parler d'un problème plus fondamental.
Vous avez deux constructeurs, dont les fonctionnalités peuvent être similaires, mais ils utilisent un logiciel différent. Si quelque chose ne fonctionne pas, comment pouvez-vous le réparer? C'est déjà en branle; le logiciel inclura des tests diagnostiques qui feront continuellement rapport de ce qui se passe dans le logiciel. Nous surveillerons ces éléments sur les tableaux de bord, et nous téléchargerons un nouveau logiciel dans le véhicule à l'aide de la technologie sans fil pour corriger tout dysfonctionnement à la minute où l'analytique prédictive nous permet d'en détecter un. Se rendre dans un garage sera en fait très dépassé. Cela se fera entièrement grâce à la technologie sans fil. Nous constatons déjà que de nombreux constructeurs collaborent avec nous ou d'autres pour complètement régler le problème logiciel en téléchargeant simplement une nouvelle version du logiciel. C'est ce que nous appelons des mises à jour logicielles sans fil.
Toutefois, il y a un problème plus fondamental. Prenons, par exemple, un véhicule autonome. Vous avez un véhicule autonome qui doit percevoir son environnement et qui doit ensuite comprendre l'environnement dans son contexte; c'est ce que nous faisons avec notre cerveau avant de poser un geste. Dans le cas d'un véhicule autonome, si deux constructeurs ont deux moteurs de stratégie différents et que l'un des constructeurs détermine qu'il y a un bébé et qu'il doit tourner à droite et que l'autre constructeur détermine qu'il doit tourner à gauche, il y a un problème. L'établissement de certains critères stratégiques concernant la façon de percevoir des problèmes contextuels et d'y trouver une solution sera un problème beaucoup plus difficile à régler.
Le sénateur Mercer : Cela touche l'essence de la question. Hier, durant la visite, nous avons parlé des mises à jour logicielles sans fil et de leur déploiement. Cela fonctionne si vous avez un spectre précis pour ce faire et si vous en avez la capacité. Actuellement, nous n'avons pas la capacité de le faire partout au pays. C'est le problème pour les consommateurs. Je n'achèterai pas un véhicule si je ne suis pas certain que je peux le faire réparer. Dans un tel cas, pour les nouvelles versions, si cela se fait par l'entremise de mises à jour sans fil, je ne sais pas si vous pouvez le faire. Vous ne pouvez pas communiquer avec moi, parce que j'habite en milieu rural en Nouvelle-Écosse. J'ai accès à des services raisonnablement efficaces, parce que je n'habite pas très loin d'une grande ville, mais de nombreux Canadiens habitent dans des collectivités rurales ou éloignées. Comment peuvent-ils avoir accès à un tel service? Doivent-ils se rendre en ville pour recevoir la mise à jour?
M. Chennakeshu : En fait, il y a diverses manières de régler ce problème, sénateur. Ce n'est pas nécessaire d'utiliser les ondes cellulaires dans les cas où les consommateurs en milieu rural n'ont pas de couverture. C'est tout à fait exact. Cependant, nous pouvons également déployer le logiciel par l'entremise de la technologie Wi-Fi. Vous y avez donc accès sur Internet dans votre garage grâce à la technologie Wi-Fi. Voilà une autre manière d'y arriver. En ce qui concerne la troisième façon, nous en avons déjà discuté avec les fournisseurs de services par satellite pour déterminer s'ils ont la capacité de l'offrir. Il y a donc trois manières de le faire. Il y a bien entendu aussi la manière traditionnelle. Un mécanicien peut se rendre sur place avec une boîte et mettre à jour le logiciel grâce à la technologie sans fil de proximité.
Le sénateur Mercer : J'aimerais vous poser une dernière petite question. Si vous avez l'intention de procéder ainsi, vous créerez un nouveau problème de sécurité pour l'entreprise. Si vous envoyez les mises à jour par satellite ou d'autres moyens, votre concurrent ou un autre peut les intercepter.
M. Chennakeshu : Non. Je ne crois pas que c'est possible. Notre système de mises à jour logicielles sans fil est très sécuritaire. Actuellement, nous prenons le progiciel, et chaque bloc du logiciel est chiffré. Ensuite, le manifeste qui contient tout le progiciel est aussi chiffré; c'est envoyé au véhicule, et c'est seulement décompacté par le véhicule. Le véhicule doit avoir des clés et des certificats spéciaux avant même de pouvoir l'ouvrir. Même si le véhicule l'ouvre, il ne peut rien faire. Nous envoyons de manière tout à fait séparée une commande de contrôle, qui est aussi chiffrée et qui est 128 fois plus sécuritaire qu'une transaction bancaire. C'est ce qui est utilisé pour exécuter la commande. La probabilité qu'une personne intercepte les deux éléments et les déchiffre est hautement improbable.
Le sénateur Mercer : N'est-ce pas merveilleux quand les témoins ont toujours réponse à nos questions?
M. Wall : En ce qui a trait à l'exemple dont nous avons parlé hier, soit l'équipement agricole, ce dont Sandeep parlait au sujet de protéger la chaîne d'approvisionnement empêcherait une personne de réparer le véhicule sans les pièces autorisées.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie énormément pour la présentation et la visite très intéressantes hier. Une partie de moi est emballée et fascinée par la technologie et toutes les images futuristes de véhicules autonomes sur les autoroutes. Cependant, lorsque je prends le chapeau de sénatrice, j'essaie de penser davantage comme une citoyenne, une contribuable et une utilisatrice.
Nous avons actuellement un système de transport très inefficace. Les véhicules sont dans les garages 90 p. 100 du temps. Lorsqu'ils sont sur la route, environ les trois quarts des véhicules sont une perte d'espace, puis nous avons la congestion. Tout le monde est derrière son volant en même temps durant l'heure de pointe. Nous brûlons du combustible fossile, et ce n'est pas une bonne chose pour l'air ou les humains.
Comment cette technologie réussira-t-elle à régler ces problèmes sociaux? Jusqu'à présent, les réponses que nous avons entendues ne me plaisent pas, parce qu'elles me disent qu'une seule personne prendra place dans la voiture. La congestion sera encore bien présente. Cela coûtera très cher, parce qu'il est question d'utiliser une interconnexion satellite et la technologie 5G dans le véhicule; nous aurons aussi besoin d'infrastructure. Cependant, s'il continue à y avoir qu'un seul passager à bord du véhicule — ce sera ma mère ou la mère d'un autre; c'est ce que nous avons entendu; ce sera la mère d'un autre qui prendra place sur la banquette arrière —, cette personne n'aura pas les moyens de payer pour tout cela.
Je sais que vous ne pouvez pas répondre complètement à ma question, mais j'aimerais savoir comment vous voyez cela. Qu'en pensez-vous?
M. Chennakeshu : Je ne peux qu'être d'accord avec vous qu'au départ une telle technologie coûte cher. Toutefois, au fil des ans, le coût diminue toujours. À l'époque où je mettais au point la technologie 3G, j'ai en fait dépensé 1 milliard de dollars américains avant de créer ma première puce. Tout le monde pensait évidemment que j'étais fou. Ma première puce a coûté 60 $. Cinq ans plus tard, la puce coûtait 15 $, et elle coûte aujourd'hui seulement 5 $.
Ce qui se produit, c'est qu'avec le temps l'innovation permet en fait de réduire la courbe de coût. Je suis donc persuadé qu'avec le temps cela deviendra beaucoup plus efficient, parce qu'il y aura beaucoup plus d'utilisateurs et d'applications, ce qui viendra compenser une partie du coût lié aux véhicules. Cette technologie ne sera pas seulement utilisée dans les véhicules, parce que nous utilisons les mêmes types de capteurs à d'autres fins. Bref, avec le temps, le coût diminuera.
À mon avis, le plus grand avantage des véhicules autonomes est une hausse de la productivité. L'Américain moyen passe d'une heure à une heure et demie sur la route. Il y a énormément de congestion, ce qui signifie que des véhicules tournent au ralenti, et des moteurs qui tournent au ralenti polluent et consomment du combustible fossile.
Il y a des accidents. Bon nombre d'accidents sont dus à la distraction ou à la fatigue. Le coût en vies humaines est important.
Lorsque nous additionnons tous ces éléments, nous constatons en fait que cela nous permet de réaliser de grandes économies, et je crois que plus la technologie sera utilisée et plus ces coûts diminueront.
Bon nombre de personnes qui ne savent pas conduire aujourd'hui ou qui ne peuvent pas le faire, comme les personnes âgées, pourraient maintenant utiliser ce moyen de transport. À mon avis, nous réglerons ce problème avec le temps, comme nous l'avons fait dans de nombreux autres cas. Cependant, il faudra déployer des efforts concertés et mener de concert des recherches pour y arriver.
La sénatrice Galvez : En ce qui concerne un autre aspect, vous n'êtes pas une société ouverte?
M. Wall : Nous le sommes.
La sénatrice Galvez : Vous recevez donc du financement externe?
M. Chennakeshu : Non. Nous sommes une société ouverte. Nous finançons notre propre recherche-développement. Nous sommes évidemment disposés à considérer d'autres investissements, mais nous sommes entièrement autofinancés actuellement et nous le faisons en fonction des revenus que nous générons.
La sénatrice Galvez : Je vous pose cette question en raison de la propriété intellectuelle. Vous devez impérativement protéger ce que vous développez en matière de sécurité. En le communiquant et en le diffusant, en réduisons-nous le niveau de sécurité?
M. Chennakeshu : Votre question referme en fait deux excellentes questions, sénatrice. Il y a d'abord la question de la propriété intellectuelle. Nous considérons comme important de protéger notre propriété intellectuelle, parce que c'est le seul moyen de dissuasion pour limiter les coûts.
Prenons, par exemple, ce qui se passe actuellement avec les téléphones cellulaires; lorsque des entreprises me demandent de leur verser des redevances, parce que j'utilise leur technologie, si je ne possède pas la propriété intellectuelle, je n'ai d'autre choix que de payer. Toutefois, si je possède la propriété intellectuelle, nous avons la paix; personne n'a besoin de payer de redevances. C'est très important pour limiter les coûts. Je considère comme important de conserver les brevets liés à ma propriété intellectuelle et d'être en position de force. C'est important pour une entreprise canadienne.
Votre deuxième question portait sur la diffusion de nos connaissances. Par exemple, lorsque John fournit son logiciel à des entreprises, nous ne le leur remettons pas sous forme de code source. Nous le faisons seulement sous forme de code exécutable. Ce code ne peut donc pas être décompilé par ces entreprises.
Nous avons également des techniques spéciales où nous pouvons exposer une partie de notre sécurité, mais nous exposons seulement la partie publique et non la partie privée. La rétro-ingénierie est donc impossible. Cela fait penser à une porte dérobée; c'est facile d'aller dans un sens, mais c'est difficile d'aller dans l'autre.
M. Wall : C'est important lorsque vous entendez parler de Linux et d'Android. Vous ne retrouverez jamais cela dans des systèmes certifiés sécuritaires ou sécurisés, parce qu'il y a énormément de portes dérobées et de nombreuses manières d'obtenir le code source; c'est fragmenté. Bref, nous sommes très prudents avec notre propriété intellectuelle; en vue de maintenir le plus haut niveau de sécurité, nous ne communiquons pas notre code source, sans exception.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Chennakeshu, j'ai écouté votre présentation avec fascination. Je vous en remercie. Cela m'a ramené dans les années 1950 et 1960, alors que je prenais la route avec mon père, carte routière en main. De nos jours, nous avons des voitures équipées de GPS, et vous nous dites que, vers les années 2030, nous pourrons avoir accès à des voitures autonomes. En 2030, j'aurai 80 ans, et j'espère avoir une voiture autonome. Je vais la programmer pour qu'elle me dépose à l'épicerie. C'est tellement parfait. Même si je perds mon droit au permis de conduire pour des raisons de santé, j'aurai ma voiture autonome. Continuez vos recherches, je vous en prie! Je vous encourage à le faire. Si je peux vous aider de quelque manière que ce soit, faites-moi signe.
Je m'excuse, monsieur le président, j'avais une petite boule d'émotion. Maintenant que je me suis exprimé, je me sens mieux.
J'arrive maintenant à ma question. Vous devez avoir des compétiteurs dans le développement des technologies de l'automobile, et j'imagine que vous les connaissez. Quels avantages offrez-vous aux constructeurs automobiles? J'imagine aussi que des sociétés chinoises et coréennes ne sont pas loin derrière. Quels avantages les constructeurs automobiles vont-ils trouver dans l'utilisation de votre application?
[Traduction]
M. Chennakeshu : Nous avons en gros deux percées technologiques. Premièrement, nous avons probablement le meilleur système d'exploitation, qui est certifié sécuritaire. Ce n'est pas tout; notre système d'exploitation vous procure également une très grande fiabilité et sécurité. Nous avons passé 20 ans à le mettre au point et nous avons déjà travaillé avec des constructeurs automobiles, et ils nous font confiance pour une raison. C'est une base très solide. Il y a peut-être deux ou trois entreprises dans le secteur, et nous semblons nettement devancer la concurrence.
Le deuxième aspect très important est la sécurité. Au sein de notre entreprise, la sécurité fait partie de notre ADN. Nous adoptons une approche très globale. Nous n'examinons pas la sécurité d'un seul aspect. Nous avons parlé des sept piliers de la sécurité des systèmes. J'ose affirmer qu'il n'y a aucune entreprise sur la planète qui a ces sept éléments. Nous croyons pouvoir offrir quelque chose de fondamentalement distinct que personne d'autre ne peut avoir.
Cela signifie également qu'en vue de conserver notre longueur d'avance nous devons continuer d'investir. Cela ne signifie pas nécessairement d'investir des sommes énormes. Cela peut représenter, sur 5 ans, 30, 50 ou 70 millions de dollars. Cela ne veut pas dire d'investir plus que cela, mais nous devons absolument le faire.
Nous devons encourager très efficacement nos universités à produire des étudiants qui peuvent se joindre à notre entreprise, parce que nous perdrons notre titre de chef de file en la matière, si ces étudiants ne sont pas enthousiastes par rapport à ce que nous faisons et que nous arrêtons de former la relève pour conserver notre titre de chef de file.
Nous ne pouvons pas nous permettre de nous reposer sur nos lauriers. J'en ai déjà été témoin au fil des ans. Je me fais vieux également. Nous devons investir dans les universités pour produire la prochaine génération de travailleurs qualifiés auxquels passer le témoin dans cette course à relais en vue de poursuivre sur notre lancée.
[Français]
Le sénateur Dagenais : La société Apple, qui pourrait être votre compétiteur, est extrêmement riche; où vous situez- vous par rapport à la société Apple?
[Traduction]
M. Chennakeshu : Apple est un fabricant de produits de consommation qui est très doué dans son domaine. L'entreprise a un portefeuille bien garni, mais elle ne s'occupe pas vraiment du genre de travail que nous réalisons. Pourrait-elle nous livrer concurrence? Absolument. Toutefois, nous avons une longueur d'avance, et nous devons la maintenir.
M. Wall : Il y a quelque chose que j'aimerais clarifier. Vous avez mentionné les entreprises coréennes, japonaises et autres. Nous ne rivalisons avec aucun constructeur d'automobiles. Nous fournissons en fait le logiciel de base qu'utilisent tous les constructeurs d'automobiles. Il pourrait s'agir de Google et Waymo, de Tesla, de nouveaux véhicules électriques de la Californie ou des FEO traditionnels.
La valeur que nous apportons est liée au système d'exploitation de base en temps réel et à tous les actifs de sécurité de BlackBerry.
La société Apple, en particulier, n'a pas vendu son logiciel de la même façon que nous vendons le nôtre. Elle fabrique des produits comme des téléphones cellulaires et tout le reste. Comme Sandeep l'a indiqué, ses employés sont très doués. Il sera intéressant d'observer la direction qu'ils prendront.
La sénatrice Griffin : J'aime vraiment vos recommandations. L'une d'elles consiste à améliorer la coordination en coulisse entre les ministères, tant fédéraux que provinciaux, en organisant des discussions. J'aime votre idée de créer un guichet unique pour des consultations permanentes entre l'industrie et le gouvernement. Je pense qu'il s'agit là d'excellentes recommandations. Bien entendu, le gouvernement fédéral joue déjà un rôle dans le financement de l'Initiative des supergrappes en innovation. Donc, ce sont toutes de bonnes nouvelles. Mais, en ne perdant pas de vue le fait que les instruments économiques et les instruments de réglementation relèvent tous deux du gouvernement, y a-t-il d'autres mesures que vous souhaiteriez lui voir prendre afin de faire avancer votre industrie?
M. Chennakeshu : J'estime qu'il conviendrait que le gouvernement investisse dans nos universités et les encourage à produire des étudiants, qu'il investisse dans les entreprises canadiennes afin qu'elles puissent devenir des chefs de file et élaborer des droits de propriété intellectuelle, de sorte que notre capacité de soutenir la concurrence ne soit pas compromise. Il serait très important que le gouvernement investisse dans des entreprises canadiennes, parce que les grandes entreprises dotées d'un portefeuille bien garni sont en mesure d'investir davantage et que nous ne devons pas nous laisser distancer. Ce serait extrêmement avantageux pour que nous et d'autres entreprises canadiennes puissions livrer concurrence.
La sénatrice Griffin : Merci, c'est formidable.
J'aimerais donner suite à la question du sénateur Mercer. Je m'intéresse au marché secondaire, au Canadian Tire local. Dans les années à venir, quelles réparations ces gens pourront-ils effectuer sur des véhicules, à part changer leurs pneus? Seront-ils en mesure de procéder en fait à des réparations sur des véhicules? Échangerez-vous des renseignements avec eux qui permettront à ces autres exploitants du marché secondaire de poursuivre leurs activités?
M. Chennakeshu : Cela nous ramène à la question de la protection des renseignements personnels. Le sénateur Eggleton a essentiellement soulevé cette question.
Par exemple, nous élaborons un système de l'IdO, de l'Internet des objets, qui est une plateforme ou un système infonuagique. Dans ce système, chaque donnée est dotée d'une petite balise, une balise d'autorisation et, selon votre identité, vous êtes autorisé à voir ou non les données. Nous sommes en mesure de filtrer les données en fonction de ces balises.
L'échange d'information doit être géré d'une façon très méticuleuse parce qu'il faut que nous sachions qui a besoin de connaître ces renseignements et que nous leur en communiquions juste assez, parce que nous ne voulons pas que tout le monde ait accès à la totalité des renseignements, car cela pourrait créer une vulnérabilité éventuelle.
Oui, nous croyons que nous pouvons échanger des renseignements avec eux et qu'en fonction de ces renseignements, ils pourront en fait améliorer la qualité de leurs produits.
Permettez-moi de vous dire qu'il est possible de faire des choses très ingénieuses avec les pneus. On peut concevoir des systèmes de surveillance de la pression des pneus plus perfectionnés qui permettraient de déterminer si la pression des pneus respecte certaines limites. La pression des quatre pneus est-elle exactement la même, ou est-elle déséquilibrée? Toutes ces données peuvent être fournies en retour. Nous pourrions prendre des mesures préventives très ingénieuses en disant : « Vous savez quoi? Trois de vos pneus sont en bon état, mais la pression de l'un d'eux est très faible. Faites attention. »
Il y a certaines mesures que nous pouvons prendre pour aider à cet égard. Je crois que le plus gros problème lié au marché secondaire, c'est comment éviter que les composants du marché secondaire introduisent une vulnérabilité. C'est la raison pour laquelle nous avons développé le concept selon lequel chaque puce de chaque dispositif du marché secondaire doit être dotée d'une clé et d'un certificat, connus sous le nom de certificat de naissance. Lorsque le certificat de naissance est installé, il ressemble à votre passeport ou votre permis de conduire; il doit être délivré par une autorité d'un genre ou d'un autre. Nous l'appelons l'autorité de certification de base. Dans notre cas, c'est le gouvernement qui fait fonction d'autorité de base, mais vous devez déterminer si cette pièce a été qualifiée et si tous ses composants ont été contrôlés; sinon, la pièce sera rejetée et ne pourra jamais être installée.
M. Wall : Cela veut dire que Canadian Tire pourrait toujours réparer votre véhicule, mais il faudrait que ses pièces proviennent d'un fournisseur de confiance qui peut vendre des pièces dont l'authentification est appropriée pour le système. Cela nuirait aux entreprises du marché secondaire qui clonent des pièces. En effet, elles ne pourraient plus fabriquer ces pièces, parce qu'il faudrait qu'elles aient été approuvées par l'autorité des FEO.
Le président : Je pense que les Canadiens ont toutes les raisons d'être fiers du passé de la société BlackBerry, et vos projets d'avenir nous apportent une grande fierté. Cela dit, vous avez également parlé de la confiance. Prenons l'exemple de Volkswagen qui a trahi cette confiance en mentant essentiellement aux consommateurs à propos de leurs produits. Nous savons tous que les banques ne nous disent pas toujours la vérité à propos de leur vulnérabilité parce qu'elles cherchent à protéger leur réputation. Elles ne veulent pas savoir combien de personnes se sont fait voler les données de leurs cartes magnétiques, car cela a une incidence sur la valeur de leurs actions. Cette confiance doit être gagnée et, pour ne pas la perdre, des entreprises ont recours à la protection des renseignements personnels, comme Volkswagen et les banques le font.
Mon collègue, qui vous posera une question après moi, soutient qu'il est bien que vous protégiez vos intérêts, mais que cela fera de vous pratiquement un monopole, en un sens, parce qu'il sera impossible d'obtenir des pièces de rechange qui coûteront moins cher parce que des entreprises ont été autorisées à les fabriquer à meilleur marché. Les gens devront les acheter auprès de vous. Voilà les questions qui pourraient inquiéter les consommateurs à qui l'on dit qu'ils ne seront pas en mesure de trouver un produit concurrentiel.
M. Chennakeshu : Nous n'affirmons pas que vous devrez acheter quoi que ce soit auprès de nous. Nous fournirons les technologies des composants que tout constructeur d'automobiles peut utiliser pour protéger ses pièces. Nous ne fournissons que les mécanismes nécessaires pour que toute pièce puisse se protéger à l'aide de notre technologie. Les constructeurs auront complètement le choix. Nous ne souhaitons pas accroître les coûts du système, mais plutôt les réduire en encourageant la libre concurrence. Qui que vous soyez et quelle que soit la façon dont vous concevez votre produit, si vous respectez ces principes et utilisez ces technologies, vous serez protégé.
Le président : En va-t-il de même si vous le faites dans un environnement transparent?
M. Chennakeshu : Oui.
M. Wall : Cela signifie, par exemple, que le FEO sera en mesure d'utiliser notre technologie pour authentifier les pièces qui sont installées dans ses voitures.
Le sénateur Mercer : Merci. Je n'avais pas l'intention de poser une question à propos des pièces du marché secondaire, mais je partage l'avis du sénateur Dawson. Il est à craindre que cela fasse grimper leurs prix, et vous devez continuer de remédier à ce problème.
Je vais revenir à ma question initiale concernant l'autre préoccupation que les membres du public et les membres de l'industrie nous ont communiquée. La question concerne les perspectives d'emploi qui existeront à mesure que nous progresserons et que nous renouvellerons l'industrie. Nous nous éloignons un peu du mécanicien qui travaille sur ma voiture pour passer à quelqu'un qui possède beaucoup plus de connaissances techniques. Je pense que nos universités sont probablement en bonne posture, mais nos collèges communautaires sont-ils prêts à modifier la façon dont ils forment les mécaniciens de l'avenir? Sont-ils prêts à parler de la façon de composer avec les autres personnes qui offriront des services à l'industrie, et progressons-nous au même rythme que l'industrie?
Je raconte une histoire à propos des collèges communautaires parce qu'à mon avis, ils sont les plus en mesure de réagir rapidement aux changements du marché. Je vais donc m'écarter du sujet pendant un moment. Lorsque le gouvernement a annoncé que les chantiers navals Irving d'Halifax allaient se voir attribuer l'important contrat de 30 ans visant à rebâtir la Marine canadienne, le jour suivant les responsables du collège communautaire de la Nouvelle-Écosse se sont rencontrés et ont discuté de la façon de changer ce qu'ils faisaient afin de répondre aux besoins qu'auront les chantiers navals. Les collèges communautaires sont en mesure de faire cela, alors que les universités ont besoin de beaucoup plus de temps pour réagir.
Quelles perspectives d'emploi existent? J'imagine qu'il y en a dans la recherche et le développement, mais l'industrie est-elle prête à former les enseignants et les administrateurs d'universités sur la façon de satisfaire aux nouveaux besoins que cette nouvelle technologie engendrera?
M. Chennakeshu : Je suis d'accord, sénateur. Je crois qu'un important renouvellement est requis parce que, si vous examinez ce qui s'est produit, vous constaterez qu'il y a quelques années une voiture comptait peut-être des dizaines de millions de lignes de code. À l'heure actuelle, une voiture de qualité raisonnablement supérieure compte de 100 à 200 millions de lignes de code, c'est-à-dire plus que la combinaison du Boeing 787, du F22 et du logiciel Windows de Microsoft. C'est énorme. Le logiciel est donc un point de contrôle et un différentiateur. La compréhension du logiciel revêtira une grande importance.
La deuxième chose qui prendra de l'importance est l'apprentissage machine. Ils ont mis sur pied ce qu'ils appellent des réseaux neuronaux profonds qui s'efforcent d'imiter le fonctionnement du cerveau. Il s'agit de processeurs simples auxquels ils fournissent des tonnes et des tonnes de données de routine et qu'ils forment. Ils ne cessent de rajuster certains des poids de ces petites machines jusqu'à ce qu'elles finissent par apprendre. On peut leur apprendre à peindre un Picasso ou à faire n'importe quoi. La traduction instantanée de langues surviendra bientôt, car on élabore en ce moment d'immenses réseaux d'ordinateurs à cet effet.
Ce que nous devons faire en fait, c'est rééduquer tout le monde — la jeune génération — afin que les gens deviennent très compétents dans ce domaine et que l'économie en entier appuie ces innovations, exactement comme vous l'avez décrit. Nous ne serons pas prêts dans 10 ans à moins de commencer à réagir maintenant.
La sénatrice Bovey : Dans le même ordre d'idées, j'ai assisté ce matin, avant notre séance, à la conférence des universités du Canada où nous parlions des problèmes liés à la propriété intellectuelle et à l'ère numérique. J'ai entendu quelques exposés très fascinants, et j'ai aimé l'une de leurs déclarations selon laquelle, oui, ces technologies sont destructives, mais elles apportent de nouveaux contextes. Je m'intéresse à ces nouveaux contextes et au fait d'aller de l'avant.
Toutefois, pour en revenir aux programmes d'études, vous avez mentionné les universités, et nous savons que l'éducation relève des gouvernements provinciaux. Nous sommes également conscients que les programmes d'études pour les bambins des écoles sont élaborés par les provinces. Toutefois, je crains que cette question ne soit plus de compétence provinciale. Nous devons trouver un moyen d'intervenir — et j'aimerais connaître vos pensées à cet égard — du niveau universitaire et collégial jusqu'au niveau primaire. Mes petits-enfants apprennent les tables de multiplication de la même façon que je l'ai fait. Cela ne leur donnera pas les outils nécessaires pour faire face à ces nouveaux contextes; cela les mènera à la destruction. Êtes-vous en mesure d'interagir avec chaque niveau d'éducation et de leur faire savoir quels seront vos besoins et vos critères afin que des programmes d'études puissent être élaborés et mis en œuvre?
M. Chennakeshu : Malheureusement, non, parce que j'aimerais bien le faire, mais je ne peux penser qu'à maintenir notre entreprise à flot en tentant de changer les choses. Je crois qu'il faut que des membres de l'industrie présentent les problèmes et que ces problèmes soient convertis en de petits projets concrets. La seule façon de vraiment apprendre consiste à entreprendre des projets. Chaque école secondaire possède sa propre équipe de robotique. Qu'arriverait-il si leurs membres commençaient à travailler là-dessus? Ces élèves sont extrêmement intelligents. Si je compare ce que j'ai fait lorsque j'allais au collège à ce que mon fils de 19 ans fait aujourd'hui, la différence est spectaculaire. Ils sont en avance de 10 ans par rapport au niveau où j'étais, et la prochaine génération devra avoir encore 10 autres années d'avance. Par conséquent, nous devons permettre à cette information de filtrer jusqu'en bas. J'estime que notre industrie ne prend pas suffisamment de mesures à cet égard.
M. Wall : Je pense qu'au niveau secondaire, il n'y a pas suffisamment d'efforts déployés en ce sens, surtout lorsqu'il s'agit d'encourager les filles à faire carrière dans cette industrie. Je le constate, car j'ai trois filles, et elles ont toutes terminé leurs études secondaires sans manifester le moindre intérêt pour ce domaine. Elles commencent simplement à s'intéresser aux études universitaires.
Au niveau universitaire, nous avons remarqué qu'en informatique, le personnel enseignant mettait beaucoup l'accent sur la technologie du Web en raison de la prépondérance des téléphones cellulaires et d'Internet. La réalité, c'est que les types de logiciels que nous développons sont très intégrés, et le monde se dirige vers des logiciels encore plus intégrés qui roulent dans votre réfrigérateur, dans votre grille-pain et dans tout ce que vous faites dans la vie. Les universités ne semblent pas mettre l'accent sur les logiciels intégrés, et notre industrie doit aider à orienter certaines d'entre elles.
La sénatrice Bovey : La visite d'hier a été vraiment excellente. Je suis certaine que vous n'en avez ni le temps ni l'occasion, mais j'aimerais que toutes sortes d'écoles de tout niveau soient en mesure de visiter votre salle, parce qu'elle embraserait l'imagination des jeunes et, à mon avis, c'est ce dont nous avons besoin.
[Français]
Le président : J'aimerais remercier les représentants de BlackBerry de leur participation aujourd'hui.
[Traduction]
Honorables sénateurs, au cours de notre séance de demain soir, nous entendrons des représentants de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules et de la Compagnie General Motors du Canada. De bonnes questions ont été soulevées.
(La séance est levée.)