Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 20 - Témoignages du 14 juin 2017
OTTAWA, le mercredi 14 juin 2017
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, en séance publique et à huis clos, afin de poursuivre son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications poursuit son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés.
[Traduction]
Je suis heureux de présenter notre témoin, M. David Michelson, coprésident de la Société des systèmes de transport intelligents du Canada et professeur à l'Université de la Colombie-Britannique.
[Français]
Merci d'être avec nous ce soir. Je vous invite à faire votre présentation. Par la suite, les sénateurs vous poseront des questions.
[Traduction]
David Michelson, coprésident, Société des systèmes de transport intelligents du Canada, et professeur, Université de Colombie-Britannique, à titre personnel : Vous avez sans doute déjà entendu la fameuse remarque d'Arthur C. Clarke comme quoi chaque idée révolutionnaire semble entraîner trois phases de réaction : premièrement, que c'est complètement impossible; deuxièmement, que c'est possible, mais que cela n'en vaut pas la peine; la troisième phase étant, bien sûr, celle où on prétend avoir toujours su que c'était une bonne idée. Et il y aurait consensus, je pense, pour dire que les technologies de connectivité et d'automatisation des véhicules sont en train de franchir la deuxième phase et de parvenir à la troisième.
Soulignons au passage qu'il est assez rare que des technologies émergentes de ce type soient accueillies avec tant d'intérêt et d'enthousiasme par un si grand éventail de personnes, à un stade si précoce de leur avancement. Peut-être est-ce le reflet de la frustration collective que nous ressentons à l'égard des modes de transport existants, de notre foi dans les technologies de pointe, des répercussions majeures que pourraient avoir ces technologies sur le tissu urbain et de la facilité d'apprécier les avantages de ces technologies à une échelle humaine. On les imagine facilement suscitant l'approbation de Robert Moses et de Jane Jacobs, même si c'était pour des raisons manifestement différentes.
À l'issue de vos délibérations précédentes, vous connaissez certainement bien les objectifs des technologies de connectivité et d'automatisation des véhicules, mais je vais les répéter. Pour l'essentiel, il s'agit d'améliorer la sécurité routière, de réduire les embouteillages et de minimiser les répercussions sur l'environnement, puis d'améliorer l'efficacité des véhicules commerciaux.
Pour étudier les défis réglementaires et techniques pertinents liés à la mise en œuvre de ces technologies, il faut toutefois ne pas perdre de vue un point essentiel : que le rôle de ces technologies va plus loin que la collecte, l'échange ou l'affichage de renseignements portant sur l'environnement de conduite; il va plus loin que les censeurs et les liens de communication. Nous ne devons jamais oublier que leur objectif fondamental est d'appuyer la prise de décisions par le conducteur, qu'il s'agisse d'une personne ou d'une machine. Les décisions — freiner, donner un coup de volant à droite ou à gauche et même juger s'il faut laisser la décision à une personne ou à une machine — sont susceptibles d'éroder la sécurité et doivent généralement être prises en une fraction de seconde, à partir de données en temps réel.
Les décisions portant sur le choix des itinéraires pour minimiser la durée du trajet, les péages, la consommation de carburant ou le temps perdu dans les embouteillages peuvent requérir beaucoup plus de temps et, dans certains cas, reposer sur des données insuffisantes, voire historiques. Même les échanges de données déterminant l'exploitation de véhicules commerciaux reposent, au bout du compte, sur des décisions : les bonnes données ont-elles été échangées? Le processus est-il complet?
Ce sont, au bout du compte, les besoins du processus de prise de décisions qui déterminent les exigences et spécifications pour les censeurs, actionneurs, interfaces et appareils de communication qui relient les véhicules connectés et automatisés à leur environnement, ainsi que l'un à l'autre, déterminant ainsi, en bout de course, les exigences techniques et réglementaires. Les deux éléments sont importants, difficiles et, à l'heure où nous nous parlons, encore en cours d'élaboration. Ni l'aspect technique ni celui de la prise de décisions ne peut être élaboré correctement, ou d'ailleurs réglementé, sans tenir compte des limites de l'autre aspect.
Les défis d'élaborer des produits et de mettre en place une infrastructure sont très différents et il faut en tenir compte. Mais je dirais que le succès dans ce domaine dépend d'une véritable confiance en l'interdépendance entre la technologie et les processus de prise de décisions.
Reste-t-il des questions canadiennes importantes que les technologies n'abordent pas encore? J'en aurais un exemple. Les technologies de connexion et d'automatisation des véhicules ont été conçues au départ pour améliorer la sécurité et réduire les embouteillages sur les routes et autoroutes. De plus, au cours de la dernière décennie, les concepts ont évolué et s'appliquent à une plus grande gamme de scénarios de conduite partout dans les zones urbaines. Toutefois, la technologie conventionnelle des véhicules connectés laisse à l'écart les routes de transport des ressources. Or, en Colombie-Britannique seulement, cela représente plus de 620 000 kilomètres de routes qui desservent le secteur des ressources naturelles, les collectivités éloignées et les sites de loisirs. En fait, le réseau des routes de transport des ressources de Colombie-Britannique est plus étendu que celui des routes publiques et urbaines.
FP Innovation, l'organisation nationale de recherche et développement de l'industrie forestière canadienne, entreprend un ambitieux programme visant à développer ce qu'on appelle un réseau de transport forestier intelligent pour le Canada qui s'appuie sur les technologies de véhicules connectés actuelles, mais qui tient compte de la réalité des utilisateurs industriels peu nombreux situés dans un environnement difficile. Contrairement à d'autres groupes du secteur des ressources naturelles, le secteur forestier choisit de fonder son développement sur les technologies de véhicules connectés actuelles au lieu de développer sa propre technologie. Je crois que c'est exactement l'approche qu'il convient d'adopter.
En plus d'offrir plusieurs nouveaux services qui s'adressent aux besoins particuliers des utilisateurs en matière d'échange et de transfert de données, ces systèmes vont sans doute comprendre des protocoles de réseautage spécialisés pour les utilisateurs dans les régions à faible densité où les réseaux de communications se font rares. Ces systèmes vont également employer des radios double bande compatibles avec les réseaux urbains, mais qui réagissent mieux dans des milieux où la propagation des ondes est plus difficile, comme on le voit dans le secteur des ressources naturelles.
Il ne fait aucun doute que les Canadiens vont contribuer à l'évolution des technologies liées aux véhicules connectés et automatisés, et qu'ils vont profiter de ces technologies. Bien des gouvernements, des entreprises et des universités au pays cherchent à améliorer divers aspects de ces technologies, souvent en collaboration avec des partenaires internationaux comme les États-Unis. Les organisations comme la Société des systèmes de transports intelligents du Canada jouent un rôle clé afin que ces groupes travaillent sur un pied d'égalité, afin que les renseignements puissent être communiqués facilement. Toutefois, le Canada ne pourra profiter de ces efforts que si une stratégie nationale coordonnée permet d'appliquer les pratiques exemplaires, d'apporter des solutions adaptées aux conditions canadiennes ainsi que de faire des progrès rapides.
Le président : Merci.
Comparativement aux États-Unis, êtes-vous d'avis que nous faisons des progrès afin d'être à l'avant-garde en matière d'innovation?
M. Michelson : Je dirais que nous rattrapons notre retard. Je signale que le spectre de communication spécialisé à courte portée qu'on peut utiliser aux États-Unis depuis plus de 10 ans n'est toujours pas accessible au Canada. Toute entreprise qui veut mettre à l'essai une technologie de véhicules connectés doit obtenir un permis de développement octroyé par le ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique. On ne peut pas simplement installer l'équipement et l'utiliser directement comme aux États-Unis. C'est d'ailleurs un obstacle qui freine le développement et l'innovation.
Le président : Les permis sont accordés au cas par cas. Chaque entreprise doit présenter sa propre demande. Aux États-Unis, on peut directement appliquer la technologie, tandis qu'au Canada, il faut présenter une demande.
M. Michelson : Oui, les entreprises canadiennes doivent demander un permis spécial de développement. Le processus d'approbation est assez exigeant et requiert beaucoup de temps. Mes collègues de l'Université de l'Alberta ont dû attendre plusieurs mois avant d'obtenir leur permis de développement. Ces délais, qui ont causé une certaine surprise, constituent un obstacle réglementaire qui ralentit l'innovation. Cependant, je répète que nous réalisons des progrès rapides vers l'attribution des fréquences, et non seulement leur réservation. Lorsque cette attribution deviendra réalité, tout sera beaucoup plus facile. Nous espérons que cette attribution pourra se faire bientôt.
La sénatrice Bovey : Les témoignages entendus ces derniers mois nous ont vivement interpellés. Je vous remercie de votre contribution aujourd'hui. J'ai été intriguée que vous parliez d'une stratégie nationale et de pratiques exemplaires qui sont, bien sûr, liées à la réglementation.
J'ai deux questions. Tout d'abord, qui serait le chef de file? Nous avons parlé avec divers intervenants du secteur, et il semble que de grands spécialistes soient à pied d'œuvre pour bien des aspects du domaine. Comment peut-on en arriver à une stratégie nationale où tout le monde travaille de concert, au lieu d'avoir une mosaïque d'efforts disparates?
M. Michelson : Il s'agit de très bonnes questions.
Au sein du gouvernement fédéral, il y a trois organismes qui font une contribution et assument le leadership. Nous savons que le Conseil national de recherches, par exemple, a tenu une réunion spéciale la semaine dernière qui réunissait des gens de divers organismes gouvernementaux et autres pour énoncer leur stratégie d'unification des efforts au Canada.
Évidemment, nos collègues de Transports Canada font aussi des progrès dans ce domaine depuis longtemps, même s'ils avaient un groupe de systèmes de transport intelligents jusqu'à il y a quelques années. Il a été démantelé. Les activités des STI ont ensuite été réparties au sein de l'organisation.
Nous sommes très heureux d'entendre que nos amis à Innovation, Sciences et Développement économique Canada chargés de la gestion du spectre font aussi désormais des progrès. Au cours des derniers mois, ils ont émis quelques bulletins indiquant qu'ils allaient de l'avant avec un processus de rédaction de réglementation pour les spécifications techniques des unités embarquées entre véhicules, et cetera. De nombreux groupes travaillent à la stratégie, qui semble toutefois très officieuse pour l'instant. Nous accueillerions certainement une stratégie plus officielle.
La sénatrice Bovey : L'une des composantes est évidemment l'infrastructure, n'est-ce pas?
M. Michelson : Absolument.
La sénatrice Bovey : D'où devrait provenir le financement pour les infrastructures?
M. Michelson : C'est une très bonne question. C'est certainement un facteur qui a ralenti les progrès.
Notons qu'aux États-Unis, le département des Transports a intentionnellement laissé de côté la question des infrastructures dans sa stratégie initiale en mettant plutôt l'accent sur les communications entre véhicules, afin que des unités relativement peu coûteuses, des unités embarquées ou des dispositifs de sécurité après fabrication soient déployées dans les véhicules, ce qui leur permettait d'atteindre la plupart de leurs objectifs.
Les coûts d'infrastructure sont donc énormes en matière de dépenses et d'équipements ainsi que de coûts d'installation et de coûts de licences radio. Si on installe beaucoup d'équipements, le coût des licences radio peut augmenter rapidement.
La sénatrice Bovey : Je crois que votre organisme a travaillé auprès de la ville de Toronto. Pouvez-vous nous en dire plus sur le travail que vous y avez fait?
M. Michelson : Je n'ai pas personnellement participé aux travaux à Toronto, alors je ne peux malheureusement pas faire de commentaires.
La sénatrice Bovey : D'accord. Merci.
Le sénateur MacDonald : Merci beaucoup, monsieur Michelson, d'être ici.
Vous êtes affilié à l'Université de la Colombie-Britannique. Sur le site web, on dit que vous avez travaillé avec une jeune entreprise de Vancouver, Moovee Innovations. Moovee Innovations estime que les STI peuvent offrir une solution aux embouteillages, problème qui, semble-t-il, sera amplifié par les facultés réduites au volant des baby- boomers à la retraite. Je me demande si vous pouviez nous donner plus de détails à ce sujet. Pouvez-vous nous dire exactement ce que vous faites avec cette entreprise et comment vous voyez l'application de cette solution au cours de la prochaine décennie.
M. Michelson : Nous ne faisons plus beaucoup de travail avec cette entreprise. Nous travaillions avec elle il y a environ un an. Cette information est donc légèrement désuète, mais Moovee continue de travailler à ses concepts. La plupart de ces concepts de véhicules automatisés sont fondés sur le recours à trois technologies. Habituellement, un groupe travaille au groupe motopropulseur, les composantes électriques du véhicule. Un groupe travaille au logiciel qui s'occupe du routage, de l'assignation et de la surveillance, puis un groupe travaille à la technologie de communications.
Moovee se concentre sur la technologie de communications. Son fondateur a une grande expérience de l'industrie canadienne des télécommunications. L'entreprise offre essentiellement le transport comme un service sur demande, et elle croit que, en ayant les bonnes infrastructures de communications et les bons logiciels, elle peut faire circuler les véhicules rapidement. Voilà ce en quoi consiste le concept de Moovee, lequel peut être appliqué à un véhicule léger relativement peu coûteux. Moovee met en fait l'accent sur les services de répartition.
Le sénateur MacDonald : Où vont-ils chercher leurs capitaux? D'où vient leur financement?
M. Michelson : Le fondateur de Moovee Innovations passe une bonne partie de son temps à rechercher du capital- risque. Il cherche partout dans le monde, pas uniquement au Canada. Il cherche également aux États-Unis et, plus particulièrement, en Asie de l'Est. C'est principalement là-bas qu'il cherche son appui.
Le sénateur MacDonald : Comment trouvez-vous leurs activités et ce qu'ils font? Trouvez-vous qu'ils font des progrès?
M. Michelson : Je crois qu'il est inévitable que quelqu'un réussisse dans ce secteur. Mais il y a beaucoup de concurrence et il est très difficile de trouver des fonds et des capitaux pour toutes les compagnies dans ce secteur, car il y a bien des gens qui sont en lice pour le même financement.
La sénatrice Beyak : J'ai été frappée de vous entendre parler de 620 000 kilomètres de route d'accès par opposition aux autoroutes habituelles en Colombie-Britannique. J'habite dans une partie du Nord-Ouest de l'Ontario qui est très éloignée également. Vous avez dit que la seule façon dont cela va pouvoir fonctionner, en région urbaine comme rurale, sera d'avoir une stratégie nationale coordonnée. Je me demande si vous connaissez quelqu'un qui travaille actuellement à quelque chose de semblable à l'échelle fédérale ou si votre comité pourrait nous recommander un genre d'initiative. Je crois que le fossé entre les régions urbaines et rurales sera énorme à ce chapitre, à l'avenir.
M. Michelson : Absolument. C'est une des raisons pour lesquelles lorsque le personnel de FPInnovations a pris contact avec moi, j'ai sauté sur l'occasion, car j'y vois le même potentiel que vous. Ils ont une très bonne relation avec Transports Canada, ce qui est une bonne chose.
Nous espérons qu'une fois que notre proposition sera prête — en fait nous sommes en train d'évaluer les choses; nous sommes également en pourparlers avec ISDE Canada pour ce qui est de certaines des questions de gestion du spectre, de l'allocation du spectre à ultra haute fréquence. Nous espérons que cela va fonctionner. Tout le monde semble très ouvert face à cette idée et a été très utile, mais que ce comité nous encourage serait sans aucun doute positif, sachant que c'est quelque chose qui serait bon pour le Canada.
Le sénateur Eggleton : Merci pour votre exposé. J'ai été amusé par votre allusion à Robert Moses et à Jane Jacobs. Je suis au courant de leur histoire et des batailles qu'ils se sont livrées.
Ce soir, nous présentons l'expression « systèmes de transport intelligent », ou STI, qui en plus d'être le nom de votre organisation, est également un système ou des systèmes. Nous nous servons de véhicules automatisés ou de véhicules connectés et de diverses applications, notamment de véhicule à véhicule et de véhicule à infrastructure. Quelle est la différence entre les « systèmes de transport intelligent » et ces autres termes?
M. Michelson : Le concept remonte à il y a environ 20 ans. Au départ, cela s'appelait « intelligent vehicule and highway information systems » ou, si vous préférez, « système intelligent de régulation de la circulation sur les autoroutes ». Il s'agit d'un concept du département américain des Transports. À l'origine, on s'en servait surtout sur les autoroutes, où l'on estimait qu'il fallait automatiser certains des processus visant à réduire la congestion, notamment sur les autoroutes. Dans certaines villes américaines, on voit encore des feux de signalisation qui limitent l'accès aux bretelles d'autoroute, notamment, alors ils ont voulu pousser plus loin et avoir également des dispositifs sans fil sur les véhicules.
Cela a donc évolué pour devenir le concept qu'on a baptisé « systèmes de transport intelligent » qui, selon eux, était plus large. On ne l'a pas simplement appliqué aux autoroutes, mais bien à toutes les routes du réseau public, y compris dans les zones urbaines. Les STI couvrent en fait la totalité du réseau urbain, ce qui inclut l'infrastructure ainsi que les véhicules.
Au sein des STI, vous avez des systèmes de gestion de la circulation, des systèmes de communication et d'infrastructure et des véhicules. Voilà les trois principales composantes.
Le sénateur Eggleton : En répondant à la précédente question de la sénatrice Bovey, vous avez mentionné des infrastructures coûteuses. Nous avons également reçu des témoins qui nous ont dit que l'industrie elle-même devrait pouvoir absorber les coûts de l'infrastructure. Ne pensez-vous pas que ce serait possible? Faudra-t-il que ce soit l'administration municipale ou locale qui absorbe les coûts d'infrastructure pour recevoir des véhicules automatisés et connectés?
M. Michelson : Les coûts en infrastructure associés à l'utilisation des véhicules commerciaux peuvent très certainement être absorbés par les budgets et les processus en place. Essentiellement, cela remplacera bon nombre de systèmes qui sont présentement utilisés, mais de façon probablement beaucoup moins coûteuse et beaucoup plus efficace. Il y a lieu de plaider en faveur de l'utilisation des véhicules commerciaux et il n'y a pas de gros problèmes de financement. C'est avant tout une question de gestion de la transition des systèmes RFID actuels aux systèmes de CDCP qui sont plus efficaces.
En ce qui a trait à la sécurité sur le plan des communications de véhicule à véhicule, le coût associé au déploiement de l'équipement par véhicule est de 150 $. Ce n'est donc pas très coûteux. Cela peut très bien être absorbé dans le coût du véhicule. Même pour ce qui est des dispositifs de seconde monte, que l'on appelle « dispositifs de sécurité de seconde monte », le coût est plutôt raisonnable.
La majeure partie du coût aurait à voir avec le fait d'installer tout l'équipement de CDCP sur des choses comme les feux de circulation, les boutons pour le passage des piétons et les différents appareils STI associés à la signalisation de la circulation. C'est là qu'il y aura de vraies dépenses. Cela explique pourquoi les gens se sont abstenus de recommander que toutes ces choses soient déployées.
Il est difficile de voir que le seul groupe qui sera en mesure d'absorber ce coût, ou du moins de payer pour cela directement, sera l'administration municipale. Elle aura probablement besoin de l'aide du gouvernement fédéral et d'autres sources.
Le sénateur Eggleton : Il y a aussi le volet échéancier. Vous nous avez déjà parlé des raisons suivantes : une plus grande sécurité routière, une réduction de la congestion, une réduction de l'incidence négative sur l'environnement et une plus grande efficacité des véhicules commerciaux. Toutefois, tout cela n'arrivera pas subitement. Cela se fera sur 20 ans ou peut- être 30 ans. Sur les routes, il y aura une grande coexistence entre un nombre accru de véhicules automatisés et les genres de véhicules existants. En conséquence, à quelle étape le gouvernement devra-t-il se pencher sur les besoins en infrastructure et apporter ces types de changements? Apporter des changements pour seulement quelques véhicules — ce qui pourrait être le cas lors des premières phases qui nécessitent ce genre d'infrastructure — coûterait assez cher et ne serait pas très populaire, si, en effet, il n'y a que très peu de véhicules qui en auraient besoin au début.
M. Michelson : À mon avis, je pense que nous devrions logiquement nous intéresser aux opérations des véhicules utilitaires, car il n'y a pas autant de véhicules qui sont utilisés pour le transport de marchandises et de biens — ils servent surtout au transport multimodal, dans les gares de marchandises et aux postes frontaliers. Il existe déjà des budgets pour couvrir le coût de l'infrastructure. Cela procurerait des avantages commerciaux très nets puisque cela accélérerait les processus et la vérification des manifestes du fret et ce serait l'endroit idéal pour prendre de l'expérience.
C'est ce que je recommande, quoiqu'il soit intéressant de savoir que le département des Transports américain a opté pour une autre voie. Il veut mettre l'accent sur les applications de véhicule à véhicule et la sécurité routière. D'une certaine façon, c'est plus difficile, car, comme vous le dites, il y a tellement de véhicules à équiper. Comme le disait Robert Metcalfe : « L'utilité d'un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs. » En l'occurrence, je pense que la puissance serait beaucoup plus élevée et il faudrait donc que ce soit imposé universellement.
L'une ou l'autre voie est envisageable. Je pense que les opérations des véhicules utilitaires constituent l'aspect qui doit être examiné beaucoup plus sérieusement. Les personnes qui utilisent l'équipement qui existe déjà ont dit que les systèmes RFID actifs ne sont pas aussi fiables ni aussi faciles à entretenir que les gens le souhaiteraient. Le mécontentement à l'égard des systèmes actuels est suffisamment grand pour que les gens cherchent éventuellement un système universel plus efficace, mais il faudrait que les États-Unis et le Canada s'entendent sur un système qui deviendra la norme pour le transport intermodal, les postes frontaliers, et cetera.
Le sénateur Eggleton : Merci.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie beaucoup de votre témoignage. Je vais vous faire part d'un constat, et vous me direz si j'ai tort. Les prévisionnistes actuels nous disent que la voiture automatisée va régler toutes sortes de problèmes, notamment ceux de la circulation. On sait que Montréal souffre énormément de la congestion routière le week-end.
Ne sommes-nous pas dans l'ordre de l'imaginaire? Au cours des années 1970, on disait qu'en l'an 2000 on serait libéré du travail et qu'on vivrait dans une société de loisirs. On croyait même que nos voitures pourraient voler. Lorsqu'on prête aux voitures automatisées cette prétention de réduire le trafic sur les routes, ne sommes-nous pas alors un peu dans la fabulation, selon vous?
[Traduction]
M. Michelson : En fait, c'est très intéressant. La technologie n'évolue pas de manière linéaire. Souvent, les gens imaginent quelque chose qui serait possible et essaient. Ils se butent à des obstacles et y renoncent. Puis, plus tard, arrive une nouvelle technologie qui simplifie les choses.
L'exemple classique est celui de Telidon, au début des années 1980. Vous serez nombreux à vous en souvenir. Le gouvernement du Canada y a investi beaucoup d'argent. Il a été mis au point ici même à Ottawa au Centre de recherche sur les communications. Cela a été un échec sur le plan commercial. Cela n'a pas marché. C'était trop cher. Les gens n'étaient pas prêts à payer pour des lignes de communication spécialisées et les terminaux n'étaient pas tout à fait à la hauteur, mais l'idée était bonne. À cette époque, la technologie qu'il aurait fallu pour développer cette idée n'existait pas. Je connais bien des gens qui ont travaillé au projet Telidon et qui ont été bien déçus de la popularité soudaine du World Wide Web 15 ans plus tard. Ils se sont demandé : « Pourquoi est-ce que tout le monde est si excité? On y travaillait il y a 15 ans. » Ce qui est arrivé, c'est que l'Internet s'était développé et que c'était un niveau qui se superposait à l'Internet en le rendant viable sur le plan commercial.
Je soupçonne que la même chose va se produire dans les transports. L'idée de Telidon était bonne, mais les technologies nécessaires n'avaient pas encore été mises au point. Je pense que bien des gens se rendent compte maintenant que les technologies nécessaires n'étaient pas disponibles dans les années 1970, 1980 ou 1990. Or, elles pourraient l'être maintenant et je pense que c'est pour cette raison que les gens ont de l'espoir. Comme vous le dites, cela ne se fera peut-être pas au cours des 10 prochaines années. Il y aura peut-être une embûche qui fera dire aux gens : « Nous ne pouvons pas aller plus loin et il nous faudra peut-être attendre 10 ou 20 ans. » Mais je pense que la plupart des gens considèrent que c'est inévitable. Est-ce que cela va se produire nécessairement au cours des 10 prochaines années? Je ne sais pas. Vos objections et préoccupations sont tout à fait fondées. Mais c'est inévitable et cela pourrait même se produire plus rapidement que nous ne le pensons.
Autre exemple classique : ce qui est arrivé dans les années 1980 avec les téléphones cellulaires et les ordinateurs personnels.
Prenons l'exemple des téléphones cellulaires. Comment des gens comme Craig McCaw sont-ils devenus aussi riches aux États-Unis? Parce que personne ne voulait de licences de services cellulaires. En 1984 ou 1985, la plus grande entreprise de consultants des États-Unis, McKinsey, a conseillé à AT&T de devenir le deuxième fournisseur de services cellulaires aux États-Unis. AT&T n'a pas saisi cette occasion parce qu'on lui avait dit que seul un nombre limité de personnes voudraient se servir de téléphones cellulaires, lesquels étaient coûteux à l'époque.
On leur a dit : « Voici la taille du marché » et AT&T a répondu : « Il n'y a pas lieu d'investir; nous ne pouvons pas composer avec un marché d'aussi petite taille. » Douze ans plus tard, AT&T a dépensé 12 milliards de dollars pour acheter McCaw Cellular et entrer sur le marché du téléphone cellulaire.
Les limites de notre imagination signifient que parfois on tarde trop à voir les possibilités. Cela explique en partie pourquoi nous avons eu la révolution technologique dans les années 1990. Personne ne voulait être laissé pour compte après avoir vu ce qui s'était passé avec la révolution de l'ordinateur personnel. Mais pourquoi Hewlett-Packard n'a-t-il pas investi dans le projet de Steve Wozniak? Ils ont jeté un coup d'œil aux micro-ordinateurs sur lesquels il travaillait et ont dit : « Il s'agit de jouets. Ils ne pourront pas satisfaire nos clients. »
Ils avaient raison. Il s'agissait de jouets. Ils ne pouvaient pas répondre aux exigences de leurs clients de longue date. Mais ils n'avaient pas compris qu'il s'agissait de technologies perturbatrices. Elles ont fini par être améliorées si rapidement qu'elles ont pris le dessus sur les technologies existantes.
Voilà donc la question qu'il faut se poser : à quelle vitesse pouvons-nous améliorer ces technologies? Voilà ce qui les rendra perturbatrices. Tout indique que les capteurs, les logiciels et la technologie des communications ont atteint un seuil de viabilité jamais atteint auparavant. C'est une option qui vaut certainement la peine d'être examinée.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma prochaine question a trait au volet social de la situation. Au cours des 20 dernières années, on a constaté l'arrivée et l'établissement massif des technologies dans les processus de production. Ceci a fait en sorte que beaucoup de travailleurs se sont retrouvés sur le banc des chômeurs structuraux. À cause d'un manque d'éducation et de formation, ils n'ont pas pu s'adapter au développement technologique industriel qui a évolué à une vitesse phénoménale.
Le véhicule automatisé va surpasser la notion manuelle, ce fait est indéniable; cela ne risque-t-il pas de mettre de côté des gens qui n'auront pas la capacité de comprendre le fonctionnement du véhicule et sa programmation technologique? Il n'y a pas si longtemps, on insérait la clé dans l'allumage et on prenait la route. Maintenant, le guide du conducteur est très épais et on doit consacrer plusieurs soirées à l'étudier pour comprendre le fonctionnement de sa voiture. Ce phénomène ne va-t-il pas écarter une certaine catégorie de citoyens, soit à cause de leur âge ou de leur éducation? Y a-t-il un risque?
[Traduction]
M. Michelson : C'est intéressant, car il y a différents degrés d'automatisation d'un véhicule. Celui que vous décrivez est le degré supérieur absolu, où tout est totalement automatisé. Mais il y a plusieurs autres degrés entre les deux. Il est probable que le principal changement qu'apportera l'automatisation des véhicules est de faire en sorte que la conduite automobile soit plus sûre. Cela signifie que, même si le conducteur demeure le maître de son véhicule, il ne sera pas responsable de prendre des décisions instantanées pour s'assurer que sa conduite automobile est sûre.
Je prédis que, au cours des 15 à 20 prochaines années, la principale répercussion de l'automatisation des véhicules sera la sécurité routière. Cela signifie que les nombreuses personnes qui seraient habituellement tuées chaque année dans un accident de la route ne mourront pas, car le logiciel à bord du véhicule sera capable d'éviter les accidents qu'un conducteur humain ne peut éviter en raison de la capacité du logiciel de réagir presque instantanément et de prendre une bonne décision. Je dirais que les degrés les plus faibles d'automatisation des véhicules seront ceux qui, au départ, seront les plus importants, car ils auront des retombées directes sur la vie des gens.
Il y a certaines applications où l'automatisation totale est nécessaire, peut-être lorsque les gens circulent dans des endroits qui ne leur sont pas familiers. C'est peut-être dans des aéroports ou dans des zones industrielles que nous verrons les plus hauts degrés d'automatisation. Je pense que les degrés supérieurs d'automatisation seront adoptés très lentement à cet endroit. Toutefois, je crois que les aspects de sécurité sont ceux qui sont les plus importants et ceux que j'ai le plus hâte de voir s'appliquer.
La sénatrice Galvez : Monsieur Michelson, je suis désolée d'avoir raté le début de votre témoignage. Cependant, le sujet de cette étude m'intéresse grandement et j'espère que vous pourrez répondre à ma question.
Si j'ai bien compris, en fait d'électrification des transports, il semble que les voitures électriques soient beaucoup plus simples et aient un nombre plus limité de pièces. J'ai entendu dire qu'une voiture mécanique compte 2 000 pièces, alors qu'une voiture électrique n'en comptera que 200. La mécanique est beaucoup plus simple dans la voiture électrique. Pouvez-vous me dire si c'est vrai?
Vous avez parlé de systèmes de transport intelligent. Comme mon collègue l'a indiqué, nous avons entendu dire que l'électrification et l'automatisation des voitures vont régler les problèmes de congestion et de pollution environnementale. D'après moi, pour arriver à ce point, il faudra surtout compter sur la communication : de véhicule à véhicule et de véhicule à infrastructure. Si cela fonctionne, comme vous venez de le mentionner, nous arriverons par tâtonnement à nous doter d'un système de transport intelligent, futé et efficace.
J'ai une deuxième question pour vous. La communication efficace devra-t-elle être contrôlée par une centrale, comme dans les aéroports? Dans un aéroport, c'est la tour centrale qui contrôle tout. Ou imaginez-vous qu'il y aura peut-être aussi plusieurs centrales qui contrôleront la circulation des nombreux usagers de la route? Comme vous l'avez dit, il devra y avoir une transition, mais il y aura également des cyclistes et des piétons. Sans compter les pistes et les voies de transport communes. Comment envisagez-vous l'avenir? Comment allons-nous en arriver à ce stade d'efficacité?
M. Michelson : C'est une très bonne question.
En fin de compte, je crois qu'on aura affaire à un système en réseau. Prenez par exemple un accident qui bloque la circulation dans une rue. Un capteur détectera ensuite l'accident et la congestion conséquente et pourra envoyer un message à tous les véhicules. Le système ne sera pas bien plus compliqué que les technologies de Garmin et de Tom Tom qui sont déjà employées dans des appareils couramment utilisés par les gens.
Bon nombre de ces canaux existent déjà grâce à différents systèmes sans fil qui sont souvent transmis grâce à des intermédiaires FM. Lorsque l'appareil apprend qu'un accident a eu lieu, il peut décider de faire un détour. S'il y a retransmission de cette manœuvre, le système central peut alors envoyer des messages aux autres véhicules pour indiquer ce qui se passe à cet endroit et signaler le lieu de congestion. Je présume que nous verrons probablement un système en réseau.
Pour un ingénieur comme moi, ce qu'il y a de frustrant, c'est que, à bien des égards, nous sommes si près du but. Nous sommes très près du point de bascule, mais nous n'y sommes pas encore. Je crois qu'à un certain moment, nous atteindrons une masse critique qui permettra d'en arriver à cette phase, et ce sera emballant. Nous sommes toutefois plus près que vous ne l'imaginez.
La sénatrice Galvez : Qui contrôlera ce système? Tom Tom?
M. Michelson : C'est une des questions que nous nous posons en ce moment. La majeure partie des renseignements sur la congestion automobile est fournie par des fournisseurs de services cellulaires comme TELUS et Rogers. Ces données sont transmises à des entreprises comme Google, Nokia et diverses autres sociétés qui relaient ensuite ces renseignements à Tom Tom. De nombreux acteurs ont un rôle à jouer, mais une bonne partie de tout cela se déroule sous forme de transactions commerciales qui ne sont pas aussi visibles ni ouvertes que le sont certains protocoles.
Ce type de communication existe déjà, mais il est réalisé par l'intermédiaire de solutions brevetées qui sont fournies à des entreprises individuelles. Nous sommes nombreux à souhaiter que ces transactions soient plus ouvertes. Évidemment, pour leur part, les entreprises préfèrent la situation actuelle.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Bonsoir.
De mon côté, je m'intéresse aux infrastructures publiques qui seront nécessaires pour qu'on ait la capacité de tirer pleinement profit des avantages d'une voiture autonome. Je parle du véhicule complètement autonome, qui arriverait sur le marché vers les années 2030. Croyez-vous que, au Canada, l'ensemble des infrastructures nécessaires — qu'il s'agisse des télécommunications ou des infrastructures routières — seront prêtes à temps pour ne pas retarder la pleine capacité d'utiliser les véhicules autonomes? C'était le premier volet de ma question.
Deuxièmement, en ce qui concerne le financement de ces infrastructures publiques, avez-vous déjà réfléchi à un montage financier, qui devrait être associé au développement et au financement des infrastructures publiques nécessaires?
[Traduction]
M. Michelson : Je crois que l'on s'apercevra probablement du fait que l'infrastructure et le financement seront gérés par étape. Je ne crois pas que, au départ, les véhicules automatisés seront utilisés partout. Il se pourrait, par exemple, qu'il y ait des voies réservées aux véhicules automatisés sur les autoroutes; à ce stade, il sera possible de s'en remettre pleinement à l'automatisation. Ensuite, une fois que le véhicule aura quitté l'autoroute, il faudra que le conducteur exerce un contrôle accru sur la conduite.
Cela se produira en étapes, car nous n'allons pas chambouler notre infrastructure, chaque kilomètre carré de notre ville, pour l'adapter complètement aux véhicules automatisés. Cela se produira par étapes. Nous devrons être très judicieux quant aux secteurs que nous adapterons aux véhicules automatisés et dans quel ordre nous procéderons.
L'histoire nous a démontré que la plupart des progrès technologiques se sont faits par étapes. Il est très difficile de procéder à une transition abrupte. Je crois que nos voies pour le covoiturage sur les autoroutes seront remplacées par des voies réservées aux véhicules automatisés. Graduellement, nous ajouterons des segments où, si la congestion est particulièrement épineuse, les véhicules automatisés seront autorisés à passer au niveau 5, par exemple. Cela se produira par étapes.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : En ce qui a trait au financement des infrastructures publiques, croyez-vous qu'il y a des possibilités de partenariat, entre autres, avec les utilisateurs qui seraient des utilisateurs-payeurs, avec l'industrie et les transporteurs publics? Est-ce que le gouvernement devrait assumer seul les coûts liés à l'infrastructure, à la mise à niveau et au développement des infrastructures, en particulier les infrastructures de télécommunication? Vous pouvez nous donner votre opinion personnelle, si vous n'avez pas étudié cet aspect spécifiquement.
[Traduction]
M. Michelson : C'est un sujet qui revient régulièrement sur le tapis, c'est-à-dire le coût de l'infrastructure et qui paiera. Bien entendu, certaines personnes préconisent des partenariats public-privé, ce qui sous-entend qu'il y aura des postes de péage afin d'obtenir un rendement sur l'investissement. Cela peut être très difficile à certains points de vue. Les gens n'aiment pas les péages, si bien qu'il sera très difficile de les convaincre de l'adopter.
En Colombie-Britannique, nous venons d'avoir des élections provinciales dans lesquelles un des principaux partis envisageait des ponts à péage. Les résultats de ces élections ont révélé ce que les électeurs en pensaient. Le parti actuellement au pouvoir a reconnu que ce n'était probablement pas là une des meilleures idées sur lesquelles fonder un programme électoral.
Je l'admets, il est tentant de parler de péage et de partenariats de ce genre. Toutefois, au bout du compte, je crois que notre défi en tant qu'ingénieurs, et c'est ce que je dis toujours aux gens, est de faire en sorte que ces systèmes soient adaptables et relativement peu coûteux. Nous devons reconnaître le fait que nous devrons faire preuve d'ingéniosité. Si le coût n'était pas important, notre travail serait terminé demain, mais le coût est important. Par conséquent, il nous incombe en tant que spécialiste technique de faire en sorte que l'infrastructure soit peu coûteuse afin qu'elle ne devienne pas un problème insurmontable. C'est notre défi, et j'espère que notre communauté est prête à le relever.
Si nous y allons étape par étape, je ne crois pas que remplacer les voies réservées au covoiturage par des voies réservées aux véhicules automatisés sur les autoroutes coûtera très cher. La meilleure façon d'y parvenir est toujours de prendre la solution qui coûte le moins cher, ou du moins d'essayer de réduire nos coûts. Je pense qu'alors nous trouverons que cela se produira sans anicroche. C'est mon opinion personnelle.
Le sénateur Saint-Germain : J'espère que, si nous avons des postes de péage, nous aurons accès au paiement électronique.
M. Michelson : Absolument.
Le sénateur Saint-Germain : Ce serait fantastique.
M. Michelson : Fait à noter, toute la technologie actuelle pour les véhicules automatisés découle en vérité du concept de télépéage initial, la bande de 5,9 gigahertz qui était utilisée pour la CDCD, qui était au départ destinée au télépéage. En Europe et en Asie, elle était utilisée exclusivement pour cela. Ce n'est qu'en Amérique du Nord qu'elle est devenue une bande pour les véhicules automatisés. Le télépéage demeure encore le point de départ de toutes ces technologies qui sont utilisées.
La sénatrice Bovey : Vous avez parlé du télépéage. Dans les zones congestionnées de Londres visées par un péage, tous les paiements se font de manière électronique, simplement en balayant les plaques d'immatriculation.
Nous avons parlé un peu des secteurs urbains et ruraux. Bien entendu, le Canada a d'autres défis, soit le climat et l'environnement. Quels sont selon vous les défis à relever pour que cette technologie fonctionne dans un climat où il peut faire moins 40 degrés Celsius, avec de la glace et de la neige? Quels seront les défis à relever sur le plan des conditions environnementales? Vous avez dit que la mise en œuvre se fera par étapes. Ces étapes seront-elles déterminées par la géographie?
M. Michelson : Oui. Il est probable que nos grands centres qui souffrent d'un problème de congestion routière en profiteront les premiers. Je pense que nous découvrirons que cette technologie sera utilisée dans des milieux industriels bien avant d'être appliquée dans des milieux urbains. Par exemple, le secteur minier fait déjà appel très souvent à des véhicules automatisés brevetés simplement parce qu'il peut se le permettre et parce que les questions de sécurité sont suffisamment importantes pour en justifier l'utilisation.
La sénatrice Bovey : Est-ce que cela fonctionne dans le Nord de la Colombie-Britannique?
M. Michelson : Et dans le Nord de l'Alberta, une entreprise comme Syncrude, où ils expérimentent depuis quelque temps les technologies de véhicules automatisés dans les mines à ciel ouvert. Les résultats semblent très concluants. Ils semblent en être très heureux.
Ces véhicules sont utilisés dans des secteurs restreints, dans un contexte très contrôlé. Les gens trouvent fantastique que Google ait entrepris déjà de faire rouler leur véhicule automatisé sur les routes, et cetera, mais je pense que la réalité, c'est que le déploiement à grande échelle de cette technologie se fera dans des milieux industriels tout d'abord, et ensuite elle fera graduellement son entrée dans la société civile.
Le sénateur Eggleton : À ce propos, je reviens sur vos observations préliminaires. Je ne savais pas qu'il y avait 620 000 kilomètres de routes d'accès aux ressources en Colombie-Britannique. N'est-ce pas là une belle occasion de faire la démonstration de ces véhicules? Il importe, aussi, de gagner la confiance du public. Avant que bien du monde veuille embarquer dans un véhicule, que ce soit au niveau 4, ou certainement au niveau 5, il faut que les gens aient confiance que ledit véhicule sache manœuvrer dans la circulation urbaine et composer avec tous les défis qu'il présente. Est-ce que ces routes d'accès aux ressources ne présenteraient pas une bonne occasion de faire la démonstration de la technologie, particulièrement en terrain accidenté et dans des conditions météorologiques difficiles?
M. Michelson : Je suis tout à fait d'accord. C'est une superbe occasion.
Au sujet des routes d'accès aux ressources, les communications s'y font exclusivement par radio VHF. En Colombie- Britannique, par exemple, le ministère des Forêts a travaillé avec le groupe de gestion du spectre du ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique à l'élaboration d'un système plutôt complexe de chaînes radio et de procédures diverses. Ils aimeraient néanmoins pouvoir envisager quelque chose qui soit moins exigeant pour l'opérateur, et c'est pourquoi il y a cette idée d'utiliser les technologies avancées de véhicules automatisés et de véhicules connectés pour réduire en partie ces risques.
Malheureusement, ces routes d'accès aux ressources ne font parfois qu'une voie et demie de large. Il leur faut connaître l'itinéraire de tout le monde, et il importe de prendre les bonnes décisions. J'ai parlé à des gens qui avaient frôlé la catastrophe, et ils disent : « Nous aimerions vraiment avoir un système plus automatisé pour nous assurer de ne pas nous retrouver dans ce genre de situation. »
Je suis tout à fait d'accord; c'est une superbe occasion pour le Canada, d'un bout à l'autre du pays. La Colombie- Britannique a plus de routes d'accès aux ressources que de voies urbaines ordinaires. Mais même le Québec et l'Ontario ont de nombreuses routes d'accès aux ressources. Oui, c'est une superbe occasion.
Le sénateur Eggleton : Dans le même ordre d'idées, est-ce que le secteur forestier fait quelque chose pour exploiter ces possibilités?
M. Michelson : FPInnovations, l'organe national de recherche et de développement du secteur forestier, vient d'entamer une démarche en ce sens. Évidemment, si le gouvernement manifestait de l'intérêt et offrait un soutien, cela leur faciliterait beaucoup la tâche. Il est clair que c'est quelque chose qui les intéresse beaucoup.
Le président : Chers collègues, avant de poursuivre à huis clos, je tiens à remercier M. Michelson pour son exposé.
Je tiens aussi à rendre hommage à notre collègue, le sénateur Runciman, qui assiste aujourd'hui à sa dernière réunion du Comité des transports et des communications. Comme vous le savez, il n'y aura pas de réunion la semaine prochaine, et à notre retour en septembre, le sénateur Runciman aura pris sa retraite après quelque 35 années en politique pour faire autre chose.
Je travaille avec le sénateur Runciman depuis neuf ans. Nous n'avons pas toujours été d'accord, bien évidemment. Cela ne semble pas si évident, mais croyez-moi, c'est arrivé à quelques reprises. Je tiens à lui rendre hommage. Trente-cinq ans de dévouement au public du Canada et à la population de l'Ontario méritent d'être soulignés. Je ne doute pas que ce sera souligné dans d'autres contextes, mais en ma qualité de président du comité, j'ai le privilège d'être probablement le premier à le faire.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Runciman : J'aimerais brièvement rendre la pareille. J'ai siégé à quelques reprises à ce comité alors que vous le présidiez. J'ai été impressionné par votre manière de diriger les travaux et par les orientations que vous avez fournies. J'ai demandé à siéger à ce comité précisément parce que vous m'avez impressionné, monsieur le président.
Le président : Vous êtes bien aimable.
(La séance se poursuit à huis clos.)