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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 26 septembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, afin de poursuivre son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l’arrivée des véhicules branchés et automatisés.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, ce matin, le comité poursuit son étude sur les véhicules branchés et automatisés.

[Traduction]

C’est avec plaisir que je vous présente notre groupe de témoins sur les questions sociales: M. Bob Brown, président du Comité des transports du Conseil des Canadiens avec déficiences; M. Rick Baker, président du Chapitre ACIR Ottawa de l’Association canadienne des individus retraités; Mme Brenda Vrkljan, chercheure pour Candrive, un programme de recherche canadien destiné à améliorer la sécurité et la qualité de vie des conducteurs âgés. Elle est également professeure agrégée en ergothérapie à l’Université McMaster.

[Français]

Merci d’avoir accepté notre invitation. J’invite M. Brown à faire sa présentation. Il sera suivi de M. Baker et de Mme Vrkljan. Par la suite, les sénateurs auront l’occasion de poser des questions.

[Traduction]

Monsieur Baker, ou quiconque vous avez choisi. Madame Vrkljan, voulez-vous commencer?

Brenda Virkljan, professeure agrégée, ergothérapie, École des sciences de la réadaptation, Université McMaster, Candrive : Honorables sénateurs, membres du comité, je vous salue et vous remercie de me permettre de partager avec vous mon expertise sur l’effet potentiel des véhicules branchés et automatisés sur les Canadiens âgés. Je suis chercheure en ergothérapie et en réhabilitation à l’Université McMaster, où je concentre mes recherches depuis 11 ans sur la relation entre le vieillissement, le risque médical et la mobilité urbaine ou rurale, particulièrement chez les conducteurs âgés.

Avant d’entreprendre mon doctorat, j’ai travaillé comme ergothérapeute à l’Hôpital de Chatham, en Ontario, qui se trouve le long de l’autoroute 401 entre London et Windsor. Bien que sa population de moins de 50 000 habitants en fasse une ville de taille moyenne, elle est étonnamment rurale. Les résidants des villes et villages des alentours considèrent Chatham comme un centre urbain. C’est à Chatham qu’on fait ses courses, qu’on se rend à des rendez-vous médicaux et qu’on sort souper avec parents et amis. Malheureusement, quand la vie d’une personne est bouleversée par des problèmes de santé, elle ne peut plus nécessairement vaquer de la même façon aux occupations quotidiennes qui donnent un sens et un but à sa vie.

Pour mes patients, la conduite était un objectif fondamental. Par conséquent, on peut imaginer le désarroi d’une personne quand on lui dit qu’elle ne peut plus conduire. À titre d’ergothérapeute, je trouvais extrêmement difficile de voir mes patients et leurs aidants encaisser la nouvelle, puisque notre philosophie et notre formation professionnelle mettent l’accent sur l’habilitation et non l’incapacitation. La perte du permis de conduire est associée à un isolement social, à la détérioration de l’état de santé, à un taux accru de dépression et même à une institutionnalisation. Par conséquent, on peut comprendre que dans le domaine de la santé, les promesses des véhicules branchés et automatisés révolutionneraient la promotion d’une mobilité sûre et viable, particulièrement pour les personnes âgées des régions rurales.

Après mon expérience à Chatham, j’ai décidé d’axer mes recherches doctorales sur les moyens d’aider les adultes âgés à continuer de conduire en toute sécurité plus longtemps. Ainsi, j’ai examiné la relation entre les conducteurs et les passagers âgés et les nouveaux outils technologiques de navigation automobile, ainsi que leurs effets potentiels sur la sécurité au volant. Sans surprise, j’ai constaté que les différentes perceptions des participants à mon étude quant à la sûreté et à l’utilité de ces outils dépendaient de leurs expériences sous-jacentes avec d’autres formes de technologies.

Je me suis rendu compte, pendant mes recherches, que je n’étais pas la seule à réfléchir aux innovations possibles pour améliorer la sécurité des automobilistes âgés au Canada. Deux médecins d’Ottawa se posaient les mêmes questions et les abordaient sous le même angle que moi.

En 2002, le Dr Shawn Marshall et le Dr Malcolm Man-Son-Hing ont su être visionnaires et établir l’équipe de recherche Candrive grâce à un financement de démarrage des Instituts de recherche en santé du Canada. Candrive est l’acronyme pour Canadian Driving Research Initiative for Vehicular Safety in the Elderly. Il s’agit d’une équipe interdisciplinaire qui rassemble des chercheurs de pointe, des chercheurs cliniques comme moi, des acteurs gouvernementaux de même que des personnes âgées, dans le but commun d’améliorer la sécurité des automobilistes âgés.

Depuis 2002, les recherches de Candrive influencent positivement les politiques comme les pratiques cliniques touchant les conducteurs âgés. Je suis la cochercheuse principale, en collaboration avec plusieurs autres personnes, dans le cadre de l’étude prospective de Candrive sur une cohorte d’automobilistes âgés. Pendant plus de six ans, cette étude a permis de suivre 928 automobilistes canadiens de 70 ans et plus sous trois angles principaux.

Premièrement, nous avons évalué l’état de santé de nos participants chaque année, à l’aide d’une batterie de tests complexe, qui comprenait l’évaluation de leur perception de leurs propres aptitudes à la conduite. Ensuite, un GPS a été installé dans leurs véhicules afin de suivre chacun de leurs déplacements avec leur voiture. Nos participants ont ainsi parcouru 42 millions de kilomètres dont le parcours a été enregistré.

Enfin, nous avons relevé tous les accidents ou les infractions survenus pendant l’étude. Nous sommes en train d’analyser ces données, puisque l’un des principaux objectifs du programme de recherche Candrive est de mettre au point un outil d’examen clinique attesté et convivial pour évaluer l’aptitude médicale à la conduite chez les adultes âgés.

L’équipe de recherche de Candrive joue un rôle essentiel dans l’amélioration de notre compréhension de la relation entre la santé et la conduite au fur et à mesure qu’on vieillit, et cette étude a également servi de plateforme à des chercheurs comme moi pour entreprendre d’autres études sur cette population, notamment sur la façon dont les avancées technologiques dans le domaine automobile peuvent influencer les comportements au volant.

À l’Université McMaster, nous avons récemment créé l’Institut McMaster de recherche sur le vieillissement, qui rassemble diverses disciplines pour étudier des enjeux complexes. McMaster se démarque depuis longtemps par sa collaboration entre facultés pour la réalisation d’avancées scientifiques importantes en santé et en médecine.

En collaboration avec des collègues et des étudiants des cycles supérieurs en ergothérapie, en géographie et en sciences sociales, notre équipe de recherche a entrepris une série d’études sur l’expérience des automobilistes âgées possédant et conduisant des véhicules munis des dispositifs de pointe dernier cri. L’une de nos études les plus récentes, réalisée sous la direction de Jessica Gish, a permis d’interroger en profondeur des conducteurs âgés, pour décrire si l’accès à ce genre de technologie génère un sentiment de confort et de sécurité. Par exemple, les signaux auditifs et visuels des alertes de franchissement involontaire de lignes et les systèmes comparables sont jugés utiles pour favoriser de bonnes habitudes de conduite. Par contre, certains participants ont manifesté de la méfiance à l’égard d’autres outils hautement automatisés comme les régulateurs de vitesse intelligents.

Comme je l’ai constaté dans mon propre travail doctoral auparavant, notre recherche laisse entendre qu’il y aurait une grande disparité dans les niveaux de connaissance et de compréhension du fonctionnement de ces systèmes.

Comme vous le savez déjà, une trop grande ou une trop faible compréhension de ces technologies peuvent nuire aux comportements de conduite, au risque de conséquences graves, voire fatales. Il faut porter particulièrement attention à la facilité avec laquelle ces systèmes s’intègrent aux habitudes à long terme et aux routines de conduite.

Nous avons beaucoup à apprendre de nos conducteurs âgés sur la convivialité et la fonctionnalité des véhicules branchés et automatisés, en partie en raison de leur longue expérience de conduite et de leurs divers degrés d’aisance à l’égard de la technologie, mais aussi en raison de tous les changements qu’ils vivent sur le plan de la santé, avec le vieillissement, qui peuvent tous avoir des effets sur notre utilisation d’un véhicule.

Bon nombre de technologies sont déjà accessibles dans nos voitures. Nous avons là une occasion en or de commencer à suivre l’incidence de ces technologies sur nos routes aujourd’hui, comme nous l’avons fait dans le cadre de l’étude de Candrive.

Je vous remercie infiniment, et j’ai hâte de répondre aux questions des membres du comité.

Bob Brown, président du Comité des transports, Conseil des Canadiens avec déficiences : Le Conseil des Canadiens avec déficiences est une organisation nationale de défense des droits des personnes handicapées, qui s’emploie à bâtir un Canada accessible et inclusif.

Parmi les membres du CCD figurent les organisations provinciales et territoriales contrôlées par les consommateurs qui défendent les droits des personnes souffrant de déficiences multiples, ainsi que les organisations nationales contrôlées par les consommateurs qui défendent les droits des personnes souffrant d’une déficience ou de déficiences multiples. Je ne vous dresserai pas la liste de tous nos membres, mais notre organisation compte probablement plus de 76 nouveaux membres au Canada.

Chaque décennie depuis les années 1970, le CCD a joué un rôle primordial dans l’avancement du statut des Canadiens handicapés. Il a joué le rôle de convocateur: il a rassemblé la communauté des personnes handicapées, les gouvernements et les autres intervenants afin de supprimer les obstacles et d’améliorer l’inclusion. Il a joué le rôle d’innovateur: il a facilité la compréhension de l’accès et de l’inclusion au fil des décennies. Il a enfin joué le rôle de créateur de consensus: il a élaboré une vision commune en vue de faciliter le progrès et le changement.

Vous pouvez voir en annexe un aperçu du travail du CCD ces dernières années. Je n’exposerai pas toutes nos activités en détail pour l’instant.

Les voitures automatisées et les véhicules commerciaux comportent à la fois des avantages et des inconvénients pour les personnes handicapées. Lorsqu’il s’agit des véhicules, de l’infrastructure et des incidences sur les politiques, bon nombre de problèmes viennent à l’esprit. Par exemple, les véhicules qui sont conçus pour les personnes handicapées ou adaptés à elles doivent être pensés selon les principes de conception universelle, c’est-à-dire que tous doivent pouvoir les utiliser.

Les personnes se déplaçant au moyen d’un appareil d’aide à la mobilité doivent se trouver en sûreté dans un véhicule, soit grâce à un système de retenue existant, soit grâce à un nouveau type de système de retenue qui sera conçu à l’avenir. Pour protéger un passager handicapé à l’aide d’un système de retenue, il faut habituellement compter sur l’aide d’une personne non handicapée, d’un robot ou d’un système de retenue normalisé.

Dans le cas d’un système de transport partagé, des problèmes se posent quant au paiement et aux mesures d’adaptation à prendre afin d’aider les personnes handicapées éprouvant des difficultés à effectuer une transaction de paiement toute seule. Par exemple, certaines personnes souffrant d’un manque de dextérité qui les empêchent de manipuler de l’argent ou des cartes de crédit ont besoin d’aide pour accomplir ces tâches.

Il faut mettre en place une infrastructure qui permet d’opérer, dans les stationnements désignés, les systèmes de chargement des personnes handicapées se déplaçant en fauteuil roulant ou au moyen d’un autre type d’appareil d’aide à la mobilité. Il faut avoir en tête les personnes handicapées lorsqu’on conçoit cette infrastructure.

Comme j’ai commencé à le mentionner, les véhicules commerciaux comme les autobus commerciaux ou de la ville servant au transport partagé peuvent être problématiques. Les personnes handicapées ont besoin d’aide pour s’installer en toute sécurité dans le véhicule ou pour lever un siège d’autobus. Une fois de plus, je tiens à rappeler que le paiement pourrait représenter un problème pour certaines d’entre elles. C’est toujours un problème aujourd’hui.

Les effets socioéconomiques de la technologie se feront sentir à grande échelle lorsque les personnes handicapées pourront s’en servir.

Le logement est l’un des premiers besoins des personnes. Le transport, qui leur permet de se rendre au travail, de s’éduquer, de prendre part à des événements sociaux, bref de participer à la société, arrive en deuxième position.

La technologie, si elle est correctement conçue et peut être utilisée par les personnes handicapées, permettra à ces dernières de se rendre au travail et de travailler dans la collectivité. D’autres technologies, comme les applications GPS, permettent aux personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle de s’orienter seules dans un endroit qu’elles ne connaissent pas. Elles peuvent ainsi entrer dans un édifice, trouver un stationnement et tout et tout.

Une fois de plus, j’insiste sur le fait que la technologie doit être conçue de manière à déterminer elle-même si un stationnement très large est nécessaire pour l’utilisateur d’un fauteuil roulant ou d’une marchette, par exemple. Il faut s’assurer que personne n’en bloque l’entrée. Autre choix, il faut la concevoir de manière à ce que le véhicule puisse se rendre à l’endroit où la personne est en mesure d’y entrer et d’en sortir.

Je tiens à réaffirmer l’importance de l’accessibilité universelle dans la conception des véhicules et des interfaces. Elle est nécessaire pour entrer une adresse dans un système d’information. Elle doit aussi être suffisamment souple pour qu’on puisse y apporter des ajouts et y intégrer d’autres technologies à l’avenir, comme des applications mobiles permettant de faire fonctionner un système ou de conduire le véhicule. C’est une piste de réflexion.

Je ne vous présenterai pas l’annexe en détail, mais nous avons participé à diverses initiatives dans bien d’autres domaines. J’espère avoir l’occasion d’expliquer plus en détail ce que je viens de mentionner en réponse à vos questions.

Rick Baker, président, Chapitre ACIR Ottawa, Défense des droits, Association canadienne des individus retraités : Bonjour, honorables sénateurs et témoins. Je m’appelle Rick Baker. J’ai le plaisir d’être président d’ACIR Ottawa. Au nom de notre président et PDG Moses Znaimer, je suis ici pour m’entretenir avec vous.

L’ACIR, c’est-à-dire l’Association canadienne des individus retraités, est la plus importante association de défense des droits des aînés et des retraités au Canada. Nos 300 000 membres, des quatre coins du pays, bénéficient de nombreux avantages et services fournis par notre bureau national et nos 24 sections locales. Nous comptons plus de 11 000 membres actifs à Ottawa seulement, et notre association connaît une croissance exponentielle en raison du profond changement démographique qui s’opère au Canada.

L’ACIR revendique de meilleurs soins de santé, une plus grande sécurité financière et l’élimination de l’âgisme. Les membres de l’ACIR prennent part à des sondages et à des pétitions, ils écrivent à leurs représentants élus, ils font cause commune avec leurs sections locales et ils relatent des anecdotes et partagent leurs opinions sur des questions d’actualité. Nous nous faisons entendre auprès des décideurs et des responsables des politiques et ceux-ci respectent nos points de vue.

Ainsi, nous sommes reconnaissants au Comité sénatorial permanent des transports et des communications de nous offrir l’occasion de nous exprimer à propos des véhicules connectés et automatisés ainsi que des répercussions à long terme et des objectifs à atteindre qui sont associés à ces technologies.

Tout d’abord, il est indispensable que ces technologies et ces véhicules soient sans danger pour leurs utilisateurs, mais également pour la population en général. Ce concept est relativement nouveau pour les Canadiens, et nous croyons qu’il doit faire l’objet d’une recherche et d’une documentation approfondies afin qu’il soit conforme aux lois et aux normes opérationnelles du Canada et des provinces. Il y a peu de temps, cette technologie a soulevé une tempête médiatique à Ottawa, et nous avons été nombreux à vous demander comment elle fonctionnerait.

Pour bâtir des villes et des villages amis des aînés, il est important de prendre en considération les besoins des aînés et des retraités et de voir à ce qu’ils aient accès à ces technologies. Nos sondages ont révélé que ce ne sont pas tous nos membres qui en ont les moyens. Si vous souhaitez obtenir des réponses à des questions précises, nous pouvons certainement sonder plus avant nos membres au sujet de nouveaux concepts et vous faire part des résultats.

Notre population vieillissante est confrontée à de nombreux problèmes liés à la sécurité routière et au risque de blessures. Avec l’arrivée de ces véhicules d’un nouveau genre, il sera d’autant plus important de faire en sorte que chaque incident soit signalé et que le public ne coure aucun danger.

On impose à nos aînés des limites d’âge et des restrictions à la conduite fixées de façon arbitraire. Dire aux aînés de renoncer à conduire, ce n’est pas une bonne politique: c’est de l’âgisme. Est-ce à dire qu’il faut lever les restrictions à la conduite automobile? Absolument pas. Cependant, ces restrictions devraient être fondées sur la capacité à conduire plutôt que sur l’année inscrite sur l’acte de naissance du conducteur. Il sera intéressant de voir comment ces restrictions seront gérées avec les voitures autonomes ou automatisées.

En faisant des limites d’âge des conducteurs de véhicules automatisés la préoccupation centrale, on en oublie le véritable enjeu: beaucoup trop de Canadiens n’ont pas accès à des services de transport en commun de qualité, ou même tout juste passables. De nombreux conducteurs de tous âges prennent le volant n’ont pas parce qu’ils le désirent, mais parce qu’ils n’ont d’autre choix raisonnable. Les véhicules automatisés pourraient répondre en partie à un besoin, mais cela ne veut pas dire qu’il faut cesser d’investir dans les transports en commun. La mise en place d’excellents services de transport en commun contribue à bâtir des villes agréables, à alléger la circulation et à réduire le nombre d’accidents mortels. Cette solution convient pour tous les âges.

Nous entrons dans une ère technologique où tout va plus vite, mais les aînés auront toujours un rôle important à jouer. Ce type de technologie aura nécessairement des répercussions sur leur mode de vie. Faisons en sorte que tous puissent profiter des avantages qu’elle comporte.

Je pourrais continuer ainsi pendant des heures à ce sujet, mais je mentionnerai simplement quelques questions à prendre en considération.

L’abordabilité : qui pourra vraiment se payer ce genre de véhicule?

Les primes d’assurance : pensez à ce qu’il faudra payer pour faire assurer ce type de véhicule.

Le prix de la technologie et des véhicules.

L’infrastructure : aurons-nous besoin de l’infrastructure existante et de nouvelles infrastructures comme des stationnements, des routes et de tout le reste?

Le partage de l’autoroute entre les véhicules conduits par un humain et les véhicules sans conducteur.

La consommation d’énergie : comment sera-t-elle gérée?

Le stationnement : comme Bob l’a mentionné avec beaucoup d’éloquence, il faut veiller à ce que les personnes handicapées aient accès à des stationnements adaptés.

Les liens avec les transports publics : comment ces véhicules seront-ils fabriqués et où? Quelles seront les perspectives d’emploi dans le secteur de la fabrication de ces véhicules et où seront les usines?

Les subventions et l’aide gouvernementale : qui financera tout cela?

Les lois relatives à ce type de technologie, qui seront absolument fondamentales.

Et par-dessus tout : la prudence est de rigueur avant que les divers ordres de gouvernement donnent leur approbation.

Faisons les choses correctement : sensibilisons et informons tous les Canadiens à propos de la sûreté et des avantages pratiques de cette percée technologique.

Le président : J’aimerais vous remercier tous les trois de vos exposés.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie tous et toutes de vos exposés.

Monsieur Brown, vous avez présenté avec beaucoup d’éloquence la nécessité d’assurer l’accessibilité universelle, et vous avez décrit les difficultés techniques qui viennent effectivement avec les nouvelles technologies, dont il faudra tenir compte.

En supposant que nous réussissions à assurer l’accès universel et à ce qu’il y ait de la place pour plier des chaises roulantes et des marchettes, puis à ce qui ait de l’espace pour que quelqu’un puisse aider la personne à entrer dans la voiture ou à en sortir, comment pouvons-nous nous assurer que les personnes handicapées et la population vieillissante du Canada pourront bénéficier le plus vite possible des véhicules branchés et automatisés?

Beaucoup de gens nous disent qu’ils procureront une nouvelle liberté et une nouvelle vie aux personnes handicapées et aux citoyens âgés, puisqu’ils leur permettront de se rendre plus facilement à des rendez-vous chez le médecin, entre autres.

Pouvez-vous nous donner des pistes sur la façon de faire rapidement de cet espoir une réalité?

M. Brown : Tout dépend clairement du mode de transport envisagé: pense-t-on par exemple à un autobus sans chauffeur, à un taxi sans conducteur ou à un véhicule partagé? Je vous parlerai davantage des systèmes de retenue.

Selon la technologie actuelle, la personne doit être attachée dans un taxi, alors qu’elle ne l’est habituellement pas dans un autobus. On peut glisser vers l’arrière, mais la personne handicapée est probablement la personne la plus en sûreté dans un autobus, puisqu’elle a quelque chose dans le dos pour la retenir en cas d’impact.

Cela ouvre un monde de possibilités, mais en cas de pépin ou si quelque chose arrive pendant que la personne s’installe dans le véhicule, comme un autobus, sur un siège surélevé, comment l’autobus saura-t-il quand il peut partir et comment pourra-t-on en faire le suivi? Y aura-t-il un système de contrôle quelque part pour surveiller l’autobus, des caméras ou quelque chose du genre?

L’avantage, c’est que les gens pourront sortir, surtout s’ils disposent d’un véhicule personnel, et je crois que c’est là où il y a le plus de potentiel. Ces véhicules profiteront aux personnes handicapées si elles peuvent les utiliser activement en toute sécurité et de manière quotidienne. Tant qu’elles peuvent indiquer où elles s’en vont et que le véhicule peut trouver la destination de façon automatisée, cela fonctionnera. Je pense que c’était votre question.

La sénatrice Bovey : Je présume que vous faites valoir tous ces enjeux auprès des manufacturiers.

Madame Vrkljan, j’ai pris connaissance de vos travaux pour l’élaboration d’un outil aidant à déterminer si une personne devrait continuer de conduire, et je vous en félicite.

Dans notre cheminement vers des véhicules entièrement automatisés, il y a ce qu’on appelle le niveau trois de cette technologie, à savoir les véhicules exigeant l’intervention d’un conducteur en situation d’urgence. Pourrait-on penser à un permis avec gradation qui autoriserait une personne âgée à utiliser cette technologie sans être titulaire d’un permis régulier? Y a-t-il des aménagements possibles?

Mme Vrkljan : Je constate que vous avez une vision plutôt avant-gardiste des possibilités que pourraient offrir quelques-unes de ces technologies pour les conducteurs plus âgés. Il faut s’assurer de bien tenir compte des capacités de chacun.

Je ne sais pas si vous parlez en fait de permis dont le détenteur perdrait graduellement ses droits de conduite, le véhicule prenant la relève pour combler progressivement quelques-unes des capacités perdues en raison de l’âge ou de problèmes de santé?

La sénatrice Bovey : Oui.

Mme Vrkljan : C’est une bonne idée de vouloir ainsi faciliter la transition de gens qui doivent renoncer progressivement à la conduite automobile. Un véhicule autonome pourrait prendre le relais lorsque certains changements surviennent, mais il m’apparaît plutôt utopique pour l’instant d’envisager un permis semblable.

Il est en effet très difficile actuellement de savoir à quoi s’en tenir. Dans la période de transformation que nous vivons, comment être sûr que certains des moyens technologiques dont sont munis les véhicules permettent effectivement de compenser les pertes graduelles de capacité, car, comme l’indiquait mon collègue, cela peut varier beaucoup d’une personne à l’autre? On ne peut pas vraiment imposer un âge limite. Il faut évaluer les capacités fonctionnelles de chacun. Par exemple, on ne dispose pas encore de tous les éléments nécessaires pour dire que telle ou telle personne bénéficierait d’un système d’avertissement de sortie de voie. Est-ce parce qu’il lui est impossible de tourner suffisamment le cou à cause de l’arthrite? Souffre-t-elle d’un problème de vision dû à la dégénérescence maculaire?

Je me pose encore bien des questions quant à notre habileté à apparier les véhicules aux capacités des gens.

La sénatrice Bovey : Pensez-vous que c’est un concept dont il conviendrait de discuter au fil de l’évolution de la technologie?

Mme Vrkljan : Comme je le disais à la fin de mon exposé, nous avons dès maintenant la possibilité de nous pencher sur la situation des aînés. Nous avons même demandé une subvention à cette fin au gouvernement ontarien, de concert avec certains collègues de McMaster, un peu comme nous l’avons fait pour évaluer la technologie maintenant disponible.

Nul besoin d’attendre pour explorer la question. Nous pourrions d’ores et déjà analyser les capacités des aînés, et des personnes de toutes les catégories, y compris celles ayant une incapacité. Nous avons beaucoup à apprendre sur le vieillissement de ces gens-là également.

Nous devons faire un suivi pour comprendre le vécu de ces personnes au quotidien. Je pense que nous ne saisissons pas encore suffisamment bien la façon dont les capacités peuvent évoluer, et la manière dont nous pouvons y remédier via les moyens de transport et les aménagements domiciliaires. Ces deux éléments vont de pair.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup de votre présentation. J’ai pris connaissance avec beaucoup d’intérêt, notamment par l’intermédiaire du reportage de la CTV, de toute la recherche qui a été faite auprès d’un groupe de personnes âgées. Vous avez parlé des enjeux liés aux coûts et à la sécurité des personnes âgées et des personnes ayant un handicap.

Vous avez parlé de la question de la formation. À votre avis, comment devrions-nous procéder et quelle aide les gouvernements fédéraux et provinciaux pourraient-ils apporter afin de permettre aux personnes à mobilité réduite et aux personnes âgées de se préparer et de s’adapter à ces nouveaux modes de transport?

[Traduction]

M. Baker : Merci beaucoup pour votre question. Comme je suis moi-même enseignant, il est bien certain que j’ai également la formation à cœur. Je dispense d’ailleurs actuellement des cours très intéressants sur la gestion des collectivités de retraités dans l’ensemble du Canada.

Comme je le soulignais tout à l’heure, l’ACIR a des chapitres dans toutes les régions du pays. Chacun de ces chapitres serait ravi d’offrir des programmes de formation pour mieux sensibiliser notre clientèle. Je ne vous apprends certes rien en vous disant que l’éducation a un rôle essentiel à jouer pour que les gens saisissent bien l’importance de ce concept et les possibilités de participation active qu’il pourrait leur offrir.

Mme Vrkljan : Nos recherches révèlent certes une compréhension insuffisante de la façon dont les gens composent avec les changements technologiques apportés aux véhicules. À ce chapitre, les baby-boomers ont dû s’adapter à des changements considérables depuis l’obtention de leurs permis à l’époque où la ceinture de sécurité devenait obligatoire.

Je pense que nous devons adopter une approche multifactorielle en collaboration avec des organisations comme l’ACIR et l’Association canadienne des automobilistes. Nous savons que les gens doivent renouveler leur permis tous les cinq ans dans certaines provinces alors que ce n’est pas le cas ailleurs au pays. Je sais que les questions relatives aux véhicules personnels ne relèvent pas du fédéral, mais il y a tout de même de nombreuses discussions entre Transports Canada et les instances provinciales.

Ce renouvellement tous les cinq ans pourrait nous permettre d’offrir des séances de sensibilisation, comme c’est le cas en Ontario pour les personnes qui arrivent à 80 ans. Je sais bien que c’est fondé sur l’âge, mais cela demeure une étape obligatoire. Selon moi, ce serait l’occasion rêvée pour aider les personnes à mieux comprendre, non seulement l’évolution technologique au sein des véhicules, mais aussi la manière dont les collectivités pourraient être repensées en vue de favoriser la marche et les activités accessibles aux aînés de telle sorte qu’ils puissent rester mobiles et en santé le plus longtemps possible.

Nous savons que les gens discutent de ces questions avec leur médecin ou leur ergothérapeute. Il faudrait mener davantage de recherches afin de pouvoir miser sur ces programmes de sensibilisation de manière proactive, plutôt que d’attendre qu’un accident se produise.

M. Brown : Je peux peut-être vous proposer une approche légèrement différente quant à l’aide qu’il convient d’apporter aux gens. C’est un peu le problème de l’œuf et de la poule; il faut qu’une personne puisse sortir de chez elle et travailler pour pouvoir se payer ces outils technologiques. Les personnes handicapées se retrouvent généralement parmi celles qui sont les plus démunies au sein de notre société, et cette technologie pourrait sans doute aider un grand nombre d’entre elles à décrocher un emploi. Dès qu’une personne peut travailler et améliorer sa situation financière, elle a les moyens de se procurer cette technologie. C’est en quelque sorte un cercle vicieux. Il pourrait peut-être y avoir une aide financière partielle ou d’autres mesures pour que la technologie devienne plus accessible, mais je suppose que nous en sommes encore loin.

[Français]

Le sénateur Cormier : L’enjeu qui me préoccupe aussi concerne la disparité entre les régions urbaines et rurales en termes d’accessibilité à la formation et à ces nouvelles technologies. Quel est votre point de vue à ce sujet? Vous nous avez beaucoup parlé des voitures individuelles et moins du transport collectif. J’aimerais citer en exemple ma mère, qui a 94 ans, et qui est encore une femme très autonome. Elle a toujours son permis de conduire, mais elle n’arrive plus, pour des raisons de santé, à conduire son véhicule. Alors, je crois que dans son cas, le transport collectif serait mieux adapté à ses besoins de déplacement. Quel est votre point de vue sur la disparité et les mesures qui devraient être prises pour aider les gens dans les milieux ruraux à accéder à ces technologies?

[Traduction]

M. Baker : Vous soulevez là un point très important. Je peux vous assurer que nos organisations locales de tout le pays ont déjà fait un constat semblable. Nous obtenons d’excellents résultats en collaborant avec divers groupes bénévoles qui apportent leur aide aux personnes dans le besoin. Si je prends l’exemple de votre mère, nous pourrions dépêcher les bénévoles d’un groupe actif dans sa collectivité rurale pour lui permettre sans tarder de se rendre à un rendez-vous ou d’obtenir l’aide dont elle a besoin. Il est bien certain que l’on peut difficilement s’attendre à pouvoir compter en milieu rural sur des services de transports en commun semblables à ceux accessibles aux gens des secteurs urbains, mais les bénévoles peuvent jouer un rôle essentiel.

Mme Vrkljan : Pour ce qui est des bénévoles, il ne faut pas perdre de vue les considérations relatives à la sécurité. Il faut certes notamment qu’il y ait vérification des antécédents criminels. Afin de mieux comprendre ces problématiques, j’ai travaillé pendant un certain temps comme chauffeuse bénévole pour les aînés de ma collectivité. Je pense que nous en avons encore beaucoup à apprendre sur la façon dont les gens des milieux ruraux doivent composer avec la perte de leur permis. Nous en savons en effet très peu sur ce processus actuellement.

Notre nouvel institut vient d’ailleurs tout juste d’entreprendre un projet de recherche sur le vieillissement optimal grâce à un don de la chancelière de McMaster, une autre visionnaire. Nous adoptons encore là une approche interdisciplinaire. Je travaillerai ainsi avec des spécialistes en géographie, en sciences sociales et même en administration des affaires pour examiner les moyens à prendre pour que les gens aient accès à moindre coût à des possibilités de déplacement plus pratiques. Nous interrogeons notamment des aînés au sujet de leur vécu pour essayer de nous faire une meilleure idée des réalités démographique en milieu rural.

Lorsque j’ai travaillé bénévolement comme chauffeuse, j’ai dû me soumettre à une vérification de mes antécédents judiciaires étant donné que je devais parfois entrer directement chez une personne pour l’aider à se rendre jusqu’à mon véhicule. Ce n’est pas comme si tous ces gens-là pouvaient aller prendre l’autobus au coin de la rue.

Je suis tout à fait consciente du rôle important joué par le bénévolat au Canada. Nous sommes certes reconnus pour notre capacité d’entraide. Je crois d’ailleurs que la région de Hamilton compte le plus grand nombre de bénévoles par habitant au Canada. Nous avons toutefois besoin d’un système mieux structuré. Bien des pressions s’exercent sur les pourvoyeurs de soins, et les besoins en transport y contribuent dans une large mesure. Vous pouvez imaginer l’effet structurant que cela peut avoir, surtout en milieu rural. J’ai pu moi-même le constater dans le cadre de mon expérience clinique à Chatham.

M. Brown : J’ai participé en juin à une conférence des Nations Unies concernant la Convention relative aux droits des personnes handicapées. On y a fait état de prévisions indiquant que les villes vont doubler de taille d’ici 2050 du fait que les gens veulent vivre là où les services sont offerts. Si aucun service n’est accessible, surtout pour les aînés et les personnes handicapées, on a un sérieux problème.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos invités. Vous avez fait des témoignages très intéressants. Le Canada et le Québec en particulier sont deux sociétés vieillissantes. Pour ces populations, le transport automatisé peut leur laisser présager un avenir très prometteur, mais peut aussi susciter de grandes inquiétudes.

Ma question s’adresse à Mme Vrkljan. En 2015, le Conference Board du Canada affirmait que le Canada accusait un retard considérable dans son virage technologique. Je fais référence au leadership qu’il peut assumer et à l’investissement dans les infrastructures. On sait que le Canada investira, d’ici les quatre ou cinq prochaines années, 40 milliards de dollars dans les infrastructures. Lorsqu’on pose des questions au ministre des Transports, on n’est pas sûr d’avoir la bonne réponse, à savoir si toutes les parties impliquées dans ces dépenses ont une même vision en termes d’investissement et surtout une même ligne de conduite du point de vue de l’intégration de ces nouvelles technologies.

Nous connaissons tous dans notre entourage des parents âgés pour qui le retrait de leur permis de conduire a été dramatique. Avez-vous mené des études sociologiques ou démographiques à ce sujet? Le Canada — je pense au Japon et aussi à d’autres pays dont la population est vieillissante depuis plusieurs générations — a-t-il lieu de s’inquiéter de l’arrivée de ces technologies autant dans leur préparation que du point de vue financier? Comme on l’a dit, les premières voitures électriques ou automatisées seront très dispendieuses, donc pas très accessibles pour ces gens. L’arrivée de ces technologies sera-t-elle accueillie avec enthousiasme ou si elle représentera ou un cauchemar?

[Traduction]

Mme Vrkljan : La question classique. Il est difficile d’établir des comparaisons avec un pays comme le Japon dont la population est beaucoup plus dense que la nôtre. Les grands espaces font la beauté de notre pays, mais nous posent également certaines difficultés. Nous devons répartir nos ressources. Je comprends que la situation à l’Île-du-Prince-Édouard ne puisse pas être abordée de la même manière qu’en Ontario. Il faut personnaliser les services en fonction des besoins de chaque groupe.

À mes yeux, les possibilités sont immenses. À l’amorce de l’étude menée par Candrive, nous pensions que les gens qui possédaient leur propre véhicule jouissaient sans doute d’un statut socioéconomique assez élevé. Nous nous sommes toutefois rendu compte, notamment à mon site de Hamilton, que chacun parvient à s’arranger comme il peut. L’accès à un moyen de transport est primordial pour pouvoir se déplacer et s’intégrer activement à la vie sociale, des éléments que nous savons déterminants pour la santé. Ces gens-là gèrent donc méticuleusement leurs dépenses, notamment en surveillant le prix de l’essence, et font tous les calculs nécessaires pour pouvoir conserver leur auto.

Nous avons été pris de court dans notre étude par le fait que les gens achetaient de nouveaux véhicules. Nous avions en effet dû installer un dispositif de géolocalisation sur le port du système de diagnostic de bord. Pour avoir pris connaissance des comptes rendus de vos séances, je sais que d’autres témoins vous ont déjà parlé de ce système qui permet de poser un diagnostic sur le fonctionnement du véhicule. Ce n’est pas le système de géolocalisation que l’on utilise généralement pour se rendre du point A au point B. Notre étude a malheureusement pris fin, faute de financement, au moment où les gens commençaient à acheter de nouveaux véhicules avec cette nouvelle technologie.

Aux États-Unis, l’étude Long Road a été entreprise pour évaluer notamment les rapports entre les aînés et la haute technologie. Cette étude s’inscrit donc dans la foulée de celle de Candrive dont je vous parlais. Nos voisins du Sud utilisent à peu près les mêmes méthodes de collecte de données, si ce n’est qu’ils s’intéressent également à la technologie utilisée dans les véhicules.

Il importe surtout de comprendre comment les gens se comportent actuellement de manière à pouvoir mieux préparer l’avenir. Mon rêve serait que nous ayons au Canada, et je crois que je peux en faire une recommandation, un site où l’on pourrait compléter le travail effectué aux États-Unis dans le cadre de l’étude Long Road. On recense aux États-Unis 5 sites comptant chacun 600 participants, ce qui en fait près de 3 000 au total, si mon calcul est exact. Mes collègues de l’Université du Michigan ont leur propre site de recherche et font également le suivi au moyen de la géolocalisation.

Tout cela pour dire qu’il faut comprendre les comportements actuels des Canadiens pour pouvoir mieux planifier en prévision de l’avenir. Quelles infrastructures différentes faut-il mettre en place en milieu rural par rapport à ce que l’on retrouve dans les secteurs urbains? Je pense qu’il est vraiment important de tirer ces choses au clair.

Si nous avions par exemple un site à l’Université McMaster, on profiterait notamment du fait qu’il suffit, comme je l’indiquais tout à l’heure, de sortir de Hamilton pour se retrouver très rapidement en milieu rural. Vous êtes déjà en pleine campagne en sortant à peine d’Ancaster, soit à 10 kilomètres de McMaster.

Pour l’étude de Candrive, notre site a assurément utilisé des données recueillies en milieu rural. Pour la nouvelle étude que j’entreprends avec mes collègues de McMaster, nous comptons nous employer à mieux comprendre le vécu des Canadiens des milieux ruraux en nous intéressant notamment à ceux qui ont apporté leur contribution à notre site de McMaster.

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup. Dans une société comme la nôtre qui aspire à l’intégration sociale, il est primordial que nous entendions vos voix et celles des personnes que vous représentez.

On progresse très rapidement dans la mise au point de véhicules autonomes et connectés. Certains parlent de véritables ordinateurs sur roues qui sont à nos portes. Les nouvelles technologies ont un rôle de plus en plus important à jouer, et ce n’est pas près de s’arrêter.

J’aimerais savoir dans quelle mesure vous êtes tenus au fait de l’évolution des choses au bénéfice des populations que vous représentez. Il en est question à tous les paliers de gouvernement. C’est assurément aussi l’un des sujets de l’heure au sein de l’industrie. Êtes-vous consultés? Estimez-vous que vos besoins sont pris en compte?

J’aimerais vous entendre tous les trois à ce sujet.

M. Brown : En un mot, non. Voilà quelques années seulement qu’il est question d’automatisation avec ces véhicules électriques ou hybrides, ces autres technologies comme les piles à combustible et l’hydrogène, et la façon de les recharger et de les entretenir, car je présume que ces véhicules-là vont tout de même exiger certains soins.

Mais non, on ne nous tient pas au courant. Il serait sans doute bon que nous fassions nous-mêmes les premiers pas, car c’est généralement ce que nous devons faire. La situation évolue très rapidement. Nous sommes très enthousiastes à ce sujet, mais il y a tout de même certaines répercussions que nous devons évaluer. Je pense notamment aux principes de conception universelle à respecter et à la disposition des éléments, par exemple dans le cas d’un véhicule électrique, pour permettre l’utilisation par une personne ayant des problèmes de dextérité ou d’ergonomie.

Bref, nous n’avons pas été consultés.

Mme Vrkljan : Candrive a fait les premiers pas. Lorsque j’ai reçu votre invitation, j’ai été ravie de constater que le gouvernement allait de l’avant avec cette étude de votre comité. Je n’étais pas au courant de cette initiative, mais je peux vous dire que les gens auxquels j’en ai parlé sont très heureux de voir le Sénat se pencher sur la question.

Pour ce qui est de la collaboration avec le gouvernement, le ministère ontarien des Transports et d’autres ministères provinciaux ont contribué directement à notre projet Candrive. Cela n’a rien d’étonnant quand on sait que nous nous intéressions également aux accidents et aux infractions commises par nos participants. On peut donc parler d’un rôle très actif.

La collaboration avec l’industrie est un peu moins facile. Dans cette optique, je me suis efforcée — et je continue de le faire avec persistance — de travailler avec la faculté de génie de McMaster. Les gens de cette faculté ont des liens avec l’industrie, mais il leur arrive malheureusement parfois de négliger l’aspect humain dans le processus de conception.

Nous savons bien sûr qu’il y a un éventail d’interventions possibles quand on parle de conception universelle en songeant aux personnes handicapées et aux aînés. Si nous concevons des dispositifs en pensant aux capacités de ces gens-là, les choses deviendront d’autant plus faciles pour les utilisateurs réguliers qui n’ont pas les mêmes limitations, ce qui va tout à fait dans le sens du principe de conception universelle.

J’estime donc que le gouvernement pourrait certes appuyer une recommandation adressée à l’industrie à l’effet que les conducteurs âgés et handicapés aient leur mot à dire lorsque ces différentes technologies sont évaluées et mises à l’essai.

Il va de soi que les ingénieurs accomplissent un excellent travail de conception et ont à cœur de nous faire bénéficier d’innovations vraiment utiles, mais je pense qu’ils pourraient faire encore mieux si l’aspect humain était incorporé au processus. Je me réjouis à la perspective du travail que pourra accomplir notre institut de recherche sur le vieillissement, car il est parfois difficile d’éviter ce genre de cloisonnement à McMaster. Les ingénieurs sont certes prêts à nous faire une place; c’est nous qui pouvons apporter cet élément humain à la table.

M. Baker : Merci pour la question, sénateur. Je peux assurément reprendre à mon compte les commentaires de mes collègues concernant la participation au processus.

Chaque année, les instances nationales de l’ACIR s’efforcent de cerner, avec l’appui des différents chapitres, quelques enjeux importants à mettre de l’avant au bénéfice des aînés et des retraités que nous représentons. Celui dont nous débattons aujourd’hui est relativement nouveau pour nous. Nous nous réjouissons d’avoir eu l’occasion de venir en discuter avec vous. Nous sommes certes prêts à nous investir bien davantage dans la suite des choses.

Il y a une excellente occasion qui s’offrira à moi d’ici trois semaines. Je me rendrai à Toronto pour la rencontre annuelle avec notre conseil national qui nous permet d’examiner ces enjeux que nous souhaitons aborder à l’avenir. Il ne fait aucun doute que cette question figurera au menu.

Le sénateur Eggleton : N’attendez pas qu’ils vous fassent signe; prenez les devants.

M. Baker : C’est exactement ce que nous faisons.

Le sénateur Eggleton : Assurez-vous d’être dans le coup.

Permettez-moi d’aborder un autre sujet. Je m’adresse encore à vous trois. D’après ce que j’ai pu lire, on travaillerait à la conception d’un fauteuil roulant autonome. Depuis quelques années, nous voyons ces fauteuils roulants munis d’un moteur électrique. C’est peut-être une évolution des choses, comme pour l’automobile, qui nous mènera à un fauteuil autonome.

Pouvez-vous m’en dire plus long au sujet des progrès technologiques dans le secteur des fauteuils roulants? C’est une question qui semble surtout toucher les secteurs urbains, mais c’est aussi valable en milieu rural, à bien y penser. Qu’est-ce que l’avenir nous réserve? Au centre-ville de Toronto, ces fauteuils motorisés se déplacent surtout sur les trottoirs. J’en ai aussi vu à l’occasion sur des pistes cyclables. J’aime beaucoup moins en voir certains essayer de partager la chaussée avec les voitures.

Quelle évolution entrevoyez-vous pour l’avenir et quel genre de réglementation faudrait-il mettre en place pour cette nouvelle catégorie de fauteuils roulants autonomes?

M. Brown : En toute franchise, c’est la première fois que j’entends parler de cette possibilité. Compte tenu de mes antécédents en recherche et développement, c’est toutefois une évolution que je peux très facilement envisager. De fait, j’ai conçu, en collaboration avec l’Université Carleton, un fauteuil électrique que l’on peut faire fonctionner uniquement au moyen de commandes vocales. Comme le microphone était le maillon faible du point de vue technologique, la sensibilité aux bruits parasites faisait en sorte qu’il ne fonctionnait qu’en laboratoire. On ne pouvait pas s’en servir à l’extérieur, car il était conçu pour s’arrêter en pareille situation. Je ne vois cependant pas pourquoi la technologie des véhicules autonomes ne pourrait pas être utilisée pour un fauteuil roulant électrique. Il s’agit simplement de voir comment le système de contrôle nécessaire doit être alimenté.

Un fauteuil semblable pourrait être très utile pour certaines personnes qui sont tout simplement incapables de se déplacer. Je présume que ce serait le cas pour certains aînés et pour des personnes handicapées.

Reste quand même que la question du coût demeure cruciale pour des technologies semblables. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas encore entendu parler de quoi que ce soit au sujet de cette possibilité.

Mme Vrkljan : Nous, les ergothérapeutes, avons certes un rôle à jouer pour ce qui est de nous assurer qu’un fauteuil roulant est adapté aux capacités de la personne, et cela nous ramène quelque peu à la question de la sénatrice Bovey sur la prise en compte des capacités des gens.

Encore une fois, les fauteuils roulants autonomes ne constituent pas une solution. La première fois qu’on en entend parler, on se dit qu’ils pourraient vraiment être utiles, mais certains éléments doivent être adaptés à la personne et à ses capacités. Ainsi, les ergothérapeutes doivent s’assurer qu’ils conviennent en fonction des capacités visuelles et fonctionnelles des gens, et Bob a parlé des fonctions cognitives et de l’attention. Comme vous l’avez dit, il est très difficile de circuler dans les rues de Toronto.

Je sais que dans certaines de vos réunions précédentes, on a essayé de comprendre comment l’humain agit et de prévoir comment nous pourrions agir en voyant un fauteuil roulant circuler à une certaine vitesse aux endroits où des piétons et des fauteuils roulants autonomes se rencontrent. Des questions similaires se posent au sujet de l’automobile. Mes collègues de l’Institut de réadaptation de Toronto et un réseau de recherche, qui s’appelle AGE-WELL, se penchent sur les répercussions que ces types d’appareils d’aide à la mobilité peuvent avoir sur les gens.

Le nœud du problème, c’est que nous pouvons faciliter la mobilité, et alors, des facteurs liés à la sécurité peuvent en quelque sorte y mettre un frein, de sorte qu’il y a toujours cette fine ligne entre favoriser la mobilité des gens et s’assurer d’avoir une bonne réglementation. Nous voulons certainement favoriser la mobilité. En tant qu’ergothérapeute, je veux permettre aux gens de se déplacer et non les en empêcher. Je crains parfois que les règlements mettent un frein aux progrès également.

Je crois que les voitures autonomes et les fauteuils roulants autonomes, par exemple, posent toutes sortes de défis.

Le président : Si vous pensez qu’il est difficile de conduire à Toronto, essayez de le faire à Montréal.

Le sénateur Mercer : Conduire à Montréal est une aventure. Je vous remercie tous de votre présence.

En fait, le sénateur Eggleton a lancé ma question, car il a parlé de ce qui se passait en zone urbaine en mentionnant au passage qu’à bien y penser, la question touchait aussi les régions rurales. Eh bien, il y a une crise beaucoup plus importante dans le Canada rural que dans le Canada urbain. Là où je vis, aucun service de transport en commun ou de taxi n’est offert. Je vis dans un petit village comptant quelques milliers de personnes. On y trouve deux stations-service, et une épicerie qui, heureusement, inclut un comptoir de vente d’alcool, de sorte que nous ne sommes pas tout à fait isolés.

Or, au cours des 10 dernières années, j’ai été atteint de deux maladies plutôt graves. Cette semaine, cela fera trois ans que j’ai eu un accident vasculaire cérébral, et lorsque c’est arrivé, mon permis a été suspendu pendant ma convalescence. On m’a fait subir un test de nouveau avant que je puisse recommencer à conduire. Ma femme a donc été forcée de conduire. Lorsque je suis revenu à la maison, après mon séjour à l’hôpital, je n’avais accès à aucun service. Si j’avais été célibataire ou si ce n’était de ma femme, j’aurais été complètement isolé. Il m’aurait fallu quitter mon domicile et déménager dans un centre urbain pour pouvoir combler de simples besoins, comme me rendre à l’épicerie et à la pharmacie. Lorsque nous disons que c’est une solution ou quelque chose d’utile pour le transport en commun, c’est vrai pour les gens qui vivent en zone urbaine. Or, notre pays est l’un des plus grands au monde sur le plan géographique. Il se pourrait que des gens n’aient pas de services.

J’aimerais connaître votre point de vue sur le sujet.

Ensuite, monsieur Baker, les primes d’assurance faisaient partie de votre liste. J’estime que l’assurance automobile équivaut à de l’extorsion légale. Il faut être assuré, sinon on ne peut pas conduire. Soit dit en passant, il ne faut pas présenter une demande, car ce faisant, il n’est pas certain que la compagnie d’assurance paiera. Si elle paie, les primes grimperont en flèche. C’est un vrai racket.

Quoi qu’il en soit, comment pouvons-nous expliquer cela, sur le plan des assurances? Qui blâmons-nous? Vous avez parlé de la sécurité routière et des types de blessures possibles. Si je me trouve dans un véhicule sans conducteur, peu importe qu’il s’agisse d’un autobus ou d’un taxi, par exemple, et qu’un accident se produit et que je suis blessé, je voudrai intenter des poursuites. Contre qui le ferai-je? Qui en portera la responsabilité? Personne ne conduit le véhicule. Je pourrais poursuivre l’autre véhicule, mais que se passe-t-il s’il s’agit aussi d’un véhicule sans conducteur? Je ne comprends pas comment les choses fonctionneront à cet égard et de quelle façon les Canadiens seront protégés.

M. Baker : Il est difficile de répondre à votre question sur les régions rurales — pour ce qui est de veiller à ce que les gens qui y habitent aient accès aux services. À l’heure actuelle, il s’agit davantage de régler un problème urbain. Il est à espérer que cela sera étendu aux régions rurales, mais je crois qu’il faudra attendre de nombreuses années.

Ensuite, en ce qui concerne le secteur de l’assurance, je ne suis pas un spécialiste. Généralement, lorsqu’un accident se produit, souvent, c’est lié à l’enquête policière, car les policiers sont habituellement les premières personnes qui essaient de présenter une analyse de la situation, de ce qui s’est passé exactement. Je ne pourrais vous dire quel type de primes les gens paieraient.

M. Brown : D’après ce que j’ai lu dans les journaux, on s’attend à ce que le nombre d’accidents diminue, car on retire le conducteur et on élimine la faute du conducteur. Donc, à certains égards, les coûts d’assurance diminueront probablement. Or, je suppose que c’est le fabricant qui sera tenu responsable. Bien entendu, on a besoin de la responsabilité du fait des produits. Il y a bien des inventions, mais il y a la question de la responsabilité du fait des produits.

Comme je l’ai mentionné, j’ai participé à une conférence des Nations Unies en juin dernier. On disait que si nous ne tenons pas compte de cette nouvelle technologie qui pourrait changer la société, d’ici 2050, nos villes doubleraient de taille parce que les gens laisseront leurs petites collectivités pour vivre près des services, comme vous le dites — pharmacie, cabinet de médecin, hôpital. Si on en a besoin, on veut habiter près de ces services.

Mme Vrkljan : Dans ma déclaration préliminaire, j’ai parlé de mon expérience à Chatham, une petite ville ontarienne située entre Windsor et London, sur le couloir le plus peuplé du Canada; pourtant, fait étonnant, c’est une zone rurale.

Lorsque j’étais ergothérapeute et que je travaillais auprès de gens qui avaient subi un AVC, recommencer à conduire était l’un de leurs principaux objectifs. Bien sûr, retourner chez eux était essentiel, mais les deux objectifs allaient de pair. La promesse de l’arrivée des véhicules autonomes pour cette région ou pour les régions rurales constituerait un point de départ important sur le plan de la compréhension. Si l’on peut avoir la bonne infrastructure dans les régions rurales pour que cela fonctionne, nous pourrions tirer beaucoup de leçons quant à la transition vers les zones urbaines. La circulation en zone urbaine est dense avec les cyclistes, les piétons et les personnes handicapées.

Voilà pourquoi je me suis concentrée là-dessus. Au départ, j’allais me concentrer sur la capacité de conduire. Comment retirerons-nous aux gens leur permis et nous assurons-nous que les personnes en danger ne conduisent pas? Nous voulons prendre les mesures qu’il faut à cet égard, mais j’ai changé mon point de vue après avoir parlé avec des gens des zones rurales parce que conduire est important pour eux dans la vie de tous les jours et pour leur vie sociale. Oui, il s’agissait de se rendre à l’épicerie, mais il s’agissait davantage de voir leur famille et leurs amis.

Nous savons que l’isolement social est un énorme problème pour notre population vieillissante, et conduire est un moyen de voir des gens. J’ai axé ma recherche sur les technologies automobiles avancées et j’ai examiné comment les gens pourraient se rendre aux endroits qui sont importants pour eux.

Je pense que c’est à cet égard que les véhicules autonomes aideront les gens et constitueront un contrepoids à certains changements auxquels ils feront face, et nos premiers travaux de recherche montrent que les personnes âgées n’achètent pas de voitures parce qu’elles ont certaines technologies. Elles constatent à quel point ces technologies sont utiles une fois qu’elles se trouvent dans le véhicule et qu’elles les utilisent. Si elles n’en cherchent pas, c’est en partie parce qu’elles ne savent pas ce qu’elles en retireront. Nos participants nous disent à quel point la caméra de recul est utile, compte tenu d’autres changements, mais cela vient s’ajouter aux capacités. C’est vu comme étant utile, mais cela ne nuira jamais aux capacités du conducteur.

La question de l’assurance est difficile. Je sais que des spécialistes ont comparu devant vous à ce sujet. Je suis ravie que vous examiniez la question. Nous ne voulons pas qu’on fasse de l’âgisme, en particulier, parce que c’est ce qui peut se produire si l’on commence à déterminer certaines choses en fonction de l’âge. Nous savons que les gens qui ont subi un AVC ne doivent pas tous recevoir la même étiquette. Ils ne réagissent pas tous de la même façon au traitement et à la réadaptation et ils ne se rétablissent pas tous de la même façon. Nous devons traiter les gens comme des personnes, ce que le secteur de l’assurance doit respecter également.

Le sénateur MacDonald : Je pense que les témoignages des représentants de l’Association canadienne des individus retraités et du Conseil des Canadiens avec déficiences sont instructifs. Lorsqu’on pense aux véhicules autonomes, je ne peux penser à deux groupes qui seraient plus ouverts à la mise en place de ces technologies.

Je sais que le Congrès des États-Unis est aussi en train de faire une étude sur la question. Est-ce que le Conseil des Canadiens avec déficiences et l’Association canadienne des individus retraités ont des discussions avec leurs homologues états-uniens? On peut supposer que lorsque la technologie sera utilisée en Amérique du Nord, cela se fera presque en même temps au Canada et aux États-Unis. Discutez-vous avec vos homologues? Quel genre de réactions recevez-vous de leur part sur la mise en place de cette technologie? Quelles sont leurs demandes et leurs préoccupations?

M. Brown : Nous discutons avec l’Access Board, mais, honnêtement, cette question n’a pas encore été soulevée. Nous parlons encore des vols et des voitures et d’autres technologies. C’est survenu très rapidement, et les gens ne sont pas encore rendus là. Le fait que vous tenez des séances sur le sujet fait en sorte que nous y réfléchissons et que nous en parlons dans les réseaux qui conviennent. À cet égard, c’était enrichissant.

À ce que je sache, l’American Access Board n’en parle pas non plus. C’est assez avancé.

Mme Vrkljan : J’ai participé au congrès mondial de l’Association internationale de gérontologie qui s’est tenu à San Francisco, et nos collègues des IRSC, de l’Institut du vieillissement, ont tenu bon nombre de colloques pour essayer de comprendre la question du vieillissement dans le contexte international. Mes collègues de l’Australie s’y trouvaient. Il existe des équipes équivalentes à celle de Candrive aux États-Unis, en Australie et dans la société occidentale à ce moment-ci — principalement dans des pays industrialisés, ce qui n’est pas étonnant — qui examinent la question.

Nous sommes aux prises avec le fait que la technologie est perçue comme une panacée qui permettra de régler tous nos problèmes sur le plan des capacités des gens, mais on se rend compte maintenant qu’il faut examiner, comme je l’ai déjà dit, ce qui se passe dans les véhicules présentement. Quelles sont les répercussions sur les conducteurs? Nous pouvons essayer de pronostiquer les répercussions.

Il faut mentionner que lorsque les adultes âgés actuels ont obtenu leur permis, ils n’ont jamais eu à passer un réel examen. Il n’est donc pas étonnant que nous ayons été témoins, dans nos échantillonnages, de mauvaises habitudes. Nous savons que des gens de tous les âges ont ces mauvaises habitudes, et pas seulement les conducteurs âgés. Le problème, c’est leurs conséquences, c’est-à-dire que si un accident se produit, parce que ce sont des personnes sont frêles et ont des problèmes de santé, elles risquent davantage de subir des blessures ou même de mourir.

L’une des études dans laquelle je me suis lancée, grâce à l’Institut McMaster de recherche sur le vieillissement, consiste à mener des études pilotes sur la façon de soumettre à une formation les conducteurs âgés en tenant compte également des technologies automobiles avancées, pour pouvoir faire le suivi là-dessus.

Bref, nous collaborons et discutons avec nos collègues internationaux, mais pas beaucoup avec le secteur. C’est toujours un chaînon manquant. Il y avait auparavant un réseau national, Auto21 — je ne sais pas si vous en avez entendu parler —, qui réunissait des gens de l’industrie et des chercheurs. Il s’agissait surtout du thème de l’ingénierie, mais il y avait un thème sur les facteurs humains. Il s’agissait de se pencher sur la question des sièges d’auto pour bébé, par exemple, avec ma collègue Anne Snowdon, mais aussi sur celle des personnes âgées, qui constituent un autre groupe vulnérable de la population. Ce RCE a duré 15 ans et n’existe plus, malheureusement, et il est important d’amener le secteur à participer aux discussions.

M. Baker : Je ne suis au courant d’aucun travail de collaboration entre notre association au Canada et l’AARP aux États-Unis, mais je peux soulever la question auprès de notre vice-présidente de la revendication pour que nous voyions si nous pouvons collaborer avec eux et apprendre de leur expérience également.

Le sénateur MacDonald : C’est le moment idéal. Je crois que nous devrions le faire.

Le président : Nous devrons poursuivre la séance à huis clos pour parler de certaines questions puisque de nouvelles mesures législatives nous seront présentées.

La sénatrice Griffin : C’est vraiment intéressant. J’avais trois questions, à poser, mais deux d’entre elles ont été posées par les sénateurs Cormier et Eggleton. Je suis membre de l’Association canadienne des individus retraités depuis longtemps.

M. Baker : Merci.

La sénatrice Griffin : Pouvez-vous me nommer la chose ou les deux choses les plus importantes que le gouvernement peut faire pour rendre le transport plus accessible? Ma question s’adresse à tous les témoins.

M. Brown : Je vais essayer de répondre. À ce moment-ci, c’est difficile à dire, car nous n’avons pas assez d’information sur le sujet.

Encore une fois, j’ai parlé de la capacité financière, qui est un enjeu, surtout pour les personnes handicapées. Toutefois, cela ne se limite pas au véhicule personnel. Les aéronefs atterriront sans pilote. C’est déjà le cas avec l’autopilote. La technologie existe, mais selon la réglementation, il faut que le pilote effectue l’atterrissage.

Il ne faudrait pas réglementer à outrance au départ. En effet, si l’on étouffe les capacités d’innovation, qui s’amélioreront probablement très rapidement dans ce secteur… Il faut se pencher sur l’accessibilité et les systèmes universels concernant l’interface ainsi que sur la gestion. S’il s’agit d’un véhicule électrique, il y a le chargement, par exemple; les gens doivent être capables d’utiliser un tel système. J’imagine qu’il ne faudrait tout simplement pas réglementer à outrance et il faudrait s’assurer que des tests sont effectués. On doit encourager l’innovation. Ce type de technologie change tous les cinq ans, je crois.

Mme Vrkljan : Je viens du foyer de la pratique fondée sur des données probantes. En fait, la médecine factuelle a été créée à l’Université McMaster pour ce qui est de l’idée qu’il faut toujours que nos décisions soient fondées sur des faits. Quand nous appliquons cela à l’ingénierie et à l’ingénierie des véhicules, nous devons également comprendre les faits et recueillir les données probantes. Je suis chercheuse. Nous le faisons en menant des études objectives, en essayant de comprendre l’expérience subjective également, soit ce que vivent les gens. Il est donc vraiment important d’adopter une démarche incluant différentes méthodes. On peut avoir des chiffres, mais je pense qu’il faut leur donner un sens en comprenant ce que vivent les gens qui travaillent en région rurale. La première chose que nous pouvons faire maintenant, c’est vraiment comprendre la technologie et investir dans la recherche.

Je collabore avec des étudiants diplômés, soit la prochaine génération d’innovateurs canadiens. Mes étudiants en ergothérapie collaborent directement avec des ingénieurs de première année à des projets. Nous faisons venir des personnes handicapées, des personnes âgées ou des personnes qui ont été victimes d’accident vasculaire cérébral. Les étudiants peuvent donc constater la réduction de la stigmatisation à ce sujet. Lorsqu’ils sont en présence d’une personne ayant une aphasie, soit un trouble de la parole qui peut parfois survenir à la suite d’un accident vasculaire cérébral, ils peuvent ainsi reconnaître les capacités et les forces de cette personne. Bref, nous enseignons la conception universelle à la prochaine génération d’ingénieurs pour qu’ils tiennent compte des utilisateurs.

Si nous le faisons et que nous investissons dans la recherche et la prochaine génération, ce sera la meilleure mesure à prendre en vue de favoriser le transport et la mobilité.

La sénatrice Galvez : Nous discutons de ce sujet depuis un bon moment déjà, et je crois que nous avons maintenant un bon portrait de la situation. Certains éléments deviennent très évidents. Je vous écoutais parler, et un aspect m’est apparu évident; l’industrie automobile est à l’origine de ces avancées. L’humain n’est pas présent, et l’élément social n’est pas présent non plus. Nous devons inclure l’humain.

Dans ma famille, j’ai un frère handicapé et une mère âgée. Ce sont deux situations totalement différentes.

Les personnes handicapées doivent évidemment se trouver en milieu urbain pour améliorer leurs perspectives d’emploi et leur environnement social. Ces véhicules coûtent très cher. Qui aura les moyens de se payer l’assurance et tout le reste? Qui en assumera la facture et comment les gens arriveront-ils à le faire?

Pour ce qui est des personnes âgées, il y a un autre problème. Comme mes collègues l’ont mentionné, c’est vrai que les aînés ne veulent pas perdre leur permis de construire, mais ce n’est pas la même situation dans le cas de la génération du millénaire. Les membres de cette génération ne veulent pas conduire. Ils ne veulent pas avoir de véhicules. Ils utilisent les transports en commun, Uber et Communauto.

Nous discutons peut-être aujourd’hui de l’adoption d’une mesure importante. Cependant, lorsque la génération du baby-boom ne sera plus là, que ferons-nous? Je cherche seulement à penser à long terme et à sortir des sentiers battus.

À mon avis, nous devrions notamment recommander la tenue d’études de recherche multidisciplinaires et transdisciplinaires pour trouver des solutions efficaces à long terme.

Une expérience et de nouvelles pratiques intéressantes ont cours en Europe, aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves où il y a des maisons multigénérationnelles. Vous avez donc des jeunes qui conduisent des personnes âgées. Je crois que c’est très important; au lieu d’isoler davantage les personnes âgées, cela permet de leur donner des moyens d’être indépendantes et moins isolées. Je voulais seulement vous faire part de ces commentaires et vous entendre à ce sujet.

Comme la sénatrice Griffin l’a dit, que pouvons-nous faire d’autre? Que nous recommandez-vous? Je crois comprendre que vous demandez de ne pas trop légiférer en la matière, et je suis d’accord. Nous devons permettre les expériences, mais j’aimerais vous entendre sur les autres recommandations que nous pourrions faire.

M. Brown : Selon moi, l’important est de veiller à inclure tout le monde. Si le gouvernement décide d’adopter des lois, il doit s’assurer de consulter l’ensemble de la société pour comprendre ce dont tout un chacun a besoin. Nous devons faire participer les gens pour entendre ce que sont leurs besoins. Nous devons nous assurer de rendre cela inclusif pour tout le monde, et je pense en particulier à la conception universelle. Cela ne vise pas seulement un pan de la population.

Si je peux délaisser un instant la question des personnes handicapées, j’ai aussi un intérêt dans ce sujet. Selon ce que j’ai lu ce matin, Uber quittera le Québec. L’annonce a été faite ce matin. Nous ne savons pas encore si nous aurons dans l’avenir d’autres technologies pour offrir des services de conavettage à partir d’un véhicule personnel. Aurons-nous dans l’avenir des problèmes de stationnement dans les villes? Voilà davantage les types de questions que nous devrions nous poser à l’avenir dans le cadre de l’aménagement urbain et d’autres éléments connexes, parce que tous ces aspects évolueront aussi. Nous ne savons pas si nous aurons des services de conavettage, que la génération du millénaire affectionne, comme vous l’avez mentionné, ou si les gens voudront avoir leur propre véhicule. Que ferons-nous alors au sujet de la question du stationnement, en particulier quand nous essayons de nous éloigner des véhicules automatisés, surtout en milieu urbain, comme à London et dans les centres-villes, par exemple?

M. Baker : Je vous félicite de nous avoir invités à venir vous donner une idée des organisations que nous représentons. Je crois que c’est essentiel de le faire. Je crois également que vous pouvez mieux nous utiliser pour consulter nos membres et essayer de beaucoup mieux comprendre leurs opinions sur l’enjeu en question. Il ne fait aucun doute que cela aura énormément d’effets à long terme, et nous devons bien le faire.

Mme Vrkljan : Lorsque les Drs Shawn Marshall et Malcolm Man-Son-Hing ont lancé Candrive, ils se demandaient si les personnes âgées étaient traitées de manière juste et équitable. Voilà pourquoi l’étude de Candrive a vu le jour. Il s’agissait d’essayer de promouvoir la mobilité, l’accès équitable et l’accessibilité.

Je sais que vos commentaires soulèvent de nombreuses questions quant aux capacités; nous avons votre frère handicapé et votre mère et la population vieillissante. Vous pouvez voir cela comme des problèmes; j’essaie plutôt de le voir comme des occasions. En comprenant les gens qui ont certaines déficiences fonctionnelles atypiques, nous pouvons vraiment contribuer à concevoir une meilleure société inclusive qui tient compte de toutes les personnes, quelles que soient leurs capacités.

Nous pouvons réaliser des expériences. Les gouvernements provincial et fédéral ont investi dans un simulateur à l’Institut de réadaptation de Toronto. C’est un simulateur de pointe qui permet de recréer les conditions routières comme s’il pleuvait ou qu’il neigeait ou qu’il y avait du brouillard. Le groupe que je dirige en collaboration avec ma collègue, la Dre Furlan, analyse les données probantes. Cela signifie que nous examinons toutes les données disponibles sur les technologies automobiles de pointe. C’est très complexe d’essayer d’extraire et de trier les données, mais c’est important, parce que cela nous permet de repérer les lacunes. Quels types d’expériences ferons-nous ensuite dans le simulateur? Quels types de personnes âgées avec des déficiences fonctionnelles choisirons-nous pour mettre à l’essai les diverses technologies?

Nous commençons par l’examen des données probantes, et ce travail est financé par les Instituts de recherche en santé du Canada. Nous espérons ensuite obtenir du financement pour réaliser d’autres expériences.

Je crois que le rôle du gouvernement est de soutenir une telle innovation et ces tests pour s’assurer d’inclure des personnes aux capacités variées.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’aurais préféré que M. Baker réponde à la question que j’ai posée. Les personnes âgées de plus de 70 ans formeront la partie la plus importante de la pyramide démographique au Canada d’ici cinq à dix ans.

Selon les sondages qu’a effectués votre association, monsieur Baker, cette révolution technologique représente-t-elle un espoir pour ces personnes âgées ou un cauchemar en raison de l’adaptation, surtout sur le plan financier? Ces voitures ne pourront être gardées pendant 15 ou 20 ans, car cette technologie, tout comme nos ordinateurs et nos téléphones intelligents, innovera tous les trois ou cinq ans. Pour le déplacement des personnes âgées, cette technologie qui se trouve à nos portes représente-t-elle un espoir ou un cauchemar?

[Traduction]

M. Baker : Je crois que c’est très encourageant, et je suis véritablement optimiste par rapport à ce que l’avenir nous réserve. Je répète qu’il est important de consulter les personnes âgées et d’expliquer la façon dont nous nous y prenons pour les informer au sujet de ces questions. Nous faisons de notre mieux chaque jour pour communiquer avec nos organismes de personnes âgées, et il y en a plusieurs au pays.

Comme je l’ai déjà mentionné, cet enjeu est relativement nouveau, mais je crois que nous avons là une excellente occasion pour communiquer avec les gens, connaître leurs opinions des technologies rapides et trouver comment nous pouvons les faire participer au processus et les inclure aussi à long terme.

Il y aura toujours des gens qui s’opposeront aux changements. Cependant, au bout du compte, si nous pouvons prouver que ces changements sont utiles, les gens les adopteront, et une belle vie nous attendra.

Le président : Je tiens à remercier les témoins. L’optique était totalement différente aujourd’hui de celle de nos délibérations des dernières semaines, mais c’est certes un aspect important de ce que nous étudierons. Nous commencerons tôt ou tard à penser à nos recommandations.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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