LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 4 octobre 2017
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour poursuivre son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l’arrivée des véhicules branchés et automatisés.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte. Ce soir, le comité poursuit son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l’arrivée des véhicules branchés et automatisés.
[Traduction]
Nous accueillons deux groupes de témoins aujourd’hui. Dans le premier groupe, j’aimerais souhaiter la bienvenue à Tomi Gerber, vice-présidente adjointe, Affaires gouvernementales et publiques, à Enterprise Holdings; et Craig Hirota, vice-président, Relations gouvernementales et services aux membres, à Associated Canadian Car Rental Operators.
[Français]
Merci d’être avec nous.
[Traduction]
J’aimerais vous rappeler que vous avez cinq minutes pour faire vos exposés, et je demanderais aux sénateurs d’être brefs lorsqu’ils posent une question. J’invite M. Hirota à commencer son exposé.
Craig Hirota, vice-président, Relations gouvernementales et services aux membres, Associated Canadian Car Rental Operators : Merci, monsieur le président et honorables membres du comité, de nous donner l’occasion de vous faire part des préoccupations de notre industrie.
L’Associated Canadian Car Rental Operators, ou ACCRO, est un organisme canadien voué à l’amélioration constante de l’industrie canadienne de la location de voitures et de camions. L’ACCRO est considéré comme le porte-parole de l’industrie au pays, et il s’est donné pour mandat d’améliorer les lois qui touchent notre industrie. Au Canada, le secteur de la location de voitures et de camions exploite plus de 150 000 véhicules, emploie plus de 12 000 Canadiens et représente une incidence économique globale annuelle de plus de 7 milliards de dollars.
L’évolution rapide de notre industrie, en particulier au cours de la dernière décennie, a motivé la mise au point de solutions de gestion du parc automobile pour tous les aspects relatifs à la propriété, l’exploitation et l’aliénation des véhicules. En passant en revue les transcriptions de témoignages des personnes qui ont comparu avant nous devant le comité, nous avons constaté que beaucoup d’entre elles participent à la mise en œuvre, la fabrication ou la réglementation des nouvelles technologies. Notre perspective rejoint plutôt celle de l’utilisateur final et de l’exploitant.
Le succès de l’industrie de la location de véhicules passe par la prise en compte des commentaires de la clientèle et des résultats efficaces et sécuritaires. L’environnement réglementaire influe considérablement sur notre capacité, en tant qu’industrie, de répondre aux besoins des consommateurs. En ce qui concerne les technologies, actuelles et potentielles, des automobiles branchées et automatisées, nous insistons sur la nécessité d’un environnement réglementaire harmonisé et d’un traitement équitable, fondé sur les services rendus et non sur la méthode de prestation de ces services, pour que notre industrie puisse mettre en place de la meilleure façon qui soit les produits actuels et futurs.
L’assurance des risques automobiles peut considérablement freiner l’essor de l’industrie de la location de véhicules. Au Canada, l’assurance automobile repose encore largement sur les principes de responsabilité du fait d’autrui qui étaient surtout appropriés à l’époque des voitures tirées par des chevaux et des automobiles conduites par un chauffeur. En cette époque où notre monde en est un où pointent les solutions de mobilité partagée, le milieu de l’assurance doit se moderniser en tenant compte de la négligence de l’opérateur, humain ou informatisé, du véhicule plutôt que de se tourner par défaut vers un propriétaire non fautif.
Je décrirai un exemple qui s’applique à la technologie automobile existante et qui s’appliquera durant une bonne partie de la période de transition des véhicules sans chauffeur aux véhicules entièrement autonomes.
L’ACCRO se penche sur la question de la responsabilité du fait d’autrui illimitée depuis 2005; on l’impose encore toutefois aux entreprises de location de véhicules non fautives dans trois provinces, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard. Ce principe d’assurance est un obstacle pour quiconque souhaite exploiter une entreprise de location de véhicules dans ces provinces.
Si nous imaginons un avenir où le nombre de propriétaires de véhicules personnels diminuera au profit du partage des véhicules, il sera d’autant plus important que les lois sur les assurances provinciales prévoient un modèle de responsabilité qui tiendra le chauffeur, et sa police d’assurance, comme le principal responsable et qui limitera le rôle du propriétaire de véhicule non fautif à celui de garant des obligations en matière de responsabilité financière en l’absence de la possession d’une assurance de la part du chauffeur.
J’ajoute que même au sein des provinces qui ont modifié le principe de la responsabilité du fait d’autrui illimitée et la priorité de paiement, l’absence de normalisation complique l’évaluation du risque dans chaque province. La disparité des mesures réglementaires met à mal le déploiement de la technologie automobile actuelle. Si une autre mosaïque de règlements visant les véhicules branchés et autonomes voit le jour, veuillez tenir compte des ramifications en vue de mettre en place de manière responsable les solutions de mobilité que recherchent les consommateurs.
La grande majorité des parties prenantes de notre industrie sont des entreprises parvenues à maturité; certaines d’entre elles sont des entreprises publiques. Elles se sont bâties en se conformant aux strates de réglementation municipale, provinciale et fédérale. Le fait d’agir en tant que personne morale responsable confère de la valeur aux yeux des urbanistes, des conseillers municipaux responsables du budget et des ministères de l’Emploi et des Finances des provinces et du fédéral. Notre industrie reconnaît la nécessité de gérer les charges administratives et travaille en collaboration avec tous les ordres de gouvernement en vue d’accroître la responsabilisation.
L’industrie de la location de voitures et de camions joue un rôle de taille dans l’écosystème de la mobilité. Il importe de continuer à se concentrer sur le service qui est rendu et non sur le fournisseur de service ou sur la méthode de prestation du service. Un cadre de réglementation unique, ouvert à tous, favorisera l’obtention de résultats optimaux pour les entreprises viables et un service aux consommateurs exceptionnel.
Je vous remercie.
Tomi Gerber, vice-présidente adjointe, Affaires gouvernementales et publiques, Enterprise Holdings : Merci, monsieur le président et honorables membres du comité, de votre invitation à venir vous parler des enjeux réglementaires liés à l’introduction des véhicules autonomes et connectés.
Comme il a été mentionné, je m’appelle Tomi Gerber, et je suis vice-présidente adjointe aux Affaires gouvernementales et publiques à Enterprise Holdings, une entreprise familiale fondée il y a 60 ans qui exploite les bannières Enterprise, National et Alamo Rent A Car, et possède une flotte de 1,9 million de véhicules dans le monde.
Nous sommes ici aujourd’hui pour vous dire qu’Enterprise Holdings croit que les véhicules branchés et autonomes représentent le changement et sont inévitables. Nous voulons en particulier attirer votre attention sur le fait que la compétitivité des véhicules autonomes, et en fait de tout l’écosystème de la mobilité, augmentera ou diminuera en fonction des décisions que le gouvernement prendra, aujourd’hui et dans les années à venir, sur la façon dont l’accès aux données générées par ces véhicules est contrôlé et réglementé.
Les enjeux concurrentiels liés au contrôle des données et leur accès n’ont jamais été abordés, je crois, par des témoins qui ont comparu devant le comité. Nous souhaitons vous fournir des renseignements à examiner. Je me concentrerai ce soir sur les enjeux entourant l’accès aux données, mais vous trouverez beaucoup plus de détails sur le sujet et sur d’autres enjeux qui touchent l’industrie dans notre mémoire.
Nous croyons fermement que les choix de mobilité de demain seront dictés par la façon dont l’accès aux données sera contrôlé. De plus, si cet accès n’est pas réglementé, cela aura des conséquences sur les choix qu’auront les consommateurs dans le marché. Selon moi, la meilleure façon de vous expliquer notre point de vue est de vous parler de ce qui se passe ailleurs dans le monde.
Vous êtes sans doute au fait de la décision de l’Union européenne d’exiger que tous les véhicules vendus en Europe après le mois d’avril 2018 soient équipés d’un module de communication intervéhicules. Cette décision a suscité un débat sur la façon de gérer les moyens de communication des véhicules et les données échangées.
La Commission européenne a réuni un très large éventail de parties concernées pour entamer le débat, notamment des constructeurs automobiles, des fournisseurs de niveau 1, l’industrie de l’assurance, des gestionnaires de flotte et des groupes de consommateurs. Selon un accord général, un accès libre et cybersécuritaire aux données des véhicules était possible.
Cette vision a été bouleversée il y a environ un an, soit l’automne dernier, lorsque l’Association des constructeurs européens d’automobiles, ou ACEA comme on l’appelle, a déclaré que pour des raisons de cybersécurité, l’accès aux données devait être fermé. Selon son exposé de position, elle considère que le concept du « véhicule étendu » est la voie à suivre.
Le concept du véhicule étendu met en avant l’idée simple voulant que tous les véhicules branchés et autonomes transmettront toutes les données générées dans un serveur infonuagique, et que les constructeurs en seront les gardiens. Si les propriétaires des véhicules veulent avoir accès aux données générées par l’automobile, ils devront négocier les types de données auxquels ils peuvent avoir accès, leur qualité, le format et le prix.
Enterprise Holdings croit fermement que le propriétaire d’un véhicule devrait avoir un droit d’accès aux données générées par son véhicule. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi nous pensons que c’est important pour le marché futur de la mobilité.
À peu près tous les constructeurs ont manifesté leur intention de commencer non seulement à fabriquer des véhicules autonomes, mais aussi à offrir des services de mobilité directement aux consommateurs. Advenant le cas où un constructeur posséderait et gérerait sa propre flotte de véhicules autonomes et offrirait des services de transport aux consommateurs en même temps qu’il vendrait des autos à d’autres exploitants de flotte offrant les mêmes services aux consommateurs, le constructeur aurait alors la capacité de restreindre l’accès aux données permettant de faire fonctionner la flotte de façon efficace et efficiente, et il pourrait dicter aux fournisseurs le prix qu’ils doivent payer pour exploiter leur flotte. Vous êtes à même de voir les distorsions que cela créerait à court terme sur le marché de la concurrence.
Cela est évident dans le monde des services de transport où la situation se produirait, mais nous pensons qu’il est important de comprendre que cela aura aussi une incidence sur d’autres industries qui interagissent avec celle de la mobilité, comme les industries de l’assurance, de la gestion de flotte et de la réparation et l’entretien automobiles. Elles pourraient toutes être touchées si ce concept du véhicule étendu est autorisé à l’aller de l’avant.
J’aimerais aussi souligner que l’alliance des constructeurs européens d’automobiles, qui a lancé cette idée, croit qu’elle peut aller de l’avant avec ce plan non seulement en Europe, mais aussi en Amérique du Nord, à moins que des mesures soient prises pour le bloquer. De plus, il n’y a pas que les constructeurs automobiles européens qui souscrivent à ce plan, mais aussi les constructeurs nord-américains.
Je vous fournis toute cette information aussi dans le contexte de la cybersécurité. Enterprise Holdings croit fermement que la cybersécurité, tout comme la sécurité et la confidentialité des données, est indispensable pour bien faire les choses dans le monde des véhicules autonomes de demain. Nous sommes toutefois contre l’idée voulant que la seule façon d’assurer la sécurité des véhicules autonomes soit de fermer l’accès aux données produites par le véhicule.
Dans notre mémoire, nous vous avons fourni la référence à un rapport indépendant du Transportation Research Laboratory au Royaume-Uni. Il a été commandé par la Commission européenne afin d’examiner les multiples solutions techniques proposées pour résoudre le problème de l’accès aux données. Il importe de noter que selon le rapport, le concept de véhicule étendu allait à l’encontre des principes d’un marché juste.
Nous voulons aussi proposer des solutions. Dans notre mémoire, nous recommandons au comité d’envisager une approche basée sur des principes pour l’accès aux données, de même que l’élaboration de cas pratiques particuliers pour qu’une multitude de parties concernées, notamment les constructeurs, les propriétaires et les services publics, puissent avoir un accès sûr et sécuritaire aux données générées par les véhicules.
Sur ce, je vous remercie de nous permettre de nous exprimer sur le sujet. Je vous suis sincèrement reconnaissante d’avoir pu vous communiquer ces renseignements et je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup de vos exposés.
Le sénateur Eggleton : Je vais attraper la balle au bond. Madame Gerber, vous dites que le concept de véhicule étendu est une mauvaise idée. Cela ne fonctionnerait pas pour votre industrie, assurément. Toutefois, vous avez souligné que ce sont les préoccupations au sujet de la cybersécurité qui ont amené l’idée de fermer l’accès aux données.
Comme cela semble évident au sein de l’Union européenne, la cybersécurité, la protection de la vie privée, l’échange de données ou l’accès aux données sont des enjeux qui entrent en conflit les uns avec les autres. Vous affirmez qu’il ne faut pas suivre leur exemple. Y a-t-il un autre exemple que nous pourrions suivre? Qu’est-ce qui se passe aux États-Unis? Quelqu’un s’occupe-t-il de cela d’une façon équilibrée?
Nous sommes préoccupés par la sécurité, par les cyberattaques, par la protection des données personnelles et par l’échange de données entre le constructeur et le propriétaire, les utilisateurs ou les intermédiaires. Oui, ces questions doivent être réglées, mais notre approche à cet égard est liée davantage à la sécurité publique.
Où pouvons-nous trouver un bon modèle à examiner si celui de l’Union européenne ne convient pas?
Mme Gerber : En ce qui concerne le concept de véhicule étendu, de nombreux universitaires ou chercheurs indépendants ont publié des documents qui démontrent que ce concept n’assure pas la cybersécurité d’aucun véhicule construit de nos jours, en raison de la façon dont les systèmes électroniques des véhicules sont conçus. Il y a plus de 20 risques liés à la sécurité des interfaces. Votre porte-clés électronique et les ports USB peuvent être utilisés pour accéder à des fonctions cruciales. Le véhicule étendu qui remplace le port de diagnostic de bord représente l’un des quelque 20 risques qui existent dans les véhicules de notre époque.
Des efforts sont déployés pour déterminer la façon dont on peut sécuriser les véhicules, et ce concept est appelé la « sécurité intégrée à la conception ». Les ingénieurs de l’Internet des objets qui utilisent l’architecture REST vous diront que les machines branchées présenteront toujours des risques, mais que vous pouvez réduire ces risques en intégrant la sécurité dans l’architecture du système afin que les fonctions opérationnelles cruciales deviennent compartimentées.
Aucune région — ni l’Europe, ni l’Amérique du Nord, ni les États-Unis, ni le Canada — ne montre la voie à suivre en ce qui concerne les mesures législatives portant sur cette question. Toutefois, des groupes de scientifiques et d’universitaires ont mis au point des propositions qui sont accessibles, et nous pouvons vous aider à cerner l’étude portant sur l’accès aux données des véhicules menée par le Transportation Research Laboratory. Elle évalue trois différentes options qui existent en ce moment.
Le sénateur Eggleton : Vous pourriez peut-être fournir ces liens vers des recherches au greffier du comité.
Monsieur Hirota, dans le cadre de vos observations, vous avez déclaré qu’à votre avis, l’assurance intervient pour régler le modèle de la responsabilité et tient le conducteur et sa police d’assurance principalement responsables, tout en confinant un propriétaire de véhicules non négligent dans un rôle de garant des exigences en matière de responsabilité financière lorsque le conducteur ne souscrit pas à une police d’assurance.
Je suppose qu’en ce qui a trait au propriétaire de véhicules non négligent, vous faites allusion, dans votre cas, à l’industrie de la location de voitures. Toutefois, certains affirment qu’à mesure que nous progressons vers l’automatisation complète des véhicules, nous devrions tenir les constructeurs de plus en plus responsables de tous ces systèmes complexes de capteurs, de caméras et de tout ce qui accompagne l’informatisation des véhicules. Pourquoi continuez-vous de soutenir que le conducteur devrait être tenu responsable?
M. Hirota : C’est une excellente question. Plus tôt au cours de mon intervention, j’ai parlé du conducteur en général, que ce soit un humain ou un ordinateur. L’arrivée de cette nouvelle technologie nous forcera tôt ou tard à redéfinir bon nombre des termes courants que nous utilisons pour décrire la conduite d’un véhicule. Que le véhicule soit conduit par un humain assis aux commandes, par un constructeur ou par une sorte de système de pilotage automatique conçu par un tiers, il importera d’attribuer la responsabilité à l’entité, quelle qu’elle soit, qui a commis l’erreur de conduite.
Le sénateur Eggleton : D’accord. Je présume que j’ai manqué votre définition du mot « conducteur ». Il s’agit maintenant d’un terme plus général.
Je crois comprendre que l’État de la Californie a interdit aux entreprises de location de véhicules d’évaluer ou d’utiliser les données obtenues au moyen d’une technologie de surveillance électronique de bord, comme les GPS, pour obtenir des renseignements sur l’utilisation du véhicule de location par le client. Par exemple, une entreprise de location ne peut utiliser une technologie de surveillance électronique pour suivre les déplacements d’un client afin de lui imposer des amendes ou des frais supplémentaires. Êtes-vous au courant de l’existence de restrictions semblables au Canada, ou êtes-vous pour ou contre la prise de mesures identiques à celles de la Californie?
M. Hirota : Je ne connais aucune administration ayant des lois particulières pour régir cette utilisation, bien que bon nombre de ces situations aient tendance à relever de la compétence des commissaires provinciaux à la protection de la vie privée. Dans les situations où des consommateurs ont eu l’impression que leurs données personnelles avaient été indûment utilisées, ils ont, dans le passé, déposé des plaintes auprès du commissaire à la protection de la vie privée. À ma connaissance, il est tout à fait inhabituel pour des membres de l’industrie canadienne d’utiliser la télématique comme moyen d’imposer des amendes aux clients ou de suivre leurs déplacements.
Le sénateur Eggleton : Avez-vous des observations à formuler à cet égard, madame Gerber?
Mme Gerber : Enterprise ne suit pas les déplacements des conducteurs de nos véhicules. Nous prenons très au sérieux la protection de la vie privée des conducteurs.
Je vous préviens toutefois que tout règlement établi qui restreint l’utilisation de la technologie disponible dans le véhicule a des conséquences imprévues. À l’heure actuelle, nous nous employons à surmonter les conséquences imprévues que la mesure législative californienne a eues, que ce soit d’une façon directe ou indirecte. Nous nous débattons en ce moment contre le temps que nous devons attendre avant de pouvoir utiliser le système OnStar pour localiser nos véhicules. Si quelqu’un loue l’une de nos voitures aujourd’hui et que nous découvrons plus tard dans la soirée que cette personne a utilisé une pièce d’identité frauduleuse pour le faire et essentiellement volé notre voiture, nous devons attendre approximativement 14 jours avant de pouvoir utiliser la télématique pour déterminer l’emplacement de la voiture et la récupérer. Je vous rappelle qu’il importe de trouver un juste équilibre entre les droits du propriétaire et toute mesure prise dans l’intention de protéger la vie privée des clients.
Le sénateur Duffy : Monsieur Hirota, je viens de l’Île-du-Prince-Édouard. Vous avez mentionné que l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador étaient trois provinces qui imposaient aux entreprises de location de voitures une responsabilité indirecte illimitée. Pourquoi le gouvernement provincial de l’Île-du-Prince-Édouard n’a-t-il pas modifié ses lois? Je présume que les autres provinces et territoires ont modifié les leurs afin de les actualiser?
M. Hirota : C’est exact. Notre industrie collabore avec les gouvernements locaux de ces provinces depuis près de 10 années maintenant. Même lorsque certains membres du gouvernement sont prêts à reconnaître qu’il est logique de régler ce problème, l’assurance automobile est un enjeu tellement difficile à gérer pour le gouvernement qu’il craint d’aborder un sujet aussi déplaisant dans un projet de loi, de peur de susciter un débat sur l’assurance automobile.
Le sénateur Duffy : Les politiciens craignent que vous soyez accusés d’avoir fait grimper à leurs primes. La modification de cette loi aura-t-elle une incidence sur les primes d’assurance?
M. Hirota : Les données que notre industrie a recueillies en Nouvelle-Écosse, en Ontario, en Colombie-Britannique et en Alberta ont révélé que les changements apportés à la responsabilité indirecte et à la primauté des entreprises de location de voiture n’ont eu aucune incidence mesurable sur les primes des régimes privés d’assurance automobile.
Le sénateur Duffy : Pourrions-nous observer cette situation? À l’Île-du-Prince-Édouard, une saison touristique record vient de se terminer. J’ai l’impression que la plupart des voitures de location que nous voyons à l’Île-du-Prince-Édouard viennent d’Halifax ou peut-être du Nouveau-Brunswick. Les exploitants pourraient-ils refuser de desservir notre marché si la loi n’est pas corrigée?
M. Hirota : Tomi pourrait peut-être répondre à cette question avec plus de justesse, mais, lorsqu’une entreprise cherche à répartir ses véhicules, en particulier dans des marchés saisonniers comme ceux de Terre-Neuve et de l’Île-du-Prince-Édouard, on peut craindre qu’elle envoie ses véhicules en Nouvelle-Écosse où ses risques sont légèrement inférieurs, plutôt qu’à l’Île-du-Prince-Édouard ou à Terre-Neuve. Personnellement, je n’ai pas eu connaissance de situations où cela a entraîné un manque considérable de disponibilité.
Mme Gerber : À Enterprise Holdings, nous sommes déterminés à fournir des voitures là ou nos clients en ont besoin, mais les répercussions en matière de coûts sont tellement élevées qu’elles dissuadent les petites entreprises familiales de location de voitures d’exercer leurs activités dans ces provinces.
Le sénateur MacDonald : J’aimerais vous parler des voitures de location. Je loue des voitures assez fréquemment. En fait, la dernière fois que j’en ai loué une remonte à seulement quelques semaines. J’ai regardé cette voiture extraire et absorber tous les renseignements qui figurent dans mon téléphone, parce que je souhaitais être en mesure d’utiliser la fonction mains libres de la voiture pour passer mes appels, ce qui est la façon sécuritaire de procéder. Un grand nombre de consommateurs croient que les entreprises de location de voiture devraient veiller à ce que ces données soient effacées par la suite, mais je suis parti ce jour-là sans savoir si mes données allaient l’être. J’aimerais obtenir des commentaires à cet égard. J’aimerais savoir ce que vous pensez de ce point de vue et connaître les mesures que vos organisations prennent, le cas échéant, pour s’assurer que les données sont supprimées après le retour des véhicules.
Mme Gerber : Je vous remercie de votre question. Nous sommes très préoccupés par le même enjeu. À l’heure actuelle, nous sommes aux prises avec un éventail d’étapes et de processus qui diffèrent d’un constructeur à l’autre, et cela va même plus loin puisqu’ils diffèrent d’un modèle à l’autre, d’une version à l’autre ou d’un système de divertissement à l’autre. Les constructeurs ont tous prévu une façon différente de rétablir la configuration par défaut d’un véhicule. Lorsque nous examinons cet enjeu, nous constatons qu’il y a littéralement des milliers de façons distinctes de supprimer ces données.
Notre industrie déploie donc des efforts pour entamer des discussions avec les constructeurs. Nous avons peut-être traité la question à la légère en demandant un bouton facile à appuyer. Toutefois, nous ne nous attendons évidemment pas à ce que les voitures soient dotées d’un tel bouton, mais plutôt qu’elles puissent être retournées à leur configuration par défaut à l’aide d’une méthode qui est normalisée à quelques étapes près.
En fait, je peux signaler que, depuis midi, certains progrès ont été réalisés à cet égard. Le Congrès américain travaille en ce moment à l’élaboration d’une mesure législative portant sur les véhicules autonomes. La Chambre a adopté une version de ce projet de loi il y a environ un mois, et le comité sénatorial des transports a été saisi de cette version du projet de loi aujourd’hui. Une coalition menée par l’American Car Rental Association s’est entendue pour présenter un amendement au projet de loi qui demande qu’une étude de deux ans soit menée sur les enjeux liés à l’accès aux données, que j’ai abordés plus tôt, et qu’une étude soit menée sur la faisabilité de créer un moyen systématique et uniforme de supprimer les données personnelles. Cet amendement a été adopté aujourd’hui dans la version du projet de loi recommandée par le président du comité, et cette version sera étudiée sous peu par le Sénat au complet.
Oui, nous nous employons à trouver une solution à ce problème, et je crois que nous réalisons certains progrès à cet égard, mais il faut que les constructeurs rendent cette solution possible.
Le sénateur MacDonald : Maintenant que la question relève de pays à l’extérieur de l’Amérique du Nord — l’Europe, l’Australie, l’Amérique du Sud et d’autres pays — des mesures sont-elles prises à ce sujet?
Mme Gerber : Pas encore.
Le sénateur Gold : Premièrement, j’ai lu les principes que vous recommandez. Il est clair que les données produites seront d’un grand intérêt pour vous, pour les constructeurs et pour d’autres organisations. Où seront-elles stockées? Qui sera propriétaire des serveurs et du nuage, et dans quel cadre réglementaire pensez-vous que cela surviendra? J’ai conscience que mes questions sont reliées entre elles parce qu’en supposant qu’une solution technologique soit élaborée, elle devra être réglementée. Compte tenu de la mondialisation et du fait que les véhicules peuvent traverser les frontières, une réglementation nationale suffirait-elle?
Mme Gerber : C’est une excellente question à laquelle nous avons du mal à répondre. La segmentation ne sert pas les intérêts des consommateurs ni de qui que ce soit d’autre. Par conséquent, nous espérons qu’une norme internationale sera établie à cet égard. Nous essayons de discuter de ces questions en tant que membres d’une coalition d’organisations aux vues similaires — j’ai mentionné l’éventail d’associations et de groupes qui en font partie. Quelle que soit l’administration où nous exerçons nos activités, nous pouvons parcourir le monde dans l’espoir que des organisations unissent leurs efforts pour présenter une norme qui peut être respectée.
C’est la raison pour laquelle nous avons proposé une approche fondée sur des principes, parce qu’en légiférant sur une solution technologique précise ou en la réglementant, nous aurions l’impression d’entraver l’innovation. Il est difficile de maintenir une mesure législative au même niveau qu’une technologie. Nous pensons qu’en établissant un cadre adopté à grande échelle, les constructeurs de véhicules pourraient se conformer à ces normes en élaborant, de façon créative, des méthodes qui leur conviennent, et de nouvelles entreprises novatrices pourraient également mettre en marché des solutions.
En ce qui concerne les propriétaires des serveurs dans lesquels toutes ces données sont stockées, plusieurs options s’offrent à nous. Au début, les constructeurs européens ont suggéré que les serveurs leur appartiennent. Les gouvernements ont accueilli cette suggestion avec un manque de confiance. Il est maintenant suggéré que les serveurs soient maintenus par des tiers indépendants, qui pourraient faire partie du secteur des télécommunications, ou par d’autres fournisseurs qui pourraient faire leur apparition dans ce marché. Je ne peux pas prétendre être en mesure de prédire comment ces questions se régleront.
Le sénateur Gold : Si j’ai bien compris, l’un des arguments que vous avez fait valoir plus tôt au cours de votre intervention, c’est que vous voulez vous assurer que la réglementation ou l’absence de réglementation ne donne pas, par inadvertance, un avantage concurrentiel aux constructeurs en raison de la possibilité de monnayer ces données. C’est l’avenir dans lequel nous vivons déjà. Il faut que cela présente un avantage, que ce soit pour votre entreprise, votre industrie, les constructeurs ou d’autres organisations. Comment le gâteau est-il réparti dans votre approche fondée sur des principes? Autrement dit, quel avantage les constructeurs retireraient-ils en souscrivant à votre approche fondée sur des principes? Quel avantage en retireriez-vous? Quel avantage cela présenterait-il pour la sécurité publique? Pouvez-vous nous parler de cet aspect?
Mme Gerber : Selon nous, pourvu que l’accès soit ouvert à toutes les parties novatrices qui souhaitent produire des services que les consommateurs pourront acheter et utiliser, les constructeurs auront de nombreuses occasions de faire équipe avec certains de ces innovateurs en vue d’utiliser leurs propres voies pour offrir des services à leurs clients. Nous ne pensons pas que les résultats des partenariats des constructeurs devraient être les seuls produits offerts aux consommateurs. Nous estimons qu’un vaste éventail d’innovateurs devraient être en mesure d’intervenir également dans ce marché. Les constructeurs auront amplement l’occasion de monnayer cet accès dans le cadre de leur partenariat avec des entreprises qui fourniront des services aux véhicules.
L’un des aspects qui me fascinent, c’est le fait qu’un grand nombre de gens soutiennent que l’avenir des véhicules autonomes n’est pas vraiment lié aux services rendus par les véhicules. Les possibilités de revenus seront vraiment liées aux expériences que les gens vivront au cours des trois heures par jour qu’ils passeront dans la voiture, maintenant que la conduite n’exigera plus leur attention, et c’est l’une des raisons pour lesquelles les services de mobilité sur demande seront très économiques pour les consommateurs. Les gens suivront-ils des cours collégiaux, ou feront-ils leur épicerie pendant la période qu’ils passent dans cet environnement? Imaginez le nombre de services qui pourraient s’ajouter à l’expérience vécue dans le véhicule. Plus l’accès à ce marché sera étendu, plus les consommateurs en bénéficieront.
Le sénateur Eggleton : J’aimerais vous interroger à propos de la politique étatique modèle présentée par la National Highway Traffic Safety Administration des États-Unis. Des gens tentent d’assurer une certaine uniformité entre les États. Si nous demandons à toutes les provinces et toutes les municipalités de participer à cet exercice, le résultat pourrait être problématique si le processus n’est pas bien coordonné. Dans quelle mesure votre organisation appuierait-elle l’introduction au Canada d’une politique modèle sur les véhicules automatisés?
M. Hirota : C’est la solution que notre industrie privilégie, en ce sens que cela lui permettrait de prédire un peu mieux la façon dont elle pourrait mettre en œuvre l’utilisation de ces véhicules et les répartir entre les provinces.
Mme Gerber : Nous appuyons très fermement l’uniformité. Si la façon dont un véhicule roule devait être modifiée chaque fois qu’il passe d’une province à une autre, cela aurait des conséquences désastreuses pour notre industrie et, selon moi, pour pratiquement toutes les industries liées aux transports.
Il est certainement possible d’avoir une loi pouvant servir de modèle pour les enjeux qui demeureront, à juste titre, sous réglementation provinciale, mais il est également possible que le fédéral puisse intervenir pour certains enjeux liés à la sécurité et à la cybersécurité. Cela correspond assez bien avec l’approche employée aux États-Unis.
Entre les deux, il y a une zone grise que je trouve intéressante. Aux États-Unis, le processus législatif actuel est fondé sur l’idée qu’il faut tenter d’harmoniser les limites des rôles des États et du gouvernement fédéral. C’est une zone grise. Aux États-Unis, les États ont toujours eu la possibilité de faire passer des tests aux conducteurs pour évaluer leurs aptitudes quant à la conduite automobile sécuritaire. Doit-on maintenant faire des tests pour ces véhicules, ou s’agit-il plutôt d’un enjeu de sécurité qui relève maintenant de la compétence du fédéral? C’est une zone grise pour laquelle il faudra prendre des décisions, là où cela s’applique.
Cela dit, nous pensons qu’une plus grande cohérence est préférable.
Le sénateur Eggleton : Il faut également assurer une coordination entre les diverses entités gouvernementales.
Le sénateur Duffy : Je pense que l’ensemble des participants souscrivent de plus en plus à votre argument sur la propriété des données. Il semble qu’on entend parler tous les jours d’un nouveau cas de piratage ou de fuite de données quelque part, ce qui préoccupe beaucoup les consommateurs. On suppose qu’il devrait y avoir sur le tableau de bord de ce type de véhicule un bouton « J’accepte » pour la communication des données de déplacement, ou peu importe, au « Big Brother » infonuagique. Il y a des progrès à cet égard.
Vous avez abordé un aspect intéressant : la compétence provinciale. Comme tous ceux qui sont ici le savent, la réglementation et les normes interprovinciales relatives au camionnage ont longtemps fait l’objet de discussions. Certaines provinces fixent la longueur des remorques à 54 pieds, et d’autres à 50 pieds, et cetera. Les rapports entre le gouvernement fédéral et les provinces doivent être empreints d’une certaine détente afin d’éviter le problème auquel vous faites référence.
Ma dernière question est la suivante : quand cela deviendra-t-il réalité?
Mme Gerber : Je vais vous donner mon avis personnel, puisque je considère qu’il est peu probable que cela puisse faire consensus au sein d’une entreprise, et encore moins dans l’ensemble d’une industrie. Lorsque j’ai commencé à suivre cela de près, il y a deux ans, je pensais que cela se concrétiserait sur un horizon de 15 ans, mais je crois maintenant que ce sera plutôt dans cinq ans, environ. Je crois que ce sera déployé de diverses façons selon les endroits. À mon avis, le taux d’adoption et la confiance des consommateurs varient d’un pays à l’autre et certains gouvernements prendront des mesures plus énergiques que d’autres. Je pense qu’il y aura d’importants écarts, mais en ce qui concerne la disponibilité de la technologie, je pense qu’elle est déjà plus présente sur le marché que ce que la plupart des gens peuvent imaginer.
Le sénateur Duffy : Que voyez-vous ou qu’entendez-vous dans l’industrie au sujet des véhicules verts, hybrides, électriques et tout cela? Cela va-t-il faire partie de tout cela?
Mme Gerber : À ma connaissance, Enterprise ne s’est pas nécessairement penchée sur cet aspect, mais je pense que nous suivons les fabricants qui ont fait des annonces audacieuses quant à leur volonté de progresser rapidement en ce sens. Je peux vous dire, par rapport aux véhicules électriques, qu’Enterprise a pour principe de s’adapter à la demande des consommateurs; nous satisferons donc à la demande le moment venu. Lorsque les véhicules électriques sont arrivés sur le marché, nous avons fait des essais, mais cela n’a pas été concluant parce que les consommateurs n’étaient pas prêts à faire confiance à ces véhicules. Cela dit, lorsque la confiance sera instaurée, nous aurons de tels véhicules dans notre flotte.
Le sénateur Gold : Je vais peut-être m’écarter quelque peu du sujet, mais dans quelle mesure, le cas échéant, votre industrie accepte-t-elle la responsabilité — ou envisage-t-elle d’avoir une part de responsabilité — en cas d’incident? Même avec un véhicule hautement automatisé, vous auriez une forme de responsabilité pour avoir accepté de louer le véhicule à M. ou Mme Tout-le-Monde. Même si le conducteur, c’est-à-dire l’ordinateur ou l’algorithme, est plus responsable que l’humain l’aurait été dans le passé, considérez-vous que l’entreprise de location devrait avoir une responsabilité quelconque, possiblement partagée avec d’autres, en cas d’accident ou pour les dommages connexes?
Mme Gerber : Nous avons commencé à examiner quelle forme pourrait prendre la responsabilité dans un monde de véhicules autonomes. Il ne s’agit pas pour nous de remplacer le terme « conducteur » par « véhicule », dans le cas d’un véhicule autonome, parce que cela devient dès lors une situation de responsabilité du fait d’autrui. Nous considérons d’entrée de jeu qu’un monde de véhicules autonomes comporte essentiellement trois catégories de responsabilité. Il y a la négligence, où un accident résulte d’une action de l’occupant du véhicule ayant nui au bon fonctionnement du véhicule. Dans ce cas, l’occupant serait responsable. Il est aussi possible qu’un accident découle d’un mauvais entretien, parce que le propriétaire du véhicule aurait manqué à son obligation d’entretenir le véhicule. Je crois que ce serait toujours notre responsabilité, en tant que propriétaires d’un parc de véhicules. Ensuite, comme on l’a souligné plus tôt, une bonne part de la responsabilité serait transférée aux fabricants, dans les cas où la négligence serait liée à la programmation du véhicule; les fabricants seraient alors responsables. Voilà quelles seraient les trois catégories de responsabilité, à l’avenir.
Le sénateur Eggleton : J’aimerais revenir aux propos du sénateur Duffy, qui a parlé d’un bouton « J’accepte ». La question du consentement valable a été soulevée dans certains témoignages que nous avons entendus. On entend par là l’utilisation d’un langage clair et non du jargon juridique qu’on voit habituellement dans de longs formulaires de consentement pour lesquels on demande aux gens de cliquer sur le bouton « J’accepte ». La question s’adresse à vous deux. Quelles mesures vos organismes respectifs ont-ils prises pour accroître l’utilisation de termes précis, clairs et non juridiques pour que les gens aient une compréhension précise de ce qu’ils acceptent?
Mme Gerber : Mon spécialiste de la confidentialité des données aimerait beaucoup votre formulation. Nous en discutons souvent. Je pense que cela dépendra beaucoup de la façon dont les constructeurs auront conçu les mécanismes qui nous permettront de poser ces questions.
Je pense qu’il pourrait y avoir des niveaux de service de base. Donc, si vous vouliez utiliser un de nos véhicules de location, on pourrait établir un accès à un ensemble de données, pour envoyer le véhicule chez vous, veiller à ce qu’il soit sécuritaire pour le transport de passagers et permettre son retour à nos installations ou son déplacement chez le client suivant.
Je crois qu’il y aura une autre couche de données plus personnelles qui permettrait, avec l’autorisation de l’utilisateur, d’offrir d’autres services. Par exemple, si le client accepte, on pourrait lui offrir des rabais dans les restaurants qui se trouvent sur son parcours. Divers fournisseurs de services pourraient proposer des choix de restaurants, ou indiquer l’emplacement des stations-service, et cetera.
À mon avis, il y aura des autorisations de base pour l’utilisation des véhicules, auxquelles s’ajouteront des autorisations supplémentaires pour des services optionnels. C’est une réflexion générale.
Le sénateur Tkachuk : J’ai une question sur le commerce interprovincial. C’est un aspect qui a été examiné dans l’autre comité dont je fais partie. Cela concerne les difficultés qu’éprouvent les provinces à adopter un cadre de réglementation pour le déplacement des marchandises et des camions d’une province à l’autre. Avez-vous rencontré des ministres provinciaux pour discuter de ces enjeux? Le ministre Bains a participé à de longues négociations qui n’ont donné aucun résultat à cet égard. Ces enjeux demeurent. Je crois que cela ne pourra pas progresser très rapidement et que ce sera un enjeu très complexe. J’ignore quel rôle pourrait avoir votre industrie. J’aimerais savoir ce qu’il en est.
M. Hirota : Nous n’avons tenu aucune discussion à ce sujet à l’échelle provinciale. Les membres de notre industrie participent aux réunions du CCATM, le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, ce qui leur permet de maintenir le dialogue et de se tenir au courant des divers projets d’harmonisation des ministères des Transports des provinces, mais la question du commerce interprovincial n’a pas encore fait l’objet de discussions.
Le président : Avant de passer au groupe de témoins suivant, je tiens à remercier nos deux témoins de leur exposé. Nous avons deux témoins qui comparaîtront par vidéoconférence et deux autres témoins qui témoigneront en personne; ils sont à l’arrière. Je tiens à informer les membres du comité qu’à la première réunion après notre retour, nous entendrons des témoins des États-Unis par vidéoconférence. Ensuite, le mercredi, nous étudierons probablement le projet de loi C-23, qui sera envoyé au comité, le projet de loi sur le précontrôle. Madame Gerber, monsieur Hirota, merci beaucoup.
Chers collègues, nous avons des problèmes de connexion pour la téléconférence. Si vous êtes d’accord, je pourrais demander aux témoins qui sont ici de commencer leurs exposés. Lorsque le système de téléconférence sera en ligne, nous reviendrons aux autres témoins.
Nous accueillons deux groupes de témoins. Représentant le BAC, nous avons M. Fiorino, qui est directeur, conseiller juridique, et avocat principal, et M. Ryan Stein, qui est directeur des politiques. Nous accueillons aussi, par vidéoconférence, les représentants de l’Institut d’assurance du Canada, M. Peter Hohman, qui est président et directeur général, et M. Paul Kovacs, qui est chercheur et auteur.
Nous allons commencer par vous, monsieur Stein. Nous vous demandons de limiter votre exposé à cinq minutes. Ensuite, nous passerons aux questions des sénateurs.
Ryan Stein, directeur des politiques, Bureau d’assurance du Canada : Au nom du Bureau d’assurance du Canada et des compagnies d’assurance dommages qui en sont membres, nous avons le plaisir d’aborder avec vous les conséquences de l’arrivée des véhicules automatisés pour les assurances.
Au cours des prochaines années, des véhicules aux fonctions entièrement automatisées arriveront sur les routes du Canada. Plusieurs grands constructeurs automobiles prévoient commercialiser des véhicules automatisés dès le début des années 2020. Le Victoria Transportation Policy Institute prédit que les véhicules automatisés représenteront plus de 80 p. 100 des ventes de véhicules neufs d’ici 2050.
Les véhicules automatisés auront une incidence sur l’assurance automobile, entraînant des changements pour ce qui est de la sélection des risques, des prix, de la vente, de la distribution et du traitement des réclamations. Ces changements seront attribuables en grande partie à trois nouvelles réalités.
Premièrement, il y aura moins de collisions, mais, en raison de la technologie des véhicules automatisés, les conséquences de ces collisions seront plus onéreuses. KPMG prévoit, pour les 10 prochaines années, une chute de 35 à 40 p. 100 des taux de collisions et une augmentation de 25 à 30 p. 100 du coût des réparations.
Deuxièmement, la responsabilité des collisions changera de mains. La National Highway Traffic Safety Administration affirme que l’erreur humaine est la cause principale de plus de 90 p. 100 des collisions. Les véhicules automatisés feront passer la responsabilité du conducteur humain au constructeur ou au fournisseur de technologie du véhicule.
Troisièmement, moins de particuliers détiendront des véhicules. Selon une étude de l’Université du Michigan, l’arrivée des véhicules automatisés entraînera une hausse du partage des véhicules, ce qui réduira de plus de 40 p. 100 l’achat de véhicules par des particuliers.
Il est difficile de prédire quand et comment les tendances en matière de propriété des véhicules évolueront, mais, avec l’arrivée prochaine des véhicules automatisés sur les routes du Canada, les gouvernements provinciaux et les assureurs doivent examiner la pertinence, du point de vue des consommateurs, des produits d’assurance automobile prescrits par les provinces et des règlements connexes.
À l’heure actuelle, l’assurance responsabilité civile des véhicules automobiles est fondée sur l’erreur humaine. Dans un contexte où les causes des collisions seront plus souvent un fonctionnement défectueux ou une défaillance du produit, les réclamations en responsabilité délictuelle seront naturellement plus fréquentes. Ce genre de réclamations est plus complexe et prend plus de temps à régler qu’une réclamation en responsabilité délictuelle ordinaire pour collision automobile. Il faudra élaborer et promulguer des solutions législatives pour s’assurer que les personnes blessées reçoivent une indemnisation rapide.
Selon le Brookings Institute, le règlement des questions liées à la responsabilité potentielle ne devrait pas être une condition préalable à l’arrivée des véhicules automatisés. Cet institut observe que le droit de la responsabilité du fait des produits s’est avéré adaptable aux nouvelles technologies et pourra trouver des solutions aux enjeux qui se présenteront avec l’arrivée des véhicules automatisés. Selon ce point de vue, il pourrait ne pas être nécessaire d’apporter des changements aux produits d’assurance automobile et à la réglementation connexe pour les adapter aux véhicules automatisés.
La position de la RAND Corporation est différente. Elle souligne que, parce que les collisions impliquant des véhicules automatisés peuvent ne pas mettre en cause un conducteur fautif, les gouvernements devraient envisager un régime d’assurance sans égard à la responsabilité. Dans le cadre d’un tel régime, les indemnités pour soins médicaux et de remplacement du revenu sont les mêmes pour toutes les personnes blessées, peu importe la cause de l’accident — une personne ou autre chose —, et il n’est pas possible de poursuivre la partie ayant provoqué la collision.
Le gouvernement du Royaume-Uni envisage des changements à sa législation sur l’assurance automobile. Ces changements permettraient l’indemnisation des personnes blessées en cas de collision se produisant lorsque le véhicule est en mode de conduite autonome. Dans l’éventualité d’une telle collision, l’assureur du véhicule indemniserait les personnes blessées comme il le ferait si le conducteur était responsable de la collision. Après avoir indemnisé les personnes blessées, l’assureur pourrait tenter de récupérer les paiements d’indemnisation auprès du constructeur, du fournisseur de technologie ou de la partie responsable de la collision.
Le BAC a créé un groupe de travail des assureurs afin d’étudier la question des véhicules automatisés. Le groupe de travail a conclu que les personnes blessées pourront recevoir au moins certaines indemnités pour soins médicaux et indemnités de remplacement du revenu, comme c’est le cas pour les personnes blessées à l’heure actuelle, mais que les personnes faisant une réclamation en responsabilité délictuelle devront attendre plus longtemps pour obtenir un dédommagement qu’un plaignant dans un cas typique de collision automobile.
Dans le but de faciliter le processus de réclamation, le groupe de travail étudie d’éventuels produits d’assurance et des changements réglementaires afin d’en déterminer leur applicabilité au Canada. Des normes fédérales sur la sécurité automobile comprenant les normes ordinaires sur l’équipement et de nouvelles normes sur la cybersécurité et la sécurité de la technologie constitueront une composante auxiliaire importante.
L’échange de données entre les constructeurs automobiles et les assureurs sera un autre élément d’appoint important pour établir la cause d’une collision. Le groupe de travail devrait nous communiquer d’autres points de vue d’ici la fin de l’année.
Merci de nous avoir reçus ce soir. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Peter Hohman, président et directeur général, Institut d’assurance du Canada : J’aimerais d’abord établir brièvement la distinction entre le Bureau d’assurance du Canada et l’Institut d’assurance du Canada. L’Institut d’assurance offre à l’industrie des services en matière de formation professionnelle; il a donc un rôle distinct de celui du BAC, même si nous sommes collègues, évidemment.
Le rôle de l’Institut consiste notamment à mener des recherches sur des sujets d’intérêt pour l’industrie des assurances, dans une perspective éducative et apolitique, de façon à assurer notre neutralité.
Un des documents que nous avons préparé, qui porte sur les véhicules autonomes, vous a été envoyé. M. Kovacs, qui est ici à mes côtés, est le chercheur principal et l’auteur de ce rapport. Je vais maintenant, après cette brève introduction, céder la parole à Paul.
Paul Kovacs, chercheur et auteur, Institut d’assurance du Canada : Nous vous avons transmis notre rapport sur les véhicules automatisés, dans lequel nous traitons des répercussions pour l’industrie canadienne de l’assurance. Nous considérons qu’il s’agit du rapport le plus exhaustif à avoir été publié concernant l’incidence des véhicules autonomes sur l’industrie des assurances. C’est avec plaisir que nous répondrons à vos questions au sujet de ce rapport.
Dans le temps qui m’est imparti pour cet exposé, je vais me concentrer sur l’enjeu de la sécurité routière. Nous croyons que le comité a l’occasion de faire progresser une des plus importantes initiatives relatives à la sécurité routière en cours au Canada aujourd’hui, l’automatisation des véhicules.
Nous pouvons éliminer en grande partie la principale cause de décès chez les jeunes Canadiens, soit les collisions routières. Deux mesures sont nécessaires. D’abord, le comité doit recommander au gouvernement du Canada de rendre obligatoire l’installation de systèmes d’évitement des collisions par l’arrière et d’autres technologies de sécurité modernes sur tous les véhicules. Ensuite, tous les conducteurs devraient recevoir une formation pour apprendre à bien se servir de cette nouvelle technologie. En exigeant l’utilisation du nouvel équipement tout en offrant une meilleure formation, on peut réduire considérablement le nombre de collisions, de décès et de blessures.
Environ 100 000 Canadiens ont été tués et plus de 6 millions ont été gravement blessés lors de collisions sur les routes au cours des 30 dernières années. Il existe maintenant une technologie permettant d’éliminer en grande partie ce risque.
Ma nouvelle voiture, par exemple, est munie de deux caméras qui « surveillent » la route pendant que je conduis. Si je ne suis pas capable de m’arrêter en toute sécurité, ma voiture s’arrête elle-même automatiquement pour éviter une collision. Tous les fabricants de voitures offrent cette technologie. Certains n’en équipent que les modèles de luxe. D’autres en font une option sur certains modèles. À l’heure actuelle, cependant, la majorité des véhicules neufs ne sont pas munis de ces dispositifs de sécurité, même si la technologie existe et pourrait être offerte au besoin.
La société Volvo a déclaré qu’elle pense que dans deux ans, personne ne mourra ou ne sera gravement blessé dans les nouveaux véhicules qu’elle vendra. La technologie nécessaire équipe maintenant certains modèles et elle sera intégrée dans tous les modèles au cours des deux prochaines années.
Nous sommes fort impressionnés par le potentiel de la technologie qui existe actuellement, et c’est sans parler des améliorations et des nouveautés fascinantes attendues dans les prochaines années.
Quand ces nouveaux dispositifs de sécurité deviendront obligatoires pour tous les véhicules neufs, il faudra du temps, peut-être même une décennie, avant que le parc de véhicules existants ne soit remplacé entièrement. Aspect important, il faudra du temps aussi pour enseigner aux conducteurs la meilleure façon d’utiliser la nouvelle technologie. Il faudra remanier les programmes de formation des conducteurs et les rendre obligatoires. La combinaison d’une exigence prochaine, qui obligera les fabricants à installer les systèmes automatisés à bord des véhicules neufs, et de la formation des conducteurs pourrait permettre, au cours de la prochaine décennie, d’éliminer en grande partie les pertes de vie dues aux collisions.
Notre institut a proposé qu’un forum national soit établi au sein duquel les gouvernements, les compagnies d’assurances et d’autres intervenants collaboreront pour promouvoir l’automatisation des véhicules afin d’améliorer la sécurité routière au Canada.
Au nom de l’Institut d’assurance du Canada, nous vous remercions de nous avoir donné l’occasion de vous faire part de nos observations. Nous répondrons à vos questions avec le plus grand plaisir.
Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président : Merci, messieurs, de ces exposés. Nous passerons maintenant aux questions.
Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous nous expliquer les chiffres que vous nous avez tous deux présentés? Monsieur Stein, vous avez évoqué l’erreur humaine. Quand vous parlez d’erreur humaine, incluez-vous l’influence de facteurs comme l’alcool, les drogues ou les téléphones cellulaires? Il y a erreur humaine quand je commets une erreur et cause un accident, et il y a erreur humaine quand je conduis sous l’influence de drogues et de l’alcool, ou que je suis distrait par mon téléphone cellulaire sur la route. Avez-vous une ventilation des chiffres et des décès selon les causes?
M. Stein : Les chiffres que nous citons nous viennent du gouvernement américain et incluent les collisions d’origine humaine, lesquelles peuvent être dues à une erreur ou à une des raisons que vous avez énumérées.
Le sénateur Tkachuk : Il s’agit toutefois là d’une distinction importante à faire quand on collige des statistiques, car une personne sous l’influence de drogues ou de l’alcool devra quand même porter attention à la route, même si le véhicule assurera en grande partie la conduite pour elle. Cela pourrait même causer un accident plus grave.
Je m’interroge à propos de tous les décès que vous avez évoqués. À quoi sont-ils attribuables? Sont-ils le résultat d’une erreur commise par un mauvais conducteur ou d’une influence quelconque, auquel cas il s’agirait d’un facteur tertiaire?
M. Kovacs : Les chiffres que nous vous présentons ce soir ont été recueillis pendant plusieurs décennies afin d’établir le fondement de la manière dont les assureurs traitent les véhicules. Ils se fondent sur des preuves fréquentes montrant que l’être humain est la cause principale et presque exclusive de collisions, puisqu’il est à l’origine de 95 p. 100 d’entre elles. Ces chiffres incluent toutes les raisons que vous avez énumérées avec justesse. Il existe toute une série de raisons: il s’agit parfois d’une erreur, parfois d’alcool au volant. Cependant, au bout du compte, l’assurance se fonde sur le fait que 95 p. 100 du temps, c’est l’un ou l’autre des conducteurs qui est fautif.
Depuis plusieurs décennies maintenant, il est très rare que ce soit la faute du véhicule ou de circonstances sur lesquelles personne n’avait de contrôle. Dans le domaine de l’assurance, on examine l’ensemble des risques et détermine si la faute incombe au premier ou au deuxième conducteur, mais on sait que la faute revient à l’un d’entre eux.
Le sénateur Tkachuk : Il s’agit toutefois de distinctions importantes à faire au chapitre des statistiques. De toute évidence, si on pouvait éliminer l’alcool, les drogues et l’utilisation du téléphone cellulaire au volant, le nombre de décès diminuerait. Les chiffres n’englobent pas que les gens qui ont commis une erreur en conduisant, problème que les véhicules autonomes visent à éliminer en remplaçant le conducteur; ils incluent également ceux qui se sont comportés de manière irresponsable. C’est une statistique importante dont il faut discuter.
M. Kovacs : J’en conviens parfaitement. Si l’être humain est considéré comme étant responsable des collisions 95 p. 100 du temps, c’est en raison de nombreux éléments, comme vous l’avez fait remarquer avec justesse. Ces éléments sont expliqués en détail dans certaines recherches. Cependant, grâce aux capacités de cette nouvelle technologie, y compris celle proposée aujourd’hui et pas seulement celle qui nous attend demain, un grand nombre de collisions peuvent être évitées si tous les véhicules sur la route en sont dotés.
Le sénateur Tkachuk : Ainsi, si une personne présentant un taux d’alcoolémie de 0,08 ou plus entre dans le véhicule, la voiture réglera le problème?
M. Kovacs : Mon véhicule a la capacité de surveiller la situation et d’éteindre le moteur. L’ennui avec la technologie actuelle, c’est que je peux la désactiver.
Le sénateur Tkachuk : Bien sûr.
M. Kovacs : Ainsi, même si le problème est là et que je suis sous l’influence d’une substance quelconque, le fait que le véhicule soit doté de cette capacité change tout. Cela ne réduit en rien l’importance incroyable de mettre l’accent sur la formation, le comportement des gens et l’élimination de l’alcool au volant. Tous ces éléments sont aussi importants qu’ils l’étaient. Cette technologie offre la prochaine grande occasion d’améliorer la sécurité routière.
Le sénateur Gold : Merci, messieurs. Je voudrais vous poser quelques questions sur votre industrie.
Si les activités d’assurances consistent à attribuer adéquatement le risque, en tenant compte de la nouvelle technologie, entre les fabricants ou les fournisseurs de la technologie et les humains qui prennent le volant ou sont dans la voiture, quel est le meilleur régime? Est-ce une solution analogue à l’assurance sans égard à la responsabilité ou autre chose, si on accepte que la technologie améliorera la sécurité routière? Votre industrie a-t-elle cherché à déterminer quel est le cadre de réglementation idéal pour elle alors qu’elle s’adapte à la nouvelle technologie?
M. Stein : Nous nous sommes beaucoup intéressés à cette question depuis un an et nous continuerons de le faire pendant un certain temps, afin de tenter de déterminer quel est le meilleur produit d’assurance pour ce type de véhicule. Jusqu’à présent, même si les discussions ne sont pas terminées, nos membres ont indiqué que le produit actuel, lequel est fondé sur la responsabilité et l’erreur du conducteur humain, n’est peut-être pas la solution appropriée pour faciliter le processus de réclamation.
Un produit d’assurance sans égard à la responsabilité peut-être fort intéressant. C’est une solution que la RAND Corporation a proposée.
La loi du Royaume-Uni telle qu’elle était avant les récentes élections était également très intéressante. Elle visait à regrouper tout ce qui concerne la responsabilité, l’erreur humaine et les défectuosités du produit sous une même politique pour qu’en cas de collision, le régime fonctionne un peu de la même manière qu’il le fait actuellement pour les blessés, et toutes les démarches pour déterminer si c’est le fabricant ou l’assureur qui doit payer se feraient en arrière-scène. L’objectif, fort louable, consiste à accélérer le processus pour les blessés.
Ce sont deux solutions que l’on peut examiner, et il en existe peut-être d’autres. Si nous les trouvons, nous chercherons à déterminer quel sera le meilleur produit pour ces véhicules qui commenceront à sillonner les routes au début des années 2020.
Le sénateur Gold : Peut-être pourrais-je demander à vos collègues de l’institut de me donner leur point de vue. Si j’ai bien compris, cela témoignerait moins de l’intérêt des membres et aurait davantage un intérêt intellectuel. Avez-vous une opinion sur le cadre de réglementation qui conviendrait pour assurer les véhicules dans l’avenir?
M. Kovacs : Je ferais remarquer que le contexte réglementaire dans le domaine de l’assurance automobile est extrêmement différent entre le Québec, l’Ontario et plusieurs autres provinces canadiennes. L’industrie de l’assurance privée a trouvé un moyen de fonctionner, peu importe la structure que la province a jugé bon d’adopter. Il existe donc divers modèles, et ce, à l’échelle tant nationale qu’internationale. L’industrie a montré qu’elle était tout à fait capable de s’adapter à chaque modèle.
Je ne suis pas certain qu’il existe un consensus international dans le milieu de la recherche sur un modèle qui est toujours supérieur; c’est pourquoi les modèles varient d’une région du monde à l’autre. Comme je viens de l’indiquer, l’industrie de l’assurance ne s’entend pas encore pour dire qu’un modèle est supérieur aux autres selon les compagnies.
Il existe différents modèles au Canada. Les compagnies d’assurances semblent faire fonctionner chacun d’eux, regroupant les fonds et répondant aux besoins de la population. Je ne pense pas qu’on s’entende pour dire qu’un modèle est supérieur aux autres à tous les points de vue.
Le sénateur Eggleton : La question suivante s’adresse à vous, monsieur Stein, mais j’invite les autres témoins à réagir à chacune de ces questions. Vous considérez que la possibilité d’offrir de l’assurance sans égard à la responsabilité est intéressante; vous l’avez d’ailleurs indiqué à deux reprises. Comment cela fonctionnera-t-il pendant la période de transition? Nous tendons à imaginer des véhicules autonomes roulant aux côtés de leurs semblables, mais pour un temps, ils partageront la route avec des véhicules traditionnels, et nous ignorons combien de temps cette période de transition durera. Que se passera-t-il s’il se produit une collision entre un véhicule autonome et le genre de véhicule ordinaire que nous connaissons aujourd’hui?
M. Stein : La situation que vous décrivez est un des défis que pose le produit d’assurance sans égard à la responsabilité, car on ne peut avoir un produit sans égard à la responsabilité pour certains véhicules et un produit axé sur la responsabilité ou mixte pour d’autres véhicules. Si on opte pour un produit d’assurance sans égard à la responsabilité, il faudrait presque l’appliquer à tous les véhicules, qu’ils soient autonomes ou traditionnels. Tout un éventail de produits sont proposés au pays, qu’ils tiennent ou non compte de la responsabilité. À l’évidence, le produit d’assurance sans égard à la responsabilité n’est pas considéré par tous comme la meilleure solution. Quand divers types de véhicules circulent sur les routes, l’approche du Royaume-Uni s’avère avantageuse, car on peut appliquer ce type de cadre d’assurance aux véhicules automatisés et cela fonctionnera harmonieusement avec les véhicules traditionnels si une collision survient entre les deux.
M. Kovacs : Si vous me permettez de donner suite à cette observation, je vous indiquerais que selon nos recherches, nous considérons qu’au chapitre de la sécurité routière, les véhicules s’améliorent constamment. Le nombre de collisions diminuera et, à mesure que nous délaissons les automobiles traditionnelles au profit des véhicules entièrement automatisés, nous observerons un résultat positif, car la sécurité routière s’améliorera.
Du point de vue de l’assurance, comme le sénateur Eggleton l’a fait remarquer, la transition sera très difficile dans ce domaine. Depuis des décennies, il a toujours été clair qu’en cas de collision, un des conducteurs est fautif; il suffit donc de déterminer comment attribuer la responsabilité. Dans 40 ou 50 ans, si tous les véhicules sont entièrement automatisés, ce sera toujours le fabricant qui sera fautif. Pendant la période de transition, qui durera un certain temps, il y aura plus de différends et d’incertitude, un mot que les compagnies d’assurances abhorrent. Nous devrons évaluer dans chaque cas la part de responsabilité du conducteur et celle de la nouvelle technologie, et ce ne sera pas chose facile, particulièrement si nous ne disposons pas de données enregistrées dans une boîte noire ou un dispositif quelconque pour nous aider à y voir clair.
M. Hohman : Il y a aussi d’autres situations, comme lorsqu’une personne blesse un cycliste ou un piéton en sortant d’un véhicule stationné. Ces situations doivent être prises en compte également. Même si tous les véhicules sont autonomes, que fait-on en pareil cas? Que fait-on si un cycliste, après que la roue de sa bicyclette s’est coincée dans le rail d’un tramway, se blesse en tombant sur le véhicule et n’a pas d’assurance personnelle? Il est couvert par l’assurance individuelle du véhicule. Comme nos collègues du Bureau d’assurance du Canada l’ont souligné, il reste encore bien des facteurs à analyser dans ce dossier.
Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de passer aux données. Les véhicules sont maintenant branchés et un grand nombre de données sont recueillies dans des bases de données, une tendance qui s’accentue constamment. Voilà qui soulève deux préoccupations: une relative à la protection des renseignements personnels, et l’autre, au piratage.
Les compagnies d’assurances obtiennent de nombreux renseignements, comme la durée d’utilisation et la vitesse, grâce aux caractéristiques d’aide à la conduite. Comment utilisent-elles ces renseignements et en vertu de quelles politiques en matière de protection des renseignements personnels? Dans quelle mesure peuvent-elles communiquer ces renseignements à des tiers, le cas échéant?
M. Fiorino : Je peux peut-être répondre à cette question. Au chapitre des données et des droits à la protection des renseignements personnels, sachez que l’industrie de l’assurance travaille en ce qui concerne l’accès aux données et leur utilisation dans le respect du cadre de réglementation fédéral, c’est-à-dire la Loi sur la protection des renseignements personnels et les renseignements électroniques, dans les provinces dotées de pouvoirs relativement aux principes de cette loi, comme la Colombie-Britannique, l’Alberta et le Québec.
L’utilisation des données dans le contexte de l’assurance ou de la télématique axées sur l’utilisateur est une question dont il faut se préoccuper. C’est une affaire de transparence et de consentement éclairé obtenu de l’assuré, et un ensemble de règlements s’ajoute à un système de classification du taux qui doit être approuvé afin qu’il soit raisonnable et prévisible en ce qui concerne le risque et permette de distinguer les risques équitablement.
Il existe des règlements provinciaux, ainsi que la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques à l’échelon fédéral. Quand vient le temps de permettre à des tiers d’accéder aux données, il y a également des règlements à respecter, soit la ligne directrice B-10 du gouvernement fédéral, laquelle régit l’impartition, et la ligne directrice du Québec.
Nous devons faire la distinction entre l’utilisation de données dans le contexte de la télématique, je pense, et de l’assurance axée sur l’utilisateur, et l’utilisation de données liée au déploiement de véhicules automatisés. Quand nous parlons de l’usage que les assureurs font des données concernant les véhicules automatisés, il sera absolument essentiel qu’il y ait un modèle permettant aux assureurs d’avoir accès à des données pertinentes au partage de la responsabilité, quel que soit le modèle utilisé. S’il est question de responsabilité mixte entre diverses parties, l’accès aux données sera essentiel.
Le sénateur Duffy : Sur ce point, avez-vous des problèmes à obtenir l’accès aux boîtes noires qui existent en ce moment dans la plupart des voitures modernes?
M. Fiorino : Du point de vue de la reconstitution des accidents, sur ce plan en particulier, s’il y a de la friction sur le marché, je pense qu’il faudrait que les données soient divulguées en fonction d’un modèle axé sur le consentement.
Le sénateur Duffy : Quelle est la façon de fonctionner actuelle?
M. Fiorino : Dans un contexte de litiges, avec le concept de la reconstitution des données, normalement, ces données pourraient être produites. Le secteur de l’assurance n’aurait accès à ces données que dans le cadre de litiges à des fins de divulgation de la preuve. Il n’y a pas d’accès direct à ces données dans le contexte de…
Le sénateur Duffy : Mais il n’y a aucune entrave juridique qui vous empêche maintenant de les obtenir dans le cours normal des événements. Ce modèle ne se répéterait-il pas dans cette nouvelle situation?
M. Fiorino : Je pense qu’avec le nouveau cadre de déploiement de véhicules automatisés, je pense qu’il y a un enjeu que le comité a souvent abordé, et c’est celui de la propriété des données. Du point de vue de l’industrie, que ce soit pour les données télématiques liées aux programmes d’assurance fondés sur l’utilisation, ou PAFU, ou pour les données qui proviennent du véhicule et qui sont attribuables au comportement du propriétaire du véhicule, je pense qu’on pourrait dire que les données liées au particulier sont des renseignements permettant d’identifier une personne et, donc, qu’elles sont soumises à la protection des renseignements personnels. Il faut composer avec la nécessité de respecter la protection des renseignements personnels.
J’aimerais revenir sur la question précédente. Nous parlons du modèle qui fonctionnerait le mieux, mais ce que nous savons — et il existe un certain consensus à ce sujet —, c’est que le modèle actuel, axé sur les conducteurs et sur les moteurs à essence, ne fonctionnera pas particulièrement au cours de cette transition. Fort de mon expertise technique, je peux dire au comité que la raison pour laquelle je crois que cela ne fonctionne pas vous a déjà été donnée par de multiples témoins. Il y aura énormément de friction parce que vous allez avoir divers défendeurs nommés dans une seule poursuite. Vous aurez potentiellement le conducteur; vous aurez le fabricant; vous aurez peut-être une personne qui fait du travail sur le véhicule avec des pièces de rechange; vous pourriez avoir des développeurs de logiciels. Compte tenu de ce que les derniers témoins vous ont dit, vous pourriez également avoir des entreprises de location. Dans ce contexte, les litiges ne vont tout simplement pas fonctionner, car ils ne pourront pas donner un résultat rapide pour les consommateurs.
Le sénateur Duffy : Je comprends cela. Ce n’est pas aussi simple qu’un cas de chute. Ce sera beaucoup plus compliqué.
Puis-je vous demander de me fournir des services de traduction professionnelle? Un témoin antérieur, M. Hirota, de l’Associated Canadian Car Rental Operators, nous a dit que trois provinces — le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard — imposent encore la responsabilité du fait d’autrui illimitée aux entreprises de location de véhicules non fautives. Qu’est-ce que cela signifie? Qu’est-ce que cela signifie pour les primes d’assurance dans ma province, l’Île-du-Prince-Édouard? Est-ce que c’est strictement de compétence provinciale? Est-ce qu’il faudra une éternité pour régler cela comme toutes les autres questions de transport?
M. Fiorino : Je vais commencer par la première partie de la question.
En ce qui concerne la compétence provinciale, les assureurs sont soumis à la réglementation provinciale. Les provinces qui ont limité la responsabilité du fait d’autrui des entreprises de location de véhicules se sont appuyées sur un principe de politique voulant que la personne qui est la mieux en mesure de contrôler le risque est le conducteur, et que l’entreprise de location, une fois que le véhicule est loué, n’a plus le locus de contrôle et n’a par conséquent pas de responsabilité à cet égard.
Pour ce qui est de l’effet sur les primes, je vais demander à mon collègue, Ryan, de répondre. Je crois que le témoin précédent avait raison. Je ne crois pas qu’il y ait eu d’effet important sur les primes dans les provinces ayant choisi de limiter la responsabilité du fait d’autrui ou de ne pas réformer leurs dispositions législatives.
M. Stein : Nous n’avons pas analysé cela, et je pense que les témoins précédents auraient mieux été en mesure de répondre à cela.
Le sénateur Duffy : C’est donc un enjeu qui touche les entreprises de location, mais qui n’est pas lié à la sécurité routière en général?
M. Fiorino : Je crois que les mesures législatives…
Le sénateur Duffy : On peut présumer que cela produit un effet sur les primes d’assurance des entreprises de location, en cas de responsabilité illimitée.
M. Fiorino : En théorie, c’est juste. Elles assument un plus grand risque.
Le sénateur Duffy : Merci beaucoup pour toute l’information importante que vous nous avez présentée.
Le vice-président : J’ai des questions à poser à vos deux groupes. Je trouve intéressant que nous ayons l’Institut d’assurance du Canada et le Bureau d’assurance du Canada. Pour que le public le sache, en quoi vos mandats diffèrent-ils? En quoi vos deux organisations se distinguent-elles? Quelle est la raison d’être de chacune?
M. Hohman : L’Institut d’assurance du Canada est le volet d’éducation du secteur. Sa création remonte à 1899, et son mandat est d’éduquer les gens qui travaillent dans le domaine afin de les aider à mieux faire leur travail. Nous menons des recherches sur des sujets d’intérêt pour le secteur, dont ce rapport en particulier qui porte sur les véhicules autonomes, mais nous réalisons aussi des recherches sur d’autres sujets. Notre mandat est strictement éducatif, et nous servons toutes les personnes qui travaillent dans le secteur.
M. Fiorino : Le Bureau d’assurance du Canada est un organisme sans but lucratif qui représente les intérêts des assureurs de biens et de risques divers du Canada et dont le mandat premier est de garantir aux assureurs un contexte commercial qui leur permet d’exercer leurs activités de sorte qu’ils puissent offrir à un coût raisonnable des produits d’assurance personnalisés ou commerciaux aux consommateurs canadiens. L’objectif premier qui est lié à ce mandat est, bien sûr, de veiller à ce que les Canadiens, pour leurs besoins en gestion des risques, puissent avoir accès non seulement à des produits, mais aussi à de l’information sur la consommation ou la sécurité qui garantit aux Canadiens de pouvoir adopter des solutions de gestion des risques faciles à comprendre et pratiques.
Le vice-président : J’ai une autre petite question. Il est bon d’entendre ensemble les mots « assurance » et « sans but lucratif ». Je crois que bien des gens seraient surpris d’entendre ces deux expressions conjuguées. J’ai une question pour le Bureau d’assurance du Canada.
Selon un rapport produit par l’Institut d’assurance du Canada, les véhicules automatisés coûteront plus cher à réparer que les véhicules traditionnels, à cause des divers ordinateurs, capteurs et caméras que les véhicules comportent, ce qui va éliminer une partie des économies et des coûts d’assurance qu’on attend des VA. J’aimerais savoir ce que vous pensez de ce point de vue. Compte tenu des économies que ces coûts éliminent, quelles sont les économies prévues concernant les coûts d’assurance liés aux véhicules automatisés, le cas échéant?
M. Stein : Le prix de l’assurance se fonde sur les probabilités d’une demande de règlement et sur le coût probable de cette demande de règlement. Selon bien des projections liées aux véhicules automatisés, oui, ils seront plus coûteux à réparer à cause de la technologie qu’ils comportent, mais les projections indiquent au moins que ces véhicules seront impliqués dans un moins grand nombre de collisions, ce qui compensera dans une grande mesure les coûts. Je ne peux pas dire quand tout cela se produira et à l’intérieur de quelle période, mais si le montant des demandes de règlement diminue, ce qui représente en général les trois quarts du prix de l’assurance automobile, le prix suivra.
Le sénateur Eggleton : J’aimerais poser deux petites questions et revenir sur ma question précédente concernant la protection de la vie privée. Lorsqu’il a comparu devant le comité, le commissaire à la protection de la vie privée a indiqué qu’il lui faudrait une capacité d’agir accrue pour pouvoir se pencher sur les problèmes de protection de la vie privée liés aux véhicules de façon proactive plutôt que de devoir se contenter de répondre aux plaintes. Est-ce que cela poserait problème, à votre avis?
M. Fiorino : Si je ne me trompe pas, lorsqu’il a comparu devant le comité, il préconisait l’élaboration d’un code de pratique. À mon avis, l’industrie serait favorable à toute ligne directrice concernant l’utilisation des données. Comme je l’ai mentionné un peu plus tôt, l’industrie reconnaît pleinement que les données liées à l’utilisation qu’un individu fait d’une automobile sont des renseignements permettant d’identifier une personne et que, de ce fait, elles relèvent du mandat du commissaire à la protection de la vie privée. L’industrie ne verrait donc aucune objection à ce qu’un code de pratique soit élaboré dans un esprit de collaboration.
Le sénateur Eggleton : Nous avons également appris que d’autres intervenants, comme les constructeurs de véhicules ou les concepteurs de systèmes des véhicules, pourraient commencer à offrir de l’assurance. Les véhicules automatisés étant en quelque sorte un ordinateur sur roues, les sociétés comme Google s’intéressent aussi à ce domaine, en plus des intervenants du secteur traditionnel de l’automobile. Certaines personnes croient que les constructeurs de véhicules aussi pourraient commencer à offrir de l’assurance. À quoi ressemblerait ce scénario? On parle ici de constructeurs qui offriraient de l’assurance. Quelle incidence cela aurait-il sur votre industrie?
M. Fiorino : Je vais apporter une précision, puis je laisserai mon collègue Ryan poursuivre la réponse.
Pour ce qui est de l’arrivée de nouveaux joueurs sur le marché, si un constructeur veut offrir des produits d’assurance à des clients au Canada, je crois qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce qu’il soit assujetti à la même réglementation fédérale et provinciale que les assureurs traditionnels. Il faudra éviter d’avoir sur le marché canadien un système de réglementation à deux vitesses où, par exemple, les règles ne seraient pas les mêmes pour les entreprises de haute technologie qui voudraient offrir des produits d’assurance. Je crois que, pour assurer la protection des consommateurs canadiens par rapport aux produits qu’ils achètent, mais aussi pour encadrer les pratiques sur le marché, les questions de solvabilité, il est important que les mêmes règlements s’appliquent à tous les intervenants qui souhaitent vendre des produits d’assurance au Canada.
M. Stein : J’ai aussi entendu parler de l’arrivée de constructeurs de véhicules sur le marché de l’assurance, mais je n’en ai pas encore vu d’exemple concret. Je sais qu’un constructeur teste ce marché dans une autre région du monde. Il a souscrit une assurance qui couvre tous ses véhicules automatisés. Quand un consommateur achète un véhicule de ce constructeur, l’assurance vient automatiquement avec. Il s’agit d’une nouvelle façon de faire les choses et, comme nous l’avons dit dans notre allocution, les véhicules automatisés pourraient très bien transformer le domaine de l’assurance. Cette industrie joue un rôle considérable. Depuis des siècles, elle offre aux Canadiens une protection contre divers risques extrêmement complexes. Je ne vois pas pourquoi elle ne continuerait pas à jouer un rôle de premier plan pour ce qui est de couvrir les risques associés aux véhicules automatisés.
M. Kovacs : Ce que je voudrais ajouter, c’est que la possibilité que certains constructeurs de véhicules décident un jour d’offrir de l’assurance a effectivement été évoquée, mais ils n’ont aucune expérience concrète dans ce domaine; ils sont des clients des compagnies d’assurances. Selon certains scénarios envisagés, si des constructeurs décidaient d’offrir de l’assurance aux gens qui achètent leurs véhicules, ils s’associeraient vraisemblablement à des compagnies d’assurances. Cela pourrait entraîner un changement quant aux compagnies qui offrent l’assurance puisque certaines sont plus proches des constructeurs de véhicules. En conséquence, certaines compagnies pourraient profiter de ce changement, tandis que d’autres pourraient voir leur part de marché rétrécir. Certains avancent que ces constructeurs sont de grandes entreprises bien établies qui comprennent qu’il s’agit d’un genre de risque particulier et qu’il serait avantageux de s’associer à une compagnie d’assurances.
Le sénateur Duffy : J’aimerais poursuivre sur ce sujet. À mon avis, cela créerait un conflit d’intérêts inhérent que le Bureau de la concurrence ne verrait pas d’un bon très œil. Si la principale cause d’un litige est la défaillance d’un produit et que nous demandons à la compagnie d’assurances ou au fabricant du produit de défendre nos intérêts et d’obtenir un dédommagement pour nous de la part du fabricant, à mon avis, c’est comme si — je ne suis pas certain de la métaphore exacte — on confiait au loup la garde du poulailler. N’êtes-vous pas d’accord? Je pensais que ce genre de transactions intéressées était chose du passé au Canada.
M. Fiorino : Encore là, si on pense aux situations litigieuses qui pourraient se produire, je peux concevoir que, si un constructeur était celui qui couvre le risque, on aurait raison de craindre la situation que vous décrivez, surtout pour le consommateur dans les cas où la défaillance ou la conception d’un produit est en cause et que la responsabilité du constructeur est contestée. Je crois que le scénario le plus plausible est probablement une association comme celle que M. Kovacs a mentionnée, où un constructeur s’associe à un assureur qui couvre les risques. Selon moi, cette situation serait moins problématique.
Le sénateur Duffy : C’est un peu comme ce qui se produit actuellement avec le financement automobile. Les concessionnaires concluent des ententes avec des sociétés de crédit, qui financent les achats d’automobiles. Je suppose que ce serait une variante de ce genre d’entente.
M. Fiorino : Je crois qu’on peut l’envisager pour les sociétés de nouvelle technologie. Il s’agirait d’un partenariat stratégique où un assureur couvre les risques associés à leur produit. Je ne crois pas que ce scénario soit aussi problématique que celui où c’est le constructeur lui-même qui couvre les risques.
Le sénateur Duffy : Une autre chose à ce sujet: les convois de camions. Il y a un nom pour cela. Avec l’âge, on perd la mémoire, mais c’est ce qu’on voit quand il y a des camions sur la 401. Les gens voient ces immenses convois de tracteurs semi-remorques. C’est un phénomène relativement nouveau; je crois qu’il est apparu ces dernières années. Avez-vous des données à leur sujet comparativement aux tracteurs semi-remorques qui roulent séparés les uns des autres? Si vous saviez le nombre de personnes qui me disent à quel point elles sont terrifiées à l’idée de rouler à 100 ou 110 kilomètres à l’heure avec un de ces convois dans la voie d’à côté? Avez-vous des données sur les accidents; savez-vous si ces convois sont plus sécuritaires que l’ancienne façon de faire?
M. Stein : Nous n’avons malheureusement pas de données qui nous permettraient d’évaluer leur sécurité.
Le vice-président : Je remercie les représentants du Bureau d’assurance du Canada et de l’Institut d’assurance du Canada de leur présence aujourd’hui.
Honorables sénateurs, nous n’aurons pas de réunion la semaine prochaine à cause de la relâche parlementaire. Lors de notre prochaine réunion, le 17 octobre, nous accueillerons des représentants du gouvernement fédéral américain et du gouvernement du Michigan.
(La séance est levée.)