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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 24 - Témoignages du 24 octobre 2017


OTTAWA, le mardi 24 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 33, pour poursuivre son étude des questions techniques et réglementaires liées à l’arrivée des véhicules branchés et automatisés.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, bienvenue au Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Ce matin, le comité poursuit son étude sur les véhicules branchés et automatisés.

[Traduction]

Nous accueillons aujourd’hui deux groupes de témoins. Nous devions recevoir en premier lieu M. Barrie Kirk, consultant pour la Central North American Trade Corridor Association, la CNATCA, mais il est en retard. Il est justement coincé dans la circulation. Nous accueillons toutefois deux de ses collègues qui pourront nous faire lecture de sa déclaration par voie de vidéoconférence. Il s’agit de M. Paul Godsmark, chef des services technologiques au Centre d’excellence des véhicules automatisés du Canada, et de M. Roy Ludwig, maire de la Ville d’Estevan en Saskatchewan.

Je crois que l’un de vous deux va pouvoir nous lire la déclaration. Nous vous écoutons.

Paul Godsmark, chef des services technologiques au Centre d’excellence des véhicules automatisés du Canada, Central North American Trade Corridor Association : Merci, monsieur le président, et bonjour à tous les sénateurs. Nous vous remercions de nous permettre de comparaître devant vous aujourd’hui.

Je m’appelle Paul Godsmark. Mon collègue, Barrie Kirk, a déjà témoigné devant votre comité, mais nous allons vous parler aujourd’hui uniquement au nom de la Central North American Trade Corridor Association.

Nous sommes deux à comparaître par voie de vidéoconférence. Je suis accompagné par Roy Ludwig, maire d’Estevan en Saskatchewan, qui est l’un des directeurs de notre association. Pour ma part, vous avez déjà pu me rencontrer à Calgary il y a quelques années à l’occasion d’une conférence.

La CNATCA est une organisation internationale reconnue aux États-Unis comme étant un organisme sans but lucratif. Sa vision consiste à développer et promouvoir un corridor commercial nord-sud reliant le Mexique, le centre des États-Unis et le centre du Canada. Ce corridor permettra d’accroître la prospérité en misant notamment sur la technologie des camions et autres véhicules automatisés.

La mission de la CNATCA comprend la revitalisation des collectivités rurales et la promotion de cinq aspects primordiaux : le commerce, le tourisme, la formation, la technologie et le transport.

Le corridor empruntera quatre provinces et un territoire au Canada (la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et le Yukon), sept États américains et 14 États mexicains.

De plus, le corridor sera construit en collaboration avec les Premières Nations des trois pays. Ces dernières jouent un rôle essentiel dans le développement du corridor et participent activement aux activités de la CNATCA et à la réalisation de sa mission.

Il s’agira de favoriser la création d’installations spéciales, comme des stations de rechargement, de ravitaillement et d’inspection. Le corridor permettra aussi l’utilisation de drones dans un espace aérien réservé situé au-dessus de l’autoroute.

La CNATCA se joint à un groupe du Dakota du Nord qui demande du financement afin de créer une autoroute pour véhicules autonomes entre Bismarck et la frontière canadienne. Une proposition a été faite à l’Administration fédérale des autoroutes des États-Unis dans le cadre du programme Infrastructure pour reconstruire l’Amérique.

À l’heure actuelle, la CNATCA a communiqué avec divers partenaires et en est à l’étape de la planification initiale.

Nous tenons à annoncer aujourd’hui l’élargissement de notre vision par l’entremise de deux projets importants. Tout d’abord, nous allons mener des essais et des démonstrations de semi-remorques entièrement autonomes capables de traverser la frontière sans conducteur d’ici les deux prochaines années. Selon nous, l’aspect technologique sera la partie la plus facile. L’aspect le plus difficile sera de conclure les ententes nécessaires avec les trois ordres de gouvernement des deux côtés de la frontière.

L’autre projet que nous voulons annoncer aujourd’hui concerne l’ajout d’un corridor est-ouest transcanadien pour camions autonomes qui serait relié au corridor nord-sud.

Nous demandons au comité d’appuyer la vision de base et les deux ajouts proposés pour ce corridor commercial à la fine pointe de la technologie.

De plus, nous demandons au gouvernement du Canada de commander une étude de faisabilité sur ce concept, en incluant le projet pilote.

Finalement, je tiens à insister sur les avantages principaux pour le Canada qui bénéficiera d’un accroissement du commerce avec les États-Unis et le Mexique et de retombées économiques, environnementales et sociales à long terme.

Je vous remercie encore une fois de m’avoir permis de témoigner devant vous aujourd’hui. Mes collègues, M. Ludwig et M. Kirk, et moi sommes prêts à répondre à vos questions.

La sénatrice Bovey : Merci pour cet exposé. Comme je suis une sénatrice représentant le Manitoba, je trouve cela particulièrement intéressant. Vous avez parlé d’une demande de financement en vue de créer une autoroute pour véhicules autonomes entre Bismarck et la frontière canadienne. Puis-je vous demander qu’est-ce qui se passe du côté canadien de la frontière? Est-ce que l’autoroute est prête à accueillir ce genre de véhicules autonomes capables de transporter des marchandises dans les deux directions? Dans le même ordre d’idées, quelles mesures sont prises pour assurer l’harmonisation de la réglementation de part et d’autre de la frontière?

Roy Ludwig, maire, Ville d’Estevan, Saskatchewan, Central North American Trade Corridor Association : Au départ, notre gouvernement provincial s’apprêtait à ajouter une voie sur toute la longueur de la route reliant North Portal et Regina pour établir la liaison avec la plaque tournante de transport mondial. En raison des contraintes économiques actuelles, on a ramené le projet à l’aménagement de 16 voies de dépassement que l’on devrait entreprendre, nous l’espérons, en 2018. Le tout devrait être terminé à la fin de 2019. On prévoit en effet qu’il faudra sans doute deux ans pour mener le projet à terme.

Quant à la circulation transfrontalière, il y a encore du travail à faire, mais nous croyons pouvoir y parvenir, pour peu qu’il y ait un minimum de bonne volonté de part et d’autre.

La sénatrice Bovey : Je me demande tout de même si les autoroutes canadiennes pourront être dotées de voies supplémentaires pour ces camions-remorques autonomes. Je m’interroge au sujet des mesures à prendre pour assurer la sécurité, non seulement des convois eux-mêmes, mais aussi des autres usagers de ces autoroutes.

M. Godsmark : Il n’est pas nécessaire d’aménager des voies additionnelles pour les camions autonomes. Ils vont circuler sur les autoroutes existantes. Ils n’ont pas besoin d’une infrastructure spéciale si ce n’est, pour les longs tronçons, d’éventuels postes de rechargement et d’entretien spécialement adaptés.

Les camions autonomes ont aussi l’avantage de permettre la formation de convois. Ainsi, ils peuvent se déplacer en se suivant de plus près, ce qui accroît d’autant la capacité des voies existantes. Si l’on en vient à ajouter de nouvelles voies, ce sera encore mieux, mais cela n’est pas essentiel pour la mise en place initiale d’un corridor pour véhicules autonomes.

La sénatrice Bovey : Même si cela ne transparaît pas nécessairement dans mes questions, je vois cette évolution technologique d’un bon œil. Je conviens que le déplacement en convoi procurera de nombreux avantages, mais il soulève aussi une préoccupation qui a été portée à mon attention. Compte tenu de la longueur que peut atteindre un convoi de trois à cinq camions — le chiffre varie selon les sources — ne laissant que peu d’espace entre eux, on craint qu’il puisse être difficile pour les autres usagers de l’autoroute d’y avoir accès et d’en sortir. Je pense par exemple à l’autoroute au nord d’Emerson que je connais très bien et qui est parfois fort achalandée. S’il y a des convois de trois à cinq camions, je me demande comment les gens pourront accéder à cette autoroute et la quitter.

M. Godsmark : C’est une préoccupation tout à fait légitime que je partage d’ailleurs pour avoir moi-même travaillé dans le secteur de la sécurité des réseaux routiers. De fait, j’ai bien d’autres réserves concernant la formation de tels convois.

Je dirais qu’il faudrait qu’un convoi soit séparé lorsqu’il arrive à proximité d’une bretelle d’accès ou de sortie très achalandée car, comme vous l’avez indiqué, il pourrait y avoir danger pour les autres usagers de la route qui, de crainte de ne pouvoir accéder à une bretelle de sortie, par exemple, pourraient se sentir obligés de se faufiler dans des intervalles trop étroits pour que la manœuvre soit vraiment sécuritaire. C’est un enjeu de sécurité routière qui doit être pris en compte dans l’établissement des politiques en la matière.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Premièrement, j’essaie de comprendre un peu votre projet. Est-ce qu’il s’agit de l’utilisation d’infrastructures déjà existantes ou est-ce qu’on parle d’aménagement de nouvelles infrastructures pour le corridor que vous proposez?

[Traduction]

M. Godsmark : Nous utilisons le corridor routier existant que les usagers actuels vont continuer d’emprunter. Les camions autonomes vont simplement s’intégrer à la circulation au fil de leur déploiement. La seule infrastructure additionnelle requise consisterait en des points de ravitaillement ou de rechargement où l’on pourra également procéder à une inspection visuelle pour s’assurer que les choses se passent bien avec le véhicule et son chargement. Pour le reste, on s’en tiendra aux routes et aux infrastructures déjà en place.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Avez-vous actuellement des discussions avec vos collègues américains ou avec les instances américaines sur la réception de votre projet?

[Traduction]

M. Ludwig : Nous avons des échanges avec nos amis américains à tous les niveaux de la CNATCA. Il y a même un membre du Congrès américain qui a eu un rôle à jouer. Le dialogue se poursuit.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : À partir du moment où vous réservez un corridor spécifiquement à l’utilisation de camions lourds autonomes, à combien estimez-vous l’augmentation de la circulation du camionnage lourd sur cette infrastructure déjà existante?

[Traduction]

M. Ludwig : Je ne crois pas que la circulation augmenterait beaucoup au départ. Il faut se rappeler que le projet débute à peine. Il y aura initialement une période de mise à l’essai en quelque sorte, d’ici à ce que la technologie soit bien rodée. Il faudra sans doute compter une bonne année pour régler tous les petits problèmes. D’ici là, il ne faut pas s’attendre à une augmentation de la circulation dans une mesure qui pourrait être inquiétante.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je suis allé en Europe il y a quelques années, et des corridors de véhicules autonomes existaient déjà, entre autres, aux Pays-Bas et en Espagne. Suivez-vous les développements dans ce domaine en Europe?

[Traduction]

M. Ludwig : Je ne peux pas vous dire que je l’ai fait personnellement, mais je sais que certains membres de notre association ont eu des discussions à ce sujet. Je ne pourrais toutefois vous dire, sénateur, dans quelle mesure ces pourparlers sont avancés.

La sénatrice Griffin : Pouvez-vous me parler de vos consultations avec les Autochtones concernant l’itinéraire nord-sud proposé?

M. Ludwig : Nous avons des Autochtones au sein de notre conseil d’administration. Leur contribution nous est précieuse et nous sommes en dialogue permanent avec eux.

La sénatrice Griffin : Ils ont donc leur mot à dire depuis le début des discussions.

M. Ludwig : Tout à fait.

La sénatrice Griffin : Qu’en est-il des provinces? Quelqu’un a indiqué que vous alliez être en contact avec les communautés touchées. Communiquez-vous également avec les gouvernements provinciaux?

M. Ludwig : C’est une excellente question. Nous avons eu une rencontre à Kenmare, du côté américain au sud d’Estevan. M. Marit, notre ministre de la Voirie, était présent. Son homologue du Dakota du Nord y était également. Les échanges se poursuivent et nous continuons d’organiser des rencontres semblables.

La sénatrice Griffin : Excellent. Merci.

Je m’intéresse également à l’itinéraire transcanadien est-ouest qui est proposé. Je suis de l’Île-du-Prince-Édouard. Je ne sais pas si vous comptez vous rendre éventuellement jusqu’aux Maritimes et même traverser le pont de la Confédération pour desservir la plus petite province du Canada. Si vous avez déjà exploré cet itinéraire est-ouest, jusqu’où pensez-vous aller?

M. Ludwig : Encore là, le projet n’en est qu’à ses premiers balbutiements, si bien que nous progressons très lentement pour l’instant. En définitive, l’objectif serait de voir des camions semblables sillonner toutes les routes du pays.

[Français]

Le sénateur Cormier : Comme sénateur du Nouveau-Brunswick, je m’intéresse beaucoup au projet de corridor est-ouest. Quels sont les principaux défis que vous pourriez rencontrer, sachant que les routes dans certaines régions du pays, y compris les régions rurales, sont beaucoup moins bien adaptées ou équipées pour accueillir un projet comme le vôtre? Quel type de recherches a-t-on mené en ce qui concerne l’établissement de ce corridor est-ouest?

[Traduction]

M. Godsmark : Ce n’est qu’un concept pour le moment. Nous avons simplement lancé l’idée parce que nous croyons que ce serait bénéfique, mais il n’y a pas encore eu de discussions officielles. Le financement est notre principal obstacle. Du côté américain, la CNATCA n’a pas encore obtenu de fonds à ma connaissance, et nous n’avons toujours pas présenté de demande de financement au Canada.

[Français]

Le sénateur Cormier : Avez-vous tenu des discussions, par exemple, avec l’industrie privée et avec les entreprises qui s’occupent du transport dans les différentes régions du pays?

[Traduction]

M. Ludwig : Oui, nous avons des gens de l’industrie du camionnage au sein de notre comité. Comme vous le savez, on arrive difficilement à trouver des conducteurs pour les poids lourds. C’est un autre problème que l’arrivée de camions autonomes contribuera à résoudre. Nous nous sommes efforcés de discuter de la question avec un large éventail d’intéressés, ce qui inclut l’industrie du camionnage. Je vous rappelle que le projet débute à peine et que nous avons encore bien du travail à faire.

[Français]

Le sénateur Cormier : J’ai une dernière question : quel serait le rôle principal du gouvernement fédéral dans la réalisation de votre projet, et comment imaginez-vous la relation et les initiatives que devrait prendre le gouvernement fédéral pour favoriser la réalisation de votre projet?

[Traduction]

M. Ludwig : Je dirais que le gouvernement fédéral pourrait contribuer à faciliter les choses relativement aux pourparlers qui doivent se poursuivre. La contribution du fédéral pourrait nous être très utile — notamment auprès du Congrès — dans nos relations avec les Américains. Il serait vraiment bon que nous puissions avoir ce dialogue au niveau des gouvernements pour régler les problèmes qui se présentent.

Au Canada, il faudra non seulement composer avec le fédéral, mais aussi avec les instances provinciales et municipales. L’aspect technologique ne sera pas vraiment problématique, car une grande partie des outils sont déjà au point. Nous aurons besoin de l’aide du gouvernement fédéral et des provinces, le tout en collaboration avec les administrations municipales. À ce niveau, je pense qu’il faudra surtout que l’on s’emploie à faciliter les discussions entre nos autorités fédérales et celles des États-Unis.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup pour votre exposé. Je suis surtout préoccupée par les aspects techniques liés à la présence de convois et de camions lourds sur les autoroutes.

Vous avez indiqué qu’il n’était pas nécessaire de modifier les voies. Cependant, la simple circulation de convois et de véhicules lourds a déjà pour effet d’endommager la structure qui supporte nos routes. Celles-ci sont conçues et construites pour accueillir des automobiles et des petits camions. C’est donc l’un des aspects à considérer.

J’ose espérer par ailleurs que vous prévoyez que ces camions seront alimentés à l’électricité, et non pas au moyen de carburants fossiles. Le cas échéant, comment pourront-ils être rechargés? J’ai lu quelque part que l’on songeait à utiliser des drones pour leur livrer des batteries.

Cela m’amène à ma troisième question. Si ces camions sont vraiment autonomes et s’il n’y a aucun conducteur pour ces convois, qui va pouvoir intervenir en cas d’accident lorsque des matières dangereuses sont transportées? Avez-vous réfléchi à la question?

M. Ludwig : Je vais débuter, et peut-être que Paul pourra apporter des précisions.

Pour ce qui est du poids du véhicule, il y a une surveillance constante qui est assurée par notre ministère de la Voirie. Dans le cas des camions lourds, on exige un nombre sans cesse plus élevé de roues de telle sorte que le nombre de livres par pouce carré demeure raisonnable. De fait, ce nombre n’augmente sans doute pas vraiment malgré l’accroissement du poids total des camions lourds. Étant donné le nombre de pneus exigé, le poids est mieux réparti qu’auparavant. On augmente la quantité d’essieux sur les camions pour faire en sorte qu’ils endommagent moins la plateforme de voie. Par ailleurs, les nouvelles routes sont construites en tenant compte de ces poids lourds qui vont les emprunter.

Pour ce qui est de l’électrification, vous avez raison. C’est sans doute une avenue que nous allons envisager sérieusement et la solution que nous allons probablement retenir, car c’est ce qui est le plus bénéfique pour l’environnement.

M. Godsmark : Pour poursuivre dans le sens de ce que disait M. Ludwig, la transition vers les camions autonomes nous offre une occasion unique d’évaluer les dommages causés à nos routes par les poids lourds et de trouver un juste équilibre entre les coûts d’entretien des routes et ceux découlant de la nécessité de transporter les marchandises.

Chose intéressante, un camion lourd cause 10 000 fois plus de dommages aux routes qu’une petite voiture. Il y a deux choses qui endommagent les routes. Il y a d’abord les conditions météo, et surtout l’eau, mais il y a également la charge par essieu. Le recours à des camions autonomes permet de réduire les coûts dans une proportion d’environ 42 p. 100 grâce à l’absence d’un conducteur. Un tel camion peut aussi être utilisé environ 40 p. 100 plus longtemps, car il n’est pas assujetti à la réglementation sur les heures de conduite. Le camion devient donc ainsi plus efficient et plus rentable. Il y a toutefois des coûts que notre société doit assumer en raison de la présence de ces poids lourds. Nous aimerions beaucoup pouvoir réaliser une étude en collaboration avec quelqu’un d’autre au Canada pour déterminer le point d’équilibre entre les coûts découlant de la charge par essieu de ces camions et ceux associés à la nécessité de livrer les marchandises.

Vous avez parlé de l’importance d’utiliser des véhicules électriques. Ce n’est pas nous qui développons la technologie, mais nous sommes très heureux de constater que l’on cherche, pour tous les véhicules autonomes, y compris les camions, à s’éloigner des carburants fossiles pour utiliser des modes de propulsion plus efficients. Le PDG Elon Musk a indiqué que Tesla allait présenter au cours des prochaines semaines son camion électrique. Il y a une autre entreprise, Nikola, qui travaille à la conception d’un camion semi-remorque électrique qui sera alimenté par une pile à hydrogène. Nous aimerions beaucoup pouvoir collaborer avec l’un de ces manufacturiers pour la réalisation de projets pilotes dans notre corridor ou d’initiatives semblables.

Pour ce qui est de la sécurité et du transport de matières dangereuses, nous devrons éviter de précipiter les choses. Il est bien évident que l’on transportera d’abord des marchandises ne présentant aucun danger. Au fur et à mesure que les politiques et les stratégies opérationnelles nécessaires seront mises en place, nous pourrons accroître les risques que nous sommes prêts à assumer sur la route. Nous devrons procéder une étape à la fois. Au départ, nous serons très prudents en nous limitant aux chargements les plus sécuritaires qui soient et en prenant toutes les mesures de contrôle qui s’imposent.

La sénatrice Galvez : Si votre objectif est de remplacer les trains, il ne faut pas oublier que les entreprises pouvant se permettre d’utiliser le transport routier ou ferroviaire sont parmi les mieux nanties et doivent généralement expédier des marchandises comportant plus de risques que les céréales, par exemple. J’ose donc espérer que vous tenez compte de la sécurité dans votre recherche de clients, car ceux qui auront les moyens d’utiliser ce mode d’expédition sont souvent aussi ceux dont les marchandises sont les moins sécuritaires. Je vous remercie.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Godsmark, l’un de vos associés est Mario Anderson, qui travaille également pour la CNATCA. Il y a quelques années, il soulignait que les entreprises pétrolières du Dakota du Nord n’avaient pas accès à une capacité de transport par pipeline suffisante pour expédier leur pétrole à destination et devaient par conséquent livrer concurrence aux producteurs de denrées pour avoir de la place sur les trains. Il y a eu depuis des élections aux États-Unis et le nouveau président a approuvé le pipeline XL, ce qui devrait selon moi faciliter grandement les choses à ce chapitre. Dans ce contexte, est-ce que les arguments que vous avancez en faveur du corridor proposé demeurent les mêmes?

M. Godsmark : Je crois que le maire Ludwig serait mieux placé que moi pour répondre à cette question.

M. Ludwig : Comme nous n’avons pas eu droit à beaucoup de bonnes nouvelles récemment dans le dossier de la mise en service de pipelines, nous nous réjouissons de l’annonce faite, mais nous demeurons conscients qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire avant l’entrée en service du pipeline en question. D’ici là, les répercussions continueront effectivement à se faire sentir pour le transport ferroviaire et le camionnage. Même lorsque ce pipeline entrera en fonction, nous aurons encore besoin de camions sur les routes et de trains sur les voies ferrées pour le transport des marchandises. Même si la demande diminuera lorsque le pipeline sera effectivement construit comme nous l’espérons — parce que j’estime que les pipelines sont la façon la plus sûre de transporter le pétrole — il demeurera vraiment nécessaire de pouvoir encore compter sur les poids lourds et les trains pour transporter nos marchandises.

Le sénateur MacDonald : Quels sont les avantages en ce qui a trait au transport du pétrole, selon vous? Pensez-vous qu’un corridor de véhicules autonomes serait plus profitable qu’un pipeline ou l’expansion du transport ferroviaire?

M. Ludwig : Sénateur, à mon avis, les pipelines demeurent bien sûr l’option la plus sécuritaire, mais nous croyons que les véhicules autonomes sont la voie de l’avenir, entre autres parce qu’ils permettent d’éliminer le facteur humain, qui est au centre de bien des considérations de sécurité. Fini les camionneurs qui s’endorment au volant. Cette solution rendra beaucoup plus sécuritaire le transport de toutes sortes de marchandises. Cela permettra aussi d’économiser sur le salaire des camionneurs et peut-être, comme Paul le mentionnait, d’injecter plus de fonds dans la réfection des routes. Mais il ne s’agit pas là des seuls avantages.

La sénatrice Bovey : Je comprends que vous tâchez de voir les avantages à court et à long terme, et c’est louable selon moi de vouloir établir un parallèle entre les deux.

Je veux cependant revenir à la réglementation. Le gouvernement fédéral a certainement son rôle à jouer dans tout cela, et il nous a demandé d’étudier la question afin de le conseiller sur le cadre réglementaire qu’il devra mettre en place en prévision de cette nouvelle technologie.

Je vous serais très reconnaissante de recommander au comité des questions à poser ou des conseils à donner. Il s’agit d’un projet transfrontalier, et nous avons déjà posé des questions sur la réglementation interprovinciale. Nous sommes par ailleurs bien au fait des responsabilités municipales. Je suis très curieuse de savoir ce qui vous préoccupe par rapport à la réglementation transfrontalière. Quelles questions devrions-nous poser, à votre avis?

M. Godsmark : Si je peux me permettre de répondre à la question, monsieur le président et honorables sénateurs, ce qui me paraît le plus évident à la lumière des brèves recherches que j’ai effectuées à ce sujet, c’est que les règlements qui demandent le plus de temps à mettre en place sont ceux liés aux passages à la frontière. Je pense qu’il faudrait lancer le plus tôt possible un projet de recherche-développement qui viserait à assurer le passage rapide des camions autonomes à la frontière. D’après ce que j’ai vu, il faudra compter au moins deux ou trois ans pour que cela se concrétise, même dans le cadre d’un programme accéléré. De tous les aspects que nous examinons, c’est celui qui bouge le moins rapidement.

Un autre point digne d’intérêt est l’étude de la réglementation dans le contexte de la loi SELF DRIVE, aux États-Unis. Il semble que les gros véhicules en aient été exclus, et j’estime qu’il faut remédier à la situation sans tarder. Le modèle d’affaires est en effet on ne peut plus clair à cet égard, et dès que la conduite autonome sera chose réelle, nous subirons d’énormes pressions pour que les marchandises soient transportées par gros camions.

Voilà donc les deux éléments clés, selon moi : les passages à la frontière et l’inclusion des gros véhicules à la réglementation.

La sénatrice Bovey : Si vous avez des points précis à cet égard, pourriez-vous les transmettre au greffier pour que nous puissions tenir compte des particularités de votre expérience et de vos connaissances dans le rapport que nous allons produire sous peu?

M. Godsmark : Sénatrice, j’ai bien peur de ne pas pouvoir vous donner plus de détails pour le moment, car nous n’avions pas les ressources financières pour étudier la question de plus près. C’est un portrait très général de la situation que je viens de brosser.

La sénatrice Bovey : Je comprends qu’il faut accélérer le processus, mais j’aimerais savoir par quoi commencer.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Pour faire suite aux questions de ma collègue, les Teamsters ont réussi à faire passer une loi aux États-Unis interdisant les véhicules autonomes de moins de 10 000 livres. Aujourd’hui, sur les routes, les véhicules de 10 000 livres et plus sont nombreux. Est-ce une contrainte pour votre projet, tant sur le plan de la circulation que sur le plan financier?

[Traduction]

M. Godsmark : C’est effectivement un problème, sénateur, que la loi SELF DRIVE exclue les véhicules de 10 000 livres et plus. Le gouvernement du Canada devra selon moi déterminer si c’était là une bonne décision. Les préoccupations des Teamsters sont valides et méritent d’être prises en compte, mais nous sommes conscients que l’adoption de cette nouvelle technologie est inévitable et qu’elle nous évitera, à nous les humains, des tâches fastidieuses, sales et dangereuses. Elle présente donc aussi ses avantages.

Il faudra sans contredit discuter longuement de la suppression d’emplois que cela suppose. Cependant, sachant que cette technologie nous arrive en trombe, nous devrons être prêts tôt ou tard à en accepter les conséquences, qui sont inévitables.

Le président : Merci, monsieur Godsmark et monsieur Ludwig. Merci à tous les deux pour vos exposés.

Nous allons faire une pause de cinq minutes avant de reprendre la séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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