Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 27 - Témoignages du 12 décembre 2017
OTTAWA, le mardi 12 décembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, en séance publique, pour étudier ce projet de loi, puis à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport et un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue. Aujourd’hui, nous étudions le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.
Nous sommes heureux de recevoir l’honorable Marc Garneau, ministre des Transports. Il est accompagné d’Helena Borges, la sous-ministre déléguée, de Brigitte Diogo, la directrice générale de la Sécurité ferroviaire et d’Alain Langlois, qui est avocat général et directeur exécutif associé. Je vous souhaite la bienvenue à notre réunion.
Avant de commencer, j’aimerais parler de la controverse et des articles de journaux au sujet du blocage du projet de loi par le Sénat. Je comprends, monsieur le ministre, que vous ayez hâte que le projet de loi soit adopté au Sénat, du moins c’est ce qu’on comprend à la lecture d’un article paru jeudi dernier dans iPolitics, dont le titre était : « Le ministre Garneau exhorte le Sénat à débloquer le projet de loi sur le transport des grains. » En fait, vous nous exhortiez à adopter le projet de loi avant Noël.
Premièrement, le Sénat n’a pas bloqué le projet de loi. Deuxièmement, c’est beaucoup plus qu’un projet de loi sur le transport des grains, comme vous le savez bien. La première lecture s’est faite en mai 2017 et la troisième lecture n’a pas commencé avant la fin d’octobre 2017, soit cinq mois plus tard. Nous étudions le projet de loi depuis un peu plus d’un mois; il est donc audacieux de dire que c’est la faute du Sénat si le projet de loi n’est pas adopté avant Noël.
La vérité, c’est que la plupart des projets de loi sont bloqués à la Chambre des communes et non au Sénat. La sénatrice McCoy, qui était jusqu’à tout récemment leader du groupe de sénateurs nommés par Trudeau, a étudié la question minutieusement et a passé en revue 10 sessions parlementaires. Dans le cadre de son étude, elle a constaté que les projets de loi passaient en moyenne 109 jours à la Chambre et 35 jours au Sénat.
Le problème avec le gouvernement, c’est qu’il veut que le Sénat soit indépendant, mais uniquement lorsque cela lui convient. Je ne me souviens pas avoir été l’objet d’autant de lobbying pour un projet de loi. Il faut étudier les dispositions relatives à l’interconnexion, à la coentreprise et à la propriété étrangère, en plus de la déclaration des droits des passagers et d’un éventail d’autres enjeux qui ne sont pas liés à la question du transport des grains.
Cela étant dit, monsieur le ministre, je tiens à dire que je suis heureux de vous recevoir. Comme vous le savez, lorsqu’on nous a renvoyé le projet de loi vendredi dernier, j’ai tout de suite demandé à notre greffier de vous inviter à témoigner devant nous pour notre première réunion suivant ce renvoi.
Sur ce, monsieur le ministre, je vous cède la parole.
L’honorable Marc Garneau, C.P., député, ministre des Transports : Merci beaucoup, monsieur le président.
J’allais me lancer dans mon discours, mais je me dois de répondre à votre commentaire. Le mot « blocage » ne vient pas de moi. Je crois toutefois en effet qu’il est urgent d’adopter le projet de loi et je suis très heureux de témoigner devant le Sénat et de répondre aux questions des sénateurs. Je suis aussi heureux d’avoir mes collègues de Transports Canada à mes côtés.
[Français]
Monsieur le président, je suis très heureux de rencontrer les membres distingués de ce comité afin de discuter du projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois.
Comme vous le savez, le Canada est un vaste territoire doté d’un réseau de transport complexe, dont le rendement est essentiel au bien-être des Canadiens et à la prospérité de son économie dépendante du commerce. Au cours de la dernière année, l’économie canadienne a tourné à plein régime et son rendement a été supérieur à celui de nos partenaires du G7, y compris les États-Unis.
Afin que l’économie du Canada continue de croître et de prospérer à long terme, il est important que nous considérions notre réseau de transport comme un tout intégré. Toutefois, ce n’est pas chose facile, en raison des intérêts et des pressions concurrentielles qui devront être soigneusement examinés. Notre défi consiste à établir un juste équilibre qui permettra de créer et de favoriser les conditions de réussite des nombreux intervenants qui prennent part au réseau de transport. Il y a deux mots que je répéterai souvent aujourd’hui, et ce sont les mots « juste » et « équilibré ». C’est précisément ce que nous avons fait avec le projet de loi C-49.
Le projet de loi propose plusieurs mesures visant à renforcer l’efficacité et la sécurité du réseau de transport pour veiller à ce que les Canadiens puissent bénéficier de la croissance économique.
Le projet de loi reflète les vastes consultations que le ministère des Transports et moi avons menées pour entendre l’opinion des Canadiens sur l’avenir des transports. Il prend également en compte des recommandations formulées par le Comité d’examen de la Loi sur les transports au Canada, dirigé par l’honorable David Emerson, ainsi que des recommandations formulées par le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités sur la sécurité ferroviaire et le transport ferroviaire des marchandises et par le Bureau de la sécurité des transports du Canada sur la sécurité ferroviaire.
En septembre et octobre derniers, le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes a soigneusement étudié le projet de loi et a entendu plus de 80 témoins des secteurs aérien, ferroviaire et maritime. Je suis satisfait du travail et de la collaboration du comité, car cela a permis d’adopter neuf amendements ayant pour but de maintenir un ensemble de mesures justes et équilibrées.
De plus, je suis ravi d’être votre premier témoin aujourd’hui, alors que votre comité entreprend son important travail de second examen objectif dans le cadre de l’évaluation de ce projet de loi.
[Traduction]
Nulle part le besoin d’équilibre n’est plus critique que pour faire face aux demandes et aux pressions concurrentes dans le secteur du transport ferroviaire. Le projet de loi C-49 inclut plusieurs mesures pour renforcer les services de transport ferroviaire des marchandises. Les expéditeurs expriment clairement et depuis de nombreuses années ce dont le réseau de transport ferroviaire des marchandises a besoin : plus de précisions sur ce que signifie un service ferroviaire « adéquat et convenable », des recours plus accessibles et rapides en ce qui concerne les tarifs et le service de l’Office des transports du Canada, la capacité d’appliquer des sanctions réciproques dans les ententes sur le niveau de services, des solutions de rechange concurrentielles pour les expéditeurs captifs au Canada, le maintien du revenu admissible maximal pour le mouvement du grain et, finalement, des renseignements accessibles pour soutenir les négociations commerciales et la transparence.
Le projet de loi C-49 répond directement à toutes ces préoccupations. Comme l’ont reconnu un grand nombre d’expéditeurs et de producteurs, le projet de loi C-49 offre des solutions à long terme à des problèmes récurrents. Si nous avions dit aux intervenants, il y a un an, qu’ils auraient accès à toutes les mesures que propose le projet de loi C-49, ils auraient été ravis. C’est la même impression que bon nombre ont eue quand le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes. Par exemple, l’Alberta Wheat Commission a décrit le projet de loi de la façon suivante :
[...] une mesure législative historique qui prépare le terrain pour des solutions permanentes à long terme aux problèmes de transport ferroviaire que les agriculteurs canadiens éprouvent depuis des décennies.
Bien que les expéditeurs appuient fortement le projet de loi, nous nous attendons bien à ce que certains proposent d’autres modifications dans cette Chambre. Je suis parfaitement conscient que c’est leur droit et que certains voudront que leurs besoins précis soient abordés. Toutefois, je dois insister sur le fait que ce projet de loi a été rédigé très soigneusement, et ces types de changements propres au secteur risquent de perturber l’équilibre délicat qui a été établi.
[Français]
Comme je l’ai mentionné précédemment, le projet de loi C-49 prévoit d’importantes mesures qui permettront d’améliorer la sécurité du transport ferroviaire au Canada. Je parle des enregistreurs audio-vidéo de locomotive, connus aussi sous le sigle anglais LVVR (Locomotive Voice and Video Recorders). J’ai pris bien note des échanges qui se sont tenus à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat. Je suis heureux de discuter avec vous aujourd’hui des avantages en matière de sécurité et de protection de la vie privée contenus dans cette mesure.
Au cours des dernières années, plus de 30 personnes ont perdu la vie et 200 ont été blessées, en Amérique du Nord, en raison du déraillement de trains de marchandises et de trains de passagers pour lesquels les enquêtes n’ont pas permis de conclure que des facteurs humains étaient en cause. Si des enregistreurs audio-vidéo avaient été installés à bord des locomotives de ces trains, l’information recueillie aurait pu aider à déterminer si des facteurs humains étaient en cause. Qui plus est, les enregistreurs audio-vidéo de locomotive auraient fourni des renseignements menant à des mesures pour prévenir des accidents et des décès. Les mesures que contient le projet de loi C-49 nous aideront à mieux comprendre le rôle des facteurs humains. Elles permettront de mettre en place les outils nécessaires pour analyser les comportements et les actions qui mènent à un accident ferroviaire et développer des mesures de prévention. Ce projet de loi protégera la vie des employés du secteur ferroviaire et des Canadiens. Il améliorera la sécurité de nos chemins de fer, ce qui est ma priorité absolue en tant que ministre des Transports.
L’utilisation des enregistreurs audio-vidéo de locomotive amène sans doute certaines complications en matière de protection de la vie privée. C’est pourquoi les dispositions législatives que vous avez devant vous limitent rigoureusement l’utilisation et la communication de l’information recueillie. J’ai récemment écrit aux compagnies de chemin de fer et leur ai décrit clairement ce qui est stipulé dans le projet de loi de même que mes attentes concernant la protection de la vie privée. Des copies de ces lettres ont été déjà envoyées aux sénateurs, et j’en déposerai aussi aujourd’hui devant le comité aux fins de ses délibérations.
Le projet de loi C-49 permet d’améliorer la sécurité tout en protégeant les droits relatifs aux renseignements personnels. Il ne s’agit pas de surveiller le rendement quotidien des employés ni de faciliter la mise en place de mesures disciplinaires. Le projet de loi s’appliquera plutôt de concert avec les dispositions existantes dans le but de protéger la vie privée des employés. Les règlements adoptés subséquemment permettront de renforcer et de compléter ces mesures de protection.
Le régime proposé concernant les enregistreurs permettra également à Transports Canada d’exercer une surveillance et de prendre des mesures contre les compagnies qui font un mauvais usage des données obtenues par l’entremise de ces enregistreurs. Après plusieurs années d’étude, l’heure est venue d’agir et d’exiger l’installation d’enregistreurs audio-vidéo à bord des locomotives. Le National Transportation Safety Board américain et le Bureau de la sécurité des transports du Canada ont reconnu cette nécessité depuis 2012. C’est pourquoi nous devons agir maintenant pour protéger les vies et améliorer la sécurité de notre réseau ferroviaire. Nous croyons que c’est ce que fera notre projet de loi.
[Traduction]
Parlons maintenant des dispositions du projet de loi C-49 touchant le transport aérien.
Des événements récents survenus un peu partout dans le monde ont montré que le Canada a besoin d’un régime efficace de droits des passagers aériens. L’Union européenne a adopté un règlement sur les droits des passagers en 2004, et les États-Unis ont mis en œuvre intégralement une série de règles sur les droits des passagers qui ont été proposées en 2009 et en 2011. Le Canada ne peut plus s’en tenir au statu quo. Je crois que nous devons agir immédiatement afin de devenir des chefs de file mondiaux en ce qui concerne les droits des passagers aériens.
Le projet de loi C-49 établit le cadre pour la mise en œuvre d’une nouvelle approche à l’égard des droits des passagers aériens, laquelle sera enchâssée dans la réglementation. La législation définit les situations où les obligations d’un transporteur aérien envers les passagers seront règlementées, particulièrement en ce qui concerne les refus d’embarquement, y compris les surréservations, les retards et les annulations dont le transporteur est responsable ou qui sont hors de son contrôle, les retards dans l’aire de trafic, les bagages perdus ou endommagés, l’attribution des sièges aux enfants et aux parents et le transport d’instruments musicaux. La loi et les règlements créeraient ensemble un solide régime des droits des passagers aériens pour tout voyageur à bord d’un vol à destination ou en provenance du Canada ou à l’intérieur du pays.
Le processus de réglementation serait dirigé par l’Office des transports du Canada, avec le soutien de Transports Canada, et il garantirait que les Canadiens et les intervenants de l’industrie aient voix au chapitre au moyen de consultations. Le fait d’avoir recours à un règlement pour les droits des passagers aériens nous assurerait une plus grande souplesse pour apporter des ajustements si de nouveaux problèmes émergeaient tout en ayant force de loi. Le nouveau régime serait exécutoire et décrirait clairement les normes de traitement et les indemnisations qui doivent être offertes aux voyageurs lorsqu’une infraction se produit. Les Canadiens comprendront mieux ce que sont leurs droits dans de telles situations et les transporteurs aériens sauront avec précision quelles obligations ils doivent assumer.
Le projet de loi C-49 propose aussi de libéraliser les restrictions de propriété internationale de 25 à 49 p. 100 des intérêts pour les transporteurs aériens canadiens, avec les garanties connexes. Cela permettra aux transporteurs aériens canadiens d’avoir accès à plus d’investissements en matière d’immobilisation. Les Canadiens, quant à eux, auront accès à de nouvelles options de voyage, dont des transporteurs à bas prix.
Les voyageurs canadiens pourront également tirer profit des coentreprises, lesquelles permettent aux transporteurs aériens de collaborer sur plusieurs aspects des opérations pour les itinéraires entre des régions géographiques données. Ces coentreprises deviennent plus répandues partout dans le monde.
Actuellement, au Canada, une coentreprise peut faire l’objet d’un examen par le commissaire à la concurrence à tout moment après sa mise en œuvre afin de déterminer s’il y a un effet nocif sur la concurrence en vertu de la Loi sur la concurrence. Vous comprendrez que cette approche crée une incertitude importante pour les transporteurs aériens, qui a eu pour effet de décourager les parties prenantes d’entreprendre des coentreprises au Canada.
Le projet de loi C-49 établirait un processus d’évaluation transparent et prévisible, lequel tiendrait compte à la fois de la concurrence et de l’intérêt public. Dans le cadre de ce nouveau processus, le ministre des Transports serait responsable de la décision finale. Le commissaire de la concurrence continuerait d’être consulté au sujet d’une coentreprise proposée, pour faire en sorte que l’évaluation de la concurrence continue d’être un élément essentiel de toute décision finale.
Les avantages escomptés de cette approche comprennent une augmentation potentielle du tourisme, un plus grand nombre d’options de vols et la création de nouveaux emplois pour les Canadiens. Par ailleurs, les voyageurs canadiens auraient accès à un plus grand nombre de vols et de destinations, ce qui augmenterait leur capacité de voyager à l’étranger.
Le transport aérien fait partie intégrante du réseau de transport et contribue de façon importante à l’économie canadienne. Les aéroports recherchent constamment des moyens d’améliorer et de simplifier le service aux passagers. Pour atteindre cet objectif, le projet de loi C-49 prévoit des changements à la Loi sur l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l’ACSTA, qui établiront un mécanisme de recouvrement des coûts offrant plus de souplesse aux aéroports afin qu’ils puissent améliorer leurs opérations. Une fois ces mécanismes en place, les aéroports pourraient conclure des accords de recouvrement des coûts avec l’ACSTA pour des services de contrôle nouveaux ou supplémentaires qui assureraient la sûreté du transport aérien.
Enfin, les modifications proposées à la Loi sur le cabotage permettraient aux navires de toutes immatriculations de repositionner des conteneurs vides qu’ils possèdent ou louent dans les divers ports du Canada sans obtenir une licence de cabotage. Ces modifications permettraient de combler le manque actuel de conteneurs disponibles aux fins de l’exportation et aideraient à alléger certaines des contraintes du réseau de surface, puisque les conteneurs sont actuellement déplacés par train ou par camion au Canada. Ces modifications devraient améliorer l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement du Canada et accroître les bénéfices à la fois des entreprises canadiennes et des consommateurs.
[Français]
Permettez-moi de conclure en réitérant que les propositions contenues dans le projet de loi C-49 établissent une approche équilibrée et juste pour soutenir l’efficacité et les investissements à long terme de notre réseau de transport. Nous avons besoin d’un réseau qui répond aux exigences de l’économie d’aujourd’hui et de demain afin de transporter les voyageurs et les marchandises au Canada avec efficacité et en toute sécurité. L’adoption de ce projet de loi le plus tôt possible représenterait une étape critique dans la réalisation des améliorations tangibles à notre réseau de transport national lesquelles profiteront aux Canadiens au cours des décennies à venir.
J’attends avec intérêt de répondre à vos questions. Je suis conscient que, à la suite des témoignages d’autres témoins, il se peut que vous ayez des questions complémentaires. Si c’est le cas, je vous offre de témoigner de nouveau préalablement à l’étude article par article afin de vous faire part de commentaires supplémentaires, si vous le souhaitez. Je vous remercie et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Nous vous remercions de votre offre, monsieur le ministre. La liste des intervenants est longue, alors nous allons commencer.
Le sénateur Plett : Je ne vais même pas demander s’il y aura une deuxième série de questions. Je vais tenter de poser toutes mes questions rapidement.
Monsieur le ministre, nous vous remercions de votre présence. Je suis certain que vous savez sur quoi porteront mes questions. Elles visent le transport des grains et, de façon particulière, l’interconnexion.
La formulation actuelle du paragraphe 129(1) proposé a trait à l’accès de l’expéditeur à la compagnie de chemin de fer concurrente la plus proche, mais cela a peu de valeur — sinon aucune — si l’interconnexion la plus proche va dans le sens contraire de la destination finale du chargement, si le lieu de correspondance le plus proche n’a pas la capacité nécessaire pour prendre le chargement en raison de sa taille ou si les voies ferrées de la compagnie de chemin de fer concurrente la plus proche ne se rendent pas à la destination finale du chargement.
À l’alinéa 129(3)a) proposé, le projet de loi C-49 énonce que l’expéditeur ne peut demander un arrêté d’interconnexion de longue distance si la compagnie de chemin de fer concurrente se trouve dans un rayon de 30 kilomètres. Il s’avère très coûteux d’envoyer le chargement dans le mauvais sens, ce qui rend l’interconnexion inutile dans ce cas.
Vous avez dit dans vos commentaires qu’il y aurait probablement des gens qui appuieraient le projet de loi et vous avez reconnu qu’ils voudraient peut-être y apporter des modifications. Je sais qu’on a soulevé ces préoccupations auprès de votre ministère et qu’on a proposé d’ajouter les mots suivants :
[…] dans la direction la plus judicieuse de l’origine à la destination […]
… aux deux dispositions. On utilise déjà ce libellé à d’autres fins dans le projet de loi, à l’article 136.1, et on pourrait facilement l’utiliser ici.
Monsieur le ministre, accepteriez-vous une telle modification? Dans la négative, quelle serait votre explication?
M. Garneau : Si je reviens à mon discours, l’une des choses que j’ai dites, c’est que le projet de loi avait été rédigé de manière juste et équilibrée. Nous avons pris de nombreuses mesures relatives aux demandes des expéditeurs, que j’ai énumérées pendant mon discours.
En ce qui a trait à l’interconnexion de longue distance, on demande depuis longtemps d’aborder la question des expéditeurs captifs. Dans certains cas, ce sont des producteurs de grains, mais dans de nombreux cas, ils expédient d’autres produits qui sont parfois situés dans des régions éloignées du pays, mais qui contribuent de manière importante à notre économie, que ce soit dans le secteur forestier ou dans le secteur minier. Lorsque je parle des expéditeurs captifs, je fais référence aux expéditeurs qui ne peuvent utiliser qu’une seule ligne.
On jugeait qu’il était absolument essentiel de réévaluer le concept de l’interconnexion afin de permettre une plus grande concurrence pour ces expéditeurs captifs. Comme je l’ai dit plus tôt, cela comprend les producteurs de grains. Voilà pourquoi les mesures relatives à l’interconnexion de longue distance visent 1 200 kilomètres et s’appliquent dans toutes les provinces et à tous les produits. C’est 1 200 kilomètres ou 50 p. 100 du trajet total, selon le plus élevé des deux.
Nous croyons que, au fil du temps, lorsqu’elles seront utilisées, ces mesures seront avantageuses pour la grande majorité des expéditeurs de divers produits au pays. C’est ce qui nous a motivés à créer le concept de l’interconnexion de longue distance.
Le sénateur Plett : Vous dites « la grande majorité » alors que, en apportant une petite modification, on pourrait probablement inclure la totalité des expéditeurs.
J’étais le fier parrain du projet de loi C-30, la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain de notre gouvernement. Vous aviez convenu qu’il s’agissait d’un bon projet de loi à l’époque et vous en avez élargi la portée.
Si les dispositions relatives à l’interconnexion sont si urgentes — et vous nous avez parlé, à moi et à d’autres, de cette urgence, surtout pour les producteurs de grains —, pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas apporté ces modifications par l’entremise d’un règlement? Pourquoi les intègre-t-il à un projet de loi omnibus qui comprend de nombreuses autres dispositions controversées? Si la mesure législative visait uniquement l’interconnexion, le Sénat aurait pu facilement l’étudier et l’adopter rapidement, mais il serait absurde de présumer que nous pourrions passer à travers un projet de loi qui vise à modifier 13 lois du Parlement en quelques jours seulement, comme l’a fait valoir le sénateur Mercer.
Monsieur le ministre, pour quelle raison avez-vous compromis l’adoption en temps opportun de ces importantes dispositions sur l’interconnexion en les intégrant à un projet de loi omnibus? Pourquoi n’avez-vous pas présenté un projet de loi distinct pour les producteurs de grains ou n’avez-vous tout simplement pas élargi la portée du projet de loi C-30 de sorte que nous puissions étudier la question de manière opportune sans nuire à la capacité de nos agriculteurs d’expédier leurs produits?
M. Garneau : Vous abordez deux sujets. Le projet de loi C-30, la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, s’est toujours voulu un projet de loi intérimaire. Il a été présenté pour répondre à la situation qui régnait lors du fameux hiver 2013-2014. Il se voulait un projet de loi temporaire et comptait plusieurs mesures, mais malheureusement, le gouvernement précédent ne visait pas une solution à long terme. Notre gouvernement a décidé qu’il était temps de trouver une solution à long terme qui permettrait de régler des problèmes qui durent depuis des décennies. Encore une fois, malheureusement, le gouvernement précédent n’avait pas fait ce travail. Nous avons décidé de le faire, à la suite de nombreuses consultations.
Quant au caractère omnibus du projet de loi, il convient de souligner que 90 p. 100 des modifications proposées dans ce projet de loi sont liés à une seule loi, la Loi sur les transports au Canada. Certes, c’est une loi majeure, mais 90 p. 100 de ce qu’on retrouve ici se rapporte à cette loi, et cela entraînera des modifications corrélatives à diverses autres lois.
Comme vous le savez, j’ai publié mon document d’orientation pour l’ensemble du secteur des transports, Transports 2030. Mon mandat porte sur un large éventail d’enjeux liés aux transports. En outre, comme vous le savez, M. David Emerson a procédé à un examen de la Loi sur les transports au Canada. En collaboration avec quatre autres personnes, il a travaillé avec acharnement et a présenté 60 recommandations, dont certaines seront mises en œuvre. Outre les quatre autres projets de loi que je parraine et dont vous serez saisis l’an prochain, il reste beaucoup de travail à faire dans le secteur des transports.
Toutefois, encore une fois, on parle ici de satisfaire aux exigences immédiates et 90 p. 100 des modifications sont liés à une seule loi. Il n’est pas logique de diviser cela dans une série de mesures législatives distinctes, car nous ne parviendrions jamais à accomplir tous les objectifs que nous nous sommes fixés. Comme je l’ai indiqué, 90 p. 100 des changements sont liés à la Loi sur les transports au Canada. Voilà pourquoi nous avons décidé de regrouper cela dans une seule mesure législative.
Nous espérons qu’elle entrera en vigueur rapidement, après l’examen et la décision du Sénat. Cela permettrait d’adopter des mesures que les producteurs et les expéditeurs de grain attendent avec impatience, d’après ce que je sais, afin de combler les lacunes découlant de l’expiration des dispositions du projet de loi C-30, le 1er août.
Le sénateur Plett : Seriez-vous favorable à l’amendement que j’ai proposé?
M. Garneau : Je n’y serais pas favorable, car nous avons mis en place des mesures qui régleront le problème pour des décennies à venir, à mon avis. La grande priorité est d’adopter ce nouveau projet de loi et cette nouvelle mesure législative le plus tôt possible.
La sénatrice Bovey : Merci d’être ici, monsieur le ministre. Si vous le permettez, j’aimerais maintenant parler des caméras vidéo.
M. Garneau : D’accord.
La sénatrice Bovey : Je suis très heureuse que vous reconnaissiez l’équilibre nécessaire entre la sécurité et la protection de la vie privée. Je suis certaine que les questions de sécurité préoccupent tout le monde, surtout à la lumière de certains incidents qui se sont produits ces dernières années.
Je sais que les transporteurs ferroviaires du Royaume-Uni ont installé des enregistreurs audio-vidéo dans les locomotives et ce qui me préoccupe, à cet égard, ce sont les questions de protection de la vie privée. Puisque vous parlez de l’équilibre omniprésent entre la sécurité et la protection de la vie privée dans l’ensemble du projet de loi, je me demande, monsieur le ministre, si vous seriez favorable à un amendement visant réellement à renforcer cet équilibre et à rendre encore plus clair, dans la mesure législative, que seul le Bureau de la sécurité des transports est autorisé à utiliser les enregistrements des caméras vidéo.
M. Garneau : Je serai heureux de répondre à cette question, mais je tiens à préciser que le projet de loi C-49 indique clairement qu’au terme de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, les données des EAVL sont des renseignements protégés. Cela signifie qu’en vertu de la loi, ces renseignements ne peuvent être communiqués ou utilisés à des fins autres que celles autorisées par la loi, notamment les enquêtes sur les accidents menées par le BST. Le projet de loi C-49 interdit expressément l’utilisation des données à des fins disciplinaires, sauf pour traiter un risque pour la sécurité ferroviaire. En ce qui concerne la protection de la vie privée, nous mettrons en place des mesures très rigoureuses pour veiller au respect de la vie privée des employés. Je peux vous en parler davantage si vous le souhaitez.
Je tiens toutefois à apporter une précision, parce que je tiens à m’assurer que le contexte dans lequel nous mettons en œuvre cette mesure législative est pleinement compris. Comme vous le savez, le Bureau de la sécurité des transports réclame depuis 2003 l’installation d’enregistreurs audio-vidéo à bord des locomotives. Pourquoi? Parce que le BST estime qu’il est primordial d’assurer la sécurité de notre réseau ferroviaire, qu’il s’agisse de transport de passagers ou de marchandises.
Vous m’avez probablement entendu répéter 1 000 fois que la sécurité ferroviaire est ma priorité absolue. Je profite certainement de toutes les occasions de le dire à la Chambre des communes. En 2016, 1 035 accidents ferroviaires ont été signalés au BST. On parle de 2016 seulement. Vous n’en entendez peut-être pas parler, mais j’en entends parler tous les jours par l’intermédiaire du Centre d’intervention, le centre de contrôle, auquel sont signalés tous les incidents qui se produisent. Beaucoup de ces incidents se produisent dans les gares de triage; ce sont des incidents d’ordre mineur, en ce sens qu’ils n’entraînent aucune perte de vie ni aucun dommage matériel, même si cela peut se produire aussi. Il s’agit toutefois d’un nombre très élevé. J’estime que le système ferroviaire du pays n’est pas assez sécuritaire.
Ma motivation n’est pas seulement liée à ce qui s’est produit à Lac-Mégantic ou ailleurs, comme à Gogama. Quelque 32 p. 100 des accidents ou des incidents ferroviaires survenus en 2016 étaient liés à des trains de marchandises, et près de 6 p. 100 mettaient en cause des trains de passagers. En 2016, il y a eu cinq collisions sur des voies principales — beaucoup trop, à mon avis — et 63 déraillements sur des voies principales. On compte malheureusement beaucoup de déraillements au pays et les conséquences sont parfois très graves. En 2016, il y a eu 10 déraillements sur des voies principales impliquant des marchandises dangereuses. Comme vous le savez, sénatrice, il se transporte beaucoup de marchandises dangereuses au pays. Cela fait partie de notre économie. Les facteurs liés à la prise de décision — l’euphémisme qu’emploie le BST pour désigner les facteurs humains — représentaient 30 p. 100 des facteurs assignés en 2016, comparativement à la moyenne quinquennale de 19 p. 100. Ce sont les données du BST.
Le BST a inscrit l’installation des EAVL à bord des trains sur sa liste de surveillance. Je ne sais pas si vous savez de quoi il s’agit. Le BST établit une liste, appelée liste de surveillance, où figurent ses 10 principales préoccupations en matière de sécurité. Nous avons tous un profond respect pour le remarquable professionnalisme et le travail de cet organisme. Il convient donc de le prendre au sérieux. Le BST a fait cette demande en 2003. Enfin, en 2014, le BST a inscrit cela sur sa liste de surveillance en indiquant que nous devions agir. C’est ce que nous avons fait.
Cela dit, nous sommes conscients que deux facteurs doivent être au centre de nos préoccupations. Le premier est de veiller à la protection de la vie privée. Le deuxième est de veiller à ce que les enregistrements audio-vidéo ne puissent être utilisés à des fins disciplinaires lorsqu’ils seront examinés. Je parle des cas où le BST décidera de ne pas enquêter; 97 p. 100 des incidents et des accidents qui lui sont signalés ne font pas l’objet d’une enquête du BST, mais les enregistrements doivent tout de même être examinés.
Je pense que nous avons réussi à tenir compte de ces deux préoccupations dans l’élaboration du projet de loi et de la réglementation à venir.
La sénatrice Bovey : Puis-je poser une petite question complémentaire?
Le président : C’était une longue...
M. Garneau : Eh bien, j’ai présenté le contexte. C’est ma faute; je suis désolé d’avoir parlé si longtemps.
Le président : Je ne blâme personne. C’est un enjeu complexe, comme nous le savons tous. Allez-y, sénatrice Bovey.
La sénatrice Bovey : A-t-on déjà une ébauche des règlements?
M. Garneau : Non; nous devons d’abord adopter ce projet de loi. Deuxièmement, nous avons déjà déterminé la forme qu’ils prendront.
Permettez-moi d’apporter une autre précision au sujet de la réglementation : c’est différent d’une mesure législative. Lorsque nous adoptons un projet de loi et qu’il reçoit la sanction royale, il devient loi. La réglementation a autant de poids juridique, mais présente un avantage supplémentaire. Elle doit en effet passer par le processus de publication dans la partie I de la Gazette du Canada. Cette étape offre une importante occasion de présenter des observations sur les projets de règlements avant qu’ils ne deviennent des règlements officiels publiés dans la partie II de la Gazette du Canada. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’un avantage supplémentaire, car cela vous donne la possibilité d’exprimer vos préoccupations, le cas échéant, après consultation des règlements proposés.
Le président : Nous espérons que les délibérations du comité serviront à établir la réglementation connexe à ce projet de loi.
[Français]
Le sénateur Dawson : Premièrement, j’aimerais vous souhaiter la bienvenue. Je vois que vous êtes bien accompagné. Sous l’ancien président de ce comité, les débats n’attiraient pas autant de spectateurs. Je dois féliciter le nouveau président d’avoir accueilli une telle assistance.
D’abord, la notion d’urgence m’interpelle. On dit que le projet de loi doit être adopté avant Noël, qu’il doit entrer en vigueur avant l’hiver. Mauvaise nouvelle : le projet de loi C-49 ne sera pas votre cadeau de Noël cette année. On devra prévoir une autre date butoir. Quelles sont les échéances les plus importantes? Je peux vous en donner une. Par exemple, sous l’ancien gouvernement, il y a eu cinq ministres des Transports en huit ans, pour une moyenne d’un an et demi par ministre. Vous avez donc déjà dépassé votre temps.
Je pense qu’il est important qu’on adopte le projet de loi. J’ai prononcé un discours à la Chambre sur l’importance du projet de loi, et je suis plus qu’heureux de voir que des témoins comparaîtront et que nous pourrons leur poser toutes nos questions. La réalité est que cette mesure est plus que due. Ce sont des objectifs que les gouvernements antérieurs ont visés. Mme Borges et M. Langlois sont ici depuis au moins 10 ans.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk, le sénateur Mercer et moi siégeons à ce comité depuis assez longtemps pour le savoir. Nous avons vu cinq, six ou sept ministres au cours des dix dernières années. Je pense que c’est urgent. Où en sommes-nous? Puisque nous ne sommes pas encore à Noël ni à l’hiver... Je souhaite que nous entendions le plus grand nombre de témoins possible. Quel serait un délai raisonnable pour l’adoption de ce projet de loi?
M. Garneau : La seule réponse que je puisse vous donner est la suivante : le plus tôt possible après que vous aurez fait votre travail. Il va sans dire que de nombreux intervenants du milieu l’attendent avec impatience. Certains vous diront qu’ils aimeraient qu’il soit adopté immédiatement. Vous devez faire votre travail, mais il faut aussi tenir compte des producteurs et des expéditeurs de grain. Il se trouve que le secteur du grain connaît une excellente année. Les données de Statistique Canada indiquent que les résultats sont meilleurs que l’an dernier, qui était déjà une très bonne année. Les gens attendent avec impatience la mise en œuvre des nouvelles règles. Je parle de choses comme les pénalités réciproques et la définition d’un « service adéquat et convenable », entre autres, et de la transparence accrue que favorisera ce projet de loi. Il y a une multitude de choses.
Je dirais même qu’en raison des dispositions visant le maintien du RAM, mais avec des assouplissements, les compagnies de chemin de fer songent à investir dans le matériel roulant. C’est une excellente nouvelle, car cela pourrait représenter des emplois pour les membres des Métallurgistes unis du pays.
Quant à la déclaration des droits des passagers, beaucoup de Canadiens espèrent qu’elle sera mise en œuvre le plus tôt possible. L’OTC devra évidemment faire son travail si ce projet de loi obtient la sanction royale. Les gens espèrent que ce soit fait le plus tôt possible.
Maintenant que le plafond pour les investissements étrangers est établi à 49 p. 100, des entreprises en démarrage pourraient décider de lancer un transporteur à très faible coût sur le marché canadien, et ce, dès l’entrée en vigueur de la loi. Ceux qui prônent l’amélioration de la sécurité de nos réseaux ferroviaires — j’en suis — aimeraient que les dispositions sur les EAVL soient mises en œuvre. Certains aéroports voudront se prévaloir des mesures offertes relativement à l’ajout d’installations de l’ACSTA afin de réduire les temps d’attente dans les aéroports.
Je dirais que beaucoup d’intervenants espèrent que cela sera adopté le plus tôt possible, lorsque vous aurez fait votre travail.
Le sénateur Dawson : À l’instar du sénateur Tkachuk, j’ai aussi fait l’objet de pressions plus que jamais auparavant. En tant qu’ancien lobbyiste, je sais de quoi il en retourne.
J’ai une question technique qui a fait l’objet de discussions lors d’une séance d’information à laquelle j’ai participé. Cela concerne un accident qui a eu lieu à Burlington pour lequel les EAVL ont été utiles. Pouvez-vous nous parler de cet accident? Pourquoi le BST considère-t-il qu’il est important d’avoir des EAVL?
M. Garneau : C’était un accident malheureux mettant en cause un train de VIA Rail. Ce train a déraillé pour des raisons qui nous sont inconnues. Il allait à une certaine vitesse et il a déraillé. Les trois employés de VIA Rail qui étaient à bord de la locomotive sont décédés et 45 personnes ont été blessées. Il y a eu un déversement de carburant, entre autres choses. Nous considérons qu’il s’agit d’un exemple probant d’un cas où nous aurions pu connaître les circonstances exactes de l’accident si la locomotive avait été dotée d’un enregistreur audio-vidéo. Il y avait trois personnes à bord de la locomotive, mais ils ont tout de même fait fi de la signalisation, avec des conséquences tragiques.
C’est un exemple. Dans mon exposé, j’ai mentionné plusieurs autres accidents avec décès dont nous n’avons pu établir la cause. Le BST n’y est pas parvenu. Avoir un EAVL à bord ne nous aurait pas seulement permis de comprendre ce qui s’est produit; cela nous aurait peut-être aidés à prendre des mesures visant à minimiser le risque que des incidents semblables se reproduisent.
Le sénateur MacDonald : Monsieur le ministre, je vous remercie d’être ici aujourd’hui. J’aimerais revenir à la question sur les EAVL. Je crois avoir clairement indiqué ces dernières semaines l’importance que j’accorde à la protection de la vie privée dans ce débat. L’installation d’enregistreur audio-vidéo dans la cabine des locomotives est quelque chose de totalement nouveau au Canada. Nous voyageons tous beaucoup. C’est certainement mon cas; je prends souvent l’avion. Pourquoi serait-il nécessaire d’installer des appareils d’enregistrement vidéo dans la cabine d’une locomotive et non dans le poste de pilotage d’un avion?
M. Garneau : Dans le monde du travail, les caméras vidéo sont utilisées de plus en plus. Par exemple, si vous êtes caissier dans une banque, vous êtes sous surveillance en tout temps. Je pourrais vous donner beaucoup d’autres exemples. Les enregistreurs vidéo peuvent aider à comprendre la cause d’un accident, d’un incident ou d’un événement.
Les appareils des sociétés de transport aérien de passagers sont équipés d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, mais n’ont pas de caméra vidéo. Cela dit, vous devez comprendre deux choses. Premièrement, les exigences applicables aux transporteurs aériens de passagers en ce qui concerne les incidents et les enregistreurs de conversations de poste de pilotage relèvent de l’OACI, l’Organisation de l’aviation civile internationale. En passant, l’Organisation maritime internationale a des exigences semblables pour les passerelles de navigation des navires.
En quoi est-ce différent? La différence est très importante. Le transporteur aérien de passagers qui effectue des vols transocéaniques ou des vols dans l’espace aérien canadien est sous la surveillance constante du système de contrôle aérien. Donc, les contrôleurs aériens savent où vous êtes en tout temps et vous donnent des directives. Cela n’existe pas dans le domaine du transport ferroviaire. Les données du contrôle aérien et de l’enregistreur de conversations sont deux éléments importants qui permettent la reconstitution des incidents. Dans le cas des accidents d’avion, la question des informations incomplètes ne s’est jamais posée.
Malheureusement, dans le cas des trains, le portrait est beaucoup moins complet, alors qu’il est important d’avoir un portrait complet. Voilà pourquoi le BST et le NTSB des États-Unis ont recommandé l’installation d’enregistreurs audio-vidéo.
Le sénateur MacDonald : Monsieur le ministre, je dirais respectueusement que vous n’avez pas vraiment répondu à la question. Il est certes important de connaître en tout temps la position d’un avion, mais cela n’assure pas nécessairement une plus grande sécurité pendant le vol ou dans le poste de pilotage.
Encore une fois, vous avez mentionné dans votre exposé qu’il y a sans aucun doute des implications en matière de protection de la vie privée dans l’utilisation des enregistreurs audio-vidéo de locomotive. Plus tard, vous avez indiqué que cela s’appliquera de concert avec les dispositions existantes sur la protection des renseignements personnels afin de protéger la vie privée des employés. Puis, vous avez indiqué que le régime proposé concernant les enregistreurs permettra également à Transports Canada d’exercer une surveillance et de prendre des mesures d’application de la loi contre les compagnies qui font un mauvais usage des données obtenues grâce aux EAVL. Il semble, même dans votre exposé, que vous anticipiez que ces données puissent être utilisées à mauvais escient et que cela puisse s’appliquer aux travailleurs manuels. J’ai de la difficulté à croire qu’on protège la vie privée des gens en les filmant constamment. Je crois que la seule façon de protéger la vie privée est de la respecter.
Je reviens à la question : si un enregistreur vocal de poste de pilotage est adéquat dans un avion, avec une boîte noire, pourquoi la même technologie ne serait-elle pas adéquate dans la cabine d’une locomotive?
M. Garneau : Nous avons besoin d’avoir le tableau complet de la situation. Je vais laisser le soin à ma sous-ministre déléguée de répondre à cette question, mais pour le moment, nous n’avons pas le tableau complet. Lorsque nous discutons d’un train d’une longueur de 10 000 pieds qui transporte des matières dangereuses, il est important d’avoir le tableau complet de la situation. C’est la raison pour laquelle le Bureau de la sécurité des transports a recommandé que nous devions avoir des EAVL dans nos trains.
En ce qui concerne la protection des données, comme vous le savez, les données ne sont pas divulguées en dehors du train. Elles demeurent dans la boîte noire dans le train. Ce sont également des données chiffrées qui peuvent seulement être utilisées dans des conditions prescrites très précises : que ce soit un incident ou un accident et que le BST décide d’enquêter ou pas, on lui a signalé l’incident, et il y a des conditions très prescrites en vertu desquelles les données seront examinées.
Vous tenez à ce que nous soyons le plus en sécurité possible dans notre réseau ferroviaire.
Le sénateur MacDonald : Bien entendu.
M. Garneau : Je veux certainement être le plus en sécurité possible. Mais je suis satisfait à 100 p. 100.
Pourquoi menaçons-nous d’imposer une amende de 250 $? Nous voulons envoyer un message clair. Ce n’est pas parce que nous avons peur que cette situation se produira. C’est parce que nous communiquons un message clair à tous ceux qui songent à utiliser les données à mauvais escient.
Une autre raison est que pour améliorer notre système de gestion de la sécurité, nous devons autoriser que des segments aléatoires soient examinés. Le terme important ici est « aléatoire ». Le segment n’est pas choisi par la compagnie de chemin de fer. C’est véritablement un processus aléatoire pour que personne ne puisse être ciblé. Deuxièmement, nous avons un mécanisme pour surveiller de façon exhaustive cet aspect de la protection des renseignements personnels et le respect de la non-utilisation à des fins disciplinaires.
Je vais céder la parole à ma sous-ministre déléguée, qui pourra vous en dire plus.
Helena Borges, sous-ministre déléguée, Transports Canada : Je vais fournir plus d’explications sur le secteur aérien. En plus de ce que le ministre a mentionné, il y a une boîte noire et un contrôle de la circulation aérienne qui guide le pilote partout où il va. Nous avons besoin d’enregistreurs vocaux dans le poste de pilotage par l’entremise d’un projet de loi complémentaire à la Loi sur la sécurité ferroviaire qui s’intitule la Loi sur l’aéronautique et des règlements connexes. En fait, le régime que nous avons dans le secteur aérien ne prévoit pas les mesures de protection que le ministre vient de décrire, qui sont les amendements qui sont proposés en vertu du projet de loi C-49 et qui seraient prévus dans la Loi sur la sécurité ferroviaire.
À l’heure actuelle, une entreprise visée par la Loi sur l’aéronautique n’est assujettie à aucune restriction quant à la façon dont elle utilise ces données. Les différentes entreprises de transport aérien utilisent principalement ces données pour mener des enquêtes postérieures à un accident, mais des entreprises de plus petite taille les utilisent sur une base volontaire pour de la formation sur les moyens d’éviter les accidents aériens, l’entretien préventif et ce genre de choses.
Je signalerais également que ce sera mis en place dans un aéronef près de vous. L’Organisation de l’aviation civile internationale envisage maintenant d’imposer l’installation d’enregistreurs vidéo dans les postes de pilotage d’ici 2030. Les discussions ont déjà été entamées à l’OACI, et les pays membres de l’organisation examinent en ce moment comment ils rendront ces appareils obligatoires d’ici 2023.
C’est la même situation dans le secteur maritime. Les enregistreurs audio et vidéo sont exigés par la loi au Canada, qui se fonde sur la convention internationale de l’Organisation maritime internationale. Là encore, il n’y a aucune mesure de protection prévue dans la loi concernant la façon dont les données doivent être protégées. Or, les données ne sont pas utilisées à mauvais escient. Les gens les utilisent pour l’entretien et pour les mesures d’évitement des accidents. Ils les utilisent à des fins de formation.
Nous n’avons ménagé aucun effort dans ce projet de loi pour nous assurer que des mesures de protection sont en place pour établir comment on peut accéder aux données et les utiliser, comment elles doivent être chiffrées et quelles fonctions seront installées dans la locomotive pour que personne ne puisse avoir accès aux données de manière frivole. Nous estimons que c’est un régime très robuste, beaucoup plus robuste que ce qui existe à l’heure actuelle dans les secteurs aérien et maritime.
Le sénateur Mercer : Merci d’être ici. J’ai plusieurs problèmes avec ce projet de loi. Je m’inquiète au sujet des mesures qui ne sont pas prévues dans le projet de loi, et surtout au sujet de celles qui sont dans le projet de loi, dont la déclaration des droits des passagers. On en parle tout le temps et les gens sont à l’aise avec l’idée, mais ce n’est pas dans la loi. C’est une promesse de réglementation dans l’avenir. Si vous dites que c’est dans la loi, pourquoi ce n’est pas le cas? Vous avez parlé du transport ferroviaire équitable pour le grain avec le sénateur Plett, et pourquoi n’est-ce pas distinct également?
En ce qui concerne les expéditions de grains et l’urgence soudaine, vous avez parlé des rapports sur les cultures de cette année. Ces statistiques ont été rendues publiques la semaine dernière, et vous vous attendez à ce que le Sénat… Et quand nous demandons au gouvernement si nous pouvons diviser le projet de loi pour pouvoir l’étudier rapidement, la réponse est non, car vous voulez toutes ces mesures dans ce projet de loi omnibus.
Poursuivons la discussion sur les EAVL brièvement. Dans nos documents d’information, que j’ai devant moi, on peut lire que « les entreprises pourront utiliser les enregistrements pour mener des analyses afin de relever les préoccupations liées à la sécurité dans le cadre d’une gestion continue de la sécurité par l’entremise d’un échantillonnage aléatoire et de déterminer la cause d’un accident ou d’un incident à déclaration obligatoire qui ne fait pas l’objet d’une enquête par le Bureau de la sécurité des transports ».
Monsieur le ministre,vous avez envoyé une belle lettre aux présidents des deux compagnies ferroviaires; nous étions tous ravis de la lire. Mais elle ne passerait pas le test devant les tribunaux s’il y avait contestation, car ce n’est pas dans la loi. Vous n’avez pas incorporé cet élément dans la loi. Ce n’est pas énoncé dans la loi. Après être devenu un sujet controversé, vous avez rédigé ces lettres aux présidents des compagnies ferroviaires. Dans votre document d’information, vous me dites que l’entreprise devrait avoir accès à ces données, qu’elle peut utiliser les enregistrements pour réaliser des analyses afin de cibler des préoccupations liées à la sécurité, et qu’elle peut effectuer des tests aléatoires. Comment cela protège-t-il les renseignements personnels des travailleurs? Et si l’entreprise utilise ces données, il doit y avoir une garantie qu’elles ne seront pas utilisées à des fins disciplinaires. Des erreurs sont parfois commises, et ce ne sont pas toutes les erreurs qui exigent des mesures disciplinaires de la part de l’entreprise, mais il faut une certaine gestion des problèmes de sécurité.
Je vais m’arrêter ici. J’ai une autre question, monsieur le président.
M. Garneau : Je vais demander à mon collègue avocat de vous répondre, mais vous avez commencé par faire quelques observations. Je n’ai absolument jamais dit que la déclaration des droits des passagers se trouvait dans le projet de loi. Je n’ai jamais dit cela.
Le sénateur Mercer : C’est la perception générale, monsieur le ministre.
M. Garneau : Cette perception existe parce qu’elle a été créée par les médias qui ont rapporté que le projet de loi réglerait la question de la déclaration des droits. Maintenant, tous ceux qui lisent le projet de loi savent que le projet de loi prévoit que l’Office des transports du Canada doit la produire. Il en a toujours été ainsi, et je l’ai expliqué un million de fois, mais c’est ce que les gens pensent.
Monsieur le sénateur, vous siégez à ce comité. Je m’attends à ce que vous sachiez ce que prévoit le projet de loi, et le fait que vous me disiez que j’ai créé cette perception est un peu surprenant, à vrai dire. Nous avons décidé d’adopter l’approche que nous avons adoptée parce que nous estimons qu’il est préférable que l’Office des transports du Canada élabore un ensemble de règlements et, avec le temps, si nous décidons de les modifier pour les améliorer pour les passagers, nous aurons la flexibilité de le faire. C’est cette flexibilité qui n’est pas aussi vaste lorsqu’on légifère la déclaration.
Malheureusement, certaines organisations au pays trouvent avantageux de perpétuer le mythe selon lequel il n’y a aucun problème avec la déclaration des droits. Il ne devait jamais y avoir de problème à propos de la déclaration des droits. Elle devra être produite par l’Office des transports du Canada, exactement comme nous l’avons prévu.
En ce qui concerne le fait que le projet de loi contient de nombreuses mesures, le caractère omnibus du projet de loi, je crois que j’ai abordé le sujet lorsque j’ai répondu à une question du sénateur Plett.
Pour ce qui est des cultures, nous recevons chaque semaine des renseignements concernant les cultures de diverses organisations et compagnies ferroviaires. J’ai soulevé le fait que Statistique Canada a présenté les statistiques il y a de cela une semaine ou deux, en soulignant que le rendement des cultures a été supérieur à ce que nous avions prévu. Je ne faisais que fournir des renseignements additionnels. Au final, cela n’a rien à voir avec la rapidité avec laquelle nous étudions le projet de loi, mais nous devons transporter le grain au pays le plus efficacement possible.
En ce qui concerne les EAVL, les lettres que vous avez rédigées aux présidents du CN et du CP étaient une belle idée, mais elles n’ont aucune force de loi, et ce n’était pas l’intention. Elles visaient à leur faire connaître votre opinion. Ce sera le règlement qui aura force de loi.
Alain Langlois, avocat général et directeur exécutif associé, Transports Canada : Quant à la question de savoir si oui ou non la restriction et la nature confidentielle des renseignements sont prévues dans la loi par opposition à la lettre, les modifications apportées à la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports dans ce projet de loi clarifieront que les données des EAVL, une fois qu’elles sont colligées par les compagnies aériennes, sont confidentielles. Elles sont confidentielles pour le BST et en vertu de la loi. Les seules exceptions qui sont autorisées sont celles qui sont expressément énoncées dans la Loi sur la sécurité ferroviaire, donc pour déterminer si c’est autorisé par la loi ou non, nous devons consulter la Loi sur la sécurité ferroviaire et les utilisations qui sont autorisées. En vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire, comme le ministre l’a souligné dans sa déclaration liminaire, il y a seulement deux utilisations potentielles : les enquêtes pour les accidents sur lesquels le BST ne mène pas d’enquête et les analyses aux fins du système de gestion de la sécurité. Toute utilisation au-delà de ces deux fins précisément autorisées — et évidemment pour contrer une menace — en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire constituera une utilisation illégale des renseignements par les compagnies ou toute autre entité qui a l’intention d’utiliser les renseignements.
Le sénateur MacDonald : En ce qui concerne la déclaration des droits des passagers — et vous avez tout à fait raison, monsieur le ministre, qu’elle n’est pas censée être dans le projet de loi, et ne l’est pas —, je pense qu’elle peut être qualifiée plus exactement de billet à ordre pour l’instant plutôt que de déclaration des droits. Cependant, il a été question de faire passer le délai acceptable sur le tarmac de une heure trente à trois heures. Je suis curieux de savoir, puisque le projet de loi n’a pas encore été élaboré, pourquoi cette mesure a été approuvée.
M. Garneau : En ce qui concerne les tarmacs, on pense que le délai est maintenant de une heure trente minutes et que nous allons le faire passer à trois heures. Le fait est qu’il n’y a pas de règle à l’heure actuelle, et certaines compagnies aériennes dans leur tarif — à savoir leur contrat avec le passager — ont dit qu’elles respecteront le délai de 90 minutes. Si elles veulent continuer d’adopter cette règle, nous n’y voyons pas d’inconvénient. De notre point de vue — et nous sommes sur la même longueur d’onde que d’autres pays —, nous croyons que la limite est de trois heures. Durant ce temps, il y a une norme de service pour ce qui est des renseignements, de la nourriture, de l’eau, de l’air conditionné et des installations sanitaires. Après trois heures, les passagers doivent débarquer de l’avion. Autrement, c’est une violation de la règle. Nous avons choisi trois heures — et comme vous prenez l’avion, vous le savez sans doute —, car il arrive parfois que vous deviez attendre en raison des conditions météorologiques, du trafic aérien ou d’autres problèmes. Nous estimons qu’il est raisonnable de laisser les passagers descendre de l’avion après ce délai. Nous avons décidé que le délai serait de trois heures. Nous sommes en fait sur la même longueur d’onde que de nombreux autres pays à ce sujet.
Je peux aussi vous dire que j’espère que les gens attendront de voir le projet de loi dans son intégralité avant de le juger. Les gens choisissent sélectivement des mesures dans le projet de loi et n’ont pas un tableau réaliste du projet de loi complet. Je crois que les Canadiens seront satisfaits de la déclaration des droits des passagers lorsqu’ils la verront dans son intégralité.
Le sénateur Mercer : Ce devrait peut-être être dans le projet de loi, monsieur le ministre. Il n’y aurait alors pas toute cette controverse. Je pense aussi que l’aéroport devrait avoir la responsabilité d’assurer la santé et la sécurité des passagers à bord de ces avions sur le tarmac. Si la compagnie aérienne ne le fait pas, alors l’aéroport devrait le faire.
Ma question porte sur l’interconnexion. Au début de 2014, la distance pour l’interconnexion du trafic ferroviaire est passée de 30 à 160 kilomètres. Le projet de loi C-49 propose d’élargir les mécanismes d’interconnexion actuels pour inclure les itinéraires de longue distance allant jusqu’à 1 200 kilomètres. Le gouvernement sait-il l’incidence que ce changement aura sur les sociétés ferroviaires? Donne-t-il lieu à une souveraineté canadienne sur le transport des marchandises? On soutient que ce changement permettra aux compagnies ferroviaires américaines de se rendre au Canada pour aller chercher des marchandises — plutôt que de les expédier à nos ports, nous pourrions les transporter au sud de la frontière et les expédier à des ports américains. D’une part, les compagnies américaines accaparent notre secteur ferroviaire et, d’autre part, elles expédieront les marchandises tout en nuisant légèrement à la réputation de nos compagnies d’être capables de faire le travail.
Ce point m’intrigue, et le moment ne me semble pas opportun pour changer la réglementation, ce qui nous fera perdre des activités commerciales, car nous sommes au beau milieu d’une renégociation de l’ALENA. Sans même négocier cette mesure, nous l’incluons dans le projet de loi. Je ne comprends pas, monsieur le ministre. Pourquoi ne protégez-vous pas les entreprises, la souveraineté et les emplois au Canada, surtout que nous devons traiter avec un gouvernement américain qui se montre intransigeant dans le cadre de la renégociation de l’ALENA?
M. Garneau : Je répète que la raison pour laquelle la déclaration des droits ne figure pas dans ce projet de loi est que nous voulons l’incorporer dans le règlement. Je ne sais pas combien de fois je dois le répéter, sénateur, mais c’est ainsi.
Par ailleurs, je suis d’accord avec vous que les aéroports ont un rôle à jouer dans les retards sur le tarmac car, de toute évidence, lorsqu’un retard se prolonge jusqu’à trois heures, il faut faire descendre les passagers de l’avion. Par conséquent, il faut une coordination avec l’aéroport pour qu’il y ait une passerelle de débarquement. L’aéroport a effectivement une responsabilité à cet égard.
En ce qui concerne l’interconnexion pour le transport longue distance, l’ILD, et votre déclaration selon laquelle nous accorderons un traitement préférentiel aux compagnies ferroviaires américaines au détriment des compagnies ferroviaires canadiennes, je vous répondrais ceci. Nous ne changeons rien en ce sens. En fait, nous compliquons un peu la tâche aux compagnies ferroviaires américaines. Si vous comprenez la nature de l’interconnexion pour le transport longue distance, c’est en fait moins bon pour elles. Les compagnies ferroviaires américaines au Canada ont peut-être 1 000 kilomètres de voies ferrées. Vous serez peut-être surpris d’apprendre que le Canada a 17 000 kilomètres de voies ferrées aux États-Unis. Je ne plaindrais pas trop nos compagnies ferroviaires dans ce cas-ci. Soit dit en passant, pour l’ILD, les compagnies seront indemnisées de façon équitable. C’est prévu dans la mesure législative. Ce n’est pas au prix coûtant, mais c’est une indemnisation équitable établie par l’Office des transports du Canada dans le cas de l’ILD. Encore une fois, c’est un projet de loi complexe, mais parfaitement équilibré. Pour répondre à votre question au sujet des compagnies ferroviaires américaines, nous n’ouvrons pas la voie aux compagnies ferroviaires américaines.
Mme Borges : Comme le ministre l’a dit, c’est en fait une amélioration qui a été apportée dans le cadre du projet de loi C-30. Dans le projet de loi C-30, qui a prolongé l’interconnexion à 160 kilomètres, c’était facile d’accès pour les compagnies ferroviaires américaines, plus particulièrement dans les provinces des Prairies que la mesure ciblait. C’était le problème avec ce mécanisme dans le projet de loi C-30, à savoir que les bénéficiaires de cette mesure étaient notamment une compagnie ferroviaire américaine qui parcourait des distances de 100 à 130 kilomètres et qui transportait une grande partie du trafic ferroviaire qui aurait autrement été transporté par le CN et le CP. Nous avons corrigé cette situation avec ce projet de loi et avons élargi la mesure pour qu’elle s’applique aux expéditeurs captifs à une distance plus grande. C’est donc une amélioration.
[Français]
La sénatrice Gagné : J’ai un point à clarifier et une question. J’aimerais revenir sur la question qu’a posée le sénateur MacDonald. Dans votre réponse, vous avez mentionné que les préposés qui travaillent dans des banques sont sous surveillance vidéo en tout temps. Seriez-vous d’accord pour dire que les exigences en matière de vie privée sont plus grandes pour les ingénieurs de locomotives? Ces derniers passent entre 12 et 18 heures par jour dans leur habitacle. Ils utilisent ce lieu pour se changer, pour manger et pour prendre leurs pauses. Pourriez-vous commenter ce point et le fait que la situation, dans leur cas, est un peu différente?
M. Garneau : Comme je l’ai mentionné, il faut bien comprendre que, même s’il y a un enregistreur audio-vidéo, l’information n’est pas transmise à un centre de contrôle. Elle est sauvegardée uniquement dans la boîte et, dans la grande majorité des cas, ne sera vue par personne. Ce n’est que dans le cas d’un incident qu’on y fera appel. Il s’agit d’une clarification importante.
Deuxièmement, j’aimerais revenir aux statistiques que j’ai mentionnées. Plus de 1 000 incidents ont été signalés. Je parle de déraillements parfois sur des lignes principales et impliquant des matières dangereuses. Certains trains aujourd’hui dépassent les 10 000 pieds, soit une longueur de presque 2 milles. Il est absolument essentiel que l’on améliore la sécurité de notre système de transport ferroviaire au pays. C’est pourquoi le Bureau de la sécurité des transports nous enjoint, depuis 2003, de le faire. On ne peut y échapper.
La sénatrice Gagné : L’enjeu de la protection de la vie privée est tout de même important. Il faut le reconnaître.
M. Garneau : Nous sommes très sensibles à cet enjeu.
La sénatrice Gagné : Le projet de loi C-49 préconiserait que le Bureau de la sécurité des transports du Canada adopte de nouveaux règlements relatifs aux droits des passagers. Toutefois, il ne fait aucune mention des droits linguistiques des passagers.
L’une des recommandations du rapport de David Emerson était, entre autres, que le Canada améliore la protection des consommateurs pour les passagers des compagnies aériennes, et je cite :
[en] clarifiant les obligations des aéroports et des compagnies aériennes pour fournir des services dans les deux langues officielles et en travaillant avec l’industrie et les communautés de langue officielle en situation minoritaire pour améliorer l’uniformité;
Nous savons qu’Air Canada, qui est le seul transporteur aérien assujetti à la Loi sur les langues officielles, est sévèrement blâmée par le Commissariat aux langues officielles.
Nous savons également qu’il est souvent difficile de voyager dans la langue officielle de son choix dans plusieurs grands aéroports du pays.
Pouvez-vous expliquer pourquoi le projet de loi est silencieux au sujet des droits linguistiques des voyageurs? Vous attendez-vous à ce que l’Office des transports du Canada mette en place des règlements qui étendraient et clarifieraient les droits linguistiques des voyageurs? Ces règlements pourraient-ils également s’appliquer aux centres de transport tels que les aéroports?
M. Garneau : Vous avez très bien résumé la situation. Pour le moment, ce n’est pas inclus dans le projet de loi. J’ai mentionné les différentes instances où ce serait clarifié.
La réalité, comme mon collègue vient de me le dire, est que les obligations vis-à-vis les langues officielles sont sous la Loi sur les langues officielles du Canada, qui n’est pas du ressort du ministère des Transports, mais bien, comme vous le savez, de Patrimoine canadien.
Oui, c’est un enjeu pour certaines personnes, et l’exemple d’Air Canada que vous avez cité relève d’une loi rédigée en 1987 et le commissaire aux langues officielles le mentionne continuellement. Il y a des améliorations à apporter, car Air Canada doit respecter cette loi.
Pour l’instant, la Déclaration du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien mentionne que si vous avez payé pour un billet dans le but d’aller d’un point A à un point B, les lignes aériennes ont des obligations contractuelles envers vous et on veut s’assurer que vous les comprenez bien. Lorsque c’est à l’intérieur du contrôle des instances que j’ai mentionnées, ces obligations doivent être respectées. Dans le cas où elles ne le sont pas, il y aura des amendes. Nous nous sommes concentrés sur la surréservation, sur certaines formes de retards, la perte de bagages, l’endommagement d’instruments de musique et le fait que les lignes aériennes n’ont pas le droit de séparer les enfants des parents.
Est-ce qu’on aurait pu y insérer autre chose? C’est possible. Toutefois, cela relève principalement de la Loi sur les langues officielles. Nous avons donc décidé de ne pas intervenir.
La sénatrice Gagné : Les droits linguistiques des voyageurs n’ont donc pas été pris en considération?
M. Garneau : Non, mais cela peut être abordé sous un autre angle, par un autre ministère.
[Traduction]
Le président : Je veux m’assurer de bien comprendre. Lorsque la sénatrice Gagné vous a interrogé sur la protection de la vie privée, les changements et tout le reste, vous avez dit que personne ne verrait la vidéo. Que voulez-vous dire? Voulez-vous dire que la vidéo sera effacée s’il n’y a aucun incident ou est-ce qu’un groupe de personnes dans un bureau examinera la vidéo?
M. Garneau : Si l’appareil est installé dans le compartiment avant de la locomotive, il y aura un enregistrement vidéo et audio. Cet enregistrement sera chiffré et restera dans l’appareil. Il ne sera retransmis ni au CN ni au CP; il restera dans l’appareil.
Le président : S’agira-t-il d’un document historique ou sera-t-il effacé à la fin du voyage?
M. Garneau : Non. À un certain moment, un autre voyage sera enregistré par-dessus. Bien entendu, s’il survient un accident, l’enregistrement sera visionné. C’est comme une boîte noire.
Il y aura parfois des vérifications aléatoires. Comme vous le savez, les réseaux de transport ont ce que nous appelons un « système de gestion de la sécurité ». C’est une façon pour les compagnies de chemin de fer de s’assurer qu’elles sont conformes et qu’elles accordent une grande priorité à la sécurité. À l’occasion, certains enregistrements pourront être visionnés, et cela sera préautorisé, mais ces visionnements seront aléatoires et seront faits pour une raison bien précise. Si les entreprises soupçonnent un problème relativement à la sécurité, elles pourront visionner l’enregistrement. L’enregistrement concerné sera identifié, tout comme ceux qui seront autorisés à le visionner, et nous ferons un suivi sur la façon dont les données sont utilisées. Si nous soupçonnons qu’il y a une violation de la protection de la vie privée ou que les données sont utilisées à des fins disciplinaires, nous interviendrons, car cela est illégal.
[Français]
Le sénateur Cormier : Bonjour, monsieur le ministre. Je suis heureux de vous rencontrer dans ce contexte-ci.
Je voudrais approfondir la question posée par la sénatrice Gagné au sujet des droits linguistiques. Vous avez dit que ces droits relevaient de la Loi sur les langues officielles et du ministère du Patrimoine canadien.
Je sais que tous les ministères ont une responsabilité en matière de langues officielles. Cela ne dépend pas seulement de Patrimoine canadien. De quelle façon votre ministère travaille-t-il avec le ministère du Patrimoine canadien dans le contexte de s’assurer que les droits linguistiques sont pris en compte dans la réglementation pour que les Canadiens et les Canadiennes aient un égal accès au transport?
M. Garneau : L’obligation existe en ce moment pour Air Canada. C’est en vertu de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada. Quand le gouvernement fédéral a décidé qu’il allait se séparer d’Air Canada et lui a dit : « Vous êtes maintenant une entreprise privée. Allez et prospérez. »
Malheureusement, ils ont laissé des cordons attachés. Ils ont eu des obligations vis-à-vis l’entretien qui devait être fait à Montréal, à Winnipeg, en Ontario. Ils ont dit à Air Canada qu’ils devaient respecter les langues officielles. C’est un des projets de loi que le gouvernement a faits en se gardant une main attachée, en un sens, à Air Canada. Cependant, la loi est là, et ils ont l’obligation de la respecter...
[Traduction]
Le président : L’entreprise n’était-elle pas tenue de garder son siège social à Montréal?
M. Garneau : Je crois que c’était sous le régime du premier ministre Mulroney.
Le président : Je le sais.
[Français]
M. Garneau : Alors, ils ont l’obligation. Bien sûr, ce serait bien d’offrir tous nos services dans les deux langues officielles. Comme vous le savez, sur les principales lignes aériennes, il y a un enregistrement qui offre le français. C’est un dossier avec lequel je travaille en collaboration avec la ministre du Patrimoine canadien. Si on décide de prendre des décisions à l’avenir, certainement parce qu’on est responsable du transport des passagers, cela pourrait être une considération.
Entre-temps, le commissaire aux langues officielles rédige son rapport annuel et s’adresse à Air Canada, car c’est Air Canada qui est contrainte à respecter cette loi. Deuxièmement, le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes produit un rapport en réaction à ce rapport.
C’est quelque chose qui attire beaucoup d’attention, mais en ce moment, Air Canada est officiellement contrainte d’offrir le service.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie de votre réponse. Je me permets quand même de vous faire part de nos vives préoccupations au sujet de la manière dont les ministères travaillent entre eux sur cette question des langues officielles.
On met sur les épaules de Patrimoine canadien la responsabilité de la mise en œuvre de la loi, mais je crois qu’il devrait y avoir une meilleure collaboration, si je peux me permettre, entre les ministères quant à ce sujet. En tant que sénateur qui voyage beaucoup, je vis, comme beaucoup de Canadiens et de Canadiennes, les grands défis liés au transport aérien, notamment avec Air Canada, et les défis d’avoir accès à une sécurité égale.
Je vous transmets donc cette information en souhaitant que le plus tôt possible, on puisse tenir compte de cette situation.
M. Garneau : J’en prends bonne note, sénateur Cormier. Je tiens à vous assurer que toute l’information concernant la sécurité sur l’avion est dans les deux langues.
Le sénateur Cormier : Je prends régulièrement un vol, entre Halifax et Montréal, d’une compagnie affiliée à Air Canada. Les premières règles de sécurité qui sont fournies, démontrant les zones de sécurité et les sorties de secours, sont transmises verbalement en anglais seulement. La version française est diffusée à l’aide d’une cassette pour signaler le port de la ceinture de sécurité. Il reste donc des défis très importants.
M. Garneau : Je vous encourage à me le rapporter si vous avez un exemple, car l’information est censée être transmise, d’une façon ou d’une autre, dans les deux langues.
La sénatrice Galvez : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Votre projet de loi est détaillé et répond à plusieurs besoins très importants.
[Traduction]
Cependant, au cours de la dernière heure, vous avez souligné l’importance que vous accordez à la sécurité et à la sûreté. Ces choses sont également très importantes pour moi.
Selon les statistiques, des gens meurent lors de déraillements. Je tiens à vous rappeler que 47 personnes sont mortes sur le coup à Lac-Mégantic lors de l’explosion dont la puissance était équivalente à un seizième d’une explosion nucléaire. Selon le Bureau de la sécurité des transports du Canada, 18 facteurs sont entrés en ligne de compte et le facteur humain n’était pas la responsabilité d’une seule personne. Toujours selon le bureau, les organismes de réglementation, les compagnies de chemin de fer, les expéditeurs, les wagons-citernes, les fabricants et les raffineries avaient tous une part de responsabilité dans cet accident.
Ce que je veux dire, c’est que lorsque vous dites que ces caméras seront installées… À mon avis, c’est un peu trop tard. Il s’agira d’une sorte de boîte noire qui sera utilisée à la suite d’un accident et peu de gens verront l’enregistrement. Des statistiques seront compilées pour savoir quels facteurs humains ont joué un rôle dans les incidents. Je suis d’accord avec la sénatrice Bovey lorsqu’elle dit que cette information devrait être acheminée au BST et que celui-ci devrait compiler des statistiques et quantifier le risque et la contribution du facteur humain dans les accidents concernés.
Vous dites que d’autres mesures législatives seront proposées. J’aimerais que vous me rassuriez que, comme vous le dites, le transport des marchandises dangereuses sera pris en considération et sera plus sécuritaire. Au cours des 10 dernières années, il y a eu beaucoup de déréglementation. On a permis aux industries de mener leurs propres inspections, de dresser leurs propres plans d’urgence et d’effectuer leurs propres vérifications et leurs propres entretiens des locomotives, notamment. L’entreprise MM&A a été vendue à une autre petite entreprise et des trains comptant encore plus de 250 wagons continuent de traverser les centres urbains densément peuplés.
Je crois que cette mesure législative ne va pas assez loin, mais je veux vous faire confiance. Vous dites que c’est important pour vous et que d’autres règlements ou mesures législatives seront proposés. Pourriez-vous me dire comment cette question sera abordée?
M. Garneau : Elle l’est déjà.
Depuis l’incident de Lac-Mégantic, en 2013, de nombreuses mesures ont été adoptées pour améliorer la sécurité des chemins de fer. Je suis très sensible à ce qui s’est produit à Lac-Mégantic. Je m’y suis rendu à trois reprises. J’y ai rencontré des gens qui sont encore traumatisés par cet incident. Je me suis entretenu avec eux. Il ne fait aucun doute que, avant l’incident de Lac-Mégantic, la sécurité des chemins de fer comportait des lacunes et on peut faire mieux.
Le ministre des Transports précédent, sous le gouvernement précédent, a apporté certaines améliorations. Depuis, j’ai apporté moi aussi des améliorations, et l’EAVL s’ajoutera à la liste. J’ai également précédé d’un an l’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire et accéléré le retrait progressif des wagons-citernes non adaptés au transport de marchandises dangereuses, comme les hydrocarbures. D’autres mesures seront prises afin d’améliorer la sécurité des chemins de fer. Il s’agit de ma principale priorité, car j’ai été indirectement marqué par l’incident de Lac-Mégantic.
Je ne suis pas d’accord avec vous lorsque vous dites que les enregistrements ne serviront qu’après les faits et qu’il ne s’agit que d’une solution temporaire. À mon avis, l’installation d’EAVL est une mesure de sécurité importante et constitue un complément à d’autres mesures déjà adoptées. À mon avis, l’installation des EAVL sera une sage décision. Nous devons tout faire pour améliorer la sécurité des chemins de fer.
En ce qui a trait à Lac-Mégantic, depuis 2013, ce segment de chemin de fer a fait l’objet de 100 inspections. Nous surveillons les chemins de fer du pays, non seulement Transports Canada, mais les entreprises de chemin de fer elles-mêmes. Comme vous le savez, MM&A a été rachetée par CMQR, une autre entreprise de chemin de fer. Je suis le déroulement du procès. Le BST a formulé des recommandations à l’intention de Transports Canada sur les choses que nous devons examiner.
Il s’agit de ma principale priorité, vous pouvez me croire. Il ne s’agit pas uniquement d’une solution temporaire pour la sécurité des chemins de fer. Il s’agit d’une mesure supplémentaire importante. D’autres mesures seront probablement adoptées et, tant et aussi longtemps que je serai ministre des Transports, nous poursuivrons sur cette voie.
La sénatrice Galvez : Si les enregistrements sont conservés dans l’appareil et qu’ils ne sont envoyés nulle part, comment permettront-ils d’améliorer la sécurité? Pourquoi hésitez-vous à autoriser que ces enregistrements soient envoyés au BST, un organisme neutre, pour qu’il puisse compiler des statistiques et voir si les membres de l’équipage dorment ou mangent pendant qu’ils sont en fonction?
Le président : Ou s’ils utilisent leur téléphone.
M. Garneau : Le mandat du BST est d’enquêter sur des incidents ou accidents. La décision d’intervenir lui revient. Il ne fait pas partie de son mandat de visionner des centaines, voire des milliers d’heures d’enregistrement.
Nous sommes conscients que nous devons adopter une approche très prudente quant à l’utilisation des enregistrements des EAVL. Nous voulons que le visionnement des enregistrements soit bien encadré. La grande majorité des trains circulent sans incidents ou accidents, mais lorsque survient un incident ou un accident, il est très important pour nous de comprendre ce qui s’est produit. C’est sur cet aspect que nous voulons nous concentrer, lorsqu’il y a un incident ou un accident. Nous effectuerons des vérifications périodiques afin de vérifier le fonctionnement du SGS sur un segment particulier de chemin de fer.
La sénatrice Griffin : Monsieur le ministre, merci d’avoir accepté notre invitation. Nous avons beaucoup de questions à vous poser. Il s’agit d’un projet de loi d’envergure.
Je suis la présidente du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Donc, vous comprenez où je veux en venir en ce qui a trait à cette mesure législative. Bien entendu, ce qui me préoccupe le plus, c’est la situation des producteurs de céréales et des expéditeurs des produits céréaliers de l’Ouest. On peut dire qu’ils sont heureux des sections du projet de loi qui s’appliquent à eux, pourvu que la mesure législative soit adoptée avant Noël. Bien entendu, cela ne sera pas le cas. Nous savons tous que cela est impossible. Vous dites qu’il s’agit d’une mesure législative équitable et équilibrée. À mon avis, elle n’est pas équitable envers les expéditeurs de produits céréaliers de l’Ouest.
Bien que je salue la solution à long terme que propose le projet de loi, je me demande si nous ne devrions pas faire ce que d’autres proposent, soit examiner d’autres solutions pour aider rapidement ce groupe. Mon équipe et moi avons vérifié auprès du conseiller juridique du Sénat s’il serait possible de diviser ce projet de loi. Cela serait difficile pour nous, mais facile pour le gouvernement. La complexité du projet de loi nous empêche de le faire. Certains articles se chevauchent. C’est pourquoi c’est difficile. Toutefois, il s’agit d’une option que le gouvernement pourrait adopter d’urgence.
La deuxième option serait d’abroger l’article 15.1 de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain et de réintroduire les articles que cet article a abrogés. Cela permettrait de régler la situation à court terme.
Autrement dit, je tente de trouver une façon d’être équitable à l’endroit des producteurs de céréales de l’Ouest, un groupe qui risque de perdre des millions de dollars. Que pouvez-vous faire pour nous si le comité ne peut pas se réunir de nouveau avant le 30 janvier, après la pause? Il s’agit d’un projet de loi d’envergure. D’ici à ce que le comité en ait terminé l’étude, nous serons rendus au mois de février.
M. Garneau : Vous avez raison de dire que de nombreux intervenants de l’industrie du grain se sont montrés favorables à cette mesure législative. Je vous dirais de procéder rapidement, car, vous avez raison, c’est très important pour nos agriculteurs. C’est notre gouvernement qui a agi dans ce dossier. Le gouvernement précédent aurait pu intervenir, mais il a choisi de ne pas le faire. Il a plutôt choisi de mettre en place une solution temporaire.
Je vous dirais également — et je l’ai souligné au début de mon intervention — que de nombreux autres intervenants souhaitent que cette mesure législative soit adoptée rapidement. Je vous dirais, dans le cadre de vos responsabilités en tant que comité sénatorial, d’agir aussi rapidement que possible.
La sénatrice Griffin : Cela ne permet pas de remédier immédiatement à la situation dans lequel se trouvent les producteurs de céréales. Je persiste à dire que pour être équitables envers ce groupe, nous pourrions retirer une partie de ce projet de loi en modifiant une autre loi. Ainsi, votre projet de loi demeurerait équilibré et équitable. Peu importe, je vous ai exposé ma position. C’est ma circonscription qui souffre dans ce dossier.
Le président : Si nous avions reçu cette mesure législative au mois de septembre, nous n’aurions pas cette discussion.
La sénatrice Griffin : Cela aurait été bien.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le ministre. Un des problèmes avec une société éclairée comme la nôtre, c’est que le processus est continuel et qu’il est difficile de trouver un équilibre entre des droits concurrents. La responsabilité nous revient de trouver un équilibre entre les droits à la protection de la vie privée des travailleurs et la sécurité du public et des travailleurs canadiens. À mon avis, vous avez travaillé fort pour vous acquitter de cette responsabilité de façon efficace et équitable, tout en protégeant la vie privée des travailleurs.
N’est-il pas vrai, également, que le paragraphe 28(7) de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports renforce de façon générale ce que vous dites en ce qui a trait à la protection de la vie privée? La loi précise très clairement que les enregistrements vidéo et audio à bord ne peuvent pas être utilisés pour des procédures disciplinaires. On parle ici d’une loi, et non d’un règlement. Ce que vous proposez, c’est d’éliminer quelques exceptions. Ensuite, les restrictions que vous proposez ne viennent-elles pas renforcer davantage la façon dont ces données peuvent être utilisées — tout comme la Loi sur la sécurité ferroviaire qui prévoit des pénalités très claires et importantes pour toute personne ou entreprise qui contrevient à ce genre de règlements et d’exigences?
M. Garneau : Vous avez raison, sénateur. Permettez-moi de vous lire ceci. Le projet de loi C-49 précise clairement qu’en vertu de la Loi sur la sécurité des transports — et il est très important de le comprendre —, ces données sont des renseignements privilégiés. Cela signifie qu’ils ne peuvent pas être communiqués ou utilisés à d’autres fins que celles autorisées par la loi, y compris dans le cadre des enquêtes du BST sur des accidents. Le projet de loi C-49 interdit expressément l’utilisation des données pour des mesures disciplinaires, sauf lorsqu’il y a une menace à la sécurité. Ainsi, conformément au régime proposé, la question de la discipline n’entrerait en ligne de compte que lors de comportements répréhensibles. Sinon, toute utilisation des enregistrements des EAVL pour des mesures disciplinaires serait illégale.
Il y a des façons de savoir si les données sont utilisées de façon illégale, que ce soit par l’entremise d’enquêtes et de vérifications normales ou dans le cadre de suivis sur des plaintes. Les inspecteurs de Transports Canada pourraient enquêter sur tout usage abusif potentiel des enregistrements des EAVL. Par exemple, Transports Canada pourrait mener une enquête en s’appuyant sur une combinaison de choses, comme la tenue de registres et les exigences relatives au journal de contrôle d’accès électronique, pour s’assurer que l’utilisation et la communication des enregistrements des EAVL respectent la loi.
Transports Canada effectuera également des suivis des plaintes pour déceler de possibles situations de non-respect de la loi et, le cas échéant, adopter des mesures d’application. En cas de non-respect de la loi, des mesures d’application seront adoptées, y compris de possibles pénalités administratives pouvant aller jusqu’à 250 000 $ ou des poursuites, non seulement en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire, mais également en vertu de la législation sur le BST.
Je crois que c’est très clair.
Le sénateur Mitchell : Merci.
J’aurais une brève question plutôt technique à vous poser. Pour revenir à la question de l’accès transfrontalier entre le Canada et les États-Unis, pourriez-vous confirmer que l’accès de 300 kilomètres dont jouissent les chemins de fer, dans une certaine mesure, concerne principalement les Prairies, car cela permet de rehausser la concurrence au profit des agriculteurs des Prairies, et que cet accès de 300 kilomètres est en vigueur et qu’il ne sera pas modifié par cette mesure législative; et, qu’après 24 kilomètres au Canada, les équipages américains doivent descendre des trains et vice versa pour les équipages canadiens aux États-Unis, afin que ce soit égal pour tous?
M. Garneau : C’est exact, sénateur.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Comme on dit, on garde toujours le dessert pour la fin. Alors, je vais essayer de vous démontrer mon petit côté givré.
J’aimerais vous parler des coentreprises entre compagnies aériennes. On sait que le Bureau de la concurrence avait déjà bloqué une coentreprise entre Air Canada et United Airlines. On comprend que le but de l’intervention était d’éviter une diminution de l’offre qui aurait entraîné une augmentation des coûts pour les passagers. À titre d’information, Air Canada et United Airlines partagent déjà certains services. Si ce n’était pas le cas, il y aurait peut-être des avantages pour les vols vers des villes aux États-Unis et peut-être plus de vols à meilleurs prix pour les consommateurs.
Cela dit, dans le projet de loi, corrigez-moi si je me trompe, je crois que ce pouvoir sera retiré au Bureau de la concurrence pour les coentreprises et que le projet de loi deviendra le maître de la situation. Compte tenu du caractère urgent du projet de loi en ce qui concerne la sécurité, pouvez-vous nous expliquer pourquoi le projet de loi va retirer, je ne dirais pas un pouvoir, mais un peu, au Bureau de la concurrence entre les compagnies aériennes?
M. Garneau : Je vais retourner un peu en arrière. Vous avez raison. En ce moment, le Bureau de la concurrence peut, à n’importe quel moment, examiner une coentreprise. Alors, si vous êtes président d’une compagnie et que vous décidez d’organiser une coentreprise avec une autre compagnie aérienne, il y a beaucoup d’efforts impliqués dans ce processus. Si vous le faites en ce moment, vous ne savez pas si six mois plus tard, le Bureau de la concurrence décidera d’examiner votre coentreprise. Cela pourrait arriver deux ans plus tard ou n’importe quand. Le Bureau de la concurrence n’a aucune obligation de le faire de façon ponctuelle. Il y a deux choses à changer dans ce projet de loi. Premièrement, établir que lorsque deux lignes aériennes ou plus veulent créer une coentreprise, qu’il y ait un besoin pour que la décision soit acceptée ou non par le gouvernement dans un délai établi pour qu’elles sachent que cela a été réglé et qu’elles peuvent aller de l’avant. Oui, la décision finale revient au ministère des Transports, vous avez raison. C’est parce qu’on a décidé d’ajouter un autre élément, l’intérêt public. Alors, le Bureau de la concurrence examinera chaque coentreprise qui est proposée et le ministère des Transports examinera du côté de l’intérêt public.
Les deux parties se consulteront et détermineront s’il s’agit d’un problème de concurrence désavantageux pour d’autres lignes aériennes canadiennes, ce que je ne voudrais certainement pas voir ou accepter. Il est possible aussi, lors de l’examen de tout le projet, que ce ne soit pas un problème de concurrence, que ce soit avantageux pour le passager et que cela lui offre d’autres options.
En fait, il s’agit simplement de prévoir la question de l’intérêt public dans l’équation. Je peux vous assurer que Transports Canada tiendra toujours compte de l’opinion du commissaire à la concurrence. Ce ne serait pas une bonne chose si le commissaire constatait qu’il y a un problème avec le fait d’aller de l’avant.
[Traduction]
Le président : Les règlements américains comportent-ils des dispositions semblables à celles que vous proposez dans cette mesure législative concernant les projets conjoints?
Mme Borges : En fait, oui. Nous nous inspirons de l’approche américaine. Aux États-Unis, c’est le secrétaire des transports qui prend la décision finale, en partenariat avec le département américain du Commerce, mais notre approche s’inspire de l’approche américaine.
Le président : Est-ce que des compagnies aériennes canadiennes, comme Air Canada ou WestJet, participent à ces partenariats aux États-Unis?
Mme Borges : Le seul partenariat dont nous sommes au courant a eu lieu il y a quelques années entre United Airlines et Air Canada. Ce partenariat a cessé en raison des exceptions imposées par le commissionnaire canadien concernant les exigences à respecter en ce qui a trait aux routes desservies par les deux compagnies aériennes par opposition à celles desservies par une seule.
Le président : Avez-vous eu des nouvelles d’Air Transat sur la question? Je sais que cette question préoccupe beaucoup l’entreprise. Vous a-t-elle fait des présentations, monsieur le ministre, ou vous a-t-elle parlé de cette question?
Mme Borges : Nous avons eu de nombreuses discussions avec Air Transat sur cette disposition, ainsi que sur la disposition relative à la propriété étrangère, une autre question qui préoccupe l’entreprise.
Le président : Selon vous, les arguments de l’entreprise étaient-ils valables?
Mme Borges : Selon nous, non. Nous croyons que la disposition — et, soit dit en passant, tous les autres transporteurs aériens sont d’accord avec…
Le président : Oui, j’imagine que WestJet et Air Canada sont pour.
Mme Borges : D’après nous, les dispositions actuelles et l’examen d’intérêt public qui en découlerait permettraient de remédier aux préoccupations d’Air Transat, ou même d’évaluer des points précis de certains partenariats, par exemple avec les compagnies aériennes européennes.
Le président : J’ai une autre question, monsieur le ministre. Elle ne porte pas exactement sur le projet de loi, mais sur le transport des grains vers la côte Ouest. Le CN a dû mettre à pied un grand nombre de ses employés, et il a maintenant du mal à rappeler son personnel, ce qui entrave les déplacements du CN vers la côte Ouest. C’est loin d’être souhaitable, surtout considérant les récoltes attendues. Rien dans ce projet de loi ne permettrait de résoudre le problème.
M. Garneau : Non, cela constitue une décision d’affaires, et c’est certainement dans l’intérêt du CN et du CP de s’assurer d’être en mesure d’offrir ce service. Il revient aux entreprises de prendre les décisions qui s’imposent concernant leur main-d’œuvre. Le projet de loi n’aborde pas la question.
Le président : Oui. Je le mentionne parce que je veux m’assurer que les gens comprennent bien que si le CN prend une mauvaise décision de gestion et qu’il n’arrive pas à rappeler ses employés au travail, entraînant ainsi différents problèmes de transport, cela n’a rien à voir avec nous ni avec ce que nous faisons ici.
M. Garneau : J’ajouterais une chose. Avant de juger si les délais de transport des grains sont acceptables ou non, il est important de jeter un œil à la totalité de la chaîne d’approvisionnement, à l’ensemble du trajet. Il se peut que des phénomènes naturels retardent les choses, comme des glissements de terrain ou des avalanches. En hiver, il y a des restrictions de vitesse.
Le président : J’habite là-bas; je suis au courant.
M. Garneau : Vous savez tout cela. J’ajoute à cela les terminaux aux ports de destination. C’est un autre maillon de la longue chaîne d’approvisionnement. Il est important de ne pas jeter tout le blâme sur un des maillons sans connaître l’ensemble de la situation.
Le président : Je comprends.
Le sénateur MacDonald : Monsieur le ministre, j’aimerais qu’on parle un peu des contrôles de sécurité dans les aéroports. C’est une des choses qui irritent le plus des voyageurs au Canada. Les retards, les files d’attente à l’aéroport, c’est fréquent. Je vais aux États-Unis très souvent. J’ai une habilitation de sécurité de la TSA. Je peux donc passer sans avoir à enlever ma ceinture, mes pantalons, mon veston. Bref, c’est plus rapide pour moi de passer le contrôle de sécurité américain que le contrôle canadien. Pourquoi le projet de loi est-il muet à ce sujet, alors que c’est une énorme préoccupation du public canadien?
M. Garneau : Je suis entièrement d’accord avec vous, sénateur. Nous devons accélérer le processus. Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous avons choisi une voie distincte pour remédier à la situation.
Le sénateur MacDonald : Je veux revenir à la sécurité. C’est évidemment une préoccupation pour tout le monde. Lorsqu’il y a une collision entre un train et un piéton, un camion, une voiture ou autre, c’est la plupart du temps à un passage à niveau. Normalement, je présume que le train est à sa place. Il a droit de passage aux passages à niveau. J’ai l’impression qu’il faut surtout s’interroger sur l’état de l’infrastructure, et ne pas nécessairement croire à une erreur d’inattention en cabine. Que fait-on à l’échelle nationale à propos de l’état de l’infrastructure aux passages à niveau? Pourquoi n’en est-il pas question dans le projet de loi?
M. Garneau : Sénateur, il y a environ 45 000 kilomètres de chemin de fer au pays. Il y a 23 000 passages à niveau. À peu près 14 000 d’entre eux sont publics, et 9 000 sont situés sur des terrains privés. Nous avons consacré 143 millions de dollars du budget de 2016 à l’amélioration de la sécurité, et cet argent — une portion est investie chaque année — va principalement aux passages à niveau.
Si je ne me trompe pas — mon équipe pourra me corriger —, il y a eu une soixantaine de décès aux passages à niveau. Chaque fois que cela se produit, si une voiture ou un camion est impliqué, nous vérifions d’abord si les barrières étaient abaissées, quand il y en a. Il n’y en a pas partout. Aussi, est-ce que les clignotants étaient en marche? Est-ce que la cloche avait été actionnée? Encore là, il n’y en a pas partout. Nous déterminons quels sont les dispositifs de sécurité requis selon le cas. Les collectivités et les compagnies ferroviaires se partagent la responsabilité de se conformer à la réglementation.
En réalité, dans la grande majorité des cas, le train n’est pas à blâmer. Sur la soixantaine de décès dont j’ai parlé, environ 40 étaient attribuables à des intrusions. Les accidents ne se produisent pas nécessairement aux passages à niveau. Cela arrive parfois, comme cela peut arriver le long des chemins de fer. Et il ne faut pas se le cacher, il arrive aussi que ce soit intentionnel.
Mais chaque fois qu’un accident se produit à un passage à niveau, nous vérifions si le système a bien fonctionné. Quand un problème est relevé, par exemple si de la végétation obstruait la vue à l’approche du chemin de fer, ou si un élément ou un autre du système d’avertissement a fait défaut, nous prenons évidemment les mesures qui s’imposent. Les collectivités peuvent toujours nous faire part des problèmes qu’elles remarquent, et elles peuvent présenter une demande de financement en vue d’améliorer leurs passages à niveau.
Le sénateur Mercer : Monsieur le ministre, j’ai la chance de poser la dernière question. J’en profite également pour vous remercier de votre franchise et de votre présence ici aujourd’hui. Nous vous en sommes reconnaissants.
M. Garneau : Merci, sénateur.
Le sénateur Mercer : Nous sommes conscients que ce n’était pas toujours des questions faciles. Celle-ci ne le sera peut-être pas non plus. C’est une question d’ordre pratique sur les enregistreurs audio et vidéo à bord des locomotives, ou EAVL, pour les trains qui traversent la frontière des États-Unis. On équipe les trains d’EAVL, mais à 24 kilomètres de la frontière, il faut changer d’équipe. C’est ce que veut la réglementation. Donc, les EAVL enregistrent maintenant l’équipe américaine. Doit-on arrêter l’enregistrement? Et sinon, que fait-on des données? Voici la question pratique : qui a accès aux données recueillies aux États-Unis? Sont-elles à l’usage exclusif du département des Transports des États-Unis? Si on rapatrie les données au Canada, cela veut dire qu’on a les enregistrements des citoyens américains qui étaient à bord. Comment pouvons-nous protéger la confidentialité des uns, tout en respectant la souveraineté des autres?
M. Garneau : C’est très technique. Si je ne réponds pas tout à fait à votre question, nous pourrons vous revenir là-dessus. Voici ce que je peux vous dire.
Toute compagnie ferroviaire en opération au Canada ou qui utilise les voies ferrées de compétence fédérale est assujettie à la Loi sur la sécurité ferroviaire et doit se conformer au régime canadien. Et cela s’applique autant aux compagnies canadiennes qu’aux compagnies américaines en opération au Canada. Donc, quand elles sont chez nous, elles doivent respecter nos règles.
Différentes dispositions proposées dans le projet de loi C-49 permettraient à Transports Canada de surveiller les activités des compagnies canadiennes et américaines afin de vérifier que les données recueillies par les EAVL au Canada sont utilisées ou communiquées conformément aux lois canadiennes. Par exemple, Transports Canada pourrait mener des inspections suivant les exigences relatives à la tenue de registres électroniques et au registre d’accès électronique, de façon à s’assurer que les données des EAVL sont utilisées et communiquées légalement. Transports Canada donnera également suite aux plaintes déposées afin de déterminer s’il y a eu infraction et d’appliquer les mesures appropriées.
Cela ne répond pas à votre question sur l’enregistrement des données à bord d’un train canadien aux États-Unis. Monsieur Langlois, êtes-vous en mesure de répondre à cette question?
M. Langlois : Le régime canadien oblige les compagnies ferroviaires à enregistrer ces données en territoire canadien. Aux États-Unis, le régime canadien ne s’applique pas. Dès qu’on traverse la frontière, l’obligation d’enregistrer les données tombe. Les lois canadiennes ne peuvent pas traverser la frontière. Cependant, les données enregistrées en territoire canadien sont protégées en vertu des lois canadiennes. Même si l’appareil en tant que tel a traversé aux États-Unis, les données recueillies en territoire canadien continuent d’être protégées. Les mécanismes de protection intégrés au système — le chiffrement des données, les registres d’accès, et cetera — demeurent actifs, même si la locomotive ne se trouve plus au Canada. Les données, peu importe où elles se trouvent, demeurent protégées par le régime établi par la loi.
Le président : Merci, chers collègues, et merci, monsieur le ministre. C’est une heure et demie bien investie.
Je mentionne au passage, monsieur le ministre, que beaucoup de citoyens nous ont signifié leur volonté de se faire entendre. Tous mes collègues prennent la question très au sérieux. Nous tentons simplement de faire notre travail. Nous espérons vous revoir avant l’étude article par article du projet de loi, monsieur le ministre.
Sénateurs, nous allons poursuivre brièvement la séance à huis clos. Nous n’en avons que pour quelques minutes, puisque nous devons partir à 11 h 30.
Merci, monsieur le ministre.
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance se poursuit à huis clos.)