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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 28 - Témoignages du 30 janvier 2018


OTTAWA, le mardi 30 janvier 2018

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, pour poursuivre son étude de ce projet de loi.

Le sénateur Dennis Dawson (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Honorables sénateurs, ce matin le comité poursuit son étude sur le projet de loi C-49, la Loi sur la modernisation des transports.

[Traduction]

Nous accueillons deux groupes de témoins aujourd’hui. Le premier sera composé de Mme Andie Andreou, vice-présidente, Affaires organisationnelles et chef des services financiers à l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, ou ACSTA; de M. Neil Parry, également de l’ACSTA, où il est vice-président, Prestation des services, ainsi que de M. Scott Streiner, président et premier dirigeant de l’Office des transports du Canada.

Merci de votre présence. Monsieur Streiner, je vous invite à faire votre présentation. Par la suite, je donnerai la parole à M. Parry.

[Français]

Scott Streiner, président et premier dirigeant, Office des transports du Canada : Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant vous aujourd’hui. J’ai le privilège d’être président et premier dirigeant de l’Office des transports du Canada (OTC), le plus ancien tribunal quasi judiciaire et organisme de réglementation indépendant au Canada.

[Traduction]

Le projet de loi C-49 aborde plusieurs des responsabilités les plus importantes de l’Office des transports du Canada, y compris un régime de protection du consommateur pour les passagers aériens et les recours permettant de régler les différends entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs.

Je ne vous apprendrai rien en affirmant que le transport aérien fait partie intégrante de la vie moderne. Habituellement, tout se déroule bien. Dans le cas contraire, toutefois, l’expérience peut être très frustrante pour les passagers, qui ont souvent l’impression d’avoir peu de contrôle sur des évènements qui sont susceptibles de perturber considérablement des visites familiales, des vacances ou des voyages d’affaires.

Le projet de loi C-49 prévoit que l’OTC sera tenu de créer des règlements pour établir les obligations minimales des compagnies aériennes envers les passagers pour des questions comme les retards et les annulations de vol, les refus d’embarquement, les bagages perdus, les retards sur l’aire de trafic, et les voyages avec des enfants ou des instruments de musique. Ces règlements permettront d’assurer que les obligations des compagnies aériennes sont rédigées dans un langage clair et simple, sont faciles à trouver pour les passagers, et prévoient des mesures justes et cohérentes pour régler les questions relatives au transport aérien.

Nous savons que les Canadiens souhaitent que ces règlements soient élaborés dès que possible, et nous savons également qu’ils voudront avoir leur mot à dire. C’est pourquoi nous lancerons des consultations sur les règlements dans les trois jours suivant la sanction royale du projet de loi C-49, s’il est adopté, et y mettrons fin dans un délai de trois mois. Une fois que nous aurons terminé les consultations, nous nous emploierons à finaliser rapidement des règlements efficaces et équilibrés.

Après l’entrée en vigueur des règlements, nous nous efforcerons de les faire connaître aux Canadiens. En effet, l’expérience montre que les passagers veulent savoir quels sont leurs droits et disposer de recours lorsqu’ils estiment que ces droits n’ont pas été respectés.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2013, 2014 et 2015, l’office a reçu annuellement entre 700 et 800 plaintes relatives au transport aérien. À l’automne 2016, nous avons commencé lentement à mieux informer le public de leurs droits et de leurs possibilités de recours par l’intermédiaire de l’Office des transports du Canada. Dans la foulée de ces efforts, le nombre de plaintes a augmenté. En janvier 2018, nous avons reçu près de 700 plaintes, c’est-à-dire autant que nous avions l’habitude d’en recevoir pour une année entière.

J’aimerais parler maintenant des dispositions du projet de loi C-49 portant sur le transport ferroviaire de marchandises. Parmi les nombreuses modifications proposées par le projet de loi dans ce domaine, l’une des plus importantes est la mise en place d’un nouveau mécanisme appelé « interconnexion de longue distance », ou ILD. L’ILD donnera aux expéditeurs desservis par une seule compagnie de chemin de fer de catégorie I la possibilité d’exiger que cette compagnie transporte leur marchandise vers un lieu de correspondance pouvant se trouver jusqu’à 1 200 kilomètres de distance, ou jusqu’à la moitié de la distance totale à parcourir en sol canadien, pour la transférer à une autre compagnie de chemin de fer.

Le rôle de l’Office des transports du Canada consistera à ordonner que la compagnie de chemin de fer locale fournisse ce service si certaines conditions sont remplies, et à fixer le tarif pour ce service, en fonction d’une analyse des tarifs pour un transport comparable. Nous savons que les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer porteront une grande attention à nos décisions concernant les demandes d’ILD.

Les expéditeurs souhaitent bénéficier d’un choix plus large et les compagnies de chemin de fer s’attendent à être indemnisées équitablement. Étant donné la complexité des cas que nous aurons à évaluer et le délai de 30 jours ouvrables dont nous disposerons pour rendre nos décisions, nous mettrons en place un processus de traitement rigoureux des demandes d’ILD. Nos décisions sur les demandes d’ILD seront, comme toujours, fondées sur la loi et sur les éléments de preuve à notre disposition, car c’est seulement et uniquement de ces facteurs dont nous tenons compte en tant que tribunal quasi judiciaire.

Même si bien d’autres éléments du projet de loi C-49 ont des incidences sur le travail de l’Office des transports du Canada, je vais m’arrêter ici, faute de temps. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci.

Monsieur Parry, c’est votre tourde faire votre présentation.

[Français]

Neil Parry, vice-président, Prestation de services, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien : Bonjour, honorables sénateurs, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Je m’appelle Neil Parry et j’occupe le poste de vice-président, Prestation de services, au sein de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Je suis accompagné aujourd’hui par ma collègue, Andie Andreou, qui est notre chef des services financiers.

Je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer au sujet du projet de loi C-49. L’ACSTA est une société d’État mandataire entièrement financée par des crédits parlementaires, qui rend compte au Parlement par l’intermédiaire du ministre des Transports. Le gouvernement du Canada a confié à l’Administration le mandat de protéger le public en assurant la sûreté des aspects critiques du réseau de transport aérien.

L’ACSTA, en tant qu’autorité responsable du contrôle de sûreté de l’aviation civile nationale, est réglementée par Transports Canada, l’autorité nationale chargée d’assurer la sûreté de l’aviation civile.

Dans ce contexte, le mandat de l’ACSTA établit ses quatre principales responsabilités dans le domaine de la sûreté aérienne : le contrôle préembarquement des passagers, le contrôle des bagages enregistrés, le contrôle des non-passagers et l’administration du programme de carte d’identité pour les zones réglementées.

Étant donné la nature de la rencontre d’aujourd’hui, qui est vouée à l’étude du projet de loi C-49, la Loi sur la modernisation des transports, mes commentaires porteront sur les modifications connexes apportées à la Loi sur l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, et plus particulièrement sur le recouvrement des coûts liés aux activités de contrôle de sûreté dans les aéroports canadiens.

Le projet de loi C-49 contient deux modifications à la Loi sur l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien. Ces modifications officialisent les pouvoirs en matière de politique relative aux initiatives de recouvrement des coûts dans les aéroports désignés — notamment, ceux qui s’efforcent d’accélérer le contrôle des passagers — et le recouvrement des coûts dans les autres aéroports, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas désignés. De tels services outrepassent en général le mandat de l’ACSTA et nécessiteraient l’approbation du ministre des Transports.

Sous la direction de Transports Canada, l’ACSTA a entrepris deux activités de recouvrement des coûts incluant deux essais. En 2014, l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto a demandé l’approbation du ministre des Transports afin d’acheter des heures de contrôle supplémentaires, ou de main-d’œuvre, directement auprès de l’ACSTA pour ses activités de contrôle préembarquement. De manière générale, cet essai de recouvrement des coûts a eu une incidence positive sur les temps d’attente des passagers à l’aéroport international Pearson de Toronto. Une entente de recouvrement des coûts semblable, toujours dans le cadre d’un essai, s’est concrétisée le 27 juin 2017 entre l’ACSTA et l’administration aéroportuaire de Vancouver.

En 2015, Transports Canada a modifié les règlements dans le but de permettre aux aéroports non désignés de conclure des ententes de recouvrement des coûts avec l’ACSTA en vue d’établir de nouvelles lignes commerciales et de favoriser du coup le développement économique des communautés visées. Ces aéroports doivent respecter les mêmes exigences en matière de sécurité que les autres aéroports de catégorie 3 du Canada. À ce jour, l’ACSTA a mené des consultations auprès de 12 aéroports non désignés, et même si ces discussions se sont avérées fructueuses, aucune entente n’a encore été conclue.

Je serai heureux de répondre à vos questions en lien avec la prestation de services de contrôle sur le principe de recouvrement des coûts. Je vous remercie.

Le sénateur Plett : En examinant la liste des témoins, je me suis demandé si la question de l’interconnexion concernait votre groupe. Je suis ravi que vous l’ayez soulevée vous-même. C’est un sujet qui me préoccupe.

Le libellé du paragraphe 129(1) du projet de loi prévoit l’accès des expéditeurs à la ligne la plus proche d’une compagnie de chemin de fer concurrente. La question est de savoir ce que cela vaudra si, au lieu de correspondance le plus proche, le train part dans la direction opposée à la destination finale de la cargaison de l’expéditeur. Même si le lieu de correspondance le plus proche ne dispose pas de la capacité suffisante pour transporter une cargaison volumineuse, ou si la ligne la plus proche de la compagnie concurrente ne se rend pas jusqu’à la destination finale de la cargaison, en vertu de l’alinéa 129(3)a) du projet de loi C-49, l’expéditeur ne pourra pas demander d’arrêté d’interconnexion de longue distance si la ligne du concurrent se trouve dans un rayon de 30 kilomètres.

Si une cargaison est envoyée dans la mauvaise direction, le coût devient prohibitif et les dispositions sur l’interconnexion n’ont aucune utilité. C’est ce que nous ont dit des représentants de sociétés céréalières.

Serait-il possible d’amender le projet de loi en ajoutant « dans la direction la plus judicieuse de l’origine à la destination » dans les deux dispositions? Cet énoncé figure déjà à l’article 136.1, pour d’autres fins, et il serait facile de l’appliquer aux situations que j’ai décrites. On éviterait que des cargaisons partent dans la mauvaise direction pour une raison quelconque, peu importe que la distance à parcourir soit de 40 ou de 30 kilomètres.

M. Streiner : Vous avez tout à fait raison. Le libellé actuel du projet de loi prévoit que si un expéditeur a accès à un lieu de correspondance situé dans un rayon de 30 kilomètres, il ne pourra pas se prévaloir des dispositions sur l’interconnexion de longue distance. C’est vrai également qu’il n’existe pas de restriction concernant la direction la plus judicieuse dans ce cas, contrairement à l’autre disposition que vous avez mentionnée.

Je dois préciser, monsieur le sénateur, que les questions liées aux politiques et aux modifications législatives devraient préférablement être adressées au ministre des Transports et à ses collaborateurs de Transports Canada. L’Office des transports du Canada est l’administrateur de la législation et la fera appliquer telle qu’elle aura été adoptée par le législateur, y compris toutes les restrictions qui y seront prévues.

Je ne crois pas être en mesure de vous donner une réponse complète et fondée sur les politiques concernant les amendements à apporter au projet de loi. En revanche, je vous assure que si l’addition suggérée sur la direction la plus judicieuse est adoptée, l’office s’assurera de la faire appliquer de la même manière que toutes les autres dispositions législatives.

Le sénateur Plett : Je comprends. J’ai lu la question telle qu’elle est écrite devant moi parce que je l’avais déjà posée au ministre. Le ministre n’était pas d’accord pour apporter des amendements, mais je crois que ce que vous m’avez dit, sinon à tous nos téléspectateurs, que cet ajout ne serait pas déraisonnable. Ce ne sont pas vos termes exacts. Je paraphrase.

J’ai une autre question au sujet des droits des passagers aériens. Elle s’adresse à quiconque voudra bien y répondre. Devant la Chambre des communes, des témoins se sont plaints que le projet de loi C-49 propose de doubler le retard jugé acceptable sur l’aire de trafic, qui passe de 90 minutes selon la norme canadienne à 3 heures. Après les incidents impliquant Air Transat et d’autres transporteurs, comment peut-on justifier que le temps d’attente acceptable passe de 90 minutes à 3 heures? Cela me semble aberrant.

M. Streiner : Je dois éclaircir un point. Actuellement, comme vous et vos collègues sénateurs le savez sans doute, les retards sur l’aire de trafic ne sont visés par aucune disposition législative. La seule obligation faite aux compagnies aériennes est de fixer un tarif qui englobe différents éléments. Il est tout à fait exact que beaucoup de compagnies ont choisi d’inclure à leur tarif — qui énonce leurs conditions de transport — des modalités qui portent sur les retards de plus de 90 minutes sur l’aire de trafic. Cependant, elles l’ont fait de leur propre chef; elles n’ont aucune obligation légale concernant la limite de 90 minutes.

Le projet de loi C-49 oblige l’Office des transports du Canada à intégrer à la réglementation des dispositions relatives aux retards de plus de trois heures sur l’aire de trafic. Les normes ou les mesures minimales qui seront établies par la réglementation n’empêcheront pas une compagnie aérienne d’inclure à son tarif des conditions relatives aux retards dépassant 90 minutes. Je vous vois sourire. Je ne sais pas si les compagnies le feront. Vous leur poserez la question.

Je voulais seulement éclaircir ce point. Il n’est pas tout à fait exact de dire que la loi fixe une limite de 90 minutes et qu’il est proposé de la prolonger à 3 heures. Actuellement, les compagnies aériennes doivent seulement publier un tarif. Plusieurs y ont inclus des conditions sur les retards qui dépassent 90 minutes, mais le projet de loi prévoit l’ajout à la réglementation de dispositions sur les retards de plus de 3 heures.

Le sénateur Plett : Je saisis tout cela. C’est également ce que le ministre nous a dit. Cependant, j’aimerais que l’on m’explique la logique. Si les compagnies acceptent volontiers de fixer la limite à 90 minutes, pourquoi le gouvernement la repousserait-il à 3 heures?

M. Streiner : Je vais vous laisser le soin de poser la question aux représentants du gouvernement.

Le sénateur Plett : Merci.

Le vice-président : Le ministre reviendra nous visiter à la fin de notre étude. Vous pourrez lui adresser la question directement, sénateur Plett.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse à M. Streiner. Une charte des voyageurs doit avoir un fondement sérieux. Ceci comprend la qualité des services offerts aux voyageurs.

À mon bureau, on me rapporte certains exemples de situations difficiles. Par exemple, le cas de familles qui voyagent à l’étranger et qui sont confrontées à des événements dramatiques comme un décès. Or, je constate que ces voyageurs ont beaucoup de difficulté à obtenir de l’information pour le rapatriement du corps et sont souvent laissés à eux-mêmes.

Dans ces cas extrêmes, les compagnies aériennes devraient-elles avoir la responsabilité d’informer leurs clients sur les procédures à suivre lorsque, malheureusement, lors d’un voyage, la famille ou le couple est confronté à un décès? Ces situations sont de plus en plus fréquentes, étant donné le nombre de voyageurs plus âgés.

Cette responsabilité d’informer la famille sur le processus de rapatriement du corps devrait-elle relever de la compagnie aérienne?

M. Streiner : La réponse courte est oui. Ce sont des situations tristes et plutôt extrêmes. Toutefois, même dans le cas d’une situation moins extrême, il est important que les voyageurs comprennent leurs droits. Le projet de loi contient une disposition qui traite de l’obligation de fournir de l’information.

[Traduction]

À l’office, notre longue expérience de l’application du cadre législatif nous a appris que l’un des aspects clés consiste à informer les passagers de leurs droits, tout simplement. Une bonne partie de l’attention a été mise sur le volet du projet de loi C-49 portant sur la réglementation des normes minimales en matière d’indemnisation et de traitement dans diverses situations. On a beaucoup moins parlé de la disposition sur l’information des voyageurs. Je l’ai déjà dit et si je me fie à notre expérience, il peut être tout aussi important de s’assurer que les voyageurs connaissent leurs droits et comprennent leurs recours dans différentes situations que d’établir des normes minimales.

La réglementation remplira ces deux objectifs. Elle imposera des normes et des indemnités minimales dans différentes situations, mais elle obligera également les compagnies aériennes à informer les passagers en langage clair et simple relativement à leurs droits dans toutes sortes de situations. La communication entre les compagnies et les passagers est fondamentale pour donner de la valeur à leurs droits et leur garantir un traitement adéquat dans des situations qui peuvent être aussi tragiques que celle que vous avez décrite.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Chaque mois, je reçois à mon bureau des appels de familles qui me demandent, dans les situations spécifiques dont je vous parle, qui peut les aider. Ce genre d’événement devrait-il faire partie intégrale de la charte plutôt que d’être considéré comme une notion plus générale? Les familles et les couples qui voyagent sauraient ainsi que, s’il arrive un événement malheureux, la compagnie aérienne a l’obligation de les aider.

M. Streiner : Le cadre réglementaire inclus dans le projet de loi ne comprend pas cet élément spécifique. Il comprend l’obligation de communiquer et d’expliquer aux voyageurs leurs droits et les différents processus. Toutefois, la catégorie spécifique dans laquelle on mettra en oeuvre les règlements ne comprend pas ces événements précis.

[Traduction]

Plus exactement, les compagnies aériennes auraient l’obligation globale d’informer les passagers de leurs droits et de la procédure à suivre dans différentes situations. Cependant, la réglementation ne visera pas expressément la situation que vous avez décrite.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que la charte traitera plus précisément de ce genre d’événement?

M. Streiner : Non. Dans sa forme actuelle, le projet de loi énonce les différents domaines auxquels s’appliqueront les normes et les indemnités minimales établies par règlement.

Le sénateur Boisvenu : Si nous proposons une modification qui va en ce sens, pourrons-nous compter sur votre appui?

M. Streiner : Par principe, monsieur le sénateur, je ne peux ni donner mon appui ni m’opposer à une modification, quelle qu’elle soit. C’est le rôle des parlementaires et du gouvernement. Si le législateur décide d’apporter une modification de ce genre, nous adopterons des règlements en conséquence. Nous administrerons et nous ferons appliquer le texte législatif tel que vous l’adopterez.

La sénatrice Griffin : J’ai lu vos notes d’information et j’ai prêté une oreille très attentive à vos allocutions. Mes questions s’adresseront surtout à l’ACSTA. Quelles sont les normes de service de base? Récemment, j’ai appris dans un reportage que les aéroports paient des millions de dollars additionnels pour la sécurité, mais que, malgré tout, les passagers attendent de plus en plus longtemps. Est-ce qu’il faut en conclure qu’il en coûtera plus aux aéroports pour atteindre les mêmes normes de service qu’auparavant?

M. Parry : Je précise tout d’abord que le gouvernement n’impose pas de norme en matière de niveau de service. Nous établissons la norme de service en fonction des crédits parlementaires qui nous sont octroyés. Ces trois dernières années, notre objectif national en matière de niveau de service était une attente de 15 minutes au contrôle pour 85 p. 100 des passagers aux aéroports de catégorie 1. Nous avons atteint ou dépassé cet objectif à chacune des trois dernières années. La tendance actuelle indique que 88 p. 100 des passagers environ attendent moins de 15 minutes. Ces objectifs sont établis en fonction des crédits que nous touchons.

Le projet de loi propose une modification législative qui permettra aux aéroports qui le souhaitent de compléter notre offre de services par l’achat de services supplémentaires directement auprès de nous. Ce ne sera pas une obligation, mais cette option sera offerte aux aéroports.

Nous le faisons déjà, comme je l’ai dit tout à l’heure. Nous avons conclu deux ententes dans le cadre d’un essai qui nous permettra de mettre au point les modalités avant d’étendre le programme d’autres aéroports. J’insiste sur le fait que les deux aéroports en question ont volontairement signé ces ententes. Personne ne les a obligés à conclure ces ententes. D’autres aéroports que les deux qui participent à l’essai pourront éventuellement acheter des services ou une capacité supplémentaires en vue de rehausser leur niveau de service ou, en termes clairs, de réduire l’attente et d’augmenter la capacité de contrôle.

La sénatrice Griffin : Combien ont rapporté le droit pour la sécurité des passagers aériens au cours du dernier exercice? Ce droit fait-il partie des recettes générales du gouvernement ou les recettes seront-elles comptabilisées au budget de l’ACSTA?

Andie Andreou, vice-présidente, Affaires organisationnelles et chef des services financiers, Administration canadienne de la sûreté du transport aérien : Nous ne savons pas encore à combien s’établira ce droit, qui sera facturé aux passagers et perçu par l’Agence du revenu du Canada. L’argent est versé au Trésor public, qui nous affecte des crédits selon ce qui est décidé avec les ministères des Transports et des Finances du Canada.

Selon ce que nous en avons compris, une partie du droit servira à payer d’autres services, pour ainsi dire. Je crois que des frais associés à la GRC y sont inclus, de même que des frais de Transports Canada, pour les politiques, et de l’ACSTA. Je n’en sais pas plus parce que nous n’avons pas accès à ces renseignements.

La sénatrice Griffin : D’accord. Je suis certaine que vous ne touchez pas l’intégralité du montant.

M. Parry : Non, assurément.

Mme Andreou : Non, c’est exact.

La sénatrice Griffin : Si vous êtes en pourparlers avec Transports Canada en vue d’améliorer le rendement et la prestation des services, pourquoi les aéroports et, du coup, les passagers devraient-ils payer pour l’amélioration des normes de service?

M. Parry : Il s’agit d’une décision de politique qui relève du gouvernement canadien. Il ne nous appartient pas de décider qui doit payer quoi. Ce que nous savons, c’est que ce mécanisme permettra aux aéroports d’acheter des services.

La sénatrice Griffin : D’accord. Merci.

[Français]

Le sénateur Cormier : Merci de vos présentations. Ma question s’adresse à M. Streiner. Vous dites que l’Office des transports du Canada serait tenu de mettre en place des règlements pour établir les obligations minimales des compagnies aériennes envers les passagers et que ces obligations seraient rédigées dans un langage clair et simple. Ma question concerne la responsabilité du gouvernement envers les langues officielles. Il n’y a aucune mention des obligations envers les langues officielles dans le projet de loi ni dans votre allocution. Pouvez-vous nous parler un peu de ces obligations?

M. Streiner : Tout simplement, la loi existante et le projet de loi ne comportent aucune référence aux langues officielles. Donc, selon la loi, cela ne fait pas partie de notre mandat.

[Traduction]

Comme je l’ai mentionné dans une réponse à une question précédente, nous administrons la législation, et notre rôle sera de la faire appliquer telle que le législateur l’adoptera. La question des langues officielles n’est pas traitée par l’actuelle Loi sur les transports au Canada, et elle ne l’est pas non plus dans le projet de loi C-49.

[Français]

Le sénateur Cormier : Ne devrait-on pas tenir compte de la Loi sur les langues officielles afin d’assurer la sécurité des voyageurs et l’égalité des services au pays?

M. Streiner : C’est une question qui relève de la politique, selon moi. Il serait plus opportun de la poser au ministre.

La sénatrice Gagné : Ma question s’adresse à M. Streiner. L’office a été débouté par la Cour suprême quant à l’exercice déraisonnable de sa discrétion au sujet de l’admissibilité d’une plainte. L’office a adopté une approche limitative quant à l’admissibilité des plaintes déposées par un tiers ou un organisme d’intérêt public.

Si l’article 17 du projet de loi est adopté, les organismes de défense des droits des voyageurs ne pourraient plus déposer de plainte puisque, désormais, et je cite :

[…] seule une personne lésée peut déposer une plainte […]

La décision Delta Air Lines Inc. c. Lukács donne l’impression que l’office souhaite limiter ces types de plaintes. L’OTC a-t-il souhaité un tel amendement, et pourquoi voulez-vous limiter ce type de plainte?

[Traduction]

M. Streiner : L’arrêt Delta, de la Cour suprême, a un double effet. D’une part, il invalide l’arrêt de la Cour d’appel fédérale et, d’autre part, il reconnaît à l’office le pouvoir discrétionnaire de traiter ou non de plaintes particulières, en se fondant sur divers critères pour prendre sa décision. Cela étant dit, et comme vous l’avez vous-même souligné, la cour a également affirmé que dans le cas visé par son arrêt, l’office avait appliqué des critères trop stricts. Elle nous a demandé de revoir le dossier de la plainte en question à la lumière de son arrêt, en précisant toutefois qu’il nous appartenait de déterminer si une plainte allait être traitée ou non, notamment en fonction de considérations comme les ressources limitées et l’intérêt public. C’est ce que dit l’arrêt de la Cour suprême.

Pour ce qui concerne la modification précise que vous évoquez, il ne nous revient pas de dire si elle est indiquée ou non. Je vous assure que je n’essaie pas de me défiler, mais je dois m’en remettre au ministre et au gouvernement pour toutes les questions de politique, car c’est eux qui ont le rôle de légiférer dans ces domaines. Si vous m’adressez des questions pertinentes qui relèvent de l’expérience de l’office à titre d’administrateur de la législation, je serai très heureux d’y répondre. Je ne crois toutefois pas qu’il serait juste pour le dirigeant d’un organisme de commenter des décisions de principe que le gouvernement a prises dans le cadre de l’élaboration d’un texte législatif. À titre d’organisme, l’office ne se prononcera pas sur la question de savoir si la disposition particulière à laquelle vous faites allusion est judicieuse ou non. Nous exercerons notre pouvoir discrétionnaire en nous fondant sur le libellé des dispositions qui sera adopté.

[Français]

Je tiens à apporter une clarification quant à la décision de la Cour suprême.

La sénatrice Gagné : Vous avez mentionné le nombre de plaintes que vous recevez par année et par mois. Quel pourcentage de ces plaintes est déposé par des tiers ou des organismes de défense des droits des voyageurs?

M. Streiner : C’est une bonne question. Je n’ai pas la réponse en ce moment, mais je crois que c’est un très petit pourcentage. La grande majorité des plaintes sont déposées par des individus. Je peux vous envoyer une réponse après ma présentation aujourd’hui.

La sénatrice Gagné : Par rapport aux droits linguistiques, avez-vous une idée des statistiques au sujet de plaintes provenant de voyageurs et qui concernent les langues officielles?

M. Streiner : Je sais qu’il n’y en a pas beaucoup, mais, chez nous, si nous recevons de telles plaintes, nous ne pouvons pas les traiter.

[Traduction]

Comme je savais que le comité avait abordé la question des langues officielles dans ses discussions précédentes, j’ai demandé à mes collaborateurs de rassembler des données pour avoir une idée des chiffres. Ils n’ont pas encore terminé leur analyse, mais tout semble indiquer que ce sera un très petit nombre. Pour une partie des plaintes qui nous sont soumises, nous devons informer les auteurs qu’elles appartiennent à une catégorie que nous appelons « hors compétence », parce qu’elles débordent de notre mandat. Les plaintes concernant les langues officielles en font partie. Je ne sais pas s’il sera possible d’établir un chiffre précis, mais le personnel est formel : selon l’analyse préliminaire, ces plaintes représentent un très faible pourcentage de toutes celles que nous recevons.

[Français]

La sénatrice Gagné : Est-ce que vous aurez les statistiques dans un laps de temps assez rapproché?

M. Streiner : Oui, nous allons essayer.

La sénatrice Gagné : Vous serez en mesure de nous les faire parvenir. C’est bien cela?

M. Streiner : Bien sûr. Dans la mesure où nous avons des statistiques, nous vous les ferons parvenir.

Le vice-président : Par l’entremise de notre greffier.

M. Streiner : Oui, par l’entremise de votre greffier.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Ma première question portera sur la norme des 90 minutes par rapport à la norme de 3 heures. Selon moi, la différence est autant qualitative que quantitative. À l’heure actuelle, les compagnies aériennes choisissent elles-mêmes d’inclure une condition relative aux 90 minutes dans leur tarif, mais elles ne sont pas pénalisées automatiquement en cas de non-respect de l’obligation qu’elles se sont donnée elles-mêmes. En revanche, la nouvelle norme réglementaire de trois heures prévoit des pénalités. Est-ce exact? Si oui, alors il s’agit d’une différence fondamentale. On peut penser qu’elles auront plutôt tendance à pencher du côté des 90 minutes que de celui des 3 heures si elles savent qu’elles seront pénalisées. Actuellement, elles ont plus de latitude puisque l’office peut décider de ne pas sévir.

M. Streiner : Dans le régime actuel, si une compagnie aérienne dépasse 90 minutes de retard sur l’aire de trafic, en violation des obligations de son propre tarif, l’office peut prendre des mesures seulement s’il connaît l’existence de ce tarif. Par définition, si personne ne se plaint ou ne soumet de preuve à l’office, il n’y aura pas de répercussion ou de mesure corrective imposée à la compagnie, comme vous l’avez très justement souligné.

Le nouveau régime prévoit une réglementation plus claire et plus uniforme pour l’ensemble de l’industrie, qui permettra à notre personnel d’assurer une meilleure surveillance et de mieux faire appliquer la loi. Bien entendu, l’office ne sera pas forcément informé de chaque retard sur l’aire de trafic. Cependant, il est clair que des règles uniformes pour l’ensemble de l’industrie représenteront un outil important pour surveiller la conformité aux obligations et prendre des mesures correctives en cas de manquement.

Le sénateur Mitchell : Comme vous faites des progrès sur les plans de la rigueur et des conséquences, vous assouplissez un peu les obligations.

M. Streiner : Là encore, la décision d’assouplir les obligations relève des politiques, et c’est la prérogative du gouvernement. En revanche, il est clair qu’une réglementation plus uniforme se traduira par une application plus rigoureuse et plus efficace.

Le sénateur Mitchell : Ma deuxième question a trait à l’interconnexion et à la notion de direction judicieuse du transport. Nous savons que l’interconnexion de longue distance vise les expéditeurs et les producteurs captifs, qui ne peuvent pas se tourner vers la concurrence. En revanche, la norme des 30 kilomètres s’appliquera à tous les expéditeurs.

M. Streiner : C’est exact, à tous les expéditeurs.

Le sénateur Mitchell : C’est exactement ce à quoi je fais référence quand je parle de différence qualitative entre les marchés. Pourquoi une compagnie de chemin de fer insisterait-elle pour diriger une cargaison dans la mauvaise direction pour ces 30 kilomètres? Est-ce que c’est parce que c’est la direction dans laquelle le train roule à ce moment? Des trains ne circulent pas dans les deux directions tous les jours, loin de là. Est-ce que cette mesure vise à améliorer l’efficience des chemins de fer? Au contraire d’un autobus, un train ne peut pas tourner sur lui-même et repartir en sens inverse.

M. Streiner : Monsieur le sénateur, j’imagine que votre question fait suite à celle du sénateur Plett?

Le sénateur Mitchell : Oui, exactement.

M. Streiner : Je vous inviterais à la poser à des représentants du secteur de l’expédition ou des chemins de fer. Je ne crois pas qu’il ait été reproché aux compagnies de chemin de fer d’imposer une direction ou une autre. Le problème soulevé, si je comprends bien, concerne le fait que le projet de loi ne permet pas à un expéditeur qui normalement aurait accès à l’interconnexion de longue distance de s’en prévaloir si un lieu de correspondance est situé dans un rayon de 30 kilomètres, même s’il estime qu’il ne convient pas à ses besoins parce que le train ne va pas dans la direction voulue.

Les expéditeurs ont soulevé cette préoccupation, qui relève des politiques gouvernementales. Existe-t-il un lien avec le choix de la direction par les compagnies de chemin de fer? Vous devrez le demander à ceux qui expédient des marchandises.

Le sénateur Mitchell : La distinction est importante.

Le sénateur MacDonald : Merci d’être venus aujourd’hui. Je suis ravi de pouvoir discuter avec des représentants de l’ACSTA. Je vais en profiter pour vous faire part de quelques observations concernant les voyages.

L’une des principales plaintes des voyageurs a trait aux files d’attente et aux engorgements aux contrôles de sécurité dans les aéroports. Vous avez mentionné que vous étiez satisfaits des améliorations apportées. Pourtant, presque tout le monde ici sera d’accord pour dire qu’il est difficile de voir comment la situation s’est améliorée ces dernières années — et croyez-moi, nous passons énormément de temps dans les aéroports, surtout ceux de Halifax, d’Ottawa, de Toronto et de Montréal pour ce qui me concerne.

C’est très différent aux États-Unis. J’ai des cartes NEXUS et Global Entry, et je peux obtenir très rapidement le feu vert de la TSA. J’attends très peu dans les aéroports américains. Je passe plus rapidement aux contrôles aux États-Unis que dans mon propre pays. C’est un peu troublant et, franchement, assez inacceptable. Que se passe-t-il? Pourquoi le Canada n’arrive-t-il pas à concevoir et à mettre en place un système analogue à celui de la TSA aux États-Unis?

M. Parry : Le Canada a son propre programme des voyageurs dignes de confiance, qui est régi par Transports Canada. Pour ce qui concerne les raisons ou les façons de changer les choses, je dois vous renvoyer à notre organisme de réglementation.

Je peux affirmer que nous constatons une amélioration marquée de l’expérience globale des passagers. De toute évidence, nous sommes totalement favorables à toute initiative susceptible d’améliorer davantage cette expérience, et notamment, pour ce qui concerne les temps d’attente, dans la mesure du possible.

J’ai parlé du fait qu’il n’existe pas de norme légale en matière de niveau de service, et que nous fixons les objectifs en fonction des crédits qui nous sont octroyés, qui nous servent d’étalons de mesure. Notre pays est l’un des seuls dans le monde à utiliser un système de mesure aussi pointu. Nous pensons que nos données sont assez fiables pour ce qui est des temps d’attente, surtout dans les aéroports de catégorie 1. Je conviens que l’affluence peut parfois être très importante, monsieur le sénateur, surtout pendant les périodes de pointe où les départs ont tendance à être rapprochés, et nous déployons le plus de personnel possible. Nous déployons autant d’effectifs que possible durant ces périodes. Nous avons observé des améliorations au chapitre du traitement depuis quelques années, qui se traduisent par une croissance du taux de traitement des passagers.

Par ailleurs, nous évaluons l’expérience des passagers au moyen d’enquêtes trimestrielles par entrevues. Les données recueillies indiquent que 85 p. 100 des passagers sont satisfaits en général de leur passage aux points de contrôle. Bien entendu, je ne dis pas qu’on ne pourrait pas faire mieux et que nous restons les bras croisés. Nous sommes déterminés à apporter toutes les améliorations possibles.

Comme je l’ai déjà mentionné, des voies sont réservées aux voyageurs dignes de confiance, qui remplissent certains critères — par exemple, les détenteurs d’une carte NEXUS — et parce que le traitement est simplifié. Nous avons également mis en place de nouveaux moyens technologiques partout au pays afin de diminuer le temps d’attente des passagers. Par exemple, nous avons le système ACSTA Plus, une voie de contrôle de sûreté automatisé dotée de certaines caractéristiques qui permettent aux passagers dont le contrôle est rapide de dépasser ceux dont le traitement est plus long.

Est-il possible de faire mieux encore? Tout à fait. Faisons-nous mieux déjà? Oui. Les données indiquent clairement qu’il y a eu des améliorations, ce qui ne nous empêche pas d’être ouverts à toute autre initiative qui pourra améliorer l’expérience des voyageurs.

Le vice-président : J’ai une question pour l’ACSTA. Pourquoi le système ACSTA Plus n’est-il pas installé plus vite dans d’autres aéroports?

Monsieur Streiner, pour ce qui concerne l’enregistreur audio-vidéo de locomotive, si les dispositions du projet de loi avaient existé, comment l’analyse d’accidents survenus dans le passé aurait-elle été effectuée? Cette technologie permettra-t-elle de faire de la prévention? J’aimerais que vous nous donniez des exemples.

M. Parry : Si j’ai bien compris, vous me demandez pourquoi nous n’allons pas plus vite?

Le vice-président : Quels obstacles vous empêchent d’aller plus vite?

M. Parry : Le premier obstacle est d’ordre budgétaire. Nous finançons l’initiative ACSTA Plus grâce aux économies et aux gains d’efficience réalisés dans notre budget des immobilisations. Pour le moment, la technologie ACSTA Plus a été installée aux aéroports de Calgary, de Montréal, de Toronto et de Vancouver.

Notre deuxième défi consistera à déterminer quels aéroports pourront être dotés de la technologie ACSTA. L’installation requiert un assez grand espace. Nous avons noué d’excellents partenariats avec différents aéroports canadiens qui nous aident à repérer les meilleurs emplacements disponibles. Nous devons être patients et conscients des défis auxquels sont confrontés les aéroports. De toute évidence, l’espace est précieux pour tous, et nous collaborons assez étroitement avec chacun. Nous savons qu’ils ont hâte. Nous avons eu beaucoup d’échanges à ce sujet avec d’autres aéroports.

Pour l’instant, je peux vous confirmer que des projets de déploiement seront réalisés au cours de l’année, notamment à Montréal et à Toronto, où nous poursuivrons l’expansion, et également l’année prochaine.

Je le répète, il faut tout d’abord retirer les systèmes en place. Nous devons déterminer quels changements et quelles modifications à l’aménagement de l’espace relèvent des aéroports eux-mêmes. Ils collaborent de très près avec nous, et je vous assure que d’autres aéroports et d’autres points de contrôle seront dotés de la technologie ACSTA Plus dans les trois prochaines années.

M. Streiner : La question portant sur les enregistreurs audio relève du Bureau de la sécurité des transports, dont vous recevrez des représentants plus tard aujourd’hui, je crois. Le mandat de l’Office des transports du Canada porte sur la réglementation économique et l’accès pour les voyageurs. Les questions de sûreté et de sécurité relèvent du Bureau de la sécurité des transports et de Transports Canada. Ma collègue pourra peut-être répondre à votre question lorsqu’elle témoignera devant vous.

Le vice-président : Je reposerai ma question.

Le sénateur Plett : Monsieur Streiner, à ma question concernant les retards, vous avez répondu qu’ils seraient dorénavant visés par une disposition législative. Je ne voudrais pas vous citer incorrectement, mais je crois que vous avez mentionné que, pour l’instant, les compagnies aériennes agissent de leur propre chef dans ce domaine.

Aux fins du compte rendu, j’aimerais lire un passage du code de conduite des compagnies aériennes canadiennes :

Si le retard est supérieur à 90 minutes et si les circonstances le permettent, la compagnie aérienne offrira au passager l’option de sortir de l’aéronef jusqu’à ce qu’il soit temps de partir.

Ce code de conduite s’applique à toutes les compagnies aériennes du Canada, pas seulement à une. C’est peut-être ce que vous vouliez dire dans votre réponse, mais ce que j’ai compris, c’est que les compagnies se donnaient des règles à ce sujet par pure gentillesse. Or, elles ont bel et bien un code de conduite. Si je ne peux pas descendre d’un avion après 90 minutes, pourriez-vous me répéter quels sont mes recours actuellement? Et dites-moi si me trompe, mais il semble que le projet de loi ne les a pas améliorés.

M. Streiner : Le code de conduite n’a pas force de loi, et c’est pourquoi j’ai tenu à faire une distinction. J’ai noté ce que vous avez dit, et je ne dirais probablement pas que les compagnies agissent de leur plein chef. Dans le régime actuel, les compagnies peuvent inclure des conditions à leur tarif — qui établit leurs conditions de transport —, au meilleur de leur jugement, sans être assujetties à des normes ou à des indemnités minimales ayant force exécutoire. C’est ce qui change avec le projet de loi. Le code de conduite restera non contraignant. La différence viendra de la nouvelle réglementation visant à protéger les passagers, qui aura force exécutoire si le projet de loi C-49 est adopté. La réglementation sera contraignante, et c’est la distinction importante.

Le sénateur Plett : Merci. Je vais en rester là.

Monsieur Parry, dans votre réponse à mon collègue, le sénateur MacDonald, sur la lenteur des files d’attente dans les aéroports… J’ai justement pris l’avion à Orlando hier, et j’ai eu l’occasion de voir à l’œuvre ce qui, je crois, est l’équivalent de notre voie NEXUS. C’est une voie de précontrôle, et le traitement se fait très rapidement.

Je crois que nos voies NEXUS sont assez rapides, mais je viens de Winnipeg. Je ne sais pas si je m’adresse aux bonnes personnes, mais je vais quand même vous poser ma question. À Winnipeg, j’ai l’impression que les voies NEXUS sont fermées la moitié du temps. Quand elles sont ouvertes, tous les passagers semblent pouvoir s’y faufiler. N’est-ce pas contraire à l’objectif du programme NEXUS?

La sénatrice Gagné et moi prenons souvent les mêmes vols. Fréquemment, nous devons intégrer une autre file que celle de la voie NEXUS, pour nous apercevoir, tout à coup, qu’elle vient d’ouvrir. Quand je me plains de cette situation aux autorités de l’aéroport, on me répond que ce n’est pas de leur ressort, parce que c’est Transports Canada qui réglemente ce système. Est-ce que je m’adresse à la bonne personne? Si c’est le cas, que pouvez-vous faire pour accélérer le traitement des passagers dans ma merveilleuse ville de Winnipeg?

M. Parry : Je crois que vous vous adressez à la bonne personne. Je commencerai par là.

Le sénateur Plett : Excellent!

M. Parry : Votre observation est juste et très fréquente en fait. Je vais tenter de mettre dans leur contexte les difficultés inhérentes aux voies réservées aux voyageurs dignes de confiance au Canada.

Dans certaines parties du pays, dont Winnipeg, un très petit volume de voyageurs dignes de confiance satisfont aux critères pour emprunter ces voies. Vous ne vous en apercevez peut-être pas quand vous êtes vous-même dans la file, mais le volume global des passagers dignes de confiance qui peuvent emprunter cette voie est assez modeste.

Dans ces cas, si ces voies étaient réservées exclusivement aux voyageurs dignes de confiance pendant une période continue de 12 à 14 heures par jour, l’efficience des agents de sûreté sur le plan du nombre de passagers contrôlés serait très faible. Si ces voies étaient ouvertes en tout temps, toute la journée, très peu de passagers pourraient les emprunter. Il resterait 95 p. 100 des passagers qui verraient cette voie ouverte, mais qui ne pourraient pas en profiter. C’est tout un problème.

La réglementation nous permet de faire ce que nous appelons une « inclusion contrôlée », qui consiste à garder les voies assez occupées pour maintenir une bonne productivité des agents lorsque le volume des passagers dignes de confiance n’est pas suffisant. Cette méthode permet d’atténuer certains des problèmes déplorés par les passagers concernant les temps d’attente, dont il a été question aujourd’hui. Nos effectifs et notre capacité de contrôle étant limités, nous déployons tous les efforts voulus, au risque de déplaire à certains passagers, pour en faire une utilisation efficiente et traiter autant de passagers que possible.

Tout cela pour dire, monsieur le sénateur, que vous avez raison. Il peut arriver que des passagers qui devraient normalement emprunter la file d’attente générale se retrouvent dans la voie des voyageurs dignes de confiance, mais ils doivent subir des contrôles additionnels. Nous le faisons dans le but d’optimiser les ressources et de réaliser les gains d’efficacité qui nous sont demandés depuis cinq ans.

Par ailleurs, il y a souvent de la confusion dans les files d’attente avant les points de contrôle à cause des différents points d’entrée dans les files réservées aux clients privilégiés des compagnies aériennes et membres d’autres programmes de fidélisation. Ces programmes ne sont pas la responsabilité du personnel de l’ACSTA. Ce ne sont pas nos programmes. Une certaine confusion peut se créer quand des passagers empruntent ces voies et se dirigent d’eux-mêmes vers les voies réservées aux voyageurs dignes de confiance en pensant qu’ils y ont droit puisqu’ils sont des voyageurs privilégiés. Nous nous efforçons actuellement, de concert avec les aéroports, de rectifier cette situation. Nous recevons beaucoup d’aide de leur part, mais c’est un autre défi de taille. Les passagers ne comprennent pas toujours qui fait ou non partie des voyageurs dignes de confiance.

Le sénateur Plett : Permettez-moi d’ajouter un commentaire très bref à ce sujet, et de vous donner un exemple de ce que nos bons amis de Halifax font, et c’est tout à leur honneur. En fait, je ne suis pas certain si c’est encore le cas. De mémoire, à Halifax, un point d’entrée a été ajouté pour la voie NEXUS, mais, quand les passagers parviennent au contrôle de sûreté, il n’y a plus de voie réservée aux détenteurs de carte. Une fois à ce point, les voyageurs dignes de confiance sont amenés à l’avant de la file. Si vous ne voulez pas affecter des effectifs à la voie NEXUS à Winnipeg, pourquoi ne pas copier ce modèle? Quand un voyageur digne de confiance se présente, il est simplement escorté à l’avant de la file.

J’aimerais formuler un autre commentaire. En tant qu’homme d’affaires et contribuable, il est évident que je ne suis pas en faveur de payer des gens à ne rien faire. Mais, je me retrouve là, dans une longue file d’attente, et je vois six ou huit employés de l’autre côté de la sécurité, en train de discuter, et la file d’attente de NEXUS est fermée. Je suis convaincu qu’ils sont payés pendant qu’ils se trouvent là. Peut-être qu’ils pourraient se tenir dans la file d’attente de NEXUS plutôt que de rester de l’autre côté de la sécurité.

M. Parry : Je répondrai tout d’abord à votre première question. L’expérience à laquelle vous faites allusion, à Halifax, correspond somme toute à une voie d’évitement de file d’attente, vous avez tout à fait raison. Cette façon de procéder existe, et elle devrait être utilisée; et je me ferai un plaisir d’examiner votre expérience de filtrage lorsque je quitterai le comité, à la fin.

Le sénateur Plett : Je vous remercie.

M. Parry : Mais oui, bien entendu, une voie d’évitement de file d’attente devrait être disponible, et si parfois elle ne l’est pas, nous allons certainement y jeter un coup d’œil.

Il y a un malentendu qui découle de la perception des passagers; je suis à même de le constater aussi parce que je voyage beaucoup. Il y a souvent un employé à la fin d’un poste de contrôle. Les exigences liées à la formation d’un agent de contrôle sont très rigoureuses et continues. Ces agents reçoivent des quantités de séances d’information entre les quarts, et ils font un apprentissage périodique de manière à se tenir au fait des menaces actuelles et en évolution pour la sécurité, ainsi que des modifications apportées au cadre réglementaire.

Nous n’avons pas de locaux de formation disséminés un peu partout. Nous ne louons pas beaucoup d’installations de formation, c’est pourquoi une bonne partie de la formation se déroule précisément au poste de contrôle. Cette situation est problématique, parce que les passagers ont souvent l’impression qu’un groupe d’agents de contrôle sont agglutinés autour du superviseur, et lorsque vous êtes dans une file d’attente, vous vous dites : « Mais pourquoi ne sont-ils pas dans la file d’attente? » Certains d’entre eux n’ont pas encore obtenu la certification pour se trouver dans la file d’attente. Ils sont en train de suivre leur formation en cours d’emploi ou reçoivent de l’information sur des changements en cours.

S’ils sont sur place et en mesure de travailler, je vous garantis qu’ils seront déployés sur la file d’attente.

Le sénateur Plett : Merci. Je dois dire que les choses se sont considérablement améliorées partout au pays au cours de la dernière année environ, aussi j’en profite pour vous remercier de vos efforts.

Le sénateur Mitchell : Tout le processus se déroule assez rapidement, à Edmonton, mais nous aimerions obtenir cette autre possibilité, nous aussi.

Ma première question s’adresse à M. Streiner. Vous avez déclaré qu’il ne vous appartient pas d’élaborer les politiques. Je ne voudrais pas vous sembler argumentateur, mais pour les besoins de la discussion, les militants qui se portent à la défense des droits des voyageurs, comme M. Lukács, semblent souhaiter vous faire des propositions — et il a déjà réussi à près de huit reprises à faire modifier la politique, et ce, à titre de simple militant pour la défense des droits.

Comment cela fonctionne-t-il? Il vous présente ses revendications, et vous vous arrangez pour les transmettre au ministre, ou peut-être que vous bénéficiez d’une certaine initiative en matière de politique — non, de toute évidence, vous n’en bénéficiez pas, mais il existe d’autres moyens pour M. Lukács et les autres organismes de défense des droits de faire connaître leurs observations relatives à la politique. Et il semble qu’il ne soit pas nécessaire pour cela de s’adresser à votre organisation, parce que vous répondriez que cela ne relève pas de votre compétence.

M. Streiner : Pour vous apporter des précisions concernant mon précédent commentaire, lorsqu’il s’agit de choix de politiques relatifs au contenu de la loi, ces choix relèvent du gouvernement. Ils relèvent du ministre, et aussi du Parlement qui, en fin de compte, décidera du contenu de la loi. L’Office des transports du Canada est heureux de partager son expérience concernant son administration de la loi actuelle afin de contribuer à éclairer les choix du gouvernement et des parlementaires. À cet égard, nous ne sommes pas des décideurs. En revanche, vous, le ministre et le gouvernement êtes des décideurs.

Nous détenons toutefois le pouvoir, en vertu de la loi actuelle, et ce sera le cas aussi en vertu du projet de loi C-49 une fois qu’il aura été adopté, d’évaluer le caractère raisonnable des tarifs aériens. C’est dans ce contexte que certaines des décisions que vous avez mentionnées ont été prises.

Il y a réellement deux choses que nous pouvons faire aux termes de la loi actuelle lorsque nous recevons des plaintes à l’endroit de compagnies aériennes entourant les expériences de voyage en avion. Nous pouvons déterminer si la compagnie aérienne a effectivement mis en œuvre ses propres conditions applicables au service aérien. La compagnie a-t-elle respecté ses propres tarifs, par exemple? Nous pouvons aussi déterminer si ces conditions liées aux tarifs sont raisonnables. Si elles ne le sont pas, nous pouvons ordonner un changement.

C’est à cet égard que nous avons pu exercer ce que vous appelez des répercussions sur les politiques. Nous avons été en mesure de dire aux compagnies aériennes que ce qu’elles offraient à titre de compensation pour un retard de l’embarquement, un vol retardé ou un refus d’embarquement est inadéquat. Nous pouvons donc ordonner des changements. Vous nous avez vus exercer ce pouvoir lors de l’enquête sur Air Transat. Après les longs retards de vols sur l’aire de trafic, nous avons usé du pouvoir qui nous est conféré par la loi pour amorcer notre propre enquête. Nous pouvons exercer ce pouvoir eu égard aux vols internationaux, mais pas pour les vols intérieurs. Nous avons usé de notre pouvoir, et entrepris une enquête, de notre propre initiative. Nous avons donc entendu des témoins, et nous nous sommes prévalus de ce pouvoir. Nous avons constaté que la compagnie aérienne avait omis de mettre en œuvre ses propres conditions applicables au service aérien. Nous avons aussi conclu que certaines de ces conditions étaient déraisonnables, et nous avons ordonné qu’elles soient modifiées. C’est en ce sens que nous pouvons réellement, si vous voulez, contribuer à « l’élaboration de politiques ». C’est différent des choix qui entourent le libellé d’une loi ou d’un projet de loi, une prérogative qui vous appartient et, il incombe au gouvernement de s’en prévaloir.

Le sénateur Mitchell : J’imagine que vous pourriez encore une fois faire valoir qu’étant donné que la spécification des droits sera effectuée avec plus de rigueur, on aura moins besoin de recourir à ce genre de moyen de défense, mais si jamais ils avaient besoin de faire défendre leurs droits, les passagers pourraient toujours téléphoner au sénateur Plett, à moi, ou à leur député. Il existe bien des moyens de revendiquer ses droits à cet égard, mais celui-là n’en fera pas partie.

M. Streiner : Dans les domaines où nous prendrons des règlements en vue de la protection des passagers au titre du projet de loi C-49, si ce dernier est adopté, il est probable que nous n’aurons plus l’occasion de trancher sur le caractère raisonnable des tarifs parce que la loi stipulera : « Voici ce que vos tarifs doivent contenir », point final. Nous pourrions conserver la possibilité de prendre des règlements sur le caractère raisonnable des tarifs dans d’autres domaines, comme je l’ai mentionné tout à l’heure. Nous pourrions continuer de nous pencher sur la raisonnabilité dans des domaines où la loi ne prévoit pas de normes minimales, mais nous ne nous occuperons plus de déterminer le caractère raisonnable dans les cas où la loi prévoit des normes minimales. Nous nous occuperons plutôt de la surveillance de la conformité et de l’exécution.

Le sénateur Mitchell : Est-ce que des défenseurs des droits pourraient être autorisés à comparaître dans des situations qui ne sont pas prévues par la loi?

M. Streiner : Lorsque vous dites : « Est-ce que des défenseurs des droits pourraient comparaître », est-ce que vous voulez dire : « Est-ce que des gens pourraient exprimer leurs sujets de préoccupation »?

Le sénateur Mitchell : Sans que la situation problématique ne leur soit arrivée personnellement? C’est le fond de ma question.

M. Streiner : Donc, vous revenez sur la question posée par la sénatrice Gagné.

Le sénateur Mitchell : En effet, donc maintenant, nous aurons deux catégories. La catégorie des situations prévues par la loi sera exclue très certainement, mais les situations qui n’ont pas encore été inscrites dans la loi, comme c’est actuellement le cas — seraient-elles exclues?

M. Streiner : Le libellé du projet de loi C-49 a trait au dépôt de plaintes en général, et non à une catégorie particulière de plaintes. Les passagers auront la possibilité de déposer des plaintes sur les sujets couverts par les règlements et sur ceux qui ne le sont pas. Les décisions relatives au caractère raisonnable que pourrait prendre l’office ne s’appliqueraient que dans les domaines où des normes minimales n’ont pas été inscrites dans la loi.

Quant à la mesure avec laquelle les organismes de défense des droits pourraient déposer des plaintes, comparativement aux passagers, la sénatrice Gagné a déjà indiqué que le libellé de la loi précise clairement qu’il s’agit des personnes directement touchées. Par conséquent, lorsque l’office exerce son pouvoir discrétionnaire, un pouvoir qui a été reconnu par la Cour suprême, c’est-à-dire celui de décider de recevoir ou non une plainte en particulier, si le projet de loi est adopté sans modification, cela reviendrait à éclairer l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

Le sénateur Mitchell : Ce projet de loi vous accorderait plus de pouvoir ou un plus grand rôle à jouer sur le plan de la médiation ou de l’arbitrage des conflits entre expéditeurs et producteurs. Pourriez-vous nous livrer quelques faits saillants de ce que ces modifications vont entraîner?

M. Streiner : Certainement. Je vais vous donner quelques faits saillants. Pour commencer, j’aimerais vous dire que nous disposons déjà de pouvoirs de médiation et d’arbitrage en ce qui a trait aux conflits entre expéditeurs et compagnies ferroviaires. Ces pouvoirs existent déjà, mais le projet de loi prévoit deux ou trois autres choses.

Premièrement, il codifie un rôle pour l’Office des transports du Canada qui consiste à fournir des directives et des renseignements aux expéditeurs et à d’autres entités au sujet de leurs droits prévus par la loi. Nous allons donc intensifier nos efforts pour nous assurer que les gens sont bien informés. Cela nous confirme que nous pouvons nous engager dans le règlement de différends, et ce, avant d’en arriver à la médiation. Nous pouvons faire quelques appels, et voir s’il y a moyen de trouver un terrain d’entente. Les pouvoirs qui nous sont conférés s’apparentent à ceux du Surface Transportation Board, aux États-Unis. En effet, le Surface Transportation Board est un office comme le nôtre, mais qui est mandaté pour s’occuper uniquement des transports ferroviaires.

Ensuite, pour ce qui est de l’arbitrage plus particulièrement, le projet de loi entraînera quelques changements. Pour ce qui est de l’arbitrage concernant les différends liés aux tarifs, les nouvelles dispositions élèvent le seuil auquel nous devrons entreprendre des procédures d’arbitrage accéléré ou sommaire, et elles permettent aux expéditeurs de demander l’application d’un tarif fixé par voie d’arbitrage pendant une période de deux ans plutôt que d’un an, comme c’est le cas actuellement.

En ce qui concerne l’arbitrage pour des questions de prix ou d’entente sur le niveau de service — il y a deux genres d’arbitrage que nous pouvons entreprendre : sur les prix ou sur le service — le projet de loi confirme notre capacité de prendre des règlements eu égard aux conditions opérationnelles qui seront régies par ces arbitrages. Cela faisait partie du projet de loi C-30. Comme vous le savez, le projet de loi C-30 est devenu caduc, aussi le nouveau projet rétablit notre capacité de prendre des règlements. Il confirme aussi que les décisions fixées par voie d’arbitrage concernant le niveau de service peuvent inclure des sanctions réciproques et un mécanisme de règlement des différends.

Il y a donc un certain nombre de modifications qui contribuent à améliorer l’arbitrage sur des différends portant à la fois sur les tarifs et sur le service.

Le vice-président : Je vous remercie, madame Andreou, monsieur Parry et monsieur Streiner, de vos exposés. Nous nous préparons à accueillir dans trois ou quatre minutes le prochain groupe de témoins. Si vous souhaitez tenir une réunion privée sur les questions qui viennent d’être soulevées, je vous invite à le faire dans l’antichambre.

Nous poursuivons l’étude du projet de loi C-49. Et j’ai le plaisir de vous présenter nos prochains témoins. Du Bureau de la sécurité des transports du Canada, nous accueillons Mme Kathy Fox, présidente, Bureau exécutif, M. Jean L. Laporte, administrateur en chef des opérations, Bureau exécutif, M. Kirby Jang, directeur d’enquêtes, Direction des enquêtes ferroviaires et de pipelines, et M. Mark Clitsome, conseiller spécial à l’administrateur en chef des opérations.

Kathy Fox, présidente, Bureau exécutif, Bureau de la sécurité des transports du Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie d’avoir invité le Bureau de la sécurité des transports du Canada à comparaître devant vous aujourd’hui pour répondre à vos questions concernant la partie du projet de loi C-49 qui concerne l’installation d’enregistreurs audio-vidéo de locomotive et l’utilisation de ces enregistreurs à des fins de sécurité.

Vous venez de présenter les trois collègues qui m’accompagnent et qui sont en mesure de répondre à vos questions sur des précisions de détail éventuelles.

Comme le BST s’est présenté devant ce comité il y a déjà un certain temps, je commencerai par une brève description de notre travail. Notre mandat — et notre unique vocation — consiste à promouvoir la sécurité des modes de transport aérien, maritime, ferroviaire et par pipeline relevant de la compétence fédérale. Nous le faisons en menant des enquêtes indépendantes, en déterminant les lacunes de sécurité, les causes et les facteurs contributifs d’un événement, en faisant des recommandations et en publiant nos rapports.

[Français]

Autrement dit, lorsque survient un incident, nous menons une enquête afin de savoir non seulement ce qui s’est passé, mais aussi pourquoi cela s’est produit. Ensuite, nous rendons publiques nos conclusions afin que ceux et celles chargés de prendre les mesures qui s’imposent, soit les organismes de réglementation et les intervenants de l’industrie, puissent le faire.

[Traduction]

Il est également important de préciser ce que le BST ne fait pas. Nous ne sommes pas un organisme de réglementation ni un tribunal, nous n’attribuons pas de faute et nous ne déterminons pas la responsabilité en matière civile ou criminelle.

Nous sommes un organisme distinct, sans lien de dépendance avec les ministères et les organismes gouvernementaux. Cela nous permet d’être impartiaux et libres de toute influence extérieure réelle ou perçue. Mais l’indépendance ne suffit pas. Nous devons aussi être crédibles. C’est pourquoi nous nous efforçons d’atteindre l’excellence en nous assurant de fonder nos conclusions sur des preuves scientifiques, des analyses rigoureuses et des faits réels et concrets.

Cela m’amène à l’objet de notre présence ici aujourd’hui. Comme vous le savez, le projet de loi C-49 apporte des changements à la Loi sur la sécurité ferroviaire et à la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Il impose l’installation d’enregistreurs audio-vidéo dans la cabine des locomotives de tête qui circulent sur les voies principales. Il accorde également l’accès à ces enregistrements à Transports Canada ainsi qu’aux compagnies ferroviaires, mais seulement dans des conditions déterminées.

J’aimerais aujourd’hui attirer votre attention sur quatre points. Premier point : Le BST requiert des enregistreurs audio-vidéo à bord des cabines de locomotive pour mieux effectuer nos enquêtes. Ce sont pour nous des outils essentiels. Nous les réclamons depuis 2003. Ils nous fournissent de l’information dans d’autres modes de transport depuis des années, voire des décennies.

Nous avons trop souvent constaté que sans cette source d’information cruciale sur le contexte, nous n’avons pas pu établir les causes de certains accidents et des décès qu’ils ont entraînés. Cette situation est inacceptable.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Le 26 février 2012, un train de voyageurs VIA Rail a déraillé près de Burlington, en Ontario. Les trois membres d’équipage qui se trouvaient dans la cabine ont perdu la vie et des dizaines de passagers ont été blessés. Le consignateur d’événements à bord nous a fourni quelques données grâce auxquelles nous savons que le train circulait à 67 milles à l'heure sur une liaison où la vitesse maximale permise était de 15 milles à l'heure. Mais ce que nous n’avons jamais pu établir avec certitude, c’est pourquoi. L’équipage n’a-t-il pas vu les signaux lui indiquant de ralentir? Ou les a-t-il vus, mais mal interprétés? Nous ne le savons pas, et nous ne le saurons jamais. Un enregistreur audio-vidéo de locomotive aurait permis de mieux comprendre les facteurs opérationnels et humains influençant l’équipage et aurait orienté les enquêteurs vers les lacunes de sécurité qui auraient ainsi pu être atténuées.

C’est l’une des raisons qui ont motivé l’ajout des enregistreurs audio-vidéo de bord à notre liste de surveillance en 2012. Il est temps de mettre fin aux études et de fournir ces précieux outils au BST.

J’aimerais insister sur la différence entre les enregistrements audio et les enregistrements audio et vidéo. Elle est importante. C’est la combinaison des deux modes qui nous permet le mieux d’évaluer le comportement des équipes de conduite sur le plan opérationnel et humain. Je parle ici de facteurs déterminants, comme l’interaction entre les membres de l’équipe, le degré de saturation des tâches, la gestion de la charge de travail, le stress, la fatigue ou les distractions.

D’ailleurs, nous souhaitons aussi avoir accès à des images dans les autres modes de transport. Aux États-Unis, les locomotives sont déjà équipées d’enregistreurs vidéo. On les trouve sur la passerelle de certains navires bien que cela ne soit pas obligatoire. En outre, certains constructeurs d’aéronefs offrent les enregistreurs vidéo en option dans les nouveaux appareils.

Deuxième point : l’information extraite des enregistreurs audio-vidéo de locomotive doit demeurer confidentielle.

[Français]

L’information ne doit pas être publiée. Elle doit demeurer protégée, de manière à ce que seules les personnes autorisées qui en ont directement besoin pour des motifs légitimes de sécurité puissent y avoir accès. La loi qui a créé le Bureau de la sécurité des transports accorde déjà cette protection et celle-ci demeurera en vigueur.

[Traduction]

Troisième point. L’information extraite de certains enregistreurs audio-vidéo de locomotive devrait être accessible aux compagnies ferroviaires qui devront les utiliser dans le contexte d’un système de gestion de la sécurité préventif et non punitif. Pourquoi? Parce que les compagnies ferroviaires sont responsables de la sécurité de leurs activités. Elles doivent s’efforcer de prévoir les risques et de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les accidents.

Par exemple, suite à un incident qui ne fait pas l’objet d’une enquête du BST, les compagnies devraient être autorisées à utiliser les enregistrements afin d’analyser elles-mêmes l’événement. Elles pourraient ainsi en tirer des leçons et adopter des mesures préventives pour éviter la répétition d’incidents semblables.

De même, l’étude d’enregistrements sélectionnés au hasard permettrait aux compagnies ferroviaires de déceler les faiblesses de leurs méthodes d’exploitation ou de leurs programmes de formation des employés. Elles pourraient ainsi adopter des mesures correctives avant que ne survienne un accident ou autre incident. En sachant comment les membres d’une équipe de conduite interagissent entre eux et avec leurs équipements, les compagnies sont en mesure de signaler les améliorations nécessaires. Ce principe est au cœur de la gestion préventive de la sécurité : il faut donner aux compagnies les outils dont elles ont besoin pour trouver et corriger les problèmes systémiques avant qu’une tragédie ne se produise.

Quatrième point : même si nous sommes en faveur de donner aux compagnies ferroviaires un certain accès à ces enregistrements, la législation et les règlements doivent prévoir des contrôles adéquats, afin de veiller à ce que ces renseignements ne soient pas utilisés à des fins disciplinaires, sauf dans des circonstances particulièrement accablantes.

Bien qu’essentielle, cette dernière exigence pourrait se révéler l’une des plus délicates, notamment parce qu’elle est intrinsèque à ce qu’on appelle une « culture juste ». Il est vrai que les compagnies ferroviaires canadiennes ont souvent fait preuve d’une culture punitive très axée sur le respect des règles. Et, bien que des progrès aient été accomplis pour améliorer cette culture, le BST comprend pourquoi les employés sont préoccupés par l’utilisation à bon ou à mauvais escient de ces données.

Le BST croit toutefois que le cadre législatif peut favoriser un contexte permettant de distinguer clairement entre une simple erreur humaine et un comportement inacceptable, et où on ne cible pas le travailleur sans avoir préalablement recherché les facteurs contributifs systémiques. Nous croyons qu’avec les mesures de protection appropriées, les employés pourraient collaborer avec les dirigeants pour cerner les risques et améliorer la sécurité.

[Français]

Transports Canada devrait aussi avoir accès à ces enregistrements pour exercer une surveillance de la sécurité, et devrait pouvoir les utiliser lors de recours contre les exploitants, mais, encore une fois, pas au détriment des employés.

[Traduction]

En conclusion, il est vrai que les modifications législatives proposées rompent avec la tradition. Mais le secteur et la technologie des transports évoluent, et les méthodes de travail doivent suivre le mouvement. Il n’y a aucun doute que l’information extraite des enregistrements audio et vidéo sera un outil précieux si elle est utilisée pour des motifs légitimes de sécurité. La législation et sa mise en œuvre doivent assurer un juste équilibre entre les droits des employés et les responsabilités des exploitants afin d’assurer la sécurité de leurs activités.

Merci, monsieur le président. Si vous avez des questions, nous y répondrons avec plaisir.

[Français]

La sénatrice Gagné : Bienvenue et merci de votre présentation, madame Fox. Vous avez expliqué qu’il serait important, pour les compagnies ferroviaires, d’avoir accès aux enregistrements audio et vidéo, parce que — et je cite un extrait de votre présentation :

[…] l’étude d’enregistrements sélectionnés au hasard permettrait aux compagnies ferroviaires de déceler les faiblesses de leurs méthodes d’exploitation ou de leurs programmes de formation des employés.

Est-ce que le Bureau de la sécurité des transports a le pouvoir de déceler les faiblesses des méthodes d’exploitation ou des programmes de formation des employés de ces entreprises?

Mme Fox : Lorsqu’on mène une enquête sur un incident ou un accident, on examine tous les facteurs opérationnels, organisationnels, réglementaires pour savoir quel rôle ont pu jouer ces facteurs lors d’un accident ou d’un incident. Ainsi, si on décèle, lors de l’enquête, que la formation ou les procédures d’exploitation ou de surveillance démontrent des faiblesses, on peut tirer des conclusions ou même faire des recommandations, si cela s’impose.

La sénatrice Gagné : Les employeurs doivent-ils répondre à leurs manquements systémiques ou aux faiblesses que vous avez cernées?

Mme Fox : Dans notre rapport, il y a une section intitulée « L’action des mesures de sécurité prises ». On s’attend à ce que les opérateurs, les exploitants ou l’organisme de réglementation nous fassent part des mesures prises à la suite de cet accident, de nos conclusions ou des enquêtes auxquelles ils auront procédé durant notre enquête.

[Traduction]

La sénatrice Griffin : Je suis de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous avons deux traversiers qui font la navette avec la Nouvelle-Écosse, et ils sont tous deux équipés d’enregistreurs audio. Ils fonctionnent en boucle. Ne serait-il pas possible de les équiper de ces mêmes enregistreurs audio et vidéo que ceux qui sont proposés pour les compagnies ferroviaires, et de les utiliser en boucle?

Mme Fox : En règle générale, les enregistreurs audio ou vidéo sont dotés d’une certaine capacité d’enregistrement de données. Par exemple, en mode de transport aérien, l’enregistrement pourrait s’étaler sur une durée de 30 minutes à 2 heures, après quoi, les enregistrements sont écrasés. Les normes technologiques n’ont pas encore été élaborées pour les enregistreurs audio-vidéo de locomotive. Mais il est certain que nous prévoyons nous doter d’une certaine capacité d’enregistrement, et aussi de la capacité d’écraser l’enregistrement après une certaine période.

La sénatrice Griffin : Si j’ai bien compris ce que vous dites, cette capacité deviendra disponible avec le temps.

Mme Fox : Il faut tenir compte de deux aspects. Le premier, c’est que dans le mode de transport aérien, par exemple, on ne conservait que les 30 dernières minutes de l’enregistrement, et ensuite on écrasait le reste. C’est nettement insuffisant si vous tentez de déterminer les circonstances ayant mené à un accident; c’est la raison pour laquelle désormais une norme internationale prévoit une capacité d’enregistrement de deux heures, après quoi, on peut écraser l’enregistrement. Mais les normes restent à définir pour les enregistrements audio et vidéo sur les locomotives parce que dans ce cas, les trajets peuvent être assez longs. C’est une chose qui sera examinée si ce projet de loi est adopté.

La sénatrice Griffin : D’accord, parfait.

Dans votre exposé, vous avez indiqué que les compagnies ferroviaires n’utiliseraient pas les renseignements enregistrés pour prendre des mesures contre les employés à titre individuel, mais que ces renseignements vous seraient très utiles à vous pour prendre des mesures contre les compagnies ferroviaires. Dans quelle mesure êtes-vous à l’aise avec l’idée que les compagnies ferroviaires, une fois que vous les auriez sanctionnées, ne se retourneraient pas contre leurs propres employés?

Mme Fox : Nous avons inclus dans la trousse de documentation que nous vous avons transmise une feuille de faits saillants qui explique les utilisations permises des enregistrements audio. Si vous voulez parler de l’utilisation que les compagnies pourraient en faire elles-mêmes, elles pourraient s’en servir pour enquêter sur les incidents devant être signalés. Il s’agit des incidents qui doivent être signalés au Bureau de la sécurité des transports — et il existe aussi des règlements à cet égard — mais sur lesquels nous n’enquêtons pas. Les compagnies pourraient utiliser les enregistrements pour cerner les enjeux de sécurité et les lacunes à cet égard, mais pas à des fins disciplinaires.

Transports Canada aurait aussi la possibilité de se servir des enregistrements pour faire enquête sur les incidents devant être signalés et sur lesquels le BST n’enquête pas. Si jamais le ministère découvrait quelque chose d’inapproprié, il pourrait prendre des mesures, à titre d’organisme réglementaire, contre la compagnie, mais pas contre un employé en particulier. Le privilège accordé par la Loi interdit expressément de se servir des enregistrements pour prendre des mesures disciplinaires ou des actions judiciaires, à moins qu’un tribunal n’ait donné son accord dans le dernier cas.

La sénatrice Griffin : Très bien, donc la réponse à ma question, c’est que vous êtes à l’aise avec ça.

Mme Fox : Désolée, oui, en effet.

La sénatrice Griffin : Je vous remercie.

Le sénateur Plett : Merci pour votre exposé. Je pense que vous savez sans doute déjà que même au sein de ce comité, et certainement au Sénat, les opinions divergent quant à savoir si cela devrait être permis. Je compte parmi ceux qui sont très fortement en faveur. Honnêtement, je trouve même que l’on ne va pas assez loin. Permettez-moi de vous poser deux ou trois questions à ce sujet.

Vous dites que le contenu des enregistrements ne doit pas être rendu public, qu’il doit être protégé. Je suis en train de regarder la feuille de faits saillants que vous nous avez envoyée et les photos sur la position des caméras. Je trouve que c’est très bien fait. Alors, voilà, quelque chose de criminel est en train de se passer dans la locomotive — et grâce à Dieu, cela ne se produit pas très souvent — mais un accident survient, et on constate qu’une personne qui se trouvait dans la cabine a bu de l’alcool ou peu importe. Ne pensez-vous pas que l’enregistrement devrait être partagé, au moins devant les tribunaux? Ne devrions-nous pas prendre des mesures à la suite de ce qui s’est passé, ou bien est-ce que ces systèmes doivent uniquement servir à déterminer la cause d’un accident et rien d’autre?

Jean L. Laporte, administrateur en chef des opérations, Bureau exécutif, Bureau de la sécurité des transports du Canada : La loi fondatrice du BST contient déjà une disposition relative aux affaires portées devant les tribunaux. Lorsqu’il est nécessaire ou lorsque l’on exige l’utilisation d’un enregistrement en cour, le juge peut faire appel à un processus lui permettant d’autoriser l’utilisation du contenu d’un enregistrement si la bonne administration de la justice l’emporte sur la confidentialité normalement accordée à ces enregistrements. Au fil des années, un critère a été établi dans la jurisprudence et le juge doit l’appliquer dans tous les cas qui se présentent.

Si on constatait l’existence d’une activité criminelle et si des accusations devaient être portées, la poursuite pourrait demander au tribunal la permission d’utiliser les enregistrements. Dans de telles situations, habituellement, la loi prévoit que le BST doit en être informé. Nous comparaîtrions en cour. Nous nous assurerions que le juge comprend bien la loi et l’intention visée, et nous verrions à ce que le critère soit appliqué comme il se doit.

Dans un certain nombre d’affaires, le juge a autorisé l’utilisation des enregistrements, mais nous avons demandé qu’une interdiction de publication soit imposée par le tribunal afin d’empêcher que le contenu des enregistrements ne soit rendu public, tout en pouvant être utilisé dans le cadre d’une procédure criminelle. Dans d’autres affaires, le juge avait statué qu’étant donné que d’autres éléments de preuve étaient disponibles, il fallait éviter d’utiliser ces enregistrements.

Le sénateur Plett : Dans votre quatrième point, vous dites « afin de veiller à ce que ces renseignements ne soient pas utilisés à des fins disciplinaires, sauf dans des circonstances particulièrement accablantes ». Qui détermine qu’il s’agit de circonstances accablantes? Et qu’entend-on par circonstances accablantes?

Mme Fox : C’est un point qui sera étudié de plus près au moment de rédiger les règlements, mais pour ce qui est de définir quel genre de comportement pourrait justifier des mesures disciplinaires, il existe notamment une disposition relative aux risques pour la sécurité prévus par la loi et dans le cadre de ces risques, les compagnies peuvent prendre des mesures en conséquence. Dans certaines circonstances, et même en l’absence de risque pour la sécurité, lorsque les faits parlent d’eux-mêmes, et que toute personne raisonnable en viendrait à la conclusion que le comportement observé était extrême et que, par conséquent, il justifie la prise de mesures disciplinaires.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup de votre exposé. Madame Fox, vous avez mentionné notamment que les données recueillies pourraient être utilisées de façon proactive pour cerner des problèmes ou enjeux systémiques. L’un de ces problèmes qui semblent ressortir de la lecture que je fais de la situation est ce problème récurrent de l’absence de signaux ferroviaires. Est-ce que cela fait partie des problèmes systémiques? Est-ce que ce problème n’est pas à l’origine de l’accident qui s’est produit à Burlington?

Mme Fox : Si vous me permettez, je vais d’abord répondre à la question sur l’accident de Burlington. Nous savons que la signalisation fonctionnait correctement, et nous savons que les signaux transmis aux membres de l’équipage indiquaient qu’il fallait ralentir à l’approche de la liaison avec une autre voie. Nous ignorons s’ils les ont vus ou s’ils les ont tout simplement mal interprétés.

En effet, au fil des années, il y a eu un certain nombre d’accidents dus à l’absence de signaux. Dans certains cas, un équipage est présent, et dans d’autres, il n’y a pas d’équipage à bord. Il n’est pas toujours possible de déterminer les raisons d’un accident. Le fait de disposer d’un enregistreur audio et vidéo combiné nous fournirait beaucoup plus de renseignements sur ce qui s’est passé à ce moment-là. Où regardaient-ils? Y avait-il d’autres distractions dans la cabine de la locomotive susceptibles d’avoir empêché un membre d’équipage de voir le signal ou de l’interpréter correctement?

Le sénateur Mitchell : J’aimerais vous poser une question au sujet des incidents devant être signalés. Ma question comporte deux implications. La première, même si cela n’a pas été dit, c’est que, dans la mesure où les compagnies auront accès à ces renseignements pour évaluer les circonstances d’un incident, on peut dire que ces derniers sont rigoureusement définis comme devant être signalés. Les compagnies ne peuvent pas décider au hasard sur quels incidents elles doivent se pencher. Il existe une définition très stricte de ce qui constitue un incident devant être signalé, n’est-ce pas?

Mme Fox : C’est exact. Les règlements du BST définissent clairement le type d’incident devant être signalé. Et en faisant en sorte de limiter, pour les compagnies ferroviaires, l’accès aux enregistrements à ceux qui concernent les occurrences devant être signalées, et sur lesquelles le BST ne mène pas d’enquête, on prévient ou on restreint la possibilité de cibler des employés ou groupes d’employés en particulier.

Le sénateur Mitchell : Vous l’avez expliqué — ou en tout cas, cela a été clairement dit — qu’environ 1 à 3 p. 100 des incidents devant être déclarés sont examinés par votre organisme après le fait. Cela signifie que 99 p. 100 des incidents définis comme devant être signalés ne font pas l’objet d’un examen, en tout cas, pas avec ces renseignements en main. Et vous disposeriez maintenant de ces renseignements. Même les syndicats sont favorables à l’installation de ces enregistreurs. Mais, même si vous obtenez la permission de vous en servir, il reste que 99 p. 100 des incidents devant être signalés par la compagnie ne seraient pas examinés à la lumière des renseignements que vous souhaitez obtenir avec l’adoption de ce projet de loi. Voici donc ma première question qui porte sur le volume.

Mais aussi, compte tenu du fait que les compagnies n’auraient pas accès à des renseignements à titre proactif, on peut penser que personne ne se préoccupera des autres incidents potentiels qui pourraient être évités grâce à ces renseignements, est-ce exact?

Mme Fox : Permettez-moi d’apporter quelques précisions. Nous recevons un certain nombre de rapports d’incidents chaque année. Je pense que ce nombre tourne autour de — corrigez-moi si je fais erreur — 1 200 occurrences devant être signalées dans le mode ferroviaire. Nous menons une enquête sur environ 2 p. 100 de tous ces incidents. Lorsque je dis que nous menons une enquête, j’entends par là une enquête complète, avec le dépôt d’un rapport public. En revanche, nous évaluons tous les incidents. Nous documentons toutes les données. Cela peut comprendre ou non l’écoute d’enregistrements.

Le fait est que, même si nous n’effectuons pas une enquête complète, il reste encore des renseignements utiles pour les compagnies ferroviaires, des renseignements qui leur permettraient de tirer des leçons si elles décidaient de mener leurs propres enquêtes internes et de cerner les enjeux systémiques sur lesquels elles peuvent intervenir, soit en modifiant les procédures, en améliorant la formation, en revoyant la supervision, et ainsi de suite.

De la même façon, si ce projet de loi est adopté, les compagnies ferroviaires auront la possibilité de procéder à un échantillonnage aléatoire à l’aide de protocoles appropriés. Au moyen de cet échantillonnage, elles pourraient aussi cerner de façon proactive les faiblesses, les lacunes du point de vue de la sécurité, avant que ces dernières n’entraînent un incident ou un accident devant être signalé.

Le sénateur Mitchell : Concernant l’échantillonnage aléatoire, ces renseignements choisis de façon aléatoire ne pourront être consultés qu’au moyen de codes exclusifs ou d’une analyse informatique exclusive. L’accès à ces renseignements sera donc enregistré électroniquement, donc le caractère aléatoire des renseignements pourra être établi, n’est-ce pas?

Kirby Jang, directeur d’enquêtes, Direction des enquêtes ferroviaires et de pipelines, Bureau de la sécurité des transports du Canada : Évidemment, les spécifications techniques de ces systèmes n’ont pas encore été établies, mais une chose est sûre, c’est qu’elles sont actuellement à l’étude. D’après ce que nous comprenons, le chiffrement serait inclus dans le système. En ce qui a trait aux traces claires pour la vérification, au suivi et à la surveillance, chaque fois qu’un ensemble de données sera consulté, cela sera enregistré. À mon sens, la surveillance de ces fichiers de vérification à rebours est importante, et des protocoles seront mis en place à cet égard.

Le sénateur Mitchell : Merci.

Le sénateur MacDonald : Le sénateur Plett a dit tout à l’heure que cette demande ne fait pas l’unanimité. Je fais partie des gens qui sont complètement contre l’installation d’enregistreurs vidéo dans les cabines de locomotives. La technologie des boîtes noires et des enregistreurs audio existe déjà dans le poste de pilotage des aéronefs et dans la timonerie des navires. Les travailleurs du secteur ferroviaire ont fait clairement savoir qu’ils n’avaient aucune objection à ce type de surveillance. Si cette norme est acceptable pour ces deux modes de transport, pourquoi est-ce insuffisant pour les locomotives? Pourquoi veut-on appliquer deux poids, deux mesures dans ce cas-ci?

Mme Fox : La réalité, sénateur, c’est que le BST a demandé dans le passé que l’on installe des enregistreurs vidéo dans les postes de pilotage. Je vais demander à M. Clitsome de vous donner un exemple du genre de renseignements que nous pouvons obtenir d’une image, contrairement à ce que l’on peut obtenir d’un enregistrement audio ou de l’enregistrement des données de vol.

Mark Clitsome, conseiller spécial à l’administrateur en chef des opérations, Bureau exécutif, Bureau de la sécurité des transports : Oui, au fil des années, nous avons effectivement mené un certain nombre d’enquêtes pour lesquelles les enregistrements vidéo nous auraient été très utiles et nous auraient probablement permis de déterminer la cause de l’accident. À titre d’exemple, vous vous rappelez sans doute de l’accident de la Swiss Air, en 1998, à Peggy’s Cove. L’équipage disposait d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage à bord de cet aéronef. C’est tout ce dont nous disposions, jusqu’au moment où nous avons perdu les données, soit cinq minutes avant l’écrasement. Mais au cours de la conversation, pendant qu’ils effectuaient les procédures d’urgence, l’un des pilotes a fait remarquer ce qui suit : « Regarde, il y a de la fumée par ici. Est-ce que tu la vois? » Nous ne savions pas ce que « par ici » voulait dire. Nous ignorions d’où sortait la fumée. Si nous avions eu un enregistreur vidéo, nous aurions pu déterminer beaucoup plus facilement l’origine de la fumée, et l’enquête aurait pu se conclure beaucoup plus rapidement.

Le sénateur MacDonald : Si je peux me permettre d’intervenir ici, je me rappelle très bien de cet accident, et on avait modifié les règlements pour indiquer aux pilotes de se rendre directement à l’aéroport le plus proche. Qu’il y ait eu ou non un enregistreur vidéo de ce qui s’est passé dans le poste de pilotage n’aurait rien changé à ce qui est arrivé à cet aéronef.

M. Clitsome : Eh bien, pas dans ce cas précis, en effet, mais au moins nous aurions pu déterminer plus rapidement la cause réelle de l’accident pour pouvoir faire passer notre message de sécurité. En fin de compte, après une enquête qui a duré presque cinq ans, le bureau a formulé des recommandations concernant le matériau isolant de cet aéronef, parce qu’il avait brûlé et qu’il était censé être résistant au feu. Si nous avions su quelques mois après l’accident, alors que nous avions l’enregistreur vidéo, nous aurions pu formuler cette recommandation des années plus tôt.

Le sénateur MacDonald : Mais, encore une fois, vous ne demandez pas aujourd’hui que l’on installe cette technologie dans les aéronefs et les navires. Vous ne la demandez que dans les locomotives.

Mme Fox : Ce projet de loi, qui exige l’installation d’enregistreurs audio et vidéo, nous offre une belle occasion et il crée le bon moment pour envisager d’élargir l’utilisation de ces enregistrements à des fins de gestion proactive de la sécurité.

Je sais que c’est une chose que les compagnies ferroviaires elles-mêmes réclament de façon pressante parce qu’elles estiment qu’elles obtiendront un meilleur rendement de leurs investissements si elles peuvent aussi les utiliser dans le cadre d’une gestion proactive de la sécurité. L’étude que nous avons menée et publiée en 2016 sur les enregistreurs audio et vidéo a montré que les avantages potentiels pour la sécurité liés à l’utilisation accrue des enregistrements audio et vidéo, sous réserve de conditions prévues par règlement, non seulement par le BST, lorsque c’est nous qui menons l’enquête, mais aussi par les exploitants et par Transports Canada, montre qu’on en a plus pour notre argent, si je peux m’exprimer ainsi, si les enregistrements peuvent être utilisés aussi par les compagnies.

Maintenant, en ce qui concerne les enregistrements vidéo ou des images, l’OACI, l’Organisation de l’aviation civile internationale, a indiqué son intention d’aller de l’avant avec l’adoption d’une norme relative aux enregistrements vidéo et d’images dans le poste de pilotage. C’est tout simplement que la norme n’a pas encore été soumise à la tribune internationale, mais il ne fait aucun doute que ce projet figure dans leur horizon prévisionnel.

Le sénateur MacDonald : Ce n’est pas parce que les occurrences sont signalées que cela rend l’installation des EAVL appropriée ou factuelle. Le commissaire à la protection de la vie privée est d’accord avec moi sur ce point. Il a en effet déclaré que l’enregistrement audio et vidéo dans le lieu de travail peut devenir envahissant sur le plan du respect de la vie privée. Est-ce que vous affirmez que le commissaire à la protection de la vie privée se trompe?

Mme Fox : Ce que nous disons, sénateur, c’est qu’en installant des enregistreurs audio et vidéo combinés, le BST et d’autres parties seront plus à même d’apprécier les facteurs opérationnels et humains qui entrent en jeu et qui sont susceptibles d’entraîner ou d’avoir occasionné des incidents.

Nous sommes absolument d’accord avec vous qu’il est important d’établir un juste équilibre entre les droits des travailleurs et des employés et la responsabilité des exploitants de gérer la sécurité de leurs opérations, et nous sommes d’avis qu’il est possible de mettre en place un cadre à cet effet, soit en vertu de la loi, tel qu’il est proposé ou par l’ajout de règlements qui restent à déterminer.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question s’adresse à l’un des quatre témoins, et je les remercie beaucoup de leur présence.

Le transport routier et le transport ferroviaire soulèvent de grandes préoccupations lorsque se produisent des événements comme celui de Lac-Mégantic. Les citoyens se demandent quelles normes le Canada applique pour bien protéger la population.

À l’article 6 du projet de loi C-49, on fait référence au règlement type des Nations Unies pour le transport des matières radioactives. Le projet de loi fait référence au règlement adopté en 2013, alors que les Nations Unies ont adopté ou modifié leur règlement en 2015 et en 2017.

Pourquoi le projet de loi C-49, à l’article 6, ne fait-il pas plutôt référence à la dernière mise à jour adoptée par les Nations Unies? On s’assurerait alors que le règlement est à jour, alors que dans le cas présent, il se base sur la modification de 2013.

Mme Fox : Il faudrait poser cette question au ministère des Transports.

Le sénateur Boisvenu : S’il se produit un incident, vous menez une enquête, n’est-ce pas?

Mme Fox : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Votre enquête sera basée sur des normes applicables, n’est-ce pas?

Mme Fox : Oui.

Le sénateur Boisvenu : Or, cette norme date de 2013, alors que les Nations Unies l’ont modifiée en 2017. En tant qu’organisme qui applique des normes, on pourrait s’attendre à ce que vous ayez la meilleure norme possible. Toutefois, nous avons quatre années de retard sur les Nations Unies, qui a mis à jour cette norme. Je suis étonné que vous me disiez que la question devrait être posée au ministère des Transports. Vous êtes les enquêteurs officiels du gouvernement lorsque se produit un événement. Vous faites ces enquêtes en vous basant sur des normes applicables. Le Canada s’apprête à adopter le projet de loi C-49, avec des normes de 2013 alors qu’on les a modifiées en 2017.

M. Laporte : La première partie de la réponse est la suivante. Nous n’appliquons pas les normes et n’avons aucun pouvoir en ce qui concerne la mise en œuvre de la réglementation. Notre mandat se limite à mener des enquêtes et à identifier tous les facteurs contributifs. Si les normes font partie du problème, nous décrivons le problème dans nos rapports, nous tirons les conclusions appropriées et nous formulons des recommandations.

Le sénateur Boisvenu : Je vais poser la question en sens inverse. Vous êtes un organisme qui applique des normes. Dans un de vos mémoires, n’aurait-on pas dû voir une recommandation qui dit que la norme relative au transport des matières radioactives, qui sont bel et bien dangereuses, devrait refléter les normes de 2017 et non celles de 2013? Vous n’avez pas vu ce trou dans la loi?

M. Laporte : Notre rôle n’est pas de revoir la loi ni de formuler des recommandations à cet égard.

Le sénateur Boisvenu : Vous pouvez par contre y voir des faiblesses.

M. Laporte : Notre rôle consiste à cerner les lacunes pour améliorer les lois, les règlements, les procédures et les opérations à partir d’incidents spécifiques. Tant qu’on n’a pas un événement qui touche ce genre de réglementation, nous n’intervenons pas, car nous n’avons pas le mandat de le faire. Par contre, plusieurs recommandations ont été faites, notamment celles de combler les lacunes dans la réglementation et de mettre à jour et d’améliorer la réglementation. Dans certains cas, on accuse un retard par rapport aux normes internationales et on revendique auprès de Transports Canada que ces normes soient mises à jour. Nous avons une liste de surveillance qui cerne les principaux enjeux en matière de sécurité dans l’industrie du transport. L’un d’eux est qu’il faut trop de temps pour traiter certaines de nos recommandations.

On parlait plus tôt de l’exemple des enregistreurs de voix dans les avions. À l’heure actuelle, on ne respecte pas les normes internationales à cet égard, comme ce que vous avez mentionné à propos des matières dangereuses. Dans le cadre de nos enquêtes sur des accidents d’avion, on a formulé des recommandations et on attend encore des résultats concrets. Nous faisons pression pour une réévaluation tous les ans à ce sujet. C’est peut-être un domaine sur lequel les membres du comité pourraient questionner le ministre des Transports, à savoir pourquoi les délais sont si longs et pourquoi on cite une réglementation désuète.

Le sénateur Boisvenu : Supposons qu’un incident se produise demain impliquant le déversement de matières radioactives. Vous vous rendez sur les lieux et vous vous rendez compte que, si la norme de 2017 avait été appliquée, l’incident ne serait pas arrivé. Va-t-on blâmer la bureaucratie en disant qu’on aurait dû agir?

M. Laporte : On décrit les faits, on fera rapport, on tirera les conclusions appropriées et, au besoin, on formulera des recommandations.

Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à Mme Fox. En approfondissant notre étude, nous sommes plusieurs à être préoccupés par la question linguistique au sein du projet de loi C-49. Quelle est la possibilité pour les passagers ou les employés d’utiliser l’une ou l’autre des deux langues officielles?

Dans le cadre de vos enquêtes, vous parlez de facteurs contributifs. Vous est-il arrivé de décrire la question linguistique comme un élément qui a pu contribuer à un incident, que ce soit sur le plan de la signalisation, des communications entre les employés ou encore des consignes?

Mme Fox : Si on parle de transport ferroviaire, je ne suis pas au courant d’enquêtes qui auraient cité un facteur linguistique. Par contre, dans d’autres secteurs, soit celui du transport maritime, on a signalé certaines anomalies dans les communications, par exemple, l’équipage d’un navire et un pilote. Si l’on constate un problème linguistique ou un problème de communication causé par une différence de langue, on le citera dans le rapport.

Le sénateur Cormier : Est-ce que le projet de loi devrait prendre en considération ces facteurs linguistiques dans sa mise en œuvre?

Mme Fox : On n’a pas vraiment d’opinion là-dessus. Lorsqu’on enquête et qu’on trouve une lacune en raison d’un problème linguistique, on le mentionnera. À ce jour, on n’a pas fait de recommandations à cet égard.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : J’aimerais revenir sur l’exemple que vous avez utilisé, celui du déraillement survenu à Burlington. Pourriez-vous me fournir un peu plus de renseignements. Est-ce qu’il y avait une boîte noire complète et à jour sur ce train, et dans quelle mesure la technologie a-t-elle changé au cours des cinq dernières années? Vous avez réclamé l’installation d’un enregistreur audio-vidéo dans la cabine des locomotives. Est-ce qu’il y avait un enregistreur audio sur ce train?

Mme Fox : Il y avait bien un consignateur d’événements de locomotive dans ce train, ce qui a permis de recueillir certaines données. Mais il n’y avait pas d’enregistreur audio.

Je vais demander à M. Jang de vous répondre au sujet de l’évolution de la technologie au cours des dernières années et de ce que nous avons appris à l’aide de l’étude sur l’EAVL.

M. Jang : Depuis 2012-2013, la technologie pour tous les appareils d’enregistrement a fait des progrès. En ce qui concerne le consignateur d’événements de locomotive, peut-être que des éléments additionnels lui ont été ajoutés. Je n’en ai pas la liste avec moi.

L’un des progrès réalisés par la technologie est l’utilisation du système Wi-Tronix, lequel permet la surveillance de certains types d’alertes et leur transmission à distance à un poste de contrôle en vue de la saisie.

Maintenant, ceci dit, dans le cadre de l’étude que nous avons menée en 2016 sur la sécurité, nous avons analysé la technologie qui était disponible à l’époque. Certaines compagnies ferroviaires procédaient déjà à des installations pilotes, donc le moment était très bien choisi pour effectuer notre étude. Nous nous sommes penchés sur la technologie relative aux enregistreurs audio et vidéo de divers types et modèles. Nous avons eu la chance d’évaluer quatre configurations spécifiques, lesquelles comprenaient notamment audio seulement, vidéo seulement, et une combinaison audio et vidéo. Dans le rapport, nous documentons certaines de nos conclusions à ce sujet.

Essentiellement, la conclusion générale est que, si on utilise un système audio seulement, on peut en tirer des renseignements utiles. Et si on utilise un système vidéo seulement, on peut également en tirer des renseignements utiles. Mais c’est en utilisant la combinaison des deux que l’on obtient le tableau au complet, qui permet de comprendre ce qui s’est produit dans la cabine, et le genre d’interaction qui est survenu dans la cabine.

Le sénateur MacDonald : Dans cet accident, il était évident que le train roulait trop vite, et que c’est ce qui a causé l’accident. Je suppose que la technologie de la boîte noire se trouvant dans la cabine permettrait de déterminer si on a tenté ou pas d’appliquer les freins, ou de le ralentir. Il doit sûrement exister une telle capacité.

M. Jang : Je suis désolé, la capacité de ralentir automatiquement le train?

Le sénateur MacDonald : Non, de déterminer si quelqu’un a tenté de freiner le train, pour le ralentir.

M. Jang : Absolument. En ce qui concerne le freinage, oui, nous disposions de l’information à cet effet.

Je pense que le principal élément que nos enquêteurs ont examiné est évidemment le fait que l’équipe n’a pas réagi de façon appropriée à une série de signaux. L’essentiel est d’essayer de comprendre ce qui s’est passé et pourquoi. Nous avons analysé diverses options et scénarios. À la fin de notre enquête, nous n’avons pas été en mesure de déterminer de façon conclusive, d’une manière définitive et significative, ce qui s’était réellement passé.

Le sénateur MacDonald : Vous ne m’avez pas convaincu. Non, je ne suis pas encore convaincu.

J’ai vu ce qui s’est passé aux États-Unis, il y a quelques semaines. Le train roulait beaucoup trop vite pour l’infrastructure en place. Ils le savent. Ils savent aussi qu’un système qui aurait déclenché automatiquement une baisse de vitesse du train n’a pas fonctionné. Ce sont là des problèmes systémiques et des enjeux liés à l’infrastructure. À ce jour, je n’ai pas encore vu de données probantes comme quoi le fait de regarder après le fait la personne se trouvant dans la cabine pourrait contribuer de quelque manière à empêcher ce genre d’accidents.

Mme Fox : Ce que j’aimerais répondre à cela, sénateur, c’est que, avant même que l’équipage puisse faire quoi que ce soit, dans certains cas, il est trop tard. C’est ce qui s’est produit à Burlington.

Pour pouvoir améliorer la sécurité du système, il faut comprendre les causes profondes. Il faut comprendre ce qui se passe dans la cabine de la locomotive, dans le poste de pilotage, sur la passerelle d’un navire. Beaucoup d’interactions sont non verbales. Nous ne pouvons pas les capter avec un enregistreur de conversations. Nous devons voir, comme l’a fait remarquer M. Clitsome, lorsqu’il est question de fumée dans un poste de pilotage, d’où provient cette fumée? C’est ce qui nous permet de cerner et de déterminer vraiment quelle est la cause réelle d’un accident et ce qui doit être fait pour empêcher qu’il ne se reproduise.

Et nous ne disposerons pas de ces renseignements si nous n’installons pas de systèmes d’enregistrement audio, de préférence agrémentés de l’enregistrement vidéo, afin d’obtenir un tableau plus complet de ce qui s’est passé. Nous ne pouvons pas corriger un problème si nous ne parvenons pas à en déterminer les causes, la séquence des événements, et les raisons. Pourquoi certaines décisions ont été prises, et pourquoi certains gestes ont été posés.

Le vice-président : Je vous remercie, madame Fox.

Sénateur MacDonald, il s’agit seulement de notre première réunion sur ce projet de loi, et il y en aura beaucoup d’autres. Vous aurez donc certainement l’occasion d’aborder de nouveau cette question, j’en suis persuadé.

[Français]

J’aimerais remercier les représentants pour leur participation aujourd’hui.

[Traduction]

Honorables sénateurs, demain nous entendrons des témoins du Bureau de la concurrence Canada; d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada; du Commissariat à la protection de la vie privée et d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

(La séance est levée.)

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