Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 29 - Témoignages du 6 février 2018
OTTAWA, le mardi 6 février 2018
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 9 h 30, afin de poursuivre l’étude de ce projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Aujourd’hui, nous étudions le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.
Nous accueillons deux groupes de témoins. Pour le premier groupe, nous sommes heureux d’accueillir Gérald Gauthier, président intérimaire, Association des Chemins de fer du Canada, Perry Pellerin, président, Western Canadian Short Line Railway Association, George Bell, vice-président, Metrolinx, Sean Finn, vice-président exécutif des Services corporatifs et chef de la Direction des affaires juridiques, ainsi que Janet Drysdale, vice-présidente du développement corporatif et du développement durable, tous deux de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.
Je vous remercie d’avoir accepté de venir. J’invite M. Gauthier à commencer, suivi de M. Pellerin, de M. Bell et de Mme Drysdale.
Le greffier a dû vous informer du temps dont vous disposiez. Sans vouloir être trop strict, j’aimerais pouvoir disposer de plus de temps possible pour les questions.
Monsieur Gauthier, à vous la parole.
Gérald Gauthier, président intérimaire, Association des chemins de fer du Canada : L’Association des chemins de fer du Canada représente plus de 50 exploitants de chemins de fer, notamment des chemins de fer marchandises de catégorie 1 et des chemins de fer locaux et régionaux, aussi appelés chemins de fer d’intérêt local, ainsi que de nombreux chemins de fer voyageurs comme VIA Rail et le Réseau de transport métropolitain.
Je vais parler aujourd’hui de deux éléments clés de cette mesure législative. Premièrement, les dispositions sur l’interconnexion de longue distance. Nous remettons en question l’idée que les expéditeurs doivent avoir accès à des mécanismes de recours supplémentaires s’ils ont accès à un transport routier ou maritime et, par conséquent, à des options concurrentielles. Il est important de reconnaître les points forts du système actuel et d’assurer que nous ne faisons pas marche arrière en adoptant des mesures législatives et des règles inutiles.
Permettez-moi maintenant de parler de sécurité et des dispositions du projet de loi relatives aux appareils d’enregistrement audio-vidéo de locomotive, ou EAVL. La sécurité est une priorité absolue pour le secteur ferroviaire, et les EAVL sont une technologie éprouvée qui peut aider à prévenir les accidents, en décourageant les comportements non sécuritaires pouvant distraire les membres de l’équipage, et en fournissant de l’information sur la cause des accidents. On s’attend à ce que, dans la plupart des cas, l’information enregistrée corrobore les déclarations des membres de l’équipage après un incident.
Les locomotives sont déjà dotées de consignateurs d’événements, similaires à des boîtes noires, qui enregistrent des mesures comme la distance, la vitesse et l’application du frein d’urgence. Bien que cela améliore la sécurité, cela ne permet pas d’évaluer les facteurs humains et l’erreur humaine qui causent des accidents.
On a beaucoup parlé des incidences sur la vie privée des EAVL. Cependant, le projet de loi C-49 est très explicite quant aux circonstances précises où les chemins de fer peuvent accéder aux données enregistrées, et à l’usage qu’ils peuvent en faire. De plus, le ministre a dit clairement, lors de son témoignage devant vous, que les règles prévoiront des amendes de 250 000 $ si une compagnie enfreint les dispositions de la loi sur les EAVL. C’est là une solide mesure dissuasive à l’emploi illégal des données.
Nous ne soutenons pas les arguments selon lesquels les chemins de fer vont enfreindre la loi et accéder à ces données dans des circonstances non autorisées. Cette supposition est tout à fait injustifiée.
Quand la vie du grand public est en jeu, la sécurité doit prévaloir sur la protection de la vie privée. Quand votre lieu de travail est réparti dans des communautés partout au Canada, comme c’est notre cas, on ne peut sous-estimer les implications d’un lieu de travail non sécuritaire. En fait, l’année dernière, la Cour supérieure de l’Ontario, dans une décision sur le programme de dépistage de drogues aléatoire de la Commission de transport de Toronto, a statué que la sécurité des employés et du public était plus importante que les préoccupations sur la vie privée des employés testés et permettait donc à l’employeur d’appliquer sa politique de tolérance zéro.
Nous voulons éviter les accidents au lieu de regretter ceux qui surviennent. Les enregistreurs de locomotive aideront notre secteur à apprendre et à s’améliorer de façon continue.
[Français]
Je serai heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
George Bell, vice-président, Sûreté et sécurité, Metrolinx : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Mes propos aujourd’hui porteront sur les enregistreurs audio-vidéo de locomotive. Metrolinx croit fermement que les EAVL sont un outil essentiel qui, dans le cadre d’un programme de sécurité complet, améliore la sécurité de nos clients, de nos employés et des collectivités que traversent nos trains.
Chez Metrolinx, nous avons probablement plus d’expérience des EAVL que n’importe qui d’autre au pays, alors j’aimerais vous donner rapidement un aperçu de nos opérations et de la façon dont nous avons mis en œuvre cette technologie.
Metrolinx est une société d’État de la province de l’Ontario. Nos responsabilités comprennent le réseau ferroviaire régional de GO Transit, desservant la région du Grand Toronto et de Hamilton, et le service Union Pearson Express, qu’on appelle affectueusement UP, qui assure la liaison entre le centre-ville de Toronto et l’aéroport Pearson.
Ensemble, ils forment le réseau ferroviaire le plus achalandé du réseau ferroviaire principal du Canada. Parmi les 84 millions de passagers qui sont montés à bord d’un train de ligne principale au Canada en 2016, plus des deux tiers ont pris l’un des nôtres.
Aujourd’hui, Metrolinx gère 3 000 trajets de train GO et UP au cours d’une semaine. Ce nombre est déjà trois fois plus important qu’il y a 10 ans.
D’ici 2025, ce chiffre devrait augmenter à plus de 7 000 trajets par semaine alors que nous compléterons notre programme d’expansion de 20 milliards de dollars. Cela se traduira par un service ressemblant à ce que vous pourriez voir dans les grandes villes européennes et asiatiques, avec des trains électriques fréquents fonctionnant toute la journée dans toutes les directions.
Alors que nous apportons ces changements considérables à l’échelle et à la portée de nos opérations, la sécurité est notre priorité absolue. Nous sommes souvent les premiers à adopter de nouvelles technologies et techniques. Les EAVL en sont un exemple.
À partir de 2015, nous avons commencé à installer des EAVL à l’intérieur de toutes les cabines d’opérateur de nos flottes GO et UP. Nous croyons que nous étions le premier exploitant ferroviaire du pays, qu’il s’agisse de passagers ou de marchandises, à franchir cette étape, en avance sur tout mandat prévu par la loi.
Dans le secteur du transport de passagers, la vie humaine est au premier plan. Aux heures de pointe, bon nombre de nos trains GO circulent régulièrement avec plus de 2 500 passagers à bord. C’est le nombre de passagers équivalent à cinq gros-porteurs.
Nous avons été de l’avant avec les EAVL parce que nous devons être en mesure de dire à chacun des passagers — ainsi qu’à nos employés et à nos voisins le long de nos corridors ferroviaires — que nous utilisons les meilleurs outils disponibles et que nous mettons en place le meilleur processus pour les garder en sécurité.
J’ai distribué un document d’information qui fournit un peu plus de renseignements sur la façon dont nous avons mis en œuvre les EAVL, et je serais heureux d’en discuter un peu plus en détail plus tard ce matin.
Metrolinx tient compte des considérations liées à la vie privée de l’équipage, et nous aimerions féliciter les rédacteurs du projet de loi, qui ont trouvé un équilibre approprié. Grâce au lancement et à l’exploitation continus des EAVL, nous avons maintenu un partenariat efficace avec nos équipes d’exploitation, qui sont des employés syndiqués de notre fournisseur de services sous contrat. Nous leur avons clairement indiqué que nous n’avions aucune intention d’utiliser ces enregistrements à des fins de gestion de la discipline ou du rendement.
Tel que rédigé, le projet de loi C-49 formule les principes que nous suivons déjà. Il prévoit trois circonstances dans lesquelles les données peuvent être utilisées, sous réserve de garantie étendue :
Premièrement, par le personnel du Bureau de la sécurité des transports au cours de son enquête à la suite d’un incident; deuxièmement, par le personnel de la compagnie de chemin de fer enquêtant sur un incident à signaler au BST et sur lequel le BST a refusé d’enquêter; troisièmement, par le personnel de la compagnie de chemin de fer, pour l’analyse proactive des enregistrements choisis au hasard dans le cadre d’un système de gestion de la sécurité.
Nous sommes heureux qu’il y ait un consensus parmi les intervenants que le Parlement a entendus selon lequel l’utilisation des EAVL dans la première circonstance est appropriée.
Cependant, nous sommes préoccupés par toute idée que l’on ne peut pas faire confiance aux chemins de fer pour utiliser de manière responsable les données des EAVL dans les deuxième et troisième circonstances que je viens de mentionner.
Les enquêtes menées par le BST sont, heureusement,très rares. Metrolinx n’a pas fait l’objet d’une enquête dirigée par le BST depuis 20 ans. Mais nous ne sommes pas parfaits, et des incidents à signaler obligent les compagnies de chemin de fer à mener des enquêtes justes et responsables au mieux de leurs capacités.
Si le projet de loi devait être modifié afin d’interdire la seconde utilisation, la vaste majorité des incidents à déclaration obligatoire au Canada — plus de 98 p. 100 — ne pourraient plus faire l’objet d’une enquête au profit des EAVL. Bien que les enquêtes soient une bonne chose, la prévention est meilleure.
Comme le comité l’a entendu la semaine dernière du BST, l’analyse proactive est essentielle pour établir une véritable culture de sécurité qui prévient les incidents avant qu’ils ne se produisent.
J’encourage respectueusement le comité à appuyer ces dispositions relatives aux EAVL et à faire en sorte que nous continuions d’avoir le système de transport le plus sécuritaire possible.
Perry Pellerin, président, Western Canadian Short Line Railway Association : Je vous remercie de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui et de donner l’occasion à la Western Canadian Short Line Railway Association de contribuer au projet de loi C-49.
La Western Canadian Short Line Railway Association, autrefois connue sous le nom de Saskatchewan Short Line Railway Association, est une organisation associative à but non lucratif qui représente les intérêts de 14 chemins de fer sur courte distance au Canada.
Nos sociétés ferroviaires membres dépendent de tarifs et d’options de transport ferroviaire concurrentiels. Nous croyons qu’il faut améliorer l’avenir du transport et offrir des choix concurrentiels aux agriculteurs, aux expéditeurs et aux petites entreprises.
Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur trois de nos préoccupations, les écarts de taux établis par les chemins de fer de catégorie 1 sont anticoncurrentiels et désavantagent indûment les producteurs et les petites et moyennes entreprises.
Le nouveau mécanisme d’interconnexion de longue distance réduira la capacité du Canada d’être concurrentiel sur les marchés agricoles mondiaux relativement à d’autres pays.
Enfin, les chemins de fer d’intérêt local devraient avoir accès aux dispositions des expéditeurs comme les ententes de niveau de service. Il est important de comprendre, du moins pour ce qui est des chemins de fer en Saskatchewan, que nous représentons non seulement nos employés, mais aussi nombre de nos producteurs. Surtout, depuis l’élimination de la Commission canadienne du blé, nous sommes de plus en plus les porte-parole de nos producteurs.
J’aimerais brièvement soulever la question des tarifs. À l’heure actuelle, les chemins de fer d’intérêt local ont toute une panoplie de clients. Bon nombre d’entre eux sont des expéditeurs qui ont besoin de faire des déplacements de courte distance, de façon irrégulière, qui requièrent souvent moins de 50 wagons à la fois.
Nous aimerions aider tous nos clients pour l’ensemble de leurs besoins de transport et pour tous les types de déplacements. Bien souvent, c’est impossible en raison des tarifs excessivement élevés pour les déplacements de courte distance et les wagons uniques de catégorie 1. Bien souvent, il faut transporter ces produits par camion, ce qui ajoute sensiblement aux émissions de gaz à effet de serre, défonce les routes et autoroutes des provinces, et décentralise les petites entreprises et la croissance économique.
Il est important d’examiner ce que nous estimons être l’intérêt du gouvernement pour l’environnement. Ce qui se passe dans ce cas-ci est, tout à fait, contraire à cet intérêt puisque cela se traduira par la multiplication des camions sur les routes.
En Saskatchewan, du moins, et probablement au Manitoba, nos routes sont en très mauvais état. Si nous rajoutons des véhicules, cela ne fera qu’empirer.
En outre, cela engendre un effet négatif sur les chemins de fer d’intérêt local lorsque nous essayons de répondre aux besoins de nos clients en matière de courts déplacements et sur la proposition concernant le mécanisme d’interconnexion de longue distance qui nous préoccupe et dont je parlerai sous peu.
Le CN et le CP relèvent les mêmes raisons que par le passé relativement à l’élargissement de l’interconnexion. Le fait d’accorder à une autre compagnie de chemin de fer, comme BN, un plus grand accès au Canada soulève chez nous les mêmes plaintes que nous avons à l’égard de nos transporteurs de catégorie 1. Nous sommes totalement à leur merci lorsqu’il s’agit des tarifs, et cela fait en sorte qu’il soit difficile pour nos expéditeurs d’être compétitifs.
La perte du mécanisme d’interconnexion de 160 kilomètres est très décevante pour nos membres. Même s’il n’était pas accessible aux expéditeurs de l’ensemble de notre réseau de chemin de fer d’intérêt local, il offrait une position de négociation renforcée dans la plupart des endroits. La loi actuelle sur les 30 kilomètres pose problème puisque ce mécanisme est accessible uniquement à 3 membres sur 14.
Malheureusement l’interconnexion de longue distance qui est proposée n’est pas une bonne solution de rechange au mécanisme d’interconnexion de 160 kilomètres qui vient d’être éliminé.
Le principal problème relève du fait que ce nouveau mécanisme est essentiellement fondé sur une moyenne de tarifs commerciaux. Au bout du compte, il y a de nombreux tarifs de longue distance qui sont très coûteux pour nous et pour nos expéditeurs.
Si nous devons tirer profit d’un tarif élevé, nous devons imposer un tarif coûteux. Le fait est qu’un mauvais tarif demeurera un mauvais tarif aux termes de la nouvelle loi.
Ensuite, il faut savoir que les petits expéditeurs sont très réticents à s’adresser à l’agence pour les tarifs d’interconnexion de longue distance en raison des facteurs et des tarifs commerciaux actuels. Par conséquent, cela réduira la concurrence et le trafic accrus de courte distance sur nos trajets, qui provenaient de petits expéditeurs et de nouveaux bâtiments. En plus de l’élimination progressive du mécanisme d’interconnexion de 160 kilomètres, cela fera en sorte qu’il y aura moins de concurrence qu’auparavant, c’est-à-dire avant l’adoption de la Loi sur la modernisation des transports.
Nous comprenons que les expéditeurs sur de courtes distances ont accès à l’interconnexion de longue distance conformément à la loi, mais ce qui nous déçoit, c’est que le tarif pour ce nouveau mécanisme sera fondé sur les tarifs commerciaux, de sorte qu’il deviendra en fait inaccessible.
Il importe de ne pas confondre l’inefficacité et le principe selon lequel moins équivaut à plus. Nous estimons qu’il est possible de faire des gains d’efficacité en travaillant mieux, mais pas forcément en faisant moins de travail. C’est ce que croient les gens relativement au trajet de courte distance et c’est ce qu’ils continuent de croire aujourd’hui.
L’association défend ses clients en ce qui concerne les accords sur le niveau de service. Une bonne partie de nos clients sont de petits expéditeurs. Malgré tout, ils ne sont pas capables d’avoir accès directement aux recours pour expéditeurs prévus par la loi. Ils ne sont donc pas en mesure d’investir le temps et l’argent nécessaires pour vraiment tirer avantage de ces recours.
Afin d’appuyer les petites entreprises et les expéditeurs sur notre réseau, notre association aimerait avoir accès directement aux recours pour les expéditeurs, particulièrement pour ce qui est des accords sur les niveaux de service qui nous permettent de négocier directement avec les chemins de fer de catégorie 1 et l’Office des transports du Canada.
Nous allons parler brièvement d’un autre sujet qui fut très bien abordé par d’autres témoins. La sécurité est très importante sur les lignes ferroviaires sur courtes distances. Nous sommes d’accord avec l’idée des EAVL. Cependant, selon nous, il faudrait faire une exception pour certaines de nos lignes ferroviaires sur courtes distances où la vitesse sur les rails est de 10 miles à l’heure. Il serait suspect d’avoir besoin de tels EAVL sur ces lignes. Nous voulons soutenir les chemins de fer de catégorie 1 et les autres parties prenantes à ce sujet. Nous sommes d’accord pour dire que c’est un outil très sécuritaire, surtout sur le réseau principal où les trains vont à vive allure. Nous voulons soutenir nos collègues à cet égard.
Pour conclure, il est essentiel de penser à la concurrence lors de toute réflexion sur l’avenir du secteur des transports au Canada. L’industrie devient de moins en moins concurrentielle au fil du temps, à la fois pour le transport et la manutention des céréales.
Ce projet de loi vise à augmenter la concurrence, mais continue d'amener notre système de transport vers une efficacité qui décourage les petites entreprises et les petits expéditeurs, en plus d’avoir une incidence négative sur la flexibilité et l’accessibilité au système de transport.
Je suis heureux d’être parmi vous. On m’a toujours dit que le Sénat est un espace de second examen objectif. J’espère que c’est bel et bien le cas.
Janet Drysdale, vice-présidente, Développement corporatif et développement durable, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada : Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de discuter du projet de loi C-49.
Le CN est le plus important chemin de fer du Canada. Notre réseau s’étend de Vancouver et Prince Rupert à Halifax à l’est et au golfe du Mexique au sud. Nous avons des activités dans 8 provinces canadiennes et dans 16 États américains.
Au Canada, le CN possède et exploite un réseau de 22 000 kilomètres de voies acheminant les produits d’importations vers les consommateurs canadiens et les ressources des régions intérieures vers les points d’exportation. Le CN est un important partenaire de la chaîne d’approvisionnement au Canada et est un véritable pilier de l’économie du pays, qui est axée sur le commerce.
Les Canadiens doivent être fiers de leurs chemins de fer, car ceux-ci sont les plus efficaces à l’échelle mondiale, ils emploient directement plus de 25 000 personnes et ils investissent chaque année des milliards de dollars dans l’infrastructure du transport au Canada. En 2018 uniquement, le CN compte investir une somme record de 3,2 milliards de dollars dans son réseau.
Au cours des dernières décennies, la déréglementation du secteur ferroviaire et les investissements que la déréglementation a rendus possibles se sont traduits par une amélioration importante du service et de l’efficacité du secteur, et ont procuré aux expéditeurs canadiens les prix de transport les plus bas parmi les pays industrialisés.
C’est dans ce contexte que l’examen législatif de la Loi sur les transports au Canada a recommandé le renforcement des obligations commerciales réciproques tout en préservant pour les expéditeurs de nombreuses mesures de protection déjà prévues dans la loi.
Malheureusement, le gouvernement canadien a choisi d’emprunter une autre direction, et le projet de loi C-49 semble maintenant vouloir accroître le fardeau réglementaire des transporteurs et des expéditeurs, ce qui aura pour effet de compromettre les gains d’efficacité des dernières décennies.
Le projet de loi omet de reconnaître à quel point les niveaux de service et l’offre de produits se sont transformés afin de répondre aux besoins changeants des expéditeurs. En fait, la grande majorité de nos clients et aussi, de plus en plus d’expéditeurs de céréales canadiennes réglementées, préfèrent une approche commerciale. Il en est ainsi parce que les expéditeurs sont bien placés pour cerner leurs besoins et négocier ce qui est plus avantageux pour leur chaîne d’approvisionnement respective.
Par exemple, dans le cas des céréales canadiennes, la priorité des expéditeurs est l’approvisionnement en wagons. Vous avez parlé de votre réponse. Nous avons conclu des accords commerciaux applicables à environ 90 p. 100 de la capacité de notre parc de wagons.
La capacité des wagons et la capacité des conteneurs sont complètement différentes. Les agriculteurs disent que la capacité des conteneurs est un problème qui va au-delà de la disponibilité des wagons. J’ai l’impression qu’on sait où sont les wagons, mais que personne ne sait où sont les conteneurs.
Lors de son étude sur l’expédition de conteneurs, ce comité a appris qu’un agriculteur de la Saskatchewan qui souhaite expédier ses produits de légumineuses à grains au port de Vancouver appelle pour obtenir des conteneurs, et personne ne sait où ils se trouvent. Ces ententes précisent les engagements de volume des expéditeurs en échange d’un approvisionnement garanti de la part du CN, et elles prévoient des pénalités réciproques.
Nous avons clairement dit que nous nous opposons à des dispositions particulières du projet de loi, qui selon nous entraîneront d’importantes conséquences non désirées. Par exemple, l’interconnexion de longue distance, ou ILD, est un recours qui, avant ce projet de loi, n’avait jamais été recommandé, discuté ou envisagé. Personne n’a entrepris d’études pour déterminer si cette mesure était nécessaire ou si elle allait être efficace.
Un aspect particulier pose problème : l’ILD procure un avantage concurrentiel sans réciprocité aux chemins de fer américains, qui n’investissent que modestement au Canada et y font travailler très peu de gens. Nous ne comprenons pas pourquoi en cette période de renégociation de l’ALENA, le Canada renoncerait à cette disposition sans rien recevoir en retour.
Accorder un tel avantage aux chemins de fer américains au détriment des chemins de fer canadiens pose un risque pour la durabilité du réseau de transport du Canada, qui compte sur le volume de trafic actuel pour générer les capitaux nécessaires au maintien de la sécurité et de la fluidité de l’infrastructure, et à l’augmentation de la capacité du réseau en soutien à la croissance commerciale.
Pour éviter de compromettre davantage les investissements dans l’infrastructure canadienne, nous proposons de modifier le paragraphe 20(2) du projet de loi, de façon qu’il ne soit pas possible de demander une ILD si l’expéditeur se trouve à moins de 250 kilomètres de la frontière Canada-États-Unis. Cette modification assurerait une égalité de traitement entre les chemins de fer canadiens et américains.
Avant de conclure, il est essentiel de parler de la proposition d’utiliser des EAVL dans les locomotives. Il s’agit là d’une mesure essentielle pour atteindre notre objectif commun visant à améliorer la sécurité ferroviaire. Même si nous comprenons les inquiétudes des employés au sujet de leur vie privée, nous sommes certains que les EAVL seront mis en place avec les mesures de protection nécessaires pour minimiser les intrusions dans la vie privée tout en fournissant aux chemins de fer et au gouvernement des renseignements utiles aux fins de la prévention des accidents.
Nous sommes heureux de comparaître aujourd’hui. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président : Merci. La liste est longue, alors veuillez être brefs dans vos questions et vos réponses.
[Français]
La sénatrice Gagné : Cette question s’adresse à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et à l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC). La semaine dernière, la présidente du Bureau de la sécurité des transports, Mme Kathy Fox, qui appuie la proposition de vous donner accès à des bandes audio et vidéo aléatoires à des fins de prévention, a expliqué ceci au comité, et je cite :
[Traduction]
Les chemins de fer ont souvent fait montre d’une culture punitive et d’une culture fondée sur les règles. Même si on accomplit des progrès pour améliorer cette culture, le Bureau de la sécurité des transports comprend tout de même les inquiétudes des employés en ce qui concerne la façon dont ces données seront utilisées, à des fins malveillantes ou pas.
[Français]
Que proposez-vous pour contrôler ces instincts disciplinaires dans l’utilisation de ces bandes audio et vidéo? Seriez-vous d’accord de limiter l’accès seulement pour des enregistrements reliés aux incidents, même ceux qui ne font pas l’objet d’une enquête? Quelle serait la valeur ajoutée de l’étude d’enregistrements aléatoires non reliés à des incidents?
M. Gauthier : La législation est très claire sur l’utilisation qui peut être faite des enregistrements audio et vidéo par les compagnies. Même si Mme Fox faisait allusion à une culture qui a peut-être existé par le passé, la loi est très claire et les enregistrements ne peuvent être utilisés qu’à des fins précises. Conclure que les chemins de fer violeront la loi sous prétexte qu’ils auraient eu une culture différente par le passé, c’est prêter des intentions qu’on ne peut pas faire, à mon avis, lorsque la loi est très claire.
Qui plus est, à sa comparution à votre comité, le ministre a dit qu’il y aurait des sanctions très sévères. Je crois que penser que les chemins de fer agiront contrairement à la loi, ce n’est pas une chose que l’on doit faire. Deuxièmement, vous demandez si on doit se contenter d’avoir accès à l’information dans le cas d’accidents, et c’est vraisemblablement ce que la loi prévoit. En vertu de la loi, le BST pourra mener une enquête lors d’un incident ou d’un accident qui doit être rapporté au BST. Les chemins de fer pourront faire l’analyse d’un accident qui n’a pas fait l’objet d’une enquête par le BST. Selon le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, ils sont tenus d’identifier les événements qui reviennent constamment et qui peuvent poser un problème de sécurité. Les chemins de fer ont cette obligation et ils sont responsables de la sécurité de leurs exploitations.
Il est donc normal qu’ils aient accès à ces enregistrements pour détecter des indices de circonstances qui pourraient poser des risques à la sécurité, et ce sera fait de façon aléatoire. Il ne faut pas s’inquiéter sur l’utilisation des données qui sera faite de ces informations par les chemins de fer.
[Traduction]
Mme Drysdale : Je n’ai pas grand-chose à ajouter. Nous sommes confiants que les mesures de protection qu’on ajoute à la réglementation protégeront la vie privée des employés.
Le sénateur Plett : J’appuie l’idée des EAVL. Ma question porte sur l’interconnexion et s’adresse donc au représentant du CN et à celui de Short Line.
Dans le libellé actuel du paragraphe 129(1), on peut donner à un expéditeur l’accès au chemin de fer concurrent le plus proche. Par contre, cela n’aiderait pas vraiment si l’interconnexion la plus proche éloigne l’envoi de sa destination finale, dans le cas où l’interconnexion la plus proche n’a pas la capacité pour recevoir la taille de l’envoi, ou si la compagnie ferroviaire concurrente la plus proche n’a pas de voies ferrées qui se rendent jusqu’à la destination finale.
Le projet de loi stipule aussi à l’alinéa 129(3)a) qu’un expéditeur ne peut obtenir une interconnexion longue distance si une voie ferrée concurrente se trouve à moins de 30 kilomètres. Expédier l’envoi dans la mauvaise direction peut s’avérer coûteux, ce qui rend l’interconnexion inutile.
Je viens du Manitoba, comme deux de mes collègues. L’interconnexion à la frontière sud de la province m’inquiète.
Au cours des trois dernières années, 75 p. 100 des envois quittant l’élévateur desservi par le CN à Red River South se rendaient vers des points d’exportation soit à l’est, au port de Thunder Bay, ou à l’ouest, au port de Vancouver. Ces routes sont desservies par le CN et le CP, mais pas par BNSF.
L’interconnexion à Emerson est à moins de 30 kilomètres de l’élévateur, mais il est dans la mauvaise direction et utilise la mauvaise voie ferrée pour ces exportations. Afin d’avoir un accès efficace, cet élévateur doit également avoir accès à l’interconnexion CN-CP à Winnipeg.
On a fait part de ces préoccupations au gouvernement et on a proposé une piste de solution. Il s’agirait d’ajouter le libellé suivant aux deux articles que j’ai cités : « Dans la direction la plus plausible de l’origine à la destination .»
Ce libellé se retrouve déjà dans la loi au paragraphe 136.1 à d’autres fins et pourrait facilement s’appliquer ici.
Ma question s’adresse aux deux témoins. Pourquoi ne pas appuyer cette solution? Peut-être que vous le faites et peut-être pas. M. Finn est ici. Je lui ai dit l’autre jour que je ne crois pas que le CN perdrait beaucoup de revenus si on changeait la quantité de grains qui s’en va dans la mauvaise direction.
Si c’est le cas, j’aimerais savoir combien et, bien sûr, j’aimerais savoir si le représentant de Short Line appuierait un tel amendement.
Mme Drysdale : Je vais commencer. Le but visé par l’ILD est d’offrir une option concurrentielle aux expéditeurs qui n’ont accès qu’à une seule voie ferrée. Les expéditeurs à moins de 30 kilomètres de l’interconnexion ont déjà cette option concurrentielle.
Dans le cas de l’installation dont vous avez parlé, et certainement dans le cas de Vancouver, BN est parfaitement capable d’assurer cette circulation vers Vancouver. Les expéditeurs n’ont pas seulement l’option CN pour aller à Vancouver. Ils ont aussi l’option BN.
Cela dit, l’option BN s’offrirait au tarif commercial, car les États-Unis ne sont pas en train de négocier ces options réglementaires.
L’interconnexion à moins de 30 kilomètres offre une option concurrentielle aux expéditeurs dans les corridors fréquemment utilisés et à forte densité dans des lieux de correspondance bien établis, à des tarifs qui reflètent les coûts variables. Sauf votre respect, il est absurde de dire qu’il est coûteux de circuler dans la mauvaise direction dans une zone de moins de 30 kilomètres.
De plus, on envoie le grain au port en employant le trajet le plus efficace, pas nécessairement le plus court. Par exemple, le grain qui provient de la région de Peace River, en Alberta, ira d’abord vers l’est, à Edmonton, pour ensuite partir en direction ouest vers Vancouver. C’est le trajet le plus efficace pour acheminer ce grain au port. C’est une question d’efficacité, pas de kilométrage.
Il y a une interconnexion de 30 kilomètres dans cette zone. On y retrouve des points de correspondance bien établis. Il n’y a jamais eu de plaintes sur la circulation se déplaçant dans la mauvaise direction.
Pour ce qui est de l’élargissement de la fonction de l’ILD afin de couvrir tous les aspects commerciaux de l’industrie céréalière, nous parlons de la compétitivité relative d’un élévateur à grains par rapport à un autre. Ceci, par ailleurs, n’aide pas les agriculteurs. Quand le grain se retrouve dans un élévateur, on parle des entreprises céréalières.
Ici, on veut voir si une entreprise céréalière a un avantage concurrentiel relatif ou un désavantage par rapport à une autre entreprise céréalière. L’entreprise céréalière dans la vallée de la rivière Rouge a accès à des options concurrentielles. L’ILD vise à donner cet accès à une entité qui n’a pas de solution de rechange au transport ferroviaire qui soit concurrentielle.
Le sénateur Plett : Je tiens à préciser, aux fins du compte rendu, que lorsque les coûts des élévateurs et des sociétés céréalières augmentent, ils sont transférés aux producteurs.
Sauf votre respect, il est ridicule de dire que les coûts des producteurs vont augmenter, je pense qu’il est absurde de dire que les céréaliculteurs de l’Ouest canadien verront des coûts s’ajouter à leurs expéditions.
J’aimerais entendre la Short Line Railway Association, s’il vous plaît.
Mme Drysdale : Je voulais seulement dire ceci : supposons que les coûts d’une société céréalière diminuent. Il n’y a aucun règlement qui l’oblige à transférer cette économie aux producteurs. Dans un monde où la Commission canadienne du blé n’existe plus, les producteurs ne peuvent plus faire la différence entre le coût du transport, le coût de l’élévateur ou le taux de profit de la compagnie céréalière. Cela n’est plus visible. C’est ce que je voulais dire.
Le sénateur Plett : Sauf votre respect, il est absurde de dire que les producteurs de l’Ouest…
Le président : Monsieur Pellerin, avez-vous quelque chose à ajouter rapidement?
M. Pellerin : À cet égard, il faudrait peut-être faire preuve d’un peu de bon sens. Il y a des cas où c’est une bonne idée de prendre un pas en arrière pour pouvoir aller de l’avant, surtout en ce qui concerne le transport des céréales.
C’est important pour nos expéditeurs. J’aime la passion dont font preuve les chemins de fer de catégorie 1 pour ce qui est du transport des céréales et leur volonté d’offrir un excellent service mais, au bout du compte, ce sont les céréales des expéditeurs qui doivent se rendre à une certaine destination. Ceux-ci devraient donc avoir le choix de les expédier au meilleur tarif disponible. C’est le devoir du pays de les aider au moins à avoir accès à cette structure de tarif.
Le sénateur MacDonald : Ma question s’adresse à M. Gauthier, mais je pense que vous êtes tous sur la même longueur d’onde à ce sujet, alors sentez-vous tous libres d’y répondre.
Aucun d’entre nous ne sous-estime l’importance de la sécurité et des déplacements. La plupart d’entre nous prenons constamment l’avion. Lorsque je prends l’avion, je suppose que les pilotes ne sont pas des kamikazes et qu’ils souhaitent que leurs passagers arrivent en toute sécurité. Nous devons leur faire confiance. Il m’arrive de prendre le train, et je fais également confiance aux mécaniciens de locomotive.
Je suis curieux. Puisque la sécurité est si importante, comment se fait-il qu’on n’ait pas jugé nécessaire d’imposer l’enregistrement audio-vidéo aux pilotes d’avion et de navire, mais qu’on l’exige pour les mécaniciens de locomotive?
M. Gauthier : Comme vous le dites, la sécurité est importante pour nous comme pour vous. Les chemins de fer sont toujours responsables de la sécurité de leurs opérations. Nous avons suffisamment de technologies pour vérifier l’équipement et les rails ou éviter les défaillances.
En effet, nous avons investi des millions de dollars, et le nombre d’accidents causés par une défaillance de l’équipement ou des rails a diminué, mais nous n’avons pas pu réduire les erreurs humaines de manière notable malgré toutes les mesures que nous avons prises.
Pourquoi? Parce que nous ne savons pas ce qui se passe dans la cabine. Nous ne pouvons pas former nos employés pour des choses dont nous ne sommes pas au courant.
L’avantage de l’EAVL, comme on l’a mentionné, c’est qu’il nous permet de déterminer ce qui est arrivé dans la cabine. En fonction de cela, la compagnie verra quelles leçons doivent en être tirées et formera ses employés en conséquence.
C’est difficile d’améliorer la sécurité si on ne sait pas ce qui se passe à bord.
Le sénateur MacDonald : Sauf votre respect, vous n’avez pas répondu à ma question. Pourquoi le même critère ne s’appliquerait-il pas au poste de pilotage d’un avion ou d’un navire? Pourquoi serait-ce nécessaire dans la cabine d’une locomotive, mais pas dans les deux autres moyens de transport? Pourquoi y aurait-il deux normes différentes?
M. Gauthier : À ma connaissance, les pilotes font l’objet d’un enregistrement audio. Les circonstances sont similaires à celles qui s’appliquent et qui s’appliqueront au secteur ferroviaire.
Quant à savoir pourquoi Transports Canada a décidé de commencer par le secteur ferroviaire, lui seul peut répondre à cette question. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas utiliser cette technologie à bord d’un avion.
M. Bell : Pour poursuivre dans la même veine, j’ajouterais qu’il se pourrait qu’il soit aussi avantageux d’installer des technologies similaires dans d’autres moyens de transport.
Je crois que le transport ferroviaire sera le premier, mais seulement le premier.
Le sénateur Mitchell : Je vous remercie, monsieur Bell, ainsi que les autres, de vos exposés. Vous avez tous exprimé une sincérité et une passion quant à la mise en application d’EAVL pour des raisons de sécurité. De plus, ce faisant, chacun d’entre vous a défendu ardemment la protection de la vie privée.
Monsieur Bell, vous avez mentionné dans votre déclaration que vous auriez des renseignements contextuels à nous transmettre et que vous seriez ravi d’en discuter davantage.
Pouvez-vous souligner les points qui étayeraient davantage votre point de vue?
M. Bell : Les notes d’information que j’ai fournies consistent, en fait, en des diapositives PowerPoint. Je vais les parcourir avec vous.
La première page porte sur nos activités. La deuxième page présente l’intérieur d’une locomotive où ces caméras seraient installées pour permettre une couverture d’environ 95 p. 100 de la cabine. Voilà ce que l’on aperçoit sur la deuxième diapositive.
La troisième diapositive, à la page 4, montre ce que la caméra permet de voir en réalité. Certaines caméras font face au devant du train et permettent d’apercevoir différentes choses, comme les signaux. Si l’on prend l’exemple de l’accident tragique du week-end dernier, on peut apercevoir la position du dispositif d’aiguillage après l’incident grâce à ces types de caméras.
On peut voir les contrôles de locomotives, leur positionnement et leur mode d’emploi. L’image en haut à droite montre une banque d’équipement diagnostique monté sur le mur arrière de la locomotive, là où on enregistre les données. Nous avons un système redondant qui fait en sorte que nous pouvons savoir quelles sont les conditions de la locomotive, et pas simplement du personnel.
La dernière image indique la place des employés dans la locomotive. Il est important pour nous de voir si les employés utilisent un téléphone cellulaire, le cas échéant. Sinon, nous n’en saurions rien. Nous pouvons également voir des comportements qui indiquent de la fatigue, comme hocher de la tête ou dormir dans la locomotive.
Nous avons fait enquête dans le cadre de plusieurs incidents où des locomotives sont passées au rouge. C’est ce qu’on appelle des SPAD enGrande-Bretagne, c’est-à-dire des signaux passés en situation de danger. Or, lorsque nous parlons à l’équipage, dans chacun des cas ils nous diront, à l’unanimité, qu’ils n’étaient pas fatigués, mais nous n’avons aucun moyen objectif de le déterminer.
Enfin, les deux dernières images vous montrent l’intérieur de la cabine de la locomotive. À la dernière page, nous expliquons ce que nous faisons de nos données. Les données sont conservées pendant 72 heures, sur une base de première entrée première sortie. Elles sont remplacées après 72 heures. Elles ne disparaissent pas comme tel, elles sont tout simplement très fortement protégées par mot de passe. Elles ne sont accessibles qu’à nous-mêmes et aux organes de réglementation. Le logiciel employé pour enregistrer ces données n’est pas disponible sur le marché, si bien que la vidéo ne peut être piraté ou téléchargé par personne, hormis nous-mêmes.
La sénatrice Bovey : Je vais donner suite à la question de mon collègue. Je pense qu’il y a des EAVL dans les cabines des trains en Grande-Bretagne. Est-ce bien le cas?
M. Bell : C’est exact.
La sénatrice Bovey : Je m’étonne de vous avoir entendu dire que vous aviez mis en œuvre ce système en 2015. Vous avez dit que vous l’aviez fait en partenariat avec votre personnel de locomotive, qui est pourtant syndiqué.
Pourriez-vous nous parler des négociations et des inquiétudes des employés lorsque vous avez dit que vous alliez employer ces EAVL? Pouvez-vous nous dire comment ils sont employés au Royaume-Uni?
M. Bell : Je vais commencer par les employés. Nous avons instauré ces enregistreurs, car nous estimions qu’il s’agissait d’une mesure énergique que nous pouvions prendre pour favoriser la sécurité.
Si nos employés n’ont pas soulevé d’objections, c’est parce que nous garantissons que nous n’emploierons pas ces enregistrements à des fins disciplinaires, que nous ne nous intéressons nullement à leurs conversations personnelles et que nous nous en servons exclusivement à des fins d’assurance de la sécurité.
Lorsque nous mettons en place ces enregistreurs, nous promouvons la culture de la sécurité. Celle-ci repose sur trois piliers. Premièrement, il faut une culture de signalement. Nous devons savoir ce qui se passe partout sur notre réseau. Deuxièmement, il faut une culture d’apprentissage. Nous devons pouvoir tirer des leçons de l’information que nous recevons.
Enfin, et surtout, il faut une culture de justice. Avec toute l’information que nous recevons, nous devons traiter nos employés équitablement. C’est pour cela que nous avons adopté une approche fortement non punitive.
Mais ce n’est pas tout. Nous voulons une approche non punitive, mais nous voulons aboutir aux trois cas qui sont prévus par la loi et la réglementation. En Grande-Bretagne, ils l’emploient de façon semblable à la réglementation ici.
Le président : Est-ce que cela a amélioré leur bilan de sécurité?
M. Bell : Effectivement.
Le président : Vous avez des chiffres à l’appui?
M. Bell : Non, mais je peux les obtenir.
La sénatrice Bovey : J’ai entendu dire la même chose, et je pense qu’il serait important d’obtenir ces chiffres.
Le président : Si vous avez des données à ce sujet, elles nous seraient utiles.
La sénatrice Bovey : J’aimerais aussi savoir ce qu’il en est au Japon et en Europe, où il y a une culture ferroviaire. Je connais la situation en Grande-Bretagne, mais moins celles du Japon et de l’Europe. Merci.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à nos témoins. Certains expéditeurs qui ont déjà témoigné dans l’autre Chambre nous ont dit que les rapports entre les expéditeurs et les transporteurs relevaient presque des années 1950, dans ce sens où, à l’époque où il y avait très peu de moyens de communication, on fonctionne encore de la même manière aujourd’hui, car les expéditeurs ont très peu accès à l’information que vous possédez, c’est-à-dire à vos feuilles de route. Le paragraphe 77(2) du projet de loi prévoit effectivement un accès partiel à ces informations.
Ma question est dans un contexte de partenariat transparent, honnête entre vous et les expéditeurs. Est-ce qu’il n’y aurait pas lieu d’apporter un amendement à ce projet de loi pour faire en sorte que les expéditeurs aient accès à toute l’information relative à vos feuilles de route afin qu’il n’y ait pas de discrimination entre les expéditeurs, que ce soit ceux qui transportent du pétrole, du grain ou des automobiles? C’est la perception qu’ils ont. Ils sont peut-être victimes d’une forme de discrimination. La question est de savoir s’il n’y a pas lieu d’amender ce projet de loi pour veiller à ce que toute l’information dont vous disposez soit disponible pour tous vos clients principaux.
Sean Finn, vice-président exécutif, Services corporatifs et chef de la Direction des affaires juridiques, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada : Premièrement, il faut comprendre que la relation entre nos clients et nous a beaucoup évolué depuis les années 1950. Aujourd’hui, avec le projet de loi C-49, plusieurs dispositions ont été ajoutées depuis quelques années pour donner accès à des ententes de service entre les chemins des fers et les clients afin de leur permettre d’avoir une certaine compréhension tant de la formation que du service.
Deuxièmement, les dispositions de la loi exigent que les chemins de fer donnent de l’information à l’Office des transports du Canada dans le contexte des nouvelles mesures qui sont prévues. Soyez assurés — et on en a un peu parlé dans la présentation —, aujourd’hui, en matière de grains par exemple, 90 p. 100 de nos livraisons de grains sont sous un contrat commercial négocié entre les parties. Ces contrats de service sont essentiellement négociés entre les parties sur une base commerciale. Si l’on ne s’entend pas, il y a une disposition qui permet à un expéditeur de s’adresser à l’agence pour imposer une telle entente. Les critères de l’entente, les catégories d’informations et les indications des niveaux de service sont tous élaborés.
Je peux vous affirmer que, après 25 ans passés au CN, cela a beaucoup évolué, et bon nombre d’expéditeurs aujourd’hui préfèrent avoir une entente commerciale avec le CN, le CP ou un chemin de fer local plutôt que d’avoir une entente avec des tarifs imposés. Les expéditeurs ne sont pas parfaits, mais depuis une dizaine d’années, nous faisons des efforts assez impressionnants. Est-ce que l’on réussit à chaque fois? Notre réseau est un réseau d’autobus et non un réseau de taxis. Souvent, on aura un expéditeur qui veut du service mardi matin à 9 heures avec 42 wagons. Il faut lui expliquer que l’on dessert plusieurs clients sur la même ligne. On ne fait pas de discrimination. On exploite un réseau immense, souvent sujet à des aléas de température et d’incidents.
Le sénateur Boisvenu : L’industrie minière, entre autres, est très inquiète de ce projet de loi, parce que l’accès à l’information sera partiel et l’information sera incomplète. Dans le cadre du paragraphe 77(2), n’y aurait-il pas lieu d’apporter un amendement pour faire en sorte que l’information relative à vos sommaires soit entièrement accessible plutôt que partiellement accessible selon votre volonté?
M. Finn : La disposition en question permet aux chemins de fer de donner de l’information à l’agence réglementaire, qui saura comment on s’en sert. Si des clients individuels ont une entente de service dans laquelle ils demandent de l’information, et qu’on consent à la leur donner, le tout, naturellement, est sujet à des contraintes de concurrence, car on ne peut pas donner de l’information à deux compagnies au sein d’une même industrie. En permettant l’échange de plus d’information entre nous et les clients, on est en mesure de mieux les servir. Il ne faudrait pas simplement un amendement, mais aussi une volonté de la part des parties de conclure des ententes négociées de bonne foi avec des conditions de service et d’information qui leur permettent de prendre des décisions éclairées.
Le sénateur Dawson : Premièrement, je vous présente toutes mes excuses; je suis arrivé en retard à cause du transport. Avec les nouvelles technologies, on peut enregistrer des choses.
[Traduction]
Avec la technologie, nous pouvons maintenant télédiffuser bien des choses, et j’ai écouté la discussion en venant. J’abonde dans le même sens que le sénateur Plett; si la technologie nous permet d’améliorer la sécurité, nous devrions en profiter.
Cela dit, au sujet de toute l’information qu’exige le gouvernement, vous avez évoqué l’efficience dans votre exposé. Vous vous plaignez des trop nombreux renseignements que demande le gouvernement, mais ne croyez-vous pas qu’il s’en sert pour pouvoir demander à notre comité d’apporter des améliorations au projet de loi?
Mme Drysdale : C’est une excellente question. Les entreprises de chemins de fer fournissent déjà beaucoup de données et elles seront tenues d’en fournir encore plus après l’adoption du projet de loi C-49.
N’oublions pas que le transport ferroviaire n’est qu’un élément de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Les autres membres de la chaîne d’approvisionnement ne sont pas tenus de fournir ces données.
Si seulement une partie de toute l’information requise sert à des gains d’efficience, ce n’est pas l’idéal.
À titre d’exemple, à l’heure actuelle, pour le transport des céréales vers Vancouver, un arbitre a statué que les navires ne peuvent être chargés à la pluie. C’est un bon exemple de perturbation de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement où la partie ferroviaire a peu de visibilité. Il pleut souvent à Vancouver, et cette décision influe grandement sur la fluidité de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.
Le président : Pourquoi?
Mme Drysdale : C’est une question de main-d’œuvre. C’est un enjeu qui dure depuis de très nombreuses années. Des progrès ont été accomplis et, jusqu’à il y a une semaine ou une semaine et demie, le chargement se déroulait dans des conditions que les employés estimaient être raisonnables.
Un arbitre a déterminé que cela ne semble plus être le cas, alors, à court terme, nous ne pourrons procéder au chargement des navires qui arrivent à Vancouver ou à Prince Rupert que lorsqu’il ne pleut pas.
M. Pellerin : Si vous me le permettez, j’aimerais ajouter quelques commentaires.
Je crois que Mme Drysdale soulève un très bon argument. Ce n’est pas seulement un élément du casse-tête. C’est le tout. Parfois, il y a des facteurs sur lesquels les entreprises de chemins de fer n’exercent aucun contrôle et pourtant, elles sont blâmées. Les données peuvent être très trompeuses parfois.
L’élément central pour la Short Line Association ou pour nos membres lorsque cela survient est que, étant donné que nous ne faisons pas partie des 90 p. 100, nous devons souvent assumer la majorité des répercussions. Maintenant, les entreprises de chemins de fer doivent composer avec un manque de wagons vides. Qui en paie la pénalité? C’est habituellement l’entreprise de chemins de fer ou le producteur.
Nous attendons constamment des wagons. Lorsque nous parlons à nos partenaires, ils nous disent : « Ce n’est pas de notre faute. C’est la faute des manutentionnaires de grains à Vancouver, car ils ne déchargent pas à la pluie. » Je comprends cela, mais c’est nous qui subissons la majorité des conséquences de ce changement.
Nous tentons de faire partie de la solution, de parvenir à une entente en quelque sorte ou de mieux comprendre ce que cela signifie pour nos membres.
Enfin, je voudrais parler un instant de ces 90 p. 100. Nous avons constaté une grande amélioration du fonctionnement au cours des deux dernières années. Je crains toutefois que les 10 p. 100 restants ne soient oubliés. Ils n’ont aucune protection. Nous ne devons pas oublier les petites et moyennes entreprises qui œuvrent dans ce domaine.
Le président : La question de la pluie m’intrigue. Pour qu’on ne puisse pas décharger, faut-il avoir une bonne averse ou suffit-il qu’il pleuve légèrement? Interrompt-on le déchargement dès que des précipitations tombent?
M. Pellerin : C’est le capitaine du navire qui décide. Il peut choisir de charger son navire même s’il pleut légèrement, tandis que le capitaine du navire suivant peut refuser de le faire. Cela dépend de la configuration du navire. Il est possible de recouvrir l’entrée de la soute et il y a de petites chutes où l’on peut insérer les tuyaux, mais 9 fois sur 10, on peut commencer le chargement. Si on tente de terminer le chargement du navire, de toute évidence, on ne peut pas utiliser les petites écoutilles du navire. La pluie peut donc avoir des répercussions, c’est certain.
La sénatrice Bovey : Cela permet d’en comprendre l’importance.
Le sénateur Mercer : Il ne pleut jamais à Vancouver. Je n’ai jamais entendu parler de cela avant.
Dans l’exposé du CN, il a été dit que la priorité des expéditeurs aujourd’hui est la chaîne d’approvisionnement ferroviaire. Dans votre réponse, vous avez dit qu’ils ont conclu des contrats commerciaux pour environ 90 p. 100 de la capacité des wagons. La capacité des wagons et la capacité des conteneurs sont deux choses entièrement différentes.
Lorsque nous avons parlé à des agriculteurs, nous avons cru comprendre que la capacité des conteneurs est un problème qui va bien au-delà de la disponibilité des wagons. Il semble, d’après ce que j’ai compris, que vous savez où sont les wagons, mais que personne ne sait où sont les conteneurs.
Comme notre comité l’a appris par le passé, à l’occasion d’une étude sur l’expédition des conteneurs, un agriculteur de la Saskatchewan qui veut expédier ses légumineuses au port de Vancouver appelle une entreprise pour obtenir des conteneurs, mais l’entreprise n’a aucune idée où ils se trouvent. Toutefois, l’agriculteur qui regarde au même moment par sa fenêtre peut voir un train transportant plein de conteneurs à destination de l’Ouest, conteneurs qui sont probablement vides.
Selon moi, c’est un enjeu qu’il faut aborder afin d’accroître l’efficacité du système pour qu’on puisse expédier les produits car, dans le cas des légumineuses de la Saskatchewan, plus on attend, moins bonne est la qualité. Lorsque le produit arrive en Chine ou en Inde, il est servi aux animaux plutôt qu’aux humains. C’est une question que je me pose.
Ma seconde question porte sur l’EAVL. Comment pouvons-nous modifier le projet de loi afin de répondre aux préoccupations des employés concernant le respect de la vie privée? Comment pouvons-nous le modifier tout en réglant la question de la sécurité?
Je me demande pourquoi les données seraient uniquement transmises au Bureau de la sécurité des transports, qui serait alors le seul à pouvoir décider de les transmettre aux entreprises de chemins de fer afin de les sensibiliser aux enjeux que le bureau aurait découverts dans le cadre d’un examen.
Est-il possible de faire les deux? Serait-il possible d’obtenir les données de l’EAVL et de demander au Bureau de la sécurité des transports de les conserver? Les rapports du bureau ne pourraient-ils pas être génériques, c’est-à-dire ne pas nommer les équipages, afin de protéger la sécurité des Canadiens et du transport ferroviaire?
Mme Drysdale : Je vais répondre à la question portant sur les céréales et je vais laisser mes collègues répondre à celle concernant l’EAVL.
Le plus grand enjeu touchant la chaîne d’approvisionnement canadienne aujourd’hui est la capacité. Notre principale préoccupation touche certains aspects du projet de loi et certains des autres amendements proposés. Nous avons besoin d’un cadre réglementaire qui favorisera les investissements requis pour optimiser la capacité.
Vous avez soulevé une excellente question au sujet des conteneurs. Ces conteneurs sont la propriété de sociétés de transport étrangères. Les entreprises de chemins de fer travaillent avec nos clients pour les mettre en communication avec celles qui pourraient le mieux les aider, comme dans le Sud de la Saskatchewan dans le cas du transport des légumineuses. Toutefois, la décision finale revient au propriétaire des marchandises.
Nous aimerions, bien entendu, que l’on porte attention aux investissements. Qu’il s’agisse de la capacité des wagons, de l’utilisation des conteneurs ou simplement des investissements dans l’infrastructure, je peux vous dire que le principal enjeu aujourd’hui pour l’avenir sera la capacité de notre réseau ferroviaire au Canada et s’il pourra soutenir la croissance à l’avenir.
Le sénateur Mercer : À mon avis, c’est un enjeu qui n’a pas encore été abordé. Peut-être que le comité devrait revoir son étude sur les conteneurs.
Nos produits sont endommagés. La qualité de nos produits est affectée par cette situation et, bien sûr, en raison des interruptions de travail à certains ports dans l’Ouest canadien.
M. Bell : J’aimerais répondre à la question concernant l’EAVL, si vous me le permettez. Selon nous, le fait que les données soient transmises uniquement au Bureau de la sécurité des transports ne nous permettra pas d’atteindre nos objectifs en matière de sécurité et de créer une culture de la sûreté.
Quelques raisons expliquent cette incohérence. Le Bureau de la sécurité des transports fait enquête sur moins de 2 p. 100 des incidents pouvant être signalés dont il est informé chaque année. Nous ne pouvons pas apprendre et nous ne pouvons pas nous améliorer si nous sommes informés de seulement 2 p. 100 des événements risqués qui surviennent dans le secteur ferroviaire.
Nous devons soutenir notre culture d’apprentissage et, pour ce faire, nous devons avoir accès au plus grand nombre de données pertinentes possible. Je crois qu’une des façons plus efficaces de restreindre l’utilisation inappropriée des données consiste, comme M. Gauthier l’a dit plus tôt, à imposer des sanctions suffisantes et sévères en cas de mauvaise utilisation, sanctions qui seraient prévues dans le règlement pris en application de la loi ou dans le projet de loi lui-même. De cette façon, on dissuaderait l’utilisation à des fins mal intentionnées ou à des fins autres que pour assurer la sécurité ou pour protéger la vie des milliers de personnes qui travaillent ou voyagent à bord de nos trains. Je crois que ce serait très efficace.
Notre objectif n’est pas de transmettre l’information de manière inappropriée ou d’écouter ou de regarder les bandes audio ou vidéo autrement que pour atteindre nos objectifs en matière de sûreté. Ce n’est vraiment pas là notre objectif. Nous voulons simplement que notre réseau ferroviaire soit plus sûr.
Pour le Bureau de la sécurité des transports, un autre problème, c’est qu’il travaille a posteriori. Nous croyons fermement qu’il faut penser aux indicateurs précédents des incidents, de manière à prévenir un accident, plutôt que d’enquêter après le fait.
La sénatrice Galvez : Il y a beaucoup de questions et beaucoup de réponses. Je pense que vous vous rendez compte maintenant des deux principales préoccupations : les caméras et la transparence. Je vais traiter de ces deux questions, mais d’un autre point de vue.
Premièrement, il est vrai que certains expéditeurs estiment qu’il n’y a pas suffisamment de transparence, de part et d’autre. Il est vrai qu’il y a un organisme pour régler les problèmes en cas de conflits, mais cela ne devrait-il pas se faire dans l’harmonie, s’il y a de la transparence autant d’un côté que de l’autre?
On peut ainsi éviter les tracas administratifs et tous ces litiges coûteux pour tous, y compris pour nous. J’appuie ce qu’a dit mon collègue.
Je veux aussi parler des caméras. Auparavant, je croyais que vous n’aviez aucune donnée sur les trains et que, par conséquent, toutes sortes de choses pouvaient être la cause d’un accident. Je sais maintenant que vous avez un certain contrôle. Vous savez ce qui se passe en ce qui concerne la mécanique et l’électronique d’une locomotive.
Vous voudriez maintenant en savoir plus sur le facteur humain. Vous avez déjà dit que vous vouliez savoir si le mécanicien ou le conducteur s’assoupissait ou dormait carrément. Il y a bien d’autres façons de savoir si celui qui est aux commandes est fatigué.
Vous pouvez mener des sondages et enquêter sur le nombre d’heures travaillées. À Lac-Mégantic, celui qui était aux commandes y était depuis 36 heures. Dans ces conditions, c’est normal d’être fatigué et de s’assoupir.
Avez-vous fait cet exercice par l’intermédiaire de vos ressources humaines, en posant des questions sous forme de sondages? À votre avis, quel est le problème? Avez-vous consommé des drogues? Avez-vous des problèmes personnels? Manquez-vous de sommeil? Est-ce que nous vous donnons à manger? Moi, je m’endors un peu quand je n’ai pas assez mangé. J’ai besoin de sucre.
Je ne vois pas quelle utilité aura l’information s’il s’agit de cliques sporadiques qu’il y ait ou non un accident. Comment traiter ces données d’une manière à donner l’image de la réalité sans pénaliser qui que ce soit? Si vous dites que cela a un rapport avec le conducteur, il faudra pénaliser le conducteur, ou alors, je ne comprends rien.
M. Bell : Votre réponse à la question sur la fatigue, c’est oui. Il y a des règlements au sujet de la fatigue. Il y a des règles sur les heures de service. On exigera bientôt dans notre secteur un plan de gestion de la fatigue axé sur des données scientifiques. C’est déjà envisagé.
La fatigue n’est qu’un aspect du comportement aux commandes du train. Nous nous penchons là-dessus. Nous parlons fréquemment à nos employés. Les données recueillies nous serviraient à dégager des tendances et non pas à identifier des cas individuels.
Nous suivons de près nos activités. Nous les comprenons très bien et nous pouvons déceler des anomalies quand il y en a. Nous voudrions pouvoir faire enquête sur ces anomalies avant qu’un accident survienne, pour déterminer s’il y a des tendances. Chez Metrolinx, nous n’avons vraiment pas le goût de punir nos conducteurs.
La sénatrice Galvez : Pourriez-vous nous expliquer ce que sont ces anomalies?
M. Bell : Volontiers. Il s’agit des cas où les trains ne sont pas conduits de manière habituelle. Par exemple, la façon de freiner se fait d’une façon normale, à laquelle on s’attend. Si on constate que c’est différent, ou que le train n’a pas pu s’arrêter à une plateforme, par exemple, ou à un feu rouge, c’est une anomalie.
La sénatrice Griffin : J’ai quelques courtes questions. La première porte sur les interconnexions et elle est destinée au représentant du CN. Vous avez proposé une modification. Bien entendu, cela risque de prendre du temps. Qu’est-ce qui est le plus important pour vous? Est-ce d’obtenir cette modification ou de faire adopter rapidement ce projet de loi?
Mme Drysdale : Je pense que le plus important, c’est d’adopter le projet de loi tel qu’il est, rapidement, sans amendements.
La sénatrice Griffin : Ma deuxième question s’adresse à la Western Canadian Short Line Railway Association. Avez-vous été consultés avant que soit déposé le projet de loi, et avez-vous recommandé des changements au comité de la Chambre des communes?
M. Pellerin : Il y a des jours où je songe à raccourcir le nom de notre organisation. Quoi qu’il en soit, oui, nous avons été consultés, et notre position n’a pas changé depuis le début.
Vous avez parlé de la transparence, et je comprends l’idée que la classe 1 parle du bon travail qui a été fait pour les contrats commerciaux et autres bonnes affaires. Je pense cependant que la question de la transparence pourrait être écartée si l’expéditeur avait plus d’options.
Si je peux me tourner vers un autre fournisseur de services, l’entente commerciale pourrait me convenir, mais lorsque je suis captif d’un chemin de fer, ou d’un endroit, alors la transparence m’importe davantage.
C’est, en quelque sorte, la position que nous avons depuis le départ. Avant, avec l’interconnexion de longue distance, nous commencions à voir des avantages concrets pour les CFIL et nos expéditeurs. Avec la limite de 30 kilomètres, cela a disparu, et ces questions de transparence reviennent, comme elles avaient déjà été soulevées.
Le président : Pourquoi est-il important d’adopter rapidement ce projet de loi, madame Drysdale?
Mme Drysdale : Cela revient au besoin d’investir. Qu’il s’agisse de l’ALENA ou d’autres circonstances atténuantes, nous savons tous qu’un environnement réglementaire incertain n’est pas propice à l’investissement.
Nous sommes un réseau nord-américain, alors il nous faut songer aux investissements qui peuvent être faits dans ce contexte-là. Quand on ne sait pas ce que seront ou pas les règlements au Canada, cela nuit beaucoup aux décisions relatives à l’investissement à long terme.
Le sénateur Plett : Si vous le voulez bien, j’aimerais que M. Pellerin nous donne une réponse un peu plus étoffée. Je pense qu’il essaie de se faire nommer au Sénat et il nous donne des réponses de politiciens.
Avez-vous recommandé des amendements et êtes-vous content de l’interconnexion?
M. Pellerin : Oui, nous en avons présenté. Nous avons recommandé que la zone d’interconnexion reste à 160 kilomètres, comme maintenant. Nous avons aussi recommandé que les CFIL aient la possibilité de conclure des ententes de service. C’est ce que nous avons proposé.
Le sénateur Plett : Je vous en sais gré.
M. Pellerin : J’essayais simplement d’être gentil.
Le président : Merci beaucoup à nos témoins. Votre contribution est très appréciée. Nous allons maintenant nous préparer à recevoir d’autres témoins.
Pour continuer notre étude du projet de loi C-49, nous accueillons Isabelle Des Chênes, vice-présidente exécutive de l’Association canadienne de l’industrie de chimie, Francis Bognar, conseiller à l’Association canadienne des fournisseurs de chemin de fer, Robert Ballantyne, président de l’Association canadienne de gestion du fret, et David Montpetit, président et chef de la direction de la Western Canadian Shippers’ Coalition.
Je vous remercie tous de votre présence. Je vais inviter Mme Des Chênes à prendre la parole d’abord, suivie par MM. Bognar, Ballantyne et Montpetit.
Vous avez la parole, madame Des Chênes.
Isabelle Des Chênes, vice-président exécutive, Association canadienne de l’industrie de la chimie : J’apprécie cette occasion de témoigner devant le comité aujourd’hui au nom des membres de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie.
L’industrie canadienne de la chimie est un élément vital de l’économie canadienne. C’est le troisième plus gros secteur manufacturier, avec des expéditions annuelles d’un peu plus de 53 milliards de dollars. Nous exportons 75 p. 100 de notre production, ce qui fait de notre secteur le deuxième plus gros exportateur manufacturier du Canada après l’industrie automobile. Et pour de nombreux produits chimiques, le transport ferroviaire est l’un des modes les plus sécuritaires.
Peu de gens pensent au rôle que les produits chimiques jouent dans la société et l’économie canadienne, mais il importe de noter que plus de 95 p. 100 de tous les produits manufacturés comportent un élément chimique. Cela comprend des secteurs de l’économie comme l’énergie, les transports, l’agroalimentaire, les produits forestiers, les produits miniers et les métaux.
Point tout aussi important, la chimie est un secteur en croissance, à la fois mondialement et en Amérique du Nord. Ces cinq dernières années seulement, plus de 300 projets et investissements d’envergure mondiale, d’une valeur comptable de 250 milliards de dollars, ont été annoncés aux États-Unis seulement.
Bien que le Canada ait raté la majeure partie de cette vague d’investissement initiale, il existe des perspectives prometteuses pour gagner une part de la prochaine vague. Ces nouveaux investissements sont importants parce qu’ils créeraient des emplois durables, amélioreraient l’environnement et jetteraient les fondations du développement des produits et des solutions chimiques propres au Canada nécessaires pour relever le défi du changement climatique et de la diminution du carbone au Canada et dans le monde.
Plus des trois quarts des expéditions annuelles de l’industrie sont faites par train, soit près de 14 p. 100 — ou un septième — de toutes les expéditions de marchandises au pays. Cela fait des coûts et des services ferroviaires deux des principaux facteurs quand les investisseurs décident où construire une nouvelle installation ou intensifier leurs opérations au Canada. Un marché du transport de marchandises ferroviaire efficace et concurrentiel est essentiel à la compétitivité de notre industrie et de ses possibilités d’investissement.
Quand le projet de loi C-49 a été présenté en mai 2017, l’ACIC était contente de voir que le gouvernement avait correctement déterminé les domaines où il fallait tenir compte des questions de transparence, d’accès équitable, d’efficience et d’investissement à long terme.
Cependant, dans un mémoire écrit au ministre des Transports et un témoignage devant le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes, l’ACIC a indiqué que nous pensons que des modifications sont nécessaires pour assurer que les dispositions de la loi permettent d’atteindre les objectifs visés.
L’ACIC veut que le projet de loi C-49 progresse rapidement, et bien que nous ne voulions pas présenter d’autres mesures, nous pensons que certains domaines pourraient être peaufinés.
Plus précisément, en ce qui a trait aux dispositions du projet de loi sur la transparence des données, nous recommandons vivement que ces dispositions visent les données propres au produit et toute précision additionnelle qui soutiendrait les décisions d’investissement et l’évaluation d’un service juste et adéquat.
À cet égard, nous recommandons également que la disponibilité de l’information aux expéditeurs soit accélérée par la mise en place d’un calendrier ferme pour la mise en œuvre de la réglementation.
Sur une note similaire, nous recommandons que la loi comprenne des exigences précises pour que les chemins de fer offrent le niveau de service le plus élevé qu’ils peuvent raisonnablement offrir. Il y a une certaine ambiguïté dans le libellé actuel, qui n’implique pas un niveau de service « adéquat et approprié » le plus raisonnablement élevé. Cela devrait être clarifié.
En ce qui a trait aux pouvoirs et aux processus de règlement des différends informels de l’Office des transports du Canada, nous recommandons que les pouvoirs de l’office soient accrus, lui permettant de faire enquête de sa propre initiative et de veiller à ce que les règlements informels des différends soient mis en application et efficaces, et que les décideurs politiques et les intervenants puissent ainsi mesurer et analyser les tendances plus générales du rendement du système de transport de marchandises.
Finalement, l’intention des dispositions sur l’interconnexion de longue distance est plus que bienvenue. La mesure des prix de ligne concurrentiels était peu utilisée et ne contribuait pas de manière appréciable à la création d’un cadre plus équilibré entre les exportateurs et les transporteurs.
Nous nous préoccupons toutefois du fait que la portée des limitations et des exclusions spécifiques sur l’interconnexion de longue distance du projet de loi fera en sorte qu’elle soit peu utilisée et inefficace. Nombre de nos membres sont des expéditeurs captifs. Pour certains, le transport routier n’est pas une option, et pour plus de 50 p. 100 d’entre eux, ce type de transport n’est plus économiquement viable sur des distances pouvant aller jusqu’à 500 kilomètres.
Aussi, nous recommandons l’élimination des restrictions liées précisément aux produits toxiques par inhalation, les TIH, au trafic provenant d’un rayon de 30 kilomètres d’une interconnexion différente et aux exclusions des corridors à fort volume.
[Français]
Monsieur le président, afin de limiter mon temps de parole, je m’arrêterai ici pour répondre aux questions des membres du comité. Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup. Monsieur Bognar, c’est à vous.
Francis Bognar, conseiller, Affaires générales et gouvernementales, Association canadienne des fournisseurs de chemins de fer : L’Association canadienne des fournisseurs de chemins de fer, ou ACFCF, est une association dirigée par ses membres, qui représente plus de 140 entreprises offrant des biens et services aux compagnies de transport ferroviaire de marchandises et de passagers, aux commissions de transport, ainsi qu’aux propriétaires de wagons et de locomotives. Nos plus grands marchés sont ceux des nouveaux wagons-citernes et wagons de marchandises, des pièces de locomotive, des pièces de wagon de marchandises et de matériel de rails.
Nos membres sont présents sur tout le territoire canadien, et beaucoup d’entre eux sont regroupés en Ontario, au Québec et en Alberta. Nos membres servent des clients dans toute l’Amérique du Nord et dans le monde entier.
L’association aide ses membres à maximiser leurs occasions d’affaires en facilitant le dialogue entre l’industrie et le gouvernement, dans le but d’assurer la transmission de renseignements aux provinces quant aux enjeux qui ont une incidence sur l’industrie ferroviaire. Cette transmission de renseignements est essentielle pour la prise de décisions à Ottawa.
Notre association veut mettre l’accent sur le fait que le projet de loi C-49 n’aura pas seulement une incidence sur les chemins de fer et les expéditeurs que nous servons. En effet, ce projet de loi aura une incidence positive sur le secteur de l’approvisionnement des chemins de fer. Si les changements au revenu admissible maximal entrent en vigueur dans leur forme actuelle, cela mènera fort probablement à des investissements significatifs dans de nouveaux wagons-trémies couverts.
Une fois adopté, le projet de loi C-49 visera à augmenter l’efficacité ferroviaire et encouragera l’investissement dans le système de transport canadien pour soutenir les expéditeurs de grain. De nouveaux investissements encourageront la construction de nouveaux wagons hautement efficaces au Canada, ce qui profitera à notre secteur d’approvisionnement et à nos membres.
Les wagons céréaliers du Canada sont parmi les plus vieux wagons-trémies à être utilisés. Selon l’Office des transports du Canada, le parc actuel des wagons céréaliers du Canada s’élève à environ 23 000 wagons. Les trois quarts de ces wagons ont été construits dans les années 1970 et 1980, ce qui signifie qu’ils doivent être retirés de la circulation au cours des 10 à 15 prochaines années.
Ces wagons ont une durée de vie maximale de 50 ans. Or, l’expérience de l’industrie démontre qu’ils ne durent pas aussi longtemps. Il est en effet non rentable d’utiliser ces wagons jusqu’à 50 ans, en raison de l’augmentation des coûts d’entretien et de leur âge.
Les nouveaux wagons-trémies connaîtront un changement significatif en matière de conception et d’optimisation de la capacité de charge des wagons. Ainsi, on aura besoin de moins de wagons pour transporter la même quantité de céréales. En remplaçant les vieux wagons par un équipement plus neuf et plus efficace, on augmentera de façon significative la capacité de la chaîne d’approvisionnement du transport céréalier canadien et on rehaussera la fiabilité. Les intervenants actuels comprennent les producteurs, les expéditeurs, les fabricants, les fournisseurs et les chemins de fer.
Le renouvellement du parc actuel de wagons céréaliers pourrait engendrer plusieurs retombées indirectes. Par exemple, cela pourrait accroître la capacité, ce qui stimulera le commerce d’exportation, augmentant ainsi le PIB. Les agriculteurs pourront augmenter la production avec un meilleur accès au marché puisque les exploitants de silos élévateurs et les terminaux portuaires seront à même d’améliorer leur efficacité opérationnelle grâce aux wagons plus efficaces.
Ces retombées permettront d’investir davantage dans les chaînes d’approvisionnement de production et de manutention des céréales, ce qui sera fort profitable aux parties prenantes.
Sur le site web de Transports Canada, nous pouvons voir une liste d’avantages environnementaux. Parmi ceux-ci, on retrouve une réduction significative du déversement céréalier pendant le transport ferroviaire, l’utilisation de wagons plus modernes afin d’améliorer la sécurité et de réduire le bruit dans les zones urbaines, ainsi que l’utilisation de wagons plus modernes pour améliorer l’efficacité énergétique tout en réduisant les émissions et la congestion routière.
Pour conclure, l’ACFCF est en faveur du projet de loi C-49 dans sa forme actuelle. Nous croyons que le projet de loi fera la promotion d’une plus grande efficacité du système de transport ferroviaire et encouragera les investissements à long terme pour le remplacement du parc vieillissant de wagons céréaliers par des wagons céréaliers plus modernes et efficaces.
Robert Ballantyne, président, Association canadienne de gestion du fret : L’Association canadienne de gestion du fret, ou AGF, représente l’industrie canadienne en matière d’enjeux de transport depuis 1916. Nous faisons donc des affaires depuis près de 102 ans.
Notre association se distingue de la majorité des autres associations de l’industrie, car nous avons un large éventail de membres. En effet, nous avons des membres du secteur du commerce de détail, du secteur manufacturier, du secteur céréalier, de l’industrie forestière et du secteur de la chimie, entre autres. Par contre, nous nous concentrons uniquement sur les enjeux de transport de marchandises par train, camion, bateau et cargaison aérienne. Nous travaillons à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du Canada.
L’AGF est le membre canadien du Global Shippers Forum. J’ai l’honneur d’être président de ce forum, en plus d’être président de l’AGF.
Nous vous avons envoyé un mémoire écrit sur le projet de loi C-49 dans lequel nous vous avons fait des suggestions plus en détail. De plus, nous y avons inclus des changements qui, selon nous, devraient être examinés par le Sénat.
Je limiterai principalement mes propos aux articles de la Loi sur les transports du Canada qui concernent les expéditeurs ferroviaires, mais je commenterai brièvement la Loi sur la sécurité ferroviaire, l’enjeu des EAVL ainsi que la Loi sur les cabotages, qui concerne le transport de conteneurs vides entre les ports canadiens.
Le Canada compte environ 50 chemins de fer, mais l’industrie du fret ferroviaire est dominée par deux transporteurs de classe 1, le CN et le CP, qui représentent environ 90 p. 100 des recettes du fret ferroviaire canadien. Il existe certes une concurrence limitée entre le CN et le CP dans quelques marchés, surtout de façon intermodale, mais, pour beaucoup d’expéditeurs, le marché ferroviaire pourrait être qualifié de monopole mixte. Un tel monopole diffère d’un duopole, ce qui signifierait que le CN et le CP seraient les deux seules options ferroviaires pour les expéditeurs à bien des endroits.
Il est important de mentionner que ce n’est pas seulement un problème de l’Ouest canadien. En effet, le problème existe également dans l’Est du pays, avec le corridor Québec-Windsor par exemple. Le fret ferroviaire n’est pas un marché concurrentiel qui fonctionne comme les autres marchés. Cela est d’ailleurs reconnu par les lois en matière de chemins de fer canadiens depuis plus de 100 ans.
Nous aimerions proposer des amendements au projet de loi C-49. Lorsque le ministre l’a déposé, il a dit que les objectifs de celui-ci étaient, et je cite :
Aujourd’hui, le gouvernement du Canada a déposé un projet de loi pour améliorer l’expérience des voyageurs et se doter d’un réseau de transport ferroviaire des marchandises transparent, équitable, efficace et sécuritaire qui favorisera le commerce et la croissance économique.
Certaines dispositions du projet de loi C-49 pourraient contribuer à l’atteinte de ces objectifs. En examinant le projet de loi C-49, notre association a analysé les changements proposés pour déterminer s’ils pourraient réellement fonctionner dans la réalité et pour voir quand les expéditeurs tenteront de les utiliser. Le projet de loi qui a été adopté à la troisième lecture à la Chambre des communes ciblait certains de ces enjeux.
Dans le mémoire écrit que nous avons envoyé au comité, nous avons restreint nos suggestions et nos commentaires afin d’analyser seulement trois éléments concernant les dispositions du projet de loi sur les expéditeurs ferroviaires.
Le premier élément est l’amélioration du service ferroviaire et des données sur les coûts pour les expéditeurs. Cela fait principalement référence à la gestion des litiges entre les chemins de fer et les expéditeurs en ce qui a trait aux taux.
Le deuxième élément est l’idée de permettre à l’Office des transports du Canada de mener des enquêtes de son propre chef. Mme Des Chênes a d’ailleurs eu des propos bien avisés à ce sujet.
Le troisième élément concerne les interconnexions de longue distance. Pour assurer le bon fonctionnement de celles-ci, il faut avoir des dispositions. Dans notre mémoire, notre association souligne quatre secteurs qu’il faudrait améliorer. Ce faisant, les interconnexions de longue distance seraient peut-être plus utiles aux expéditeurs captifs.
Parlons maintenant de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Le projet de loi C-49 propose des modifications à la Loi sur la sécurité ferroviaire qui obligeront les principaux chemins de fer sous compétence fédérale à installer des enregistreurs audio-vidéo de locomotive. Améliorer la sécurité est dans l’intérêt de toutes les parties prenantes du monde ferroviaire, dont les expéditeurs.
L’AGF reconnaît la validité des préoccupations liées à la vie privée exprimées par certaines parties prenantes. Les modifications proposées offrent des garanties suffisantes et respectent l’équilibre entre la vie privée et la possibilité d’améliorer la sécurité pour le personnel ferroviaire et le public.
L’AGF recommande que la réglementation mettant en œuvre ces modifications fasse une distinction entre les transporteurs de catégorie 1 (le CN, le CP et VIA Rail Canada) et les petits exploitants de chemin de fer sur courte distance, dont les trains en activité sont moins nombreux et roulent à basse vitesse. De même, la réglementation afférente devrait aussi exempter les locomotives de courte distance qui entrent dans les gares de triage des transporteurs de catégorie 1 à des fins d’interconnexion. L’AGF appuie les modifications à la Loi sur la sécurité ferroviaire du projet de loi C-49.
Enfin, le projet de loi C-49 propose des modifications à la Loi sur le cabotage qui permettraient à n’importe quel navire battant pavillon étranger de repositionner des conteneurs vides entre des ports canadiens, tant qu’aucuns frais ne soient associés à ce service. Cette disposition est conforme à l’un des articles de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.
Même si elle est relativement mineure, cette disposition améliorera l’efficacité des chaînes d’approvisionnement internationales pour les importateurs et exportateurs canadiens ayant recours à des conteneurs. La réglementation afférente devra rendre cette disposition applicable entre les opérateurs de chacune des trois alliances internationales de transporteurs maritimes par conteneur. L’AGF appuie cette modification à la Loi sur le cabotage.
Voilà donc mes commentaires, et je serai heureux de répondre à vos questions.
David Montpetit, président et chef de la direction, Western Canadian Shippers’ Coalition : La Western Canadian Shippers’ Coalition, ou WCSC, représente des entreprises établies dans l’Ouest canadien qui se spécialisent dans l’acheminement de produits à base de ressources naturelles afin d’alimenter la chaîne d’approvisionnement de clients nationaux et étrangers. Une liste de nos membres ainsi que d’autres renseignements sur les objectifs et les activités de la WCSC se trouvent au début de notre mémoire.
La WCSC regroupe des membres d’une foule de secteurs producteurs de biens. Comme ils expédient de grandes quantités de produits, souvent à partir de régions éloignées, ils sont entièrement tributaires du réseau ferroviaire et — dans la plupart des cas — de l’unique transporteur ferroviaire qui dessert leurs installations. Il leur est donc impossible de trouver un autre transporteur s’ils ne sont pas satisfaits des prix ou des services. Cela crée un important déséquilibre dans la relation commerciale. Nos membres préfèrent résoudre les problèmes par des moyens commerciaux, mais, pour ce faire, des recours efficaces et accessibles doivent être offerts aux expéditeurs afin de contrer ce déséquilibre.
Je vais me concentrer sur certains domaines sur lesquels nous avons mis l’accent depuis trois ou quatre mois.
La WCSC a des préoccupations par rapport à certaines mesures du projet de loi C-49. Cependant, à ce stade, nous allons surtout nous concentrer sur deux aspects pour lesquels nous aimerions entrer dans les détails.
La première source de préoccupation est l’incapacité de l’office à exercer le pouvoir qu’il détient déjà à l’égard de certains aspects du transport ferroviaire à moins d’avoir reçu une plainte précise.
Cela pose des difficultés particulières dans le cas des problèmes de services ferroviaires qui touchent une grande partie du réseau. Par exemple, la crise du service ferroviaire de 2013-2014 a touché non seulement le secteur des grains, mais aussi le secteur d’activités de nos membres. L’office a bel et bien reçu quelques plaintes cette année-là, mais il a dû les traiter séparément au lieu de pouvoir les traiter comme un ensemble ou comme un problème systémique.
Nous sommes maintenant aux prises avec une autre crise du service ferroviaire dans l’Ouest canadien. Les niveaux de service du CN se sont gravement détériorés depuis l’été dernier, et ils ont continué de chuter de façon considérable à la fin de l’automne et au début de l’hiver. Ce qui a eu des répercussions sur divers secteurs. Plusieurs de nos membres ont été obligés de réduire leur taux de production. Certains étaient à quelques heures de devoir mettre fin à leurs activités parce qu’ils ne réussissaient pas à obtenir des services ferroviaires. Tout indique que ce problème touchant le réseau de l’Ouest du CN est systémique et n’est toujours pas résolu.
En portant plainte, un expéditeur pourrait obtenir un répit, mais cela n’empêcherait pas le transport ferroviaire de déshabiller Pierre pour habiller Paul. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit en 2014. C’est pourquoi l’office doit pouvoir lancer une enquête et consulter tous les intervenants concernés ou touchés, comme il a pu le faire, l’été dernier, à l’égard des retards de vols d’Air Transat sur l’aire de trafic.
Notre mémoire explique pourquoi nous estimons qu’une telle approche ne constituerait pas un transfert de pouvoir décisionnel du ministère à l’office, mais, si cela ne suffit pas à dissiper les craintes à cet égard, nous serions heureux de proposer un libellé mieux ciblé pour les aspects du mandat de l’office qui en ont grandement besoin.
Le deuxième aspect qui pose problème est l’arbitrage sur l’offre finale, ou AOF. Comme c’est le seul recours dont l’expéditeur dispose pour contester directement le prix imposé de façon unilatérale par le transporteur ferroviaire, il est essentiel que ce processus demeure efficace et accessible.
Notre mémoire fournit des renseignements supplémentaires sur l’AOF et sur la modification recommandée par la WCSC. Nous voulons essentiellement que l’arbitre chargé de rendre une décision sur le prix et les conditions qui s’appliqueront au trafic en question ait accès à tous les renseignements pertinents, et que l’expéditeur puisse bien présenter sa version des faits et contester celle du transporteur ferroviaire de façon équitable. Pour ce faire, il est essentiel d’avoir accès à des renseignements sur l’établissement des coûts des services ferroviaires.
L’établissement des coûts des services ferroviaires est un aspect très technique. L’office applique une formule réglementaire d’établissement des coûts des services ferroviaires, et il a déjà fourni ce genre d’appui à des arbitres auparavant. Nous recommandons que cela puisse s’appliquer à tous les AOF.
Je tiens à préciser une chose : nous ne préconisons pas un retour à la formule du prix coûtant majoré. Nous recommandons simplement que la formule d’établissement des coûts de l’office fasse partie des nombreux facteurs sur lesquels les parties et l’arbitre peuvent s’appuyer.
La modification proposée par la WCSC — ainsi que par plusieurs autres intervenants — est nécessaire pour rendre plus équitable l’examen des éléments de preuve dans le cadre de l’AOF et pour simplifier le processus.
Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Quel est le problème principal lorsque le CN offre son service régulier? Quel est le problème exactement?
M. Montpetit : Il semble qu’ils aient des problèmes de personnel ainsi que des problèmes de puissance en ce moment.
Le président : Est-ce que cela découle des mises à pied qui se sont produites? Ils n’arrivent plus à recruter à nouveau?
M. Montpetit : C’est exact. Selon ce que j’en comprends, oui. Je serai franc avec vous.
Le président : Allez-y.
M. Montpetit : Oui, je serai franc. Nous avons invité le CN et le CP à notre session d’automne de la WCSC à Calgary. Ils nous ont présenté leurs plans pour l’hiver. À ce moment, à cause des problèmes de personnel et de puissance auxquels faisait face le CN, leurs plans en soi étaient déjà dépassés.
Je ne vais pas seulement critiquer le CN. Cela aurait pu être le cas pour le CP. Le fait est que mes membres ont souffert à cause de plusieurs problèmes de service à différents degrés. À certains moments, ils ne reçoivent que 60 p. 100 du service dont ils ont besoin.
Pendant la période des Fêtes, j’étais pratiquement au téléphone tous les jours avec Transports Canada pour leur expliquer notre situation et les supplier. Nous approchions très près du point où nous aurions dû mettre fin à nos activités, et ce n’est pas une blague. Les installations allaient bientôt être fermées. En fait, certains de mes membres ont dû emmagasiner des produits dans des hangars locaux, dans les aéroports locaux, et cetera. C’en était à ce point. C’était un problème sérieux, et cela continue de l’être.
Le président : Que se passe-t-il à la fin de la chaîne? Les clients à la fin de la chaîne s’attendent à recevoir les produits. Qu’est-ce qui se passe?
Mme Des Chênes : Nous avons eu la même expérience. Depuis novembre, 13 entreprises ont été touchées par les problèmes de capacité réseau. De ce nombre, sept ont vécu des coupures ou des quasi-coupures et huit de leurs clients ont également vécu des coupures ou des quasi-coupures. C’est relativement majeur, et des millions de dollars de recettes ont été perdus à cause de cela.
M. Montpetit : Une fermeture d’installation coûte un million de dollars. Je ne peux pas vous donner de détails en raison de questions de confidentialité, mais il en coûte un million de dollars par jour pour fermer une installation.
La sénatrice Griffin : J’ai deux questions brèves, et elles vous seront familières.
Pour la Western Canadian Shippers’s Coalition, qu’est-ce qui est le plus important à vos yeux? Est-ce d’obtenir les amendements que vous avez demandés, ou encore les modifications, ou une entrée en vigueur rapide de la loi?
M. Montpetit : Les amendements.
La sénatrice Griffin : Pour l’Association canadienne de l’industrie de chimie, avez-vous été consultés avant le dépôt du projet de loi, et avez-vous recommandé des modifications au comité de la Chambre des communes?
Mme Des Chênes : Oui, nous l’avons fait. Nous avons été consultés avant le dépôt, puis nous avons comparu devant le comité et formulé de nombreuses recommandations.
La sénatrice Griffin : Ces recommandations ont-elles été acceptées?
Mme Des Chênes : En ce qui concerne les données, nous avons constaté que certaines recommandations entourant l’entrée en vigueur plus rapide des règlements ont été acceptées. C’est très important pour nous, mais pour ce qui est de la fragmentation des données, nous aimerions que des ajustements soient apportés, que ce soit grâce à la réglementation ou à la mise en œuvre.
La sénatrice Bovey : J’ai une question brève pour M. Bognar. Merci à tous d’être ici et merci pour vos exposés.
Je suis fascinée par la conception des nouveaux wagons-trémies, ainsi que par l’effet qu’aura l’achat de ces wagons sur l’économie. Ont-ils déjà été commandés? Sont-ils déjà en train d’être construits, ou attendez-vous que le projet de loi soit adopté? Je crois comprendre qu’ils vont révolutionner l’expédition.
M. Bognar : Merci beaucoup de votre question. Tout d’abord, ils sont à l’étape de la conception, alors que certains d’entre eux sont en production, bien sûr. Je peux probablement vous envoyer des renseignements plus à jour sur l’état exact de ces wagons de façon plus détaillée qu’à l’heure actuelle.
La sénatrice Bovey : J’aimerais recevoir ces documents. Certains ont dit qu’ils ne pourront pas être commandés avant que le projet de loi ne soit adopté. J’ai l’impression que, pour nous, dans toutes sortes de secteurs, nous commandons ce dont nous avons besoin pour mener nos affaires lorsque nous devons le faire. C’est un peu comme la question de l’œuf et de la poule.
[Français]
La sénatrice Gagné : J’ai une question qui s’adresse à M. Bognar, de l’Association canadienne des fournisseurs des chemins de fer. Vous avez mentionné que les wagons à grains canadiens sont parmi les plus anciens wagons-trémies encore actifs. Le trois quarts des 23 000 wagons au pays ont été construits dans les années 1970 et 1980. Vous faites aussi mention des avantages environnementaux d’une flotte modernisée. Pourquoi êtes-vous encore pris avec une flotte aussi désuète? Selon vous, y a-t-il un risque de sécurité publique associé à cette flotte qui a tout de même de l’âge? Est-ce que les exigences gouvernementales en matière d’efficacité énergétique sont moins sévères qu’ailleurs?
[Traduction]
M. Bognar : Merci beaucoup pour votre question, sénatrice. Tout d’abord, le remplacement de ces flottes nécessitera un investissement considérable, comme je l’ai mentionné dans mon exposé au début.
Avant que certains de ces investissements soient réalisés, comme les représentants du CN dans le groupe de témoins précédent vous l’ont indiqué, l’incertitude actuelle signifie que le projet de loi n’a été ni adopté ni approuvé, de sorte que les investissements sont difficiles à obtenir. Par conséquent, une fois que le projet de loi sera adopté, la confiance des investisseurs sera établie, et c’est ce qu’il faudra.
Si j’ai bien compris votre question, je ne pense pas que la population générale soit en danger à cause des wagons. Le problème réside dans l’aspect économique lié à l’entretien de ces vieux wagons pour qu’ils demeurent opérationnels. Ainsi, il ne s’agit pas nécessairement de la sécurité des gens, mais plutôt du montant requis pour entretenir l’équipement.
Après un certain temps, il n’est plus économique d’entretenir ces wagons. Par conséquent, de nouveaux investissements sont requis pour acquérir la nouvelle flotte dès que possible.
La sénatrice Gagné : Ma question s’adresse à la Western Canadian Shippers’ Coalition, monsieur Montpetit.
[Français]
Dans votre soumission, vous avez mentionné que vous souhaitez que l’Office des transports puisse enquêter sur les incidents de sa propre initiative, sans attendre des plaintes, comme il a pu le faire l’été dernier lors du retard des vols d’Air Transat sur l’aire de trafic.
[Traduction]
C’est une citation tirée de votre exposé.
[Français]
Après vérification, il me semble que l’enquête portant sur le retard des vols d’Air Transat a été effectuée à la réception des plaintes qui ont été déposées par des passagers.
Pouvez-vous nous expliquer votre position quant au pouvoir que l’office devrait exercer? Est-ce qu’on parle d’événements spécifiques où l’office pourrait enquêter sans recevoir de plaintes ou souhaitez-vous des enquêtes plus générales portant sur des manquements potentiels systémiques?
[Traduction]
M. Montpetit : C’est une bonne question. À l’heure actuelle, la situation fait en sorte qu’une plainte individuelle peut être déposée. Par exemple, il peut s’agir d’une plainte concernant le niveau de service. C’est donc une entreprise individuelle qui dépose contre la compagnie de chemin de fer une plainte concernant le niveau de service. La plainte peut faire l’objet d’une enquête individuelle. Cela prend du temps, mais c’est très semblable à ce qu’a vécu Air Transat. S’il était possible pour un seul client de formuler une plainte à la fois, il faudrait mener une enquête à la fois. Ce sont tous les passagers de l’avion qui ont porté plainte en même temps. Il y a donc un problème chez Air Transat. Je ne connais pas les détails du dossier, alors je ne veux vraiment pas m’y attarder.
Avec une compagnie de chemin de fer, c’est très semblable. Si on reçoit une plainte, il s’agit peut-être d’une situation unique à cette région géographique en particulier. Prenons le Nord de l’Alberta, à titre d’exemple.
Toutefois, si on reçoit 20 ou 30 plaintes ou préoccupations, alors il serait possible d’enquêter, de faire des recherches et d’interroger les différents expéditeurs de ces chemins de fer ou régions précises, de sorte qu’on serait un peu plus proactif que réactif face à la situation. J’espère que cela répond à votre question.
La sénatrice Gagné : Oui, ça va. Merci.
Le sénateur Mitchell : J’ai une brève question complémentaire à ce sujet. Je suis surpris qu’il n’y ait actuellement rien qui les empêche de le faire. S’ils reçoivent une seule plainte, on a tendance à croire qu’ils pourraient discuter avec ceux qu’ils veulent pour savoir ce qui s’est passé, en vue de résoudre ou de régler la plainte.
M. Montpetit : L’office traite une plainte à la fois. Voilà pourquoi nous demandons que l’office soit doté d’un pouvoir d’enquête lui permettant de réaliser des enquêtes systémiques comme celle dont vous parlez. À l’heure actuelle, il doit traiter une plainte à la fois.
Le sénateur Mitchell : Je comprends que vous ne vous battez pas à armes égales. Cependant, il y a certains éléments dans ce projet de loi qui font pencher la balance en votre faveur comme les sanctions réciproques. Voilà un recours auquel les expéditeurs n’ont jamais eu accès par le passé. Ce n’est pas rien.
Le fait est que l’OTC pourra désormais jouer un rôle plus proactif dans le processus d’arbitrage et de médiation. Les compagnies de chemins de fer devront fournir plus de données sur les coûts et les niveaux de service, et on accordera plus d’attention à la définition des niveaux de service adéquats et convenables.
Ce n’est pas comme si le projet de loi ne s’intéressait pas aux questions qui vous touchent. Au contraire, ces questions y sont directement abordées. Cela ne veut pas dire que lorsque le projet de loi sera adopté, on ne pourra pas y ajouter des modifications ou des améliorations comme vous le suggérez.
M. Montpetit : Vous avez raison de dire que ce projet de loi comporte de bonnes nouvelles pour les expéditeurs. Il nous permet d’avoir un peu plus d’informations et de données auxquelles nous n’avions pas accès par le passé. Cependant la question demeure : le projet de loi en fait-il assez dans certains secteurs en particulier?
Le fait d’avoir plus de données et d’informations sera utile pour tout le monde. Par contre, les problèmes systémiques dans le secteur ferroviaire peuvent représenter des obstacles ou des pénalités considérables.
Les améliorations seront peut-être bénéfiques pour certains secteurs, mais elles ne s’appliquent pas réellement pour les expéditeurs que je représente. Les changements visent un secteur en particulier, mais il semble qu’on perde de vue le portrait d’ensemble. L’accent est surtout porté sur le secteur des céréales.
Je suis très heureux pour ce secteur qu’il reçoive autant d’attention. Tant mieux pour lui. Or, les membres que je représente vivent une situation bien différente et sont confrontés à des problèmes contractuels bien différents de ceux du secteur céréalier. En fait, la situation est sans doute beaucoup plus complexe, puisqu’il y a beaucoup de renseignements qui ne sont pas connus à l’heure actuelle.
Le sénateur Mitchell : J’ai trouvé intéressant que les représentants des compagnies de chemins de fer qui ont comparu aujourd’hui aient affirmé que selon eux, l’exigence de dévoiler plus de données qui leur est imposée n’est pas réciproque. En d’autres mots, ils affirment que cette exigence ne s’applique pas aux expéditeurs, aux ports ou à d’autres. Comment réagissez-vous? Les expéditeurs que vous représentez devraient-ils fournir plus de données?
J’aimerais également obtenir votre point de vue sur la situation suivante : nous savons que l’obstacle principal à l’obtention de plus de données est le fait qu’il n’y ait que deux grandes compagnies de chemins de fer. Si l’une d’elles dévoile des informations, l’autre saura parfaitement d’où provient l’information. Cela cause donc des problèmes sur le plan de la concurrence.
Diriez-vous qu’il s’agit d’un problème? Croyez-vous que les expéditeurs devraient fournir plus d’informations au public pour refléter les données qui sont fournies par les compagnies de chemins de fer?
M. Montpetit : C’est une bonne question. S’agissant des données et des renseignements, aux États-Unis, les compagnies de chemins de fer doivent déjà fournir plus de renseignements. Aux États-Unis, bon nombre de données et de renseignements sont disponibles. Cela étant dit, il y a six ou sept grandes compagnies de chemins de fer là-bas alors qu’il n’y en a que quelques-unes ici. Néanmoins, du point de vue géographique, il n’y a que quelques compagnies de chemins de fer de taille proportionnelle aux sociétés américaines donc, selon moi, ce n’est pas un problème.
Maintenant, en ce qui a trait aux renseignements que devraient fournir les expéditeurs, nous constatons que les expéditeurs de différents secteurs fournissent déjà les renseignements demandés aux sociétés de chemins de fer. Les expéditeurs communiquent constamment avec les opérateurs et compagnies de chemins de fer, et ce, au quotidien.
Il est donc faux d’affirmer que l’information n’est pas partagée. En fait, les expéditeurs n’ont pas le choix. Ils dépendent tellement des sociétés de chemins de fer qu’ils n’ont pas le choix d’être transparents et d’offrir toute l’information demandée par celles-ci, sinon leurs produits ne seront tout simplement pas expédiés.
Il est un peu trompeur d’affirmer que les autres ne fournissent pas de renseignements et que seules les compagnies ferroviaires le font. Il y a seulement deux compagnies et des milliers d’expéditeurs, voilà le problème. Il serait très difficile de fournir des données pour des milliers d’expéditeurs. Ceux-ci communiquent déjà avec les compagnies quotidiennement. S’ils ne font pas le nécessaire pour expédier, ils se retrouvent coincés.
Le président : Ils doivent expliquer précisément ce qu’ils veulent expédier, sinon ils ne peuvent pas expédier, n’est-ce pas?
M. Montpetit : Absolument, c’est exact. Si on se met à la place des expéditeurs, ils doivent absolument fournir ces renseignements. Ils en discutent tous les jours, mais il existe en pratique un trou noir.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Montpetit, madame Des Chênes, merci beaucoup pour vos présentations instructives. Le chemin de fer est essentiel à l’économie canadienne. Monsieur Montpetit, vous avez montré que la mauvaise gestion des chemins de fer peut mettre en péril l’existence même de certaines entreprises. Je pense que le projet de loi dont nous saisis n’est pas à la hauteur pour moderniser les rapports entre les expéditeurs et les fournisseurs de services.
J’ai posé la question tantôt à un fournisseur de services. Selon lui, les choses s’améliorent, mais il y a une espèce de mur de résistance chez les fournisseurs de services en ce qui concerne, entre autres, une plus grande transparence dans la gestion de ce qu’on appelle leur « journal de bord ».
Le projet de loi, comme l’a dit le sénateur Mitchell, permettra une certaine ouverture, mais ne donnera pas une pleine ouverture. Ce sera relativement discriminatoire, parce que ce ne sera pas seulement le bureau du ministre ou d’un cadre supérieur qui décidera ce qui est admissible ou non à de l’information.
Ce projet de loi ne devrait-il pas rendre disponible toute l’information des transporteurs, dans la mesure où cette information ne nuit pas à la concurrence ou aux relations d’affaires entre les entreprises et les transporteurs? En ce qui concerne les expéditeurs, cette information ne devrait-elle pas être la plus transparente possible? Il en va de même pour l’économie canadienne. Je ne comprends pas cette résistance.
Mme Des Chênes : De notre côté, oui, nous aimerions avoir plus de transparence. Nous comprenons qu’il est nécessaire de ne pas nuire à la compétitivité, mais le CN et le CP fonctionnent aux États-Unis, où il y a des règlements de transparence.
C’est de l’information qui serait très importante pour la planification de nos capacités et pour savoir où se trouvent nos wagons. Ces wagons demeurent la propriété de nos compagnies et, souvent, nous n’y avons pas accès, parce qu’ils sont ailleurs. Ce sont des wagons assez spécifiques, parce qu’ils contiennent des produits chimiques. Nous en avons besoin pour le transport.
Une plus grande transparence nous aiderait non seulement pour les questions de planification, mais aussi au chapitre de l’arbitrage, comme l’a mentionné M. Montpetit. Il faut avoir l’information à ce moment-là. Quand les compagnies sont les seules à avoir cette information, cela ne nous aide pas à négocier des programmes de commercialisation.
[Traduction]
M. Montpetit : Je suis tout à fait d’accord. Aux États-Unis — j’espère ne pas me tromper —, on fait rapport pour 23 groupes de produits différents. Ce serait un bon point de départ pour nous, ici.
Vous avez soulevé la compréhension du service et les cas d’arbitrage : plus on disposera de renseignements, mieux ce sera. Bien sûr, il y aura toujours des limites à ce qu’on peut fournir. Soyons réalistes. Bien sûr, je voudrais toute l’information.
Soyons honnêtes. En réalité, il faut faire plus par rapport à la situation actuelle. Les États-Unis nous donnent au moins un bon point de référence pour commencer et réexaminer les choses plus tard. Voilà ce dont nous avons besoin. Une plus grande transparence serait très utile pour comprendre ce qui circule dans l’ensemble du réseau.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Êtes-vous tous les deux en train de me dire que les mêmes compagnies qui font affaire au Canada et aux États-Unis sont moins transparentes chez nous qu’elles ne le sont aux États-Unis?
Mme Des Chênes : Oui.
[Traduction]
M. Montpetit : C’est exact.
Le sénateur Mitchell : C’est parce qu’il y a plus de chemins de fer aux États-Unis. Impossible de dire qui fournit quels renseignements.
Je veux revenir sur votre exposé, madame Des Chênes. Je crois comprendre que les nouvelles dispositions sur les interconnexions de longue distance sont utiles pour votre secteur, en particulier parce que beaucoup de vos expéditeurs sont captifs.
Mme Des Chênes : Beaucoup de nos expéditeurs sont captifs, effectivement, mais cela dépend de la région. Nous avons des grappes de membres partout au pays : en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec. Ces dispositions ne s’appliqueraient pas dans tous les cas, mais elles représenteraient pour nous une amélioration.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Ballantyne, je crois que vous avez fait allusion au problème de conteneurs par rapport à la capacité de transport. Compte tenu de ce projet de loi, les compagnies de transport non définies dans l’AECG et les compagnies étrangères pourront réattribuer leurs conteneurs au Canada en utilisant des moyens autres que leurs propres navires, mesure très restrictive. Est-ce exact?
M. Ballantyne : Non. La Loi sur le cabotage contient une disposition qui exige que les navires battant pavillon canadien transfèrent les marchandises entre les ports canadiens, mesure semblable à la très connue loi Jones des États-Unis.
Le projet de loi C-49 propose que les compagnies maritimes propriétaires de conteneurs puissent transférer les conteneurs vides, par exemple, entre le port de Halifax et celui de Montréal. Pour autant que le transfert du conteneur vide ne génère pas de revenus, les navires étrangers peuvent le faire.
Bien que l’AECG touche essentiellement les navires européens, le projet de loi C-49 ouvre la possibilité au monde entier. Nous estimons qu’il s’agit d’une bonne idée et qu’elle est certainement appropriée.
Le président : Merci, chers collègues, et merci aux témoins d’avoir été avec nous aujourd’hui. Nous vous en savons gré.
Sénateurs, demain, nous allons entendre l’Association des produits forestiers du Canada, l’Association minière du Canada, Teck Resources Limited, Fertilisants Canada, Canadien Pacifique, Canpotex Limited et Ingénieurs Canada.
De plus, veuillez prévoir une courte séance à huis clos de 10 à 15 minutes maximum après la comparution des témoins demain; ensuite, nous pourrons partir. Ce sera une réunion importante. Nous allons discuter des travaux futurs du comité. Ce sera positif.
(La séance est levée.)