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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 39 - Témoignages du 3 octobre 2018


OTTAWA, le mercredi 3 octobre 2018

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier la façon de moderniser les trois loisfédérales sur lestélécommunications (la Loi sur les télécommunications, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur la radiocommunication) pour tenir compte de l’évolution des secteurs de la radiodiffusion et des télécommunications durant les dernières décennies

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

En juin dernier, le Sénat a autorisé le comité à étudier la façon de moderniser les trois loisfédérales sur les télécommunications : la Loi sur les télécommunications, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur la radiocommunication.

Ce soir, nous poursuivons cette étude spéciale. Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous recevons les représentantes d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Pamela Miller, directrice générale de la Direction générale des politiques sur Internet et les télécommunications, et Aline Chevrier, directrice principale, Licences du spectre et des opérations des enchères. Nous recevons également les représentants de Patrimoine canadien : Thomas Owen Ripley, directeur général de la Direction générale de la radiodiffusion et des communications numériques, et Drew Olsen, qui est directeur de la politique législative et du marché.

Nous vous remercions de votre présence. Monsieur Ripley, vous pouvez commencer.

[Français]

Thomas Owen Ripley, directeur général, Direction générale de la radiodiffusion et des communications numériques, Patrimoine canadien : Monsieur le président, vous avez fait les présentations. Tout d’abord, j’aimerais vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant le comité ce soir. Nous sommes ravis de parler de l’examen du cadre législatif sur les communications annoncé par le gouvernement.

[Traduction]

Comme il s’agit d’un examen législatif conjoint, nous vous présenterons les principaux enjeux et le processus associé à cet examen du cadre législatif de manière conjointe. Ma collègue, Pamela, parlera d’abord de ce qui a motivé cet examen et des questions de télécommunications en jeu.

Pamela Miller, directrice générale, Direction générale des politiques sur Internet et les télécommunications, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Merci, Owen.

Honorables sénateurs, les télécommunications et la radiodiffusion jouent un rôle important dans la vie économique et sociale des Canadiens. Cependant, les nouvelles technologies et les nouveaux modèles d’affaires entraînent des bouleversements et des problèmes, mais offrent en même temps de nouvelles possibilités.

Pour suivre le rythme et faire en sorte que les Canadiens continuent de profiter d’un Internet ouvert et innovateur, le gouvernement s’est engagé dans le budget de 2017 à revoir et à moderniser la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications.

Le gouvernement a déclaré que cet examen portera sur des questions comme les télécommunications et la création de contenu à l’ère numérique, la neutralité et la diversité culturelle d’Internet, et la façon d’assurer un avenir plus fécond aux médias canadiens et à la création de contenu canadien.

Le 5 juin 2018, les ministres d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada et de Patrimoine canadien ont lancé cet examen. On a annoncé que la Loi sur la radiocommunication ferait aussi l’objet d’un examen puisqu’elle fait partie intégrante du cadre législatif des communications et fait siens les objectifs de la Loi sur les télécommunications.

Les ministres ont annoncé que l’examen serait dirigé par un groupe d’experts autonome qui reflète une diversité de compétences et qui offre une représentation équilibrée des secteurs, des langues et des sexes. Mme Janet Yale est la présidente du groupe d’examen, qui compte six autres membres : Peter Grant, Hank Intven, Marina Pavlovic, Monique Simard, Monica Song et Pierre Trudel.

Nous nous réjouissons de la grande expertise et de l’éventail des points de vue des membres du groupe. Le gouvernement a également publié un cadre de référence qui présente les enjeux prioritaires.

Le groupe a été constitué pour effectuer un examen conjoint, étant donné les liens entre les secteurs. Par exemple, au Canada, il y a un degré élevé d’intégration verticale et de concentration. Les secteurs subissent les mêmes tendances mondiales; bénéficient de politiques encourageant la concurrence, l’innovation et l’accès à des services abordables; et sont réglementés par un organisme indépendant, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC.

Je vais maintenant donner quelques informations générales sur la législation relative aux télécommunications. La Loi sur les télécommunications repose sur les principes généraux des transporteurs publics, selon lesquels le fournisseur d’un service doit offrir celui-ci sans discrimination et offrir au client le même niveau de service que s’il était lui-même le client. La Loi sur la radiocommunication fournit un cadre neutre sur le plan technologique pour la gestion du spectre des radiofréquences.

Ces deux lois visent entre autres à permettre l’accès aux Canadiens dans toutes les régions du pays à des services de télécommunication sûrs, abordables et de qualité, favoriser la compétitivité et les investissements, et répondre aux besoins économiques et sociaux des utilisateurs.

Des modifications ont été apportées pour mettre à jour ces deux lois depuis qu’elles ont été adoptées, notamment après le dernier examen exhaustif qui s’est achevé en 2006. Si l’on commence par la Loi sur les télécommunications, les modifications ont consisté notamment à donner au CRTC le pouvoir d’établir un fonds pour favoriser l’accès aux services de télécommunication de base en 1998, édicter les dispositions permettant de créer la Liste des numéros de télécommunication exclus en 2005, supprimer en 2012 les restrictions à l’investissement étranger pour les entreprises qui représentent moins de 10 p. 100 du marché global, et, en 2014, donner au CRTC le pouvoir d’imposer des sanctions administratives pécuniaires, de réglementer les revendeurs et d’échanger des renseignements confidentiels avec le Bureau de la concurrence. En ce qui concerne la Loi sur la radiocommunication, les pouvoirs relatifs à la mise aux enchères du spectre ont été mis en place en 1996 et, en 2014, ISED s’est vu confier les pouvoirs en matière d’imposition de sanctions administratives pécuniaires liées au spectre.

Le cadre de référence établi par le gouvernement à l’intention du groupe d’examen énonce les sept principaux domaines en matière de télécommunications qu’il est essentiel d’examiner : accès universel et déploiement; concurrence, innovation et accès à des services abordables; neutralité d’Internet; protection des consommateurs, droits et accessibilité; sûreté, sécurité et protection de la vie privée; réglementation efficace du spectre; gouvernance et administration efficace.

L’accès universel et le déploiement sont des aspects très importants parce que l’accès à Internet est essentiel pour tous les Canadiens. Les programmes de financement ont favorisé l’accès dans les régions où la rentabilité est faible en raison du marché. Les difficultés liées à l’accès efficace et satisfaisant à l’infrastructure passive, comme les poteaux et les canalisations, peuvent faire augmenter le coût du déploiement de l’infrastructure des télécommunications. Le gouvernement demande si les bons outils législatifs sont en place pour faciliter l’accès universel et le déploiement, et si la gouvernance de l’infrastructure passive est adéquate.

En ce qui concerne la concurrence, l’innovation et l’accès à des services abordables, le gouvernement reconnaît que la concurrence est indispensable pour favoriser l’innovation, le choix et des services abordables. Compte tenu de la concentration du secteur et de la nature intégrée des entreprises, le gouvernement demande si de nouveaux outils permettraient de mieux stimuler la concurrence.

En ce qui a trait à la neutralité d’Internet, le gouvernement tient à ce principe étant donné son importance pour la liberté d’expression et l’innovation — des piliers clés d’Internet. D’ailleurs, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité une motion demandant au gouvernement d’inclure la neutralité d’Internet comme un principe directeur pour l’examen et d’explorer les possibilités de mieux inscrire ce principe dans la loi. La loi tient déjà compte des principes de la neutralité d’Internet, et la flexibilité inhérente à une loi reposant sur des principes a permis au CRTC d’agir rapidement et de mettre en place un cadre adapté à différentes circonstances. La neutralité d’Internet est un principe directeur pour cet examen, et le groupe d’examen réfléchira aux moyens de la renforcer.

La protection des consommateurs, les droits et l’accessibilité figurent dans la loi dans la mesure où l’objectif stratégique est de répondre aux besoins économiques et sociaux des usagers, et où le CRTC a le pouvoir d’imposer des conditions de service. À cet égard, le gouvernement veut savoir s’il faut en faire plus.

La sûreté, la sécurité et la protection de la vie privée dépassent le cadre des télécommunications. Toutefois, en raison de la portée d’Internet dans nos vies, ces questions sont devenues des enjeux importants. À l’heure actuelle, la sûreté et la sécurité ne sont pas explicitement mentionnées dans les objectifs stratégiques de la loi, par opposition à la protection de la vie privée. Le groupe d’examen a été chargé d’établir dans quelle mesure des changements doivent être apportés à ces enjeux dans le contexte de la législation sur les télécommunications.

Une réglementation efficace du spectre est nécessaire, compte tenu des changements qui découleront des réseaux 5G et du nombre d’appareils, y compris d’appareils intelligents, qui y seront connectés. Le groupe d’examen s’est vu confier la tâche de déterminer si nous possédons les outils appropriés pour veiller à ce que les Canadiens tirent parti de l’innovation de façon sécuritaire et efficace.

Finalement, en matière de gouvernance et d’administration efficace, les responsabilités sont attribuées à différentes organisations et à différents décideurs. Le groupe d’examen a été appelé à déterminer si la répartition est adéquate et si l’équilibre entre l’examen par le gouverneur en conseil et la réglementation indépendante est approprié dans le contexte moderne.

Nous attendons avec intérêt les recommandations du groupe d’examen au sujet de ces enjeux. Je redonne maintenant la parole à Owen, qui vous parlera de la Loi sur la radiodiffusion.

[Français]

M. Ripley : Merci, Pamela.

La Loi sur la radiodiffusion a été promulguée en 1991 et est antérieure à l’essor d’Internet. Par le passé, le système de radiodiffusion du Canada était un système fermé qui s’appuyait sur les licences délivrées par l’organisme de réglementation, le CRTC, aux entreprises appartenant à des intérêts canadiens. Il est interdit aux ressortissants étrangers de posséder des licences de radiodiffusion au Canada.

[Traduction]

En échange du privilège de détenir une licence et d’un accès protégé au marché canadien, les titulaires de licence doivent diffuser ou distribuer une quantité minimale de contenu canadien et consacrer un pourcentage de leurs revenus à la création d’émissions canadiennes. À titre d’exemple, c’est la façon dont le Fonds des médias du Canada est financé.

Toutefois, le système canadien de radiodiffusion ne fonctionne plus en circuit fermé. Notre système nous a bien servis, mais il est désormais perturbé par la nature même de l’Internet ouvert et la libre circulation du contenu et de l’information. Les Canadiens ont désormais accès à un nombre apparemment infini de choix de contenu qu’ils souhaitent consommer, aussi bien de sources nationales qu’étrangères. La créativité est mise en valeur de façons que le Parlement n’aurait pu prévoir dans les années 1980 et 1990.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement a demandé au CRTC, conformément à l’article 15 de la Loi sur la radiodiffusion, de faire rapport sur les éléments suivants : les modèles de distribution de programmation susceptibles d’exister à l’avenir; la façon dont les Canadiens accéderont à cette programmation et l’intermédiaire par lequel ils pourront y accéder; la mesure dans laquelle ces modèles pourront garantir un marché intérieur dynamique capable de soutenir en continu la création, la production et la distribution d’une programmation canadienne, dans les deux langues officielles, y compris une programmation originale dans les domaines du divertissement et de l’information.

[Français]

Le 31 mai 2018, CRTC a publié ce rapport qui visait à alimenter et à éclairer l’examen législatif.

Permettez-moi maintenant de vous parler brièvement de certaines des principales questions de radiodiffusion de l’examen législatif.

[Traduction]

Comme je le disais, la loi a été adoptée avant l’essor d’Internet, en 1991. Aujourd’hui, en 2018, 61 p. 100 des Canadiens regardent la télévision par Internet au cours d’un mois donné. En 2016, les divertissements en temps réel représentaient 71 p. 100 du trafic de téléchargement Internet sur les réseaux fixes en Amérique du Nord pendant les heures de pointe.

Compte tenu de cette nouvelle réalité, le groupe d’examen a été invité à formuler des recommandations sur la façon dont les divers mécanismes et outils législatifs et réglementaires qui appuient le contenu canadien et les industries créatives peuvent être adaptés au monde numérique.

La radiodiffusion a également des répercussions sur notre démocratie. Les médias d’information canadiens subissent actuellement de profonds changements perturbateurs, en plus d’enregistrer une baisse de revenus. En 2016, 42 p. 100 des recettes publicitaires canadiennes provenaient d’Internet, et ce nombre est en pleine croissance. De plus, étant donné l’augmentation du nombre de plateformes de médias sociaux, le phénomène de la désinformation en ligne est également en croissance et pourrait compromettre nos institutions et processus démocratiques. Par conséquent, on a demandé au groupe d’examen de déterminer si les dispositions législatives actuelles sont suffisantes pour assurer l’offre d’information et de nouvelles fiables, précises et de qualité, ainsi que ce qui peut être fait pour assurer la viabilité permanente des nouvelles locales.

[Français]

En ce qui concerne Radio-Canada/CBC, le gouvernement croit que le radiodiffuseur public national devrait être le principal partenaire parmi les organismes d’information et les organismes culturels, et devrait jouer un rôle de premier plan dans la mise en valeur du contenu culturel canadien en français et en anglais, ainsi que dans la prise en compte des peuples autochtones et de la diversité de notre pays, tant au Canada qu’à l’étranger. On a demandé au groupe d’examen d’examiner, entre autres, comment son mandat pouvait être modernisé au regard d’un environnement des communications plus ouvert, international et concurrentiel.

[Traduction]

Par ailleurs, le cadre législatif du secteur des communications devrait tenir compte de la diversité culturelle. Il est important de veiller à ce que les Canadiens de toutes les origines et expériences puissent créer du contenu qui les intéresse et y avoir accès. Ainsi, le groupe d’examen formulera des recommandations sur la façon dont la loi peut veiller à ce que l’environnement en ligne respecte et inclue la dualité linguistique, l’expression culturelle autochtone et l’égalité entre les sexes.

[Français]

Il existe plusieurs autres enjeux et sujets d’importance, qui sont tous traités dans le cadre de référence qu’a fourni le gouvernement au groupe d’examen. Nous serons heureux de répondre à vos questions sur n’importe lequel de ces enjeux.

Voilà qui conclut notre survol de l’approche et des enjeux de politique ciblés qui doivent être pris en compte dans le cadre de l’examen.

[Traduction]

Le travail du groupe d’examen est bien amorcé. Ses membres se sont réunis régulièrement durant l’été, et des consultations ont été lancées le 25 septembre, soit mardi dernier. À cette occasion, le groupe d’examen a lancé un appel aux observations en publiant un document de discussion, intitulé Adaptation à un nouvel environnement : un appel aux observations. Les mémoires doivent être présentés d’ici le 30 novembre.

Dans le cadre de son processus de consultation, le groupe d’examen participera également à diverses conférences organisées par l’industrie et le milieu universitaire ainsi qu’à une réunion avec divers experts, créateurs, intervenants et d’autres parties intéressées, notamment des membres des communautés autochtones et des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Plusieurs vidéos explicatives seront créées et affichées en ligne, de même que les observations après la date limite.

[Français]

Le groupe d’examen entend publier un rapport sur les commentaires qu’il a recueillis dans le cadre des consultations organisées au printemps. Il déterminera également si des consultations plus approfondies s’imposent avant le dépôt de son rapport final et de ses recommandations d’ici le 31 janvier 2020.

Nous vous remercions, et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Je n’ai que quelques questions à vous poser pour commencer. Le groupe d’examen dont vous parlez compte sept membres, n’est-ce pas? D’où viennent-ils tous?

Mme Miller : Le groupe d’examen est composé de sept membres, à savoir la présidente et six experts. Je peux passer en revue leurs notices biographiques si cela peut vous aider.

Le président : Je ne veux pas que vous lisiez toute leur biographie, mais vous pourriez nous dire d’où ils viennent et ce qu’ils font.

Mme Miller : Janet Yale est bien connue dans le secteur des télécommunications et de la radiodiffusion, car elle a travaillé pour le chef de la direction à l’Association canadienne de télévision par câble avant d’être vice-présidente à la direction chez Telus. Elle a également agi à titre de directrice générale au CRTC et d’avocate générale à l’Association des consommateurs du Canada. Elle remplit donc tous les critères : télécommunications, radiocommunication, réglementation et défense des consommateurs. Elle vient du secteur sans but lucratif, grâce à son travail auprès de l’Alliance de l’arthrite.

Le président : C’est trop long.

Mme Miller : Peter Grant est un expert très connu en matière de radiodiffusion, un pionnier dans le domaine du droit des communications auprès de McCarthy Tétrault s.r.l., l’avocat de référence en matière de télécommunications, et il a participé très activement à la création de la Loi sur les télécommunications.

Le président : D’où vient-il?

Mme Miller : Il est professeur à l’Université de Victoria. Il travaillait auparavant au sein de divers cabinets d’avocats.

Marina Pavlovic est professeure agrégée à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

Monique Simard a été présidente et chef de la direction de la Société de développement des entreprises culturelles, ou SODEC, et auparavant, directrice générale de l’Office national du film. En 2018, elle a été nommée présidente du conseil d’administration du Fonds Québecor; elle vient donc du secteur des médias.

Monica Song est avocate et associée au cabinet Dentons. Pierre Trudel est professeur titulaire de droit public au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal, et il vient du secteur des médias et de la culture.

Il s’agit donc d’un groupe équilibré, dont les membres représentent différents points de vue.

Le président : Il n’y a donc personne des Maritimes ni des Prairies. Il y a seulement quelqu’un de l’Université de Victoria, qui a déjà vécu ici, et tous les autres viennent de Toronto et de Montréal. Est-ce bien le cas, ou est-ce que j’exagère un peu?

Mme Miller : En ce qui concerne les membres du groupe d’examen, je ne connais pas tout leur parcours professionnel, mais je suppose que certains d’entre eux ont peut-être vécu dans d’autres régions du Canada. À mon avis, un des aspects importants de la consultation tient à sa nature complètement ouverte et à l’appel aux observations qui est en cours. Les membres du groupe d’examen rencontreront des intervenants clés et feront beaucoup d’activités de sensibilisation. Les occasions de participation favoriseront une démarche très inclusive.

Le président : Qu’est-ce qui est à l’origine de l’étude spéciale? Est-ce un lobby de l’industrie ou plutôt une initiative du gouvernement? Pourquoi le gouvernement fait-il cela?

Mme Miller : Il a été annoncé dans le budget de 2017, c’est-à-dire dans la déclaration, qu’un tel examen serait effectué. Comme nous l’avons dit dans notre exposé, nous reconnaissons que la technologie est en pleine évolution, et cette question revêt une grande importance pour les Canadiens. Il est toujours utile de mettre à jour les lois et de veiller à ce que nous ayons les bons cadres législatifs en place. Voilà donc l’élément déclencheur.

Le président : Notre comité a organisé deux ou trois jours de séance pour entendre des témoignages sur certains des problèmes rencontrés par les médias d’information canadiens et sur les revenus publicitaires disponibles. Nous avons eu droit à des perspectives et à des recommandations uniques. Monsieur Ripley, vous avez évoqué la notion de désinformation. Comment la définiriez-vous?

M. Ripley : J’ai eu le privilège de comparaître devant vous dans le cadre de l’étude du comité sur l’article 19, et j’ai lu votre rapport pendant l’été.

Je définis la désinformation comme la diffusion intentionnelle de renseignements erronés. L’auteur d’un tel acte cherche donc à induire les gens en erreur en diffusant une information qui est fausse ou trompeuse, et ce, dans un but précis.

Le président : Vous voulez dire comme les politiciens? Je dis ça comme ça.

M. Ripley : Je vous laisserai le soin d’en juger, monsieur le président.

Le président : Ce n’est qu’une réflexion. Est-ce que cela ne vous dérange pas un peu? Qui prendra cette décision?

M. Ripley : Je conviens que les enjeux stratégiques liés à la désinformation en ligne mettent en cause de nombreux principes importants en matière de politique. Je crois que de nombreux autres pays sont aux prises avec ce problème. Cela dit, on reconnaît de plus en plus les répercussions possibles de la désinformation en ligne sur les institutions et les processus démocratiques. Cet enjeu a été mis en évidence pour la première fois surtout durant les élections américaines. Il est ensuite réapparu durant les élections en France, en Italie et au Mexique.

Comment alors s’assurer que les Canadiens sont bien outillés pour distinguer le vrai du faux? Comment déterminer qu’ils possèdent de bonnes compétences numériques et médiatiques? Comment garantir la diffusion de renseignements valables et fiables dans le système afin que les citoyens puissent en tirer parti? Comment faire en sorte que les journalistes s’intéressent à nos institutions civiques importantes et qu’ils s’engagent à demander des comptes aux fonctionnaires publics? Je crois que c’est important pour les représentants élus et non élus. Enfin, comment veiller à ce que nos institutions disposent des outils nécessaires pour faire face au problème de la désinformation en ligne?

Voilà autant de questions qui, à certains égards, ont toujours fait partie du cadre de la Loi sur la radiodiffusion. Vous savez sans doute, par exemple, que certaines dispositions relatives à la publicité entrent en application durant une période électorale. Les principes de la Loi sur la radiodiffusion reposent eux-mêmes sur le principe selon lequel il faut assurer l’exactitude de l’écosystème d’information et veiller à ce qu’il existe une responsabilité à l’égard des renseignements qui circulent dans ce système fermé. Il s’agit de facteurs que les titulaires de licence de radiodiffusion ne doivent pas perdre de vue.

Nous avons observé que ces principes ne s’appliquent pas aussi parfaitement à un Internet ouvert, qui constitue un modèle réparti dans lequel vous et moi pouvons transmettre de l’information, d’autant plus que ce modèle d’affaires est dépourvu d’un radiodiffuseur responsable.

Le président : Je crois que cela existe partout, mais c’est seulement mon avis.

La sénatrice Gagné : J’ai deux types de questions pour les représentants de Patrimoine canadien et d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

[Français]

J’ai devant moi la politique canadienne de radiodiffusion. Elle énonce plusieurs principes. Je vais m’attarder sur deux principes énoncés à l’alinéa 3(1)d) de la loi, qui indique ce qui suit :

d) le système canadien de radiodiffusion devrait :

(i) servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada,

(ii) favoriser l’épanouissement de l’expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise des attitudes, des opinions, des idées, des valeurs et une créativité artistique canadiennes, qui mette en valeur des divertissements faisant appel à des artistes canadiens et qui fournisse de l’information et de l’analyse concernant le Canada et l’étranger considérés d’un point de vue canadien,

J’ai également lu la politique canadienne de télécommunication, et j’essaie de cerner la problématique liée à notre capacité d’être toujours en mesure de répondre à ces objectifs qui ont été fixés.

Ma question est la suivante : a-t-on procédé, au sein du ministère, à une évaluation de la réussite de cette politique, et est-on toujours en mesure d’atteindre ces objectifs à l’ère d’Internet?

M. Ripley : Je dirais que l’article 3 de la loi et la politique sont des éléments que nous avons définis comme étant les plus importants. Ils représentent la raison d’être de la création du système, et comme je l’ai mentionné dans mon allocution, d’un système fermé.

Comme vous le savez, la mise en œuvre de ces principes demeure la responsabilité du CRTC. Donc, le rôle du CRTC à l’égard du système est de regarder l’article 3 et de se poser la question suivante : « D’accord, on a la capacité de délivrer des licences et on a d’autres responsabilités dans le domaine de la réglementation, mais comment met-on ces principes en vigueur? » Le conseil utilise plusieurs outils, par exemple les conditions pour la délivrance des licences aux radiodiffuseurs et câblodistributeurs, la création de certains fonds à l’intérieur et à l’extérieur du système du CRTC, par exemple le Fonds des médias du Canada.

C’est donc la façon dont j’envisage la mise en œuvre de l’article 3. Je dirais aussi que, lorsqu’on regarde le tout, il y a également le radiodiffuseur public national qui aide à remplir ce mandat et les principes qui sont énoncés à l’article 3.

La sénatrice Gagné : Vous avez parlé du CRTC. Évidemment, je comprends qu’il a eu le mandat de mettre en application les règlements. Croyez-vous qu’il y ait un conflit entre le double mandat du CRTC : assurer une production canadienne diversifiée d’un côté et contrôler les prix de l’autre?

M. Ripley : Je dirais que le rôle du CRTC est de regarder les principes et, oui, il y a un équilibre dans la façon dont il faut jumeler ces choses et trouver une politique qui répond à plusieurs objectifs.

Il ne faut pas nécessairement penser à la création de contenu canadien à l’exclusion d’offrir un prix raisonnable aux consommateurs canadiens. Je ne crois pas qu’il y ait nécessairement un mandat à l’exclusion de l’autre.

La sénatrice Gagné : La pression n’est pas plus forte d’un côté que de l’autre? Réussit-on à trouver un équilibre, selon vous?

M. Ripley : Évidemment, il y a un débat au Canada et dans le reste du monde pour trouver l’équilibre qui devrait exister dans le système. C’est la raison pour laquelle ces questions ont été examinées : a-t-on le bon équilibre? A-t-on les bons joueurs au sein du système qui sont en mesure de soutenir le contenu canadien ou faut-il regarder l’ensemble et faire des changements? Je dirais que ce sont des questions importantes à examiner.

La sénatrice Gagné : Ma question suivante s’adresse aux représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

En matière de législation, votre responsabilité principale est liée à la Loi sur les télécommunications et vous voulez assurer que nous serons en mesure d’atteindre les objectifs énoncés dans la politique canadienne. On parle de la propriété canadienne, du libre marché concurrentiel, de l’accès dans les régions rurales et éloignées, de la protection des consommateurs, et cetera.

Jusqu’à quel point tenez-vous compte de la politique canadienne sur la radiodiffusion?

Mme Miller : C’est une question assez simple, parce que ce sont les mêmes.

[Traduction]

Les objectifs de la Loi sur les télécommunications sont repris dans la Loi sur la radiocommunication. Les deux fonctionnent ensemble et se complètent de façon harmonieuse.

[Français]

La sénatrice Gagné : Et il n’y a pas de frictions?

[Traduction]

Mme Miller : Non, il s’agit des mêmes objectifs. L’article 7 est reproduit. Il correspond au libellé de la Loi sur la radiocommunication. C’est lié aux objectifs de la Loi sur les télécommunications. Voilà pourquoi nous avons tenu compte de la radiocommunication dans le cadre de l’examen.

[Français]

Ce sont les mêmes objectifs.

La sénatrice Gagné : Je parle plutôt de la radiodiffusion.

Mme Miller : Oui, de la radiodiffusion.

[Traduction]

Je dirais que les deux lois servent à des fins différentes. L’une d’elles, à savoir la Loi sur les télécommunications, a trait à la distribution. Elle porte sur le réseau en tant que tel et, comme je l’ai expliqué dans mes observations, sur la notion de transport commun. Elle établit des principes de non-discrimination, qui forment la pierre angulaire de la neutralité d’Internet. En vertu du paragraphe 27(2) et de l’article 34 de la loi, il est interdit d’établir une discrimination en fonction du type de contenu ou de son propriétaire. La loi fournit des bases solides pour la neutralité d’Internet. Elle crée également une assise solide pour les consommateurs parce que nous respectons les intérêts des utilisateurs et nous tenons compte de la concurrence et des investissements. Nous disposons vraiment d’un cadre solide pour le volet réseau. Cela fonctionne de pair avec la radiodiffusion parce que la radiodiffusion est liée au contenu. Les deux lois servent donc à différentes fins, mais elles fonctionnent ensemble : nous nous occupons du volet réseau, alors que la Loi sur la radiodiffusion porte sur le volet contenu.

Je suis désolée pour la confusion, mais la Loi sur la radiocommunication, qui régit le spectre, fonctionne de concert avec la Loi sur les télécommunications. C’est pourquoi elle a été incluse dans la portée de l’examen.

[Français]

M. Ripley : J’ajouterais que, dans l’examen, nous nous sommes posé la question à savoir s’il s’agit des bons principes pour chaque loi concernant la radiodiffusion. Comme vous le savez, c’est une longue liste. Y a-t-il des choses que nous pouvons rayer ou ajouter à la liste? Est-ce le bon équilibre? C’est la même chose du côté des télécommunications.

La sénatrice Gagné : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je ne sais vraiment pas par où commencer. Le sujet étant vaste, je risque d’aller dans tous les sens. J’ai quelques questions qui se rapportent un peu à ce que nous cherchons à accomplir.

Je tiens toutefois à signaler, aux fins du compte rendu, que le parcours des membres du groupe d’examen est important. On n’y trouve aucun Canadien de l’Atlantique auquel je peux m’identifier. Il n’y a pas non plus de représentant des consommateurs. Je ne parle pas de consommateurs à grande échelle, mais de monsieur et madame Tout-le-monde qui auraient une opinion. C’est un sujet difficile pour nous tous parce que le monde change très rapidement. Nous voulons que les Canadiens réussissent et qu’ils soient traités équitablement. J’ai du mal à voir comment les industries canadiennes des médias, de la culture et des communications survivront dans un monde qui évolue à un rythme effréné en raison d’Internet et de choses comme Netflix. Ces entités entravent ce que nous avons créé au fil des ans, à savoir des réseaux de radiodiffusion de bonne qualité. Je sais également que la concurrence est en train de tuer la télévision tant publique que privée.

À cet égard, j’ai beaucoup critiqué le réseau local de CTV à Halifax, où j’habite. Aux nouvelles du soir, on nous dit chaque fois, en guise de phrase d’introduction, que c’est local et en direct. Eh bien, c’est en direct, mais ce n’est pas local parce que les trois ou quatre premiers reportages — malgré tout le respect que je dois à mes amis du Nouveau-Brunswick — parlent de ce qui se passe au centre-ville de Moncton ou de Saint John.

Je comprends les problèmes qu’ont les médias. Ils ont dû consolider leurs services et répondre aux besoins d’un marché plus vaste avec moins de personnel. Comment allons-nous nous attaquer à ce problème sans intervenir directement sur le marché? Du reste, je ne crois pas que nous devrions intervenir, mais il nous faut tout de même faire en sorte que le marché soit équitable.

Utilisons-nous l’argent que nous percevons de diverses façons, comme c’est le cas, par exemple, avec le spectre? Combien de milliards de dollars le gouvernement du Canada a-t-il engrangés grâce à cela? Le sénateur Tkachuk a passé des mois à nous parler du spectre. Une partie du spectre n’a pas encore été vendue. L’argent généré par la vente de spectre va-t-il être utilisé pour protéger l’industrie ou pour l’aider à survivre en tant qu’entité canadienne?

Certaines personnes aiment construire des murs, mais avec la technologie ou l’électronique, on ne peut pas dresser de murs. Elle va passer par-dessus ou les contourner. C’est ma première question.

La sénatrice Gagné : C’était une question?

Le président : Comment voulez-vous procéder? Il veut que vous commentiez ses observations.

M. Ripley : Je serai heureux de le faire. Avec tout le respect que j’ai pour nos experts, je vais répéter ce qu’a dit ma collègue Pam. Un effort a été fait pour cerner divers intervenants. Cela a été précédé d’un certain nombre de consultations. Par exemple, en matière de radiodiffusion, une initiative a été lancée il y a deux ans, baptisée « La culture canadienne dans un monde numérique ».

Pour ce qui est des experts, des démarches ont été faites pour trouver des gens qui s’y connaissaient tant en radiodiffusion que dans le domaine des télécommunications. Ce sont des domaines très complexes, alors le raisonnement est d’aller chercher des personnes qui ont un certain savoir-faire en la matière et qui pourront proposer des recommandations de bonne tenue au gouvernement quant à la façon concrète de mettre en œuvre les recommandations législatives.

La question des nouvelles est effectivement un sujet préoccupant. La presse et la radiotélévision ont beaucoup parlé des nouvelles dernièrement. Je vous invite, si vous ne l’avez pas encore fait, à jeter un coup d’œil au travail réalisé par le CRTC dans le rapport qu’il a dû produire dans le contexte de l’article 15. J’ai parlé de ce rapport dans mon exposé. Il s’intitule Emboîter le pas au changement. Que vous soyez d’accord ou non avec les recommandations du CRTC, le rapport contient d’intéressantes statistiques et c’est une véritable mine de renseignements. Je recommande au comité d’en tenir compte pour ses travaux.

Sur le plan des nouvelles, il y a un certain nombre de choses en chantier. Par exemple, le CRTC s’est efforcé d’offrir plus de latitude aux radiodiffuseurs en réaffectant au secteur des nouvelles une partie des ressources financières prévues pour la programmation communautaire — à l’intérieur des groupes de propriété, s’entend. Le CRTC a donc accordé aux titulaires de licence de radiodiffusion une certaine flexibilité à l’intérieur de cet espace afin de leur permettre de consacrer plus d’argent aux nouvelles locales.

Le CRTC a créé un fonds pour les nouvelles locales où les radiodiffuseurs indépendants peuvent aller puiser pour soutenir leurs fonctions en matière d’information. Toutefois, le CRTC est bien au fait des défis sérieux auxquels les radiodiffuseurs conventionnels sont confrontés à cet égard, comme c’est le cas pour la chaîne CTV dont vous avez parlé.

Dans le rapport que je viens de mentionner, le CRTC laisse entendre que ce modèle d’affaires est en déclin en raison de la montée des services de diffusion en continu. Alors, ces modèles d’affaires sont effectivement en difficulté, et le gouvernement en est conscient. Le dernier budget contenait un engagement d’investir 50 millions de dollars pour soutenir le journalisme dans les communautés mal desservies. Notre ministère travaille présentement à la mise en œuvre de cet engagement. Nous en avons parlé brièvement lors de notre dernier passage au comité.

L’engagement a été pris d’examiner les règles entourant le statut d’organisme de bienfaisance, ce à quoi le ministère des Finances travaille. La plus récente lettre de mandat de notre ministre contient un engagement à poursuivre le travail avec les organismes médiatiques. Il est généralement et notamment reconnu que le maintien des sources de nouvelles locales va être un défi. Nous devons réfléchir à ce que nous pourrions faire pour nous assurer de continuer à avoir accès à des services de nouvelles.

Mme Miller : Je pourrais parler des recettes générées par la vente aux enchères de spectre. Ces recettes sont créditées au Trésor, puis elles sont assujetties aux processus budgétaires ordinaires de l’État. Elles sont donc considérées comme faisant partie du cycle budgétaire normal.

Le sénateur Mercer : Le spectre devrait peut-être être réaffecté au secteur d’où il retire de l’argent. Vous avez parlé de cette question que j’avais aussi dans mes notes, cette nouvelle idée de transformer les médias en organismes de bienfaisance. J’ai fait toute ma carrière dans le secteur caritatif. J’ai élaboré des argumentaires pour des campagnes de 120 millions de dollars et pour d’autres de 100 000 $. Je ne sais pas très bien comment je pourrais en élaborer un pour inciter quelqu’un à donner de l’argent à la station locale de CTV de ma localité. C’est beaucoup plus difficile à faire.

Je félicite le gouvernement d’essayer de trouver quelque chose qui pourra aider, car les collectivités de notre pays sont en train de perdre leur identité. Même dans les endroits où il y a un gros marché — comme à Toronto, par exemple — les médias électroniques et imprimés sont en train de perdre leur marché.

Comment ce statut d’organisme de bienfaisance va-t-il fonctionner pour les médias?

M. Ripley : Cela reste encore à déterminer. Ce sont nos collègues du ministère des Finances qui mènent la charge à cet égard, car au Canada, ce statut relève d’eux. Je suis d’accord avec vous : cette façon de faire ne sera pas une solution aux problèmes qui plombent le secteur des médias. Il est d’autre part reconnu que certaines modifications en la matière pourraient aider certains types de journalisme. Par exemple, il se peut que telle ou telle fondation veuille appuyer le journalisme axé sur les problèmes autochtones ou quelque chose du genre. Je ne crois toutefois pas que ce sera une panacée qui, tout à coup, sera en mesure de secourir tous les journaux et les radiodiffuseurs du pays.

Le sénateur Mercer : J’ai d’autres questions, mais je vais passer mon tour. Je veux seulement vous rappeler que le secteur caritatif relève de l’Agence du revenu du Canada, et non du ministère des Finances.

M. Ripley : Merci.

Le président : Je suis toujours surpris d’entendre ce que j’entends lorsqu’il s’agit de se préoccuper du sort des nouvelles et de leur provenance. Les gens vont regarder les nouvelles. Vous pourrez subventionner à l’infini CTV à Saskatoon ou Radio-Canada/CBC à Regina, mais si personne ne regarde, les nouvelles ne seront pas disséminées, et ce, peu importe combien d’argent le gouvernement y consacrera. Le gouvernement pourrait donner de l’argent au National Post, au Globe and Mail ou à n’importe quelle chaîne de télévision, mais cela ne règlera jamais le problème. Si les revenus sont en déclin, c’est parce que personne ne lit ou ne regarde les nouvelles. Il n’y a que le marché qui peut résoudre ce problème.

Il n’y a pas si longtemps, la radio était censée être morte. Pourtant, elle se porte très bien. À Saskatoon, si vous voulez avoir des nouvelles locales, vous syntonisez CKOM. Il y a des nouvelles toute la journée et vous pouvez aussi aller sur leur site web. Toutes les nouvelles locales y sont. Pourquoi arrivent-ils à supplanter le StarPhoenix? Je n’en sais rien, mais ils y arrivent. Les gens ne lisent pas le StarPhoenix. C’est peut-être parce qu’il écrit des choses que les gens ne veulent pas lire. Les gouvernements ne peuvent pas prendre de telles décisions.

Je vois tout ce que vous proposez, mais cela ressemble à — je n’aime pas utiliser ces mots — une réclame conservatrice de l’ancien temps. Il n’y a pas de nouveaux penseurs qui travaillent à cela. Il n’y a rien que ces gens-là peuvent faire pour changer ce qui est en train de se passer aujourd’hui dans le secteur de la radiodiffusion. Seul le marché pourra y arriver.

M. Ripley : Pour ce qui est d’un nouveau modèle, je crois que vous avez mis le doigt dessus, dans une certaine mesure. Traditionnellement, le modèle d’affaires consistait à attirer les gens vers un produit ou un endroit. Vous n’avez qu’à lire le National Post, le Globe and Mail et le Journal de Montréal. L’Internet a changé la donne, car il s’agit d’un modèle réparti. Désormais, nous utilisons des agrégateurs pour accéder à nos nouvelles. Nous utilisons Facebook, Twitter et les fonctions de recherche de Google. Ce n’est pas tout le monde qui va taper National Post, ou Globe and Mail ou Journal de Montréal et procéder à partir de là. Les gens ouvrent leur fil de nouvelles et choisissent de lire ce qui leur plaît, qu’il s’agisse d’un article du site de Radio-Canada ou du National Post.

Alors, oui, ceci a fondamentalement modifié le modèle d’affaires de ces organisations qui avaient l’habitude de survivre en attirant des lecteurs afin de pouvoir générer des recettes de la publicité et des petites annonces. Ce système est en train de tomber en morceaux et c’est tout un défi. Les différentes organisations médiatiques répondent de diverses façons à ce phénomène. À l’évidence, certaines d’entre elles ont opté pour l’idée d’un portail payant. D’autres tentent de tisser des liens de proximité avec les collectivités locales afin d’instaurer un modèle financé par la collectivité, par exemple. D’autres essaient de trouver un modèle axé sur la publicité qui pourrait fonctionner, ou une combinaison quelconque de toutes ces possibilités. Je suis d’accord avec vous : il n’y a pas de modèle éprouvé ou de modèle évident qui sera en mesure de ramener l’industrie à ce qu’elle était.

Pour ce qui est de vos observations sur le groupe d’examen, je me contenterai de dire que, dans son cadre de référence, le gouvernement a été très clair quant aux types d’enjeux auxquels il souhaite voir ce groupe s’attaquer.

Le président : Cela ne me pose pas de problème. Je voulais simplement vous dire ce que j’en pense.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : À la Chambre des communes, lorsque ce comité a été mis en place, la mesure a été très critiquée par tous les partis de l’opposition. Le problème, c’est que ce milieu est constamment en consultations. Nous consultons sur une longue période de temps, mais la technologie se développe tellement vite que, quand le rapport est produit, il est déjà dépassé.

L’autre problème, au Québec entre autres, c’est que les consommateurs sont prisonniers de monopoles. Auparavant, en ce qui concerne la téléphonie, Bell était le seul fournisseur de services. Par la suite, Vidéotron est arrivée. Ces deux compagnies ont intégré Internet, la télévision et le cellulaire. Il y a deux compagnies au Québec, Bell et Vidéotron, et les clients vont de l’une à l’autre. Lorsque l’une des deux fait une offre intéressante, on laisse tomber l’autre, et vice versa. Il n’y a pas de concurrence. C’est comme le prix de l’essence à Sherbrooke : tout le monde se consulte sur les prix. Ce milieu est très sclérosé à cause du manque de concurrence. Vous allez faire cette étude, bravo! Mais où en serons-nous dans deux ou trois ans? Les consommateurs seront toujours prisonniers de deux compagnies qui ont intégré toute l’information. Si on choisit Vidéotron, on est obligé d’avoir aussi la téléphonie et Internet.

Allez-vous éventuellement décloisonner ce marché?

Nous avons discuté du même principe la semaine dernière au sujet des forfaits télévisuels; je suis obligé de payer pour des chaînes que je ne vais pas écouter. Que voulez-vous, Radio-Canada ne m’intéresse pas, mais je suis prisonnier.

Au Canada, on a établi des règles du jeu qui favorisent les vendeurs et non pas les acheteurs. Je ne sais pas si cela fait partie de votre mandat, mais il faudra bien qu’un jour les consommateurs deviennent rois et maîtres. Nous devons nous débarrasser de cette espèce de situation où nous sommes emprisonnés dans des choix que nous ne voulons pas faire, parce que les entreprises ont le monopole. Nous avons perdu notre liberté comme consommateurs.

J’aurais peut-être dû poser cette question au ministre, mais allez-vous prendre cette avenue éventuellement, ou allez-vous vous contenter de modifier la réglementation?

M. Ripley : Je peux commencer à répondre, et peut-être que d’autres voudront renchérir.

Le sénateur Boisvenu : Je vous parle de cela sans vous juger, vous savez. Je vous trouve très gentil.

M. Ripley : Je dirai deux choses. La première, c’est que vous avez raison. Quand on regarde le marché canadien, oui, il y a de grands joueurs. Nous savons que, parfois, les choix sont limités. Cependant, relativement au marché international, même nos plus grandes entreprises sont plutôt petites comparativement aux grands joueurs de ce monde. Il va falloir trouver une piste de solutions pour atténuer les inquiétudes que vous avez soulevées. Il faut trouver des solutions qui servent les consommateurs et les citoyens canadiens. Il faut créer un cadre, un marché où nos entreprises peuvent concurrencer les grands joueurs du monde. C’est la réalité d’aujourd’hui. Nos radiodiffuseurs doivent concurrencer avec les Netflix et les Amazon de ce monde. C’est difficile pour eux.

Le sénateur Boisvenu : Si les gens vont sur Internet pour regarder des émissions maintenant, c’est parce qu’ils ont le choix d’aller où ils veulent, un choix qui n’est pas offert avec la télévision. Nous sommes prisonniers de notre système de câblodistribution. Cela ne fait plus notre affaire. Les gens abandonnent le conventionnel pour aller sur Internet, parce qu’ils peuvent choisir à la carte. Ce système de proposition à la carte pourrait ramener la clientèle vers nos fournisseurs. Si rien n’est fait, d’ici 5 à 10 ans, la télévision conventionnelle telle qu’on la connaît ne sera plus viable.

M. Ripley : Nous avons déjà des produits sur le marché qui sont plus axés sur les consommateurs et qui leur donnent ce type de choix. On a des services par contournement. Un grand nombre de Canadiens sont abonnés à ce type de service. On voit l’émergence aux États-Unis des « virtual BDUs ». Il s’agit de compagnies où vous avez la possibilité de choisir la chaîne à laquelle vous aimeriez vous abonner. C’est l’une des raisons pour lesquelles on fait cet examen. Il faut trouver un cadre flexible qui peut répondre à toutes ces nouvelles technologies. Sinon, notre système de radiodiffusion conventionnel, qui doit répondre à nos besoins culturels, ici au Canada, sera complètement axé sur les vieilles technologies, et cetera.

Le sénateur Boisvenu : J’ai une dernière question. Les consommateurs font vivre certaines chaînes, alors que cette responsabilité ne leur revient pas. À titre d’exemple, quand je prends un forfait et que, sur 20 stations, il y en a seulement 5 qui m’intéressent, cela veut dire que je fais vivre les 15 autres que je n’ai pas choisies. C’est presque antidémocratique. Il s’agit d’un manque total de liberté.

M. Ripley : J’imagine que vous êtes au courant, mais le CRTC a déjà fait un peu de travail dans ce domaine.

Je ne sais pas si on voudrait faire des commentaires sur Parlons télé.

Drew Olsen, directeur, Politique législative et du marché, Patrimoine canadien : Dans le contexte de Parlons télé, processus déclenché en 2013 et conclu en 2015, on a décidé de mettre en vigueur un système où vous pouvez choisir les canaux de télévision que vous voulez. Il y a un certain nombre de canaux qui sont obligatoires et que vous devez recevoir, mais il y a d’autres chaînes que le consommateur peut choisir ou non. Les grands câblodistributeurs sont obligés de les offrir d’une façon individuelle, mais ils offrent des forfaits que vous pouvez choisir comme consommateur.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Merci de vos exposés. Au cours de la dernière année, le gouvernement et Netflix ont conclu une entente aux termes de laquelle l’entreprise s’est engagée à investir un minimum de 500 millions de dollars dans des productions originales canadiennes au cours des cinq prochaines années. Certaines parties concernées craignent que ce marché permette à Netflix de contourner les règles canadiennes en matière de radiodiffusion. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet de cette entente?

M. Ripley : Étant donné les protections robustes contenues dans la Loi sur Investissement Canada, ce que je peux dire publiquement est limité, mais je vais assurément faire de mon mieux pour vous répondre.

Commençons par quelques précisions. Je ne dirais pas qu’il s’agit d’un marché. Afin de s’établir commercialement au Canada, Netflix a pris certains engagements en vertu de la Loi sur Investissement Canada, un processus qui s’applique au secteur culturel ainsi qu’à d’autres.

Les engagements à hauteur de 500 millions de dollars visent des productions originales réalisées au Canada. Il ne s’agit donc pas uniquement de contenu canadien, mais ça ne l’exclut pas non plus. Je ne sais pas si vous avez vu cette nouvelle la semaine dernière, mais Netflix a publié un blogue où elle faisait le bilan de sa première année au Canada. Le bilan comprenait entre autres les projets que l’entreprise a soutenus et les partenaires dans lesquels elle a investi. On y soulignait certains types de productions pouvant passer pour du contenu canadien, mais ce qu’il importe de clarifier, c’est que cet engagement de 500 millions de dollars vise des productions originales réalisées au Canada. Par conséquent, cela peut inclure les deux.

J’aimerais maintenant aborder la dernière partie de votre intervention, où vous parliez du fait que Netflix pourrait contourner les règles qui s’appliquent normalement aux radiodiffuseurs. Comme vous le savez peut-être, en 1999, le CRTC a publié ce qui s’appelle une ordonnance d’exemption relative aux médias numériques. Or, si vous êtes conforme aux paramètres de cette ordonnance, vous êtes exempté de la plupart des obligations réglementaires qui s’appliquent aux autres. Par exemple, les entités qui évoluent au Canada et qui sont conformes à cette ordonnance ne sont pas tenues de dépenser un pourcentage de leurs recettes sur du contenu canadien ou de s’acquitter d’autres obligations de la sorte.

Le sénateur McIntyre : Dans le même ordre d’idées, Netflix est-elle tenue de respecter les mêmes normes que les radiodiffuseurs traditionnels? Dans la négative, y a-t-il une série de règles distincte qui s’applique à elle?

M. Ripley : Une série de règles distincte s’applique à toute entité visée par l’ordonnance d’exemption relative aux médias numériques. Si vous êtes un radiodiffuseur autorisé au Canada, vous devez vous conformer aux conditions particulières de la licence qui vous a été accordée. Récemment, tous les grands groupes de propriété ont procédé au renouvellement de leur licence. Ces groupes se sont donc engagés à consacrer un certain montant à la programmation canadienne. Par exemple, 30 p. 100 de leurs recettes doit être consacré à cette programmation. Ensuite, une certaine proportion de cette enveloppe devra être dépensée sur certains types de contenu, c’est-à-dire les émissions d’intérêt national. Vous avez peut-être entendu des groupes de création parler de cela. Ce sont des choses comme les dramatiques de longue durée, les documentaires et les émissions pour enfants. La définition pour le marché francophone diffère un peu puisqu’elle inclut les vidéos de musique et d’autres choses de ce genre. Souvent, il y a une obligation d’avoir un certain nombre d’heures d’émissions de nouvelles locales. Ce sont les types d’obligations qui s’appliqueraient au radiodiffuseur traditionnel. Les entités visées par l’ordonnance d’exemption relative aux médias numériques n’ont pas les mêmes types d’obligations, car elles ne sont pas tenues d’obtenir une licence du CRTC.

Le sénateur McIntyre : Ma prochaine question porte sur la gouvernance et l’administration efficace dont il est question au point no 7 du cadre de référence du groupe d’examen. D’après ce que je comprends, c’est le gouverneur en conseil — c’est-à-dire, les pouvoirs du gouverneur en conseil — qui fixe les conditions de la relation entre le gouvernement et le CRTC. Nous savons par ailleurs que les pouvoirs actuels du gouverneur en conseil se limitent à quelques articles de la Loi sur les télécommunications.

Croyez-vous que les pouvoirs du gouverneur en conseil devraient être élargis afin de répondre aux problèmes de télécommunication et de radiocommunication que nous avons aujourd’hui?

Mme Miller : Je pense que les articles de la Loi sur les télécommunications rapportés dans le cadre de référence sont là pour souligner qu’ils font partie de la Loi sur les télécommunications, et non de la Loi sur la radiodiffusion, ce qui permet au gouverneur en conseil de modifier ou de réévaluer une décision du CRTC. Cela s’applique de manière exhaustive à toutes les décisions du CRTC en matière de télécommunication. Le gouverneur en conseil peut également imposer une direction stratégique contraignante au CRTC en matière de télécommunications, mais je vais laisser ma collègue vous parler de la radiodiffusion.

Le sénateur McIntyre : La seule chose que j’essaie de savoir c’est si les pouvoirs du gouverneur en conseil devraient être élargis.

Mme Miller : En ce qui concerne la Loi sur les télécommunications dans sa forme actuelle, le gouverneur en conseil a effectivement la capacité d’intervenir sur les décisions du CRTC.

Le sénateur McIntyre : D’accord. Voilà qui est bien. J’aurais peut-être une dernière question. Dans votre mémoire, vous indiquez qu’il y a plusieurs autres problèmes et sujets importants. Pouvez-vous nous en parler brièvement?

M. Ripley : Étant donné les contraintes de temps que nous avons eues, nous ne voulions pas passer ligne par ligne le cadre de référence pour le volet de la radiodiffusion. Je crois que les choses auxquelles j’aurais fait allusion sont davantage des détails relatifs à la gouvernance et à l’administration efficace pour ce volet.

En ce qui concerne la question que vous venez de poser à ma collègue, je vous dirais que, du côté de la radiodiffusion, il y a l’article 7, qui est une direction contraignante à l’intention du CRTC. Il y a l’article 15, qui demande au CRTC d’étudier un sujet donné et d’en faire rapport, puis, bien entendu, le pouvoir de présenter des demandes. Certaines questions pourraient être débattues afin d’établir s’il s’agit du bon équilibre. Par exemple, à l’heure actuelle, vous ne pouvez pas demander au gouvernement d’examiner une décision stratégique en matière de radiodiffusion. Le gouvernement devrait-il avoir ce pouvoir? Avons-nous présentement le bon équilibre à cet égard?

Je ne sais pas, Drew, s’il y a autre chose que vous aimeriez souligner.

M. Olsen : L’autre pouvoir est celui prévu à l’article 28, qui consiste à examiner les décisions en matière de licence dans le contexte de la radiodiffusion. Les pouvoirs du gouverneur en conseil en vertu de la Loi sur la radiodiffusion sont délibérément très limités pour séparer les médias du gouvernement. Le CRTC réglemente le secteur des médias d’une manière indépendante. Le gouvernement a des pouvoirs très limités pour intervenir dans les dossiers du CRTC dans le secteur de la radiodiffusion. Comme Owen l’a souligné, il y a une directive stratégique sur une vaste question d’application générale et un rapport doit être préparé, ou le gouverneur en conseil peut renvoyer une décision en matière de licence au CRTC mais ne peut pas changer une décision.

La sénatrice Dasko : Je remplace la sénatrice Bovey, qui ne pouvait pas assister à la réunion aujourd’hui. Je suis de Toronto. Je ne connais pas vos membres, mais je connais Janet Yale. Je l’ai rencontrée à maintes reprises, et c’est une personne merveilleuse et une experte dans le domaine. J’ai très confiance qu’elle apportera une contribution à votre étude.

J’ai une question très simple pour vous, et je m’excuse qu’elle soit aussi élémentaire. Comme nous l’avons entendu aujourd’hui et à bien d’autres endroits, la télévision et les journaux conventionnels enregistrent une baisse de leurs auditeurs et lecteurs. Le gouvernement du Canada estime-t-il que ces industries doivent être sauvées? Je sais que c’est une question très simple, mais j’aimerais que vous y répondiez.

M. Ripley : J’aborderais la question en disant que les entités comme les journaux et les radiodiffuseurs conventionnels ont assumé une fonction très importante, et cette fonction demeure importante. Il est essentiel que les Canadiens aient des nouvelles et des renseignements à propos de leurs collectivités, sachent ce que les décideurs font et puissent avoir accès à cette information. Ce faisant, ils peuvent prendre des décisions éclairées, comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, et participer à la démocratie dans les divers ordres de gouvernement.

Il faut aussi aller au-delà de l’univers des nouvelles et de l’information. Il est important que l’identité, les expériences et les différences linguistiques des Canadiens se retrouvent dans le contenu que nous consommons. Par le passé, certains types d’entités ont joué ces rôles. Je n’écarterai pas la possibilité que ces entités sont différentes et qu’il y a aura sans doute une combinaison d’entités différentes à l’avenir.

Comme nous en avons parlé, le modèle d’affaires des journaux conventionnels est aux prises avec d’importants défis à l’heure actuelle, en raison de la façon dont le marché de la publicité fonctionne. Par le passé, les nouvelles étaient interfinancées par les fonds de publicité. Les Googles et les Facebooks de ce monde ont perturbé cet interfinancement dans une certaine mesure, et il est difficile de trouver une solution immédiate à ce problème.

Est-ce que j’écarte l’idée que la créativité et l’innovation mettront de l’avant un nouveau modèle d’affaires qui permettra de trouver une solution à l’avenir? Non. Comme je l’ai dit, nous avons une idée de ce qui pourrait fonctionner, mais là encore, je ne vois pas l’émergence d’un modèle d’affaires viable qui sera la solution ou la panacée à tous ces problèmes.

La sénatrice Dasko : Ces fonctions pourraient donc disparaître?

M. Ripley : Je répondrais à votre question en disant que, oui, les fonctions que ces entités assument sont importantes. Cet exercice consiste en partie à veiller à ce que nous ayons un cadre législatif et réglementaire suffisamment flexible pour appuyer ces types de fonctions, que ce soit celles d’un radiodiffuseur conventionnel, d’un journal ou d’une autre entité. C’est le défi que nous avons donné au comité d’examen.

Le président : CBC exploite un site web qui est un journal. Il fait directement concurrence au Globe and Mail et au StarPhoenix de Saskatoon. Nous nous inquiétons que Google et Facebook font perdre des recettes publicitaires aux journaux. Mais CBC n’enlève-t-elle pas aussi des recettes publicitaires aux journaux?

M. Ripley : Il est vrai que CBC se finance elle-même, en partie, par l’entremise des recettes publicitaires. Il y a trois sources de revenus pour CBC : les crédits parlementaires, les revenus qu’elle gagne en délivrant des permis pour ses services spécialisés et les recettes publicitaires.

Le président : Vous n’avez pas répondu à ma question. N’est-ce pas une concurrence déloyale? Elle dirige un journal. Elle est en concurrence avec toutes ces autres personnes. Nous sommes tous inquiets que Google et Facebook privent les journaux de fonds. Qu’en est-il de CBC? Ne dirige-t-elle pas un journal? N’est-ce pas un problème pour le National Post, le Globe and Mail ou le Vancouver Sun?

M. Ripley : Je vais soulever quelques points. L’un est — je n’ai pas les chiffres exacts devant moi, et CBC serait mieux placée pour répondre à cette question — que les revenus qu’elle tire de la publicité pour les services numériques sont relativement faibles comparativement aux 5 milliards de dollars actuellement générés par les revenus de publicité au Canada.

Deuxièmement, vous devez vous poser la question suivante : si l’on retire complètement CBC du secteur de la publicité, est-ce que tout cet argent irait forcément aux concurrents du secteur privé? Il y aurait certainement une redistribution de ces revenus de publicités. Je ne sais pas trop quelle est la réponse, mais je pense que nous pouvons présumer sans nous tromper qu’une partie de ces fonds irait à d’autres entreprises sur Internet. Il n’est pas clair pour moi que tous ces fonds iraient au Globe and Mail, au National Post, et cetera.

Le président : Nous ne le savons pas pour Google ou Facebook non plus. Nous n’avons aucune de ces réponses.

Si personne d’autre ne veut intervenir, merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de la conversation que nous avons eue aujourd’hui.

(La séance est levée.)

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