Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 41 - Témoignages du 23 octobre 2018
OTTAWA, le mardi 23 octobre 2018
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 9 h 31, pour étudier la façon de moderniser les trois lois fédérales sur les télécommunications (la Loi sur les télécommunications, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur la radiocommunication) pour tenir compte de l’évolution des secteurs de la radiodiffusion et des télécommunications durant les dernières décennies.
Le sénateur David Tkachuk : (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : En juin dernier, le Sénat a autorisé le Comité sénatorial permanent des transports et des communications à étudier la façon de moderniser les trois lois fédérales sur les communications, soit la Loi sur les télécommunications, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur la radiocommunication, et à en faire rapport.
Ce matin, nous poursuivons cette étude spéciale. Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons Jay Thomson, chef de la direction de la Canadian Communication Systems Alliance. Bienvenue. Nous recevons également Thomas S. Saras, président et chef de la direction du Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada. Je vous remercie pour votre présence.
La parole est à vous, monsieur Thomson.
Jay Thomson, chef de la direction, Canadian Communication Systems Alliance : Je vous remercie. Bonjour à tous. La Canadian Communication Systems Alliance, la CCSA, représente près de 115 fournisseurs de communications qui offrent des services Internet, vidéo et téléphoniques à plus de 1 200 collectivités du Canada. Nos membres relient les Canadiens dans quelques centres urbains, mais surtout dans les collectivités rurales et éloignées du Canada, y compris dans le Nord. Bien souvent, ils procurent des services dans des régions qui n’attirent pas les investissements des grands fournisseurs et dans lesquelles ils n’investiront jamais.
Nous sommes heureux de pouvoir partager certaines de nos réflexions concernant l’avenir de la législation canadienne sur les communications.
À notre avis, il est de la plus haute importance que la législation reste suffisamment souple pour faire face aux changements technologiques et du marché et faire en sorte que tous les Canadiens bénéficient de services de communication concurrentiels, novateurs et abordables, quel que soit leur lieu de résidence.
À cet égard, nous estimons qu’il est très important que les membres du comité comprennent que, même dans un contexte de mutation technologique rapide, les entreprises de communication indépendantes — plus particulièrement celles des régions rurales et isolées — continueront de jouer un rôle essentiel et irremplaçable dans le secteur de la distribution de communications encore bien longtemps.
Afin que cela se concrétise, nous avançons trois recommandations.
Premièrement, la législation canadienne en matière de communications devrait régler les problèmes de concurrence créés par la consolidation et l’intégration verticale de l’industrie.
Comme les membres du comité le savent bien, les plus grandes entreprises de câblodistribution au Canada, soit Bell, Rogers, Québecor et Shaw, par l’intermédiaire de Corus, possèdent également la quasi-totalité des services de télévision canadiens qu’elles et nos membres distribuent. Bell et Shaw sont propriétaires des services de livraison par satellite. Dans de nombreux cas, les grandes entreprises détiennent les réseaux de transport par fibre optique. Cela veut dire que les entreprises intégrées verticalement contrôlent tous les intrants en amont des activités de nos membres indépendants et plus petits, leurs concurrents directs de distribution.
En ce qui concerne la radiodiffusion, nos membres sont surtout préoccupés par le comportement anticoncurrentiel potentiel de ces grandes entreprises intégrées verticalement en raison de leur position dominante sur le marché. Un tel comportement anticoncurrentiel peut limiter les choix de communication disponibles et contrecarrer la concurrence, l’innovation et l’accessibilité économique des services sur les petits marchés servis par nos membres.
En fait, le CRTC a constaté que les grandes entreprises intégrées verticalement avaient à la fois l’intérêt et la capacité d’agir de manière anticoncurrentielle dans leurs activités de radiodiffusion. Ainsi, en 2016, le CRTC a mis en place un code de l’industrie contraignant, appelé Code sur la vente en gros, pour limiter ce type de comportement.
Vous ne serez certainement pas surpris d’apprendre que les grandes entreprises n’aiment pas le Code sur la vente en gros. En fait, comme vous l’avez probablement appris, Bell a contesté avec succès devant un tribunal le fondement selon lequel le CRTC avait établi ce code. Heureusement pour nous, en 2017, le CRTC a imposé aux radiodiffuseurs intégrés verticalement les dispositions essentielles du code comme conditions de leurs licences. Celles-ci demeureront en vigueur au moins jusqu’en 2022 malgré la décision du tribunal rendue au début du mois.
L’abolition des protections prévues par le Code sur la vente en gros serait néfaste pour les petites entreprises de communication et les clients à qui elles offrent leurs services.
Par conséquent, et indépendamment des répercussions concrètes actuelles de la récente décision de la cour relative au Code sur la vente en gros, nous demandons que la Loi sur la radiodiffusion indique explicitement que le régulateur a le pouvoir de limiter les comportements anticoncurrentiels des grandes entreprises intégrées verticalement, que ce soit avec le Code sur la vente en gros ou par d’autres moyens.
Notre deuxième recommandation est que la législation devrait exclure la possibilité que les fournisseurs de services Internet, les FSI, soient obligés de faire des contributions financières dans le but de soutenir la création de programmation canadienne.
À notre avis, tout avantage pouvant résulter de l’obligation pour les FSI de contribuer à la production de contenu canadien serait grandement dépassé par les répercussions négatives sur la fourniture de services Internet à large bande abordables pour tous les Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence.
Il est universellement reconnu qu’en raison des coûts d’investissement et d’exploitation déjà élevés résultant de la localisation et de la faible densité de population, les FSI servant les régions rurales et isolées ont besoin de l’aide du gouvernement pour fournir ou étendre les services Internet à large bande dans leurs collectivités. En l’absence d’un tel soutien gouvernemental pour compléter ce que les fournisseurs locaux peuvent investir avec leurs propres revenus, il n’y a tout simplement aucune viabilité commerciale à rendre la large bande disponible dans de nombreuses régions rurales et isolées du pays.
Comme c’est le cas pour de nombreux autres biens et services sur lesquels ils comptent, les Canadiens vivant dans des communautés rurales et éloignées doivent généralement payer davantage pour leurs services Internet que les Canadiens vivant dans les marchés urbains.
Obliger les FSI d’attribuer des revenus à la production de contenu canadien non seulement les empêcherait d’investir dans le déploiement de la large bande dans le but d’améliorer les services offerts à de nombreux Canadiens non servis ou mal servis, mais pourrait également augmenter le coût des services Internet pour ces Canadiens.
Notre troisième recommandation est que la législation devrait promouvoir la fourniture compétitive de services à large bande, y compris les services mobiles, plus particulièrement dans les marchés ruraux et éloignés.
En ce qui a trait aux télécommunications, le plus grand défi que la plupart de nos membres rencontrent aujourd’hui est peut-être leur incapacité d’offrir des services de voix ou de données sans fil à leurs clients. Cela signifie qu’à l’heure où les Canadiens diffusent de plus en plus de contenu sur de plus en plus d’appareils, ceux qui vivent dans de nombreux marchés servis par nos membres n’ont pas de choix en matière de fournisseurs de services sans fil et ils ne profitent donc pas des avantages de la concurrence.
L’actuelle Loi sur les télécommunications définit neuf politiques publiques. Sans vouloir négliger aucune des sept autres, je souhaiterais souligner l’importance de maintenir la politique énoncée au paragraphe 7 b), qui vise à permettre « l’accès aux Canadiens dans toutes les régions — rurales ou urbaines — du Canada à des services de télécommunications sûrs, abordables et de qualité » et la politique énoncée au paragraphe 7 c), qui vise en partie à accroître la compétitivité des télécommunications canadiennes sur le plan national.
J’insiste sur le maintien de ces deux politiques en raison des décisions réglementaires et stratégiques qui pourraient et devraient en découler. L’une de ces décisions devrait être l’introduction d’un modèle d’exploitant de réseau mobile virtuel, ou modèle ERMV, ayant pour but de promouvoir à la fois la concurrence des services sans fil et la disponibilité de ces services dans les régions rurales du Canada.
À l’heure actuelle, la disponibilité du modèle ERMV aux États-Unis a créé un marché de 20 milliards de dollars qui offre de nombreux forfaits et choix intéressants aux clients résidentiels et aux entreprises. Le modèle ERMV pourrait faire la même chose pour les Canadiens, si cela était autorisé ici.
Enfin, dans le but de promouvoir l’accès à des services Internet à large bande abordables et de qualité, en particulier dans les régions rurales, nous recommandons de modifier la Loi sur les télécommunications afin d’autoriser le CRTC à agir en tant qu’unique organisme de réglementation pour tous les rattachements aux structures de soutien.
Pour être en mesure d’offrir leurs services, les fournisseurs de communications doivent rattacher leurs câbles à des structures de soutien telles que des poteaux téléphoniques et des poteaux électriques.
À l’heure actuelle, le CRTC établit les tarifs applicables aux structures de soutien appartenant aux entreprises de télécommunications sous réglementation fédérale, tandis que les organismes de réglementation des services publics provinciaux fixent les tarifs pour les structures appartenant aux entreprises d’électricité. Les tarifs fixés par les régulateurs provinciaux augmentent considérablement et peuvent atteindre quatre fois les tarifs établis par le CRTC. L’augmentation des coûts de fonctionnement de nos membres résultant de cette différence de traitement est devenue une menace réelle pour le succès des initiatives du gouvernement fédéral en matière de large bande en milieu rural.
Contrairement au CRTC, les organismes de réglementation provinciaux n’ont ni l’expertise nécessaire pour fixer les tarifs des structures de soutien ni le mandat de faire progresser la connectivité à large bande pour tous les Canadiens. Voilà pourquoi le CRTC devrait être le seul organisme de réglementation responsable de tous les rattachements aux structures de soutien au Canada.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous ai fait part de mes commentaires et maintenant, je serai heureux de pouvoir répondre à vos questions.
Le président : Je vous remercie, monsieur Thomson. Monsieur Saras.
Thomas S. Saras, président et chef de la direction, Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada : Je remercie M. Thomson pour son exposé. Ma déclaration liminaire ne portera pas sur des détails techniques. Je comparais au nom d’environ 170 membres qui œuvrent dans le domaine de la radio et de la télévision ethniques. Il y a très peu de stations qui appartiennent aux communautés ethniques. L’organisme pour lequel je travaille, comme son nom l’indique, représente la presse et les médias ethniques. Dans le domaine de la presse ethnique, nous comptons environ 850 membres de partout au Canada, et dans le domaine de la radio et de la télévision, nous avons environ 150 membres.
Je m’adresse à vous aujourd’hui parce que je souhaite attirer votre attention sur le quotidien de nos membres et pour vous demander d’apporter certaines modifications.
Nos membres doivent travailler avec les grandes sociétés, celles qui obtiennent leurs licences du CRTC. Malheureusement, ils doivent se plier aux règles que ces grandes sociétés leur imposent.
Par exemple, un diffuseur de langue afghane à Toronto a obtenu la case horaire allant de minuit à deux heures du matin, et chaque heure lui a coûté 500 $. Comment peut-il obtenir cette somme si son programme est diffusé de minuit à deux heures du matin? Qui voudra acheter de la publicité pour cette case horaire? C’est ce genre de situation à laquelle nous sommes confrontés quotidiennement, que ce soit à la radio ou à la télévision.
Étant donné que nous vivons dans une société multiculturelle puisque le Canada est officiellement un pays multiculturel, j’estime qu’il est temps que les législateurs apportent quelques modifications à la législation, qu’ils envisagent le marché avec une perspective plus globale et qu’ils examinent la façon dont les Canadiens s’informent, que ce soit à propos du gouvernement du Canada ou de ce qui se passe sur la scène internationale.
M. Thomson a parlé des Canadiens qui habitent dans des régions rurales. C’est un autre problème. Des gens originaires de divers coins du monde vivent en dehors des grandes régions métropolitaines, et ils ont besoin de s’informer quotidiennement à propos de la vie au Canada, de la culture canadienne et des points de vue canadiens. Ils ne peuvent pas obtenir cette information, car ils ne sont desservis par aucun réseau. Aucune des grandes sociétés, que ce soit Rogers, Shaw ou autre, n’accorde du temps d’antenne à des journalistes ethniques à la radio ou à la télévision. Par conséquent, pendant des années, ces gens ne savent même pas ce qui se passe au pays. Je crois qu’il s’agit d’un sérieux problème, non seulement pour eux, mais aussi pour le Canada.
En outre, la législation actuelle les prive d’un droit fondamental, le droit de savoir, d’apprendre et de comprendre ce qui se passe au pays dans la langue qu’ils comprennent le mieux. J’estime qu’il s’agit du problème le plus sérieux auquel l’industrie est confrontée.
Actuellement, la structure de notre industrie fait en sorte que la plupart des stations de radio et de télévision appartiennent à quelques Canadiens ou sociétés qui nous contrôlent tous. Ils décident du contenu de leur programmation et de la façon dont il sera présenté. Cette situation a des répercussions sur tous les néo-Canadiens et les personnes qui ont immigré au Canada il y a plusieurs années et qui utilisent encore leur langue maternelle.
C’est ma principale préoccupation. Je souhaitais vous en faire part.
Il y a un autre problème. Les exploitants de stations de radio font signer un contrat à la personne qui souhaite diffuser un programme dans sa langue, qui n’est ni l’anglais ni le français. Ce contrat stipule que, durant l’heure de diffusion de son programme, l’exploitant a le droit de diffuser trois, quatre ou cinq publicités du gouvernement en anglais ou en français. Cela signifie que la personne doit traduire le message des publicités diffusées durant son programme, mais il ne recevra pas un sou du gouvernement pour la diffusion de ces publicités.
Par conséquent, cette personne ne sera jamais en mesure d’obtenir les revenus qu’il lui faut, car l’argent ira à l’exploitant, qui se permet sans raison de diffuser les publicités.
Ce sont des situations courantes que le comité doit prendre en considération, afin qu’on puisse parvenir à changer la culture et à changer la façon de faire des affaires dans cette industrie. Sans ces changements, nos membres ne pourront pas continuer.
Un nouvel immigrant est généralement confronté à de nombreux problèmes. Les journalistes ethniques qui œuvrent dans le milieu de la radio, de la télévision et de la presse sont des gens qui étaient également journalistes dans leur pays d’origine. Pour une raison quelconque — que ce soit parce que leur gouvernement s’en est pris à eux ou parce qu’ils n’avaient pas d’autre solution pour survivre —, ils ont quitté leur pays pour venir au Canada. Ils adorent leur métier, et ils essaient de continuer à le pratiquer en tentant d’informer les membres de leurs propres communautés de ce qui se passe au pays parce que, dans un pays libre comme le Canada, ils vont faire tout leur possible pour faire profiter les membres de leurs propres communautés de la démocratie qui existe au Canada. Le seul problème c’est que, financièrement, ils ne peuvent pas y parvenir compte tenu de toutes ces situations.
Honorables sénateurs, à Toronto, Rogers est propriétaire de 16 ou 17 stations de radio. Cette société a obtenu les licences nécessaires. Elle détient aussi des licences pour sept stations de télévision. Elle a fait une demande pour en obtenir cinq autres, je crois, le mois prochain. Elle a obtenu trois licences pour 10 ans pour Omni 1 et Omni 2, des stations que l’on dit multiculturelles. Il y a deux ans, elle a mis à pied 280 personnes issues de communautés culturelles. Elle a changé la nature de ces stations en y présentant des émissions de sport en anglais ou en français.
Environ 35 p. 100 ou 40 p. 100 des membres des communautés culturelles ne parlent ni l’anglais ni le français, ou ils proviennent de cultures qui ne font pas partie du monde occidental. Par-dessus tout, ils doivent s’informer à propos de la culture et du système politique du pays et à propos de la démocratie.
Je vous fais cette demande dans une perspective d’avenir. Je suis convaincu que vous comprenez la nécessité d’apporter des changements. Je vous remercie beaucoup.
Le président : Je vous remercie.
Avant que je passe à la liste des intervenants, pouvez-vous me donner un exemple, monsieur Thomson, du type de communautés que desservent les entreprises que vous représentez? Aussi, pouvez-vous m’expliquer ce qu’est le modèle ERMV?
Le sénateur Dawson : C’est ce que je voulais demander.
Le président : Il y a un certain nombre de personnes qui nous regardent, et je suis dans l’ignorance autant qu’elles, alors je suis la bonne personne pour poser ces questions.
M. Thomson : Parmi les plus grandes collectivités que desservent nos membres, il y a Regina, Brandon et les régions aux alentours de Québec. Certains de nos membres desservent Toronto, mais la plupart desservent des régions situées en périphérie des grands centres. Il peut s’agir de Moosonee, d’Iqaluit, de l’intérieur de la Colombie-Britannique, de petites communautés dans l’île de Vancouver et dans le sud-ouest de l’Ontario, comme Oxford et Zurich.
Le président : Est-ce que vos membres fournissent des services de câblodistribution ou de télécommunication ou les deux?
M. Thomson : La CCSA a été créée il y a 25 ans pour représenter les petits câblodistributeurs indépendants, mais à mesure que l’industrie a évolué et que les câblodistributeurs sont devenus des fournisseurs de services Internet et de services de téléphonie, et que les fournisseurs de services de téléphonie sont devenus des fournisseurs de services Internet et des câblodistributeurs, nous en sommes venus à représenter des entreprises qui fournissent les trois types de services.
Pour répondre à l’autre question, je vous dirai que nos membres aimeraient également fournir des services de téléphonie mobile, ce qu’ils ne peuvent pas offrir généralement à l’heure actuelle parce qu’ils ne peuvent pas se permettre d’acheter des fréquences comme peuvent le faire les gros joueurs. Ces gros joueurs ne veulent pas céder des fréquences aux petits acteurs, parce qu’ils veulent pouvoir offrir un service concurrentiel dans leur propre marché.
Avec le modèle ERMV, les principaux fournisseurs auraient l’obligation d’ouvrir leurs réseaux pour permettre aux petits fournisseurs d’en louer des éléments et, par conséquent, d’offrir les services à leurs clients. Les petits fournisseurs n’auraient pas à investir dans les fréquences et l’infrastructure, car ils n’ont pas les moyens de le faire. Cependant, ce modèle leur permettrait d’avoir accès à l’infrastructure afin de pouvoir offrir les services à leurs clients.
Le président : D’accord. Monsieur Saras, j’aimerais aussi obtenir le même genre de précisions. Dans le milieu de la presse ethnique, j’aimerais savoir si les entreprises possèdent leurs propres chaînes grâce à des licences du CRTC ou est-ce qu’elles utilisent les chaînes communautaires mises à leur disposition par Shaw, notamment à Saskatoon, où j’habite, ou bien par Rogers à Toronto et à Ottawa, pour diffuser des programmes ethniques pour lesquels elles doivent payer? Est-ce comme ça que les choses fonctionnent?
M. Saras : Elles ont droit à une heure ou une demi-heure par semaine. Je ne crois pas qu’elles peuvent dépasser une heure de diffusion par semaine dans leur propre langue. Bien entendu, elles doivent payer la somme que leur réclame le câblodistributeur. C’est possible seulement dans les grandes régions, c’est-à-dire les régions métropolitaines de Toronto, de Montréal et de Vancouver, où il y a une grande concentration de nouveaux arrivants. Toutefois, dans les petites communautés, il est impossible pour quiconque de produire un programme et de payer ce qu’il en coûte pour le diffuser. Les sommes demandées sont énormes et fixées de façon arbitraire.
La démocratie nous donne la liberté d’expression. Je ne comprends pas pourquoi une personne qui provient de l’Asie du Sud-Est ou de l’Europe et qui ne parle aucune des deux langues officielles ne peut pas s’informer dans sa propre langue. Cela fait partie du système.
Le président : Merci beaucoup. Vos deux exposés m’intriguent.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie infiniment de vos exposés.
[Français]
Ma question s’adresse d’abord à M. Thomson. Merci du travail que vous faites pour rendre les larges bandes accessibles dans les régions très éloignées. Ma question concerne votre deuxième recommandation, c’est-à-dire celle de ne pas obliger les fournisseurs de service Internet à contribuer à la production de contenu canadien. Vous avez parmi vos membres l’Acadian Communication Limited, qui est située à Chéticamp, en Nouvelle-Écosse — une collectivité que je connais très bien —, où la présence de contenu canadien est fondamentale à la préservation de la culture, de l’identité et du développement économique et social de cette communauté.
Pouvez-vous détailler les motifs pour lesquels il ne faudrait pas obliger les fournisseurs de services Internet à financer le contenu canadien? Cela s’applique-t-il à tous les fournisseurs? Enfin, quelle est la coopération entre vos membres qui sont situés dans ces petites régions et, par exemple, les industries locales culturelles qui permettent la découverte du contenu canadien?
[Traduction]
M. Thomson : Je vous remercie de ces questions.
Nous reconnaissons que, avec l’évolution de l’industrie et de l’environnement, il faut constamment trouver des moyens d’appuyer la production de contenu canadien qui soit accessible et que les Canadiens puissent découvrir facilement.
Malheureusement, la réponse facile, pour certains, dans cet environnement en évolution, pour continuer d’appuyer la production de contenu canadien, c’est de chercher parmi les acteurs existants qui pourrait contribuer davantage. Leur argument, c’est qu’Internet est un outil de radiodiffusion, mais ils ne reconnaissent pas que c’est aussi un mécanisme de diffusion de toutes sortes de formes de contenu et d’utilisations autres que la vidéo.
Ils disent que c’est un canard et qu’il faut le traiter comme un canard, mais Internet n’est pas un canard, c’est un vaisseau spatial. Il n’y a véritablement aucun lien entre les sociétés de câblodistribution et leur façon de diffuser du contenu canadien et tout ce que les fournisseurs de services Internet font pour diffuser toutes sortes de contenus.
Le problème, c’est que si l’on impose un régime de contribution aux fournisseurs de services Internet, leurs coûts augmenteront, particulièrement dans les petits marchés, ce qui ne serait vraiment pas approprié puisque cela limiterait leur aptitude à diffuser d’autres formes de contenus accessibles par Internet.
Vous me demandez quelle est la distinction entre les petits et les grands joueurs membres de notre organisation. En principe, nous sommes contre l’imposition d’un régime de contribution aux FSI. En réalité, nous serions prêts à admettre qu’une exemption des plus petits joueurs indépendants viendrait répondre à nos inquiétudes concernant l’incidence de ce régime sur la large bande en région rurale.
Vous avez également posé une autre question sur les contributions faites dans les petites régions.
Le sénateur Cormier : Sur le lien entre les industries culturelles et vos membres.
M. Thomson : À bien des égards, comme nos membres sont très ancrés dans leurs localités, ils sont étroitement liés à leurs communautés culturelles. Bien souvent, ils diffuseront aussi une chaîne communautaire qui offrira diverses occasions à des bénévoles de la communauté d’en apprendre sur la production télévisuelle et de communiquer avec les autres membres de la communauté sur les enjeux d’importance, qu’ils soient politiques, sociaux ou culturels.
[Français]
Le sénateur Cormier : Les témoignages précédents que nous avons entendus semblent indiquer qu’il est devenu plus difficile de distinguer les véhicules de contenu des producteurs de contenu. En d’autres mots, les principaux câblodistributeurs offrent de plus en plus de contenu, et la distinction entre le véhicule et le contenu est moins évidente.
Quant à la question d’obliger les fournisseurs à financer le contenu canadien, il y a une logique qui, selon moi, provient de ce changement de système. N’est-ce pas?
[Traduction]
M. Thomson : Respectueusement, je ne suis pas d’accord pour dire que la distinction s’efface entre le contenu et sa diffusion. Je crois que c’est exactement le contraire, en fait, et que nous avons toujours un système dans lequel le contenu est produit dans un premier temps et diffusé dans un second, puis où les producteurs de contenu, les créateurs, cherchent tous les moyens possibles pour rendre ce contenu accessible, de sorte qu’ils cherchent toutes sortes de formes de médias et de modes de distribution.
Le lien étroit qui existait avant entre le contenu et la diffusion n’existe plus, en raison de la nature fermée de l’industrie de la câblodistribution, une industrie dans laquelle l’organisme de réglementation pouvait auparavant imposer des obligations aux distributeurs ou aux câblodistributeurs de par leurs liens étroits avec le système réglementé.
Or, Internet se situe en dehors du système réglementé, ce n’est qu’un mécanisme de diffusion, sans aucun égard au type de contenu diffusé. On revient à la question de la neutralité du Net, que le comité a déjà abordée, je le sais, et en raison de cette neutralité, le contenu et sa diffusion sont deux choses séparées, selon moi.
Le sénateur Wetston : Donc, monsieur Thomson, Internet doit-il être réglementé?
M. Thomson : C’est une très grande question. Internet est réglementé.
Le sénateur Wetston : Prenez tout le temps dont vous avez besoin.
M. Thomson : Internet est réglementé, il est assujetti aux lois d’application générale. Les fournisseurs Internet sont assujettis aux lois qui réglementent n’importe quelle autre entreprise canadienne.
Le sénateur Wetston : Je vous demande s’il devrait être réglementé comme un service public? Le CRTC devrait-il réglementer Internet?
M. Thomson : Le CRTC réglemente Internet en lui imposant des obligations de neutralité. Si votre question consiste à déterminer si le CRTC devrait réglementer Internet quant à la diffusion de contenu, notre réponse est clairement non.
Le sénateur Wetston : Permettez-moi de vous poser une question sur la domination du marché. J’ai remarqué que vous aviez totalement omis de mentionner le Bureau de la concurrence et la Loi sur la concurrence, ainsi que leurs responsabilités importantes à l’égard de tout comportement anticoncurrentiel et de la réglementation de la domination du marché associée à la concentration des entreprises. Vous avez esquivé le sujet, probablement à dessein, à moins que vous ne croyiez pas qu’ils aient un rôle à jouer?
M. Thomson : Il y a longtemps, le Bureau de la concurrence a cédé ses pouvoirs en matière de concurrence au CRTC pour les entreprises relevant du CRTC. Franchement, les outils et le mandat du bureau ne se prêtent pas aux questions qui nous préoccupent ici; le CRTC est vraiment en bien meilleure position pour cela.
Le sénateur Wetston : Pouvez-vous m’expliquer cela?
M. Thomson : C’est le CRTC qui réglemente les entités qui nous intéressent. Elles doivent s’adresser au conseil toutes les quelques années pour leur renouvellement de permis. Elles sont assujetties à la réglementation du conseil et à son mécanisme de résolution des différends en cas de conflit entre un câblodistributeur et un producteur de contenu. Le conseil a des années d’expérience en la matière, mais manque simplement de mordant.
Le sénateur Wetston : Je vais poser une question à M. Saras, après quoi je reviendrai à vous.
J’ai trouvé votre exposé très intéressant. Manifestement, le multiculturalisme est important au Canada, et nous avons beaucoup de groupes ethniques à prendre en considération. Je pense qu’à Toronto, seulement, il y a 200 langues et dialectes différents qui se parlent. Pouvez-vous m’aider à comprendre comment on peut encadrer la chose, concrètement, pour que l’ethnicité soit prise en compte dans la radiodiffusion, entre autres?
M. Saras : Depuis 10 ans, mon organisation travaille avec diverses communautés, et nous acceptons les journalistes qui viennent s’établir au Canada. Il y a environ 287 publications en diverses langues imprimées à Toronto. Il y a environ 200 publications en diverses langues imprimées à Vancouver; à Montréal, il y en a 178 ou 179; en Alberta, environ 80; au Manitoba, entre 60 et 70.
Si je ne peux pas vous en donner le nombre exact, c’est pour une raison très simple. Certaines publications meurent du jour au lendemain, comme d’autres naissent du jour au lendemain. Le fait est qu’elles ne peuvent pas se concentrer dans un marché aussi petit, et si elles ne sont pas viables économiquement sur le marché, elles ne peuvent pas durer.
Mesdames et messieurs les sénateurs, il y a 30 ou 40 ans, il y avait toutes sortes de publicités du gouvernement canadien destinées à faire connaître les divers programmes gouvernementaux. Certaines de ces publicités étaient diffusées dans les médias ethniques. Depuis cinq ans, il n’y en a plus du tout. L’an dernier, cette année et l’année précédente, nous n’avons pas reçu un sou pour cela.
Au printemps, le gouvernement actuel a promis l’injection de 50 millions de dollars dans le budget pour aider ce qu’il appelle les journaux communautaires, qui incluent la presse ethnique. Malheureusement, nous n’avons toujours pas vu la couleur de cet argent. Quand je pose des questions aux fonctionnaires sur ces 10 millions de dollars par année pendant cinq ans, pour 50 millions de dollars en tout, ils me répondent qu’ils n’ont aucune idée de ce programme. J’ai posé des questions au cabinet du ministre des Finances, et je n’ai encore reçu aucune réponse.
Ce programme semble être mort dans l’œuf. Il figurait au budget, qui a été approuvé, mais je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite. Le programme s’est arrêté.
Avec l’aide de Patrimoine canadien, mon organisation organise des séminaires pour venir en aide à ces personnes. Nous y invitons des professionnels de diverses écoles de journalisme, qui viennent y enseigner le journalisme et le droit canadien, mais ces séminaires ne sont offerts que dans certaines régions, comme à Toronto, où il y a une grande concentration de personnes. Nous ne pouvons pas faire venir 200 personnes de Montréal; cela coûte cher, et personne ne paie. C’est la même chose pour Vancouver.
Il y a beaucoup, beaucoup de problèmes, et en même temps, je souhaite porter à votre attention une question très grave. Ce sont les gouvernements étrangers qui financent les publications canadiennes. Il y a 20 ans, tout le monde se serait inquiété du fait que des gouvernements étrangers donnent de l’argent à des publications canadiennes pour transmettre des messages aux Canadiens. Aujourd’hui, divers gouvernements, comme celui de l’Italie, financent abondamment les publications italiennes au Canada, et c’est la même chose du gouvernement chinois. Il y a des journaux qui sont produits en Chine, puis reproduits au Canada, et tout un afflux d’argent connexe.
Il y a d’autres exemples. Je ne veux pas les nommer un à un, mais ce sont des problèmes très graves. Notre société est divisée. Nous avons tellement de problèmes, mais nous n’arrivons toujours pas à comprendre quelles sont nos racines, exactement, ni à quoi nous sommes confrontés exactement.
Pour ce qui est des médias grand public, comme M. Thomson le disait, on parle de bénévoles. C’est une autre chose inacceptable. De jeunes Canadiens, des enfants membres d’une communauté ethnique mais nés au Canada, finissent l’école, puis se retrouvent chez Rogers — excusez-moi de ne nommer que cette entreprise, mais c’est celle qui me donne du fil à retordre —, puis ils y restent trois, quatre, cinq ans. L’entreprise leur promet un emploi s’ils font du bénévolat. Ils en font pendant trois, quatre, cinq ans, mais n’obtiennent toujours pas d’emploi. C’est de l’esclavage. Ils travaillent pendant quatre ou cinq ans, ce sont des jeunes, dans une grande entreprise, sans rémunération, et au bout du compte, l’entreprise dira qu’elle leur a permis d’acquérir de l’expérience canadienne.
Le président : Merci, monsieur Saras.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Bienvenue. J’ai une question de précision pour vous, monsieur Thomson. Vous avez parlé du Code sur la vente en gros, le « Wholesale Code ». J’aimerais savoir en quoi ce code donne des avantages aux petits et aux moyens fournisseurs comme vous dans le marché. Je n’ai pas saisi dans votre présentation ce que cela vous donne. Souhaitez-vous garder ce code intégralement ou le transformer?
[Traduction]
M. Thomson : Pour vous mettre en contexte, la relation que nos membres entretiennent avec les grandes entreprises verticalement intégrées, c’est qu’ils achètent du contenu, puis le vendent à leurs consommateurs. Ils achètent du contenu de Bell, Rogers et Québecor, selon les chaînes que ces entreprises offrent, des chaînes de sports ou de nouvelles, peu importe. C’est une relation de vente en gros. Ensuite, nos membres vendent ces services à leurs consommateurs.
Les prix que nos membres paient pour avoir accès à ces chaînes sont négociés.
La sénatrice Miville-Dechêne : Au préalable, de sorte que vous n’avez pas à les négocier.
M. Thomson : Nous les négocions. Nous devons négocier avec Bell les prix et les modalités de contrat pour offrir la chaîne TSN, par exemple. Comme nous sommes petits et que Bell est une grande entreprise, le grand classique à la table de négociation, c’est qu’elle détient tout le pouvoir et qu’elle peut insister pour obtenir des conditions à son avantage, et pas nécessairement au nôtre ni à celui de nos clients. Elle pourra insister pour regrouper ses services (si vous prenez TSN, vous devez prendre CTV News; si vous prenez X, vous devez prendre Y). Nous sommes ensuite obligés d’offrir ces chaînes en forfaits combinés parce que c’est la combinaison la plus populaire. Et nous sommes obligés de facturer tel tarif pour le service.
Le président : Comme elle le fait avec les consommateurs, n’est-ce pas?
M. Thomson : Nous sommes traités de la même manière, oui.
Le président : Elle a tout le pouvoir, exactement.
M. Thomson : Le Code sur la vente en gros établi par le CRTC a pour effet de fixer les paramètres de négociation. Il dicte qu’une entreprise ne peut pas insister pour imposer des ventes liées; elle ne peut pas insister pour inclure votre service à une combinaison fixe; elle ne peut pas insister pour qu’un service ne puisse pas être inclus à des petits forfaits ni vendu individuellement, comme elle le ferait si elle le pouvait.
La sénatrice Miville-Dechêne : Mais le prix doit toujours être négocié?
M. Thomson : Le prix doit toujours être négocié, mais le Code sur la vente en gros prévoit aussi que les tarifs soient raisonnables et défendables sur le marché. Donc en cas de différend, si le CRTC doit trancher, il déterminera ce que le marché peut tolérer, quels prix existent sur le marché, puis décidera si le tarif en question est juste ou non.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je suppose que c’est le même genre d’entente que ce qui existe avec ce qu’on appelle en français les ERMV, selon le système américain que vous...
M. Thomson : Les MVNOs, en anglais.
La sénatrice Miville-Dechêne : Oui. Je me demande ce qui pourrait empêcher l’entreprise de vous louer son matériel à un prix si haut que vous ne pourriez pas l’utiliser. Est-ce ce qui se passe aux États-Unis, où ces entreprises peuvent fixer les prix qu’elles veulent? Je suis un peu surprise.
M. Thomson : Aux États-Unis, il semble y avoir une plus grande ouverture à l’égard de ce modèle, les grands fournisseurs reconnaissent les avantages de la vente en gros pour rendre leurs services accessibles aux petits fournisseurs. C’est une occasion d’affaire pour eux. Ici, il semble que les grands fournisseurs y voient plutôt une menace de nature concurrentielle. Donc, même s’ils peuvent négocier avec nous, soit ils ne le feront pas du tout, soit ils insisteront pour nous imposer des prix insoutenables pour nos membres.
Selon le modèle que nous proposons, c’est le CRTC qui réglementerait la relation entre les petits fournisseurs et les grands, pour veiller à l’établissement de tarifs et de conditions justes, de la même façon que le Code sur la vente en gros s’applique au contenu.
Le sénateur Dawson : Pour commencer, je tiens à m’excuser de mon absence la semaine dernière.
[Français]
Je tiens à féliciter Mme Julie Miville-Dechêne pour son élection à l’exécutif.
[Traduction]
Je pense que les exposés de ce matin illustrent bien que nous devrons très bientôt rétrécir la portée de notre étude. Bien que je sois fasciné par la question des langues multiples et que je m’intéresse vivement aux ERMV de ce monde, un moment donné, nous devrons nous concentrer vraiment sur ces sujets.
Ma question porte sur l’éléphant dans la pièce : l’argent. On parle ici d’entreprises rentables. Nous leur octroyons des permis, puis elles veulent décider de la façon dont elles les partageront. Elles ne veulent pas les partager avec le sénateur Cormier, parce qu’elles ne veulent pas investir dans la culture de sa communauté. De votre côté, vous ne voulez pas que nous refilions une partie de la facture à vos FSI, pour que les Netflix et Amazon de ce monde paient leur part de la production culturelle au Canada. Grosso modo, c’est l’éléphant dans la pièce : le partage de l’argent entre les grands, les petits, les organismes à but non lucratif et les organismes régionaux.
Si ce n’est pas vous qui payez pour ces coûts, ni les FSI, qui le fera?
M. Thomson : J’aimerais apporter une précision, si vous le voulez bien. Selon nous, les fournisseurs de services Internet ne devraient pas être obligés de contribuer à la production de contenu canadien, mais les Netflix et Amazon de ce monde, qui font de l’argent au Canada et y offrent du contenu, si. Nous voulons des règles équitables à cet égard, donc ils devraient y contribuer, comme les autres producteurs y contribuent.
Tout est une question d’équilibre, il faut déterminer quelle est la meilleure façon d’utiliser l’argent. Nous soutenons que, étant donné le besoin d’offrir des services à large bande au Canada, dans les régions où il n’y en a pas encore ou où les services ne sont pas bons, il serait plus juste que nos membres doivent réinvestir une somme fixe d’argent dans leur collectivité pour élargir l’accès aux services à large bande, plutôt que d’investir dans le contenu canadien. C’est l’un ou l’autre, parce que les fonds sont limités et que nous devons décider de la meilleure façon d’aider les Canadiens.
Le sénateur Dawson : Vous recevez des permis pour faire de l’argent, et nous vous disons qu’une partie de cet argent doit être réinvesti. Vous affirmez le réinvestir dans la large bande pour faire encore plus d’argent. Je pense que le sénateur Cormier vous dit que vous devriez aussi, en même temps, investir dans la production de contenu culturel. Je pense que la plupart des sociétés de production canadiennes diront qu’elles veulent pouvoir faire concurrence aux Netflix de ce monde, mais nous avons besoin d’argent pour cela. Vous affirmez ne pas vouloir céder votre part du butin, et c’est l’éléphant dans la pièce. Quelqu’un doit prendre une décision, et tout le défi est là, pour nous. Comment voulons-nous partager les coûts et l’argent?
Pour reprendre vos mots, vous dites « fournir des services de diffusion ». Eh bien, ces services sont offerts dans un objectif de vente, pour faire de l’argent, et je vous dis que ce permis vous a certes été octroyé en échange de votre participation à la collectivité, et que c’est bien beau d’élargir le service, mais que l’objectif même de l’élargissement des services est de faire plus d’argent. Je vous dis qu’une partie de cet argent devrait servir à financer les sociétés de production du Canada.
Je vous dis seulement que nous devons toujours trouver cet argent. Si vous ne voulez pas assumer votre part, comment pourrons-nous taxer les autres acteurs pour qu’ils paient?
M. Thomson : Je reconnais la difficulté. Je reconnais qu’il faudra sortir des sentiers battus et trouver d’autres sources de financement, peut-être, mais encore une fois, c’est une question d’équilibre. Il faut tenir compte du fait qu’il y a une quantité limitée d’argent dans le système. Quelle est la meilleure façon de l’utiliser pour servir les Canadiens?
La sénatrice Gagné : Je vous remercie de vos exposés.
Au Canada, il y a différents modèles pour offrir des services Internet aux collectivités rurales et éloignées. Par exemple, il y a des municipalités qui exploitent elles-même les services publics qui offrent Internet à leur population, comme Stratford, en Ontario, Olds, en Alberta, ainsi que Thunder Bay, en Ontario.
Il y a aussi le Réseau régional de l’Est de l’Ontario, qui rassemble des municipalités qui ont créé des réseaux de télécommunications régionaux, puis il y a aussi la ville de Morden, au Manitoba. Morden est située à 100 kilomètres au sud-ouest de Winnipeg et compte 8 000 habitants. Au printemps dernier, elle a commencé le déploiement d’un projet baptisé Morenet. Il s’agit d’un service Internet 5G offert par la ville et payé à même l’impôt foncier, que l’utilisateur peut se procurer gratuitement. L’utilisateur doit en fait payer 400 $ pour l’installation et l’achat d’un routeur, mais c’est tout : 5G dans une petite municipalité.
C’était assez intéressant quand ils en ont discuté avec l’un des représentants de la ville. Ils ont mentionné, pour commencer, que c’était très bon pour les affaires, puis qu’ils avaient un très fort programme d’immigration et que c’était une façon d’assurer non seulement une bonne intégration des nouveaux immigrants dans la communauté, mais aussi qu’ils restent en contact avec leur pays d’origine. Cela fait partie de la stratégie de la ville.
J’aimerais savoir ce que vous pensez de ces différentes solutions. Quel est votre point de vue à ce sujet?
M. Thomson : Merci. Nous accueillons favorablement tous ces types d’approches, car nous avons besoin de coopération et de partenariats qui réunissent le plus grand nombre d’intervenants qui peuvent aider à trouver la meilleure façon d’offrir ce service aux Canadiens qui ne l’ont pas actuellement. Qu’il s’agisse de collaborer avec des municipalités, avec d’autres organismes provinciaux, avec le secteur privé, avec le secteur public ou entre les différentes compétences à l’échelon fédéral, provincial ou municipal, ce sont toutes des possibilités qui doivent être explorées pour veiller à ce que nous ayons les ressources financières et humaines nécessaires pour atteindre cet objectif.
J’aimerais ajouter que les deux endroits auxquels vous avez fait référence, à savoir Thunder Bay et Olds, en Alberta, sont des régions dans lesquelles nos membres sont présents. En effet, Tbaytel est l’un de nos membres, tout comme Olds Fibre, et ils s’efforcent de saisir les occasions qui se présentent dans leur collectivité.
M. Saras : Eh bien, j’aimerais répondre à cette question en revenant sur l’une des réponses qui ont été données au sénateur Dawson.
On peut trouver des fonds en taxant les énormes entreprises comme Amazon et Google. Le gouvernement du Canada dépense 350 millions de dollars en programmes de publicité sur Google et Amazon, et ce sont deux entreprises américaines. Elles ne paient pas d’impôt. Nous avons des entreprises ici. Nous avons des services ici, mais nous ne recevons pas d’argent du gouvernement du Canada. Pourquoi ne pouvons-nous pas taxer Amazon et Google et d’autres grandes entreprises et utiliser cet argent pour améliorer les services que nous offrons ici?
En ce qui concerne votre question, sénatrice, je tiens à vous dire que les gens qui habitent dans ces régions sont oubliés s’ils ne parlent pas anglais ou s’ils vivent dans une région qui est hors de portée. Ils ne connaissent rien. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici et que nous affirmons qu’il est temps que le CRTC change cette culture. Il ne s’agit pas seulement des gens d’affaires dans les communautés francophones et anglophones. Les communautés ethniques devraient également commencer à se renforcer, afin de mieux servir leurs membres.
Je suis un vieil homme. Je fais ce métier depuis 55 ans. J’ai observé tellement de changements au Canada, mais nous avons échoué jusqu’ici. En effet, nous amenons des gens ici et nous leur promettons le paradis. Ils arrivent et parfois, c’est l’enfer, car ils ne comprennent pas et personne ne veut les aider. S’il vous plaît, mesdames et messieurs, c’est le temps. Je crois que le bon moment, c’est maintenant. Vous pouvez changer la donne.
La sénatrice Galvez : Je vous remercie de la conversation intéressante que nous avons maintenant. Chaque fois que nous écoutons un nouveau témoin, la situation devient plus complexe.
J’ai une question pour M. Thomson et une pour M. Saras.
Je suis d’accord avec votre troisième recommandation selon laquelle la loi devrait favoriser la prestation concurrentielle de services à large bande. Vous suggérez de modifier la Loi sur les télécommunications afin d’autoriser le CRTC à agir à titre d’organisme de réglementation unique pour tous les frais de fixation aux structures de soutien. Toutefois, vous avez expliqué que le CRTC établit actuellement les frais de fixation aux structures de soutien appartenant aux entreprises de télécommunications sous réglementation fédérale, tandis que les organismes de réglementation des services publics provinciaux établissent les frais pour les structures appartenant aux entreprises d’hydroélectricité.
Je ne savais pas cela. Pouvez-vous approfondir ce point? Nous parlons seulement d’équipement, d’éléments tangibles et de structures. Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne présentement et pourquoi c’est comme cela?
M. Thomson : Avant 2003, le CRTC agissait comme s’il avait compétence sur les poteaux de téléphone et les poteaux d’électricité appartenant aux provinces. Personne ne contestait cela et pendant des décennies, la commission a réglementé les taux et les conditions de l’accès des compagnies de téléphone ou d’autres entreprises de télécommunications à ces poteaux.
En 2003, une affaire juridique s’est rendue jusqu’à la Cour suprême. La Cour suprême a tranché que rien dans la Loi sur les télécommunications ne donnait à la commission compétence sur les poteaux de services publics provinciaux. La commission avait toujours compétence sur les poteaux de télécommunications, car c’est un organisme de réglementation des télécommunications, mais rien dans la loi ne lui donne compétence sur les poteaux d’électricité provinciaux. À ce moment-là, cette compétence a été transférée aux provinces, et les provinces ont assumé ce rôle et s’occupent de leurs poteaux chacune à leur façon.
Actuellement, c’est la Commission de l’énergie de l’Ontario qui réglemente les poteaux d’électricité en Ontario. Récemment, l’organisme a approuvé une augmentation des frais, qui sont passés de 20 $ à 40 $, ce qui signifie une augmentation de 100 p. 100 du tarif applicable aux poteaux, ce qui pose un problème. En effet, cela représente une augmentation du coût et un coût d’exploitation permanent pour les compagnies de téléphone et les entreprises de télécommunications, par exemple nos petites entreprises membres, pour la prestation de services à leurs clients. C’est pourquoi nous disons que la Commission de l’énergie de l’Ontario est le meilleur exemple, car c’est le plus récent. Elle se concentre sur les prix de l’énergie. Elle n’a pas d’expertise en matière de tarifs de fixation aux poteaux électriques. Elle n’a pas de mandat lié à l’objectif stratégique plus vaste consistant à élargir les services à large bande à l’échelle du pays, et elle ne porte donc aucune attention à cet enjeu, mais elle fixe ces tarifs. Le CRTC a 40 ans d’expérience dans ce domaine, et il a le mandat de s’occuper des enjeux liés aux télécommunications et au service à large bande. C’est pourquoi nous soutenons que la loi devrait accorder compétence au CRTC sur tous les poteaux.
La sénatrice Galvez : Monsieur le président, puis-je vous demander de demander aux analystes de préparer un document qui explique la situation? Je crois que c’est important. Il est question d’argent et de taux, ainsi que des poteaux et de la façon dont tout cela fonctionne.
M. Thomson : Nous serions heureux de collaborer avec vous et de vous fournir ces renseignements.
Le président : Ce serait excellent.
La sénatrice Galvez : Je viens du Pérou et je parle espagnol. J’ai vécu en Italie et je parle italien. J’aime rester au courant de ce qui se passe en Amérique latine, et j’aime beaucoup le soccer. Si je veux savoir quelque chose, peu importe où je me trouve dans le monde — même lorsque j’ai visité le Nord —, je vais lire sur Internet. En ce moment, je m’inquiète de ce qui se passe au Brésil en raison des prochaines élections. Je lis le portugais et j’ai accès, grâce à Internet, à des journaux, à la télévision et à tout le reste. Quel est le problème de ces gens? Pourquoi ne peuvent-ils pas obtenir cet accès? Est-ce parce que l’Internet ne se rend pas chez eux? Quel est le vrai problème et quelle est la façon la plus efficace de le résoudre?
M. Saras : Sénatrice, les gens qui arrivent à Toronto ont parfois deux, trois ou quatre enfants. Ils travaillent à 14 $ de l’heure, le salaire minimum, pendant de nombreuses années. Ils doivent s’éduquer. Croyez-vous qu’il est facile pour eux de dépenser 200 $ par mois pour Internet ou pour acheter un ordinateur ou pour autre chose?
Il faut être réaliste. Je suis immigrant. Vous êtes immigrante. Je suis passé par cet enfer, et vous êtes passée par cet enfer. Je ne peux pas accepter cette question d’une personne qui a enduré les mêmes choses que moi. Des gens arrivent ici et certains d’entre eux ne savent pas comment s’occuper de leurs propres enfants. C’est une culture complètement nouvelle. Ne me dites pas que la culture brésilienne est identique à la culture canadienne. Ce sont deux cultures complètement différentes. C’est une nouvelle planète. Ils arrivent au Canada et il y a de nombreuses choses qu’ils ne comprennent pas, car c’était différent dans leur pays. Je viens de la Grèce...
La sénatrice Galvez : Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles. Je veux seulement résoudre le problème, mais, pour le résoudre, nous devons le comprendre. Vous dites que c’est parce que les immigrants qui arrivent au pays n’ont pas assez d’argent pour se payer une connexion à Internet.
M. Saras : Oui. C’est exact.
La sénatrice Galvez : D’accord.
M. Saras : Permettez-moi de vous dire quelque chose. Pour mon logement, je paie environ 300 $ par mois pour le téléphone, l’Internet et la télévision. Ces 40 dernières années, le CRTC a accordé des permis à des gens d’affaires, et ces gens diffusent des chaînes qui viennent directement d’autres pays, comme le Brésil, la Grèce et l’Italie. Ce sont des chaînes spécialisées. Pour avoir accès à ces chaînes, il faut payer 35 $ par mois.
La sénatrice Galvez : Je crois que le problème, c’est le manque d’accès à un programme dans une langue différente. Je crois aussi que vous souhaitez que les gens qui sont ici élaborent leur propre contenu, n’est-ce pas?
M. Saras : C’est exact.
La sénatrice Galvez : Il y a le problème du coût élevé d’Internet que tout le monde ne peut pas se permettre. L’autre problème, c’est l’absence de financement au pays pour permettre aux immigrants d’élaborer leur propre contenu.
M. Saras : C’est exact.
La sénatrice Galvez : D’accord. Je ne crois pas que nous examinions tous ces éléments ici, mais il est important que nous comprenions le problème. Merci.
M. Saras : Merci.
Le président : Je crois que c’est très important.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci à nos deux témoins. Ma première question s’adresse à M. Thomson. Le 2 octobre, M. Hutchison, de l’Université de Toronto, comparaissait devant le comité et il a fait une déclaration au sujet de l’accès sans fil. J’aimerais vous la lire, afin que vous puissiez la commenter :
Le fait est que si vous lisez les études indépendantes qui parlent de nous [...] nous nous situons selon diverses mesures, au 20e rang dans le monde.
— il parle de l’accès sans fil.
Nous étions auparavant au 30e rang environ. Nous ne sommes pas dans le premier tiers, selon les mesures nationales qu’effectue l’OCDE, Harvard ou d’autres organisations.
Cette classification date de quelques années. Où le Canada se situe-t-il aujourd’hui par rapport à l’ensemble des pays de l’OCDE au chapitre de l’accès au réseau sans fil?
[Traduction]
M. Thomson : J’ai bien peur de ne pas avoir ces renseignements.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Saras, si j’ai bien compris, des médias étrangers se servent des médias canadiens pour émettre des opinions ou leur position sur des sujets variés. Ai-je bien compris votre déclaration à ce sujet?
[Traduction]
M. Saras : Oui. C’est par l’entremise des médias étrangers que l’actualité canadienne est communiquée aux communautés ethniques. Par exemple, il y a deux ans, le gouvernement a accepté 35 000 réfugiés de la Syrie. Hier, j’étais avec un Syrien qui dirige un organisme. Il m’a dit que le plus gros problème auquel fait face la communauté, c’est qu’un grand nombre de jeunes enfants qui sont venus au Canada seront analphabètes, car le gouvernement a cessé de les aider financièrement, et cetera. Ces gens ne savent pas quoi faire.
Ces dernières années, et en particulier l’an dernier et cette année, j’ai découvert que le nombre de personnes qui quêtent de l’argent dans les rues de Toronto est cinq à six fois plus élevé qu’auparavant.
Nous avons fait venir des gens ici. Pendant un an, le gouvernement les a appuyés et ensuite, il les a laissés se débrouiller. Ils ne connaissent pas la langue. Ils ne savent rien. Ils ne comprennent même pas ce qui se passe autour d’eux. La communauté syrienne n’a pas une seule publication ou un seul programme de radio, car elle ne peut pas se le permettre. Ces gens ne sont pas établis.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Le fait que le gouvernement n’a pas respecté sa promesse d’investir 50 millions de dollars dans les médias ethniques en est-il une des causes?
[Traduction]
M. Saras : Oui, et je crois que ce n’est pas la seule cause. Les médias ethniques doivent recevoir du soutien pour poursuivre leurs activités de façon durable. L’ensemble de l’industrie est en crise — non seulement la presse étrangère, mais également le Toronto Sun, le Toronto Star, le Globe and Mail et toutes les grandes publications du pays. C’est la même chose au Québec.
J’aimerais vous rappeler que le mois dernier, les journaux communautaires du Québec — tous les journaux communautaires — ont publié un éditorial dans lequel ils accusent le gouvernement du Canada de dépenser moins de 2 p. 100 de son budget de publicité pour appuyer les journaux communautaires du Québec. C’est encore pire dans les autres provinces. Si le gouvernement ne peut pas appuyer l’industrie, que ferons-nous?
Vous souvenez-vous de la grande crise qui a touché les banques il y a 10 ou 15 ans? Le gouvernement du Canada est intervenu en versant 25 milliards de dollars pour appuyer les banques. Il a fait la même chose pour l’entreprise GM. Il lui a donné 25 milliards de dollars. Il y a 1 000 journaux et 200 stations de télévision et de radio qui emploient plus de 15 000 personnes dans ce secteur ou dans cette industrie. Si nous ne les appuyons pas, ils disparaîtront tous et 10 000 autres personnes se chercheront un emploi.
Le sénateur Wetston : Monsieur Thomson, j’aimerais revenir à la question posée par la sénatrice Galvez. Sous la compétence du CRTC ou sous la compétence réglementaire des provinces, les poteaux représentent manifestement une infrastructure de distribution d’électricité pour des raisons évidentes. Je comprends votre déclaration.
À votre connaissance, une décision constitutionnelle a-t-elle été rendue depuis celle à laquelle vous avez fait référence en ce qui concerne la compétence constitutionnelle sur les poteaux?
M. Thomson : Non, aucune décision n’a été rendue, mais nous avons mené quelques recherches dans ce domaine et nous croyons que cette question de compétence peut être résolue en accordant cette compétence à la commission.
Le sénateur Wetston : Je comprends cela. J’ai une certaine expérience dans ce domaine. Les opinions diffèrent sur le sujet, mais ce n’est pas le point que je fais valoir ici.
Je tentais de comprendre une chose liée à votre suggestion. Je pensais que la Commission de l’énergie de l’Ontario avait effectué un examen complet du cadre stratégique des frais de fixation aux poteaux. N’est-ce pas exact?
M. Thomson : Elle a mené une longue enquête, oui.
Le sénateur Wetston : Elle a conclu qu’elle avait compétence en vertu d’un article de la Loi sur la Commission de l’énergie de l’Ontario, car elle fait partie du cadre de gestion de l’électricité et du prolongement de ces services. Je crois que c’était l’une des conclusions. Toutefois, je croyais qu’elle se fondait sur les taux du marché et qu’elle n’établissait pas ces frais de fixation. N’était-ce pas le cas?
M. Thomson : La commission a mené des recherches et a examiné différents intrants et au bout du compte, elle a établi les frais, c’est exact.
Le sénateur Wetston : Non, je dis que la commission n’a pas établi ces frais. Elle se fonde plutôt sur les taux du marché. J’aimerais que vous confirmiez si la Commission de l’énergie de l’Ontario fixe ces frais ou si elle les détermine en se fondant sur les forces du marché. C’est ma question. Je n’ai pas la réponse à cette question, mais je connais un peu le sujet.
Le président : Est-ce en Ontario?
Le sénateur Wetston : Oui, c’est la Commission de l’énergie de l’Ontario. La Saskatchewan a sûrement aussi une telle commission.
Le président : Je ne sais pas si c’est le cas.
Le sénateur Wetston : Je suis certain que vous avez quelque chose de ce genre.
Le président : Nous avons une société d’État.
M. Thomson : Les taux sont réglementés. J’aimerais donc savoir s’il y a des taux du marché dans ce cas-ci.
Le sénateur Wetston : Nous aurons la réponse lorsque vous ferez parvenir ces documents au comité, et je mènerai mes propres recherches, puisque je connais un peu le sujet. Nous pourrons ensuite comparer nos conclusions.
M. Thomson : Merci beaucoup.
Le président : Monsieur Saras, vous avez mentionné Rogers et Omni. L’entreprise Rogers s’était-elle engagée à fournir un service communautaire par câble à la communauté ethnique lorsqu’elle a fait une demande de permis?
M. Saras : Rogers a reçu deux permis du CRTC pour Omni 1 et Omni 2, qui sont censées être des chaînes multiculturelles qui servent seulement les diverses communautés. Après trois ans de service et au moment de recevoir son permis, l’entreprise a décidé que les chaînes seraient beaucoup plus rentables si elle les transformait en chaînes de sports en anglais. L’entreprise a donc congédié 280 personnes. Certaines d’entre elles avaient été bénévoles pendant cinq ou six ans et elles avaient travaillé pendant une courte période avant que l’entreprise Rogers leur dise qu’elle ne pouvait pas les soutenir et les congédie.
Ensuite, l’entreprise a présenté un nouveau plan au CRTC pour l’aviser qu’elle diffuserait des sports aux heures de grande écoute, car c’est beaucoup plus rentable.
L’entreprise a conservé une ou deux émissions ethniques pour les grandes communautés, c’est-à-dire les communautés chinoises et italiennes, afin de faire plus d’argent et de garder le permis. Elle a ensuite fait une autre demande au CRTC pour obtenir cinq autres chaînes multiculturelles. L’an dernier, je crois que le CRTC lui a accordé un permis pour une année. Le mois prochain, il y aura des audiences pour renouveler cette période. Manifestement, je suis la personne qui s’opposera encore à Rogers le mois prochain. Je serai à Ottawa pour ces audiences, car on ne peut pas faire cela.
C’est très simple. La société évolue. Nous devrions comprendre cela. Nous ne pouvons pas affirmer que nous sommes une société multiculturelle et parler de multiculturalisme sans offrir quoi que ce soit aux différentes cultures. Nous devons aider ces gens à s’intégrer dans notre culture. Si nous les isolons, ils ne pourront jamais s’intégrer.
Je viens d’une culture et d’une société dans laquelle, dès mes premières années, j’ai connu l’enfer d’une guerre civile. À de nombreuses reprises....
Le président : D’où venez-vous?
M. Saras : Je viens de la Grèce. Bien souvent, je suis resté éveillé la nuit en pensant à l’avenir de cette société. J’espère que ni vous ni vos enfants ne connaîtrez cette situation. S’il vous plaît, nous devons prendre des mesures pour veiller à ce que cela ne se produise jamais dans ce pays. Merci.
Le président : Merci, monsieur Saras. C’était une bonne réunion. Y a-t-il d’autres questions, sénateurs?
Sinon, messieurs, je vous remercie beaucoup de la discussion intéressante que nous avons eue au cours de la dernière heure et demie.
Le sénateur Dawson : J’étais absent la semaine dernière, mais j’ai remarqué qu’on nous a renvoyé le projet de loi C-64 sur les épaves.
Le président : Il nous a été renvoyé, en effet. Je pense que nous nous en occuperons le plus rapidement possible. Il a préséance, et nous devrons donc déterminer ce que nous ferons avec le reste des gens que nous avons invités aux prochaines réunions.
J’aimerais remercier chaleureusement les témoins et les sénateurs.
(La séance est levée.)