Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule nº 44 - Témoignages du 21 novembre 2018
OTTAWA, le mercredi 21 novembre 2018
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd’hui, à 18 h 46, pour étudier la teneur des éléments des sections 22 et 23 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, puis à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Nous poursuivons ce soir notre étude de la teneur des éléments des sections 22 et 23 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.
Nous entendrons deux groupes de témoins et poursuivrons ensuite notre séance à huis clos pour discuter d’un rapport préliminaire sur notre étude du projet de loi de façon à pouvoir donner des instructions pour permettre de commencer la rédaction pendant que nous tiendrons nos futures réunions.
Pour notre premier groupe de témoins, nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui, par vidéoconférence, M. Michael Lowry, gestionnaire, Communications, à la Western Canada Marine Response Corporation. Soyez le bienvenu, monsieur Lowry.
Nous avons également avec nous, de Québec-Océan, M. Mathieu Cusson, professeur, Université du Québec à Chicoutimi. Merci de participer à notre réunion.
Michael Lowry, gestionnaire, Communications, Western Canada Marine Response Corporation : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de votre invitation et du temps que vous m’accordez aujourd’hui.
J’aimerais tout d’abord vous présenter brièvement le fonctionnement de notre organisme dans le régime canadien de préparation et d’intervention en cas de déversements. Je vais vous parler du modèle du pollueur-payeur et de certaines mesures que nous commençons à planifier sur la côte. Pour terminer, je vous ferai part de ce que nous pensons des modifications proposées.
La Western Canada Marine Response Corporation, ou WCMRC, est le seul organisme d’intervention en milieu marin agréé par Transports Canada sur la côte Ouest. Nous traitons en moyenne 20 déversements mineurs par année.
La WCMRC intervient efficacement lors de déversements depuis plus de 40 ans, soit depuis 1976; elle agissait alors sous le nom de Burrard Clean. Notre organisation a été la première qui a été accréditée au Canada en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, modifiée en 1995.
En vertu de la Loi sur la marine marchande, nous avons pour mandat de veiller à ce qu’un dispositif soit prêt pour intervenir lorsqu’un déversement de pétrole survient et atténuer les dommages sur la côte de la Colombie-Britannique. Cela comprend la protection de la faune, les questions économiques et environnementales délicates ainsi que la sécurité des intervenants et de la population. Le secteur dont nous nous occupons s’étend sur 27 000 kilomètres de côtes de la Colombie-Britannique et jusqu’à 200 milles marins au large, ce qui veut dire que nous travaillons souvent dans des régions extrêmement éloignées.
La WCMRC est agréée par Transports Canada à titre d’organisme d’intervention intégré au Régime canadien de préparation et d’intervention en cas de déversement de pétrole en milieu marin. Elle doit prouver qu’elle satisfait aux normes de ce régime pour conserver son agrément.
La WCMRC satisfait aux normes en matière d’intervention recommandées par Transports Canada avec un temps de réaction d’environ 60 minutes dans le Lower Mainland depuis les 10 dernières années.
Le Canada dispose d’un modèle de pollueur-payeur pour l’intervention en cas de déversement, et la WCMRC est une organisation financée par l’industrie qui compte plus de 2 300 membres. L’adhésion à l’organisation est obligatoire pour les navires d’un certain tonnage qui utilisent les ports canadiens ainsi que pour les installations de manutention du pétrole qui se servent de leurs quais pour recevoir ou expédier du pétrole. Les membres doivent acquitter un droit annuel de préparation pour recevoir les services de la WCMRC, y compris l’équipement et les fournitures à utiliser s’ils polluent.
Les droits que nous percevons financent nos frais annuels de fonctionnement. Ils ne servent pas à absorber les frais engagés par la WCMRC lorsqu’elle doit intervenir après un déversement, qui doivent être assumés par le pollueur, comme le prévoit la Loi sur la responsabilité en matière maritime. La WCMRC réinvestit les profits tirés d’un déversement dans son organisation ou elle les utilise pour compenser des frais de fonctionnement futurs et pour baisser les droits à acquitter.
Pour planifier les mesures à prendre et se préparer à réagir à des déversements sur la côte Ouest du Canada, la WCMRC a élaboré des cartes côtières qui regroupent les données existantes et permettent de repérer les secteurs sensibles aux points de vue écologique, culturel et économique. Des équipes se rendent ensuite sur le terrain afin de valider ces données et d’élaborer des stratégies de protection pour ces secteurs à risque.
Ces stratégies, que nous appelons stratégies d’intervention géographique, sont incluses dans l’application de cartographie qui catalogue les données logistiques, environnementales et opérationnelles pour chaque stratégie. Dès les premières heures suivant un déversement, les équipes d’intervention utilisent cet outil afin de géolocaliser les stratégies et de recueillir les données requises pour les mettre en œuvre. Cette façon de procéder permet de déployer les ressources de la façon la plus efficace, de maximiser la protection de la côte, de diminuer le temps de réaction et de réduire le plus possible les risques.
Le programme de cartographie côtière est financé au moyen d’un partenariat avec les collectivités côtières. Ces collectivités et les Premières Nations peuvent participer à la planification des mesures d’intervention en cas de déversement de différentes façons; elles peuvent notamment fournir des données et garder de l’équipement sur leur territoire. Nous avons jusqu’à maintenant élaboré plus de 400 stratégies d’intervention géographique pour la mer des Salish.
En ce qui concerne les changements proposés, nous appuyons le Plan de protection des océans du gouvernement fédéral et avons à cœur, comme le gouvernement, d’améliorer la sécurité maritime, de tenir la marine marchande responsable de ses actes et de protéger l’environnement marin du Canada. Nous reconnaissons qu’il est important d’agir en partenariat avec les collectivités autochtones.
Les changements proposés pour la Loi sur la marine marchande du Canada clarifient les pouvoirs et l’autorité dont la Garde côtière canadienne est investie pour protéger les côtes canadiennes contre des dommages environnementaux. Nous appuyons ces changements et croyons qu’il est essentiel que la Garde côtière joue un rôle de premier plan lorsqu’il y a un déversement.
Les changements proposés pour la Loi sur la responsabilité en matière maritime sont conformes à ceux recommandés à l’origine par le Comité d’experts sur la sécurité des navires-citernes en 2013. En abolissant la limite de responsabilité par accident et en donnant à la Garde côtière un meilleur accès à ces fonds, les changements proposés aideront à moderniser la gestion des fonds.
Le président : Merci.
Monsieur Cusson.
[Français]
Mathieu Cusson, professeur, Université du Québec à Chicoutimi, Québec-Océan : Sénatrices et sénateurs, je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant votre comité. J’ai préparé une présentation rapide pour vous donner le contexte du sujet que je veux aborder.
D’abord, je représente l’organisme Québec-Océan, un groupe composé d’environ 200 personnes qui travaillent en océanographie au Québec. Je représente aussi le réseau Notre Golfe, qui a été mis sur pied pour répondre à une demande quant à la possibilité d’utiliser le site potentiel d’Old Harry, situé dans le golfe du Saint-Laurent.
À la page 2 de ma présentation, j’indique que la demande croissante de pétrole augmentera le trafic et que cette augmentation mettra de plus en plus de pression sur les écosystèmes. Je parle ici de pression et de stress, notamment du bruit, de la lumière, des vagues, des collisions entre les bateaux et aussi avec les mammifères marins. De plus, mentionnons que plus il y aura de trafic, plus il y aura de risques liés à l’invasion d’espèces.
Une des réponses à la possibilité d’exploiter le site d’Old Harry a été la formation d’un regroupement d’une quarantaine de chercheurs qui travaillent dans divers domaines de la santé, de la science sociale et du droit. L’année passée, nous avons publié un ouvrage qui s’intituleLes hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent : Enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Je crois que vous en avez déjà une copie, quoique ce document est facile à trouver sur Internet.
Le fait de demander une expertise sur l’effet des hydrocarbures sur les écosystèmes est risqué, parce que nous n’avons pas beaucoup d’information. Jusqu’à maintenant, l’information est parcellaire et provient de laboratoires à des échelles très limitées dans les bassins.
Des accidents se produisent, malheureusement, mais ceux-ci nous aident à comprendre les mécanismes d’intervention et la propagation des problèmes à travers les réseaux de constituants à l’intérieur des écosystèmes. Tous les accidents sont différents. Permettez-moi d’en présenter quelques-uns. Les données recueillies ne concernent que quelques exemples seulement.
Entre autres, lorsqu’il y a un problème de déversement, souvent, nous utilisons massivement, des dispersants chimiques afin de faire disparaître l’huile ou la disperser en très fines particules, comme ça a été le cas pour le Deepwater Horizon. Ça paraît très bien pour les compagnies, car il n’est pas nécessaire de ramasser les hydrocarbures sur les côtes. C’est très facile à utiliser et c’est beaucoup moins dispendieux. Il y a cependant des conséquences en matière de toxicité.
C’est la même chose lorsqu’il faut procéder au nettoyage des côtes. Pour les médias, ce n’est pas visuellement attrayant, et dans cette image, nous voyons un nettoyage qui se fait à la suite du déversement de l’Exxon Valdez. Le fait d’utiliser des boyaux à haute pression a pour effet d’enlever ou de modifier les espèces qui sont collées aux substrats. Cela empêche également une réponse ou une récupération rapide de ces milieux.
À la page 7, nous voyons que, globalement, les effets des hydrocarbures sur l’écosystème et sur le phytoplancton sont très rapides. Lorsque je parle de communautés, je parle de communautés biologiques qui vont réagir très rapidement, souvent, par l’augmentation du nombre de quelques espèces qui vont dominer outrageusement et se nourrir des hydrocarbures. C’est la même chose pour le zooplancton, qui est constitué de petits organismes à la base de la chaîne alimentaire qui sont très importants et très affectés.
À la page 8, en ce qui concerne les macro-invertébrés et les poissons, les problèmes sont encore plus criants, avec des organismes qui vont filtrer l’eau et qui vont s’arrêter momentanément lorsqu’ils vont comprendre qu’il y a quelque chose dans l’eau. À un certain moment, ces organismes vont soit mourir, soit s’asphyxier, soit accumuler. Il y a un phénomène de bioaccumulation qui va se produire à l’intérieur de beaucoup de crustacés, notamment les crevettes.
Non seulement les populations de crustacés seront très touchées en termes de nombre, mais leur rétablissement sera beaucoup plus long à venir. De plus, en raison de la bioaccumulation dans les tissus, il y aura un goût de pétrole qui apparaîtra, chez certains crustacés et même chez les poissons, les rendant inaptes à la vente. Bref, il y a des éléments très importants à considérer au chapitre des pêcheries.
Quant aux oiseaux et aux mammifères, ce qui est le plus frappant, c’est que, curieusement, ce sont les premiers animaux affectés. Étant donné qu’ils se tiennent à la surface de l’eau, les huiles et les hydrocarbures se collent aux tissus, soit à leurs plumes ou à leurs poils, et cela empêche une bonne isolation. Ils vont souvent mourir d’hypothermie ou carrément d’ingestion par lissage. C’est souvent le cas des canards qui, en se nettoyant, ingèrent ces produits.
Dans le cas des accidents qui sont répertoriés, nous remarquons que les études de suivis écologiques sont rares. Par exemple, dans le cas des petits organismes marins, il va se faire assez rapidement ce que nous appelons une résilience des communautés. Pour les animaux de fond, cela peut prendre jusqu’à plusieurs années. Comme je l’ai mentionné plus tôt, pour les poissons, cela peut prendre quelques années. Les problèmes que nous avons rencontrés à la suite du déversement de l’Exxon Valdez, voire à la suite des catastrophes pendant la guerre du Golfe, peuvent encore persister à ce jour.
Je passe maintenant à la page 11. Concernant le fonctionnement des écosystèmes, il est important de comprendre que tout dépend des constituants des écosystèmes. On parle par exemple de la chaîne alimentaire, des petits producteurs jusqu’aux poissons, et, en fait, c’est l’équilibre entre ces constituants qui fait en sorte que les écosystèmes fonctionneront mieux. Lorsqu’on parle de fonctionnement, il s’agit par exemple de respiration et de recyclage des nutriments. Aussi, lorsqu’on parle des fonctions qui nous servent en tant qu’êtres humains, on voit cet aspect comme étant un service et qui est très facile à chiffrer. Dans le domaine des pêches, c’est très anthropocentrique de constater que l’environnement est utile uniquement parce qu’il nous rapporte quelque chose. Toutefois, on voit beaucoup de fonctions qui nous rapportent de façon très indirecte, comme la dépollution, entre autres.
Nous avons aussi vu, dans certaines études, que plus il y a d’espèces affectées dans les communautés, mieux elles récupèrent. Donc, il y a un outil pour conserver les écosystèmes intacts ainsi que leur diversité. Le fait qu’il y ait plusieurs espèces donne l’assurance que lorsqu’une espèce est affectée, d’autres pourront prendre le relais. C’est un gage contre les perturbations multiples, comme je l’ai mentionné. Rares sont les endroits où il y a un problème à la fois, car les problèmes vont plutôt arriver en même temps. Il est rare qu’il y ait une addition de ces problèmes. C’est plutôt un effet synergétique ou antagonique où il peut y avoir — comme les appellent les scientifiques — des surprises écologiques, auxquelles on ne s’attend pas et qui présentent quelque chose de nouveau. C’est très difficile de suivre des populations comme ça.
S’il y a un déversement dans le Saint-Laurent qui se produit pendant l’hiver, on sera mal pris à cause du couvert de glace. La photo de la page 13 montre qu’à la surface, il y a des tourbillons très complexes qui peuvent se former. Aussi, en profondeur, il y a des couches d’eau et des courants qui sont inverses à ceux de la surface. Dans le chenal laurentien qui est très profond, il y a des courants qui remontent tout le long du golfe, de l’estuaire jusqu’à la ville de Tadoussac, où il y a des baleines qui vont se nourrir.
On voit que la formation de glace de mer provoque de petits canaux où le pétrole peut être absorbé. Cela fait littéralement l’effet d’une éponge et, sous l’image, à la page 15, on présente les problèmes lorsque le pétrole peut entrer dans les crevasses, aller en dessous de la glace, s’incorporer dans la glace sous forme de lentille, pour ensuite disparaître et réapparaître seulement au printemps, bien loin, lorsque les blocs de glace sont poussés par les vents. Il est difficile de prévoir l’impact d’un éventuel déversement, et surtout l’hiver, ce serait probablement catastrophique.
Les communautés biologiques peuvent répondre rapidement et peuvent être affectées très longtemps, et cela aura un effet sur les services aux êtres humains. La biodiversité peut jouer un rôle.
En ce qui concerne les modifications proposées, il est très clair qu’une réponse très rapide pourrait être avantageuse, et je suis content de l’entendre. Cependant, il faut avoir en tête que les mécanismes permettant aux biologistes de comprendre les effets, jusqu’où ils peuvent s’étendre et jusqu’à quand peuvent prendre plusieurs années, et il est très difficile de les comparer, puisqu’il est difficile de voir des sites références. À ce moment-là, il serait nécessaire d’avoir accès à plus de recherches, notamment dans le système du Saint-Laurent, qui est très complexe.
Voilà, merci. Je suis disposé à répondre à vos questions.
Le sénateur Cormier : Ma question s’adresse à vous, monsieur Cusson. D’une part, je comprends que vous avez une expertise en recherche qui est assez manifeste dans la manière dont vous parlez des enjeux qui touchent toute cette relation entre les industries et la pêche. Ma question vise plutôt à savoir, dans votre champ de recherche, comment le transfert de vos connaissances se fait auprès des industries. Comment travaillez-vous? Travaillez-vous avec les industries, et comment vos connaissances sont-elles transférées aux industries? À votre avis, est-ce que le projet de loi, dans ce que vous avez pu constater, permet et favorise que la recherche que vous faites soit mise au service de l’industrie et de l’environnement?
M. Cusson : C’est une excellente question, et c’est très important. Un des rôles d’un chercheur, et ce n’est pas un choix, c’est de communiquer. Nous utilisons les fonds publics pour mener des recherches qui doivent se faire de manière diligente, et nous devons les communiquer. Maintenant, on le fait de diverses façons. Notre groupe, Québec-Océan, le fait à travers les étudiants et les différents congrès que nous tenons. On a des séances où parfois le public est invité à venir discuter avec nous. On a aussi des ponts avec des chercheurs de Pêches et Océans Canada. Il est très clair qu’au niveau académique, on a un avantage, parce qu’on a une liberté académique qui nous aide par rapport à cela.
Nous avons aussi des projets qui se font avec les communautés riveraines. Je travaille beaucoup sur les côtes, entre autres avec les ZIP, qui sont des zones d’intervention prioritaire qui ont des intervenants sur place. Dès que nous avons des données ou un savoir, nous sommes en mesure de les leur communiquer.
Maintenant, en ce qui concerne les dispositions du projet de loi qui pourraient nous aider, il n’est pas clair comment cela peut se manifester. Je vous dirais que, maintenant, nous sommes sollicités presque tous les jours pour offrir des conférences au grand public, pour transmettre nos connaissances.
Cela se fait à divers niveaux aussi. Dépendamment de notre champ de compétences, certains aspects seront plus faciles à communiquer, par exemple lorsqu’ils concernent davantage l’industrie du transport maritime. Je parle des risques liés aux tempêtes et aux courants. Pour ma part, c’est un peu plus discret, parce que je travaille beaucoup plus dans le domaine de la biodiversité. Cela se fait dans ma région avec les musées.
Le sénateur Cormier : Avez-vous des idées sur la façon dont les ministères devraient coordonner leurs efforts de protection de l’environnement et des espèces? Étant donné votre connaissance du travail public que fait le ministère avec les industries et avec le milieu de la recherche, est-ce qu’il y a des idées que vous avez et qui pourraient nous servir et s’intégrer au projet de loi ou à une réglementation?
M. Cusson : À Québec-Océan, le comité consultatif compte des membres qui viennent de l’industrie — je vous communiquerai leurs noms — et qui sont davantage au courant de nos grandes orientations. Je connais beaucoup de collègues qui travaillent à Pêches et Océans Canada, et nous avons beaucoup de facilité à travailler avec ces gens. Je sais qu’il y a des procédures d’intervention qui sont très bien écrites. Nous avons tenté de bien identifier sur les côtes des zones sensibles prioritaires; ils ont tout cela sous la main et ils peuvent réagir très rapidement.
Je crois que, maintenant, dans le cas d’un déversement, même modéré, une intervention rapide est nécessaire. J’imagine qu’à ce moment-là, une nouvelle disposition de la loi pourrait aider Pêches et Océans Canada à agir rapidement.
Le sénateur Cormier : D’accord. Merci.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci de votre présence. J’aimerais continuer dans le même ordre d’idées que mon collègue, parce que nous sommes ici pour évaluer la pertinence des modifications que le gouvernement propose d’apporter à ses lois. On a entendu l’industrie dire qu’elle est capable de se surveiller elle-même : « Quand il y a un problème et qu’on doit ralentir, on est capable de le faire sans qu’il y ait des arrêtés d’urgence et des pouvoirs accrus pour les autorités. » J’aimerais savoir, de votre part, si l’industrie est capable de se surveiller elle-même et de décider de la marche à suivre quand il y a des difficultés avec les mammifères marins ou avec un déversement de pétrole. Ou alors, croyez-vous que les pouvoirs additionnels, comme les arrêtés d’urgence ou des amendes plus importantes, sont essentiels pour l’écologie?
[Traduction]
Voulez-vous commencer, monsieur?
M. Lowry : Oui, je peux commencer. Très bonne question. Je ne peux pas parler au nom de l’industrie du transport, mais j’ai effectivement vu, sur la côte Ouest, l’industrie prendre les choses en main pour amener les capitaines de navire à ralentir de leur plein gré et pour appuyer le programme écologique qui vise à protéger la population d’épaulards résidente du sud contre les répercussions du bruit. Je vais naturellement laisser les représentants de cette industrie parler eux-mêmes de ce qu’ils font à ce sujet.
Pour ce qui est des mesures d’intervention, nous avons toujours dépassé les exigences de Transports Canada, énoncées dans la Loi sur la marine marchande. Sur la côte Ouest, nous avons certainement l’impression que nous dépassons constamment ces exigences et nous allons continuer d’en faire toujours plus qu’il faut.
J’ai la très nette impression que ces changements seront très bénéfiques, particulièrement pour la Garde côtière. Dans le régime actuel, cet organisme possède beaucoup de pouvoirs, mais j’ai l’impression que ces changements aideront à clarifier et à solidifier ses pouvoirs. Toute initiative qui permettrait de confirmer l’autorité ultime et le pouvoir de la Garde côtière de diriger les interventions en cas de déversement serait, je crois, nettement bénéfique pour la côte.
[Français]
M. Cusson : Selon moi, deux questions se posent à ce sujet. D’abord, pour moi, la question de savoir si le secteur privé peut offrir des réponses par rapport à l’écologie ne fait aucun sens. Il n’y a pas de frontière à l’écologie, elle ne recherche pas un gain.
Je connais mal l’industrie du recouvrement ou du nettoyage. D’après moi, il n’y aurait que la Garde côtière ou Pêches et Océans Canada qui devraient avoir les pleins pouvoirs sur ce qui devrait être fait. Les spécialistes à leur emploi sont souvent détenteurs d’un doctorat, ils comprennent ce qu’est la recherche scientifique et peuvent donc se baser sur les données les plus récentes. À mon avis, ce serait des entités idéales auxquelles donner les pleins pouvoirs et qui pourraient également apporter rapidement des réponses.
Comme premier répondant, évidemment, chaque industrie polluante doit avoir — et je pense qu’elles les ont — des protocoles très clairs sur la façon d’avertir les autorités lorsqu’il y a un déversement. Je crois que cela se fait, mais je connais mal ces dispositions.
[Traduction]
Le président : Simplement pour faire suite à la question, en vertu de la délégation de pouvoir prévue à l’article 689, qui est dans le projet de loi, je crois, le ministre des Transports aurait le pouvoir de conclure des accords avec les gouvernements provinciaux, les administrations municipales et des entités autochtones, qui leur permettraient d’exercer les attributions prévues sous le régime de la loi et qui seraient précisées dans les accords.
Qu’est-ce que cela veut dire exactement, monsieur Lowry?
M. Lowry : Il vaut peut-être la peine de nous arrêter un instant et de revenir au régime actuel et des circonstances qui ont conduit à sa création.
M. Cusson a donné l’exemple du déversement de l’Exxon Valdez; c’est véritablement le déversement dont le Canada et, en fait, les États-Unis ont tiré des leçons et qui a conduit à la création du régime en place actuellement. C’est ainsi que des mesures de prévention ont été mises en place, soit l’obligation d’avoir des remorqueurs d’escorte, de recourir à des pilotes de la Colombie-Britannique et de doter les navires de doubles coques. Cet accident est à l’origine de la création d’organismes d’intervention comme le nôtre. Nous intervenons au nom de l’industrie, mais respectons les paramètres de Transports Canada pour ce qui est des normes de planification.
Le système compte beaucoup d’autres joueurs. On a discuté des rôles de la science et de l’industrie, et un certain nombre de groupes du gouvernement fédéral aident non seulement à planifier le comportement de produits mais également à examiner la dangerosité de ces substances et leurs répercussions à long terme. Nous travaillons étroitement avec Environnement et Changement climatique Canada, le ministère des Pêches et des Océans et Ressources naturelles Canada; il y a donc une grande intégration des opérations dans ce domaine.
Lorsque nous intervenons dans un déversement, il arrive souvent que nous travaillons également avec la province. Dans notre cas, c’est le ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique, mais les municipalités participent également aux opérations ainsi que les Premières Nations. La gestion des interventions en cas de déversement se fait au moyen de ce que nous appelons une commande unifiée. Ce sont alors la Garde côtière, le gouvernement de la province de la Colombie-Britannique, ceux de ses responsables qui s’occupent de la côte Ouest du moins, les Premières Nations, les municipalités et les pollueurs qui entrent en action. Il est très important que tous ces groupes travaillent ensemble.
En définitive, c’est la Garde côtière qui détient l’autorité, mais je crois que cette disposition vise à permettre à ces groupes de travailler efficacement et étroitement en cas de déversement.
Le président : Mais c’est ce que vous faites actuellement, n’est-ce pas?
M. Lowry : C’est vrai. Je crois que plusieurs de ces dispositions visent à clarifier certains pouvoirs et certaines mesures déjà en place. C’est ce que nous voyons, car plusieurs de ces mesures sont améliorées.
Le président : Aidez-moi, monsieur Lowry. Ce n’est pas ce que dit la disposition. On y lit que le ministre des Transports a le pouvoir de conclure des accords ou des arrangements avec ces groupes, notamment une administration municipale, des Autochtones, un gouvernement provincial, pour exercer les attributions prévues sous le régime de la loi que précise l’accord ou l’arrangement.
De quelles attributions s’agit-il exactement? Et quel lien cela a-t-il avec le fait de travailler ensemble? Il me semble que la disposition permettrait au ministre de conclure un accord avec la province, une municipalité ou un groupe autochtone pour exercer des attributions déjà prévues dans la loi.
M. Lowry : C’est possible, et je vous prie de m’excuser. Je ne peux pas présumer des intentions des auteurs de ce projet de loi, mais, selon que je comprends, on cherche à clarifier ou à améliorer ce qui est en place aujourd’hui.
Le président : Merci.
La sénatrice Galvez : Merci, monsieur Lowry et chers collègues. C’est un sujet très intéressant.
Vous savez, personne ne souhaite qu’un déversement survienne, et, quand il n’y en a pas, on ne s’en préoccupe pas. Toutefois, lorsqu’un déversement se produit, la substance en cause, la plupart du temps, est le pétrole. Nous examinons alors la source du problème et la trajectoire du contaminant, ainsi que les récepteurs. Dans ce cas, les récepteurs sont l’écologie, la biodiversité et les poissons.
Personne ne veut voir des mammifères, des cétacés ou des canards baigner dans du pétrole, mais je vous dirai que personne ne veut réellement voir un poisson ou une crevette avec des tumeurs ou des déformations causées par la contamination au pétrole.
Comme vous l’avez dit tous les deux, la recherche est très importante. Nous avons parlé du pétrole, mais il y a plusieurs sortes de pétrole. Celui qui a brûlé à Lac-Mégantic s’est évaporé très rapidement et, s’il se retrouve dans l’eau de l’océan, il s’évaporera rapidement. Toutefois, les autres types de pétrole plus visqueux, plus lourds et plus denses vont s’enfoncer ou flotter, rester et résister à tous les processus de biodégradation.
Croyez-vous vraiment que nous sommes prêts à intervenir pour toutes sortes de déversements et que tout le monde dans le réseau est prêt à réagir à cela? Connaissent-ils tous la différence entre ce qui est toxique et ce qui l’est moins ou les types de pétrole qui s’évaporent rapidement et ceux pour lesquels ce n’est pas le cas? Les interventions sont-elles suffisantes?
M. Lowry : Il y a deux ou trois choses différentes ici. Je vais parler un peu de certains outils que nous utilisons pour nettoyer un déversement.
Le principal outil utilisé au Canada s’appelle la récupération mécanique, qui consiste à utiliser des estacades de confinement pour recueillir le pétrole et pour protéger les secteurs désignés comme étant vulnérables. Une fois le pétrole recueilli avec les estacades, nous utilisons des écrémeurs pour récupérer le produit.
Comme vous l’avez dit, il existe différents types de pétrole, qui ont des propriétés différentes les uns des autres. Nous avons les produits plus lourds. Nous avons le pétrole brut, le bitume dilué et le combustible de soute C, pour lequel nous utilisons les écrémeurs à brosses, qui se sont révélés très efficaces. Nous sommes intervenus lors d’un déversement de bitume dilué en 2007 et nos écrémeurs à brosses ont été très utiles. Pour ce qui est des types de pétrole plus légers, certains, comme le diesel-navire, s’évaporent tout simplement. Il n’y a aucun nettoyage à faire, parce que le produit s’est évaporé. Cela dit, il y a aussi des écrémeurs qui fonctionnent bien avec ce type de pétrole.
Selon le type de produit utilisé, il faudra un équipement d’écrémage particulier.
On peut également utiliser des dispersants, comme cela a été mentionné plus tôt. Nous ne sommes pas autorisés à utiliser des dispersants au Canada sans approbation préalable, de sorte que nous ne les utilisons pas couramment et ne planifions pas non plus de nous en servir en cas de déversement. On a utilisé des dispersants toutefois dans le cas du déversement à la plateforme Deepwater Horizon. Ces produits permettent de fractionner le film d’huile, qui devient alors plus facilement digestible par les bactéries contenues dans l’océan. Il y a des bactéries qui se sont adaptées dans l’océan pour consommer les produits du pétrole. La biodégradation fait donc partie de la solution.
L’autre technique est le brûlage in situ, qui consiste à mettre la nappe de pétrole en feu. Il y a donc diverses techniques selon le type d’intervention requis.
[Français]
M. Cusson : M. Lowry connaît mieux que moi les types de produits. Selon les types de produits, le comportement sera différent. Par exemple, l’évaporation pour le pétrole brut léger est très rapide. Le problème est que l’évaporation se fait en fonction de la température.
Comme je l’ai mentionné un peu plus tôt, lorsque la température de l’eau est très froide et descend sous zéro, dans le cas de l’eau salée, on peut s’attendre à beaucoup moins d’évaporation. On procédera alors de différentes façons pour récupérer les polluants.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Monsieur Lowry, dans votre réponse à la sénatrice Galvez — et je ne suis pas certain d’avoir entendu le bon mot —, vous avez parlé de dispersants. Est-ce le nom que vous avez donné au premier système de nettoyage?
M. Lowry : Les dispersants, oui.
Le sénateur Plett : Vous dites qu’ils ne sont pas utilisés au Canada. Toutefois, selon la définition que vous en avez donnée, il me semble que ces produits pourraient constituer une bonne solution pour nettoyer des dégâts causés par un déversement. Alors, pourquoi ne les utilisons-nous pas au Canada?
M. Lowry : Nous ne nous en servons pas essentiellement à cause des règlements d’Environnement et Changement climatique Canada. Nous devons respecter les règlements de ce ministère. Nous pouvons toutefois utiliser ces produits si Environnement Canada nous en donne l’autorisation, mais nous devons lui présenter une demande pour cela.
Beaucoup de travail se fait également dans le cadre du Plan de protection des océans pour déterminer quand et où les dispersants sont appropriés et pour obtenir une autorisation préalable à cet effet. Par exemple, on ne peut pas utiliser des dispersants dans un port, mais ils peuvent peut-être être indiqués au large de la côte. Les produits à utiliser dépendent du moment et de l’endroit concernés. Le gouvernement du Canada, par la voie du Plan de protection des océans, procède à une nouvelle étude sur l’emploi de ces produits.
Le sénateur Plett : Il me semble que, si nous parlons de l’environnement, qu’il s’agisse des changements climatiques ou de quoi que ce soit d’autre, plus un déversement est nettoyé rapidement, moins il y a de problèmes pour l’environnement.
M. Lowry : C’est vrai.
Le facteur sur lequel les membres des équipes d’intervention peuvent influer est leur rapidité d’action après un déversement pour nettoyer les dégâts. Beaucoup d’autres facteurs sont hors de leur contrôle, comme c’est le cas dans un incendie de forêt. Voilà pourquoi Transports Canada exige que le pétrole soit retiré de l’eau dans un délai de 10 jours. Des normes ont été fixées pour les délais d’intervention dans le régime actuel; on vise à améliorer la vitesse de réaction et à favoriser le rétablissement du milieu le plus rapidement possible.
Le sénateur Dawson : Comme vous le savez, je suis toujours d’accord avec le sénateur Plett. Il faut que les interventions se fassent dans l’urgence, et là, j’y vois un problème. En effet, comme nous savons que les choses prennent du temps à se faire au gouvernement, il se peut qu’on doive attendre longtemps avant d’obtenir la permission d’Environnement et Changement climatique Canada pour utiliser un dispersant. Cela me préoccupe donc, comme c’est le cas pour mon collègue.
[Français]
Vous avez parlé d’Old Harry, qui est un bijou convoité par Terre-Neuve et le Québec, et couvert par le Canada. La répartition des responsabilités, entre autres, quant à l’exploitation du Saint-Laurent vous place devant un problème de juridiction partagée entre le Québec, Terre-Neuve et le Canada. On s’entend pour dire que le gouvernement actuel, pour le meilleur et pour le pire, a décidé que le Saint-Laurent serait un outil de développement économique pour le Québec.
À Québec-Océan, comment traitez-vous ces conflits potentiels de juridiction? Je comprends que le gouvernement du Québec ne fait pas partie de la solution, étant donné qu’il n’a pas de système de nettoyants. Toutefois, s’il accorde des permis d’exploitation, il fait partie du problème.
M. Cusson : Vous soulevez un très bon point. C’est pourquoi le regroupement de chercheurs a commencé, depuis plusieurs années, à se pencher sur le problème. Le gisement d’Old Harry aurait été détecté par une compagnie qui, en fait, cache des informations qui pourraient être vitales en ce qui concerne la quantité de pétrole qui s’y trouve. Si je me souviens bien, une bonne portion du gisement se trouverait du côté québécois. Du côté de Terre-Neuve, on a rapidement lancé des procédures pour commencer à creuser et effectuer des tests afin de vérifier si, effectivement, il y a beaucoup de pétrole. Je suis persuadé que les chercheurs de l’Université Memorial et ceux de Pêches et Océans Canada basés à Terre-Neuve collaborent très bien avec les scientifiques du Québec pour tenter de comprendre ce qui se passe. On veut un état de la situation et voir s’il existe un problème. Vous savez, on se trouvait dans la foulée de l’incident qui a eu lieu dans le golfe du Mexique. On craignait bien entendu que quelque chose se produise.
Pour ce qui est de la juridiction, je ne pourrais pas vous dire. On a senti l’urgence de collaborer avec des chercheurs pour essayer d’avoir au moins un état de la situation. Au Québec, on a pu obtenir des fonds pour former le regroupement Notre Golfe et publier un livre, comme vous l’avez vu. Par contre, du côté de Terre-Neuve, je ne suis pas au courant.
Le sénateur Dawson : Vous parlez de Notre Golfe. Or, c’est le même golfe pour Terre-Neuve. Avez-vous aussi une collaboration régulière avec l’Université Memorial?
M. Cusson : Je ne suis pas la personne la mieux placée pour répondre à votre question. Cependant, je pourrais vous indiquer à qui l’adresser. Nous avons d’autres personnes qui collaborent dans le cadre de ce dossier. Étant donné que le financement provient du Québec, il est parfois difficile d’avoir des groupes multiprovinciaux. La science est partagée de façon très ouverte entre les chercheurs d’autres provinces.
La sénatrice Gagné : J’aimerais commencer avec une question pour M. Cusson, puis je poserai une question à M. Lowry.
Monsieur Cusson, à la dernière page de votre présentation, vous dites qu’une caisse d’indemnisation des dommages devrait tenir compte du fait que la durée et l’intensité des dommages à l’environnement sont difficiles à déterminer. On a besoin davantage de recherche. Revenons aux amendements qui sont proposés. J’essaie de traduire votre observation dans le cadre de la loi. Seriez-vous en mesure de nous expliquer ce que cela signifie dans le contexte de la loi?
M. Cusson : J’ai peut-être manqué les détails pour ce qui est de la loi, à savoir combien d’argent supplémentaire on accorderait. Il me manque ce chiffre.
À d’autres occasions où des déversements se sont produits, les montants accordés ont été énormes.
J’ai lu les transcriptions de la réunion d’hier. On parlait de 405 ou 410 millions de dollars. Ces sommes sont dérisoires. Je suis d’accord pour dire qu’on devrait imposer aux compagnies l’obligation de mettre de côté des sommes plus importantes pour répondre à ce genre de problème. Il est très facile de voir où commence un déversement et quel en est l’impact sur les communautés. Toutefois, le moment où il s’arrête est beaucoup plus diffus.
Nous avons discuté hier de réclamations, de la façon de procéder et jusqu’à combien de temps on pourrait le faire. Je ne suis pas en mesure de vous dire combien de temps l’impact pourrait durer. Je puis toutefois vous dire que les pêches ne se sont toujours pas remises de l’incident dans le golfe du Mexique, ce qui vous donne une idée de l’ampleur des dégâts. Maintenant, comment le prouver? C’est une autre chose.
La sénatrice Gagné : Faut-il réévaluer le financement de façon régulière?
M. Cusson : Je le pense, parce que les coûts de nettoyage vont exploser et les risques vont augmenter. Quant à la probabilité que cela arrive, ça va juste arriver, comme ce qui s’est passé la semaine dernière. On ne parle plus d’éléments opérationnels; on parle d’événements opérationnels. On ne parle plus de catastrophe ou de déversement; on parle simplement de procédures de manière chronique. Cela me fait peur, parce que les médias disent que pétrole est disparu et qu’il n’y a plus rien à faire.
La sénatrice Gagné : D’accord, merci.
[Traduction]
Monsieur Lowry, ma question fait peut-être suite à celle du sénateur Tkachuk. Selon vous, les changements proposés auront-ils une incidence sur vos rapports avec Transports Canada?
M. Lowry : Non, je ne crois pas. Ces changements ne concernent pas directement les organismes d’intervention. Ils servent essentiellement à clarifier les pouvoirs de la Garde côtière et à éliminer les limites de responsabilité pour la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. Je serais heureux de vous donner des précisions sur les limites actuelles et le régime d’indemnisation si cela vous intéresse.
La sénatrice Gagné : Naturellement, cela nous intéresse.
M. Lowry : Le régime actuel relatif aux limites de responsabilité et à l’indemnisation comporte trois niveaux. Le premier concerne les navires mêmes. Ils ont une responsabilité stricte, mais limitée. Qu’ils soient ou non responsables du déversement, ils doivent payer le nettoyage. Toutefois, leur responsabilité est proportionnelle à leur taille.
Une fois cette limite ou ce seuil atteint, deux autres fonds entrent en jeu. Il y a le fonds international, qui comprend 800 ou 900 millions de dollars. Il y a ensuite la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires, visée par ces changements, qui entre en jeu. En tout, nous parlons de 1,3 ou de 1,4 milliard de dollars, qui sont actuellement disponibles pour des travaux de nettoyage et d’assainissement en cas de déversement de pétrole.
Le projet de loi élimine la limite par événement pour la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires et dispose qu’en cas d’insuffisance de fonds pour un déversement important, des mécanismes soient mis en place pour renflouer ce fonds. Voilà vraiment la mesure que nous recherchons pour améliorer la caisse.
Le sénateur MacDonald : Merci à vous deux. Monsieur Cusson, je crois que mes questions s’adressent à vous.
Premièrement, je suis très sensible à tout ce dont vous nous parlez ici aujourd’hui. En fait, j’en parle depuis des années. Nous avons des raffineries dans le golfe et dans l’estuaire du Saint-Laurent et nous en avons une autre dans la baie de Fundy, qui nécessitent du pétrole lourd. Des emplois et des millions de dollars sont en jeu. Actuellement, la plupart de ce pétrole provient de l’Arabie saoudite, une partie provient du Vénézuéla et de divers autres endroits. Le pétrole traverse la Nouvelle-Écosse par la baie de Fundy ou le détroit de Cabot jusqu’aux raffineries du Québec.
Comme cela a été mentionné ici aujourd’hui, on donne toujours l’Exxon Valdez comme exemple au Canada, mais ce déversement de grande envergure n’a pas été le premier. En effet, la première catastrophe a été l’Arrow, dans la baie Chedabucto, dans les années 1970. J’avais 15 ans et je m’en souviens très bien. Environ 10 000 tonnes métriques de pétrole avaient alors été déversées, ce qui correspond à environ un quart du pétrole déversé par l’Exxon Valdez.
Le deuxième accident a été celui du Kurdistan. Le navire s’est brisé en deux et a eu une défaillance du gros œuvre dans le détroit de Cabot, en route vers le Québec. Les deux événements se sont produits en hiver. J’ai souvent dit aux gens : « Que serait-il arrivé au Kurdistan s’il s’était brisé dans le golfe du Saint-Laurent en plein milieu de l’hiver? »
Il y a une solution au pétrole lourd, et nous en avons besoin. Au lieu de nous en faire à ce sujet, n’êtes-vous pas d’avis, comme moi, que nous pouvons éliminer tous les risques en amenant le pétrole de l’Ouest du Canada aux raffineries par oléoduc? Nous ne transporterions plus le pétrole par navire, nous n’aurions alors plus aucun risque de déversement et aucun souci à nous faire pour nettoyer les dégâts. Que pensez-vous de cette solution?
[Français]
M. Cusson : C’est une question complexe. Le problème de la provenance du pétrole est un sujet important pour nous qui travaillons sur les changements climatiques. Vous comprenez que le pétrole qui vient de l’Arabie saoudite ou qui aurait pu être pris dans la mer de Beaufort, dans le Nord du Canada, aurait été du pétrole de très bonne qualité. Le transport du pétrole de l’Ouest canadien, c’est un autre problème, puisque les sables bitumineux produisent énormément de gaz à effet de serre. On déplace le problème. Je ne dis pas que la solution n’est pas de remplacer l’un par l’autre. Le transport par bateau est relativement sécuritaire; le problème est jusqu’où on doit aller et quelles mesures on doit prendre pour limiter les dégâts. Je sors de ma zone de confort par rapport à cela.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Je parlais de votre exposé. Vous n’avez nullement abordé les changements climatiques ni les gaz à effet de serre. Vous avez parlé d’un déversement important dans le golfe du Saint-Laurent et je suis d’accord avec vous à ce sujet. Toutefois, si nous cessions de faire venir par bateau au Canada tout ce pétrole lourd et faisions plutôt venir le pétrole de l’Ouest canadien, il n’y aurait plus aucun risque. Comme Néo-Écossais, je suis préoccupé par le risque de déversement dans nos eaux, que nous partageons avec tout le monde dans les Maritimes et dans l’estuaire du Saint-Laurent, mais, contrairement aux populations du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, nous ne tirons aucun avantage de la circulation de ces navires. Nous ne partageons que le risque.
Si le pétrole provient de l’Ouest canadien par oléoduc, on peut couper l’alimentation à court préavis, contrairement au pétrole de l’Arabie saoudite, qui, même s’il est de meilleure qualité, est transporté par bateau. N’êtes-vous pas de cet avis?
M. Cusson : Tout dépend de là par où le pétrole transite. S’il transite par un environnement fragile, il peut y avoir un problème. En effet, certains milieux peuvent être plus résilients ou se remettre un peu plus facilement de déversements que d’autres. Dans le cas du pétrole canadien transporté par oléoduc, par exemple, le fait qu’il traverse une importante réserve d’eau peut constituer un problème. La situation est donc exactement la même. C’est l’endroit par où passe le pétrole qui peut faire problème.
Je ne crois pas que la baie de Baffin ait moins de valeur que le golfe du Saint-Laurent.
Le sénateur MacDonald : La baie de Fundy.
M. Cusson : La baie de Fundy, excusez-moi. Nous devons comprendre qu’il faut choisir soigneusement les endroits par où nous faisons passer l’énergie.
Le sénateur MacDonald : C’est ce que je dis. Notre continent est parsemé d’oléoducs. Certains ont 50, 60 ou 70 ans et il n’y a pas moyen de les utiliser. Toutefois, je suis tout à fait d’accord avec vous pour ce qui est des nouveaux oléoducs, dotés d’une technologie de pointe et munis de systèmes d’arrêt. Pour avoir ces oléoducs, il faut cesser d’utiliser les océans pour faire venir le pétrole et, pour cela, il faut amener le pétrole canadien sur les marchés.
Le président : Comment se fait-il que le pétrole lourd de l’Ouest — ce n’est pas toujours du pétrole lourd, sachez-le, mais une partie l’est — produit plus de CO2? Le pétrole doit être raffiné dans les Maritimes; il se retrouve ensuite dans mon auto, et c’est la même essence que celle qui sert à faire rouler les autos dans les Maritimes, qui, celle-là, provient de l’Arabie saoudite. Il n’y a aucune différence.
M. Cusson : C’est une bonne question. Je ne dis pas que ce pétrole est mauvais, mais que son extraction produit beaucoup d’émissions de CO2. Voilà le problème.
Le président : Et l’extraction du pétrole saoudien ne provoque aucune émission de CO2? Naturellement, ce n’est pas le cas.
M. Cusson : Non, ce pétrole est presque pur, je crois. Je ne suis pas un spécialiste de la chose, cependant.
Le sénateur MacDonald : Je suis certain que nos normes environnementales sont à tout le moins...
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue au Sénat, monsieur Cusson, et merci à nos invités de leurs présentations.
Ce projet de loi établira-t-il des mécanismes de résolution plus rapides ou plus lents pour régler les cas d’épaves orphelines?
M. Cusson : D’après ce que j’ai compris, il est évident qu’on peut réagir beaucoup plus vite. Si nous avons les fonds, il est beaucoup plus facile de déléguer les tâches à d’autres instances. Monsieur Lowry a indiqué un peu plus tôt qu’il y a plusieurs niveaux, chapeautés par la Garde côtière canadienne ou Pêches et Océans Canada. Évidemment, ils ne sont pas partout. Il y a des gens des collectivités locales qui sont prêts à répondre beaucoup plus rapidement. Je pense que s’il y a plus de moyens, la réponse sera plus cohérente, plus intégrée et beaucoup plus rapide, c’est évident.
Le sénateur Boisvenu : J’ai parlé d’épaves, mais je voulais plutôt parler des déversements.
L’autre problématique — j’ai travaillé une quinzaine d’années au ministère de l’Environnement — concerne les déversements dans des zones mitoyennes entre deux pays, par exemple entre les États-Unis et le Canada. Ce projet de loi établira-t-il un mécanisme d’arbitrage pour savoir qui interviendra et selon quelle loi?
M. Cusson : Je vais laisser M. Lowry vous répondre, puisqu’il est plus proche de ces questions.
[Traduction]
M. Lowry : Oui, voilà une bonne question. Je peux y répondre.
Il y a actuellement un traité entre le Canada et les États-Unis, qui remonte au milieu des années 1970. Il porte précisément sur les mesures à prendre s’il y a un déversement qui risque de traverser, ou qui traversera, la frontière internationale.
En vertu de ce traité, la Garde côtière canadienne gérera un déversement en collaboration avec la Garde côtière américaine. Actuellement, des exercices conjoints sont menés régulièrement sur la côte Ouest. Tous les deux ans, l’État de Washington et la province de la Colombie-Britannique mènent un exercice géré par les deux gardes côtières; un autre exercice est également mené tous les deux ans entre l’Alaska et la Colombie-Britannique, géré également par les deux gardes côtières des deux pays. Un traité est en place pour les déversements qui toucheraient la frontière entre les deux pays.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Les Américains travaillent-ils à l’intérieur d’un cadre réglementaire similaire à celui que nous avons devant nous?
[Traduction]
M. Lowry : Oui, c’est très semblable. Les régimes ont été élaborés par les deux pays dans la foulée du déversement de l’Exxon Valdez. Ils sont, dans les faits, très semblables. Ils comportent quelques légères différences, mais les États-Unis ont des organismes d’intervention en cas de déversement qui fonctionnent comme le nôtre sur la côte Ouest.
La sénatrice Galvez : À ce que je sache, lors de l’accident de la plateforme Deep Horizon de BP, on a établi que ces dispersants sont toxiques et c’est la raison pour laquelle nous ne les utilisons pas comme s’il s’agissait de simples produits; ils peuvent être toxiques.
Je sais que plusieurs ministères du gouvernement canadien ont fait faire des études pour évaluer les secteurs des côtes canadiennes qui sont les plus vulnérables en cas de déversement à cause du nombre de navires qui y circulent et toutes sortes d’autres facteurs qui augmentent les risques. Je suis certaine que vous connaissez ces études. WSP a procédé à une large étude des secteurs les plus à risque. Cette étude a montré que la côte Ouest dans la région de Vancouver et le golfe du Saint-Laurent sont les secteurs les plus vulnérables.
Simplement pour que les gens comprennent, pouvez-vous nous dire pourquoi ces deux zones sont les plus vulnérables et les plus à risque en cas de déversement?
M. Lowry : Certainement. J’aimerais toutefois ajouter une chose au sujet des dispersants. Comme nous l’avons dit, la science joue un rôle très important lorsqu’il s’agit d’intervenir après un déversement. Les équipes d’intervention n’utilisent pas ces produits sans les conseils de scientifiques. Lorsqu’il faut utiliser des dispersants ou n’importe quel autre produit, il y a ce que nous appelons une unité environnementale dans le poste de commandement qui fait une analyse des avantages environnementaux nets. Évidemment, un déversement de pétrole est une catastrophe et deux options épouvantables s’offrent à nous. Nous nous tournons alors vers les scientifiques pour savoir quelle est la meilleure de ces deux options et ces gens font alors l’analyse des avantages environnementaux nets.
Dans les études sur le risque, nous évaluons deux choses. Nous examinons la probabilité et la conséquence. En ce qui concerne la probabilité, la partie sud de la Colombie-Britannique, autour de l’île de Vancouver, est considérée comme étant à risque élevé à cause des routes maritimes internationales qui s’y trouvent. Le trafic maritime arrive sur la côte ouest de l’île de Vancouver, près de Port Renfrew. Le trafic se compose de navires américains et canadiens dans ce secteur. Les navires américains poursuivent leur route jusqu’à l’État de Washington, et les navires canadiens remontent au port de Vancouver. Ce sont les routes maritimes établies et là où la majorité du trafic maritime se fait sur la côte Ouest.
Je ne connais pas très bien la situation sur la côte Est, mais la raison pour laquelle la partie sud de la Colombie-Britannique est désignée comme étant à risque élevé tient à ce facteur de probabilité.
Le sénateur MacDonald : Vous avez dit que la partie sud de la Colombie-Britannique est à risque élevé, mais qu’en est-il de Prince Rubert et de Port Simpson? Ces régions sont-elles considérées comme étant à risque élevé ou à faible risque? Le trafic maritime y est beaucoup moins dense; l’eau est profonde dans ces secteurs et il n’y a pas de glace. Au nord, les Américains transportent constamment du pétrole depuis Valdez, en Alaska.
M. Lowry : Non, vous soulevez un bon point. La majorité du trafic a lieu dans cette route du sud. On y compte des milliers de passages chaque année.
Le volume d’activité s’est accru au port de Prince Rupert. Les autorités portuaires ont considérablement agrandi le terminal à conteneurs. Le trafic augmente à ce port, et c’est pourquoi notre organisation a établi un centre d’intervention en cas de déversement là-bas. Nous avons ajouté deux nouveaux navires au cours des deux ou trois dernières années. Nous augmentons donc nos moyens pour faire face à de nouveaux risques. Le risque augmente là-bas. Il est loin d’être aussi important que cela est le cas dans la partie sud en raison du volume du trafic qui y sévit, mais nous sommes bel et bien présents parce que le risque s’est accru au cours des dernières années.
Le sénateur MacDonald : Cependant, il y a beaucoup moins de pression exercée par les pétroliers dans le nord.
M. Lowry : C’est vrai, il n’y a pas de pétroliers dans le port de Prince Rupert.
Le sénateur MacDonald : Des bateaux, mais pas de pétroliers.
M. Lowry : J’aimerais ajouter une chose. Lorsque nous parlons de déversements, nous ne parlons pas seulement des pétroliers, mais de toutes les sortes de bateaux. Cela inclut les navires océaniques qui transportent du combustible de soute. Ces navires représentent un risque également.
[Français]
M. Cusson : Je voudrais ajouter un point qui est lié à la question de la sénatrice Galvez. Si le golfe du Saint-Laurent a été ciblé comme étant une zone sensible, c’est parce que c’est un estuaire. C’est un estuaire avec une mer semi-fermée qui contient une route de trafic de tout genre, et il y a beaucoup de pêche commerciale qui est très importante, comme la pêche au homard, au crabe des neiges et à la crevette. On a des zones de remontées d’eau froide très profondes qui favorisent une ponte biologique qui est extrêmement productive. C’est une des raisons pour lesquelles on retrouve des baleines près des îles Mingan, au nord du golfe du Saint-Laurent, et à l’embouchure de la rivière du fjord du Saguenay.
[Traduction]
Le président : Merci d’avoir participé à notre séance aujourd’hui et de nous avoir aidés pour cette partie du budget.
Mesdames et messieurs les sénateurs, pour le deuxième groupe, nous avons avec nous M. Peter Ellis, directeur général de Clear Seas, Centre de transport maritime responsable, qui nous parlera par vidéoconférence depuis Halifax. Bienvenue, monsieur Ellis.
Nous avons également M. Joshua Ginsberg, avocat et directeur des affaires législatives, Ecojustice. Merci à tous les deux d’assister à notre séance. Nous commencerons avec M. Ellis, qui communique avec nous par vidéoconférence. Nous céderons ensuite la parole à Me Ginsberg.
Peter Ellis, directeur général, Clear Seas, Centre de transport maritime responsable : Merci, monsieur le sénateur, et merci à vous de me permettre de participer à votre discussion ce soir.
[Français]
Mes remarques aujourd’hui vont refléter les observations que j’ai faites au Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes, le 6 novembre dernier. Comme le président l’a dit, j’occupe le poste de directeur général de Clear Seas, Centre de transport maritime responsable, depuis plus d’un an et demi.
[Traduction]
Clear Seas, Centre de transport maritime responsable est un organisme indépendant, à but non lucratif. Nous parrainons des travaux de recherche, faisons des communications et produisons des programmes de participation pour favoriser le transport maritime durable au Canada. Notre organisme a vu le jour à l’été 2015 grâce à du financement de démarrage fourni par Transports Canada, Alberta Énergie et l’Association canadienne des producteurs pétroliers. Nous avons pour mission de fournir une information impartiale, fiable et fondée sur des données probantes concernant la navigation au Canada parce que nous considérons qu’une meilleure information permet de prendre de meilleures décisions. Notre indépendance est protégée dans nos ententes de financement et tous nos programmes peuvent être consultés sur notre site web, à www.clearseas.org.
Les observations que je vais formuler aujourd’hui reposent essentiellement sur des travaux de recherche que nous avons effectués, des publications que nous avons affichées dans notre site web, des projets réalisés avec des intervenants, notre participation à de nombreux forums et groupes de travail relatifs au Plan de protection des océans et à d’autres forums portant sur le transport maritime ainsi que sur des observations tirées des médias traditionnels et des réseaux sociaux.
La plupart des Canadiens sous-estiment l’importance que le transport maritime revêt pour leur bien-être et leur prospérité. J’aimerais préciser que Clear Seas a mené un sondage d’opinion avec la collaboration de l’Institut Angus Reid au printemps 2016 pour évaluer les attitudes des Canadiens à l’endroit du transport maritime. Dernièrement, à la fin d’octobre, nous avons terminé un autre sondage pour savoir si de nouvelles tendances se dessinent ou si des changements surviennent. Les données sont en train d’être analysées et nous prévoyons publier les résultats au début de décembre. Un thème commun soulevé en 2016 qui persiste aujourd’hui est que, même si les Canadiens considèrent que le transport maritime est sûr, ils se préoccupent des conséquences environnementales possibles, et tout particulièrement des déversements.
Les changements législatifs que vous envisagez d’apporter visent manifestement à accroître la confiance dans un système déjà sûr ainsi que l’efficacité de ce système.
L’article 689 du projet de loi C-86 donne explicitement au ministre le pouvoir de conclure des accords avec des groupes autochtones, des intervenants et d’autres paliers de gouvernement; ce qui signifie que la complexité de l’environnement marin, les nombreuses entités publiques concernées, les questions relatives aux droits des Autochtones et la diversité des conditions locales sont clairement reconnues. Ces réalités sont déjà reconnues au niveau tactique, notamment dans le plan de la Garde côtière canadienne pour les manœuvres d’intervention à Vancouver, appelé Plan d’intervention intégré du Grand Vancouver pour les incidents de pollution marine, le GVIRP, vous connaissez peut-être ce sigle.
À mon sens, l’élaboration de ce genre d’accords devrait être assujettie à une vaste consultation et à une participation active des intervenants concernés.
Le pouvoir qui serait ainsi accordé au ministre de prendre des arrêtés d’urgence, en vertu de l’article 690, est une application du principe de précaution voulant qu’il faut permettre une plus grande marge de manœuvre pour réagir à une situation qui évolue rapidement. Même si ces arrêtés ne seraient pas permanents, les décisions qui leur donneraient lieu devraient être fondées sur des données probantes et la meilleure information disponible au moment des faits. La mise en œuvre de ces arrêtés serait fonction de l’urgence et de la gravité de la situation.
Les modifications proposées à la Loi sur la marine marchande du Canada afin d’accroître la marge de manœuvre en cas de pollution possible, contenues aux articles 699 à 702, favorisent une intervention plus rapide, essentielle pour réagir efficacement à un déversement. En effet, il est important de pouvoir prévenir des accidents de pollution, qui sont déjà rares, ou d’endiguer les déversements plus facilement, pour réduire les risques et les conséquences néfastes. De même, le pouvoir d’entrer dans une propriété privée et d’utiliser une propriété privée dans un plan d’intervention devrait permettre d’accroître l’efficacité des opérations.
L’immunité pour les personnes qui prêtent une assistance appropriée dans les circonstances constitue également une bonne mesure. Il convient d’observer que ce changement à la loi peut permettre de répondre à certaines préoccupations formulées par les Américains, qui craignent d’être tenus responsables de certains problèmes lorsqu’ils prêtent main-forte aux Canadiens dans les opérations transfrontalières.
Même s’ils sont perçus comme des mesures dissuasives, les changements apportés aux sanctions administratives et pécuniaires appliquées judicieusement appuieront clairement le principe du pollueur-payeur et rassureront la population, dont la confiance a été ébranlée après le déversement du Marathassa.
Les changements apportés à la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires inspireront également confiance dans le système en élargissant le champ des indemnisations. Bien qu’il soit pertinent d’étendre cette protection aux préjudices économiques qui ne sont pas liés directement à la pollution et bien que cela soit conforme au principe du pollueur-payeur, la mesure soulève certaines préoccupations relativement aux tarifs d’assurance, aux responsabilités civiles et à d’autres considérations de deuxième et de troisième ordre. Je crois savoir que vous avez entendu des témoignages à ce sujet hier ou avant-hier. Il faut bien comprendre les répercussions possibles de cette mesure.
Certains estimeront que ce changement ne va pas assez loin. Ils considèrent qu’il faut indemniser les gens pour la perte de l’usage d’une propriété publique servant à des fins récréatives, culturelles, religieuses ou autres.
À Clear Seas, nous appuyons les dispositions du projet de loi, mais nous estimons que les intervenants doivent être davantage consultés et mis à contribution pour la suite des choses. J’ajouterai que le projet de loi se concentre sur les interventions en cas de déversement et ne porte pas beaucoup sur la prévention.
[Français]
Je vous remercie encore une fois de m’avoir permis de participer à cette séance, et je suis prêt à répondre à vos questions, monsieur le président.
[Traduction]
Le président : Merci, monsieur Ellis, de nous dire qui finance votre organisation. Je suis sûr que M. Ginsberg en fera autant.
Monsieur Ginsberg, la parole est à vous.
Joshua Ginsberg, avocat et directeur des affaires législatives, Ecojustice : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de m’inviter à parler aujourd’hui des changements à la Loi sur la marine marchande du Canada et à la Loi sur la responsabilité en matière maritime proposés dans le projet de loi C-86.
Je suis avocat à Ecojustice Canada, la plus grande organisation de droit environnemental au Canada, appuyée par environ 20 000 donateurs répartis partout au pays. Avec ses bureaux situés sur la côte Pacifique et la côte Atlantique, Ecojustice se consacre à la protection légale des océans du Canada; dans ma pratique personnelle, je m’occupe des questions maritimes, et tout particulièrement des questions concernant le golfe du Saint-Laurent.
Je vais axer mon exposé aujourd’hui sur les changements proposés pour la Loi sur la marine marchande. Ma collègue, Margot Venton, a comparu devant un comité de l’autre endroit pour parler de la même question. Nous sommes du même avis et je vais fonder mes commentaires sur les siens.
Les changements proposés pour la Loi sur la marine marchande montrent que nous comprenons mieux les répercussions environnementales du trafic maritime, comme les dommages dus à la pollution, les perturbations physiques et la pollution par le bruit, et prévoient des mesures de sécurité pour les atténuer. L’approche évolutive visée aidera à répondre à certaines préoccupations concernant de nouvelles menaces pour l’environnement marin, comme les changements climatiques.
Les dispositions législatives s’appuient sur les outils dont nous disposons déjà. Les contrôles de la vitesse exercés au moyen d’Avis à la navigation, prévus dans le règlement pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, constituent un bon outil pour mettre des mesures d’urgence en œuvre. Le projet de loi comprend ce modèle et en étend la portée pour combler une lacune dans la loi. Il permet de prendre des mesures d’urgence pour protéger l’environnement marin et ajoute un fondement réglementaire pour ces mesures.
Comme on vous l’a déjà dit lors de vos audiences, l’actuel outil de l’Avis à la navigation a été utilisé en août 2017 pour fixer la limite de vitesse dans le golfe du Saint-Laurent afin de protéger les baleines noires de l’Atlantique Nord contre les collisions avec les navires. Cette mesure a été prise dans l’urgence et par souci de sécurité pendant que le ministère des Pêches et des Océans et Transports Canada étudiaient le problème. Les ministres de l’époque ont parlé d’une mesure de précaution prise dans le cadre d’efforts déployés dans le but de « faire tout ce qui est possible pour prévenir la mort des baleines ». Les scientifiques se sont ensuite prononcés.
L’exemple de l’Avis à la navigation relatif aux baleines noires de l’Atlantique Nord émis en vertu du Règlement sur les abordages montre que les mesures de précaution immédiates, comme celles envisagées par ces modifications législatives, sont efficaces. La loi actuelle ne contient tout simplement pas de dispositions pour faire face à toutes les menaces auxquelles les baleines sont confrontées, comme les perturbations physiques et sonores, et c’est pourquoi ces changements sont utiles.
Les perturbations physiques et sonores menacent les cétacés migrateurs, comme les baleines noires et d’autres baleines, dont les épaulards résidents du sud de la mer des Salish.
Cette population d’épaulards a décliné l’été dernier, passant à seulement 74 individus. On a établi que la pollution et les perturbations causées par le trafic maritime ainsi que la diminution de leurs proies contribuent largement au déclin de la population de ces épaulards et nuisent à son rétablissement.
Pour survivre, les épaulards ont besoin d’un environnement sonore qui leur permet d’entendre les clics subtils d’écholocalisation et les appels à distance d’autres membres de leurs familles. Or, le bruit généré par les navires perturbe ces sons.
Les changements climatiques réduisent les populations de proies des cétacés migrateurs comme les baleines noires, ce qui nuit à leur reproduction. Une intervention rapide comme l’émission d’un arrêté d’urgence peut se révéler nécessaire non seulement pour éviter les collisions avec les navires, comme cela a été le cas dernièrement, mais également pour réduire les répercussions du bruit océanique et la diminution croissante des sources de nourriture et de la période où elles sont disponibles pour ces baleines qui s’alimentent dans le golf du Saint-Laurent.
Même si nous savons depuis près de 20 ans que les perturbations physiques et sonores causées par le trafic maritime menacent l’existence des baleines et même si nous en savons de plus en plus sur les conséquences des changements climatiques, bien peu a été fait pour s’attaquer à ces menaces. Il en est ainsi en partie parce que la Loi sur la marine marchande au Canada ne permet pas de réglementer le bruit océanique et n’autorise pas clairement Transports Canada ou le ministère des Pêches et des Océans à prendre le genre de mesures requises pour s’attaquer à ce problème, qui consisteraient notamment à réduire la vitesse des bâtiments, à changer les routes maritimes et, ce qui est important, à plafonner le bruit et à imposer des normes de conception et de mise à niveau pour les bâtiments. Les outils dont on dispose actuellement n’ont été utilisés que pour corriger des problèmes de sécurité maritime; ils n’ont jamais servi à protéger l’environnement marin. C’est une lacune que le présent projet de loi corrige.
À cause de cette lacune législative, peu de choses ont été faites jusqu’à maintenant pour s’attaquer aux perturbations physiques et sonores causées par les bâtiments. Les mesures qui ont été prises ont été le fruit d’initiatives spontanées. Ce genre d’interventions non contraignantes n’ont pas permis toutefois de limiter le déclin de la population des baleines.
Des règles claires, que l’on fait respecter, sont efficaces pour régir la conduite des gens. Ainsi, grâce à la réduction de la vitesse des bâtiments imposée en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada sur la côte Atlantique pour protéger les baleines noires de l’Atlantique Nord, aucune baleine n’a été tuée par une collision avec un navire cette année. Nous avons besoin de règles aussi solides, appuyées par la loi, pour protéger les épaulards résidents du sud et d’autres baleines contre les navires et le bruit qu’ils produisent.
Les changements proposés à la Loi sur la marine marchande du Canada comblent une lacune en ajoutant clairement le pouvoir de prendre des règlements pour protéger l’environnement marin, à l’article 692, ainsi que des arrêtés d’urgence, à l’article 690, qui fournissent un outil utile pour réagir de façon adéquate à de nouveaux problèmes, comme le bruit produit par les bâtiments et les changements climatiques.
Enfin, il faut parfois des années pour élaborer des règlements. Un arrêté d’urgence permet d’agir rapidement et de façon ciblée pour corriger un problème tout en laissant le temps d’élaborer un règlement permanent, exhaustif. Nous vous recommandons donc de prolonger la durée d’application des arrêtés d’urgence en fonction du délai que nous croyons réaliste pour élaborer un règlement, qui est presque de deux ou trois ans, au lieu de devoir demander une prolongation au Cabinet.
L’expérience montre que des progrès ont été réalisés pour réduire la pollution sonore causée par les avions et les émissions des tuyaux d’échappement des véhicules après l’imposition de règlements, et nous devons procéder de la même façon pour lutter contre les répercussions environnementales du trafic maritime.
Merci beaucoup, mesdames et messieurs les sénateurs. C’est avec grand plaisir que je répondrai à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Ginsberg.
La sénatrice Miville-Dechêne : Une représentante de la Chamber of Shipping est venue ici mardi, et elle a critiqué un aspect des modifications relatives aux déversements. Je vais vous lire l’article que cet organisme n’aime pas :
[...] pour tout type de frais, pertes ou dommages, réels ou prévus, dus à la pollution par les hydrocarbures — notamment le préjudice économique dû à la pollution par les hydrocarbures subi par des personnes dont les biens n’ont pas été pollués.
L’industrie affirme qu’on va trop loin. Selon le projet de loi, elle doit être tenue responsable non seulement des dommages, mais également du préjudice subi par les gens dont la propriété n’a pas été polluée. Elle dit que cette disposition n’a aucun sens.
Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Dans l’ensemble, vous êtes favorable à ces changements. Vont-ils trop loin à cet égard?
M. Ginsberg : Eh bien, je ne parlais pas précisément de la Loi sur la responsabilité en matière maritime du Canada. Je vais laisser M. Ellis se prononcer là-dessus.
M. Ellis : Pour répondre à votre question, madame la sénatrice, je vous dirai que le régime d’indemnisation actuel qui dépend de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires est très restrictif, et que le projet de loi permet de l’étendre en reconnaissant réellement que les dommages dépassent le contact physique avec les hydrocarbures. Alors, dans ce cas, le changement proposé est très sensé. Il n’est pas parfaitement conforme aux conventions internationales, mais la caisse même s’ajoute aux conventions internationales. Je crois que Mme Legars vous en a parlé hier également.
La sénatrice Miville-Dechêne : Pour vous, le libellé actuel est parfait, parce qu’il permet de nouvelles possibilités.
M. Ellis : Je ne me vante pas d’être avocat, parce que je ne le suis pas. Je ne peux donc pas vraiment dire quelles répercussions de deuxième et de troisième ordre ce changement pourrait avoir. J’ai dit toutefois, dans mes commentaires, qu’il faut bien comprendre toutes ces répercussions avant de prendre cette direction, mais que nous devrions bel et bien prendre cette direction.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
La sénatrice Galvez : Un témoin nous a dit ici que les sommes accordées pour les demandes accélérées, articles 725 et 726, sont très modestes. Ces sommes vous paraissent-elles modestes par rapport aux montants qui devraient être réservés pour les sanctions et les urgences? Je parle du montant d’argent en cas de déversement ou d’une urgence.
M. Ellis : Madame la sénatrice, la somme de 35 000 $ s’applique aux demandes qui satisfont à un critère pour être traitées, disons, de façon plus expéditive que les autres demandes plus importantes. Cette limite a été fixée, je crois, parce que ces demandes concernent un événement moins important, moins significatif, comme un incident survenu dans une marina, ou un lieu du même genre. Je n’en suis pas vraiment sûr. C’est donc à 35 000 $ que le plafond de la somme payable a été fixé pour les demandes traitées plus rapidement.
Cette limite peut être haussée à 50 000 $ dans des circonstances exceptionnelles, je crois.
À ce que je comprends, le fonds d’urgence est tout autre chose. La Garde côtière peut obtenir des fonds en cas d’urgence de la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution causée par les hydrocarbures et, de la même manière, le gouvernement canadien peut avancer des fonds à la caisse si cela est nécessaire.
La sénatrice Galvez : J’ai fait une erreur, je crois. L’article 744 traite des sanctions de 50 000 $ et de 250 000 $.
M. Ellis : Pour ce qui est des sanctions administratives et pécuniaires, nous appuyons l’idée d’un régime de sanctions administratives pécuniaires, ou SAP, accru principalement pour restaurer ou améliorer la confiance dans le système canadien. Le cas du Marathassa, par exemple, qui traîne depuis un certain temps devant les tribunaux, mine la confiance des gens dans le système. Ce serait peut-être alors une façon de corriger la situation.
Cela étant dit, ce serait pour beaucoup une exception dans l’industrie. M. Ginsberg a surtout parlé, je crois, d’initiatives de plein gré prises par l’industrie du transport maritime pour favoriser la durabilité de ce mode de transport. Dans l’ensemble, les gens de l’industrie sont très francs, ils sont tournés vers l’avenir et ils suivent les règles consciencieusement. Voilà comment l’industrie se comporte.
Je vais utiliser l’association Green Marine comme exemple. Cette association de l’industrie devance les législateurs et encourage ses membres à dépasser les normes environnementales réglementaires.
[Français]
La sénatrice Gagné : Existe-t-il des recherches ou des données sur la détermination d’une sanction financière effective qui ne serait pas perçue comme étant un simple coût d’exploitation? Avons-nous une idée de ce que pourrait être un montant dissuasif?
M. Ellis : Je regrette, nous n’avons certainement pas fait de recherche sur cette question, et je ne suis pas au courant de quelqu’un qui en aurait fait.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Monsieur Ginsberg, vous aimeriez que la durée des arrêtés d’urgence soit allongée à deux ou trois ans, au lieu de demeurer à un an, comme cela est le cas actuellement. Cela m’étonne un peu. J’ai vraiment eu l’impression pendant votre exposé que vous vouliez faire avancer les choses. Dans la plupart des autres lois, les arrêtés d’urgence doivent être approuvés par le Cabinet dans les 14 jours.
Pourquoi estimez-vous qu’un arrêté d’urgence devrait rester en vigueur jusqu’à trois ans? Ne craignez-vous pas que cela amène à négliger totalement la consultation des intervenants?
M. Ginsberg : Bonne question, monsieur le sénateur. En ce qui concerne la durée d’un arrêté d’urgence, je suis d’accord avec la sous-ministre adjointe qui a comparu devant vous hier et précisé que même si un arrêté d’urgence peut durer une année, ou peut-être plus, cela ne veut pas dire pour autant qu’il sera en vigueur tout ce temps. Toutefois, cette marge de manœuvre permet au gouvernement et à l’industrie maritime de s’attaquer aux risques et de s’occuper de situations qui ne sont pas toujours prévisibles. Cette disposition législative est une mesure de précaution.
En outre, le projet de loi vise à catalyser le processus réglementaire. Il peut arriver qu’un arrêté d’urgence court et bref résolve le problème, mais, en général, il faut créer, à partir de l’expérience vécue, une réglementation solide qui n’existe tout simplement pas. L’appareil réglementaire doit se mettre à l’œuvre pendant que l’arrêté d’urgence a cours pour fournir ces mesures de reddition de comptes et de consultation dont vous avez parlé. Si l’idée est de prendre un règlement, alors pourquoi ne pas simplement le faire au lieu de s’adresser au Cabinet? Mettons l’appareil réglementaire à l’œuvre.
Le sénateur Cormier : Merci de vos exposés, messieurs.
[Français]
Ma question s’adresse à M. Ellis. Le projet de loi C-86 accorderait à Pêches et Océans Canada le pouvoir de prendre des mesures pour prévenir, contrer, réparer ou réduire les dommages dus à la pollution s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un bâtiment a rejeté ou rejette ou pourrait rejeter un polluant. Vous ai-je bien entendu? Je n’ai pas votre allocution sous les yeux, mais vous disiez que la notion de prévention n’était pas suffisamment prise en compte dans le projet de loi actuel, n’est-ce pas?
M. Ellis : Je vous remercie de votre question. Je pense que si nous sommes dans une position pour agir avant qu’un déversement se produise, c’est tout de même un élément de prévention. Toutefois, il y a autre chose qui pourrait aider, comme les programmes de sensibilisation et d’éducation, et des initiatives de recherche et de développement. C’est tout simplement le point que je voulais apporter. Ce dont on parle beaucoup aussi, c’est le fait de faciliter l’action en anticipant un déversement ou un événement de pollution quelconque. C’est très tard.
Je vous ferai remarquer que, par contre, les événements de pollution, de déversement et de marée noire sont très rares, au Canada en particulier. Comme on vous l’a souligné hier, malgré le fait que l’expédition de pétrole et le trafic maritime continuent d’augmenter au niveau mondial, les événements de pollution vont en diminuant, et ils diminuent aussi en quantités déversées lorsque des déversements se produisent.
Le sénateur Cormier : Je suis originaire de la côte atlantique, plus précisément de la région de la péninsule acadienne et du golfe du Saint-Laurent, là où il y a beaucoup de pêcheurs. Pour ce qui est de la question de la prévention, croyez-vous que l’industrie de la pêche est suffisamment consciente des dangers? S’il fallait la prévenir, est-ce qu’il y a quelque chose que l’on devrait inscrire dans la loi ou dans la réglementation qui favoriserait une initiative de la part du gouvernement afin de sensibiliser l’industrie de la pêche, par exemple?
M. Ellis : Je regrette, sénateur, je suis très mal placé pour parler de l’industrie de la pêche, je la connais très peu. L’organisme Clear Seas est vraiment axé sur le trafic marchand commercial.
Le sénateur Cormier : Pour conclure, est-ce que, à votre avis, le projet de loi devrait contenir quelque chose qui traite de la question de la prévention, comme vous en avez parlé, de campagnes de sensibilisation ou d’autres initiatives? Est-ce que le projet de loi devrait inclure quelque chose en ce sens?
M. Ellis : Comme plusieurs en ont fait la remarque, il y a déjà beaucoup d’éléments qui sont inclus dans le projet de loi que vous étudiez en ce moment. Je pense que ce qui aurait pu être envisagé, c’est que la question de la prévention soit traitée un peu plus en profondeur.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Merci d’être ici, monsieur Ginsberg. Je crois que vous avez parlé, plus tôt dans vos commentaires, de 27 000 donateurs; est-ce exact?
M. Ginsberg : J’ai dit 20 000.
Le sénateur MacDonald : D’accord, 20 000. S’agit-il tous de donateurs canadiens? Y a-t-il des Américains ou des non-résidents dans ce nombre?
M. Ginsberg : Je ne prétends pas connaître le nom de tous nos donateurs, mais je sais que nous avons 20 000 donateurs répartis partout au Canada.
Le sénateur MacDonald : Ce nombre inclut-il des non-résidents?
M. Ginsberg : Je ne sais pas.
Le sénateur MacDonald : Représenteraient-ils un nombre distinct? Ce nombre de 20 000 inclut-il des donateurs qui ne sont pas canadiens, ou s’agit-il tous de donateurs canadiens?
M. Ginsberg : À ce que je sache, les 20 000 donateurs sont tous Canadiens. Je ne m’occupe pas du volet philanthropique de l’organisation, mais c’est ce que je comprends.
Le sénateur MacDonald : C’est plus prudent ainsi.
Savez-vous si des organisations, tout particulièrement des organisations étrangères, font des dons?
M. Ginsberg : Il se peut, monsieur le sénateur, que certains donateurs soient des organismes de charité. Je ne prétends pas connaître leur situation.
Le sénateur MacDonald : Pourriez-vous trouver l’information?
M. Ginsberg : En toute franchise, je ne vois pas en quoi cela est pertinent pour notre discussion, mais si vous pouvez me l’expliquer, je vous en serais reconnaissant.
Le sénateur MacDonald : Comme Canadien, je crois que la source du financement est importante. Je veux savoir qui s’investit dans ce domaine et pourquoi. Je ne remets pas votre travail en question. Je suis simplement curieux de savoir d’où l’argent provient pour une organisation comme celle-là, parce que beaucoup d’argent qui vient de l’étranger est investi dans ce genre d’initiatives. J’aimerais savoir si cette information est disponible. C’est tout.
M. Ginsberg : Je ne sais pas si elle est disponible. Je peux dire, toutefois, que la grande majorité de nos donateurs sont Canadiens. Je ne sais pas si d’autres personnes intéressées à la protection de l’environnement canadien appuieraient également notre travail. S’il y en a, j’en suis très heureux.
Le sénateur MacDonald : Très bien. Merci.
Le président : Est-ce que Tides Canada donne de l’argent à votre organisation ou Tides United States?
M. Ginsberg : Je ne sais pas.
Le président : Ont-ils déjà donné de l’argent?
M. Ginsberg : Je ne sais pas.
Le sénateur Plett : Ce n’est pas de l’acharnement, mais je crois que le sénateur MacDonald a posé une question claire. M. Ginsberg peut-il fournir cette information? Je crois que la question est pertinente, et je suis sûr que l’information existe. Alors, je demanderais, monsieur le président, que M. Ginsberg fournisse l’information à la greffière pour notre étude.
Le président : Merci beaucoup.
Merci à nos témoins. Nous n’avons pas d’autres questions.
Nous allons poursuivre notre séance à huis clos.
Merci, messieurs Ginsberg et Ellis.
(La séance se poursuit à huis clos.)