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TRCM - Comité permanent

Transports et communications

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule nº 46 - Témoignages du 20 fèvrier 2019


OTTAWA, le mercredi 20 février 2019

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications est ouverte.

Je suis le sénateur Tkachuk. Je suis de la Saskatchewan. Ce soir, nous commençons l’étude du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, ou Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.

Pour cette première séance, nous sommes heureux de recevoir, du ministère des Transports du Canada, M. Lawrence Hanson, sous-ministre adjoint, Politiques, Mme Emilie Gelinas, directrice, Politique maritime intérieure et, de Justice Canada, M. Joseph Melaschenko, qui est avocat-conseil aux Services juridiques de Transports et Infrastructure.

Nos délibérations d’aujourd’hui sont retransmises sur Internet ou à la télévision, alors je vais demander aux sénatrices et au sénateur de se présenter.

La sénatrice Jaffer : Mobina Jaffer, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

La sénatrice Busson : Bev Busson, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.

[Traduction]

Le président : Merci.

Je tiens à remercier les témoins de leur présence. Je crois comprendre que nous avons parmi nous un ou deux sénateurs qui ne font pas partie du comité, alors voici comment nous allons procéder — j’en ai déjà parlé à la sénatrice Jaffer — : lorsque tous les membres auront posé une question, je vais demander à ces personnes si elles ont à leur tour une question à poser. C’est la procédure que nous allons suivre.

Là-dessus, j’inviterais M. Hanson à nous livrer sa déclaration liminaire.

Lawrence Hanson, sous-ministre adjoint, Politiques, Transports Canada : Monsieur le président, nous vous remercions de nous donner l’occasion de nous adresser aux membres du comité aujourd’hui au sujet du projet de loi C-48 et de souligner certaines des considérations importantes qui ont mené à son élaboration.

Les côtes du Canada, du Pacifique à l’Atlantique en passant par l’Arctique, abritent certains écosystèmes exceptionnels qui comptent parmi les plus précieux du monde. Les possibilités économiques, touristiques et récréatives que nos côtes offrent à tous les Canadiens sont nombreuses. C’est pourquoi le gouvernement du Canada s’engage à offrir un transport maritime sécuritaire, viable et efficace qui améliore la sécurité maritime et le transport responsable, tout en appuyant la croissance économique.

[Français]

En tant que ministère responsable de la réglementation du régime de sécurité maritime, Transports Canada administre un régime législatif et réglementaire exhaustif qui protège l’environnement marin et qui fait en sorte que le transport maritime demeure sécuritaire et efficace. Le régime de sécurité maritime du Canada est l’un des plus rigoureux au monde. En s’appuyant sur ce bilan d’excellence et sur les mesures de sécurité maritime déjà énoncées dans le cadre du Plan national de protection des océans de 1,5 milliard de dollars que le gouvernement a proposé, le projet de loi C-48 offrirait une protection supplémentaire.

La Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers est une mesure importante pour la protection du littoral nord de la Colombie-Britannique, une région qui compte certains des écosystèmes marins les plus diversifiés de la planète. Le gouvernement estime qu’il est important de protéger ces écosystèmes.

[Traduction]

La zone visée par le moratoire s’étendrait de la frontière canado-américaine du nord jusqu’à la partie continentale de la Colombie-Britannique adjacente à la pointe nord de l’île de Vancouver. Le moratoire protégerait le littoral nord et ses fragiles écosystèmes, y compris l’archipel Haida Gwaii.

Le projet de loi proposé vise principalement à prévenir les incidents de pollution marine. À ce titre, il interdirait aux pétroliers transportant une cargaison de plus de 12 500 tonnes métriques de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants, ou toute combinaison de ceux-ci, de s’arrêter, de charger ou de décharger du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants dans les ports ou les installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique. On veillerait en cela à assurer la protection du littoral dans les eaux de l’entrée Dixon, du détroit d’Hecate et du bassin de la Reine-Charlotte contre la possibilité de déversement de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants provenant de pétroliers.

Le projet de loi proposé est une mesure qui s’ajoute à la zone d’exclusion volontaire des pétroliers, en vigueur depuis 1985. La zone d’exclusion volontaire fait en sorte que les pétroliers chargés qui circulent entre Valdez, en Alaska, et les ports de la côte ouest américaine passent à l’ouest de la limite de la zone d’exclusion pour éviter d’exposer le littoral et les eaux côtières à d’éventuelles pollutions. La mesure législative mettrait en place un nombre sans précédent de mesures de protection environnementale pour le milieu marin dans le Nord de la Colombie-Britannique.

Les dommages à long terme causés par un déversement d’hydrocarbures dans l’eau dépendent d’un éventail de facteurs, dont les conditions météorologiques et les propriétés physiques des hydrocarbures. C’est pourquoi le gouvernement s’est penché sur un certain nombre de propriétés comme la densité, la viscosité et la persistance pour déterminer les produits qu’il convenait d’inclure dans l’annexe des produits interdits. Après de vastes consultations, une approche préventive a été adoptée, et la persistance a été retenue comme propriété de base pour cautionner la consignation d’un produit dans l’annexe. Cette approche cible à la fois le pétrole brut et les hydrocarbures persistants susceptibles de demeurer le plus longtemps dans l’environnement en cas de déversement. Il s’agit de produits comme le bitume partiellement valorisé, le pétrole brut synthétique, le gatsch, le brai de pétrole et le combustible de soute C.

Alors que les produits pétroliers plus légers comme l’essence ou le carburant de turbo moteur finissent par s’évaporer ou par être décomposés par les microbes, les éléments les plus lourds d’autres hydrocarbures plus persistants demeureront dans l’environnement pendant bon nombre d’années. Parallèlement, le projet de loi C-48 continuerait d’autoriser l’expédition d’hydrocarbures non persistants. Cela signifie que les collectivités situées le long de la côte nord de la Colombie-Britannique pourraient profiter de possibilités de développement économique liées aux projets de gaz naturel liquéfié. On a récemment pu voir un exemple de cela avec les annonces qui ont été faites en octobre 2018 au sujet du projet de gaz naturel liquéfié, à Kitimat, en Colombie-Britannique, le plus vaste projet d’infrastructure en son genre au Canada.

Dans le même ordre d’idées, la mesure législative continuerait d’autoriser le ravitaillement des collectivités et des industries. Nous sommes conscients du fait que les collectivités et les industries côtières comptent sur des écosystèmes sains pour protéger leur mode de vie. Depuis plus d’un siècle, la pêche commerciale, les installations de traitement et l’exploitation forestière soutiennent les nombreuses collectivités présentes le long de la côte, et ces activités continuent d’être importantes pour le bien-être de ces collectivités. Les activités portuaires, concentrées autour de Prince Rupert, de Kitimat et de Stewart, et un secteur actif de la pêche récréative et du tourisme continuent d’être de puissants moteurs économiques dans la région. C’est pour cette raison que le projet de loi C-48 continuerait d’autoriser le transport de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants de moins de 12 500 tonnes métriques. Nous sommes conscients du fait que les collectivités et les industries ont besoin de recevoir par bateau les produits pétroliers nécessaires à leur survie.

Ce projet de loi ne vise pas à nuire au ravitaillement des collectivités et des industries ni à l’économie de ces collectivités. Cela dit, le gouvernement a choisi d’inclure des sanctions sévères — des amendes pouvant aller jusqu’à 5 millions de dollars — pour quiconque tenterait de se soustraire au moratoire.

La mesure législative pourrait également être adaptée aux innovations scientifiques et aux progrès technologiques futurs qui seront réalisés au chapitre du transport des hydrocarbures persistants et qui nous permettront de mieux protéger nos eaux. Conformément au projet de loi proposé, s’il est adopté par le Parlement, le gouverneur en conseil aura le pouvoir de modifier l’annexe portant sur les hydrocarbures persistants interdits. Il se peut que l’on envisage d’apporter des modifications à l’annexe à l’issue de l’examen de nouvelles données scientifiques et de nouveaux éléments de preuve caractérisant le sort et le comportement des hydrocarbures persistants lorsqu’ils sont déversés, des progrès accomplis dans le domaine des techniques de nettoyage ou de l’évolution des dispositions institutionnelles relatives aux interventions lors de déversements d’hydrocarbures causés par des navires.

Pour toute modification, il faudra suivre le processus réglementaire, ce qui comprend la publication des modifications dans la Gazette du Canada ainsi que des consultations publiques. Pour dire les choses clairement, la sécurité environnementale et les connaissances scientifiques seraient les principaux aspects qui seraient pris en considération avant d’ajouter des produits à l’annexe ou de supprimer des produits de cette dernière.

Monsieur le président, un autre élément important de l’élaboration de cette mesure législative a été la consultation et la mobilisation. Cet exercice consistant à réunir des Canadiens qui avaient des opinions divergentes sur le projet de loi s’est révélé utile. Les consultations ont été menées auprès d’intervenants de différents milieux, y compris de la communauté maritime, de l’industrie pétrolière et gazière, de groupes environnementaux, des gouvernements provinciaux et des administrations municipales.

Depuis 2016, le gouvernement a tenu près de 75 séances de consultation sur l’amélioration de la sécurité maritime et l’officialisation du projet de moratoire relatif aux pétroliers. Nous avons aussi reçu plus de 80 mémoires sur le projet de loi et nous avons tenu 21 tables rondes et réunions bilatérales avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les intervenants de l’industrie et les collectivités de partout au Canada. De plus, pour faciliter la discussion avec ceux à qui nous n’avons pas pu parler en personne, nous avons mis au point un portail en ligne où environ 330 Canadiens ont pu nous communiquer leurs observations, leurs propositions et leurs points de vue au sujet du moratoire et de la sécurité maritime.

J’aimerais maintenant parler plus particulièrement des activités qui ont été déployées pour mobiliser les groupes autochtones. Nous reconnaissons que les Premières Nations de la côte nord de la Colombie-Britannique ont des traditions culturelles et spirituelles distinctes qui sont intimement liées à l’environnement maritime dans lequel elles vivent. Nous comprenons que ces environnements soutiennent la relation importante que les peuples des Premières Nations entretiennent avec les eaux côtières. Ces Premières Nations dépendent de ces voies navigables pour leur subsistance, leur sécurité alimentaire, leurs activités culturelles et, bien sûr, leur transport. Le gouvernement a consulté sérieusement certains groupes autochtones des régions côtières et continentales avant d’élaborer son projet de loi. En fait, les points de vue ainsi recueillis ont servi à orienter les paramètres de la loi, notamment en ce qui concerne la nécessité du ravitaillement des collectivités et des industries.

Des réunions ont eu lieu avec tous les groupes autochtones le long de la côte septentrionale et de la côte centrale de la Colombie-Britannique qui seraient touchés par le projet de loi ou qui ont exprimé un intérêt à cet égard. Presque toutes les communautés côtières, y compris la Première Nation Metlakatla, la nation haïda et la nation heiltsuk, ont exprimé leur appui pour le projet de loi proposé. Cela dit, le gouvernement sait pertinemment que les collectivités côtières autochtones ne sont pas toutes sur la même longueur d’onde en ce qui a trait à cette mesure législative.

Au cours des consultations auprès des différents groupes autochtones de la Colombie-Britannique, divers points de vue ont été exprimés sur le moratoire et sur l’amélioration de la sécurité maritime. Certains groupes, comme les Lax Kw’alaams et la nation nisga’a s’opposent au moratoire, car ils pensent que la loi projetée freinera leur développement économique. Toutefois, l’importance accordée aux mesures de protection de l’environnement pour les habitants de la région a été très clairement exprimée.

[Français]

Tout cela pour dire que nous nous sommes efforcés d’écouter les préoccupations de l’ensemble du pays et des collectivités concernées.

Merci, honorables sénateurs, de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous à propos de ce projet de loi. C’est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je vous remercie de votre présentation. Je suis de la côte est du Nouveau-Brunswick, où est situé le port de Saint-Jean, un port important où s’effectue du transport pétrolier.

Je veux bien comprendre la situation. En ce qui a trait à ce projet de loi, il y a bien sûr les positions générales de l’industrie, la position des environnementalistes, qui est différente, et les Premières Nations qui sont très engagées dans cette réflexion.

Comment le gouvernement actuel et le ministère des Transports ont-ils procédé aux consultations? Pouvez-vous nous expliquer quelle est la différence entre la côte Est et la côte Ouest à ce sujet? Par exemple, dans le cas des installations actuelles qui se trouvent dans d’autres régions, quelles mesures ces autres régions prennent-elles pour protéger l’environnement ou pour protéger tout ce qui pourrait toucher l’environnement dans lequel les pétroliers circulent?

J’aimerais mieux comprendre quelle est la différence entre la côte Ouest et la côte Est, puisqu’on nous suggérerait de visiter différents ports au pays.

[Traduction]

M. Hanson : Merci, monsieur le sénateur. Je pense qu’il y a quelques questions là-dedans. Je vais essayer de répondre à chacune d’elles. Pour ce qui est de l’approche globale en matière de sécurité maritime, il est important de noter que cette mesure législative s’accompagne du Plan de protection des océans, un programme de 1,5 milliard de dollars conçu pour améliorer la sécurité sur tous les littoraux canadiens. Le plan comprend entre autres de nouveaux investissements non négligeables dans la sécurité maritime et les interventions en mer. L’objectif est de voir à ce que ces questions soient prises en charge d’un océan à l’autre.

En ce qui concerne les enjeux particuliers abordés par ce moratoire, je pense que l’une des choses importantes à noter c’est que l’on accorde une certaine priorité aux questions écologiques. Je ne prétends pas avoir une grande expertise dans ce domaine. Peut-être que les gens du ministère de l’Environnement ou d’autres organismes que vous recevrez dans le cadre de cette étude pourront vous en parler. Il reste que le projet de loi cerne des propriétés tout à fait particulières à cette région, dont la question de la forêt pluviale de Great Bear, pour ne nommer que celle-là.

Un autre aspect qu’il est important de reconnaître, c’est qu’il s’agit d’une région très vaste et très peu peuplée. En fait, une bonne partie n’est pas habitée. Par conséquent, la capacité d’intervention — tant sur le plan de la vitesse d’intervention que des infrastructures disponibles — est un peu différente selon que l’on est dans le Nord ou le Sud de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Cormier : D’après vos consultations, en ce qui a trait aux installations dans l’Est du Canada, comment les mesures de sécurité lors des passages de pétroliers sont-elles constituées et en quoi sont-elles des sources d’inspiration ou non pour ce qui se passe dans l’Ouest du Canada?

[Traduction]

M. Hanson : Pour ce qui est de la genèse même de ce projet de loi, il est important de noter, comme l’a fait remarquer le ministre Garneau dans son témoignage, qu’il s’agissait d’un engagement de campagne du gouvernement, et que la lettre de mandat du ministre des Transports soulignait de manière officielle qu’il devait travailler avec ses collègues d’Environnement, de Pêches et Océans et de Ressources naturelles sur la question très précise d’un moratoire dans le Nord, compte tenu des propriétés distinctes de cette région et des conséquences potentiellement catastrophiques qu’un déversement important pourrait avoir sur elle.

Il y a des centres d’intervention en cas de déversement en milieu marin et d’autres centres qui prennent de l’expansion sur la côte Est au fur et à mesure que le gouvernement investit dans le Plan de protection des océans.

Emilie, je vous invite à intervenir si vous souhaitez ajouter quelque chose à propos de ce plan.

Emilie Gelinas, directrice, Politique maritime intérieure, Transports Canada : En ce qui concerne le Plan de protection des océans et comme M. Hanson l’a mentionné, on accorde beaucoup d’attention à la sécurité maritime sur les trois côtes. C’est un plan quinquennal qui doit mener à la mise en œuvre de diverses mesures. Le gouvernement y a investi 1,5 milliard de dollars. Le projet de loi à l’ordre du jour est complémentaire à l’initiative plus vaste qu’est ce Plan de protection des océans.

[Français]

Le sénateur Cormier : Le projet de loi prévoit à l’article 24 que le gouverneur en conseil peut modifier l’annexe par règlement, par adjonction ou suppression de tout hydrocarbure ou de toute catégorie d’hydrocarbure.

Dans les témoignages du 19 octobre 2017, il a été fait mention que l’annexe énumérant les produits interdits devait rester ouverte en raison des probables avancées scientifiques. Le gouvernement a-t-il envisagé de faire une révision prépériodique obligatoire de l’annexe ou, plus largement, du moratoire, tous les trois ou cinq ans, afin de refléter les découvertes scientifiques et les développements technologiques?

[Traduction]

M. Hanson : C’est une très bonne question. Comme je l’ai dit, l’annexe n’est certainement pas coulée dans le béton. La liste a été établie en fonction de la persistance des différents types d’huile et des essais scientifiques afférents.

Avec le temps, si de nouvelles preuves scientifiques sont mises au jour, si nous estimons être en mesure d’intervenir en cas de déversement, il sera possible de modifier l’annexe, et cela se fera par le truchement du processus réglementaire habituel.

La sénatrice Galvez : Selon un récent sondage de l’Institut Angus Reid, la majorité des Canadiens — 67 p. 100 — s’inquiètent du risque de déversements d’hydrocarbures. Nous avons ici une opposition entre l’industrie pétrolière qui veut des aménagements pour le transport de pétrole et les préoccupations environnementales à propos des déversements.

Ma première question concerne les déversements d’hydrocarbures. En raison de mesures antérieures, le nombre de déversements a diminué au fil du temps. Beaucoup d’écrits rapportent qu’il y a moins de déversements d’hydrocarbures qu’avant. Cependant, lorsque l’on pense au déversement qu’a provoqué l’incident de la plateforme Deepwater Horizon, avec ses 678 000 tonnes, les statistiques ne fonctionnent plus. Le risque de déversements d’hydrocarbures existe.

Pour répondre à la question de mon collègue, le sénateur Cormier, nous avons eu une douzaine de déversements sur la côte Est : le pétrolier Arrow, en Nouvelle-Écosse, le pétrolier Golden Robin, au Québec, le pétrolier Kurdistan, en Nouvelle-Écosse, le chaland-citerne Nestucca et le Nancy Orr Gaucher. Il y a beaucoup de déversements d’hydrocarbures.

Je pense que la grande question est la suivante : dans quelle mesure sommes-nous prêts à répondre? Vous dites que la taille maximum sera de 12 000 tonnes, mais cela reste un gros bateau. C’est plus gros qu’un Panamax. C’est un bâtiment de 245 mètres de longueur.

J’aimerais que vous me parliez des risques de déversements et de notre état de préparation pour ce qui est de répondre à des déversements pour les types d’huiles que vous avez mentionnées, c’est-à-dire les huiles légères et les huiles persistantes. J’aurai une question complémentaire.

M. Hanson : Merci. Pour ce qui est de la sécurité maritime en général et du risque de déversements, vous avez tout à fait raison sur les deux points, à savoir que le bilan s’améliore en ce qui concerne le nombre de déversements, mais qu’il continue à y en avoir. Cela renvoie à l’engagement pris par le gouvernement dans le cadre du Plan de protection des océans de veiller à ce que l’augmentation de la circulation à divers endroits s’accompagne d’une augmentation de la capacité au chapitre des remorqueurs, de la capacité de nettoyage et des capacités dont disposent les stations de la Garde côtière pour réagir au fait que des accidents continuent de se produire, même s’ils sont en déclin.

La propriété clé qui a permis de déterminer quelles huiles se sont retrouvées dans l’annexe de ce projet de loi est celle de la persistance. Sans vouloir trivialiser l’importance des déversements, il faut reconnaître que les propriétés d’huiles plus légères comme le carburéacteur ou l’essence sont nettement différentes des huiles plus lourdes puisque les huiles légères s’évaporent ou se décomposent plus facilement sous l’action des microbes.

Le problème du pétrole brut et des pétroles persistants qui sont plus lourds, c’est qu’ils ont tendance à ne pas se disperser de cette façon. Ils resteront dans l’environnement beaucoup plus longtemps. C’est pour cette raison que ces produits sont considérés comme étant plus risqués pour les écosystèmes, et que l’annexe est conçue pour faire la distinction entre les huiles brutes et persistantes et les autres types d’huiles plus légères.

La sénatrice Galvez : Je veux aussi vous interroger au sujet des mesures d’urgence. Les agents dispersants sont bien connus, et ils sont utilisés à la suite de déversements de pétrole en vue de disperser le pétrole en petites gouttes qui se dégraderont par la suite.

Après l’expérience liée à la plateforme Deepwater Horizon, de nombreuses études ont démontré que l’application d’agents dispersants très concentrés peut être plus toxique que le pétrole lui-même. Cela a été prouvé après l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon.

Quelles autres mesures d’urgence peuvent être prises?

M. Hanson : Je veux m’assurer que je comprends bien votre question. Concerne-t-elle les différents types de pétrole et la façon dont ils peuvent être nettoyés?

Je dois avouer que la question des répercussions précises et du moyen le plus efficace de nettoyer les différents types de pétrole dépasse mes compétences. Toutefois, je sais que ces compétences existent au sein du gouvernement du Canada, du ministère des Ressources naturelles et ailleurs. C’est avec plaisir que nous vous fournirons de plus amples renseignements à ce sujet.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question qui concerne le rapport WSP que Transports Canada a commandité en 2014.

J’ai lu le rapport exécutif qui indique que les deux régions les plus à risque de marée noire sont le golfe du Saint-Laurent et le Sud de la Colombie-Britannique. On a beaucoup parlé de ce rapport dans le cadre du débat. Si ce sont les deux endroits où les marées noires sont les plus probables, pourquoi alors interdire les pétroliers dans le Nord de la Colombie-Britannique? Comme vous avez commandité cette étude, j’aimerais que vous répondiez à cette question.

[Traduction]

M. Hanson : Je vous remercie beaucoup de votre question. L’étude à laquelle vous faites allusion a été commandée par Transports Canada en 2013, je crois, pour répondre à un rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable. Il est important de comprendre la nature de l’étude. C’était censé être une analyse des risques associés aux déversements potentiels. Vous avez absolument raison, madame la sénatrice : c’est bien là qu’on observait les niveaux de risque les plus élevés.

Je précise encore une fois que cela découlait, du moins en grande partie, des tendances qui existaient en matière de circulation dans le sud, comparativement à la circulation dans le nord. Évidemment, à ce moment-là — et cela se poursuit de nos jours — d’énormes bâtiments dotés de larges cales se déplaçaient dans cette région et, par conséquent, le facteur de risque était très différent.

Si un moratoire relatif aux pétroliers n’avait pas été prévu et s’il y avait eu un important projet de ressources, un grand nombre de pétroliers auraient circulé dans la région, et les facteurs de risque auraient augmenté en conséquence.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Justement, sur cette question, avez-vous fait des évaluations, des études, des calculs ou des algorithmes pour mesurer les risques, ou élaboré l’index de risques dans le Nord de la Colombie-Britannique s’il y avait un déversement de pétrole? S’il y avait un pipeline qui y passait ou, effectivement, un transport de pétrole plus important dans le Nord de la Colombie-Britannique, existe-t-il des données qui nous permettraient de mesurer le risque de marée noire?

[Traduction]

M. Hanson : En fait, c’est l’une des autres raisons pour lesquelles le gouvernement considère qu’il est important de prévoir un moratoire dans le contexte actuel. Pour être franc, ces voies navigables et cet écosystème sont moins bien compris que ceux du sud. Les conséquences actuelles sont moins faciles à saisir parce que, d’un point de vue scientifique, nous avons tendance à moins connaître ces eaux.

Donc, conformément au principe de précaution et en partie parce que nous en savons moins sur ces eaux... C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement souhaite préparer un moratoire.

[Français]

La sénatrice Gagné : Il existe en ce moment une zone d’exclusion volontaire. Je crois que c’est ainsi qu’on l’indique en français. Cette zone d’exclusion volontaire des pétroliers existe depuis 1985. Ce que je me pose comme question, c’est quelle est la motivation première pour l’officialisation d’un moratoire déjà en place? Le moratoire n’était-il pas respecté? Y avait-il de possibles initiatives économiques, des projets qui s’annonçaient, qui laissaient entrevoir que le moratoire ne serait pas respecté? J’essaie de comprendre ce qui a motivé cette décision.

[Traduction]

M. Hanson : Merci beaucoup. Je vais faire la distinction entre la zone actuelle d’exclusion des pétroliers et l’objectif du moratoire.

La Zone volontaire d’exclusion des pétroliers, que le Canada et les États-Unis ont négociée et qui est en vigueur depuis 1985, vise précisément les pétroliers chargés qui partent de l’Alaska et qui se déplacent le long de la côte ouest afin de livrer leur chargement dans des ports de la côte ouest des États-Unis. En vertu de la zone d’exclusion, les bâtiments chargés doivent rester à l’ouest d’une certaine ligne de démarcation qui, à l’extrémité la plus large de la zone, se trouve à 70 milles marins du littoral. La zone se rétrécit à mesure qu’elle se rapproche du détroit de Juan De Fuca. La taille de la zone d’exclusion est essentiellement fondée sur des scénarios dans lesquels un bâtiment pourrait dériver et le temps nécessaire pour mobiliser une capacité d’intervention.

Je le répète, cette zone est prévue précisément pour les bâtiments qui se déplacent de façon continue de l’Alaska à la zone continentale des États-Unis.

En revanche, le moratoire relatif aux pétroliers met l’accent sur les bâtiments qui longeront la côte nord de la Colombie-Britannique en leur interdisant de s’arrêter et de charger ou décharger du pétrole dans des ports canadiens ou des installations maritimes, c’est-à-dire des installations reliées à la terre ferme, au-delà d’un certain seuil.

La zone et le moratoire se complètent assurément l’un l’autre, mais leur structure et leur objectif sont distincts.

[Français]

La sénatrice Gagné : J’aurais une question concernant la terminologie. Pour quelle raison avez-vous utilisé un moratoire et non une interdiction ou une suspension? Habituellement, un moratoire est en place jusqu’à un certain point, pendant une certaine limite de temps, alors pourquoi cette terminologie de moratoire a-t-elle été utilisée plutôt qu’une interdiction ou autre chose?

[Traduction]

M. Hanson : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne la distinction entre certains mots, je ne suis pas certain de pouvoir trancher. Je vais peut-être demander à Joe s’il peut fournir des précisions en ce qui a trait à la différence entre les termes. Personnellement, je ne suis pas tout à fait certain de la connaître. Cependant, je vous ferai remarquer que, quelle que soit la terminologie utilisée, les conséquences pratiques actuelles de la mesure législative sont très claires.

Joseph Melaschenko, avocat-conseil, Services juridiques de Transports et Infrastructure, ministère de la Justice Canada : Oui. Pour appuyer simplement les paroles de mon collègue, je peux confirmer que, d’un point de vue légal, le terme utilisé n’a pas une incidence considérable sur le projet de loi.

Le sénateur Wells : Je vous remercie, messieurs les témoins, de comparaître devant nous.

Êtes-vous d’avis qu’aucune autre mesure qu’un moratoire — une interdiction absolue — ne pourrait être prise pour protéger l’environnement?

M. Hanson : Le gouvernement a...

Le sénateur Wells : Est-ce votre avis? Je comprends les actions du gouvernement, et je comprends ce que vous avez mentionné au sénateur Cormier au sujet de la promesse électorale et des énoncés de la lettre de mandat, qui sont davantage des raisons politiques que des motifs visant à justifier le bien-fondé de la mesure législative. En tant que fonctionnaire du ministère, que croyez-vous?

M. Hanson : Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le sénateur, en ma qualité de haut fonctionnaire, il convient que je parle du gouvernement, de sa mesure législative et de ses intentions et que je réponde de mon mieux aux questions à ce sujet, mais il n’est pas vraiment approprié que j’utilise cette tribune pour exprimer mes opinions personnelles.

Le sénateur Wells : Je cherchais à connaître votre opinion professionnelle.

M. Hanson : Je ne vais pas prétendre être un scientifique ou être titulaire de titres de compétences que je ne détiens pas, mais je vous dirai qu’à cet égard, le gouvernement estime que si l’on tient compte de la région et de notre compréhension limitée de la nature de l’écosystème, à certains égards, ainsi que des différentes capacités d’intervenir immédiatement dans le contexte actuel, c’est la mesure qu’il convient de prendre par prudence, compte tenu des effets peut-être importants que le moratoire pourrait avoir.

Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre réponse. Connaissez-vous la baie Placentia de Terre-Neuve?

M. Hanson : J’avoue l’avoir visité, mais je ne peux prétendre être un expert à son égard.

Le sénateur Wells : J’ai donc l’occasion de parler un peu de la baie Placentia. J’habite très près de cette baie qui compte : 370 îles; des centaines d’entreprises de pêche; des dizaines de collectivités; des exploitations aquacoles; la réserve écologique du cap St. Mary’s, qui abrite l’une des plus importantes populations d’oiseaux de mer du monde, des baleines, des marsouins et des dauphins; des traversiers qui sillonnent l’océan Atlantique quotidiennement; des usines de transformation du poisson et des usines de traitement du nickel visitées quotidiennement par des minéraliers; et, enfin, à son extrémité, l’installation de stockage du pétrole de Whiffen Head et une importante raffinerie de pétrole qui a été conçue, construite et exploitée précisément pour raffiner du combustible de soute C, qui fait partie des pétroles les plus sales de la planète.

En fait, Whiffen Head et la raffinerie de pétrole se trouvent à l’extrémité de la baie Placentia, soit à un peu plus de 100 milles de distance, une distance parcourue par 3 584 bâtiments qui, en 2017, ont transporté 2,6 milliards de barils de pétrole.

Je crois que personne ici ne doute ni de la beauté de la côte de la Colombie-Britannique ni du fait qu’elle mérite d’être protégée. Malgré les centaines de pétroliers des transporteurs de pétrole et les navires des entreprises de pêche qui traversent la baie Placentia chaque mois, il n’y a eu aucun déversement de pétrole.

J’essaie de déterminer si la Colombie-Britannique est plus belle que Terre-Neuve et plus digne de protection. Dans le cadre des mesures qui sont prises dans cette ZEGO, cette zone étendue de gestion des océans que nous avons établie dans la baie Placentia, tous les intervenants se réunissent et s’entendent pour mettre en œuvre des restrictions relatives aux états de la mer et pour suivre des cours de formation supplémentaires. De plus, le Système de surveillance des navires, ou SSN, est constamment en marche sur tous les navires. Y a-t-il un meilleur moyen de faire les choses que de simplement fermer la porte à toutes les possibilités économiques, le genre de possibilités économiques dont profitent les exploitations commerciales de la baie Placentia? Y a-t-il une meilleure approche qu’un moratoire?

M. Hanson : Monsieur le sénateur, bien que j’aie déclaré ne pas vouloir exprimer mes opinions personnelles, je tiens à préciser que jamais je ne comparaîtrais devant votre comité ou un autre comité pour soutenir qu’une partie du pays est plus belle ou importante qu’une autre.

Le sénateur Wells : Ou plus digne de protection.

M. Hanson : En particulier, en ce qui concerne ma province d’origine, la Saskatchewan. Il est important de noter qu’en ce qui a trait au projet de loi et à l’ensemble des activités économiques, l’annexe a été établie de manière à ne pas englober le gaz naturel liquéfié, par exemple. Cela permettra de mettre en œuvre le projet de LNG Canada, c’est-à-dire le plus important projet d’infrastructures du secteur privé de l’histoire du Canada. Il s’agit d’un énorme projet qui, malgré l’existence de ce moratoire, ira tout de même de l’avant sur la côte nord de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Wells : Ma dernière question est la suivante : au cours des délibérations qui ont mené à l’établissement d’un moratoire prescrit par la mesure législative, la possibilité d’étendre ce moratoire à d’autres zones côtières du Canada a-t-elle été discutée?

M. Hanson : Je ne crois pas être en mesure de parler des délibérations qui ont eu lieu dans le cadre de l’élaboration des options stratégiques. Cependant, je fais valoir de nouveau le fait que la nature de cette approche, à savoir l’imposition d’un moratoire dans cette région particulière, faisait partie de la plateforme du gouvernement et, ultérieurement, de la lettre de mandat que le premier ministre a adressée au ministre des Transports.

La sénatrice Dasko : Premièrement, je vais donner suite aux questions posées par la sénatrice Gagné. Le moratoire établit-il essentiellement la même ligne de démarcation que le moratoire volontaire? Faisons-nous face à des différences en matière de limites, par rapport au moratoire volontaire?

Pourquoi a-t-il été nécessaire d’intégrer le moratoire volontaire dans la mesure législative, si le moratoire volontaire fonctionnait déjà bien? Voilà en quoi consistent mes premières questions.

M. Hanson : Merci, madame la sénatrice. Le moratoire ne donne pas force de loi à ce qui est actuellement une zone d’exclusion volontaire des pétroliers. Il y a des liens entre le moratoire et la zone d’exclusion, mais il s’agit de mesures distinctes.

Pour commencer, la ligne de démarcation associée à la zone d’exclusion des pétroliers s’étend le long de la côte ouest, de l’Alaska à la région continentale des États-Unis. Elle s’élargit vers l’ouest, puis commence à s’amincir à mesure qu’elle se rapproche des États-Unis. Elle concerne les pétroliers chargés qui se déplacent continuellement le long de la côte, sans s’arrêter, afin de transporter vers des ports américains du pétrole provenant du système d’oléoducs Trans-Alaska.

Cela diffère du moratoire tant sur le plan géographique qu’au chapitre des objectifs visés. D’un point de vue géographique, la ligne de démarcation du moratoire s’étend de la frontière entre l’Alaska et le Canada jusqu’à la partie du littoral qui est alignée sur la pointe nord de l’île de Vancouver, et elle ne vise pas les bâtiments qui voyagent continuellement entre l’Alaska et les États-Unis. Le moratoire cherche plutôt à empêcher les bâtiments qui dépassent un certain seuil de s’arrêter dans des ports canadiens situés dans la région visée par le moratoire.

La sénatrice Dasko : Il y a donc une véritable différence et, par conséquent, la motivation de cette mesure était de passer d’une zone d’exclusion volontaire à quelque chose de différent?

M. Hanson : La Zone d’exclusion volontaire des pétroliers ne change pas vraiment puisqu’elle demeure telle qu’elle était. La mesure législative met en œuvre un nouveau niveau de protection complémentaire qui vise précisément une certaine partie de la côte nord de la Colombie-Britannique, ainsi que les bâtiments qui s’arrêtent pour charger ou décharger leur cargaison.

La sénatrice Dasko : Vous avez parlé des consultations que vous avez menées auprès de divers intervenants. Décrivez-nous en détail vos consultations avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, soit le présent ou l’ancien gouvernement, selon le moment où vous avez amorcé votre initiative liée au projet de loi. Comment les avez-vous consultés? Quelle était leur position? Y a-t-il quelque chose que vous pouvez nous révéler à propos de la participation de la province à cette initiative et de son opinion à ce sujet?

M. Hanson : Je vous remercie de votre question. Je vous ferai remarquer que je ne suis pas certain du moment précis où les consultations avec la province de la Colombie-Britannique ont eu lieu ni de la nature de ces consultations. En fait, elles se sont déroulées avant mon arrivée au ministère. Emilie, si vous êtes au courant, je vous prie d’intervenir.

Mme Gelinas : Nous pouvons vous fournir cette information plus tard. Comme M. Hanson l’a indiqué au cours de ses observations, une série de tables rondes et de réunions bilatérales ont eu lieu, auxquelles ont participé un certain nombre d’intervenants. Les gouvernements provinciaux ont été consultés, mais, si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements à ce sujet, je crois que nous allons devoir faire un suivi à cet égard.

La sénatrice Dasko : Quelle était leur position par rapport à la mesure législative?

M. Hanson : Je dois avouer que je ne tiens pas à rapporter incorrectement cette information, car leur position pourrait comporter des nuances que j’ignore. Par conséquent, je préférerais vous fournir l’information plus tard, plutôt que de risquer de déformer la position du gouvernement de la Colombie-Britannique.

Le président : Pourriez-vous nous faire parvenir la position de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan?

M. Hanson : Oui, bien sûr. C’est avec plaisir que nous vous fournirons tout ce qui figure dans les comptes rendus au sujet de leurs positions à cet égard.

La sénatrice Dasko : Votre ministère a-t-il commandé des recherches sur l’opinion publique concernant le moratoire, ayant été effectuées en Colombie-Britannique ou à l’échelle nationale, ou, à votre connaissance, de telles recherches ont-elles été effectuées?

M. Hanson : Je ne crois pas que le ministère en ait effectué, mais nous chercherons à confirmer cette information.

La sénatrice Simons : Je vous sais gré, monsieur Hanson, d’avoir mentionné que, bien entendu, les pipelines de gaz naturel liquéfié pourront tout de même être exploités dans cette région, ce qui est merveilleux pour l’industrie du gaz naturel de la Colombie-Britannique, mais beaucoup moins bien pour l’industrie pétrolière de l’Alberta.

Êtes-vous préoccupés par le fait que, en déclarant un moratoire sur les pipelines de pétrole lourd ou brut dans cette région, vous allez peut-être imposer un fardeau indu aux ports du sud de la Colombie-Britannique, parce que tous les pipelines à venir devront aboutir là-bas?

M. Hanson : C’est une excellente question. Si vous examinez les tendances actuelles en matière de trafic dans le port de Vancouver, vous constaterez qu’il augmente radicalement depuis maintenant plusieurs années. Si vous étudiez la capacité des terminaux du port de Vancouver, vous remarquerez qu’elle a été multipliée par neuf depuis 1995.

Nous avons le sentiment que, du moins pour le moment, un moratoire de cette nature n’imposera pas un fardeau indu, au-delà de ce qui est déjà prévu. Comme bon nombre de sénateurs le savent, les responsables du port cherchent déjà à accroître son empreinte en construisant d’autres terminaux portuaires.

La sénatrice Simons : L’oléoduc TMX actuel est bien beau, mais il me semble que, lorsque le premier ministre avait présenté le moratoire en premier lieu, il s’agissait en quelque sorte d’une entente globale liée à l’approbation de la nouvelle ligne de l’oléoduc TMX, l’entente étant que la Colombie-Britannique allait accepter cette nouvelle ligne, mais que, en contrepartie, le nord de son territoire ferait aussi l’objet d’une attention accrue en matière de sécurité et de protection.

Puisque la nouvelle ligne de l’oléoduc TMX n’est pas en construction, est-il raisonnable de mettre en place ce moratoire qui laissera l’Alberta dans l’impossibilité d’acheminer son pétrole vers les marchés?

M. Hanson : Merci de la question. Je dirais que le gouvernement du Canada continue, bien sûr, d’avoir pour objectif de construire ce pipeline et qu’il a pris des mesures très concrètes en ce sens.

La sénatrice Simons : Nous l’avons acheté.

M. Hanson : On ne peut pas être plus concret que cela.

Les efforts déployés pour le projet du pipeline TransMountain ainsi que pour le gaz naturel liquéfié témoignent bien de la détermination à continuer de permettre la réalisation de projets de développement à grande échelle.

La sénatrice Simons : J’ai entendu des choses un peu contradictoires. Certains disent que le moratoire ne s’appliquera pas aux Américains et que ceux-ci pourront continuer à transporter leur pétrole. Je ne sais pas si l’on veut dire par là qu’ils pourront toujours le faire à l’extérieur de la zone d’exclusion.

J’ai parlé à un résidant de la Colombie-Britannique qui envisage une éventuelle situation où il serait interdit aux pétroliers canadiens de se déplacer, alors que les pétroliers américains pourraient le faire. En cas de déversement dans ce contexte, rien n’empêcherait le pétrole de se retrouver dans ces zones fragiles. Pouvez-vous me dire ce qu’il en est exactement? Comment dois-je interpréter les propos de ces gens qui font valoir que la loi va toucher uniquement les Canadiens, mais pas les Américains?

M. Hanson : Je vais vous parler du moratoire en tant que tel. Il doit s’appliquer à tous les navires circulant dans la zone visée qui transportent plus de 12 500 tonnes métriques de pétrole brut.

La sénatrice Simons : Qu’ils soient américains, russes, ou peu importe.

M. Hanson : Le pavillon du navire n’aurait aucune importance dans ce contexte.

La sénatrice Simons : Mais les navires américains pourraient toujours transporter du pétrole en provenance de l’Alaska?

M. Hanson : Le moratoire a pour but d’empêcher les navires ciblés de s’arrêter, de charger ou de décharger du pétrole brut dans la zone visée. Les pétroliers américains dont il est question ici ne naviguent pas dans cette zone, pas plus qu’ils ne s’y arrêtent ou qu’ils n’y déchargent quoi que ce soit. Ils suivent un itinéraire contigu à la zone d’exclusion des pétroliers.

La sénatrice Simons : Merci, monsieur Hanson.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Quel pourcentage du littoral pouvant accueillir des navires de grande amplitude le moratoire touchera-t-il?

[Traduction]

M. Hanson : Je suis désolé, mais je n’ai pas le pourcentage exact. Il y a dans la loi...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Si je vous disais à peu près 95 p. 100.

[Traduction]

M. Hanson : Si vous regardez la carte, la zone va de la frontière jusqu’à la pointe...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous partez de l’Alaska jusqu’à la pointe nord de l’île de Vancouver. L’intérieur de l’île n’est pas navigable, parce qu’il n’y a pas de navires qui peuvent traverser, ils doivent traverser entre les États-Unis et le Canada, ce qui représente environ 5 p. 100 du littoral navigable. Donc, environ 95 p. 100 du littoral navigable ne sera plus autorisé aux navires contenant du pétrole lourd. Est-ce exact?

[Traduction]

M. Hanson : Je ne pourrais pas vous dire exactement quelle proportion du littoral de la Colombie-Britannique est visée par le moratoire. Je répète que cette zone demeurera navigable pour tous les navires dont le chargement est inférieur au seuil prévu dans le projet de loi. Cette précision est d’autant plus importante qu’il faut continuer à assurer le ravitaillement des localités du littoral et à répondre aux besoins industriels de la région.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : On est devant une décision dramatique. Lorsqu’on choisit d’interdire le développement économique lié à l’industrie pétrolière à presque 90 ou 95 p. 100 de la côte, compte tenu de l’impact énorme que cela va avoir sur les collectivités, avez-vous pensé à une alternative par rapport à l’interdiction totale?

[Traduction]

M. Hanson : Je voudrais souligner deux ou trois choses à ce sujet. Il est d’abord important de se rappeler qu’il n’y a pas, au moment où l’on se parle, un nombre important de navires qui sillonnent la zone qui serait visée par le moratoire. Il n’y a sans doute actuellement qu’une poignée de ces navires...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le problème n’est pas la situation actuelle, mais la situation future. Aujourd’hui, je comprends que le problème peut vous paraître banal selon votre perspective. Je parle dans une perspective de développement. On veut protéger tout le littoral de cette province du développement économique lié à une ressource qui provient de l’intérieur du pays. L’impact réel sera celui-là.

[Traduction]

M. Hanson : Je veux insister sur le fait que ce n’est pas tout le littoral qui est touché. Si c’était le cas, il ne serait pas possible...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’ai regardé la carte. Lorsque vous partez de l’Alaska et descendez jusqu’à la pointe nord de l’île de Vancouver, le seul endroit où des navires de pétrole pourront dorénavant naviguer est celui de l’installation de Trans Mountain, à Burnaby, et où les pétroliers sortiront par le détroit de Vancouver, donc entre Seattle et Vancouver. Ce sera le seul endroit où il pourrait y avoir des activités de pétroliers à gros tonnage. Sur le reste de la côte, il n’y aura plus de développement dans ce sens. Lorsqu’on prend une décision aussi dramatique comme ministère, il faut présenter des solutions de rechange. Avez-vous d’autres solutions que celle de protéger la côte complète d’une province du développement économique? Avez-vous envisagé autre chose?

[Traduction]

M. Hanson : Comme on l’a déjà indiqué, il est bien certain que tout le développement économique ne serait pas freiné. Seuls les types de pétrole prévus dans l’annexe seraient touchés. C’est ainsi par exemple que le projet de gaz naturel liquéfié de Kitimat pourrait aller de l’avant, tout comme celui de TransMountain parce qu’il est réalisé au sud de la zone visée par le moratoire. Il y aurait encore une activité économique liée au transport d’hydrocarbures pour autant que les chargements ne soient pas trop lourds, que l’on s’en tienne aux types de pétrole autorisés et que l’on se déplace suffisamment vers le sud. Je tiens à souligner encore une fois que c’est une approche qui...

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vais vous arrêter, puisque ce n’était pas ma question. Avez-vous une alternative à cette décision par rapport à une autre? Je comprends qu’il peut y avoir d’autres types de développement. Lorsqu’on prend une décision aussi importante, examine-t-on d’autres solutions? La réponse me semble être non.

[Traduction]

M. Hanson : Je dois vous rappeler que le gouvernement s’est engagé clairement à mettre en œuvre cette approche lors de la dernière campagne, comme l’indiquait le ministre Garneau, et que cette volonté était exprimée dans la lettre de mandat qu’il a reçu du premier ministre.

Le sénateur MacDonald : Je tiens à présenter mes excuses à mes collègues. J’ai dû assister à la rencontre annelle du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis, dont je suis coprésident. Je n’ai pas pu faire autrement. C’est pourquoi je suis arrivé en retard ce soir.

Je suis heureux d’avoir l’occasion de discuter de ce projet de loi avec nos témoins. Je trouve intéressant que le gouvernement ait déclaré que cette portion du littoral de la Colombie-Britannique représente l’environnement marin le plus diversifié sur la planète. Je dirais que, au Canada même, celui de la baie de Fundy l’est encore davantage. Non seulement y trouve-t-on les marées les plus fortes, les plus hautes et les plus basses du monde, mais c’est aussi le lieu de résidence de l’une des baleines les plus rares de la planète, la baleine noire, qui y met bat et y séjourne quatre ou cinq mois par année. C’est aussi l’aire d’alimentation du rorqual à bosse du Nord qui y trouve de quoi se nourrir environ quatre mois par année. Le secteur regorge également de mollusques, de crustacés, de pétoncles, de homards, de saumon et de hareng. La baie de Fundy assure un moyen de subsistance à bien des gens.

Comme la baie de Fundy est un lieu grouillant d’activités qui abrite un terminal pétrolier et une raffinerie dont la gestion est impeccable depuis des années, je me demande pourquoi on ne se montre pas tout aussi préoccupé par le sort des gens de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick en appliquant là-bas des normes aussi rigoureuses que celles qui sont prévues pour cette petite portion du littoral nord de la Colombie-Britannique. Quelle est la différence?

M. Hanson : Merci de la question. Il va de soi que le gouvernement est préoccupé par le sort des milieux maritimes sur tous les littoraux du Canada comme en témoigne l’engagement pris dans le cadre du Plan de protection des océans. Certains des enjeux particuliers touchant le littoral nord de la Colombie-Britannique émanent de l’éloignement relatif de ce secteur. C’est une région en grande partie sauvage. Elle est très peu peuplée. On n’y trouve donc pas la même capacité de réagir rapidement en cas de déversement dans l’océan. La situation est d’autant plus complexe que l’écosystème de cette région n’est pas encore très bien compris. Des efforts sont déployés en ce sens par Environnement et Changement climatique Canada ainsi que par Pêches et Océans Canada, mais reste quand même que nous comprenons mal cet écosystème. La prise en compte de tous ces éléments nous a amené à miser sur la précaution pour le littoral nord de la Colombie-Britannique.

Le sénateur MacDonald : Ceci dit très respectueusement, les Américains transportent à eux seuls 37 millions de tonnes métriques de pétrole en passant par ces mêmes eaux. Pour les navires canadiens, on parle de 6 millions de tonnes métriques. Le simple fait d’interdire le passage de navires canadiens ne signifiera pas qu’il n’y a plus de transport maritime dans ce secteur. Vous dites que c’est une région éloignée, mais l’Alaska se situe juste au nord. Il y a d’énormes quantités de pétrole qui sont transportées à partir de l’Alaska. Lorsqu’un navire chavire ou laisse échapper son pétrole, l’endroit exact où cela se produit n’est pas vraiment important, car le pétrole va se répandre dans l’eau de toute manière. Je ne trouve pas cet argument très convaincant.

M. Hanson : Dans le cas de l’Alaska, il faut noter que les pétroliers chargés qui partent de cet État à destination de ports américains doivent naviguer à l’ouest de la zone d’exclusion en place depuis plus de 30 ans déjà. Cette zone a été établie en fonction de l’amplitude de l’éventuelle dérive d’un navire en difficulté et du temps d’intervention requis en pareil cas. Vous avez donc raison de dire que des navires chargés transitent en provenance de l’Alaska, mais ils ne passent pas par la zone visée par ce moratoire.

Le sénateur MacDonald : Le trafic de pétroliers touche principalement, du moins sur la côte Ouest, la région métropolitaine de Vancouver et la vallée du bas Fraser. Il n’y a pas beaucoup de pétroliers qui circulent dans la zone en question. Des experts maritimes vous diront que le secteur de la Colombie-Britannique qui convient le mieux pour le transport du pétrole est en fait celui de Prince Rupert/Port Simpson. C’est ce que nous disent les gens qui gèrent le trafic et les pilotes eux-mêmes. Pourquoi leur avis n’est-il pas pris en compte?

M. Hanson : Je crois que je dois vous rappeler les facteurs liés à la nature de cette zone qui ont motivé la décision du gouvernement. La nature de l’écosystème lui-même, notre connaissance moindre des impacts possibles d’un déversement et les variations quant à la capacité d’intervention ont incité le gouvernement à mettre ce moratoire en place.

Le président : Avant de céder la parole aux sénateurs qui ne sont pas membres du comité, j’aimerais moi-même poser une ou deux questions. Elles vont un peu dans le même sens que celles du sénateur Boisvenu. Il s’interrogeait au sujet des autres options. Est-ce que des études économiques ont été réalisées pour évaluer les répercussions d’une éventuelle interdiction sur la côte Ouest, notamment pour le transport des produits des provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan?

M. Hanson : Il n’y a pas eu d’étude de cette nature à ma connaissance. Le gouvernement a fondé sa décision sur les risques associés à un éventuel déversement dans cette zone et les facteurs que je viens de mentionner l’ont incité à prendre cet engagement, et ce, dès le début de son mandat. Je souligne encore une fois, car il vaut la peine de le répéter, que cela n’empêche pas d’aller de l’avant avec d’autres types de projets énergétiques de grande envergure, comme le pipeline Trans Mountain et l’important projet de gaz naturel liquéfié.

Le président : Le projet Northern Gateway avait été approuvé avant l’intervention des tribunaux. Quels étaient les plans établis pour la prévention des déversements dans le cadre de ce projet? Peut-être pourriez-vous nous dire ce que l’on prévoyait faire pour prévenir les déversements d’hydrocarbures sur la côte Ouest.

M. Hanson : Je ne vais pas prétendre avoir l’expertise requise pour vous parler des plans de remise en état établis pour Northern Gateway. Je crois que 209 conditions environ ont été imposées pour ce projet à la suite de l’évaluation environnementale.

Le président : Si j’ai bien compris, toutes ces conditions ont été respectées.

M. Hanson : Je dois vous dire que je n’ai pas tous les détails de ce qui a pu se produire aux dernières étapes du projet Northern Gateway. Comme vous le savez, le gouvernement a finalement décidé de ne pas approuver ce projet, mais de plutôt mettre en place le moratoire.

Le président : Y a-t-il eu des accidents touchant des pétroliers parmi tous ceux qui circulent le long du littoral de la Colombie-Britannique?

M. Hanson : Vous parlez de déversements récents?

Le président : Oui.

M. Hanson : Emilie, puis-je vous demander de répondre à cette question?

Mme Gelinas : Oui. Je crois que le Nathan E. Stuart était une barge, mais il faudrait le confirmer.

Le président : C’était une barge.

Mme Gelinas : C’était une barge. À ma connaissance, récemment, il y a eu le MV Marathassa dans la baie English à Vancouver, en avril 2015. On parle d’un déversement d’environ 2 700 litres de combustible de soute C.

Le président : Et ce n’était pas un navire-citerne?

Mme Gelinas : Il s’agissait d’un navire céréalier.

La sénatrice Jaffer : Je veux d’abord tirer quelque chose au clair. Il y a eu de nombreuses incursions dans la zone visée par le moratoire et aucune surveillance n’était exercée. Mène-t-on des activités de surveillance? Est-ce que des navires-citernes entrent dans la zone visée par le moratoire?

M. Hanson : Oui, une surveillance a été effectuée en 2016. On a constaté qu’il y avait eu trois incursions dans la zone. Toutefois, il ne s’agissait pas de navires-citernes chargés se dirigeant vers la côte Ouest des États-Unis en provenance de l’Alaska. Il s’agissait, en fait, de navires-citernes vides qui retournaient en Alaska. La zone d’exclusion des pétroliers est très respectée.

La sénatrice Jaffer : J’ai écouté mes collègues et ils parlent de leurs régions avec beaucoup d’éloquence et vantent leur beauté. J’ai visité lesdites régions, et c’est tout à fait vrai. Elles sont magnifiques et il faut les protéger. À mon sens, il ne s’agit pas de protéger une région plutôt qu’une autre, mais bien de protéger chaque région, car chacune fait partie du Canada. À l’heure actuelle, nous nous penchons sur la côte de la Colombie-Britannique. Je veux vous poser une question sur les faits d’histoire. Pourquoi les États-Unis et le Canada ont-ils uni leurs efforts pour protéger la région en 1985? Que s’est-il passé?

M. Hanson : Je ne suis pas vraiment au courant d’un événement déclencheur qui aurait entraîné cela. Il s’agissait de gros navires transportant des chargements lourds, et il leur était possible d’éviter de naviguer sur le littoral en s’en éloignant de quelques milles marins. Voilà quel était l’objectif. J’ignore s’il y a eu un événement déclencheur ou s’il s’est passé quelque chose de précis.

La sénatrice Jaffer : Une entente a été conclue sur l’imposition du moratoire, et c’était en 1985. Le projet de loi en fera une loi plutôt qu’un moratoire, qui existe déjà, est-ce exact?

M. Hanson : Il y a une distinction sur les plans géographique et opérationnel entre la zone d’exclusion volontaire et le moratoire. Essentiellement, la zone d’exclusion est conçue pour obliger les navires-citernes chargés qui partent de l’Alaska et qui se dirigent vers les ports américains à demeurer à l’extérieur de la zone d’exclusion. Pour ce qui est du moratoire, il concerne une zone géographique différente qui s’étend de la frontière canado-américaine et qui suit le littoral jusqu’à la partie qui est adjacente à la pointe de l’île de Vancouver, et il interdit aux navires de s’arrêter et d’effectuer des chargements ou des déchargements dans cette zone.

Le sénateur D. Black : Je vous remercie de me donner l’occasion de poser des questions.

Monsieur, de toute évidence, vous êtes un homme de raison et de logique. J’essaie, la plupart du temps, d’être un homme de raison et de logique et je vais essayer. J’ai pu écouter votre exposé bien raisonné, mais je crois comprendre qu’aujourd’hui, il n’y a qu’un seul moratoire interdisant le transport de pétrole au Canada qui est proposé, n’est-ce pas?

M. Hanson : C’est exact.

Le sénateur D. Black : Merci. Si je comprends bien également, aucun autre moratoire sur le transport de pétrole n’est imposé dans le monde, n’est-ce pas?

M. Hanson : À ce que nous sachions, il n’existe aucune mesure équivalente à celle-ci.

Le sénateur D. Black : C’est ce que je crois comprendre également. Je comprends aussi, et vous l’avez indiqué assez clairement, que la zone visée par le moratoire s’étend de l’extrémité sud de l’Alaska jusqu’à l’extrémité nord de l’île de Vancouver. Nous pouvons certainement convenir qu’il n’y a absolument aucune différence sur le plan de la topographie et du milieu marin entre le Nord de la Colombie-Britannique et le Sud de l’Alaska. Il n’y a pas de différence simplement en raison du parallèle, n’est-ce pas?

M. Hanson : Je ne suis pas un spécialiste, mais cela me semble logique, oui.

Le sénateur D. Black : Encore une fois, nous parlons de logique ici. Il n’y a pas de différence. Et, bien entendu, vous convenez que quatre pétroliers par semaine partent de Valdez, qui se trouve juste au nord de la zone du moratoire proposé, n’est-ce pas?

M. Hanson : Des pétroliers chargés partent régulièrement de Valdez, en Alaska, en effet.

Le sénateur D. Black : Vous ne me contrediriez pas si je disais qu’on parle de quatre pétroliers chargés par semaine, n’est-ce pas?

M. Hanson : Je ne vous contredirais pas. Je ne sais pas si cela correspond au nombre exact, mais je n’ai aucune raison de le mettre en doute.

Le sénateur D. Black : Et en ce qui concerne également la logique, on a mentionné le projet Northern Gateway, qui a été approuvé. Comme vous l’avez signalé à juste titre, ou c’était peut-être quelqu’un d’autre, un certain nombre de conditions avaient été imposées. Je pense qu’il y en avait 217, et l’entreprise suivait le processus et a déclaré publiquement qu’elle pouvait respecter les conditions. Convenez-vous que, si le projet ne s’est pas réalisé, c’est en raison du moratoire proposé?

M. Hanson : À cet égard, je me contenterai de dire que, pendant la campagne, le gouvernement s’était engagé à imposer le moratoire. Au-delà de cela, et concernant le lien avec le projet Northern Gateway, j’en resterai là.

Le sénateur D. Black : Je comprends, monsieur.

Nous avons parlé des questions factuelles, et je vous remercie de vos réponses si utiles. Je crois comprendre alors que, selon vous, le moratoire n’existe que parce qu’une promesse politique a été faite.

M. Hanson : Non, j’ai fait un certain nombre de déclarations sur les raisons justifiant l’imposition du moratoire et sur ce qui fait en sorte que le gouvernement est d’avis qu’un moratoire devrait être mis en place, et j’ai dit en même temps qu’il s’était engagé à le faire dans sa plateforme.

Le sénateur D. Black : Or, je n’ai entendu parler d’aucune autre raison que la raison politique. Nous venons d’en parler, monsieur, et vous avez convenu qu’il n’y a pas de fondement factuel. S’il y en a un, j’aimerais que vous nous disiez de quoi il s’agit. Autrement, il faut que ce soit des raisons politiques.

M. Hanson : Je dirais que le fait qu’un autre pays a décidé que des navires quitteraient son port dans le but de transporter du pétrole, le fait que cela se produise dans un autre pays n’est pas à première vue une preuve qu’il n’y a peut-être pas de raison légitime de mettre en place un moratoire et un autre pays pourrait prendre une décision différente.

La sénatrice Busson : Je vous remercie tous d’être venus ce soir et de nous fournir d’aussi bons renseignements. C’est peut-être une évidence, et pardonnez-moi si je pose une question à laquelle vous avez déjà répondu. Étant donné que le port de Prince Rupert est le troisième plus grand port au Canada et que c’est celui qui se trouve le plus près de l’Asie, et compte tenu de ce qui se passe dans notre monde depuis quelque temps, il n’y aura probablement pas d’autres pipelines pendant un certain temps dans ce pays. Je suis préoccupée par le fait que le moratoire constitue un obstacle non seulement pour les pipelines, mais également pour la solution du transport par voie ferrée jusqu’aux ports maritimes — qui est la deuxième solution pour acheminer notre pétrole jusqu’aux marchés —, et que le moratoire exclurait cela, de même que le pipeline.

Je crois ne pas exagérer en disant que c’est un problème qui s’ajoute concernant les pipelines depuis que la zone d’exclusion volontaire a été créée. Je me demande si l’on a discuté, et peut-être même récemment, étant donné ce qui se passe dans le reste du monde concernant les pipelines, du fait que cela impose des pressions supplémentaires sur les chemins de fer vers les ports du sud et peut-être d’un corridor pour permettre à Prince Rupert d’alléger la pression qui s’exerce sur les ports du sud. Nous avons entendu récemment aux nouvelles que l’Alberta achète plus de citernes et qu’ils exercent déjà beaucoup de pression parce qu’ils rivalisent avec les véhicules de transport de céréales pour acheminer leurs produits jusqu’aux côtes.

Je me demande si on a discuté de l’idée d’établir un corridor ou d’un moyen de ne pas exclure Prince Rupert concernant la possibilité de résoudre nos problèmes de l’acheminement du pétrole jusqu’aux côtes.

M. Hanson : Je vous remercie de la question. Le port de Prince Rupert demeure extrêmement important et stratégique. Une ligne ferroviaire du CN se rend à Prince Rupert. Et bien qu’on ne pourrait pas nécessairement expédier le pétrole à partir de Prince Rupert, évidemment, on peut continuer de l’expédier à partir du port de Vancouver, au sud, et bien que c’est dans le contexte du grand cercle qui serait le point plus court, on peut encore expédier à partir de Vancouver.

Votre question sur l’Alberta et l’acquisition d’une capacité ferroviaire additionnelle tombe vraiment bien. Hier, le gouvernement albertain a annoncé son intention de signer des contrats pour deux trains-blocs supplémentaires de sorte que d’ici juillet de l’an prochain, elle puisse expédier 120 000 barils de brut supplémentaires par jour par rail. Cela ne mettra pas vraiment de pressions sur les ports de l’Ouest, car je crois comprendre, du moins, qu’au bout du compte, on en acheminera vers l’est et le sud des États-Unis et vers les raffineries pour les capacités de raffinage là-bas.

Lorsque nous avons parlé des pressions possibles sur d’autres marchandises, comme les céréales, ce n’était pas tant qu’on craignait de créer un engorgement supplémentaire dans les ports de l’Ouest. C’était davantage lié à l’infrastructure et aux voies ferrées actuelles, aux trains et aux locomotives, et c’est pourquoi je crois comprendre qu’en collaborant avec les chemins de fer, c’est structuré de sorte qu’on ne limitera pas la capacité du CN et du CP d’acheminer les céréales jusqu’aux ports de l’Ouest à partir des silos des Prairies.

La sénatrice Busson : Je comprends votre réponse, et je vous remercie beaucoup. Toutefois, ce que je me demande, c’est si, à l’avenir, nous continuons d’avoir des problèmes en ce qui a trait à la construction de pipelines, le moratoire exclurait pour toujours Prince Rupert comme solution à notre problème.

M. Hanson : Dans la mesure où ce dont nous parlons ici, c’est l’exportation de pétrole brut à partir de Prince Rupert, tant que les données scientifiques indiquent cela, pour des raisons liées à la persistance et à la capacité de nettoyage, le moratoire interdira ces expéditions.

La sénatrice Galvez : Je voudrais continuer dans la même veine que ma collègue, la sénatrice Busson. Je crois comprendre que le port de Vancouver a des capacités pour les exportations de pétrole, mais qu’elles ne sont pas utilisées.

De plus, à ma connaissance, la nouvelle capacité ferroviaire pour le transport de pétrole sur laquelle compte la première ministre Notley ne nuira pas au CN parce que ce n’est pas une question de volume, mais bien de distance. C’est une question de destination. J’ai discuté avec un représentant du CN qui expliquait cela. Pouvez-vous confirmer cette information et faire des observations?

M. Hanson : Oui, des pétroliers partent du port de Vancouver. Pour ce qui est du transport ferroviaire, encore une fois, je crois comprendre que ce qui s’est passé essentiellement, c’est que l’Alberta a signé ces contrats et loué la capacité pour pouvoir accroître les exportations de brut vers les États-Unis, vers les installations de raffinage.

La sénatrice Simons : J’ai deux ou trois questions complémentaires. Quelqu’un m’a dit qu’il pourrait être encore possible de faire le plein de pétrole à partir de cette zone si l’on utilise de plus petits navires pour le faire et qu’on le transportait jusqu’à un pétrolier se trouvant à l’extérieur de la zone visée par le moratoire, ce qui me semble plus dangereux que de remplir tout un pétrolier dans un port. Or, je ne sais pas. A-t-on considéré cela comme une solution de rechange possible?

M. Hanson : C’est une bonne question, et le projet de loi est rédigé de manière à empêcher les gens de contourner le moratoire de cette façon.

La sénatrice Simons : Donc, même un petit navire ne serait pas autorisé s’il était destiné à contourner le moratoire?

M. Hanson : Oui. Je regarde Joe, mais c’est de cette façon que je comprends le projet de loi. En gros, il interdit aux gens de contourner le moratoire, comme vous le dites. Est-ce exact, Joe?

M. Melaschenko : Oui, le projet de loi contient des dispositions anti-contournement.

La sénatrice Simons : Qu’en est-il des petits pétroliers?

M. Hanson : Tout pétrolier pouvant transporter une quantité supérieure à 12 500 tonnes métriques serait tenu de produire un rapport à l’avance pour signaler qu’il prévoit s’arrêter ou effectuer un chargement ou un déchargement dans l’un de ces ports. Bien entendu, s’il dépassait le seuil prévu, il ne serait pas autorisé à le faire.

La sénatrice Simons : Et si les pétroliers ne remplissaient pas leurs cales tout à fait à ras bord?

M. Hanson : Deux choses entrent en jeu. Il y a tout d’abord la capacité du navire. Combien de tonnes peut-il contenir s’il est plein? Pour un navire qui a une capacité de 15 000 tonnes métriques, par exemple, il faudrait produire un rapport indiquant son arrivée. Or, tant que le chargement est inférieur au seuil, qu’on transporte moins de 12 500 tonnes métriques de produits, on serait autorisé à s’arrêter dans les ports et les installations maritimes pour effectuer des chargements ou des déchargements.

La sénatrice Simons : J’ai une autre petite question. J’ai commencé ma carrière universitaire en littérature. À mon sens, le mot « moratoire », dans la définition qu’on en donne couramment, suppose une situation à court terme ou une mesure temporaire. Pourtant, dans le projet de loi, on ne semble pas définir « moratoire » d’une façon qui correspond à la langue courante. Que faut-il donc comprendre de ce moratoire? S’agit-il d’une mesure temporaire ou d’une mesure permanente qu’on appelle un moratoire?

M. Hanson : Je pense que, puisqu’on parle d’une loi, il ne s’agit pas d’une disposition temporaire qui viendrait à expiration dans cinq ans, ou quelque chose du genre.

La sénatrice Simons : Je pense que vous conviendrez que c’est là la définition traditionnelle du terme « moratoire ».

M. Hanson : Ce que je dirais surtout, c’est que, du moins d’un point de vue juridique, l’utilisation du terme n’a pas vraiment de répercussions sur le caractère de la loi. Probablement au grand dam des gens qui travaillent pour moi, j’adore débattre sur des notions de grammaire et normalement, je vous prendrais au mot, mais, dans ce cadre, cela ne change pas la loi.

Le président : Un moratoire peut être levé, mais une interdiction doit être annulée. Il y a une différence.

La sénatrice Simons : Peut-être que M. Melaschenko peut commenter.

M. Melaschenko : Je ne suis pas non plus la personne la mieux placée pour me prononcer sur les subtilités de la langue, mais je dirai simplement que les interdictions et les dispositions de fond sont ce qu’elles sont et qu’elles ne s’appliquent pas que pour un certain temps seulement.

La sénatrice Simons : Il ne s’agit donc pas d’un moratoire.

Le sénateur Neufeld : Le terme « moratoire » a évolué au fil du temps. C’était plutôt une sorte d’accord au départ. Il ne s’agissait pas d’un moratoire, mais au fil du temps, les gens ont commencé à utiliser ce terme et il est passé à l’usage. C’est ce que j’ai toujours compris de la situation en Colombie-Britannique.

Monsieur, vous avez dit que la côte nord n’avait pas beaucoup été étudiée. Nous n’avions pas beaucoup de renseignements à son sujet. Or, le projet Northern Gateway a été approuvé et le pétrole aurait passé par le chenal Douglas et par la zone visée par le moratoire. Le gouvernement a approuvé le projet. Il est passé par tout le processus d’évaluation environnementale.

L’entreprise devait respecter quelque 200 conditions... C’était 217 je crois, mais peu importe... Savez-vous si elle devait recueillir des renseignements sur la côte nord? Ou devait-elle plutôt déterminer où elle allait amarrer, quels cours d’eau elle allait traverser, où elle passerait sur le chenal Douglas et comment elle allait le traverser, ce qui a été approuvé?

Je ne me souviens pas avoir entendu dire qu’il fallait réaliser plus d’études dans l’océan. Il faut le faire avant d’accepter de tels projets. Je me trompe peut-être. Le savez-vous?

M. Hanson : Je ne sais pas exactement quelles étaient les diverses conditions associées au projet Northern Gateway, je suis désolé, monsieur le sénateur.

Le sénateur Neufeld : Donc, vous ne savez pas ce qui a dû être fait le long de la côte nord pour que des pétroliers chargés puissent passer par le chenal Douglas et dans cette zone?

M. Hanson : Je ne sais pas quelles étaient les conditions à respecter dans cette zone.

La sénatrice Jaffer : J’aimerais vous poser une question : savez-vous combien de collectivités des Premières Nations se trouvent le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, dont les terres seraient visées par ce moratoire du projet de loi C-48? Quels types de consultations ont été réalisées? La sénatrice Dasko a posé la question également, mais j’aimerais que vous nous parliez de ces collectivités en particulier.

M. Hanson : Nous avons consulté toutes les collectivités situées sur la côte nord et la côte centrale. Je ne connais pas le chiffre par cœur. Nous pourrions vous le transmettre.

La sénatrice Jaffer : Selon ce que je comprends, on a consulté la nation nisga’a et — j’ai du mal à prononcer leur nom — les Lax Kw’alaams.

M. Hanson : Les Lax Kw’alaams, oui. Comme je l’ai dit dans mon discours préliminaire, les deux nations se sont opposées au projet, mais la majorité des collectivités, dont celles de la côte nord, la nation heiltsuk, les Metlakatla, la nation gitga’at, la nation gitxaala et plusieurs autres ont appuyé le moratoire.

Le sénateur D. Black : Je veux continuer d’établir ma liste parce que j’essaie de comprendre la logique derrière tout cela. La sénatrice Busson a posé une excellente question : le ministère fédéral des Transports ne s’inquiète-t-il pas de voir que cette interdiction entraîne une augmentation du transport du pétrole par rail, qui est sans contredit une méthode de transport du pétrole moins sécuritaire? Ne croyez-vous pas qu’il s’agit en quelque sorte d’une violation de vos responsabilités?

M. Hanson : Je souligne que l’exportation du pétrole à partir des ports du sud se poursuit; le moratoire ne force pas le transport du pétrole brut par rail. Bien sûr, d’autres pipelines s’ajouteront à la canalisation — le projet de la canalisation 3 et le projet TMX, lorsqu’il sera terminé — alors on déploie des efforts pour transporter le pétrole de diverses façons.

En ce qui a trait au transport du pétrole brut par rail, il importe aussi de souligner que le gouvernement a mis en place de nouvelles normes réglementaires, qui ont entraîné le retrait des wagons-citernes sans chemise plus vieux et l’utilisation de wagons plus récents, plus sécuritaires qui résistent mieux aux collisions. Il s’agit des seuls wagons qui seront utilisés pour l’acquisition récente du gouvernement de l’Alberta.

Le sénateur D. Black : Tout cela ne change rien au fait que le transport du pétrole par rail est plus dangereux que le transport par pipeline. On ne peut pas le nier, et j’espère que ce n’est pas ce que vous faites.

M. Hanson : Je ne remets pas cela en question. Ce que je voulais dire, c’est qu’on déploie des efforts pour transporter plus de pétrole par pipeline et que, lorsqu’on le transporte par rail, on déploie des efforts pour veiller à ce que ce soit fait de la manière la plus sécuritaire possible.

Le sénateur D. Black : Je comprends. Cependant, vous conviendrez que ce moratoire ou cette interdiction entraîne une augmentation du transport du pétrole par rail qui — vous êtes d’accord avec moi — représente une façon moins sécuritaire de transporter le produit.

M. Hanson : Vous me faites dire bien des choses. Je crois que ce que j’ai dit, c’est qu’il était toujours possible de transporter le pétrole par navire à partir du sud de la province et que d’autres pipelines allaient voir le jour; j’ai aussi dit que le transport du pétrole par rail était associé à des mesures de sécurité accrues.

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Hanson, votre réponse me laisse perplexe. Vous dites que nous n’avons pas beaucoup de renseignements sur l’environnement, la mer et la côte dans le Nord de la Colombie-Britannique. Il me semble que vous pourriez mieux faire valoir votre point de vue si nous avions des renseignements sur la fragilité de la mer et de la côte.

Avez-vous tenté d’obtenir ces renseignements depuis les élections, par exemple? Parce que nous parlons du moratoire depuis un bon moment déjà. Est-ce ainsi que l’on procède pour recueillir des renseignements sur la nature délicate ou la propriété des océans ou des côtes?

M. Hanson : Merci. En ce qui a trait au travail qui est fait dans le but de mieux comprendre cet écosystème, je sais que le ministère de l’Environnement et le ministère des Pêches et des Océans y travaillent; ils seraient mieux placés que moi pour répondre à cette question.

Pour ce qui est des mesures à prendre en cas d’incertitude, je crois que cela revient au principe de précaution. C’est lorsqu’on ne sait pas quelles mesures sont les plus dangereuses ou quelle est la température du poêle qu’il est le plus dangereux d’y toucher.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui, mais le principe de précaution est aussi un principe relativement critiqué dans le domaine des sciences parce que, au nom de ce principe de précaution, des gens veulent, par exemple, interdire les téléphones et les stations cellulaires. Le principe de précaution n’est pas absolu.

Je veux vous poser une autre question sur le fait qu’il est beaucoup moins facile d’intervenir s’il y a un déversement, une marée noire, dans le nord que dans le sud. Vous avez dit qu’il y a moins d’équipement dans le nord — ou les équipements sont moins nombreux ou trop lointains — pour intervenir dans le cas d’une marée noire. Dans le dossier du dernier pipeline Northern Gateway, aviez-vous obtenu une garantie qu’il y aurait un certain nombre de bateaux sur place, proches ou lointains, qui pourraient intervenir s’il y avait une marée noire? Selon cet argument, il me semble que, si l’on veut, on peut prévoir une force prête à intervenir en cas de déversement.

[Traduction]

M. Hanson : Bien sûr, la précaution est un principe qui ne se fonde évidemment pas toujours sur l’exactitude. Toutefois, si l’on pense au code de sécurité 10 de Santé Canada sur l’exposition aux téléphones cellulaires et autres, il est question de précaution.

En ce qui a trait à la capacité, elle sera accrue le long des côtes. Encore une fois, il est important de souligner qu’il y a une différence de portée entre l’ensemble de la côte nord de la Colombie-Britannique et une zone beaucoup plus concentrée comme les basses-terres continentales, par exemple.

La sénatrice Simons : J’aimerais faire suite aux questions de la sénatrice Miville-Dechêne. Nous savons par expérience qu’il y a déjà eu des déversements impliquant de petits navires dans cette région. Je m’inquiète d’entendre dire que l’une des raisons justifiant l’interdiction des pétroliers est le manque de ressources pour atténuer la pollution. C’est ce que vous dites... C’est une plus grande zone, beaucoup plus difficile à protéger que les ports plus concentrés près de Burnaby et de Vancouver.

En démonisant les grands pétroliers, qui sont habituellement bien conçus et sont associés à de nombreuses mesures de sécurité et en disant qu’ils sont très mauvais et dangereux, qu’ils présentent des risques élevés, ne risque-t-on pas de nous asseoir sur nos lauriers et de ne pas développer la capacité de nettoyage dont nous aurions besoin pour les petits navires, qui naviguent toujours sur ces eaux et risquent d’avoir des accidents? Je crains que nous nous donnions des tapes dans le dos en nous disant que nous avons réglé le problème en interdisant les gros navires, mais que, dans l’intervalle, de nombreux petits bateaux pourraient déverser leur contenu sans que nous puissions intervenir de manière appropriée.

M. Hanson : C’est une bonne question. Il est important de souligner que la capacité d’intervention de la Garde côtière et d’autres sur la côte nord de la Colombie-Britannique sera accrue. Vous avez raison : il y a d’autres types de navires qui continueront de naviguer dans ces eaux. Toutefois, les navires qui ne sont pas visés par le moratoire transporteront d’autres types d’hydrocarbures, qui s’évaporent plus rapidement, sont moins persistants et seront absorbés par les processus microbiens. Même s’il arrivait un accident malheureux avec un pétrolier transportant des hydrocarbures bruts ou persistants en deçà du seuil, le volume serait beaucoup plus petit en raison du moratoire et donc les conséquences seraient moins importantes.

La sénatrice Simons : Je ne suis pas une experte des pétroliers, mais on m’a déjà dit que les nouveaux modèles étaient associés aux normes de sécurité les plus élevées et qu’ils étaient à bien des égards plus sécuritaires que les plus petits navires qui transportent peut-être moins de marchandises, mais n’ont pas les caractéristiques de sécurité des pétroliers plus gros et plus récents. Je ne sais pas si c’est vrai.

M. Hanson : Bien sûr, les pétroliers sont aujourd’hui plus sécuritaires qu’ils ne l’étaient auparavant, notamment en raison de la double coque. C’est tout à fait vrai, mais les accidents sont tout de même possibles. S’ils transportent de grandes quantités d’hydrocarbures bruts ou persistants, les conséquences dont nous avons discuté seront réelles.

La sénatrice Simons : Je suppose que le Titanic était, lui aussi, tout nouveau, tout beau et très sécuritaire.

Le président : Le pipeline Northern Gateway n’était-il pas associé à des mesures d’assainissement trois fois plus importantes que ce que le gouvernement exigeait en vue de nettoyer un possible accident?

M. Hanson : Encore une fois, vous m’excuserez, mais je ne connais pas assez bien le projet Northern Gateway pour me prononcer.

Le président : Le gouvernement n’a-t-il pas étudié les options possibles pour assurer la sécurité du trafic de pétroliers avant d’imposer une interdiction? Est-ce qu’il a songé à la possibilité d’avoir recours à certaines méthodes d’assainissement et aux remorqueurs, à tout ce que l’on trouve sur la côte de Vancouver, qui est utilisé, planifié et organisé par Gateway?

M. Hanson : Encore une fois, je ne peux pas me prononcer sur le projet Gateway. Le gouvernement a pris une décision. Étant donné les risques de déversement possibles, il a décidé que le moratoire était la solution logique.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : C’est une question pour vous. Est-ce qu’on s’attend à ce que le ministre se présente devant le comité afin que l’on puisse l’interroger?

Le sénateur Dawson : J’avais la même question.

[Traduction]

Est-ce que le ministre s’est engagé à témoigner devant le comité?

Le président : Nous avons demandé au ministre de venir témoigner devant nous. Nous en discuterons dans le cadre de la réunion du comité de direction d’aujourd’hui, selon ce que je comprends. Oui, bien sûr.

La sénatrice Dasko : Lorsque j’ai parlé à certains intervenants de ce projet de loi... Bien sûr, les sénateurs aiment parfois trouver des façons de modifier les projets de loi lorsqu’ils présentent certains problèmes, et j’essaie de voir comment nous pourrions l’adapter ici. Pour revenir aux commentaires de la sénatrice Busson au sujet de Prince Rupert, l’un des intervenants que nous avons rencontrés a parlé de la possibilité de créer un corridor de Prince Rupert jusqu’à la ligne d’exclusion.

J’aimerais entendre votre avis sur la possibilité d’une telle mesure d’adaptation et savoir si vous avez songé à établir un corridor. Loin de moi l’idée de vous suggérer un emplacement pour ce corridor. Je regarde la carte de la Colombie-Britannique et je n’ai pas l’intention d’y dessiner un corridor... Enfin, voilà ma question, monsieur.

M. Hanson : Je vais faire quelques commentaires généraux. En premier lieu, je dirais que le ministère voudra être utile et participer aux discussions en vue d’apporter certaines modifications au projet de loi. Évidemment, je n’émettrai pas d’hypothèse quant à la forme que pourraient prendre ces modifications. D’autres se chargeraient de prendre une telle décision.

Je dirais aussi que, de toute évidence, le gouvernement voudra préserver l’intégrité du projet de loi, mais que les représentants et d’autres intervenants se feront un plaisir de discuter des amendements possibles lorsque le temps sera venu de le faire.

Le sénateur D. Black : C’était essentiellement ma question. Je comprends que vous êtes ouverts à la discussion au sujet d’amendements réalistes.

M. Hanson : C’est très bien dit.

Le sénateur D. Black : Merci.

Le sénateur Dawson : J’aimerais tout d’abord vous remercier, monsieur le président. Nous avons eu une légère mésentente sur la tenue d’une réunion du comité de direction, mais elle aura lieu après celle-ci. Je tiens à vous remercier de la présider.

J’ai quelques points mineurs à aborder. J’allais aborder la question du ministre. Je crois qu’il doit témoigner devant le comité, que sa présence est essentielle en vue de l’adoption du projet de loi. Comme nous n’en avions pas discuté, je tenais à le mentionner aux fins du compte rendu. Je suis d’accord avec le sénateur Boisvenu : c’est essentiel.

J’aimerais maintenant aborder un point banal, mais comme il s’agit de notre deuxième réunion dans cet édifice, je vous rappellerais que l’horloge est une bonne idée. Elle aide tout le monde à être plus discipliné, y compris moi. Nous allons tenir une réunion du comité de direction et revenir à ces détails.

L’un des enjeux qui me préoccupent... Certains des commentaires du sénateur Black aujourd’hui me rappellent la confusion d’hier entre ce qui a été dit à huis clos et ce qui a été dit en public. Les différends relatifs à certains enjeux et certains des commentaires du sénateur Black doivent être consignés au compte rendu, à mon avis.

Je propose que nous rendions publique la transcription de la réunion tenue à huis clos, afin que les gens sachent que certains des commentaires qui ont été faits en privé étaient très encourageants en ce qui a trait aux déplacements. Bien sûr, certains sénateurs ont dit que nous ne voulions pas faire de voyages à l’étranger. Toutefois, selon la transcription que j’ai vue aujourd’hui de ce qui a été dit en public, personne ne parle du rejet des voyages à l’étranger par le comité. Je crois qu’il s’agit d’un point important. Je propose que nous rendions publique la partie de la réunion d’hier qui a été tenue à huis clos, si les membres du comité sont d’accord.

La sénatrice Dasko : J’en fais la proposition.

Le président : Je n’ai pas de problème avec cela, si c’est le souhait de tous les sénateurs.

La sénatrice Dasko : Je propose que nous rendions la transcription...

Le président : Est-ce qu’il faut une motion?

La sénatrice Dasko : Je crois que oui.

Le président : Il nous faut une motion? La sénatrice Dasko propose la motion. Êtes-vous tous en faveur de cette motion?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Dawson : Et sommes-nous tous d’accord au sujet des réunions de la semaine prochaine?

La sénatrice Dasko : Nous allons tenir un vote à ce sujet, sénateur Dawson.

Le sénateur Dawson : Tout le monde est d’accord.

Le président : Personne n’était en désaccord avec cela. C’était une décision unanime.

Le sénateur Dawson : Sommes-nous d’accord au sujet des réunions de la semaine prochaine?

Le président : Oui, nous allons tenir des réunions la semaine prochaine. Nous en discuterons ce soir.

Le sénateur Dawson : Je veux que les membres du comité sachent que nous avons l’intention de nous réunir mardi.

Le président : Nous avons l’intention de nous réunir mardi et mercredi.

(La séance est levée.)

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