LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES TRANSPORTS ET DES COMMUNICATIONS
TÉMOIGNAGES
PRINCE RUPERT, le mardi 16 avril 2019
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, se réunit aujourd’hui, à 8 h 46, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance de ports ou d’installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, aussi connue sous le nom de Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.
Je ne sais comment vous dire à quel point nous sommes heureux d’être ici. Je crois parler au nom de tous les sénateurs. Quelle foule formidable nous avons ici aujourd’hui.
Je tiens à remercier la Prince Rupert Environmental Society des recettes de saumon, et — oh, je suis désolé. Si je parle ainsi — c’est presque avaler la chose —, pouvez-vous m’entendre maintenant? Non? D’accord. Nous allons essayer de vous donner des écouteurs, mais je pense que nous allons poursuivre la séance.
En signe de respect, le premier groupe veut commencer sa rencontre par une prière. J’invite Lawrence Sankey à faire la prière, puis nous poursuivrons la séance.
Monsieur Sankey.
Lawrence Sankey : Tenons-nous debout, baissons la tête et prions ensemble.
Père céleste, nous venons devant vous aujourd’hui. Nous implorons votre bénédiction. Nous demandons votre leadership et vos conseils, Seigneur. Parlez-nous par la voix de chacune et chacun d’entre nous aujourd’hui. Dirigez-nous de façon positive. Je vous demande de bénir les aînés, de veiller sur eux. Gardez chacun d’eux à l’abri de tout danger. S’il y en a parmi eux qui sont malades à l’hôpital, je vous demande d’étendre votre main de guérison et de les guérir dès maintenant, au nom de Jésus. Et tout le monde a dit « Amen ».
Merci.
Le président : C’était très bien, Lawrence. Je suis chrétien, alors je l’apprécie beaucoup. Cela n’arrive pas très souvent à Ottawa.
Ce matin, nous avons le plaisir d’accueillir Guujaaw, conseiller spécial de la Première Nation côtière; et, des Tribus alliées des Lax Kw’alaams, Garry Reece, chef héréditaire.
De la nation Gitxaala, nous accueillons Clifford White, conseiller en chef élu et chef héréditaire. M. White est accompagné de trois autres chefs héréditaires de la nation Gitxaala, Matthew Hill, Doug Brown et Janet Moody. Merci d’être venus ce matin.
Nous allons maintenant entendre nos témoins. Veuillez commencer.
Guujaaw, conseiller spécial, Coastal First Nations : Bonjour aux membres du comité, aux chefs et aux bonnes gens ici réunis.
J’ai vu le témoignage des dirigeants des Premières Nations côtières et de la nation Haïda. Je pense que cela couvre beaucoup de choses, alors je vais adopter une approche différente ce matin, monsieur le président. Les gens réunis ici et les gens de cette côte ont beaucoup en commun. Nous avons tous des vies semblables en ce sens que nous vivons dans un environnement semblable et que nos cultures sont semblables.
En fait, nous sommes le peuple du potlatch, associé au mât totémique et aux grands canoës de mer. Nous avons tous des coutumes semblables, et pourtant, il y a quatre langues distinctes et plusieurs dialectes dans la salle où nous nous trouvons en ce moment.
Tout au long de notre histoire, il y a eu beaucoup de mariages et d’interrelations entre nos peuples, et de différends. Nous pensons tous que c’est nous qui avons lancé les canoës ou les parures de tête que vous voyez. Tous nos gens portent des costumes semblables, mais chacun est distinct et propre à nos nations.
Ici, sur la côte, il y avait la plus forte concentration de chasseurs et de cueilleurs. Nous ne dépendions pas de l’agriculture. Ce n’était pas nécessaire; tout était déjà là. La plupart de nos histoires remontent à l’époque des grandes inondations et à l’époque où les terres étaient très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Nous avons tous vu l’ère glaciaire et les grands cataclysmes qui y ont mis fin.
Voilà donc qui nous sommes. Suite au contact avec les Européens et aux perturbations qui se sont produites au cours des 200 dernières années, toutes nos populations étaient en déclin à cause de la variole et d’autres choses, et beaucoup de dispositifs étaient utilisés pour éliminer notre langue et notre culture. Nous connaissons tous la triste histoire, mais nous avons conservé notre patrimoine et nous reconstruisons là où nous le devons.
Je tiens à dire qu’au cours des 100 dernières années, et surtout des 50 dernières années, nos gens ont commencé à se rendre compte qu’ils devaient se battre contre ce système pour protéger le saumon, pour protéger toutes nos ressources. Il est assez évident que des gens d’ailleurs ne pouvaient pas gérer nos ressources. Nous avons vu l’exploitation forestière augmenter au cours des 100 dernières années et la destruction des rivières à saumon. Nous avons vu l’épuisement d’une espèce après l’autre en raison de la surpêche, de quotas trop généreux et d’une mauvaise gestion.
Nous avons commencé à nous battre, essentiellement à une époque où aucun d’entre nous, il y a à peine une génération, n’avait d’influence sur ce qui se passait. Tout s’effondrait, nous en étions tous témoins.
Nous avons réussi à nous défendre et, au fil des ans, à protéger beaucoup de terres. Nous avons protégé une grande partie de l’océan, nous avons mis fin à beaucoup de surexploitation, au prix d’un grand sacrifice pour nous. Au fil du temps, nous avons établi dans le droit canadien que le titre ancestral existe toujours.
Monsieur le président, nos gens ne sont pas des imbéciles qui disent que l’argent est inutile. Nous avons tous été tentés par l’argent, mais nous aimons tous beaucoup notre terre, et nous sommes ici pour vous dire que nous ne voulons pas la mettre en péril.
En droit canadien, ou dans n’importe quel régime de droit, nous n’avons pas le droit de mettre nos terres en péril. Nous ne considérons pas qu’il s’agit d’un droit ancestral et nous ne considérons pas que quiconque d’autre a le droit de mettre cela en péril. Nous avons tous opté pour la voie de la réconciliation, pour déterminer notre place au Canada, la façon dont nous travaillons ensemble, la façon dont nous réglons nos problèmes avec les gens avec qui nous vivons, et nous nous sommes tous engagés sur cette voie pour essayer de faire les choses correctement.
Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Nous allons entendre trois exposés de cinq minutes, puis nous passerons aux questions. Monsieur White?
Clifford White, conseiller en chef élu et chef héréditaire, Première Nation Gitxaala : Bonjour. Un grand merci à nos chefs héréditaires et à nos aînés qui se sont joints à moi aujourd’hui pour vous dire à tous à quel point le projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, est important pour notre nation.
Tous les gens que vous voyez ici aujourd’hui sont en fait des propriétaires fonciers. Ils s’occupent de notre eau, de notre air, de nos minéraux, et nous sommes perçus comme les gardiens des terres, qui sont transmises par nos ayaawx, qui sont nos lois, nos adwaax, qui sont nos histoires, et nos guugwilyanks, qui sont notre héritage. Nous suivons donc un processus bien défini.
Merci de nous avoir permis de prendre la parole et nous souhaitons la bienvenue à chacun d’entre vous dans nos territoires collectifs non cédés. Gitxaala est la plus ancienne collectivité de la côte, depuis plus de 10 000 ans. Nous avons sept collectivités qui composent la Première Nation des Tsimshian, réunies sur le plan linguistique, et elles sont les suivantes : Gitga’at, Hartley Bay; Kitselas, Kitsumkalum, Lax Kw’alaams, Metlakatla, Kitasoo Xai xais et Gitxaala. Ce sont les sept collectivités des Tsimshian, que l’on appelle la Première Nation des Tsimshian.
Avant d’aller plus loin, je vais céder la parole à l’un de nos chefs héréditaires, Matthew Hill.
Matthew Hill, chef héréditaire, Première Nation Gitxaala :
[M. Hill s’exprime dans une langue autochtone.]
Doug Brown, chef héréditaire, Première Nation Gitxaala : Mesdames et messieurs...
Le président : Pour nous assurer que nous aurons le temps de discuter, vous avez quelques minutes chacun.
M. White : Il veut vous faire part de ce qu’il a dit.
Le président : Il serait utile d’avoir une traduction. Allez-y.
M. Brown : Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, distingués invités, le village de Lax Kw’alaams, Gitxaala, est habité par la Première Nation Gitxaala depuis des millénaires; pas des siècles, des millénaires. Ainsi, sur le plan de l’histoire, le premier contact avec les Européens n’a eu lieu qu’hier, par opposition à notre présence sur notre île.
Nous sommes entièrement entourés d’eau; l’océan, par l’eau salée. Il est donc logique que 90 p. 100 de notre alimentation vienne de l’océan, lequel est aujourd’hui menacé.
On nous appelle communément le Git lax m’oon, le peuple de l’eau salée. Parfois, on nous appelle les Gitkxaala, le peuple de pêcheurs. Nous sommes intimement liés à l’océan. Notre nourriture, notre structure sociale et notre culture sont liées à l’océan. Nous croyons fermement à la théorie de la symbiose et au maillon, au maillon de chaîne, où chaque espèce dépend de l’autre. Nous ne nous considérons pas comme l’espèce supérieure. Nous ne sommes qu’une des nombreuses espèces qui vivent ici, et nous nous respectons les uns les autres. Chaque espèce dépend de la suivante, dans la théorie de la symbiose.
Les accidents sur notre territoire peuvent ruiner notre mode de vie, restreignant la région dans laquelle nous vivons, où nous nous rassemblons en toute liberté et où nous récoltons notre nourriture lorsque nous en avons besoin. Nous prenons ce dont nous avons besoin et utilisons tout ce que nous prenons. Nous laissons le reste pour demain.
Tout accident mettrait cela en grand danger. Notre existence même serait menacée. Le détroit du Prince William le prouve. Après 30 ans, ce gâchis se fait encore sentir. Il ne disparaîtra jamais, et c’est ce qui nous menace aujourd’hui.
Nous ne pouvons pas nous contenter d’intervenir si quelque chose se produit. C’est notre chez-nous. Cette île, c’est notre chez-nous. Nous ne pouvons pas tout simplement aller ailleurs si elle se retrouve recouverte de pétrole un jour.
La menace vient des gens de l’autre côté de la montagne. Ils vont récolter tous les bénéfices, nous laissant tous les risques. Ils votent là-dessus aujourd’hui; Notley et Kenney se livrent une grande bataille en ce moment, aujourd’hui même, et le vote est aujourd’hui. Notre sort dépendra des résultats de cette élection.
Gitxaala ne s’oppose pas au développement énergétique, mais nous avons une tolérance zéro à l’égard de tout risque pétrolier sur notre côte. Il y a beaucoup d’autres options. L’énergie éolienne, par exemple, est une option très populaire, de plus en plus privilégiée dans le monde. Nous le voyons à la télévision tous les jours, des centaines d’éoliennes.
Nous avons été consultés au sujet de l’élaboration du projet de loi, et nous appuyons fermement son adoption, les membres de la collectivité qui vivent, travaillent et perpétuent les traditions et la culture de Gitxaala. Nous avons participé à l’audience sur le projet Northern Gateway d’Enbridge et, dans le cadre de ce processus long et coûteux, nous avons très clairement établi qu’il n’existe aucune tolérance à l’égard du transport du pétrole sur notre territoire. Absolument aucune. Nos vies seraient sérieusement mises en danger.
Comme nous l’avons fait dans le cas du processus d’Enbridge, nous continuerons de nous battre et de veiller à ce que les pétroliers ne traversent pas nos territoires. Bien qu’on ait dit que les Américains le font de l’Alaska à Washington, ils le font dans les eaux internationales, ce qui les rend hors de notre portée.
Une zone d’exclusion volontaire a été créée en 1985 le long de la côte Nord de la Colombie-Britannique. Comme celle-ci ne concerne pas le transport maritime à destination ou en provenance des ports canadiens, ce projet de loi se trouve à mieux sanctionner la répugnance que l’on a, sur la côte Nord, pour le transport de pétrole.
En raison de la nature interreliée de ces éléments dans l’écosystème, tout dommage dans une région peut avoir des conséquences permanentes ou à long terme pour l’ensemble de l’écosystème, c’est-à-dire notre existence même, et c’est pourquoi une interdiction générale sur la côte Nord est nécessaire.
Aujourd’hui, nous renforçons notre opposition au transport de pétrole en vrac à proximité de nos terres ou de nos eaux. Nous espérons que cela a été dit très clairement à ceux qui prendront la décision finale. Merci.
Le président : Merci.
M. White : Je vais conclure.
Nous vivons dans un écosystème très délicat. Tout dommage dans une région peut avoir des conséquences permanentes et à long terme pour l’ensemble de l’écosystème. C’est pourquoi le projet de loi C-48 est absolument nécessaire. Nous tenons à dire très clairement que la Première Nation Gitxaala appuie sans réserve le projet de loi C-48, qui vise à donner force de loi au moratoire sur les hydrocarbures.
Gitxaala ne s’oppose pas au développement énergétique, mais nous, la Première Nation Gitxaala, avons une tolérance zéro en ce qui concerne le transport du pétrole sur la côte. Nous sommes interreliés spirituellement. C’est notre prière d’ouverture : que nos ancêtres et l’esprit de la Terre mère et tous les bons esprits soient avec nous ici aujourd’hui.
À propos de tout ce qui nous entoure, Gitxaala croit fermement dans la spiritualité connectée et donc qu’une grande partie de l’oxyde d’azote est associé à chacune de ces espèces — les animaux, les arbres, l’eau, la terre, les minéraux, l’air et les êtres humains. Vous avez beaucoup entendu parler de la façon dont un déversement de pétrole pourrait nuire à notre sécurité alimentaire et détruire nos cours d’eau vierges, et nous sommes tout à fait d’accord avec cela. Nos ancêtres parlent d’honorer les choses que nous pouvons voir et celles que nous ne pouvons pas voir.
Je ne sais pas combien de scientifiques siègent à cette table du Sénat; j’espère qu’il y en a. Je pose la question : quels sont les micro-organismes qui produisent de l’oxygène? Donc, pour la forme, ce serait du phytoplancton. Savez-vous quelle quantité d’oxygène le phytoplancton produit? Un minimum de 50 à 85 p. 100. Par conséquent, le transport du pétrole le long de la côte pourrait mettre en péril notre écosystème, en particulier le phytoplancton. Il est assez important que nous comprenions cela.
Le phytoplancton est également la source alimentaire fondamentale de l’écosystème, comme le krill, la crevette, la méduse, et le cercle de la vie se poursuit en ce qui concerne le saumon, les phoques, les baleines et d’autres espèces. Le phytoplancton est donc très important.
Selon une nouvelle étude publiée par Science Advances, le phytoplancton contribue largement aux formations de nuages et, en retour, à la quantité de lumière solaire absorbée par la Terre, soutenant ainsi la Terre mère par le rayonnement solaire, le rayonnement solaire frappant les nuages et étant redirigé vers la stratosphère, ce qui contribue énormément à empêcher la surchauffe de la Terre mère.
Comme nous le savons, nous sommes au beau milieu des changements climatiques.
Le président : Je ne veux pas...
M. White : J’ai presque terminé.
Le président : Mais j’ai...
M. White : Je le reconnais.
Le président : Nous allons manquer de temps, et cela ne sert à rien si nous ne pouvons pas poser de questions.
M. White : J’aimerais que vous nous disiez à quel point le phytoplancton est important et qu’il faut faire plus de recherche à ce sujet.
En conclusion, Gitxaala maintient une tolérance zéro à l’égard de tout transport de pétrole sur la côte. Nous appuyons fermement l’adoption du projet de loi C-48. Les membres de notre collectivité ont beaucoup investi dans la lutte contre Enbridge, et nous vous demandons, si vous voulez en savoir plus sur la position de Gitxaala à l’égard des pétroliers, de vous pencher sur le dossier d’Enbridge de Gitxaala. Vous y trouverez beaucoup plus d’information.
Enfin, nous devons pouvoir continuer à travailler ensemble, la province, le gouvernement fédéral et les Premières Nations, pour lutter contre les changements climatiques. Nous avons tous la responsabilité de veiller à ce que, du moins jusqu’à la septième génération, nos enfants puissent profiter des cours d’eau vierges que nous avons ici.
Merci d’être venus de si loin, de nous avoir donné le temps d’être ici et d’avoir pris le temps, malgré vos horaires chargés, de nous écouter. Que Dieu bénisse chacun de vous.
C’est la fin de notre exposé. Merci beaucoup.
Le président : Monsieur Reece?
Garry Reece, chef héréditaire, Première Nation Gitxaala : Merci, monsieur le président. Je m’appelle Garry Reece, et je suis l’un des chefs héréditaires des neuf tribus alliées, la tribu Ginaxangiiks. Il y a un certain nombre d’années, mon chef de l’époque, feu mon oncle Fred Dudoward, m’a demandé de venir chez lui et m’a donné un nom qui se trouvait juste à côté de lui et m’a donné le plein pouvoir de représenter ma tribu et de prendre des décisions.
Comme je l’ai mentionné au cours du dîner d’hier, nous avons aussi des chefs de maison dans notre tribu, qui détiennent des droits sur beaucoup de terres. Chacune de nos tribus détient le titre et a un chef de maison, ceux qui devraient prendre les décisions. Ce n’est pas moi, comme chef héréditaire, qui vais prendre des décisions concernant les territoires de mes chefs de maison. Ils doivent accepter cela. Je n’ai pas ce pouvoir; les chefs héréditaires des autres tribus n’ont pas non plus le pouvoir de prendre des décisions lorsque cela se produit.
Le président : Alors, pour que je comprenne bien, quelle est la différence entre un chef héréditaire et un chef élu? Êtes-vous un chef élu?
M. Reece : Je ne suis pas un chef élu.
Le président : Est-ce qu’un chef élu est ici?
M. Reece : Je suis chef héréditaire. Je suis une lignée depuis la maison de ma tribu. Mon oncle, le regretté Fred Dudoward, était le chef héréditaire de notre tribu. Quand il est décédé, le nom m’a été transmis. C’est donc héréditaire; ce n’est pas élu.
Le président : D’accord. Le chef élu n’est donc pas ici?
M. Reece : Non.
Le président : Est-il du même avis que vous?
M. Reece : Non. Il n’appuie pas le projet de loi. Il veut la suppression de l’interdiction.
Le président : Oui, je comprends. Je tenais simplement à éclaircir cette question.
M. Reece : Je sais que des gens de ma collectivité ont voulu faire croire que l’on y mourait de faim. Eh bien, ce n’est pas le cas. J’invite les sénateurs à venir voir ce qui s’y passe, car on a l’intention de construire une installation pour expédier le pétrole à partir de Grassy Point. Or, nous avons une usine de transformation du poisson juste en face du port, dans laquelle nous avons investi plus de 13 millions de dollars pour l’adapter au poisson de fond.
Cette usine fonctionne environ 8 mois par année, et je sais pertinemment que 60 des nôtres touchent des prestations d’assurance-emploi quand l’usine reste fermée. C’est le nombre le plus élevé d’effectifs autochtones que nous n’ayons jamais eu dans l’usine, où nous continuons à travailler le saumon.
Au total, une centaine des nôtres travaillent dans l’usine de transformation du poisson. J’ai mentionné que lorsque nous étions à Ottawa, nous avons conclu une entente selon laquelle le port doit donner 250 emplois à nos gens. J’ai vérifié les chiffres avant de venir pour savoir combien des nôtres y travaillent en ce moment et il y en a effectivement 60, mais il y a aussi des emplois connexes. Je songe par exemple à la quinzaine de camionneurs qui y travaillent. Il y a donc près de 80 personnes de ma collectivité.
Notre bande détient un permis forestier, que nous exploitons depuis des années. Cela crée de l’emploi. Nous avons conclu d’autres ententes. Je vous invite à venir nous visiter. Vous verrez un centre de loisirs avec une piscine et une glissoire de 150 pieds de long. Notre communauté n’est pas dans le besoin. Nous avons conclu beaucoup d’ententes au fil des ans. Auparavant, j’étais conseiller en chef et maire lorsque nous sommes passés de chef à maire. Nous avons conclu beaucoup d’ententes à ce moment-là. Les emplois se sont multipliés et de nombreuses personnes ont pu renoncer à l’aide au développement social.
Le président : Nous devons passer aux questions. Nous avons 25 minutes et il s’agirait de nous y mettre, vous voyez ce que je veux dire...
M. Reece : D’accord. Permettez une petite précision seulement.
Le président : Un dernier point. Ma générosité a des limites.
M. Reece : La société Western Canada Marine Response a un boursier qui travaille pour elle, Robert Stromdahl. Il a participé à un nettoyage au golfe du Mexique et je pense que vous devriez lui demander comment ça s’est passé. Eh bien, sachez que seuls 5 p. 100 du pétrole a été nettoyé. On plaçait des explosifs la nuit, je ne me souviens pas exactement de quelle sorte, mais le pétrole s’est brisé en morceaux plus petits, qui ont coulé au fond.
Je vous recommande fortement d’examiner cette question. La marée noire créée par l’Exxon Valdez n’a toujours pas été nettoyée. Si vous regardez en dessous des roches dans le coin, vous verrez des taches de pétrole. Et pourtant, bien des années se sont écoulées depuis le déversement, n’est-ce pas?
Notre groupe recommande donc fortement l’adoption du projet de loi C-48.
Le président : Merci beaucoup.
Je vais laisser la parole aux sénateurs Miville-Dechêne, Patterson, Cormier, Gagné, Simons et Smith. Chacun de vous a une question à poser.
Je demanderais à nos témoins de donner des réponses courtes et précises.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci, monsieur le président.
Ma question s’adresse à M. Garry Reece et elle fait suite à la question du président. J’aimerais que vous nous expliquiez la différence entre un chef héréditaire et un chef élu en ce qui a trait à l’étendue de votre compétence territoriale.
J’ai entendu dire que le chef élu avait plus de voix sur la réserve comme telle, au sein de la communauté, alors que le chef héréditaire avait plutôt son mot à dire au sujet des titres fonciers dans l’ensemble du territoire. Pouvez-vous nous le confirmer et nous l’expliquer en quelques mots?
M. Reece : Oui. Lorsqu’un ancien chef et conseiller en chef élu devient maire, la bande a des pouvoirs dans les réserves, mais aucun pouvoir sur nos terres ancestrales.
Comme je l’ai mentionné, les chefs de maison et les chefs héréditaires de chaque tribu détiennent ce pouvoir. Par conséquent, le conseil de bande, le conseil de bande élu, n’a pas le pouvoir de prendre des décisions.
La sénatrice Miville-Dechêne : Donc, dans le cas qui nous occupe, votre communauté est divisée. Vous avez un chef élu qui est contre le projet de loi alors que vous, vous êtes en faveur. Quelle est la solution à ce problème? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Reece : Eh bien, il y a beaucoup de décisions qui ont été prises, et j’ai mentionné qu’il y a un énorme conflit entre le conseiller en chef élu et le chef adjoint qui travaille pour Eagle Spirit. Notre maire est toujours vice-président d’Eagle Spirit. Le conflit est de taille. Nos gens le savent et voient ce qui se passe. Et il y aura bientôt des élections.
Le président : Nous verrons ce que cela va donner.
Le sénateur Patterson : Vous venez de mentionner, monsieur Reece, un conflit au sein de votre collectivité. Je me pose des questions à ce sujet. Nous avons entendu à Ottawa, et nous nous attendons à entendre ici, sur la côte Nord, les points de vue d’autres dirigeants autochtones, d’autres titulaires de droits, qui ont une opinion différente du projet de loi et qui sont prêts à permettre que leurs terres et leurs eaux soient utilisées pour créer des emplois et des occasions d’affaires chez eux.
Pourriez-vous nous dire comment nous devons composer avec les points de vue contradictoires des dirigeants autochtones de la côte Ouest? Qui devons-nous écouter?
M. Reece : Eh bien, il y a d’autres chefs tribaux qui appuient le programme Eagle Spirit. Comme je l’ai mentionné, nous avons des leaders parlementaires. L’un des leaders à la Chambre qui détient le territoire à Grassy Bay est assis ici. Il n’a pas été consulté. Il n’a pas donné son accord pour que quelque chose se passe là-bas.
Et il y a un autre leader parlementaire dans la communauté qui ne veut pas qu’il se passe quoi que ce soit là-bas, ou qui est contre le pétrole.
Le président : Monsieur White, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. White : Oui. [Le témoin s’exprime en langue autochtone.] Je veux vous montrer la différence entre un chef et un conseil élus et un chef héréditaire. Tous les Gitxaalas, que vous voyez ici debout, sont notre gouvernement. Ce sont eux qui nous donnent des directives. Ce sont les propriétaires fonciers, les détenteurs de titres. Ils sont les gardiens de la terre.
En notre qualité de chef et de conseil, nous suivons les directives du chef héréditaire et nous mettons en œuvre ce qu’il faut pour l’atteinte de ses objectifs.
J’espère que cela répond un peu à votre question sur la distinction entre le chef élu et le conseil. Le chef et le conseil sont le produit de votre gouvernement fédéral, pas du nôtre. Ce sont les gens de notre gouvernement, ici, nos dirigeants héréditaires. La seule responsabilité du chef et du conseil élus concerne les réserves que le gouvernement fédéral a laissées à nos nations, et ce n’est pas grand-chose par rapport à notre territoire.
Tous les gens que vous voyez ici en représentation de la Nation Gitxaala ont la responsabilité de notre territoire. Merci beaucoup.
Le président : Monsieur White, combien y a-t-il de membres de la Nation Gitxaala?
M. White : Deux mille.
Le président : Sur ces 2 000, ont-ils tous le même sentiment que vous, ou sont-ils divisés comme dans n’importe quelle autre communauté?
M. White : En ce qui concerne le projet de loi C-48, oui, nous avions un accord unanime.
Le président : Parmi tous les 2 000?
M. White : C’est exact, oui.
Le président : D’accord.
Vous avez la parole, sénateur Cormier.
[Français]
Le sénateur Cormier : Je vais poser ma question en français. D’abord, je veux vous remercier de vos présentations. Je veux vous dire que, en tant que francophone qui vit en milieu minoritaire dans une communauté où la pêche est importante pour notre survie, je comprends tout à fait vos préoccupations, et je suis de tout cœur avec vous.
Cela dit, je veux mieux comprendre puisque, dans cette région, il y a déjà beaucoup d’activité économique liée à la mer et il y a beaucoup de bateaux qui circulent. Ces bateaux ne sont pas sans risque, donc je sais que vous avez été consultés par le gouvernement fédéral, mais je voudrais savoir comment les compagnies pétrolières ont discuté et échangé avec vous au sujet de leurs projets futurs ou des enjeux que vous devez affronter pour la survie de votre communauté.
Quelle est la relation que vous entretenez avec les compagnies pétrolières ou que ces dernières entretiennent avec vous pour discuter de ces grands enjeux environnementaux?
[Traduction]
Guujaaw : Monsieur le président, la portée et les limites de nos droits ancestraux sont clairement définies dans la loi canadienne actuelle, pour qui la limite intrinsèque se situe à la ligne à partir de laquelle les terres détenues pourraient être utilisées d’une manière incompatible avec les fins mêmes pour lesquelles nous revendiquions un droit au départ, c’est-à-dire notre vie et la mer. C’est là que se trouve notre culture et tout le reste. Il est donc faux de prétendre que c’est un droit de faire partie d’un pipeline ou d’obtenir des avantages d’un pétrolier. C’est une atteinte au droit.
Donc, nos propres gens qui se sont engagés dans cette voie l’ont fait parce que les sociétés pétrolières sont venues parmi nous et ont commencé à leur distribuer de l’argent, à les acheter. Voilà qui sème vraiment, mais vraiment, la discorde dans nos collectivités.
Parmi les Haïdas, il y en a eu très peu qui ont sacrifié leur manière de penser pour une poignée de dollars. Nous le voyons dans les pays du tiers monde; nous ne pensions pas qu’il en serait ainsi ici, mais nous l’avons vu chez nous.
Nous ne sommes pas parfaits, nous non plus. Nous pourrions certainement nous laisser séduire par l’argent autant que quiconque, mais notre peuple s’y oppose fermement, tout comme ses dirigeants élus ou héréditaires.
Chacun d’entre nous, chacun de nos villages aurait pu bénéficier de cet argent. Nous voulons tous une vie meilleure pour notre peuple. On nous l’a offert à tous, mais nous ne sacrifierons pas ce que nous avons, car nous savons que c’est cela qui fait notre culture.
Le président : J’ai deux ou trois questions à poser.
Vos groupes font-ils partie du groupe de la forêt pluviale du Grand Ours? Votre conseil ou votre peuple font-ils partie de ce groupe?
Guujaaw : Oui, je peux répondre à cette question. Nous avons des alliances avec les Nations Kitkatla et Lax Kw’alaams dans certains cas, mais toutes les autres collectivités de la côte au nord de l’île de Vancouver sont associées à ce groupe.
Le président : Elles reçoivent de l’argent d’organisations étrangères, d’organisations américaines, n’est-ce pas?
Guujaaw : Très peu.
Le président : Mais encore?
Guujaaw : Eh bien, écoutez...
Le président : Je pose simplement la question. Oui ou non?
Guujaaw : Il y a de l’argent d’origine philanthropique, où personne ne vous dit comment l’utiliser. Si quelqu’un veut de l’argent dans ces conditions, il suffit de présenter la demande et de dire ce que l’on a l’intention de faire avec. Il n’y a aucun organisme, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, qui nous donne des instructions, qui nous disent comment nous comporter ou quoi faire.
Songez à la nature de ce pétrole. Que ce soit de l’argent chinois ou de l’argent américain, quelle est la différence?
Le président : Je vais vous poser une question à tous. Vous avez tous parlé de droits, et bien sûr, je le comprends et j’y crois. Il y a aussi d’autres droits — vous vivez au Canada, vous avez des responsabilités. Il y a beaucoup de Premières Nations qui ne veulent pas de ce projet de loi, surtout dans les Prairies et dans certaines parties du Nord de la Colombie-Britannique. Beaucoup d’entre elles ont cette ressource qui éclaire nos bâtiments, alimente vos bateaux et tout le reste. Beaucoup d’entre elles en ont carrément sur leurs terres.
Comment voulez-vous qu’elles vendent cette ressource à l’extérieur du Canada? C’est une question de responsabilité.
Guujaaw : Oui. C’est une question de responsabilité, et nos gens sur la côte utilisent probablement du gaz depuis aussi longtemps que n’importe qui d’autre au Canada. Mais il y a une différence entre les droits ancestraux et les droits issus de traités. Un droit issu d’un traité est défini, on s’en occupe. Nous n’avons pas signé de traités; nous détenons des droits sur nos terres. Nous, dans cette salle, ne sommes pas signataires de traités. Nous conservons toujours nos titres.
Le Canada n’a pas de titre clair sur ces terres tant qu’il ne se réconcilie pas avec nous. Il y a donc toute une différence. Et les responsabilités ne sont pas de garder la terre. Nous savons que la façon dont nous vivons depuis 100 ans a compromis cette planète, et nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous ne pouvons pas continuer à travailler en faisant semblant qu’il ne se passe rien. Nous ne pouvons pas laisser ces économies détruire la Terre.
Le Canada est un bon pays, mais presque tout, chaque moteur économique tel qu’il est actuellement, est un élément qui contribue à la destruction de la Terre.
Le président : J’en discuterais avec vous à un autre moment.
Vous avez la parole, sénatrice Gagné.
La sénatrice Gagné : Merci, monsieur le président.
J’ai une question concernant votre relation avec les groupes environnementaux. Comment participez-vous avec d’autres groupes pour vous assurer que vos terres et vos eaux sont protégées dans votre région?
Guujaaw : Dans notre région, nous avons des chefs élus. Nous avons un gouvernement de nation élu, et les chefs héréditaires travaillent tous ensemble. Je crois que nous travaillons également avec quatre municipalités; vous allez entendre au moins l’une d’entre elles aujourd’hui. La question est-elle de savoir comment nous pouvons travailler ensemble? Comment nous cherchons à résoudre les choses?
La sénatrice Gagné : La question est toujours la suivante : êtes-vous associés à des fondations et, le cas échéant, d’où obtiennent-elles leur argent? Je pense à une autre perspective. Comment pouvez-vous, dans toutes les collectivités et aussi avec les différents groupes qui pensent que nous devons être les gardiens de nos terres et de notre planète, travailler ensemble pour nous assurer que nous avançons en songeant à l’environnement?
Guujaaw : Si vous me le permettez, nous travaillons certainement avec les environnementalistes. Pour ce qui est de la philanthropie, la plus grande partie de notre argent est notre propre argent, que nous obtenons des crédits carbone et autres. Nous travaillons également avec les gouvernements fédéral et provincial. Nous avons fait beaucoup de planification et de protection des terres et des zones marines. Le gouvernement Harper a également pris de l’argent philanthropique de la Fondation Moore pour la planification marine. Ce qui est parfait; cela ne change rien à ce que le gouvernement fédéral doit faire, ou à ce que nous avons fait, mais cela nous aide à faire le travail.
Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. White : Oui. [Le témoin s’exprime en langue autochtone.] Je suis tout à fait d’accord avec Guujaaw. Je vais vous donner un exemple du financement de base dont vous parlez. La Nation Gitxaala a dépensé plus de 6 millions de dollars en frais juridiques pour le dossier d’Enbridge. De ces 6 millions de dollars, nous avons reçu 32 000 $ d’une fondation. C’est tout. Vous savez, nous ne comptons donc pas sur des fonds de base provenant de l’extérieur.
Le président : D’où vient le reste?
M. White : De l’interne, de nos propres travaux. Ils ont donc utilisé tout leur argent pour se battre contre le projet d’Enbridge, et ils sont prêts à faire tout autant pour tout ce qui concerne les hydrocarbures sur les cours d’eau.
Notre position demeure inamovible : pas de pétroliers sur la côte, un point c’est tout.
Le sénateur Smith : Merci à tous d’être ici et de nous permettre d’être avec vous. J’ai passé beaucoup de temps dans le monde des affaires à faire différentes choses, mais ce que j’ai appris, c’est que si on veut obtenir de l’information, il est important d’aller voir les gens, là où ils vivent, et nous vous remercions de votre temps.
De nombreux dirigeants de collectivités autochtones nous ont rendu visite récemment, tant au sujet du projet de loi C-69 que du projet de loi C-48, et je veux simplement essayer de comprendre quelle est, pour vous, la définition de « consultation »?
Il y a environ deux mois, les gens chargés du projet de gaz naturel liquéfié sont venus à Ottawa, et il y a eu un grand souper. La personne qui a négocié l’entente était une jeune chef de 37 ans. Voici ce qu’elle a dit : « Nous n’avons pas accepté quoi que ce soit avant d’avoir la certitude que le grand fabricant allait faire ce que nous voulions. »
J’aimerais que vous me disiez quelle est votre définition de « consultation »?
M. White : Pour nous, consultation veut dire aller voir les Lax Kw’alaams, les Gitxaalas, rencontrer ceux qui intègrent notre structure de gouvernance, dont le chef et le conseil, et entamer un débat pour déterminer si ce qu’ils proposent est vraiment dans l’intérêt de tout le monde.
C’est notre définition de la consultation. Il s’agit d’une rencontre avec notre structure de gouvernance.
La sénatrice Simons : Je viens de l’autre côté des montagnes, de l’Alberta, du territoire visé par le Traité No 6, et je tiens à vous remercier tous de vos propos passionnés aujourd’hui.
Un aspect que j’ai relevé au cours de ces audiences et qui m’a vraiment préoccupée, c’est l’absence de toute intervention de nettoyage le long de cette partie de la côte. Ce que je crains, entre autres, c’est que si nous adoptons le projet de loi C-48, le gouvernement finira par estimer qu’il est « inutile de se soucier d’investir davantage dans le nettoyage, puisqu’il n’y a pas de pétroliers. » La plupart des déversements que vous avez eus ici n’étaient pas du pétrole lourd, mais du diesel, de l’essence.
Je veux savoir dans quelle mesure vous êtes satisfaits de la façon dont les déversements d’hydrocarbures sont traités ici, et si vous craignez que le gouvernement adopte le projet de loi C-48 et qu’il ne tienne pas compte des autres risques qui existent déjà à cause de l’intensité du trafic maritime.
Le président : Monsieur White, ou quiconque veut répondre. Choisissez quelqu’un et allez-y.
M. White : On voit de la destruction partout. La société n’a pas été bonne pour notre environnement, et c’est la raison principale qui explique les changements climatiques. Regardez un peu nos forêts, par exemple, toute la dévastation qu’il y a eu dans le secteur. Regardez nos activités minières. Regardez nos pêches. Nous avons épuisé les stocks de poissons, leurs œufs, le varech, tout.
Nous avons une mine sur l’île Banks et voilà trois ans que nous demandons au gouvernement de la nettoyer. Le nettoyage ne coûte pas très cher, mais nous nous battons toujours pour qu’il se fasse.
C’est donc une dévastation après l’autre. Il ne s’agit pas seulement de récolter jusqu’au dernier fruit de la Terre mère par rapport à l’avenir de la société aujourd’hui, mais aussi de la destruction de notre culture, de nos enfants. Le plus grand nombre de personnes incarcérées, ce sont nos gens. Le plus grand nombre d’enfants placés en foyers d’accueil, ce sont les nôtres.
Vous savez, il faut arrêter cela. Nous devons commencer à travailler ensemble pour pouvoir améliorer la vie de tout le monde. Merci.
Le président : D’accord.
Quelqu’un d’autre va-t-il répondre?
La sénatrice Simons : Je voulais en savoir plus sur le nettoyage des déversements d’hydrocarbures dans l’eau.
M. Reece : J’ai parlé du golfe du Mexique et de l’Exxon Valdez, mais il n’existe aucune technologie éprouvée dans le monde pour le nettoyage des déversements de pétrole.
Comme je l’ai dit, si vous allez y jeter un coup d’œil, vous verrez qu’il y a encore du pétrole sous ces roches. Si vous pouvez nous prouver qu’il existe une telle technologie pour le nettoyage des déversements de pétrole, nous allons nous asseoir à la table et en discuter, mais pour l’instant, ce n’est pas le cas.
La sénatrice Dasko : Tout d’abord, merci beaucoup à tous pour vos exposés d’aujourd’hui. J’ai beaucoup appris.
Nous avons six dirigeants à la table, et nous en avons entendu cinq. J’aimerais demander à Mme Moody, qui est décrite comme une matriarche de votre collectivité, de nous dire quelle est votre position dans votre collectivité et aussi votre point de vue sur le projet de loi.
Janet Moody, matriarche héréditaire, Nation Gitxaala : Mon point de vue? Je vais vous raconter mon histoire ici. Mon défunt mari était propriétaire d’un territoire, Campania. Nous allons en voyage à Hawaï, mais nous avons une très belle plage de sable ici à Campania. Il possédait une zone de pêche qui lui avait été léguée depuis des générations, et mon défunt mari en était le propriétaire.
Lorsque la pêche a été ouverte à toutes sortes de gens, des pêcheurs au filet maillant sont arrivés et ont ramassé tous les poissons. Nous avons dû quitter l’endroit parce que la pêche n’y était plus viable.
Je veux simplement vous ouvrir les yeux sur ce qui se passe. C’est pourquoi je suis contre le pétrole. Vous devriez vous rendre en Colombie-Britannique pour entendre le bruit des vagues, y ressentir le calme. Maintenant, vous n’entendrez plus rien de tout cela, avec tous les navires qui circulent. C’est bruyant.
Notre village est une île. Nous faisons face au nord, et à l’arrière de notre île, il y a l’océan. Nous entendons passer les navires, quand il fait beau, et ce n’est une bonne chose ni pour moi ni pour la génération de mes petits-enfants.
L’argent ne vaut rien. Nous pouvons nous arranger sans argent, parce que nous avons appris à survivre selon nos traditions.
J’espère avoir répondu à votre question. Merci.
La sénatrice Dasko : Merci.
Le président : Pourriez-vous me dire quel est le taux de chômage dans votre réserve?
M. Reece : Je sais qu’il a beaucoup diminué dans notre collectivité, grâce à notre usine de transformation du poisson et à notre centre de loisirs, qui procurent de nombreux emplois. Environ 80 p. 100 de nos citoyens occupent un emploi à l’heure actuelle.
Le président : Donc, environ 17 p. 100 de chômage, ou quelque chose du genre? Ce n’est pas mal du tout. Mais qu’en est-il des autres réserves?
Guujaaw : J’aimerais ajouter quelque chose. Notre peuple a subi des sanctions économiques pendant des années, et la pauvreté n’était pas le fruit du hasard. C’était délibéré, de créer cette dépendance et de nous placer dans la situation dans laquelle nous nous trouvons. C’était délibéré. C’était pour briser notre peuple.
Au fil des ans, nous avons repris le dessus. Toutes nos collectivités se portent mieux maintenant qu’il y a 25 ans. Nous nous en tirons tous mieux, et nous avons tous l’intention de continuer à nous appuyer sur un mode de vie durable, la pêche, et tout ce qui correspond à nos traditions.
Nous devons nous battre contre le gouvernement, travailler avec lui et nous réconcilier avec lui pour essayer de récupérer nos droits, nos droits d’accès commercial à la pêche. Aucun d’entre nous n’avait le droit à quoi que ce soit à voir dans le secteur de la foresterie. Nous avons travaillé, nous nous sommes battus pour avoir accès au bois et à tout ce qui entoure ce secteur — nous vivons sur l’une des terres les plus riches du monde, et on a appauvri notre peuple. Nous nous relevons lentement, à notre façon, mais nous n’attendons pas que quelqu’un vienne nous rendre tous millionnaires au détriment de nos terres.
Le président : Merci beaucoup. Merci encore de votre participation.
Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons maintenant, de la Première Nation Kitasoo Xia Xia, Lorna Fraser, conseillère; de la Première Nation Gitga’at, Arnold Clifton, conseiller en chef; de la Metlakatla Stewardship Society, Ross Wilson, directeur de l’intendance; et, à titre personnel, Robert Hughes, pêcheur commercial, Lax Kw’alaams.
Nous allons commencer par Mme Fraser. Vous avez cinq minutes chacun.
Lorna Fraser, conseillère, Première Nation Kitasoo Xia Xia : [Le témoin s’exprime en langue autochtone]. Mesdames et messieurs, je tiens à remercier les neuf tribus qui font de nous la Nation Tsimshian et la [Le témoin s’exprime en langue autochtone] de nous autoriser sur son territoire pour vous présenter un exposé aujourd’hui.
Je commencerai par dire que les Premières Nations représentent 50 p. 100 de la population de la côte septentrionale et centrale et de Haida Gwaii, et que nos territoires représentent 40 p. 100 des eaux côtières du Pacifique au Canada. En conséquence, nos préoccupations à l’égard de nos terres et de nos eaux sont légitimes et elles devraient être considérées comme telles.
Il est important de souligner que nous sommes à une époque de changement et que nous espérons rebâtir une relation positive entre le gouvernement et les peuples autochtones à tous les égards. Notre effort de collaboration pour rebâtir une économie durable sur ces territoires fait partie intégrante de la réconciliation avec la Colombie-Britannique et avec le gouvernement fédéral du Canada.
Nos dirigeants ont contribué à l’élaboration des ententes historiques relatives à la forêt pluviale Great Bear, qui permettront de protéger 85 p. 100 de ces forêts, et ils veilleront à ce que nos ressources soient gérées selon une approche écosystémique.
Nous créons également des plans de gestion intégrée par l’entremise du Partenariat de planification marine, une initiative menée conjointement avec la Colombie-Britannique. Limiter les livraisons de pétrole par la voie de ces eaux écologiquement fragiles est un élément clé du Plan de protection des océans du gouvernement du Canada. Appuyer le projet de loi C-48 et empêcher les grands pétroliers de naviguer dans ces eaux est un élément important de ces objectifs de planification à long terme.
Nos écosystèmes côtiers renferment d’abondantes espèces marines et fournissent un habitat essentiel à environ 20 p. 100 de la population mondiale de saumon sauvage. En outre, plus de la moitié des espèces d’oiseaux marins de la Colombie-Britannique utilisent des habitats dans nos territoires tout au long de leur cycle de vie. Les grands pétroliers menacent ces écosystèmes, tout comme l’extraction non durable des ressources les met en péril depuis des décennies.
Depuis plus d’un demi-siècle, nos ressources naturelles et culturelles ont été exploitées de façon non durable, sans aucune compensation pour notre peuple.
Encore une fois, je reviens à mon premier commentaire d’espoir. Aujourd’hui, nos collectivités bâtissent une nouvelle économie durable dans les secteurs des pêches et de la foresterie, qui sont engagés dans la gestion écosystémique et par l’énergie propre, les compensations de carbone et l’écotourisme.
Notre vision de la gestion de nos terres et de nos eaux est fondée sur le véritable concept de « durabilité ». Pour nous, cela signifie que la richesse des forêts, des milieux aquatiques et de la faune ainsi que la complexité de toute forme de vie seront là pour toujours. Nos leaders nous ont appris que nous ne possédons pas nos ressources; nous n’en sommes que les dépositaires pour les prochaines générations.
Ainsi, à Klemtu, le principal village de la Nation Kitasoo Xai Xia, nous avons créé une entreprise d’écotourisme durable appelée Spirit Bear Lodge, qui emploie actuellement 10 p. 100 de notre population. Sa popularité croît à l’échelle mondiale chaque année, de sorte que l’emploi des membres de notre collectivité continuera de croître également.
De plus, les connaissances et la sagesse de notre peuple à l’égard de nos territoires et des espèces que nous partageons sur nos terres et dans nos eaux continueront d’être partagées, et elles se répandront partout dans le monde, ce qui ne peut qu’être favorable pour l’avenir des terres et des eaux partout dans le monde.
Cette entreprise offre des possibilités diversifiées dans notre principale collectivité de Klemtu, particulièrement pour nos jeunes. Cela leur a donné une voix, un sentiment renouvelé d’appartenance et d’identité, ainsi qu’un désir de protéger leurs territoires, comme nous le faisons pour les générations qui suivront.
Notre collectivité est passée d’une grande dépendance à l’égard des emplois dans le secteur de l’extraction des ressources à une forte concentration d’emplois en conservation et dans des activités non extractives. Un déversement de pétrole dévasterait ces économies en pleine croissance et détruirait un secteur d’activité dont dépend mon peuple pour se nourrir, organiser des cérémonies et occuper un emploi.
Comme enseignant, j’essaie d’amener mes étudiants à sortir des sentiers battus — d’essayer une approche différente quand une méthode ne fonctionne pas — et à pondérer leurs décisions en fonction de la gestion des risques.
J’ai parlé plus tôt de l’espoir que j’ai de voir la réconciliation se poursuivre, d’assister à une relation de confiance plus saine entre les Premières Nations et les ministères. Pourtant, il en a été question à maintes reprises au cours des 40 dernières années. Pourquoi ressasse-t-on le même vieil argument? Depuis plus de 40 ans, cette discussion se termine toujours sur la même conclusion. Le risque posé par la circulation de grands pétroliers dans cette région côtière est tout simplement trop élevé.
Il est clair et bien documenté sur le plan historique que le statu quo ne fonctionne pas. Dicter ses volontés aux Premières Nations, fonder l’économie sur l’extraction des matières premières et viser de gros gains à court terme ne fonctionne pas.
Nous devons passer à autre chose. Nous le savons trop bien depuis deux générations. Consacrons nos ressources financières et mentales à la recherche de solutions de rechange au développement non durable. Nourrir plutôt que détruire. C’est évident. Comment pouvons-nous prétendre être une espèce intelligente si nous ne reconnaissons pas l’évidence? Je vous le répète, à vous qui êtes parmi les plus hauts décideurs du pays, comment pouvons-nous prétendre être une espèce intelligente si nous ne reconnaissons pas l’évidence?
Nous avons besoin d’équilibre et de considération pour le bien-être de tous, pour tous les gens, pour toutes les espèces, pour toujours.
Le président : Nous en sommes maintenant à sept minutes.
Mme Fraser : Nous ne pouvons courir le risque d’un déversement catastrophique de pétrole sur la côte de la Colombie-Britannique. Nous, les êtres humains, ne sommes pas propriétaires de cette terre, mais nous avons la capacité de prendre des décisions qui la touchent grandement. En conséquence, nous avons la responsabilité de prendre les meilleures décisions possible et, dans ce cas-ci, de garder les grands pétroliers loin de nos eaux et de nos côtes.
Le président : Merci.
Monsieur Clifton, après 4 minutes et 30 secondes, je vous ferai signe. La parole est à vous.
Arnold Clifton, conseiller en chef, Première Nation Gitga’at : Bonjour. Je suis chef héréditaire et élu à Gitga’at, et voici Bruce, mon chef adjoint.
Tout d’abord, j’aimerais parler des trois incidents qui se sont produits sur notre territoire. Le premier concerne un navire Brigadier, le Zalinski, qui se trouve toujours là où il a coulé. Lorsqu’il a quitté Seattle, il contenait 700 tonnes métriques de combustible de soute, et lorsqu’on a voulu récupérer ce combustible l’autre année, il n’en contenait plus que 42. On a soutenu qu’il n’en contenait que 650 lorsqu’il a coulé. Ce navire est toujours là, plein de munitions, en plus de 12 bombes, et 24 ogives. Il se trouve sur notre territoire, à une profondeur d’environ 60 pieds.
J’aimerais aussi parler du Queen of the North. Aujourd’hui, le Queen of the North est là depuis plus de 10 ans, à une profondeur de 200 brasses, et il continue de déverser du pétrole. Lorsque le Queen of the North a sombré, ce sont nos gens qui ont sauvé les passagers à bord. Les employés de la Garde côtière étaient à trois heures de distance. Au lieu de mettre à l’eau leur radeau de sauvetage, ils ont fait demi-tour et ont essayé de se rendre sur les lieux le plus vite possible. Quand ils sont arrivés, tous les passagers étaient rendus à Hartley Bay.
Puisque nous parlons d’intervention, les gens de Burrard Clean sont allés à Hartley Bay, où ils ont passé 27 jours. Tout ce qu’ils ont pu récupérer en 27 jours, c’est 18 litres de pétrole. Pas même 5 gallons, et ils ont été là pendant 27 jours.
Le mieux que l’on puisse faire au Canada en matière de récupération du pétrole, c’est 3 p. 100, et au monde, c’est 15 p. 100. Je ne sais pas si cela a changé, mais ce sont les chiffres dont nous disposons.
En passant, je suis un pêcheur commercial. C’est ma cinquante-septième année d’utilisation d’un senneur. L’autre incident dont je veux parler est celui de Wilson Rock. Un navire se dirigeant vers Kitimat a heurté un rocher, et un ingénieur du gouvernement est venu à Bella Bella. Je vivais à Bella Bella à l’époque. Un ingénieur du gouvernement est venu à Bella Bella avec deux plongeurs Canam, et il voulait affréter un bateau, et comme tout le monde lui a recommandé de s’adresser à moi en lui disant que je connaissais bien la zone, je l’ai amené là-bas.
En remontant, l’ingénieur me disait que le navire qui a heurté ce rocher — perçant la coque du même coup — transportait une cargaison de minerai destinée à la compagnie Alcan à Kitimat. Le rocher a percé un trou quatre à huit pieds de largeur à l’avant du navire. Il a traversé toutes les cloisons. La dernière cloison était celle de la salle des machines, et comme elle était assez épaisse, elle a résisté, sinon le bateau serait encore là. Le fond à cet endroit est parsemé de morceaux de métal provenant de la coque.
Quoi qu’il en soit, quand je suis arrivé là-bas, je me suis ancré sur place. J’aurais beaucoup de choses à vous dire au sujet de ce qui s’est passé avant que nous arrivions là, mais je vais m’en abstenir. J’ai jeté l’ancre sur place et les plongeurs se sont préparés à descendre. À ce moment-là nous n’étions qu’à quatre heures de l’étale de la marée. Je leur ai dit que ce ne serait pas sécuritaire de plonger, parce que les marées peuvent atteindre de 3 à 4 nœuds ici.
Un plongeur s’est préparé une heure avant et l’autre se préparait. Il a sauté et il était à deux pieds sous l’eau, observant le dégât plus bas, pendant que l’autre attendait. Il était attaché au moyen d’une corde. Soudainement, le vent s’est levé, soufflant à environ 20 à 25 milles du sud-est, puis la marée s’est arrêtée, alors je leur ai dit de tout arrêter.
Ils l’ont fait monter à bord. Ils n’ont même pas eu besoin de le soulever à bord; à ce moment-là, il a simplement embarqué lui-même sur le côté du bateau. Nous sommes partis et nous avons mis nos lignes à l’eau à Channel Island, et les plongeurs ont demandé s’ils pouvaient aller plonger. Je leur ai demandé, s’ils ramenaient des ormeaux, d’en garder pour moi.
Quoi qu’il en soit, ils se sont éloignés d’environ 200 pieds d’où nous étions ancrés. Puis, un type est remonté, a crié et est aussitôt redescendu. Ils sont remontés, et il y avait un épaulard au fond. Il était tacheté de blanc à cause du pétrole. Ils sont revenus vers le bateau, et nous avons constaté que la combinaison de celui qui était remonté était couverte de pétrole sur une épaisseur d’un demi-pouce. Il y avait du pétrole sous la surface de l’eau de 8 à 10 pouces d’épaisseur, et la tache se rapprochait de la rive.
Le fond était jonché de mollusques morts. C’est la raison pour laquelle il était remonté, et il n’avait même pas vu le pétrole. Nous ne pouvions pas voir le pétrole du bateau. Il se situait sous la surface de l’eau. Une grande partie de ce pétrole coulait au fond, emportant avec lui tous les mollusques et crustacés.
Le président : Merci. La parole est à vous monsieur Wilson.
Ross Wilson, directeur de l’intendance, Première Nation Metlakatla : Bonjour. Avant de commencer, je veux vous présenter Sm’oogyit Clarence Nelson et Sm’ oogyit Mike Elk, à ma droite. Ils appuient l’exposé de la Première Nation Metlakatla.
La Metlakatla Stewardship Society a ouvert ses portes en 2012 avec le mandat clair de représenter la nation, le conseil, dans le cadre des initiatives d’intendance.
Ce mandat est très clair et précis. Il s’agit d’un programme pour le compte du conseil de gestion de Metlakatla, et le mandat permet à la Stewardship Society d’être consultée et d’être entendue relativement aux initiatives d’intendance. L’exigence de consentement vient du conseil de gestion de Metlakatla, et non de la Stewardship Society. Nous nous concentrons uniquement sur les intérêts en matière d’intendance.
Les membres de Metlakatla continuent d’occuper leur territoire et d’y récolter des ressources, et ce territoire s’étend de la rivière Copper jusqu’à l’océan et au détroit d’Hécate, au détroit de Granville et au nord jusqu’à Stewart, en Alaska, et à Observatory Inlet.
Il se trouve que le territoire comprend la route 16 et le corridor ferroviaire du CN, les terminaux d’exportation du port de Prince Rupert et les voies de navigation vers le nord jusqu’au détroit d’Hécate. Le territoire de Metlakatla est devenu l’épicentre du trafic et du commerce sur la côte septentrionale.
Compte tenu de l’emplacement stratégique de Metlakatla et de son mandat d’intendance, la Stewardship Society fait face à une énorme charge de travail et, avec le soutien du leadership, nous avons mis sur pied un service chargé de surveiller et de gérer l’exécution du mandat. À titre d’exemple d’une fraction de notre travail, au cours des sept dernières années, la Stewardship Society a achevé des plans d’utilisation du milieu marin nationaux et bilatéraux avec la Colombie-Britannique et le Canada; elle a appuyé et dirigé 23 évaluations environnementales et examens de grands projets; elle a négocié sa participation à la surveillance environnementale du projet de gaz naturel liquéfié Pacific Northwest, en partenariat avec Lax Kw’alaams; elle a commencé à travailler à un accord-cadre de réconciliation avec le Canada, et il s’agit plus précisément du PPO; elle a été reconnue par Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada pour contribuer à l’initiative fédérale visant à établir un centre d’expertise sur la gestion des effets cumulatifs dirigé par les Autochtones.
Malgré nos réussites, pendant que j’étais directeur de la Metlakatla Stewardship Society, nous avons été témoins d’épisodes de vulnérabilité face à certains événements effrayants. Il s’agit notamment de l’échouement d’un navire charbonnier dans l’avant-port, qui s’est produit en pleine journée ensoleillée avec deux pilotes à bord; le déraillement d’un train le long de la Skeena; une barge détruite par les flammes et remorquée à l’intérieur de cercles juste au-delà du village de Metlakatla, et cette barge a brûlé pendant trois jours.
Lors de chacun de ces incidents, la Première Nation de Metlakatla n’a pas été avisée, n’a pas fait partie de l’intervention coordonnée, ni de l’examen et de la surveillance des répercussions continues. Du point de vue de la Stewardship Society, peu importe ce qui se passe avec le projet de loi C-48, nous avons tellement plus à faire pour protéger, gérer et maintenir les eaux de la côte Nord.
Premièrement, il faut mettre l’accent sur la prévention. Pour les Metlakatla, la prévention signifie que nous devons travailler sérieusement de gouvernement à gouvernement, entre les Premières Nations, la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral, ce qui comprend les neuf ministères et le port de Prince Rupert.
Au-delà de la prévention, les Premières Nations sont le plus souvent les premières à intervenir et les plus susceptibles d’être touchées par un incident majeur. Par conséquent, les Premières Nations doivent diriger la préparation aux incidents et être bien équipées pour être les premières à intervenir en cas d’incident maritime.
Enfin, en cas d’accident, notre capacité de faire le suivi des conséquences et d’aider nos collectivités à se rétablir sera primordiale. Pour faire ce dont je viens de parler, nous avons besoin d’un mandat et d’une détermination de la part des gouvernements aux niveaux fédéral et provincial. Nous avons également besoin des outils et de la capacité nécessaires pour mener cela à bien à long terme. Non seulement au cours de la prochaine année ou du prochain cycle électoral, mais aussi dans le cadre d’une nouvelle approche intégrée de la gestion collective de nos océans pour la santé et la durabilité à long terme de nos eaux et des habitants de la côte Nord.
Le président : Merci, monsieur Wilson.
Monsieur Hughes, je vous en prie.
Robert Hughes, pêcheur commercial, Lax Kw’alaams, à titre personnel : Bonjour. Je suis ici en qualité de représentant des pêcheurs commerciaux de la bande des Lax Kw’alaams. Je suis pêcheur depuis 40 ans. Je siège également au North Coast Area C Harvest Committee, qui représente les pêcheurs commerciaux de la côte Nord.
Aujourd’hui, je suis ici pour parler de l’état des pêches sur la côte Nord et des problèmes auxquels nos membres Lax Kw’alaams font face chaque année. Notre bande dispose encore d’une flottille de 70 à 80 bateaux de pêche commerciale, tandis que la plupart des autres bandes n’en ont plus qu’une poignée.
Lorsque la pêche commerciale est ouverte, le ministère des Pêches et des Océans, le MPO, ne l’ouvre que pour quelques heures, ce qui fait que nos membres pêchent dans le but d’essayer de gagner suffisamment pour être admissibles aux prestations d’assurance-emploi. Certains de nos pêcheurs n’ont gagné que le strict minimum à cet effet. Par conséquent, la majorité des bateaux de notre flotte, soit environ 98 p. 100, ne sont pas assurés. Nous ne pouvons pas survivre avec le temps qui nous est accordé pour la pêche commerciale. Sur la côte Nord, les quatre ou cinq dernières années ont été catastrophiques.
Le projet du MPO est de fermer la pêche commerciale et d’espérer que le saumon retournera dans les frayères. Il n’y a tout simplement pas assez d’améliorations pour reconstituer les stocks. Les Américains au nord et au sud le font depuis des années. Les pêches de l’État de l’Alaska viennent d’annoncer qu’un nombre record de 213 millions de poissons devraient revenir cette année. Cherchez l’erreur! Le MPO a peut-être des leçons à recevoir des Américains, car ce qu’il fait ne fonctionne manifestement pas.
Auparavant, nous pouvions pêcher le flétan à la traîne au filet maillant avec un seul permis, mais maintenant, il faut un permis pour chaque pêcherie, ce que nos pêcheurs ne peuvent pas se permettre. Les pêcheries sont achetées par des entreprises. Que fait le gouvernement pour mettre fin à cela? Il devrait s’agir de propriétaires exploitants et non pas de pêcheurs de salon qui ne pêchent pas, mais qui louent le quota ou les permis. Nos pêcheurs sont surveillés à mort et ce sont eux qui assument tous les coûts.
Les droits exigés par le MPO n’ont pas changé depuis des années; il y a eu des réunions avec le ministère pour réduire ces droits, sans succès. Le MPO a essayé de mettre en œuvre un système de quota pour les pêcheurs commerciaux. Sur la côte Nord, nous sommes tout à fait contre. Si cela se fait, les sociétés vont acheter la plupart des pêcheries, les contrôler et payer aux pêcheurs le prix qu’elles veulent.
Chaque année, le prix du carburant continue d’augmenter, le gouvernement n’a rien fait pour aider la côte Nord. Pourquoi le pétrole est-il expédié aux États-Unis pour être raffiné, puis réexpédié au Canada, ce qui fait que nous payons beaucoup plus cher? Qu’est-ce qui cloche ici? Nous avons toutes les ressources dans notre propre pays; nous ne devrions pas payer ces prix élevés. Quel est le projet du gouvernement pour changer cela?
Pour revenir à la question de la pêche commerciale, nous devons nous estimer heureux d’obtenir quelques heures par semaine; une journée de pêche, peut-être deux, si nous avons de la chance. En toute justice, si nous sommes assignés à quai, nous pensons que le secteur de la pêche sportive devrait l’être aussi. À l’heure actuelle, ces pêcheurs sortent sept jours par semaine, chaque semaine. Combien de permis de pêche sportive sont délivrés chaque année? Un de mes amis qui travaillait pour le MPO m’a dit qu’il y avait plus de 200 000 permis délivrés dans la province de la Colombie-Britannique. Quels sont les dégâts provoqués rien que par ces milliers de pêcheurs à la ligne dans la Skeena?
Beaucoup de saumons seront accrochés, ce qui les fatiguera et permettra aux prédateurs de les attraper plus facilement. Quand je parle de prédateurs, je pense aux phoques; il y a une surpopulation de phoques et d’otaries sur les rives nord et sud. Autrefois, les phoques se trouvaient à l’embouchure de la rivière Skeena et maintenant, ils sont repérés jusqu’à Terrace. Pouvez-vous imaginer le nombre de saumons capturés par ces phoques lors de leur migration jusqu’aux frayères? Et la même chose se produit lors de leur retour vers l’océan.
Il s’agit d’un énorme problème, celui des phoques et des otaries. Ils chassent tous les poissons, y compris le hareng, qui a un impact énorme sur le retour des stocks. Il faudrait procéder à un abattage sélectif des phoques, mais encore une fois, le MPO traîne les pieds.
Le président : Nous sommes presque à la fin de votre temps de parole.
M. Hughes : Le MPO et les représentants du gouvernement ont reçu une proposition de la Pacific Balance Pinniped Society pour travailler sur la question des phoques. Toutefois, il me semble que le gouvernement et le MPO ont peur de tous les groupes environnementaux. Même lorsque nous pêchons dans les eaux extérieures, il peut y avoir trois, quatre ou cinq phoques qui arrachent le poisson de nos filets. Ils font de gros trous dans les filets, qui coûtent très cher à réparer. Un abattage sélectif améliorerait grandement la quantité de saumons qui retournent frayer dans la rivière. Il faut qu’il y ait un équilibre dans l’écosystème.
Nous avons de nombreux problèmes avec le MPO et la mauvaise gestion des pêches. Il y a aussi la façon dont les pêcheurs Lax Kw’alaams ont été pris pour cible après que nous ayons perdu notre procès contre le ministère. Depuis, nos bateaux ont été injustement harcelés et pris pour cible. Par exemple, mon fils a été accusé d’une infraction qui n’a pas été jusqu’au tribunal. L’agent des pêches avait falsifié la preuve, de sorte que la Couronne n’a pas porté les accusations. Autre exemple, un agent des pêches est monté à bord d’un bateau sur lequel se trouvaient un père et son fils de 10 ans et a sorti son arme sans provocation.
Le président : Il vous reste 30 secondes, monsieur Hughes.
M. Hughes : J’ai presque terminé.
Des accusations ont été portées, l’affaire a été portée devant les tribunaux et a été rejetée. Il n’y a pas de confiance entre les pêcheurs et le MPO.
Notre peuple commence lentement à guérir après de nombreuses années de discrimination raciale, de violence physique et psychologique subie dans les pensionnats et les externats indiens. Nous avons survécu grâce aux ressources de la mer et nous voulons que cela continue. Il y a de nombreuses possibilités qui pourraient être exploitées sur notre territoire; c’est notre peuple qui devrait décider, ou avoir son mot à dire. Nous voulons proposer notre propre solution à ce qui se passe sur les terres des Nine Allied Tribes et des Metlakatla.
Je vais m’arrêter ici. En conclusion, il y a beaucoup de travail à faire pour établir un pont entre nos pêcheurs et le MPO. Nous nous sommes déjà rencontrés et nous sommes prêts à recommencer. J’espère seulement que nos interlocuteurs ne feront pas la sourde oreille une fois de plus.
Le président : Je comprends. Il semblerait que cela pose beaucoup plus de problèmes que le projet de loi C-48.
M. Hughes : Oui. Il y a un lien, même avec notre pétrole et notre gaz.
Le président : Nous allons passer aux questions monsieur.
La sénatrice Miville-Dechêne a la parole.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci, monsieur le président.
Ma question s’adresse à M. Hughes. Je crois comprendre, d’après votre exposé, que vous dites avoir besoin d’autres projets pour sortir de la pauvreté et je suppose que vous parlez des pipelines, mais je veux m’en assurer.
Je crois que vous êtes le beau-frère de Calvin et de John Helin, d’Eagle Spirit?
M. Hughes : Oui, c’est exact.
La sénatrice Miville-Dechêne : Alors, investissez-vous dans Eagle Spirit et comment réconciliez-vous les pêches avec l’industrie pétrolière? Certains pêcheurs sont très opposés à ce projet.
M. Hughes : Eh bien, je ne travaille pas pour Eagle Spirit et je ne suis pas rémunéré par cette entreprise. Il s’agit de mes beaux-frères. Je représente nos pêcheurs commerciaux. Je comprends qu’il y a deux côtés : un côté contre et un côté pour. Je dis : « Laissons notre peuple décider. »
Comme personne, je ne peux pas dire à d’autres personnes ou à d’autres dirigeants quoi faire. C’est leur opinion personnelle et j’ai la mienne.
En fin de compte, étant donné la hausse vertigineuse des prix du pétrole et du gaz, nos gars ne pourront pas se permettre de sortir. Quoi que l’on fasse on est perdant. Je suis ici pour vous parler des problèmes de nos pêcheurs et de leurs liens avec le pétrole et le gaz.
La sénatrice Miville-Dechêne : Absolument, vous l’avez d’ailleurs fort bien fait. Je me demande comment nous pouvons concilier votre point de vue et celui de M. Gary Reece, qui a dit que la collectivité n’était pas dans une pauvreté abjecte; qu’il y avait des défis à relever. Il semble y avoir de nombreuses opinions divergentes sur le niveau de pauvreté des Lax Kw’alaams.
M. Hughes : Il n’a pas parlé de nos pêcheurs. Il a parlé des gens de l’usine de transformation du poisson. Je faisais partie de ce groupe, je suis un ancien conseiller élu. J’ai siégé au conseil pendant 16 ans, cela a pris fin il y a 4 ans. J’ai joué un rôle clé dans la reconstruction de cette usine afin d’embaucher plus de travailleurs. J’ai apporté le programme de tarification des prises au village, quand il a été lancé, et cela nous a amenés à posséder notre propre bateau de pêche à la drague et à mettre les gens au travail. Cela a beaucoup aidé notre peuple.
Nos travailleurs à terre travaillent peut-être de six à huit mois par an, mais eux aussi travaillent uniquement pour obtenir suffisamment de timbres d’assurance-emploi pour survivre le reste de l’année. Personne ne s’enrichit, mais ils gagnent assez pour survivre.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
Le sénateur Patterson : Monsieur Clifton, merci de nous avoir fait part de vos expériences et de nous avoir parlé du chef héréditaire et des pêcheurs. Vous avez évoqué les désastres sur la côte, du Zalinski, du Queen of the North, de l’accident de Wilson Rock.
Le projet de loi C-48 porte sur le pétrole lourd et le bitume. Je crois qu’aucun de ces navires ne transportait ce produit, ma question est donc la suivante : est-il juste de dire que le projet de loi C-48, s’il était adopté, n’aurait rien fait pour prévenir les accidents que vous avez décrits?
M. Clifton : Vous dites que c’est un pétrole complètement différent. L’un est le bunker C et l’autre est constitué de carburant avec un peu de pétrole. Ces navires transportent le bunker C, et cela a été un gros problème. J’ai fait beaucoup de recherche à ce sujet. Une grande partie du pétrole expédié sera mélangé à un condensat pour le diluer afin qu’il s’écoule facilement.
Le président : Ils le mélangent avec du pétrole brut léger ordinaire, oui.
M. Clifton : Oui. C’est une autre paire de manches. C’est vraiment un poison mortel, ce condensat.
Le sénateur Patterson : Je vous demande simplement si vous êtes d’accord pour dire que le projet de loi C-48 ne couvre pas les navires impliqués dans les accidents dont vous avez parlé?
M. Clifton : Non, pas tout. Seulement le pétrole lourd.
Le président : Les gros pétroliers.
Le sénateur Patterson : Madame Fraser, vous avez dit que le fait de fonder les économies sur l’extraction des ressources ne fonctionne pas. Au Sénat, nous devons représenter tout le Canada. Nous sommes allés dans certaines collectivités de l’Ouest la semaine dernière. Nous avons entendu qu’il y a plus de 130 000 travailleurs sans emploi en Alberta qui dépendent de ce que vous appelez l’industrie de l’extraction des ressources. Selon les prévisions mondiales de l’Agence internationale de l’énergie, la demande de pétrole augmentera jusqu’en 2040. Ce pétrole est précieux pour les travailleurs des industries extractives de l’Alberta.
Avez-vous de la sympathie pour tous les Albertains qui ont perdu leur emploi et qui éprouvent des difficultés parce que leurs ressources sont enclavées et ne peuvent être acheminées vers les marchés asiatiques avides de pétrole? Avez-vous de la sympathie pour ces gens?
Mme Fraser : Bien sûr, j’ai de la sympathie pour les gens qui risquent de perdre leur gagne-pain. Je m’inquiète pour les eaux qui nous entourent. Je pourrais leur retourner la question, en ce sens que nous dépendons de ces eaux et qu’elles nous apportent bien plus que de l’argent.
Ce n’est pas une question d’argent. Cela ne devrait jamais être une question d’argent. Il s’agit de notre territoire, de la façon de le protéger et de ce que nous en tirons. S’il n’y a plus d’argent et si ce territoire nous est retiré parce qu’il y a un déversement de pétrole dans l’eau, vers quoi allons-nous nous tourner?
La sénatrice Simons : J’aimerais revenir sur certaines questions du sénateur Patterson.
Les accidents décrits par MM. Wilson et Clifton ont eu des conséquences terribles sur votre écosystème marin. L’une des choses qui m’a vraiment choquée au cours de ces audiences, c’est d’apprendre la faiblesse des capacités de nettoyage ici, alors même qu’il y a beaucoup de trafic maritime.
Le projet de loi C-48 permettrait d’accueillir ces pétroliers modernes à double coque, qui sont probablement plus sécuritaires, en un sens, que les types de navires qui se trouvent déjà dans ces eaux. Nous avons rencontré le ministre Garneau et lui avons demandé, dans l’éventualité où nous adopterions le projet de loi C-48, si le gouvernement investira plus d’argent dans la capacité de nettoyage maritime ici. Il a répondu par la négative, disant que si le projet de loi C-48 est adopté, cette capacité sera inutile.
Je crains donc que le gouvernement adopte le projet de loi C-48, qu’il se pète les bretelles et dise : « Voilà, nous avons protégé votre côte », alors qu’en réalité, votre côte est toujours en danger.
Je pourrais peut-être commencer par MM. Wilson et Clifton. De quel genre de capacité avez-vous besoin ici, maintenant, avec le statu quo, pour assurer la sécurité de cette côte? Il me semble que la Garde côtière et les équipes de sauvetage basées à Vancouver ne sont pas adéquates pour les incidents auxquels vous faites déjà face.
M. Wilson : Merci, madame la sénatrice. Rapidement, la Première Nation de Metlakatla et la Coastal First Nations Great Bear Initiative ont participé au processus du PPO. Nous participons pleinement et nous nous attaquons à ces problèmes de front, parce que c’est mauvais pour l’avantage...
La sénatrice Simons : J’aimerais simplement préciser : PPO signifie bien le Plan de protection des océans?
M. Wilson : C’est exact. Il est tellement biaisé qu’il appuie les intérêts du gouvernement fédéral qui veut faire avancer ce dossier le plus rapidement possible.
Pourriez-vous reformuler une partie de la première question?
La sénatrice Simons : Je suis préoccupée par le fait que le projet de loi C-48 interdirait les pétroliers modernes à double coque, qui sont probablement plus sécuritaires à bien des égards que certains des plus petits bateaux qui se trouvent déjà dans ces eaux. Je voulais donc savoir, premièrement, est-ce que cela vous préoccupe et, deuxièmement, de quelle capacité de nettoyage avons-nous besoin, selon vous, dans ces eaux côtières aujourd’hui?
M. Wilson : Donc, du point de vue de l’intendance, si le ministre Garneau a raison, la pression ne cessera pas. J’ai parlé plus tôt de l’emplacement du port de Prince Rupert. C’est l’accès le plus rapide vers Chicago par chemin de fer. C’est une journée et demie de trajet en moins en direction de l’est. Il s’agit donc d’une région de la côte du Pacifique dans laquelle le trafic est très intense. Que vous soyez à Vancouver ou à Los Angeles, le port de Prince Rupert est l’endroit idéal.
Les représentants de DP World nous ont dit qu’ils allaient doubler le nombre de conteneurs de fret expédiés au cours des prochaines années. J’aimerais faire une analogie. Je lisais un article. Il y était question de la différence entre le transport maritime sur la côte Est et sur la côte Ouest.
Je vais utiliser cette salle pour vous donner un exemple. Dans ce coin-là, il y a du charbon. Dans ce coin-là, il y a du pétrole, du soufre. Et là-bas, vous avez peut-être du grain. Cela reflète la superficie de la région concernée par la navigation sur la côte Est.
En réalité, c’est dans le port de Prince Rupert que tous ces intérêts et toutes ces possibilités d’exportation convergent. Lorsque nous parlons d’un goulot d’étranglement, la région du port de Prince Rupert en est un exemple frappant. On ne peut pas comparer la côte Est à la côte Ouest, particulièrement avec le port de Prince Rupert.
La pression ne sera pas mesurable statistiquement. Pour ce qui est des deux incidents dont j’ai parlé, le navire charbonnier et la barge en feu, nous ne savons pas s’il y a eu des déversements dans l’eau.
Le président : Nous devons avancer.
Sénateur Smith, je vous en prie.
Le sénateur Smith : Pour ce qui est des témoignages concernant le projet de loi C-48, le projet de loi C-69 et le secteur pétrolier et gazier, il y a un grand nombre de personnes qui pensent différemment de ce que nous avons entendu ce matin, des gens qui représentent de nombreuses bandes de l’Ouest canadien. Ils nous disent : « Sortez nos peuples de la pauvreté. »
Puis on nous dit aujourd’hui : « Nous pouvons gagner assez pour survivre. » Nous avons entendu parler aujourd’hui de nouvelles économies durables. Je pense que nous reconnaissons tous l’importance et les réalités des changements climatiques. J’essaie simplement de comprendre comment on peut créer un équilibre pour que les deux parties puissent gagner. Ou est-ce une attente irréaliste?
M. Wilson : À qui posez-vous cette question?
Le sénateur Smith : À Mme Fraser ou à M. Wilson; à qui désirera y répondre.
M. Wilson : Comment établir cet équilibre? J’ai mentionné certaines mesures à prendre, surtout en matière d’intendance.
Nous espérons que la réconciliation reposera avant tout sur la bonne intendance. Nous collaborerions avec les gouvernements fédéral et provincial pour examiner leurs intérêts, que ce soit dans le secteur du transport maritime, de l’industrie forestière ou de l’industrie minière. Je pourrais en parler abondamment, mais sur le plan administratif, nous ne sommes pas sur un pied d’égalité pour effectuer ce travail.
Cette discussion pourrait s’étirer indéfiniment. Cependant, si nous voulons explorer les avantages pour chacun, il faudrait examiner les pressions qui ont été exercées tout au long de l’histoire du Canada.
Examinons les intérêts de l’Alberta. Il ne s’agit pas d’une analogie avec la phrase « si nous les construisons, ils viendront ». Nous ne vivons pas dans les rêves. Si dès le départ on s’était penché sur toute cette industrie, en Alberta et en Colombie-Britannique, nous aurions peut-être une solution aujourd’hui, mais cela ne s’est pas fait. Maintenant, les gens nous regardent de travers parce que nous refusons le transport du pétrole, mais nous sommes les derniers au bout du tracé.
Le président : Alors vous voulez une indemnisation?
M. Wilson : Non, je ne dis pas cela. Je parle de concilier la question d’intendance. Je ne peux pas parler des titres et des droits.
Le président : Sénateur Cormier, à vous la parole.
[Français]
Le sénateur Cormier : Des représentants du Heiltsuk Tribal Council qui ont comparu devant notre comité ont mentionné que les capacités d’intervention en cas d’incident sur la côte Ouest ne sont pas suffisantes, et que les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique n’appuyaient pas la mise en place d’un centre autochtone d’intervention maritime.
J’ai été très étonné d’apprendre cette nouvelle, étant donné la connaissance que vous avez du territoire et votre compréhension des enjeux environnementaux. Mme Fraser parlait de penser « outside the box », alors pourquoi, à votre avis, les gouvernements ne se sont-ils pas ralliés autour de cette proposition? Croyez-vous qu’un centre autochtone d’intervention maritime serait pertinent et contribuerait à améliorer la rapidité et l’efficience des équipes d’intervention en cas d’incident?
Ma question s’adresse à qui veut y répondre.
[Traduction]
M. Wilson : Oui.
Le sénateur Cormier : Voilà qui était facile. Merci beaucoup, monsieur.
Le président : Sénatrice Gagné, vous avez la parole.
Le sénateur Cormier : M. Clifton voudra peut-être répondre à ma question?
M. Clifton : Comme nous vivons directement sur les terres et près des eaux, nous serions les premiers arrivés avec une intervention autochtone. Voilà la réponse. Tous nos gens sur la côte vivent près de l’eau. Nous ne pouvons pas attendre que quelqu’un, disons, de Vancouver, vienne pour intervenir. Il faut que nous formions nos gens dans ce domaine. Nous pourrions intervenir bien plus rapidement que n’importe qui d’autre.
Le président : Sénatrice Gagné, c’est votre tour.
La sénatrice Gagné : Ma question reprend celles des sénateurs Patterson et Simon sur l’établissement d’un système d’intervention efficace dans cette région. À Ottawa, un témoin, M. Wim Veldman, nous a parlé de confier la surveillance et l’intervention à la communauté. Il a en fait indiqué que ce serait beaucoup plus sûr pour la région dans le cas où l’on permettrait aux pétroliers de circuler; nous aurions au moins un bon système ou de bonnes capacités d’intervention dans la région en cas de déversement. Je ne fais que mentionner ce qu’un témoin nous a dit.
Je voudrais que vous nous disiez ce que vous en pensez. Commençons par Mme Fraser.
Mme Fraser : J’ai mené avec mes étudiants une expérience sur le nettoyage des déversements dans nos territoires. Nous avons versé de l’huile de cuisson dans l’eau et je leur ai demandé de la nettoyer. Ils sont restés là à me regarder faire. Nous ne sommes pas arrivés à le faire assez vite. Nous n’avons pas réussi à retirer toute l’huile.
Peu importe où se trouvent ces unités d’intervention, la question est la même : pourront-elles parvenir sur les lieux rapidement et les interventions de nettoyage seront-elles efficaces? Si je vous servais un repas sur lequel se trouve une seule goutte de pétrole, le mangeriez-vous?
Je n’y vois aucune logique, même si nous disposons de l’équipement de nettoyage nécessaire. Nous sommes humains. Si quelqu’un commet une erreur sur un pétrolier, même si nous intervenons à temps, nous ne pourrons jamais remporter la lutte contre les déversements.
Le président : Sénatrice Dasko, vous avez la parole.
La sénatrice Dasko : Je vous dirai d’abord que je reconnais l’importance de la pêche, alors ne pensez pas que cet enjeu ne me tient pas à cœur. Madame Fraser, votre observation au sujet de Spirit Bear Lodge a soulevé mon intérêt.
Envisagez-vous de développer l’industrie touristique? L’adoption de ce projet de loi aura-t-elle une incidence?
Mme Fraser : Bien sûr. L’écotourisme connaît un essor dans notre communauté, et a eu des retombées positives à bien des égards. Nous avons accueilli des touristes d’Allemagne, d’Italie et d’ailleurs dans le monde. Ils viennent voir nos ours et nos baleines. Ils viennent observer la faune et comment tous ces éléments dépendent les uns des autres pour leur survie.
Si un déversement de pétrole a des conséquences sur un seul de ces éléments, il en a sur tous les éléments. Les conséquences reviendront toujours et nous en subirons les effets. Vous parlez de retombées sur l’économie, mais ces impacts nous touchent personnellement. L’économie n’en est qu’un facteur parmi tant d’autres, mais oui, il y aurait une incidence.
La sénatrice Dasko : Merci beaucoup.
Le président : Madame Fraser, vous nous avez dit dans votre allocution que l’on exploite les ressources sans indemniser votre peuple. Une indemnisation inciterait-elle les gens à accepter le passage des pétroliers?
Mme Fraser : Non.
Le président : Alors pourquoi en avez-vous parlé?
Mme Fraser : Je l’ai mentionnée, parce qu’elle concerne aussi la consultation. On a toujours pris, et pris, et pris chez nous. Je ne suis pas venue pour vous réclamer une indemnisation pour que nous autorisions le passage des pétroliers.
Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Clifton?
M. Clifton : Non. Je voudrais répondre à la question sur l’intervention.
Le président : Vous avez environ une minute.
M. Clifton : Pour l’opération de nettoyage de l’épave du Zalinski, nous avons rencontré la Garde côtière et nous avions convenu avec elle que des gens de notre village seraient engagés. Or, qu’ont fait les responsables? Après avoir conclu cette entente, ils ont tourné les talons et ont embauché leurs amis. Nous n’avons rien eu. Je leur ai alors demandé ce qu’ils feraient en cas d’accident. Allaient-ils courir le long de la côte pour retrouver les gars qu’ils avaient embauchés?
De plus, pendant nos discussions, ils nous ont parlé d’une « équipe d’intervention de classe mondiale ». Ils n’ont rien fait. Ils ont dit cela juste pour se donner meilleure contenance.
Le président : Monsieur Wilson, vous avez quelque chose à ajouter?
M. Wilson : Je vais répondre à la question de la sénatrice Gagné.
Le président : Bien sûr.
M. Wilson : Il faut considérer la situation dans son ensemble et tenir compte de la taille du bâtiment. Il y a une différence entre un pétrolier d’une certaine taille ou un navire de charge. Les causes des incidents dont on nous a parlé, non seulement celui du cargo charbonnier, mais ceux du Queen of the North et du Nathan E. Stewart, n’avaient rien à voir avec la taille de ces navires. Elles étaient liées à la formation, à la certification et à la réglementation nécessaires pour ceux qui opèrent ces navires dans ces eaux.
Voilà le genre de questions à aborder en parlant d’intendance. Il faut qu’on nous autorise à garantir non seulement que les opérateurs des navires qui passeront par chez nous seront dûment certifiés, mais qu’on embauchera des gens de la région.
Le président : Donc vous nous dites que si l’interdiction d’accès aux pétroliers est rejetée et que ces navires passent par ici, vous tenez à ce que les gens de la région participent à la résolution du problème?
M. Wilson : Ne déformez pas mes propos, je vous prie.
Le président : Ce n’était pas mon intention. J’essaie simplement de...
M. Wilson : Je parle uniquement d’intendance, comme je l’ai toujours dit.
Le président : D’accord.
M. Wilson : Si nous nous réunissions pour discuter des multiples variables du transport maritime, la certification et les règlements en feraient partie.
Le président : Merci beaucoup. Je vous remercie.
Monsieur Clifton?
M. Clifton : J’ai une question à poser. Je ne me rappelle pas exactement laquelle de ces dames a mentionné...
Le président : Vous avez une question à nous poser? C’est nouveau. Allez-y, monsieur Clifton, nous allons tenter l’expérience.
M. Clifton : Elle a dit que si le projet de loi C-48 est rejeté, s’il est...
La sénatrice Gagné : Si l’accès aux pétroliers est accordé?
M. Clifton : Oui. Vous nous disiez que si le projet de loi n’est pas adopté, les pétroliers à double coque pourraient naviguer ici. C’est exactement ce que vous avez dit.
La sénatrice Gagné : En réalité, je citais un témoin qui nous avait dit qu’il vaudrait mieux accorder l’accès aux pétroliers sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, parce qu’il y serait plus facile d’intervenir en cas de déversement ou d’autres incidents.
Je ne présentais pas mon point de vue personnel. Je mentionnais simplement l’opinion d’un des témoins.
Le président : Nous avons entendu cela pendant les témoignages.
Cela dit, il faut conclure. Nous devons consacrer 45 minutes à un autre groupe, puis à un autre groupe. Alors je vous remercie beaucoup.
Madame Fraser? Je fais vraiment de mon mieux.
Mme Fraser : Je sais.
Le président : Vous nous placez dans une situation difficile.
Mme Fraser : Je sais. Je comprends.
Je voulais juste préciser au sujet de l’indemnisation qu’il ne s’agit pas seulement d’argent. Le dédommagement, c’est aussi le fait de nous écouter.
Quelqu’un m’a passé une note pour que je souligne que si l’on confie à des membres des Premières Nations le rôle de premiers intervenants, on leur manquera de respect en les exposant aux hydrocarbures carcinogènes du pétrole brut.
Le président : Merci.
Nous avons le plaisir d’accueillir le troisième groupe de témoins de ce matin. Il s’agit de Donald Edgars, conseiller en chef du Conseil du village d’Old Massett. Nous avons aussi Dan Smith, gestionnaire tribal, Blair Mack, conseiller ainsi que Teri Kish, conseillère et mairesse adjointe du village de Port Clements.
Merci beaucoup de participer à cette séance. Nous allons maintenant passer la parole à nos témoins, en commençant par M. Edgars.
Je vous prierai de vous en tenir à une allocution de cinq minutes pour que nous ayons ensuite plus de temps pour discuter. Au cours de la dernière séance, nous n’avons pas eu le temps de tout entendre. Ce n’est pas bien. Il faut que nous entendions les réponses en entier.
Monsieur Edgars, vous avez la parole.
Donald Edgars, conseiller en chef, Conseil du village d’Old Massett : Bonjour. Merci d’être venus. Je m’appelle [Le témoin s’exprime dans une langue autochtone], ce qui signifie « Celui qui ne capitule jamais ». En anglais, je m’appelle Donald Edgars.
Je voudrais aborder cette audience sous un autre angle. À un certain moment de son histoire, la nation des Haïdas comptait plus de 100 000 membres. Puis on nous a renvoyés chez nous depuis Victoria avec des couvertures contaminées par le virus de la variole. Nous avons perdu 95 p. 100 de notre population. Bon nombre de nos membres n’ont même pas réussi à rentrer à la maison. Un grand nombre d’entre eux sont morts en marchant dans l’eau.
Une grande partie de notre peuple s’est rassemblée à Skittigit, et le reste s’est retrouvé à Old Masset. Ensuite, on a pris tous nos totems et les restes de nos ancêtres. On les a expédiés un peu partout dans le monde pour les étudier, parce qu’on croyait que notre peuple allait disparaître. Ensuite, on a enfermé nos gens dans des pensionnats, et nous en ressentons encore les traumatismes.
J’essaie de vous parler du fond du cœur aujourd’hui.
Si un déversement de pétrole se produisait sur notre côte, il tuerait vraiment notre peuple, parce que nous nous nourrissons de la terre. Je suis un pêcheur commercial de palourdes. Je récolte des algues marines pour ma famille et pour d’autres familles. Je me suis présenté à ce poste en sachant que je n’allais pas gagner beaucoup d’argent. Mon salaire correspond à la moitié du salaire que je gagne avec mon travail, et c’est un poste à plein temps. Alors ce n’est pas une question d’argent; il est question d’améliorer la vie de nos gens.
Pour la première fois de toute notre histoire, certains chefs de la communauté ont été démis de leurs fonctions pour avoir signé une entente avec des sociétés pétrolières. Les membres de leurs clans les ont retirés de leurs postes.
Chez nous, à Old Massett, ce n’est pas une question d’argent. Nous voulons conserver nos sources de nourriture pour l’hiver. S’il y avait un déversement, je ne sais pas ce que notre peuple ferait. Merci.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Edgars.
Monsieur Smith, à vous la parole.
Dan Smith, gestionnaire tribal, nation Wuikinuxv : Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les chefs héréditaires, les matriarches, les aînés et les jeunes gens. Nous vous présentons la vérité. Ce comité sénatorial a entendu la vérité aujourd’hui, et j’espère qu’il continuera à l’écouter et qu’il choisira la solution logique, celle d’adopter le projet de loi C-48.
Je m’appelle Dan Smith. Je vis à Oweekeno, un petit village de Rivers Inlet, en Colombie-Britannique. Il fut un temps où un million de saumons rouges revenaient dans notre région. L’année dernière, ce nombre a chuté à 250 000.
Je voudrais vous parler un peu des obstacles systémiques et comportementaux dans le système lui-même. Tout cela découle du principe de la découverte. Ce système nous a été imposé, et nous continuons, nous les Premières Nations et les peuples autochtones, à nous heurter à des obstacles systémiques et comportementaux dans le système de justice.
Vous voulez la vérité? Les communautés côtières sont très petites par rapport à celles de l’intérieur du pays. On a déterminé la taille des réserves des communautés côtières en fonction de la richesse de leurs ressources marines, maritimes et forestières. À Wuikinuxv seulement, les ressources de la forêt et de la pêche ont été décimées à un point de non-retour.
La première conserverie date de 1842. Jusqu’en 1960, on a fondé 16 conserveries. Ensuite, le retour des cinq espèces de saumon rouge est tombé à un niveau critique.
Alors en raison de ces obstacles systémiques et comportementaux, les connaissances écologiques des peuples autochtones ont toujours été remises en question par les scientifiques et par les experts. Cependant, nous avons observé la surexploitation qui a dévasté nos ressources naturelles ainsi que nos terres et nos ressources qui ont été données à diverses entreprises qui les ont exploitées en créant des emplois pour des non-Autochtones.
La vérité se révèle aussi dans le processus de réconciliation. On a dépensé 55 millions de dollars pour produire la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et le rapport la Commission royale sur les peuples autochtones, et ces documents révèlent aussi la vérité.
À Wuikinuxv, nous avons découvert que nos pêches et nos données historiques remontent à 10 000 ans, tout comme celles des autres communautés autochtones de la côte.
Monsieur le président, nous croyons fermement que votre comité, pour une raison quelconque, souhaite recueillir d’autres renseignements afin de faire avancer le projet de loi C-48. Son adoption ne profitera pas seulement aux humains, mais aux grizzlis et à tous les animaux ainsi qu’aux non-Autochtones qui tiennent à conserver les ressources naturelles de la Colombie-Britannique et du Canada.
Monsieur le président, il faut que la vérité prévale. Le système judiciaire canadien n’a pas traité les peuples autochtones du Canada avec équité depuis le premier contact entre nos cultures. Cela est dû aux obstacles systémiques et comportementaux. Espérons que ce système subira de nombreuses modifications. Nous avons besoin d’un changement social qui repose sur la justice sociale.
Merci beaucoup.
Le président : Merci, monsieur.
Monsieur Mack, vous avez la parole.
Blair Mack, conseiller, nation Nuxalk : Bonjour. J’ai fait un voyage de deux jours pour venir appuyer le projet de loi C-48. Les représentants des nations d’ici ont raison, ce projet de loi touche tout autant les gens qui vivent plus à l’intérieur du pays.
J’ai grandi en me nourrissant de saumon et de fruits de mer. Si nous autorisons la navigation de pétroliers et qu’ils causent un déversement, ce sera un désastre. Comme l’a dit mon ami Donald, ce déversement nous tuera. Nous ne savons pas survivre autrement qu’en nous nourrissant de saumon et de fruits de mer. Nous en faisons des provisions pour l’hiver. Nous ne pouvons pas simplement aller chez McDonald ou ailleurs pour nous nourrir.
Notre communauté n’a plus que 1 800 membres. Il fut un temps où nous étions 40 000. À la suite du premier contact entre nos cultures, ce nombre est tombé à 200. Il nous a fallu bien du temps pour rétablir notre communauté, mais nous semblons toujours nous trouver sur la ligne de feu. Comme quelqu’un l’a dit tout à l’heure, nous payons toujours pour tout, pour ce que veut le reste du Canada. On nous laisse toujours pour compte. À mon avis, il est grand temps que nous nous défendions. J’espère que ce projet de loi sera adopté, parce que cet enjeu nous touche profondément.
On nous surnommait le peuple du saumon. Tous les membres de l’auditoire ici se nourrissent du saumon. Tout le monde écoute les grandes sociétés, les entreprises, le reste du Canada. Nous parlons pour notre peuple. Il est grand temps qu’on nous écoute.
Il faut qu’on nous écoute. Cet enjeu nous touche profondément. Merci.
Le président : Merci, monsieur Mack.
À vous la parole, madame Kish.
Teri Kish, conseillère et mairesse adjointe, village de Port Clemens : Bonjour, honorables sénateurs. Je m’appelle Teri Kish et je suis conseillère nouvellement élue et mairesse adjointe du village de Port Clements à Haida Gwaii, en Colombie-Britannique. Je siège bénévolement au comité de planification d’urgence de l’île. Je suis à la retraite, mais j’ai travaillé comme pompière d’établissement industriel et superviseure de la sécurité dans l’industrie pétrolière et gazière de l’Alberta pendant plus de 20 ans.
Je suis venue à Prince Rupert pour appuyer la position de l’administration locale sur le projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers. Le Conseil du village de Port Clements appuie ce projet de loi, qui interdit aux pétroliers transportant 12 500 tonnes ou plus de pétrole brut et d’hydrocarbures persistants de naviguer dans les eaux de la côte Nord, tout en permettant l’approvisionnement local essentiel en produits pétroliers. Nous sommes convaincus que le transport de gros volumes de pétrole brut et d’hydrocarbures persistants dans les eaux de la côte Nord crée un risque environnemental inacceptable pour les communautés de Haida Gwaii.
Haida Gwaii est une île éloignée au large de la côte ouest du Nord de la Colombie-Britannique. Le traversier qui relie Prince Rupert à Skidegate parcourt environ 90 milles marins, un voyage de huit heures par beau temps. Notre île se situe à 48 km au sud de l’Alaska et à 720 km au nord de Vancouver. Notre population permanente compte environ 4 200 habitants sur toute l’île et elle triple pendant les mois d’été.
Notre économie repose sur l’exploitation forestière et la pêche, notamment dans certains secteurs les plus poissonneux du monde. Le tourisme ne fait que commencer à se développer et nous l’encadrons de manière durable et équilibrée. Le mot haïda utilisé pour désigner cette pratique est « yahgudang », ce qui signifie dans le respect des personnes et de l’environnement.
En tant que communauté très éloignée dans l’océan Pacifique, nous avons très peu de moyens pour faire face à un déversement provenant de gros pétroliers qui naviguent dans les eaux entourant notre archipel.
J’aimerais attirer votre attention sur un incident qui a été évité de justesse en octobre 2014, impliquant un vraquier russe appelé le Shimushir. Ce navire était à la dérive à 25 km au large de la côte de Haida Gwaii, près de l’île Moresby. Il a fallu presque 20 heures pour atteindre le navire et le stabiliser par des vents très violents.
L’incident a été signalé à la Chambre des communes et à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique à cause de la durée de l’intervention et des conséquences qui auraient pu se produire si le navire s’était échoué sur la côte. Il se serait échoué sur le littoral 12 heures avant l’arrivée des secours. Essayez de mettre en œuvre un plan d’intervention d’urgence dans l’un des endroits les plus exceptionnels et magiques du monde. Le coût de cette intervention aurait été exorbitant pour les contribuables.
C’est un aîné haïda qui m’a raconté cette histoire et m’a parlé de son impact à long terme sur la communauté, parce que cela a failli être une catastrophe aussi meurtrière que celle de l’Exxon Valdez, en mars 1989, l’une des pires catastrophes environnementales causées par des humains. Avec le projet pipelinier, plus de 500 pétroliers par année viendraient s’ajouter au trafic déjà existant le long de la côte de la Colombie-Britannique.
J’ai vécu presque toute ma vie en Alberta, puis mon travail dans le secteur pétrolier et gazier m’a emmenée en Saskatchewan, en Alberta et dans le Nord de la Colombie-Britannique. Durant ma carrière, j’ai vécu des situations qui ont mal tourné au sein de l’industrie, causant des blessures, des décès et la destruction de l’environnement et cela, malgré les procédures et les politiques approuvées mises en place pour atténuer certaines variables de nature humaine, mécanique et météorologique.
La capacité d’intervenir en déployant de l’équipement et du personnel est essentielle pour atténuer les risques et les dommages pour les êtres vivants et la terre. Pour faire face à un grave incident impliquant un navire en perdition dans les eaux qui nous entourent, les gens de Haida Gwaii ont besoin d’une énorme capacité d’organisation ainsi que de l’aide des autorités du continent afin de pouvoir intervenir le plus rapidement et le plus efficacement possible.
Les gouvernements sont parfaitement au courant des risques liés à l’augmentation du trafic pétrolier au large de la côte nord-ouest de la Colombie-Britannique. Les dommages qui seront causés à l’océan, à la terre et à la population seront catastrophiques et feront carrément disparaître nos communautés. La culture haïda qui est en train de revivre sera détruite. Le territoire et l’océan ne s’en remettront jamais.
Honorables sénateurs, haawa.
Le président : Merci, madame Kish.
La sénatrice Dasko : Merci à vous tous pour vos commentaires.
Mes questions s’adressent à la conseillère Kish. Parlez-moi de votre communauté et de ce qu’elle pense de ce projet? Vous avez mentionné certains conseillers. Quelle est leur opinion? Qu’en pensent vos concitoyens chez vous?
J’aimerais aussi que vous me disiez comment est perçu ce projet de loi au sein de la collectivité. Dans quelle mesure les gens se sont-ils mobilisés dans ce dossier?
Mme Kish : La mobilisation est forte, en fait. Je représente d’abord ma communauté, mon village de Port Clements, mais j’ai aussi eu des échanges avec d’autres municipalités de l’île, d’autres administrations locales, et elles appuient toutes ce projet de loi.
Nous assurons également l’intendance du milieu marin. Nous venons juste de terminer, désolée, je n’arrive pas à prononcer le nom correctement, mais c’était dans le cadre du forum sur les océans. Il s’agit d’une initiative étalée sur 30 ans visant la protection des océans et aussi de l’aire marine de Gwaii Haanas.
C’est donc une initiative d’envergure. Cette question est toujours d’actualité. Vous voyez des panneaux « Pas de pétroliers » à la grandeur de Haida Gwaii.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie.
Le sénateur Smith : J’ai une question ouverte : quelles sont les attentes des jeunes concernant les carrières, l’éducation et les conséquences sur le développement de vos communautés?
M. Smith : Je vous remercie pour votre question, monsieur le sénateur.
Tout d’abord, je veux seulement faire remarquer que les sénateurs sont certainement arrivés de l’île Ridby à bord de la barge. Vous avez donc vu ce petit remorqueur. On appelle ça un remorqueur-pousseur, similaire à celui qui a sombré près de Bella Bella.
En ce qui concernant les jeunes, nous cherchons à renforcer les capacités au sein de l’ensemble des communautés des Premières Nations, dans la foulée de la réconciliation et en réponse à la volonté de tous nos ancêtres de faire connaître la vérité et de favoriser la réconciliation afin que justice soit rendue aux gens.
Depuis la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la création de la Commission de vérité et de réconciliation, les gouvernements ont modifié leurs politiques, mais non la loi, en reconnaissant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et les principes de la vérité et de la réconciliation.
Oui, nous encourageons tous les jeunes à s’engager dans toutes les carrières ayant un lien avec l’exercice d’une saine gouvernance et l’application d’une loi juste, au sein de leur propre communauté. Dans notre communauté, nous voulons avoir des ingénieurs, des biologistes marins, des planificateurs de l’utilisation du sol, des constructeurs d’habitations, des avocats, toutes ces professions dont nous avons été privés à cause des pensionnats.
Voilà ce que nous avons constaté, et cela fait partie de la vérité. Je remercie le Canada et la Colombie-Britannique, de même que les sénateurs, d’avoir reconnu ce fait et de vouloir faire avancer les choses.
La sénatrice Gagné : D’après ce que j’entends, vous êtes tous en faveur du projet de loi C-48 qui interdit le chargement et le déchargement de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants dans les ports du Nord de la Colombie-Britannique, sans toutefois interdire des projets et des pipelines, par exemple, le gazoduc et le terminal de Kitimat.
Est-ce que l’acheminement de gros volumes de gaz naturel dans le nord de la province soulève des inquiétudes chez vous ou parmi les groupes que vous représentez?
Mme Kish : Je peux seulement parler au nom des gens de Haida Gwaii et il n’y a pas de gazoduc chez nous. Nous n’avons rien de la sorte sous nos pieds. Nous sommes au milieu de l’océan. Nous n’avons pas de gazoducs. Le gaz naturel liquide ne se rend pas chez nous.
La sénatrice Gagné : D’autres commentaires?
M. Edgars : Les gens de Haida Gwaii n’ont jamais appuyé les projets de transport de GNL, et je pense qu’ils ne le feront jamais.
Le président : Quelqu’un d’autre souhaite intervenir?
M. Smith : Si vous pouvez nous expliquer la différence entre le transport de gaz naturel et un pétrolier qui s’échoue avec sa cargaison de pétrole brut qui lui sert de carburant, je pourrais peut-être me prononcer à ce sujet. Autrement dit, vous avez beau avoir des doubles ou des triples coques, la même chose pourrait arriver. Oui, le gaz naturel s’évaporerait, mais c’est le carburant que transporte le pétrolier qui met en péril les ressources marines.
Le sénateur Patterson : Monsieur Edgars et madame Kish, vous avez parlé des effets dévastateurs d’un déversement d’hydrocarbures. Monsieur Edgars, vous avez dit, je pense, que cela pourrait tuer vos gens et vous avez donné l’exemple de l’Exxon Valdez.
Je suis allé à Valdez et, depuis 1989, la technologie s’est grandement améliorée. Il y a des pétroliers à double coque; dans les ports, il y a des navires d’escorte à la proue et à la poupe. On va jusqu’à obliger les capitaines à se soumettre à des tests de dépistage de drogue ou d’alcool avant chaque voyage. Tout cela aux frais de l’industrie.
N’êtes-vous pas d’accord pour dire que la technologie actuelle offre une plus grande marge de sécurité pour les innombrables pétroliers qui sillonnent le monde?
M. Edgars : Oui, c’est justement ce que j’allais dire. Je pense que les accidents sont attribuables à l’erreur humaine. Nous l’avons constaté tout au long de notre vie. Il est impossible de tout prévoir.
Le sénateur Patterson : Avez votre permission, j’aimerais poser une autre question à Mme Kish; vous pouvez également dire ce que vous pensez de la technologie.
Vous avez dit que, dans votre communauté très éloignée, vous avez peu de moyens pour lutter contre un déversement d’hydrocarbures dans les eaux qui vous entourent. Ne pensez-vous pas que le Plan de protection des océans, et je pense que l’actuel gouvernement y a investi environ un milliard de dollars et demi, devrait prévoir un renforcement des capacités le long de la côte nord de la province afin d’aider les collectivités à faire face à des incidents comme ceux qui vous inquiètent?
Mme Kish : Je ne comprends pas. Vous voulez que j’approuve le passage de pétroliers?
Le sénateur Patterson : Non. Je vous demande si vous pensez que le Plan de protection des océans devrait prévoir des moyens d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures sur la côte nord.
Mme Kish : Non.
Le sénateur Patterson : Nous avons entendu dire que les secours viennent de très loin, de la partie sud du littoral. Le plan ne devrait-il pas proposer des mesures pour la partie nord du littoral?
Mme Kish : Actuellement, deux navires ont été mis à l’eau. En 2018, je pense que c’était en août, un budget de 67 millions de dollars a été prévu à cette fin. Ils viennent du Nouveau-Brunswick. Ce sont des remorqueurs, un pour la partie nord et l’autre pour la partie sud.
Malgré leur présence dans les eaux, il leur faut beaucoup de temps pour atteindre la nappe de pétrole. Le mal est déjà fait, dès le début de la fuite de pétrole; le nettoyage est impossible. Peu importe que l’intervention dure 2 ou 20 heures, c’est pareil.
Le président : Monsieur Edgars, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Edgars : Je veux seulement vous demander combien de milliards de dollars coûterait le nettoyage d’un déversement d’hydrocarbures, comparativement à un programme de formation d’un milliard de dollars?
Mme Kish : Exact.
Le sénateur Cormier : Ma question fait suite à celle du sénateur Patterson. Habituellement, au Canada, les municipalités ont la responsabilité de se préparer à intervenir face à une diversité de catastrophes environnementales.
Je veux comprendre exactement de quelles capacités ou ressources vous avez besoin, peu importe que vous soyez pour ou contre ce projet de loi. Dans vos villages, disposez-vous des ressources dont vous avez besoin pour vous préparer à faire face à un déversement ou à n’importe quelle autre catastrophe dont vous avez parlé? Avez-vous l’équipement requis? Devriez-vous l’avoir? J’aimerais vous entendre à ce sujet.
Mme Kish : Pour nettoyer les déversements, ou seulement pour intervenir à une urgence sur notre île?
Le sénateur Cormier : Oui, je veux savoir si vous avez les outils et les ressources nécessaires.
Mme Kish : Il y a deux sortes d’intervention. Si nous avons une urgence sur terre, nous avons des ressources sur l’île pour y faire face.
Si nous avons une urgence ou un déversement d’hydrocarbures dans les eaux entourant l’archipel Haida Gwaii, il est difficile pour nous d’atteindre le littoral à cause de la topographie. Mesdames et messieurs les sénateurs, avez-vous parcouru l’archipel Haida Gwaii? Avez-vous vu le littoral? Si oui, vous comprendrez alors ce que je veux dire.
Il faut aussi tenir compte des conditions météorologiques, qui changent si brusquement, des courants, de l’eau. Il nous serait difficile d’intervenir rapidement et de faire le nettoyage. Nous sommes en train d’établir un plan afin d’obtenir les ressources nécessaires sur notre île. Nous avons un plan, nous y travaillons, mais en cas de déversement causé par un pétrolier, nous aurions besoin de beaucoup d’aide de la part d’autres autorités à cause de notre emplacement et de notre manque de moyens.
Le sénateur Cormier : Vous dites que vous avez un plan, que prévoit-il exactement?
Mme Kish : Nous avons un plan d’intervention d’urgence sur l’île. La Nation haïda a aussi un programme d’intendance du milieu marin. Nous avons diverses méthodes pour le protéger, mais comme je l’ai dit, un déversement d’hydrocarbures serait une catastrophe pour nous. Nous n’avons aucun moyen pour nettoyer les dégâts rapidement ou pour atteindre le pétrolier rapidement afin d’empêcher le déversement.
Le sénateur Cormier : Merci beaucoup.
M. Smith : Juste un mot concernant les ressources. Nous avons d’abord besoin de ressources financières; ensuite, nous avons besoin d’équipement pour le nettoyage; et bien sûr, nous devons avoir la météo de notre bord.
En mai 2017, un comité dirigé par le sénateur Andreychuk a entrepris une étude sur le financement destiné aux Premières Nations et il a constaté que toutes les Premières Nations du Canada étaient sous-financées. Nous aurions donc beaucoup de difficulté à procéder à mener une intervention.
Je vais vous donner un exemple rapide. Supposons qu’un membre de notre communauté, située à 90 milles de Port Hardy, où se trouve l’hôpital le plus proche, fait une crise cardiaque et qu’il est impossible de faire venir un hélicoptère ou un hydravion à cause des mauvaises conditions météo. Il faudrait alors attendre une journée et demie avant que les secours arrivent chez nous.
Le sénateur Cormier : Je vous remercie, monsieur.
M. Smith : Merci pour votre question.
Le président : Ce serait le cas de la plupart des collectivités éloignées du pays, où qu’elles soient, n’est-ce pas? En Saskatchewan, je sais que beaucoup de collectivités ont le même problème.
Sénatrice Simons, c’est à vous.
La sénatrice Simons : Je viens de l’Alberta, de l’autre côté des montagnes. Je sais que Mme Kish comprend l’anxiété que vivent de nombreux Albertains au sujet de la capacité des pipelines vers la côte Ouest.
Je comprends aussi ce que vous dites au sujet de la fragilité et la vulnérabilité particulières de Haida Gwaii.
Ce que certains d’entre nous, au comité, avons tenté de faire, c’est de trouver un moyen de mieux protéger la majeure partie, voire la totalité du littoral, tout en réservant un corridor ou un couloir maritime pour les pétroliers à destination ou en provenance d’un nouveau port, par exemple, d’un nouveau port imaginaire situé au nord de Prince Rupert.
À votre avis, est-il possible d’en arriver à un compromis qui permettrait de protéger les zones les plus vulnérables et les plus éloignées de la côte, tout en aménageant une petite voie de sortie pour l’acheminement du pétrole vers les marchés?
Mme Kish : Demandez-vous s’il est possible de trouver un équilibre? Oui, je comprends les difficultés de l’Alberta et de tous les gens qui y vivent. L’une des raisons pour lesquelles j’ai perdu mon emploi dans le secteur pétrolier, c’est à cause de ce qui est arrivé. De plus, j’ai commencé à comprendre ce qui se passait sur le plan environnemental — la fracturation, les déversements et d’autres enjeux qui m’intéressaient — et à réaliser que, malgré les procédures et les politiques en place, un accident peut toujours se produire.
Haida Gwaii n’a pas les moyens nécessaires pour intervenir en cas d’accident.
La sénatrice Simons : Haida Gwaii est un endroit particulier. N’existe-t-il pas, plus au nord, un endroit qui laisserait l’archipel Haida Gwaii à l’abri, mais où il pourrait y avoir une voie maritime réservée, un corridor d’entrée et de sortie qui ne mettrait pas en péril toute la côte, du nord au sud, et qui permettrait de sortir directement vers la haute mer?
Mme Kish : En guise de réponse, je vais vous poser une question. Vous me demandez comment trouver un équilibre. Je vous renvoie la question, en tant que gouvernement. Comment allez-vous assurer la protection de cela? Je vous le demande. Qu’allez-vous faire si un pétrolier a une fuite? Pas si, mais quand une fuite se produira. Parce que cela va se produire. Avec 500 pétroliers de plus? C’est inévitable.
Que se passera-t-il donc quand il y aura un déversement d’hydrocarbures? Même si les navires passent à plus de 600 kilomètres de Haida Gwaii, cela ne change rien. Les dommages se feront sentir sur tout le littoral nord.
Les doubles coques ne changent pas grand-chose. Il suffit d’un seul accident, et il y en a déjà eu un. Nous avons appris des leçons du déversement en Alaska. L’Alaska n’est qu’à 48 kilomètres de chez nous.
Cela serait catastrophique. Je ne vois pas de solution équilibrée pour le moment.
La sénatrice Simons : Très bien.
Le président : Que dites-vous alors aux gens de Vancouver?
Mme Kish : Que voulez-vous dire par là?
Le président : Bien, ils ont un oléoduc. Ils ont des pétroliers.
Mme Kish : Oui.
Le président : Ils vont avoir un nouvel oléoduc, si tout va bien, et il y aura encore plus de pétroliers. Que leur dites-vous alors? Devraient-ils, eux aussi, interdire cette activité?
Mme Kish : Un moratoire est en vigueur depuis les années 1970 et il donne de bons résultats. De plus, des zones d’exclusion ont été aménagées tout autour de notre archipel afin de nous faciliter les choses.
Ce que je dis, c’est qu’il suffit d’un seul pétrolier. Cela importe peu. Il n’y a pas suffisamment d’argent dans le monde pour réparer les dommages qui seraient causés.
Le président : Mais les pétroliers, je veux dire, d’où provient votre énergie?
Mme Kish : L’énergie m’est livrée. C’est une autre source de préoccupation pour nous.
Le président : Bien sûr.
Mme Kish : Vous conduisez une automobile, moi aussi j’ai une auto. Comment êtes-vous venus ici? Cela me met en colère de dire cela de cette façon parce que vous ne vivez pas ici.
Le président : Je pose seulement la question.
Mme Kish : Vous ne vivez pas ici.
Le président : Je comprends cela. Je vis dans les Prairies.
Mme Kish : C’est vrai.
Le président : C’est pourquoi je vous pose la question.
Mme Kish : Il est plus facile de nettoyer un déversement de pétrole dans les Prairies que dans l’océan, monsieur.
Le président : Monsieur Edgars, vous avez la parole.
M. Edgars : À ce propos, Skittigit et Old Massett ont formé un partenariat. L’objectif est de ne plus recourir du tout au diésel d’ici trois ans. Nous envisageons de mettre à niveaux le projet de centrale hydroélectrique au fil de l’eau dans le sud. Dans le nord, nous participons à un projet de centrale solaire de 2 mégawatts. Nous examinons également les données de l’étude sur l’énergie éolienne.
Au cours des trois prochaines années, j’espère qu’on arrêtera complètement d’utiliser le diésel à Haida Gwaii.
Le président : Monsieur Smith, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Smith : Merci beaucoup.
Je suis le gestionnaire tribal de la nation de Wuikinuxv, et notre chef, Frank Johnson, m’a demandé d’être présent aujourd’hui aux côtés des conseillers et de notre peuple.
À ce sujet, vous devez comprendre que tous les saumons de Wuikinuxv et de Rivers Inlet, sur la côte centrale, se rendent jusque dans les eaux de l’Alaska. Si un incident se produit ici, dans les eaux transfrontalières, ou même en Alaska, il y aura des incidences sur nos ressources de saumon.
Nous venons tout juste de libérer 100 000 saumoneaux chinook, et nous espérons en voir les retombées. Tant les eaux transfrontalières de l’Alaska que la côte centrale et le fleuve Fraser, en Colombie-Britannique, seront touchés s’il y a un déversement de pétrole important au nord.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais poser une question aux deux témoins de Haida Gwaii. J’ai entendu des avis contradictoires au sujet des zones d’exclusion volontaire des pétroliers. D’après ce que vous en savez ou ce que vous avez vu ou encore selon votre expérience, lorsque les pétroliers se rendent de l’Alaska vers le sud, aux États-Unis, passent-ils trop près de Haida Gwaii ou respectent-ils la zone d’exclusion?
Les réponses que j’ai entendues divergent. Que vous a-t-on dit? Avez-vous été témoins de pratiques inquiétantes sur la côte?
M. Edgars : Je n’ai aucune idée de la distance à laquelle les pétroliers passent et je n’ai entendu personne de notre communauté dire en avoir vus.
La sénatrice Miville-Dechêne : Et vous?
Mme Kish : Non, moi non plus. J’ignore jusqu’où va cette zone d’exclusion, mais je sais qu’il y a une amende très élevée si un navire y entre.
Cela dit, il y a eu un problème lorsque je prenais part à un atelier sur le milieu maritime à Haida Gwaii. Le 2 avril, il y avait un navire en détresse dans le détroit d’Hécate. Je ne suis pas au courant de tous les détails. J’assistais à une réunion avec des employés de Transports Canada. Les Premières Nations de Haida Gwaii n’ont pas été avisées qu’il y a eu un navire en détresse pendant six heures par très mauvais temps. Elles ne l’ont appris que le lendemain.
Il y a donc des failles partout dans le processus. Nous devons leur remédier.
La sénatrice Miville-Dechêne : Attendez, j’ai une question plus technique. Ma question est au sujet de vos titres concernant votre territoire dans l’entrée Dixon. Nous avons entendu parler du territoire des Premières Nations de Haida Gwaii et de ceux des autres peuples autochtones. Quelles sont les limites du territoire visé par vos titres au nord, dans les eaux?
La question est-elle trop technique?
M. Edgars : Je ne sais pas si je peux répondre à cette question, car en Alaska, il y a également des Haïdas. Donc, jusqu’en Alaska.
La sénatrice Miville-Dechêne : Jusqu’en Alaska?
M. Edgars : Oui, nous avons de la famille là-bas, un groupe de Haïdas.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
M. Smith : Juste une observation concernant le respect des zones. Je veux simplement vous rappeler que tous les débris de l’Ouest se sont déplacés vers l’Est. Je pense au Japon. Je sais qu’à Tofino et à Ucluelet, quand ils ont nettoyé le plastique, et cetera sur les plages, ils ont trouvé des débris du Japon.
La sénatrice Miville-Dechêne : Ils se déplacent. Merci.
Le président : Je vais vous poser une question à vous tous, parce que presque tous les témoins ce matin ont soulevé le point sur l’intervention en cas d’urgence.
Vos préoccupations en ce qui a trait au projet de loi C-48 concernent-elles l’absence d’un processus d’intervention en cas d’urgence qui convienne au territoire côtier? Ou est-ce simplement parce que vous ne souhaitez pas que le pétrole soit exploité? Autrement dit, suggérez-vous de cesser l’exploitation à Fort McMurray? Ou encore, craignez-vous simplement qu’un accident survienne et trouvez-vous ce risque trop élevé? Êtes-vous inquiets pour ces trois raisons ou pour l’une d’entre elles?
M. Edgars : Pour ma part, je suis inquiet pour la dernière raison. Un accident serait trop dévastateur pour tous les habitants de la côte.
Le président : Le risque est simplement trop grand?
M. Edgars : Oui.
Le président : Madame Kish, quel est votre avis?
Mme Kish : Je suis du même avis. Le risque est trop élevé. Il suffirait d’un seul incident.
Le président : Monsieur Smith quel est votre avis?
M. Smith : Tout à fait. Nous avons été témoins de l’exploitation de toutes nos ressources marines jusqu’à leur épuisement. Nous devons être en mesure d’assurer la protection des espèces en péril. Qui parle au nom de toutes les espèces en ce qui concerne leur protection pour les générations futures?
Le président : Et qu’en est-il des habitants de la côte Est du Canada?
M. Smith : Ils doivent relever les mêmes défis. Parlez-vous de la morue?
Le président : Je dis simplement que des pétroliers y circulent tous les jours.
M. Smith : C’est leur choix, vraiment.
Le président : Ce fut une matinée très intéressante. Merci beaucoup aux témoins de leurs exposés.
(La séance est levée.)