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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 40e Législature,
Volume 146, Numéro 81

Le vendredi 11 décembre 2009
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le vendredi 11 décembre 2009

La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de l'honorable Jean-Robert Gauthier, C.M.

L'honorable Marie-P. Poulin : Honorables sénateurs, hier, notre ancien collègue, l'honorable Jean-Robert Gauthier, s'est éteint à l'âge de 80 ans. Il laisse derrière lui des réalisations qui contribuent à un Canada plus fort, plus équilibré, plus enraciné dans sa riche histoire de deux langues, deux peuples fondateurs.

Jean-Robert est né en 1929, à Ottawa. Très tôt, il a dû développer son instinct de survie. Abandonné par son père, il fut placé dans un orphelinat à l'âge de trois ans. C'est à six ans qu'il commence à vivre avec son grand-père, le Dr Louis-Philippe Gauthier, lui-même ancien député fédéral et greffier du Sénat.

C'est en 1960 que Jean-Robert commence sa vie publique, d'abord à titre de conseiller scolaire, puis à titre de député à la Chambre des communes, de 1972 à 1994, et, enfin, comme sénateur, de 1994 à 2004.

Ses réalisations en éducation, en services de santé, en langues officielles, entre autres, sont fondées sur un principe essentiel à l'épanouissement du Canada, soit que les droits des minorités linguistiques doivent être protégés par la Constitution, les lois et les règlements.

Oui, l'honorable Jean-Robert Gauthier a su incarner la vraie signification de l'expression « avoir le courage de ses convictions ». Au nom de tous mes collègues parlementaires, j'offre mes sincères condoléances à son épouse, Monique, à leurs enfants et à leurs petits-enfants.

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, Son Honneur le Président nous a annoncé hier soir la triste nouvelle du décès de notre ami Jean-Robert Gauthier. J'ai eu le plaisir de siéger à l'autre endroit avec Jean-Robert. Quand je suis arrivé au Sénat, il avait déjà pris sa retraite. Je puis vous assurer que si vous recherchez « Gauthier » sur Google, les chances sont bonnes que vous tombiez immédiatement sur Jean-Robert Gauthier, ce grand défenseur de la Francophonie, de la francophonie ontarienne, bien entendu, mais aussi de la francophonie canadienne.

Il a été un pionnier dans les débats sur la Charte. C'est un secret de Polichinelle que Jean-Robert et moi n'étions pas toujours du même côté dans plusieurs batailles, mais je peux aussi reconnaître que Jean-Robert Gauthier a été, en ce qui a trait à pour la francophonie canadienne, un grand pionnier.

Lors du débat sur le rapatriement de la Constitution, en 1982, nous étions en désaccord, mais je dirais aujourd'hui que Jean-Robert avait probablement raison. Il avait décidé de tenir tête à son caucus et à son chef pour montrer qu'il avait des principes, qu'il croyait qu'il y avait quelque chose de fondamental dans cette démarche et qu'il allait s'affirmer.

Il a mené au Sénat le même combat qu'à la Chambre des communes, et, par la suite, à l'hôpital Montfort, tout comme des batailles pour les institutions scolaires en Ontario. Jean-Robert Gauthier a été un héros de la Francophonie, un héros des Franco-Ontariens, mais plus que tout, honorables sénateurs, Jean-Robert Gauthier aura été un héros des Canadiens.

[Traduction]

La délégation canadienne chargée de commémorer la campagne d'Italie

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, pendant la semaine du 27 novembre 2009, une délégation de parlementaires canadiens s'est rendue en Italie pour commémorer le soixante-cinquième anniversaire de la campagne d'Italie qui a eu lieu au cours de la Seconde Guerre mondiale. Sous l'habile direction de l'honorable Greg Thompson, ministre des Anciens Combattants, la délégation canadienne était constituée du sénateur Meighen et de moi-même ainsi que de MM. Guy André, Rob Oliphant et Peter Stoffer, de l'autre endroit.

Plus important encore, la délégation comprenait également quatre anciens combattants de la campagne d'Italie, nommément, M. Henry Beaudry, âgé de 88 ans, de la réserve de la Première nation Sweet Grass située près de North Battleford en Saskatchewan; Mme Betty Brown, âgée de 92 ans, d'Ottawa, Ontario; M. Roland Demers, âgé de 87 ans, de Tecumseh, Ontario; et M. David Morton, âgé de 88 ans, de Gibsons, Colombie-Britannique. Faisait également partie du groupe un autre ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, Robert Ross, âgé de 85 ans, de Mississauga, Ontario.

Ces anciens combattants ont parlé des expériences qu'ils ont vécues pendant la guerre, certains en public, d'autres en privé.

Le ministre Thompson a judicieusement décrit notre mission dans les termes suivants :

Notre délégation unique empruntera des rues où certains de nos soldats sont tombés. Nous visiterons le cimetière où reposent des jeunes d'une autre génération. Nous nous souviendrons d'eux en lisant à haute voix les noms inscrits sur les pierres tombales, en passant nos doigts sur les inscriptions gravées dans le granit, en songeant aux rêves non réalisés et à ces vies malheureusement écourtées. Nous aurons également une pensée pour les familles déchirées par le sacrifice de ces jeunes.

Nous nous sommes entre autres rendus à Cassino sur la tombe du lieutenant Charles A. Ritcey, de Lunenburg, en Nouvelle-Écosse. Il commandait la 11e compagnie indépendante de mitrailleuses (les Princess Louise Fusiliers). Le 27 mai 1944, à l'âge de 28 ans, le lieutenant

Ritcey a été mortellement blessé près de la localité de Ceprano, lors de la bataille de Cassino, alors qu'il agissait comme officier observateur avancé à la tête de sa compagnie. Pendant qu'il était soigné, sa seule préoccupation était destinée au signaleur de la compagnie, le fusilier C.B. Musgrave, de Northwest Margaree, Nouvelle-Écosse, blessé par le même obus qui a coûté la vie au lieutenant Ritcey.

Le lieutenant Ritcey était l'oncle de mon épouse, Jane Adams Ritcey.

Deux membres de la délégation étaient des jeunes : Nolan Hill, de Calgary, en Alberta, et Mélanie Morin, de Drummond, au Nouveau-Brunswick, qui ont respectivement 16 ans et 17 ans. Chacun d'eux a parlé avec éloquence d'un soldat de sa province dont le lieu de repos n'est connu que de Dieu seul. Ces deux jeunes, qui représentaient très bien la jeunesse du Canada, ont renouvelé la promesse que nous avons faite de nous souvenir de nos combattants.

Les membres de la délégation ont également participé aux cérémonies du souvenir et ont laissé des couronnes au monument Le Prix de la paix, à Ortona, au cimetière de guerre canadien de la Moro, sur la plaque commémorative de la percée de la ligne Gothique, à Rimini, et au cimetière de guerre de la crête de Coriano, également à Rimini.

Plus de 6 000 Canadiens ont perdu la vie dans la campagne d'Italie, qui a été l'une des campagnes de la Seconde Guerre mondiale les plus sanglantes et les plus coûteuses en vies humaines pour le Canada. Parmi les seize Croix de Victoria consacrées à la Seconde Guerre mondiale, trois ont été décernées aux Canadiens pour l'héroïsme dont ils ont fait preuve au cours de la campagne d'Italie. De plus, les membres de la délégation ont visité les lieux des services qui ont valu une Croix de Victoria aux Canadiens suivants : le major J. K. Mahony, à Roccaseca, le capitaine Paul Triquet, à San Martino, et le soldat Smokey Smith, à Cesena. Par le passé, on n'a pas accordé autant d'importance à la campagne d'Italie qu'aux autres campagnes. Or, la campagne d'Italie mérite qu'on la souligne davantage et qu'on en parle aux jeunes. L'attention qu'on y portera incitera peut-être tous les Canadiens à méditer sur nos libertés chèrement acquises. En outre, elle permettra de respecter la promesse que nous avons faite de nous souvenir des personnes qui ont donné leur vie ou qui ont été blessées lors de cette campagne.

[Français]

Le leadership dans le milieu des affaires

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, au moment même où les parlementaires du Canada se dépêchent d'aller retrouver leur famille pour la période des Fêtes, les familles canadiennes feront face à l'hiver le plus difficile financièrement des deux dernières décennies.

(0910)

[Traduction]

Hier, la manchette de tous les journaux canadiens portait sur le même sujet : « La Banque nationale triple ses bénéfices »; « Les bénéfices de la CIBC dépassent les prévisions »; « Les bénéfices des banques en hausse »; « Primes records au sein des banques canadiennes ».

Je vais vous citer un article :

Les primes versées par les six principales banques canadiennes vont atteindre la somme record de 8,3 milliards de dollars pour l'exercice de 2009, ce qui représente une hausse de 18 p. 100 par rapport à l'exercice précédent et d'environ 4 p. 100 par rapport à 2007, selon une analyse réalisée par le Globe and Mail.

Il s'agit là des institutions financières que tous les contribuables canadiens ont supposément renflouées ces huit derniers mois grâce au rachat de 60 milliards de dollars d'hypothèques et de 12 milliards de dollars de contrats de crédit-bail automobile, sans compter les 30 milliards de dollars de liquidité provenant de la Banque du Canada.

Il existe peut-être d'autres chiffres que ceux que je viens de citer, mais au moins nous savons que les contribuables canadiens ont fourni 102 milliards de dollars à ces institutions financières et qu'aujourd'hui, avant le pire Noël et le pire hiver que les Canadiens auront à traverser, elles affichent des bénéfices et des primes records.

Comment pouvons-nous accepter que nos contribuables continuent de payer des taux d'intérêt records de 18 à 30 p. 100 pour les cartes de crédit, alors que le taux du financement à un jour de la Banque du Canada se situe à 0,25 p. 100 et que le taux préférentiel moyen est d'environ 5 p. 100? Comment pouvons-nous accepter que notre Loi sur la faillite et l'insolvabilité offre davantage de sécurité aux banques qu'aux employés et aux retraités? Où sont passés nos principes d'équité et de respect à l'endroit de nos concitoyens et de leur famille?

Voici une dernière citation, mais non la moindre :

Nous arrivons à la fin d'une époque en matière de leadership d'entreprise, et peut-être même de leadership tout court. La détermination, une qualité, a été remplacée par la mesquinerie et l'avarice, deux terribles défauts.

Les récompenses ont été perverties. Les gens les plus riches ont fait un nombre incroyable d'erreurs presque sans devoir rendre de comptes [...] À trop d'occasions, les leaders nous ont divisés au lieu de nous unir.

Il s'agit d'une déclaration de Jeffrey Immelt, président de General Electric, faite à l'académie de West Point.

Le décès de l'honorable Jean-Robert Gauthier, C.M.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, je n'étais pas ici hier lorsque le Président a annoncé le décès de Jean-Robert Gauthier, mais je l'ai appris aux informations ce matin.

Jean-Robert a été mon premier voisin de fauteuil au Sénat. C'était un homme remarquable, et je voulais rappeler aux sénateurs, ou apprendre à ceux qui ne le savaient pas, que c'est lors d'un voyage en Afrique effectué pour le Sénat que Jean-Robert a contracté un virus qui l'a laissé sourd et a provoqué chez lui d'autres handicaps physiques. Il ne s'est jamais plaint d'être devenu malade en servant son pays et je crois que cela donne une bonne idée de l'homme qu'il était.

Ce qu'il a subi nous a amenées, le sénateur Brenda Robertson et moi, à introduire des changements au Sénat pour mieux l'adapter aux malentendants et aux autres personnes atteintes de handicaps physiques. Nous avons commencé ce travail bien avant la Chambre des communes, et c'était un hommage à Jean-Robert Gauthier.

L'honorable Lorna Milne

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je tiens à rendre hommage au sénateur Lorna Milne. C'était un véritable privilège hier de rencontrer sa famille, ses enfants et ses petits-enfants, dont elle est à juste titre si fière, mais j'ai appris à quel point sa famille

était fière d'elle et à quel point elle est heureuse de savoir qu'elle pourra maintenant la voir plus souvent qu'avant.

Honorables sénateurs, si quelqu'un était destiné à faire carrière en politique, c'était bien Lorna Milne. Elle est la fille de William Dennison, un ancien maire de Toronto. Comme le sénateur Callbeck l'a dit hier, elle est née pendant une des campagnes électorales de son père. Son mari, Ross, est un ancien député libéral de Peel—Dufferin—Simcoe. Ross est aussi le cousin d'Agnes McPhail, qui, comme nous le savons, a été la première femme à siéger à la Chambre des communes. Nous pouvons donc affirmer que la politique a toujours fait partie de la vie de Lorna.

Lorsque je suis arrivée au Sénat, lire le Feuilleton était pour moi comme lire du grec. Pendant les premiers mois, je demandais constamment à Lorna où nous en étions dans le Feuilleton et quand je devais demander la parole. Elle me guidait avec patience et amabilité dans le dédale des processus et je la remercie d'avoir été si généreuse et toujours prête à aider et à offrir ses conseils.

Je me souviens de ma première période d'avant Noël au Sénat, qui a été, disons-le, plutôt éprouvante. L'opposition progressiste- conservatrice à l'époque avait donné un nouveau sens à l'expression « cloches de Noël », et je présume que la tradition perdure.

Un soir, après plusieurs heures de sonneries et au moment où une nouvelle sonnerie commençait à retentir, le sénateur Milne m'a regardée et, voyant mon regard, elle m'a dit : « Pourquoi ne venez- vous pas dans mon bureau avec le sénateur Pearson et moi? » C'était parfait. Je ne crois pas avoir déjà remercié Lorna pour sa gentillesse. Comme elle l'affirme souvent, il est très agréable de rire un bon coup en groupe. Ma longue amitié avec Lorna m'est très précieuse.

Lorna et Ross, je vous fais mes meilleurs vœux. Je sais que vous avez une bonne idée de la façon dont vous allez occuper votre retraite et que vous allez apprécier tout le temps que vous pourrez consacrer à des activités excitantes, en commençant par une ballade en train en famille.

Le regretté James Delorey

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, c'est avec tristesse que je prends aujourd'hui la parole. Samedi dernier, James Delorey, un garçon de sept ans du Cap-Breton, s'est éloigné de la maison familiale pour suivre Chance, le chien de la famille, dans la forêt, sans doute dans l'intention de partir à l'aventure, comme on aime faire à cet âge. Sauf qu'il n'est pas rentré ce jour-là. Il n'était pas habillé chaudement; pas de manteau d'hiver, pas de bonnet ni de mitaines. Et la première tempête de neige de la saison s'annonçait.

Des centaines de personnes du Cap-Breton, des policiers, des pompiers volontaires, l'armée, les services d'urgence et des citoyens ordinaires ont lancé une grande battue. Le petit James était autiste et ne parlait pas. On savait donc qu'il ne répondrait pas aux appels des gens qui étaient à sa recherche. On a fait tout ce qu'on a pu. On a fait jouer sa musique favorite, on lui a offert de la pizza — son mets préféré —, on a fait tout ce qu'on a pu dans l'espoir qu'il réagisse.

Deux jours plus tard, le chien est rentré à la maison. En suivant ses traces dans la neige, les secouristes ont fini par retrouver le petit James. Il était presque congelé, mais, contre toute attente, il était en vie. On ne peut que s'imaginer ce qu'a pu ressentir James, perdu dans la forêt, quand la neige a commencé à tomber. En tant que père, je compatis avec ses parents, Jason et Veronica, qui ont vécu l'horreur la plus inimaginable : leur petit garçon était perdu et ils ne pouvaient pas le protéger.

Lundi après-midi, la joie d'avoir retrouvé James vivant a laissé place à la tristesse, car, malgré tous les efforts des chirurgiens, des médecins et des infirmières, il a succombé à une pneumonie mardi matin et est décédé à l'hôpital pour enfants du centre de santé IWK, à Halifax.

Honorables sénateurs, je tiens à rendre hommage aux gens du Cap-Breton, à leur compassion et à leur générosité. Rien ne peut nous préparer à la perte d'un être cher, encore moins d'un enfant. Pendant quelques jours cette semaine, James a été le petit garçon de tout le monde. Dieu ait son âme et bénisse sa famille.


(0920)

AFFAIRES COURANTES

Peuples autochtones

Budget—L'étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis—Présentation du neuvième rapport du comité

L'honorable Elizabeth Hubley, au nom du sénateur St. Germain, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le vendredi 11 décembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité a été autorisé par le Sénat le mercredi 25 février 2009 à examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada. Votre comité demande respectueusement des fonds supplémentaires pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2010.

Le budget initial et une demande supplémentaire, présentés au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ont été imprimés dans les Journaux du Sénat le 28 avril et le 18 juin 2009, respectivement. Le 5 mai 2009, le Sénat a approuvé un déblocage de fonds de 402 023 $ au comité et le 22 juin 2009, le Sénat a approuvé la demande supplémentaire de 172 495 $.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget supplémentaire actuel présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis.

Au nom du président du comité, Gerry St. Germain,
ELIZABETH HUBLEY

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1641.)

(Sur la motion du sénateur Hubley, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'Union interparlementaire

La Réunion-débat parlementaire dans le cadre du Forum public de 2009 de l'Organisation mondiale du commerce et la session du Comité de pilotage sur la Conférence parlementaire sur l'Organisation mondiale du commerce, tenues du 30 septembre au 1er octobre 2009—Dépôt du rapport

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Union interparlementaire à la Réunion-débat parlementaire de 2009 dans le cadre du Forum public de l'OMC et à la 19e session du Comité de pilotage sur la Conférence parlementaire sur l'Organisation mondiale du commerce, tenues à Genève, en Suisse, du 30 septembre au 1er octobre 2009.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

La lettre des diplomates

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, hier, j'ai demandé au leader du gouvernement si le gouvernement était disposé à présenter des excuses au diplomate canadien Richard Colvin pour avoir porté gratuitement atteinte à sa réputation. Je pense en particulier au ministre de la Défense, qui a associé M. Colvin aux gestes les plus odieux du régime des talibans.

Comme nous l'avons tous constaté, le leader du gouvernement au Sénat a refusé de répondre directement à ma question. Nous voyons, chaque jour, que la population est de plus en plus préoccupée par la façon dont le gouvernement traite M. Colvin.

Aux dernières nouvelles, 95 anciens ambassadeurs du Canada ont signé une lettre ouverte critiquant le gouvernement pour la façon dont il a réagi aux révélations de M. Colvin. Les signataires de cette lettre ouverte ne sont pas des politiciens de l'opposition ni même des journalistes. Ce sont d'anciens représentants officiels du Canada aux Nations Unies, en Israël, à Rome, à Moscou et des gens qui ont participé à de nombreuses missions diplomatiques à l'étranger. Parmi les signataires, comptons James Bartleman, qui a non seulement servi en Australie, auprès de l'OTAN et de l'Union européenne, mais qui a également été lieutenant-gouverneur de l'Ontario.

Ma question est la suivante : que répond le gouvernement à cette lettre ouverte sans précédent de nos anciens diplomates?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le gouvernement a reçu cette lettre. Le Canada est un pays libre. Les signataires peuvent bien signer n'importe quelle lettre s'ils le veulent, tout comme M. Colvin a le droit de livrer son témoignage. M. Colvin a témoigné devant le comité parlementaire, et c'est tout à fait son droit. D'autres témoins ont présenté un point de vue contraire à celui de M. Colvin, et c'est tout à fait leur droit. Bon nombre de gens appuient les déclarations de ces témoins qui ont un point de vue opposé.

Les anciens diplomates avaient parfaitement le droit d'écrire cette lettre, mais bien des gens ne partagent pas leur point de vue. C'est l'essence même de notre démocratie.

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat hante la Colline du Parlement depuis longtemps, beaucoup plus longtemps que moi. Elle a occupé des postes aux plus hauts échelons au cabinet du premier ministre. Elle sait bien comment ces situations se présentent.

Compte tenu de sa longue expérience et de tout le temps qu'elle a passé sur la Colline du Parlement, a-t-elle déjà eu connaissance d'une telle démarche sans précédent de la part de diplomates qui, comme elle en conviendra sûrement, évitent généralement de prendre position sur des questions d'actualité? A-t-elle déjà vu quelque chose qui ressemble à cette lettre?

Le sénateur LeBreton : Je suis ici en ma qualité de leader du gouvernement au Sénat. Je ne suis pas ici pour dresser le bilan exhaustif de mon expérience sur la Colline du Parlement et dans les cercles politiques. À bien des occasions par le passé, en remontant à l'époque de la TPS et du libre-échange, il y a eu dans cette enceinte des débats dans le cadre desquels un grand nombre de gens ont écrit et signé des lettres et des pétitions contre le gouvernement. C'est exactement ce que les citoyens font dans une société libre et ouverte, dans une démocratie. Ils ont l'entière liberté d'en prendre l'initiative.

Le sénateur Cowan : Madame le ministre prétend-elle sérieusement qu'une lettre signée par une centaine d'anciens diplomates de haut rang qui ont été au service du Canada à l'étranger a la même valeur qu'une lettre signée par 100 citoyens ordinaires et qu'une telle lettre ne fait qu'exprimer l'opinion personnelle de ces diplomates de haut rang? Est-ce ce que l'honorable sénateur laisse entendre? Ce ne peut être le cas.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je pense que 100 citoyens canadiens ordinaires ont autant de valeur que 100 anciens diplomates.

Le sénateur Cowan : Dois-je comprendre que le gouvernement, dont madame le ministre est un membre de haut niveau, ne fera absolument rien et qu'il ne répondra pas à cette lettre? Est-ce bien ce qu'affirme le ministre?

Le sénateur LeBreton : Je n'ai rien dit de tel. J'ai simplement dit que ces personnes avaient le droit, comme nous l'avons tous, d'exprimer leur désaccord au gouvernement au pouvoir. Dieu sait qu'il y a eu beaucoup d'exemples de ce genre dans le passé. Tout ce que je dis, c'est que les anciens diplomates ont décidé d'écrire au gouvernement au sujet de cet incident précis, que c'était leur droit et que nous respectons ce droit.

Le sénateur Cowan : Il n'existe absolument aucun doute au sujet de leur droit. Personne ne conteste leur droit de rédiger une lettre. Permettez-moi de poser de nouveau ma question : quelle est la réponse du gouvernement à cette lettre? Le gouvernement répondra- t-il à cette lettre, et si oui, à quel moment?

Le sénateur LeBreton : Je le répète : tout le monde a le droit d'écrire au gouvernement.

Le sénateur Cordy : Je crois que la réponse est non.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je n'ai vu que des rapports; je n'ai pas vu la lettre en tant que telle, ni les signatures. Il n'en demeure pas moins que d'anciens diplomates ont écrit une lettre. Ils ont exprimé leur point de vue en tant que diplomates à la retraite, et le gouvernement en a pris connaissance.

Le sénateur Cowan : Donc, le gouvernement ne répondra pas à cette lettre. C'est bien la réponse à cette question?

(0930)

Le sénateur LeBreton : Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

La santé

Les soins palliatifs et les soins de fin de vie

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Nous disposons d'une stratégie nationale sur le diabète. Nous en avons une autre qui porte sur le VIH-sida et une autre concernant le cancer. Ce sont toutes de bonnes stratégies. En fait, selon mes propres recherches, il existe 13 stratégies de ce genre. Toutefois, il manque un élément crucial, à savoir une stratégie sur les soins palliatifs et les soins de fin de vie. Cette lacune criante aura tôt ou tard une incidence sur tous les Canadiens. Pourquoi le gouvernement n'est-il pas prêt à élaborer une telle stratégie?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, voilà un domaine dont le sénateur Carstairs peut parler en toute connaissance de cause. Comme je l'ai dit auparavant, il s'agit d'un problème complexe qui ne peut être résolu qu'avec la participation de nombreux ordres de gouvernement. À l'occasion de la réunion des ministres responsables des aînés à laquelle j'ai assisté, à Edmonton, cette question était à l'ordre du jour de la réunion du Conseil national des aînés. J'ai discuté avec les membres du conseil des divers moyens qu'ils pourraient employer pour conseiller le gouvernement sur la question des décisions et des soins de fin de vie. Je ne me souviens pas des mots exacts employés par le sénateur Carstairs, mais je n'accepte pas qu'elle dise que le gouvernement refuse de s'intéresser à la question ou ne la prend pas au sérieux.

Le sénateur Carstairs : En 2001 et 2006, le gouvernement fédéral a doté le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie d'un budget annuel de 1 million de dollars pour commencer, puis a augmenté ce budget à 1,5 million de dollars. Ce secrétariat avait le mandat d'élaborer une stratégie. L'année où le gouvernement est arrivé au pouvoir, il a réduit le budget à 470 000 $. Cette année, il a éliminé complètement le budget et a fermé le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie.

Madame le ministre peut-elle me dire pourquoi?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme madame le sénateur le sait et comme je l'ai dit dans cette enceinte à de nombreuses reprises, nous avons des programmes qui ne sont pas exactement les mêmes pour les aînés et pour les questions qui les concernent. Ce n'est pas parce que le gouvernement précédent avait mis sur pied certains programmes que notre gouvernement n'est pas libre d'opter pour d'autres mesures destinées aux aînés. La situation est la même dans le cas du conseil sur le vieillissement, que nous avons remplacé par le Conseil national des aînés, dont les membres bénévoles issus du milieu conseillent le gouvernement sur la question des aînés.

Nous collaborons avec les aînés dans de nombreux domaines, par exemple au sujet des mauvais traitements dont sont victimes les aînés, au sujet des aînés à faible revenu et au sujet du partage du revenu. Le Conseil national des aînés a produit un rapport sur les aînés à faible revenu, et j'attends un autre rapport, qui aura cette fois pour thème le bénévolat et l'art de demeurer actif et en santé malgré le vieillissement.

Je répète que ce n'est pas parce que certains programmes de l'ancien gouvernement ont été remplacés par d'autres programmes que nous ne nous occupons pas directement de ces questions. Nous avons simplement une approche différente. Manifestement, le sénateur Carstairs n'y souscrit pas, mais je ne voudrais pas qu'elle pense un seul instant que le gouvernement ne fait rien sur la question des soins palliatifs et des soins de fin de vie et qu'il ne s'intéresse pas aux nombreuses décisions que doivent prendre les aînés.

C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons demandé à nos bénévoles du Conseil national des aînés de discuter de la question du vieillissement actif et sain. Ils vont formuler des recommandations, et le gouvernement donnera suite à celles-ci de manière appropriée, tout comme nous l'avons fait pour la question de la violence envers les personnes âgées.

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, je ne comprends pas ce que je viens d'entendre. Cette question ne concerne pas juste les aînés. Il est vrai que ces derniers représentent 70 p. 100 des personnes qui meurent dans ce pays. Toutefois, 30 p. 100 des gens qui meurent ne sont pas des aînés. Parmi ceux-ci, on compte des enfants.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Carstairs : Nous avons besoin d'une stratégie sur les soins de fin de vie qui aidera tous les Canadiens confrontés à la mort, et pas seulement les aînés.

Il est évident que le sénateur Brazeau ne croit pas que la mort dans ce pays est un sujet digne de discussion.

Des voix : C'est honteux!

Le sénateur Carstairs : Toutefois, comme nous l'avons constaté dans son intervention si éloquente ce matin, le sénateur McDonald, lui, prend à cœur cette question.

Le Canada était autrefois un chef de file dans le domaine des soins palliatifs. Il prend maintenant du retard. Quand le gouvernement répondra-t-il à ce besoin qui concerne tous les Canadiens? En effet, que cela nous plaise ou non, nous allons tous mourir un jour.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, j'ai associé les soins palliatifs aux aînés à cause du rapport du Sénat sur le vieillissement et les aînés. C'était une conclusion évidente à tirer. Je suis désolée d'avoir offensé le sénateur.

Honorables sénateurs, je sais — peut-être plus que la majorité des gens — qu'il y a des gens qui meurent bien avant d'être des aînés. Quoi qu'il en soit, je prends note de la question du sénateur.

[Français]

La régie interne

Les relations de travail au Sénat

L'honorable Jean-Claude Rivest : Ma question s'adresse au président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, le sénateur Furey.

Hier, en cette Chambre, on a évoqué le fait qu'il y avait des problèmes de relations de travail, que les négociations entre certains employés du Sénat et l'administration du Sénat étaient rompues et qu'il y aurait arbitrage en janvier.

Est-il exact que l'administration du Sénat exige de ses employés le renoncement à la clause d'ancienneté? Cela m'apparaît assez saugrenu dans le domaine des relations de travail. J'aimerais savoir si c'est effectivement la position de l'administration du Sénat du Canada vis-à-vis ses propres employés.

[Traduction]

L'honorable George J. Furey : Je remercie le sénateur de sa question. Le Comité de la régie interne ne se mêle pas directement des négociations, et ce, pour des raisons évidentes. Je ne sais pas si

cette clause fait partie des négociations ou si l'administration en fait la promotion; je n'en ai pas la moindre idée. Je vais cependant m'informer à la prochaine réunion du comité et demander à l'administration comment progressent les négociations afin de déterminer si c'est le cas.

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, j'aimerais également que le président du comité nous dise, s'il pouvait le faire à un moment donné, ce que l'administration cherche à faire exactement avec les employés, ou sur leur dos, pour que nous soyons au courant de ce qui se passe et puissions le conseiller quant au rôle qu'il pourrait jouer en vue de garantir équilibre et équité, ce que, je crois, nous souhaitons tous pour tout groupe d'employés au pays, y compris ceux qui travaillent pour nous, au Sénat.

Le sénateur Furey : Honorables sénateurs, c'est placer le comité dans une situation difficile que de lui demander de se mêler directement des négociations. Si nous le faisons, des employés vont commencer à aller voir des sénateurs, chacun faisant part au comité d'aspects différents du déroulement des négociations. C'est à dessein que nous ne nous mêlons pas des négociations et que nous les laissons suivre leur cours. Il sera opportun pour les sénateurs de s'en mêler une fois les négociations terminées. Nous pourrons alors examiner ce qui s'est fait et décider si le résultat obtenu est juste et équitable.

Le sénateur Segal : Je m'en remets au comité et à ses compétences en la matière.

(0940)

Le sénateur peut-il nous garantir que le Comité de la régie interne connaît la position de l'administration, l'appuie et la juge honnête? Je peux comprendre pourquoi le sénateur ne tient pas à faire connaître tous les détails, mais s'il pouvait nous dire qu'il est satisfait, qu'il a revu la question personnellement avec l'administration et qu'il estime qu'il s'agit d'une proposition honnête, cela serait plus que suffisant pour moi.

Le sénateur Furey : Honorables sénateurs, je ne peux pas vous dire aujourd'hui que je connais parfaitement toutes les négociations qui ont actuellement cours. Je sais une ou deux choses qui ont été portées à mon attention et je crois que la position de l'administration à cet égard n'a rien d'inhabituel. Je peux à tout le moins vous dire cela. Je ne peux pas vous dire pour l'instant si nous appuyons une position ou une autre parce que cela pourrait nuire aux négociations en cours. Toutefois, je tiens à assurer au sénateur qu'une fois les négociations terminées, nous en ferons une analyse exhaustive. Tous les sénateurs auront la chance de donner, ici, leur avis sur les négociations et de voir à ce que le résultat final soit juste pour tous nos employés.

Le sénateur Segal : J'accepte cette promesse avec confiance et avec joie, mais j'aimerais demander au président s'il pourrait s'engager à s'informer des détails. Il me suffirait de savoir que le président du comité est informé des détails pertinents et qu'il est satisfait de ce qu'il apprend. Il n'a pas besoin d'en faire rapport. Je suis persuadé que le seul fait qu'il s'engage à se tenir au courant des détails sera très rassurant pour tous les sénateurs.

Le sénateur Furey : J'irai deux pas plus loin, honorables sénateurs. Non seulement je m'assurerai d'être informé de tout ce qui se passe, mais je veillerai à ce que le sénateur Tkachuk et le sénateur Fox, qui siègent au comité directeur, soient également tenus au courant par l'administration.

Le sénateur Segal : Dans ce cas, honorables sénateurs, c'est plus que suffisant.

[Français]

Le travail

Le conflit de travail aux musées

L'honorable Jean Lapointe : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. J'ai une bonne nouvelle. Aujourd'hui, il y aura une rencontre entre les grévistes et la direction, et je crois que cela doit vous mettre de bonne humeur pour le reste de la journée car vous avez été talonnée, achalée et dérangée à ce sujet. J'ai eu aujourd'hui la confirmation que la rencontre aurait lieu cet après-midi.

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le sénateur m'apprend quelque chose. C'est une excellente nouvelle. Le sénateur mérite des félicitations pour ses questions pertinentes sur cette affaire. Cette affaire sera peut-être réglée et nous pourrons tous passer un joyeux Noël.

La sécurité publique

Les cartes d'identité des membres des Premières nations pour traverser la frontière

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Depuis des années, et le gouvernement du Canada le sait, avec le resserrement de la sécurité à la frontière américaine, les Canadiens devront présenter plus de documents pour passer la frontière.

Plus particulièrement, les États-Unis exigent de nouvelles cartes d'identité pour les Indiens inscrits du Canada. Ils devront avoir de nouvelles cartes d'Indiens inscrits sécurisées. Cette initiative était censée entrer en vigueur en juin dernier et les Américains nous ont accordé un sursis de six mois, mais nous sommes maintenant à la fin de 2009 et aucune nouvelle carte n'a été délivrée.

Madame le ministre peut-elle nous dire pourquoi, et quand, les nouvelles cartes seront délivrées? Ce sont des documents d'une grande importance pour les Indiens inscrits.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je prends note de la question du sénateur.

Le sénateur Fraser : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Je crois comprendre que les Américains exigent que ces cartes puissent être lues au moyen d'un appareil de haute technologie, qu'elles soient dotées de puces ou de bandes magnétiques pour empêcher la contrefaçon ou quelque chose de cet ordre. Quoi qu'il en soit, c'est ce que veulent les Américains.

M'écoutez-vous?

Le sénateur LeBreton : Oui.

Le sénateur Comeau : Madame le sénateur peut faire plusieurs choses en même temps, vous pouvez me croire. Elle peut écouter et parler en même temps. Je le sais.

Le sénateur Fraser : C'est une question de courtoisie.

Le sénateur LeBreton : Je vous écoute.

Le sénateur Fraser : Voici ma question : madame le leader peut- elle confirmer que les cartes d'identité que les Indiens inscrits recevront un jour seront munies des dispositifs de sécurité nécessaires? On a laissé entendre que les membres des Premières

nations pourraient recevoir des cartes qui ne répondraient pas aux exigences technologiques américaines.

J'ai une autre question complémentaire à poser. Quelles mesures prend le gouvernement pour s'assurer que, pendant que les membres des Premières nations attendent ces nouvelles cartes, et ils seraient au moins 45 000 à attendre, les Américains accepteront les anciennes cartes de statut d'Indien, et ce, aussi longtemps qu'il le faudra? Sinon, que feront ces gens? Bon nombre d'entre eux vont travailler de l'autre côté de la frontière.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur pose une question d'ordre technique. Le ministre de la Sécurité publique travaille avec son homologue aux États-Unis, Janet Napolitano. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien s'occupe aussi de ce dossier, et il n'est pas le seul.

C'est une question d'ordre technique. Comme je l'ai dit dans ma réponse à la première question, j'en prends note et je demanderai aux responsables ministériels concernés de me fournir une réponse détaillée.

La santé

Les produits dangereux

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. D'abord, je prie la ministre de m'excuser du fait que je n'ai pas formulé ma question par écrit. J'aurais préféré présenter une question écrite, mais je viens tout juste de l'improviser.

La ministre va-t-elle dire au Sénat quel pouvoir la Loi sur les produits dangereux actuelle confère à la ministre de la Santé en ce qui concerne la prise de mesures immédiates à l'égard des produits qui présentent des risques importants pour la santé et la sécurité des Canadiens?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, un projet de loi dont nous sommes saisis actuellement parle de lui-même. J'espère que le Sénat, dans sa sagesse, fera en sorte que les appels des divers groupes de défense des consommateurs et des familles, de même que ceux de l'Association médicale canadienne seront entendus, et qu'il adoptera ce projet de loi.

L'environnement

La politique sur les changements climatiques

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, nous sommes nombreux à trouver encourageant que le ministre Prentice dise qu'il a un plan d'action clair sur les changements climatiques. J'ai déjà posé cette question et, comme les sénateurs le savent, madame le leader m'a répondu par une grande envolée oratoire au sujet du sommet de Copenhague. Madame le leader lit ses notes comme s'il s'agissait de ses propres paroles.

Je m'éloigne maintenant de la conférence en général pour me concentrer sur le plan clair que le ministre pourrait exposer à Copenhague au nom des Canadiens. Un plan est généralement composé d'éléments précis; en tout cas, les plans sur les changements climatiques le sont.

Madame le leader peut-elle nous dire quand, selon le plan clair de M. Prentice, les émissions de gaz à effet de serre atteindront leur point culminant au Canada?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, voilà la troisième ou quatrième question que le sénateur me pose dans le but de me faire dévoiler aux sénateurs le plan du ministre Prentice et du gouvernement. Le ministre a clairement exprimé la position que le Canada allait adopter à Copenhague. Nous avons une excellente équipe. Michael Martin, le chef de la délégation canadienne, a tenu une autre séance d'information ce matin. Nous avons d'excellentes personnes représentant les intérêts du Canada à Copenhague.

Pour ce qui est du plan du ministre Prentice et du gouvernement, restez à l'écoute.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, nous ne devrions pas avoir à rester à l'écoute parce que le ministre Prentice affirme avoir un plan clair. D'ailleurs, il a dit que les Canadiens sont en faveur du plan. J'ignore comment ceux-ci peuvent être en faveur de quelque chose qu'ils n'ont pas vu. J'essaye de remédier à cela. J'aimerais renseigner les Canadiens davantage.

(0950)

Madame le leader pourrait-elle dire aux Canadiens comment, selon le plan de M. Prentice, nous obtiendrons 28 $ par tonne de carbone, soit le coût fixé dans le plan des États-Unis? Va-t-on mettre en œuvre un régime de plafonnement et d'échange? Va-t-on imposer une taxe sur le carbone? Ou est-ce qu'il y a autre chose de prévu? Qu'est-ce qui figure exactement dans ce plan clair?

Le sénateur LeBreton : Ma réponse demeure la même. Le ministre Prentice est un excellent ministre de l'Environnement. Il a parcouru le pays et tenu de nombreuses consultations. Il est accompagné d'une excellente délégation à Copenhague. Michael Martin et son équipe de négociateurs travaillent sur le dossier depuis un certain temps. Comme l'a dit M. de Boer mercredi, le Canada contribue de façon très constructive au débat.

Un de mes collègues trouve que si la question du plan tient tellement à cœur au sénateur Mitchell, celui-ci pourrait faire campagne et voir s'il peut se faire élire et obtenir un des sièges de sénateurs disponibles en Alberta.

Le sénateur Mitchell : Je poserais la même question concernant les 27 nominations que le gouvernement a faites au cours des 18 derniers mois, alors qu'il avait dit qu'il ne les ferait jamais. Je n'ai jamais été hypocrite à ce sujet, contrairement aux sénateurs d'en face.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Mitchell : Je suis désolé, mais ce sont les faits. Aventurons-nous sur ce terrain. Où est Bert Brown? Demandons au sénateur Brown.

Pour revenir à la question, je suis toujours étonné d'entendre le gouvernement, M. Prentice, M. Harper et des membres du caucus sénatorial conservateur dire que l'économie souffrira si l'on s'attaque aux changements climatiques. S'ils en sont si convaincus, ils doivent bien avoir une idée. Ils possèdent certainement des données et des études qui figurent dans leur plan vert. Madame la leader pourrait-elle nous dire quelles répercussions négatives les mesures de lutte contre les changements climatiques auraient sur notre économie, selon le plan vert?

Le sénateur LeBreton : Ma réponse est la même. Restez à l'écoute. Le ministre Prentice est à Copenhague. Quoi que puisse en penser le sénateur, il lui incombe, comme nous tous, d'appuyer le ministre et notre pays à la table de négociation à Copenhague.

Recours au Règlement

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'invoque l'article 52 du Règlement; je cite :

Un sénateur qui s'estime offensé ou injurié dans la salle du Sénat, dans une salle de comité ou dans un local quelconque du Sénat, peut s'adresser au Sénat pour obtenir réparation.

Plus tôt ce matin, durant la période des questions, lorsque madame le sénateur Carstairs posait des questions concernant la très importante question des soins palliatifs, plus particulièrement au sujet des 30 p. 100 de gens qui reçoivent des soins palliatifs et qui ne sont pas des aînés, le sénateur Brazeau a imité les gestes d'un violoniste. Comment je le sais? Je regardais et je l'ai vu. Je trouve que c'est fort regrettable. Je trouve très offensant qu'un sénateur pose ce geste au sujet d'un enjeu aussi important. Peut-être que le sénateur Brazeau voudrait présenter ses excuses au Sénat.

L'honorable Hector Daniel Lang : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole au sujet du recours au Règlement. En tant que sénateur relativement nouveau, j'ai fait très attention au déroulement des travaux au Sénat et à la façon de travailler de tous les sénateurs. J'aimerais dire à madame le sénateur d'en face, qui a invoqué le Règlement, que tous les sénateurs devraient peut-être se regarder dans le miroir. Jour après jour, le ton adopté au Sénat continue...

Le sénateur Cordy : Ah oui?

Le sénateur Tardif : C'est vrai?

Le sénateur Lang : Tout commence à la période des questions et se poursuit jusqu'à minuit. Les sénateurs prennent la parole et parlent du Sénat comme étant la Chambre de second examen objectif. Je peux honnêtement dire aux sénateurs qu'une personne assise à la tribune à observer ce qui se passe ici rejetterait cette affirmation.

Nous avons une période des questions au cours de laquelle une personne a la responsabilité de présenter des informations afin de répondre aux questions. Je demanderais aux sénateurs de réfléchir à la façon dont ils formulent leurs questions. Personne, quel que soit son rôle au sein de cette assemblée, n'aime se faire intimider.

Son Honneur le Président : Je donne la parole au sénateur Dallaire sur la question pointue du recours au Règlement.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je suis persuadé que le commentaire exprimé par notre collègue en est un de fond. Le fait que des commentaires désobligeants soient énoncés de façon parfois très légère, et pas nécessairement à voix basse, n'est pas étrange aux frictions qui entachent malheureusement les échanges essentiels au processus démocratique.

Je siège au Sénat depuis quatre ans maintenant et je dois admettre que je suis de plus en plus outré par l'ampleur et la nature de la bête.

Si vous me le permettez, honorables sénateurs, je vous renvoie la balle : plus souvent qu'à mon tour, j'ai été la cible de commentaires désobligeants durant la période des questions, parfois même de la part des leaders du parti au pouvoir, où devrait régner, il me semble, une retenue beaucoup plus serrée que dans les ailes.

Bref, je crois que si l'on écoutait les questions avec autant de respect que les réponses, nous pourrions ainsi redevenir une entité où siègent des gentlemen — pour utiliser un bon vieux terme —, et le climat serait beaucoup plus digne du rôle que nous assumons.

[Traduction]

L'honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, premièrement, c'est dommage que certains sénateurs aient été offensés par ce geste. Toutefois, si le sénateur Cordy veut savoir pourquoi j'ai fait ce geste, c'était en réaction à un commentaire du sénateur Moore, et non aux propos du sénateur Carstairs. Cela dit, je n'ai aucune raison de m'excuser.

Deuxièmement, si des excuses doivent être présentées, ce devrait peut-être être à cause des commentaires émis hier par le sénateur Mercer. Je suis le plus jeune sénateur dans cette enceinte, et je n'ai pas pris la parole pour me plaindre de ses propos, car, soyons honnêtes, on a ici un homme blanc qui dit que je ne représente pas mon peuple. Si quelqu'un devrait s'excuser, c'est bien lui.

Troisièmement, lorsque le sénateur Demers a émis un commentaire hier, le sénateur Stollery a dit que, s'il était incapable de supporter la pression, il n'avait pas d'affaire ici. Quelqu'un aurait-il besoin d'un miroir?

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la présidence en a assez entendu. Ma décision sur ce recours au Règlement commencera par une métaphore. Les sénateurs qui viennent de la région des Maritimes connaissent bien le mouvement des marées. Bien souvent, lorsqu'il est question de l'article du Règlement invoqué par le sénateur Cordy, on semble être à marée haute. Il y a de grosses vagues qui s'approche de la ligne qu'il ne faut pas traverser, sinon, on enfreint le Règlement. De même, en un instant, la vague se retire et le message d'amitié et de joie de Noël l'emporte.

(1000)

Cependant, en tant que Président, il est de mon devoir de temps en temps, — même si c'est rarement nécessaire, ce qui est tout à fait remarquable — de rappeler que derrière la chaise du Président dans cette pièce se trouve le trône. La couleur de notre tapis indique effectivement qu'il s'agit de la salle du trône. C'est pourquoi, je suppose, que le tapis est vert dans l'autre endroit; et c'est un peu apocryphe ou métaphorique. Certains disent qu'il est vert parce que les élus se réunissent dans les prairies pour tenter de soutirer le plus de pouvoir possible à la Couronne.

J'invite cependant tous les sénateurs à prendre une bonne résolution à l'occasion de la nouvelle année, à savoir que, quand nous reviendrons au début de l'année, les sénateurs n'obligeront pas le Président à intervenir et à leur rappeler la couleur du tapis.

Je pense que nous nous en sortons plutôt bien. En général, je ne suis pas outrageusement offusqué par ce que j'entends, et je ne pense pas que les commentaires ou les observations qui sont faites recèlent de la méchanceté. Néanmoins, cela se passerait mieux pour tout le monde si nous faisions un peu attention à nos propos, de temps en temps, et comme le physiothérapeute nous le dirait, si nous faisions un peu attention à notre langage corporel. Sur ce, honorables sénateurs, j'estime que l'affaire est close.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que lorsque nous procéderons aux Affaires du

gouvernement, le Sénat abordera ses travaux dans l'ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise.

La reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Di Nino, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-27, Loi visant à promouvoir l'efficacité et la capacité d'adaptation de l'économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l'exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications.

La reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel.

La troisième lecture du projet de loi S-8, Loi mettant en œuvre des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et la Colombie, la Grèce et la Turquie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

La reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Greene, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, (responsabilité en matière de prêts liés à la politique).

La reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867, (limitation de la durée du mandat des sénateurs).

La reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wallace, appuyée par l'honorable sénateur Eaton, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, tel que modifié.

La reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Comeau, attirant l'attention du Sénat sur Le Plan d'action économique du Canada—Troisième rapport aux Canadiens, déposé à la Chambre des communes le 28 septembre 2009 par le ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, l'honorable John Baird, C.P., député, et au Sénat, le 29 septembre 2009.

La reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Martin, appuyée par l'honorable sénateur Lang, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi concernant la sécurité des produits de consommations.

[Traduction]

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : J'ai besoin d'une précision. J'avais compris que nous n'avions pas eu la permission du Sénat pour étudier le projet de loi S-8 à la prochaine séance du Sénat, mais qu'il avait plutôt été question de l'étudier dans deux jours. Pourriez-vous clarifier ce point?

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Quant à ce point, honorable sénateurs, nous allons en référer aux greffiers au Bureau afin qu'ils avisent Son Honneur le Président, pour savoir si l'on doit donner suite à ce projet de loi aujourd'hui.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Le sénateur Lapointe invoque le Règlement.

[Français]

L'honorable Jean Lapointe : Honorables sénateurs, nous en étions hier à débattre des projets de loi C-6 et C-15. Pourquoi alors, monsieur Comeau, ne réglons-nous pas cette question? Je sais que vous faites de l'opposition systématique, que vous pouvez faire durer cela à l'infini jusqu'à ce que vous soyez assurés de la majorité du vote, mais comment se fait-il qu'on ne règle pas cette question avant et qu'après on procède avec l'ordre du jour?

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, c'est une excellente question. De plus, je ne m'offusque aucunement du fait que vous m'appeliez M. Comeau, c'est de cette façon que m'appelle mon assistante, mais je sais que des sénateurs se sont offensés hier du fait que j'aie utilisé le terme « monsieur » plutôt que « sénateur ».

Revenons à la question principale. Le Feuilleton nous indique la manière de procéder quant à l'ordre du jour, mais c'est notre prérogative, selon les règles établies, de modifier cet ordre et de procéder d'une autre façon.

Nous nous rendrons au projet de loi C-6 éventuellement, je ne sais pas au juste à quelle heure, mais sûrement au cours de la présente journée, et c'est avec plaisir que j'écouterai votre discours sur ce projet de loi.

Le sénateur Lapointe : Merci, monsieur Comeau.

[Traduction]

Projet de loi sur le cadre du choix provincial en matière fiscale

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'honorable Stephen Greene propose que le projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux d'engager le débat en deuxième lecture sur le projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise. Permettez-moi de commencer par expliquer un peu le contexte historique. Il y a un peu plus de dix ans, sous le précédent gouvernement libéral du premier ministre Jean Chrétien, trois provinces ont décidé de transformer leur modèle d'impôt provincial et ont choisi d'harmoniser leur propre taxe sur la valeur ajoutée avec celle du fédéral.

(1010)

Ayant reçu une demande claire de la part de ces provinces, le gouvernement libéral de l'époque a répondu à cette requête provinciale en présentant un projet de loi de nature fiscale qui facilitait leur transition vers une taxe sur la valeur ajoutée harmonisée.

Dans un communiqué de presse du 29 novembre 1996, le ministre des Finances de l'époque, Paul Martin, a dit ce qui suit :

Les mesures législatives proposées visant la mise en œuvre des accords conclus entre le gouvernement fédéral et les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau- Brunswick et de Terre-Neuve et du Labrador constituent une autre étape vers l'application, à l'échelle nationale, d'un régime intégré de taxe de vente au Canada. L'harmonisation se traduira par un régime fiscal plus simple pour les contribuables. La TVH accroîtra la capacité concurrentielle

des entreprises dans les provinces participantes et représente une mesure positive en vue de créer des emplois dans ces provinces.

Je souligne que, à ce jour, les trois provinces — la Nouvelle- Écosse, ma province; le Nouveau-Brunswick, la province voisine de la mienne; et Terre-Neuve-et-Labrador, située au-delà de l'horizon — conservent la taxe harmonisée sur la valeur ajoutée.

Par surcroît, une étude marquante publiée en 2007 et réalisée par Michael Smart, professeur d'économie à l'Université de Toronto, révèle que, en comparaison avec les provinces qui n'ont pas retenu cette formule fiscale, dans les provinces précitées, le niveau d'investissement par habitant a augmenté de plus de 11 p. 100 après qu'elles eurent opté, au milieu des années 1990, pour la taxe harmonisée sur la valeur ajoutée. Qui plus est, l'investissement total dans la machinerie et dans l'équipement a augmenté de plus de 12 p. 100 par année par rapport aux années antérieures. Enfin, le professeur Smart, qui porte fort bien son nom, a conclu que, dans l'ensemble, il n'y avait pratiquement pas eu de changements dans les prix après cette transition. En fait, il a même conclu que les prix à la consommation avaient baissé dans les provinces qui avaient adopté la taxe harmonisée et que cette baisse avait en partie absorbé les rajustements attribuables à ce nouveau modèle fiscal provincial.

Globalement, voici comment le professeur Smart a décrit l'effet net de cette transition fiscale, tel qu'exposé dans un article publié le 19 octobre 2007, dans le National Post :

Les recherches que j'ai faites sur la taxe de vente harmonisée dans les provinces de l'Atlantique suggèrent que la diminution des taxes sur les intrants des entreprises entraîne rapidement une baisse des prix à la consommation.

Essentiellement, cela favorise l'économie et ne nuit pas aux consommateurs.

Je signale, à l'intention des sénateurs intéressés à en savoir davantage au sujet des travaux de Michael Smart...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il y a actuellement de nombreuses conversations au Sénat. Par respect pour le sénateur qui intervient actuellement, je vous prierais de poursuivre vos conversations dans la salle de lecture.

À l'ordre, s'il vous plaît.

Le sénateur Greene : Je suggère à mes collègues intéressés à en apprendre davantage au sujet des travaux du professeur Smart de lire l'article intitulé « The Economic Incidence of Replacing a Retail Sales Tax with a Value-Added Tax : Evidence from Canadian Experience », publié dans l'édition de mars 2009 de la revue Analyse de Politiques, volume 35, numéro 1.

Pour en revenir à la situation d'ensemble et résumer, je rappelle que, dans les années 1990, trois gouvernements provinciaux ont fait un choix relevant de leur compétence fiscale et que le gouvernement fédéral a tenu compte de la volonté de ces gouvernements dûment élus et que, de ce fait, il a pris les mesures législatives nécessaires pour faciliter la mise en œuvre de leur décision.

Aujourd'hui, nous nous retrouvons un peu dans la même situation, puisque cette année, deux provinces — la Colombie- Britannique et l'Ontario — ont annoncé leur décision d'harmoniser leur taxe sur la valeur ajoutée. Avant de passer au contenu du projet de loi comme tel, permettez-moi de faire à l'intention des sénateurs une brève introduction au concept de l'harmonisation des taxes de vente, tel que défini dans un mémoire rédigé en 2009 par les économistes Don Drummond et Diana Petramala, des Services économiques de Toronto Dominion :

L'harmonisation est le processus selon lequel les règles qui régissent la taxe provinciale de vente au détail, la TVP, seront intégrées à celles qui régissent la taxe fédérale sur les produits et services, la TPS, pour créer une taxe finale, la TVH.

La TVH est une taxe sur la valeur ajoutée qui fait en sorte que ce n'est pas seulement la valeur ajoutée par l'entreprise qui fournit le produit ou le service qui est taxée. On tente donc ainsi d'éviter qu'un produit soit taxé à plusieurs reprises au cours de sa production et que, dans certains cas, les taxes antérieures soient composées en appliquent taxe par-dessus taxe par-dessus taxe, jusqu'à la taxe finale imposée au moment de l'achat. Ce processus est communément appelé application en cascade de la taxe. Pour empêcher cela, les entreprises peuvent réclamer un crédit d'impôt pour la majeure partie de la TVH qu'elles paient sur les intrants autres que la main- d'œuvre, réduisant ainsi à zéro le montant de la taxe sur de nombreux intrants. La taxe n'est alors payée qu'au moment de l'achat final du produit ou du service. Cela rend la taxe sur la valeur ajoutée plus efficace qu'une taxe sur la vente au détail, puisque l'application en cascade de la taxe est évitée, ce qui se traduit par un prix de vente moins élevé pour les consommateurs.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, plus tôt cette année, deux provinces ont annoncé publiquement leur intention d'adopter le modèle d'harmonisation de leur taxe sur la valeur ajoutée. Premièrement, au printemps, le ministre des Finances de l'Ontario, Dwight Duncan, a annoncé dans le budget provincial de 2009 l'intention de son gouvernement d'adopter un nouveau modèle de taxation, entre autres réformes fiscales. Je vais citer un extrait du discours prononcé par le ministre Duncan le 26 mars 2009 devant l'Assemblée législative de l'Ontario, dans lequel il a annoncé cette décision. Je vais en citer une bonne partie afin que le Sénat soit au courant du contexte de la décision prise par la province :

Nous avons en Ontario d'excellents antécédents quand il s'agit de travailler ensemble pour construire un meilleur avenir pour nos enfants.

Notre objectif est d'améliorer nos perspectives d'avenir en renforçant notre économie. La prochaine étape que nous devons franchir pour y parvenir est la réforme de notre régime fiscal.

Plus précisément, nous proposons aujourd'hui trois importantes modifications fiscales.

Premièrement, nous proposons une taxe de vente unique sur la valeur ajoutée pour l'Ontario.

Deuxièmement, nous voulons réduire l'impôt des particuliers en permanence et nous verserons aux citoyens trois paiements directs pour faciliter la transition vers une taxe de vente unique.

Troisièmement, nous désirons procéder à une réforme complète du régime d'imposition des entreprises afin de réduire de manière permanente et significative les impôts des grandes et des petites entreprises de la province.

Plus de 130 pays ont adopté la taxe sur la valeur ajoutée. Tous les pays membres de l'OCDE, sauf les États-Unis, ont une taxe sur la valeur ajoutée, de même que quatre autres provinces canadiennes. Cette taxe est tout indiquée pour les territoires modernes et concurrentiels à l'échelle internationale.

L'Ontario Chamber of Commerce, de nombreux spécialistes, groupes de recherche et associations sectorielles

nous ont demandé de réformer notre régime fiscal et de créer une taxe de vente provinciale-fédérale unique.

Au cours des 15 prochains mois, nous voulons instaurer une taxe de vente provinciale-fédérale unique de 13 p. 100. La taxe de vente unique entrerait en vigueur le 1er juillet 2010.

Quelques mois plus tard, en juillet dernier pour être précis, la Colombie-Britannique a annoncé la décision prise par la province de mettre également en place une taxe harmonisée sur la valeur ajoutée. Comme le ministre des Finances de la Colombie-Britannique, Colin Hansen, l'a expliqué plus tard au journal Province de Vancouver, cette décision avait essentiellement été motivée par la décision de l'Ontario :

Si nous n'avions pas emboîté le pas à l'Ontario à la suite de son adoption de la TVH, nos exportateurs en auraient payé le prix sur le plan de la concurrence.

Néanmoins, je vais citer exhaustivement un communiqué de presse provincial daté de juillet pour illustrer la logique sur laquelle s'appuie la décision de la Colombie-Britannique. Le communiqué de presse nous apprend que la Colombie-Britannique avait l'intention d'harmoniser sa taxe de vente provinciale avec la taxe fédérale sur les biens et services à compter du 1er juillet 2010, afin de stimuler les nouveaux investissements commerciaux, d'améliorer la productivité, de favoriser la croissance économique et de créer des emplois. Le premier ministre Gordon Campbell a déclaré qu'il s'agissait là de la meilleure chose à faire pour améliorer l'économie de la Colombie- Britannique.

(1020)

Il s'agit d'une condition essentielle pour stimuler la compétitivité de ses entreprises, attirer des milliards de dollars en nouveaux investissements, réduire les coûts de production et réduire les frais administratifs pour les contribuables et les entreprises de la Colombie-Britannique. Par-dessus tout, cette mesure créera des emplois et favorisera une croissance économique à long terme, laquelle générera de meilleurs revenus qui permettront de maintenir et d'améliorer des services publics d'une importance capitale.

Quant au ministre Colin Hansen, il dit de la TVP qu'il s'agit d'une taxe surannée, inefficace et coûteuse dont une partie est cachée dans le prix des biens et services et refilée aux consommateurs. Selon M. Hansen, l'expérience des provinces de l'Atlantique a révélé que la taxe cachée est éliminée très rapidement et que le gros des économies est refilé au consommateur dès la première année.

On lit plus loin que plus de 130 pays, dont 29 des 30 pays de l'OCDE, ainsi que quatre provinces canadiennes ont adopté des taxes similaires à la TVH, connues sous le nom de taxes sur la valeur ajoutée. De plus, la mise en application d'une taxe de vente unifiée en Colombie-Britannique ferait immédiatement baisser les coûts et augmenter la compétitivité des fabricants et des exportateurs à l'échelle tant nationale qu'internationale et rendrait la taxe de la Colombie-Britannique conforme au régime de taxe de vente considéré comme étant le plus efficace au monde. On signale également dans le communiqué que, une fois mise en œuvre intégralement, la taxe de vente unifiée permettra à la Colombie- Britannique de devenir l'une des entités les plus compétitives du monde industrialisé dans le domaine des nouveaux investissements.

En conséquence, le projet de loi sur le cadre du choix provincial en matière fiscale est une mesure législative très claire, qui vient simplement confirmer que les taxes provinciales relèvent de la compétence du gouvernement de chacune des provinces. Dans le fond, la mesure législative dont nous sommes saisis apporte tout simplement les modifications de coordination nécessaires à la Loi fédérale sur la taxe d'accise pour que les décisions puissent être prises à l'échelon provincial. Je le répète, non seulement cette mesure facilitera la prise de décision par les gouvernements de ces provinces, mais elle permettra également à tous les gouvernements d'adhérer à ce cadre uniforme, cadre dont tous peuvent se prévaloir.

Je le répète, c'est aux provinces et non au gouvernement fédéral de décider de la formule d'imposition provinciale. C'est là un principe fondamental de notre fédération canadienne. L'autonomie des provinces est essentielle et elle doit être respectée. La chroniqueuse Chantal Hébert, du Toronto Star, a dit récemment que les projets des provinces de l'Ontario et de la Colombie-Britannique quant à l'adoption de la TVH s'inscrivent tout à fait dans le cadre de leurs prérogatives provinciales.

Dans la même optique, permettez-moi également d'attirer l'attention des sénateurs sur un article important paru cette semaine dans la page éditoriale du Globe and Mail, sous la signature de John Manley, ancien vice-premier ministre et ministre des Finances du Canada au cours du dernier gouvernement libéral. Il a dit :

[...] l'harmonisation des taxes de vente est essentiellement une question de compétence provinciale. Les gouvernements dûment élus de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont décidé de réformer et de rationaliser leur système d'imposition sur la vente de biens et services. Il faut adopter une mesure législative fédérale pour officialiser le tout et pour dédommager les consommateurs pendant la période de transition. Au-delà de ça, il reviendra aux provinces de déterminer ce qui est dans leur meilleur intérêt. Le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, et le premier ministre de la Colombie-Britannique, Gordon Campbell, ont tous les deux pris un risque politique en proposant l'harmonisation des taxes. Ils l'ont fait parce qu'ils étaient d'avis que cette mesure permettrait d'accroître les investissements et la création d'emplois. S'ils se trompent, leurs électeurs le leur feront certainement savoir quand viendra le temps d'aller aux urnes. C'est ainsi que les choses doivent se passer et le (Parlement) fédéral n'a pas à mettre leur décision en doute.

Il est clair que John Manley comprend que ce n'est pas le rôle d'un niveau de gouvernement, c'est-à-dire le gouvernement fédéral dans le cas présent, de prendre une décision pour un autre niveau de gouvernement, c'est-à-dire les gouvernements provinciaux, sur les questions qui relèvent de leur compétence. Cela incombe à chacun des gouvernements provinciaux, et leur décision devra être approuvée ou rejetée par les assemblées législatives provinciales dument élues. Les leaders de l'Ontario et de la Colombie- Britannique eux-mêmes ont récemment évoqué ce principe, à bon escient d'ailleurs.

Écoutez ce que le premier ministre de l'Ontario, David McGuinty, a dit :

Je suis tout à fait convaincu que le gouvernement du Canada respectera les souhaits des Ontariens, tels qu'exprimés par leur Parlement dûment élu, par leur Assemblée législative et par leur gouvernement [...] J'espère que les Canadiens respecteront le résultat, tel qu'exprimé par l'intermédiaire du gouvernement du Canada [...] Je pense que les députés à la Chambre des communes...

et les sénateurs...

[...] comprennent bien que la province de l'Ontario en particulier a été durement touchée. Le ralentissement économique mondial a eu de graves répercussions sur nos familles et nos collectivités. Elles savent que nous devons prendre des mesures énergiques. Elles savent que nous devons procéder à des réformes bouleversantes. Elles savent que nous

avons mûrement réfléchi à ce que nous devons faire [...] pour créer ces 600 000 emplois destinés aux Ontariens.

Et comme son ministre des Finances, Dwight Duncan, l'a fait observer :

Je m'attends à ce que le Parlement du Canada respecte les souhaits des gouvernements dûment élus de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, et je l'espère aussi.

Nous le savons, l'Ontario n'est pas la seule province à raisonner de la sorte. Comme l'a dit Gordon Campbell, le premier ministre de la Colombie-Britannique :

C'est une question d'autonomie des provinces. On dit simplement que la Colombie-Britannique et l'Ontario vont se voir offrir les mêmes avantages qui ont été offerts à la Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve-et- Labrador [...] et c'est la chose la plus importante que nous puissions faire pour raffermir notre économie et la rendre plus productive et assurer que nous serons encore plus forts lorsque nous sortirons de cette période économique difficile. J'espère donc que le Parlement adoptera cette mesure [...] Je crois que, en tant que Canadiens et Britanno-Colombiens, nos intérêts sont le mieux servis lorsque nos gouvernements font ce qu'ils jugent bon et permettent au public de leur demander des comptes. Cela est important pour l'avenir de notre province. Quand j'entends les économistes les plus respectés au Canada dire que cette mesure est la plus importante que nous puissions adopter pour l'économie de la Colombie-Britannique, pour notre industrie forestière et notre industrie minière, et lorsque je les entends dire que c'est la mesure la plus importante que nous puissions adopter pour entrer de plain-pied dans le XXIe siècle, je suis prêt à me fier à eux.

Écoutez aussi les propos de son ministre des Finances, Colin Hansen :

Les députés ne doivent pas se demander s'ils aiment la TVH ou pas, mais bien si, oui ou non, ils veulent donner suite à une requête de la Colombie-Britannique et de l'Ontario.

Il est important de respecter les décisions des gouvernements provinciaux dans ce domaine. Aujourd'hui, nous demandons simplement que le Parlement fédéral respecte l'autonomie des provinces, une autonomie qui est acceptée depuis longtemps et qui permet déjà l'existence de différentes formes de régimes provinciaux de taxation.

D'ailleurs, en ce moment, cinq provinces ont des taxes de vente, quatre des taxes sur la valeur ajoutée ou des variations de cette taxe et une n'a ni l'une ni l'autre. Le projet de loi confirmera que les gouvernements provinciaux peuvent choisir le régime fiscal qui convient à leurs objectifs économiques propres et à leurs buts.

Nous reconnaissons tous que, puisque le régime fiscal de chaque province relève de cette province, toutes devraient avoir le droit de prendre les décisions concernant les taxes provinciales. Cela inclut le droit de passer à une taxe sur la valeur ajoutée harmonisée. Par conséquent, par respect pour l'autonomie provinciale, nous devons faciliter les choses aux provinces qui désirent changer leur taxe provinciale.

Au bout du compte, la décision d'adopter ou pas une taxe sur la valeur ajoutée harmonisée ne peut pas être dictée par le gouvernement fédéral. Cette décision doit être prise par les provinces, comme l'ont fait récemment la Colombie-Britannique et l'Ontario, tandis que d'autres provinces, comme le Manitoba, ont récemment refusé d'adopter cette voie.

Je souligne que même les provinces qui n'ont pas opté pour la taxe harmonisée insistent sur l'importance de garder la possibilité de choisir dans ces matières et affirment vouloir exercer leur autonomie lorsqu'il s'agit de décider quelle forme prendra leur régime fiscal provincial. Comme le premier ministre néo-démocrate du Manitoba, Greg Selinger, l'a déclaré il y a à peine quelques mois :

[...] il était inévitable que le Manitoba soit amené à réfléchir sérieusement à la question lorsque l'Ontario et la Colombie- Britannique ont annoncé, plus tôt cette année, qu'elles feraient cela [...] cela signifie que plus de 90 p. 100 du pays paiera bientôt une TVH et il pourrait finir par être désavantageux pour les entreprises du Manitoba que la province n'adopte pas cette taxe elle aussi.

(1030)

Je répète. Que ce soit la Colombie-Britannique, l'Ontario, le Manitoba ou n'importe quelle autre province, la décision d'harmoniser ou non les taxes sur la valeur ajoutée relève entièrement des gouvernements et des assemblées législatives des provinces. Le gouvernement ne veut pas et ne peut pas s'immiscer dans ce choix, ni forcer la main des provinces, qui sont évidemment autonomes en la matière.

Certains voudraient que le Parlement fédéral enlève aux gouvernements provinciaux le droit de choisir leur propre fiscalité, honorables sénateurs, mais nous croyons que ce n'est ni approprié, ni juste. En appuyant ce projet de loi, nous allons affirmer qu'aux yeux du Parlement fédéral, la fiscalité provinciale fait partie de l'autonomie des provinces. De plus, le gouvernement fédéral ne devrait pas limiter les choix des provinces en matière de fiscalité, mais permettre aux provinces d'envisager toutes les options, y compris, si elles le souhaitent, une transition en vue d'établir une taxe sur la valeur ajoutée harmonisée. La Loi sur le cadre du choix provincial en matière fiscale ne permettra pas seulement à l'Ontario et à la Colombie-Britannique d'exercer ce choix, mais également à n'importe quelle autre province qui voudrait harmoniser sa taxe de vente provinciale à un moment ou un autre.

La question qui est soumise au Sénat est simplement la suivante : croyons-nous que les provinces ont le droit fondamental de choisir la fiscalité qu'elles veulent? Ce n'est ni une question difficile, ni une question complexe. On peut y répondre aisément par un oui ou par un non. Ou bien la réponse est oui, et une province de notre fédération peut choisir sa fiscalité, ou bien la réponse est non, et les provinces n'ont pas ce droit et ont des comptes à rendre au gouvernement fédéral, qui peut s'immiscer dans leurs choix.

Je sais quelle réponse le gouvernement fédéral actuel apporte à cette question : le gouvernement fédéral devrait respecter l'autonomie provinciale et la compétence des provinces en matière de fiscalité pour qu'elles puissent prendre la décision qu'elles jugent appropriée dans un champ de compétence qui leur est propre. Nous pratiquons un fédéralisme d'ouverture et le respect de leurs compétences. Le fédéralisme d'ouverture est un signe de respect mutuel. Si nous options au contraire pour le fédéralisme intrusif, nous priverions les gouvernements provinciaux dûment élus du pouvoir de prendre leurs décisions, et le Parlement fédéral contournerait les assemblées législatives des provinces.

Nous connaissons tous la position des provinces à cet égard. J'espère ne pas me tromper non plus quant à la position des sénateurs sur cette question. Je crois voir juste, parce qu'il ne s'agit pas d'une question partisane. Comme je l'ai dit plus tôt, c'était sous un gouvernement libéral que trois gouvernements provinciaux ont adopté une taxe harmonisée sur la valeur ajoutée. C'est un principe gouvernemental de longue date qui transcende les frontières partisanes. Le principe n'est pas apparu avec le débat sur l'harmonisation des années 1990; c'est un principe plus général qui remonte à l'aube de la Confédération. Aujourd'hui, nous

réaffirmons cet aspect essentiel de la Confédération en matière de fiscalité.

La Loi sur le cadre du choix provincial en matière fiscale fera en sorte que les provinces aient toutes la même possibilité d'adopter le cadre de la taxe sur la valeur ajoutée pleinement harmonisée. Elle permettra, entre autres, d'accueillir dans le nouveau cadre la décision de toute province de faire appliquer dans la province la taxe sur la valeur ajoutée harmonisée.

Plus précisément, la loi prévoit, premièrement, l'imposition de la composante provinciale de la taxe sur la valeur ajoutée harmonisée relativement à la province; deuxièmement, l'application de tout élément de la marge de manœuvre provinciale en matière de politique fiscale, y compris la marge de manœuvre visant le taux de la composante provinciale de la taxe sur la valeur ajoutée harmonisée; et troisièmement, l'administration, l'observation et l'exécution appropriées de cette loi.

Les entreprises et les consommateurs se préparent déjà en prévision de la mise en œuvre des récentes modifications fiscales provinciales et prennent d'importantes décisions en fonction de ces attentes. Il serait problématique de changer subitement de direction. Par exemple, BCE a déjà publiquement fait connaître son intention d'accélérer ses investissements en Ontario en 2010 grâce à la mise en œuvre de la taxe harmonisée sur la valeur ajoutée par le gouvernement de l'Ontario. George Cope, président et chef de la direction de BCE, a dit :

Comme on a pu le constater dans les autres provinces où Bell est présente, les économies issues d'une taxe de vente unique vont accélérer nos investissements en Ontario. L'allègement du fardeau fiscal en 2010 permettra à Bell d'investir dans ses réseaux et ses services dans la province au cours de cette année-là.

Ensemble, nous pouvons prendre les mesures nécessaires pour procurer aux provinces, aux employés, aux entreprises et aux particuliers la certitude qu'ils méritent. Nous devons à tout prix faire disparaître l'incertitude qui risquerait de nuire à la compétitivité du Canada dans le monde et à toutes les parties concernées.

Nous devons agir rapidement pour apporter cette certitude. Seul le Parlement peut lever l'incertitude. C'est précisément ce que nous attendons des sénateurs aujourd'hui. Nous devons adopter cette mesure rapidement avant le congé de Noël afin que les entreprises, les provinces et les particuliers puissent aller de l'avant en étant certains de ce que l'avenir leur réserve.

Comme le ministre des Finances l'a indiqué à la Chambre des communes plus tôt cette semaine :

C'est ce que qu'on a entendu non seulement du gouvernement de l'Ontario, mais également du gouvernement de la Colombie-Britannique. Ils aimeraient savoir à quoi s'en tenir. Ils veulent décider s'ils harmoniseront leur taxe de vente provinciale. Nous avons un gouvernement minoritaire. La question que j'ai posée aux députés d'en face la semaine dernière était très simple. Le Parlement appuiera-t-il ou non la décision que prendront les provinces à la suite du vote en ce sens qui aura eu lieu dans leur assemblée législative respective? Il est important que le Parlement respecte leur décision et que les provinces sachent à quoi s'en tenir, quelle que soit l'issue du vote. J'ai hâte de connaître le résultat.

Avant de conclure, toutefois, comme il a été question de réforme fiscale et des gouvernements de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, examinons quelques instants le bilan du gouvernement conservateur en matière de taxes et d'impôts et de ce qu'il a fait pour améliorer la compétitivité du Canada.

Notre gouvernement conservateur est d'avis que la bonne chose à faire est de laisser le plus d'argent possible dans les poches des vaillants Canadiens, et notre bilan prouve que nous avons raison. Nous avons réduit plus d'une centaine de types d'impôts et taxes depuis notre élection, en 2006, notamment l'impôt des particuliers, la taxe à la consommation, l'impôt des sociétés, la taxe d'accise et d'autres. Nous avons rayé près de 950 000 Canadiens à faible revenu du rôle d'imposition. Nous avons porté le fardeau fiscal global à son niveau le plus bas en près de 50 ans.

Honorables sénateurs, tout cela se traduit en économies d'impôt substantielles pour les particuliers et les familles. Par exemple, pour 2009, l'allégement fiscal des familles dont le revenu se situe entre 15 000 $ et 30 000 $ sera, en moyenne, de près de 650 $. Pour les familles dont le revenu se situe entre 80 000 $ et 100 000 $, l'allégement atteindra plus de 2 200 $.

Passons en revue les mesures que nous avons prises pour réduire l'impôt des particuliers, des familles et des sociétés à hauteur de quelque 220 milliards de dollars pour 2008-2009 et les cinq exercices suivants.

Nous avons fait en sorte que tous les Canadiens, même ceux qui ne gagnent pas assez pour payer de l'impôt sur le revenu, puissent profiter de la réduction de 2 p. 100 de la TPS.

Afin que tous les contribuables profitent d'allégements fiscaux, nous avons abaissé à 16 p. 100 le plus faible taux d'imposition du revenu personnel et avons augmenté le revenu de base que tous les Canadiens peuvent gagner avant d'avoir à payer de l'impôt fédéral.

Nous avons créé le compte d'épargne libre d'impôt afin d'inciter les Canadiens à épargner. Ce compte enregistré flexible et de portée générale permet aux Canadiens d'avoir un revenu de placement à l'abri de l'impôt.

Le crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire, qui combat la récession et crée des emplois, a été mis en place en janvier dernier. Nous avons prévu d'importants allégements fiscaux pour donner aux entreprises canadiennes toutes les chances de réussir. Pendant l'exercice 2008-2009 et les cinq exercices subséquents, les allégements fiscaux aux entreprises totaliseront plus de 60 milliards de dollars et comprendront des réductions d'impôt importantes qui ramèneront le taux d'imposition général à 15 p. 100 d'ici 2012 pour les entreprises créatrices d'emplois. Nous avons aussi augmenté de façon marquée le montant des revenus des petites entreprises admissibles au taux d'imposition fédéral réduit, en le faisant passer à 500 000 $, et nous avons également ramené à 11 p. 100 le taux d'imposition des petites entreprises.

(1040)

Je pourrais continuer ainsi pendant encore longtemps.

Des voix : Continuez, continuez!

Le sénateur Greene : Comme le Conseil canadien des chefs d'entreprise l'a souligné : « Le gouvernement fédéral a clairement fait tout ce qu'il peut pour réduire les taux d'imposition dans les limites d'une gestion fiscale prudente. »

Bref, la Loi sur le cadre du choix provincial en matière fiscale est une mesure législative simple qui reconnaît que les gouvernements provinciaux sont responsables de leurs taxes, et plus particulièrement de la décision d'adopter une taxe harmonisée sur la valeur ajoutée. Cette mesure législative aide les gouvernements provinciaux à prendre cette décision en apportant à la Loi fédérale sur la taxe d'accise des modifications de forme visant à assurer la

coordination obligatoire, comme ce fut le cas au cours des années 1990 quand les trois provinces de l'Atlantique ont pris la même décision sous le règne de l'ancien gouvernement libéral. De plus, cette mesure législative étendra l'application de ce cadre à toutes les autres provinces également.

Honorables sénateurs, je tiens à répéter que, au bout du compte, cette décision revient aux provinces, et non au gouvernement fédéral. Nous ne devrions pas intervenir dans leur décision ou imposer notre jugement. Les taxes provinciales relèvent de la compétence des gouvernements provinciaux et de leurs assemblées législatives dûment élues. Nous devrions respecter ce principe.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Downe a une question à poser.

Sénateur Greene, acceptez-vous de répondre à des questions?

Le sénateur Greene : Oui.

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, le sénateur Greene a fait un discours impressionnant. Il a cité tant de libéraux que je ne puis qu'acquiescer à presque tout ce qu'il a dit.

Cependant, j'ai des réserves lorsqu'il se pète les bretelles au sujet des allégements fiscaux. Comme les sénateurs le savent, le gouvernement précédent a procédé à des allégements fiscaux, mais il a aussi équilibré le budget et réduit le déficit. Le sénateur craint-il que le présent gouvernement, compte tenu de l'augmentation constante du déficit, ne doive procéder très prochainement à une réduction des allégements fiscaux?

Le sénateur Green : Honorables sénateurs, non, je ne crains rien de tel. Le déficit diminuera au cours des prochaines années. Il est vrai que le budget de 1995 de Paul Martin a beaucoup contribué à la situation actuelle, mais ce budget est le résultat de pressions exercées par le Parti réformiste.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Downe : Je remercie le sénateur Greene pour cette interprétation intéressante de l'histoire. Malheureusement, je ne partage pas son point de vue, mais j'ai pris note de son commentaire voulant que nous n'ayons pas à craindre de nouveaux changements sur le plan fiscal. Je garde ces notes dans un dossier en espérant ne pas avoir à les utiliser.

L'honorable Pierrette Ringuette : J'ai deux questions pour le sénateur Greene.

Au début de son allocution, le sénateur a donné une foule de chiffres relatifs aux provinces de l'Atlantique et à la TVH. Comme il faut attendre pour recevoir le hansard, serait-il possible d'avoir une copie de son allocution, pour que je puisse jeter un coup d'œil à l'étude?

Le sénateur Greene : Oui.

Le sénateur Di Nino : C'est dans le hansard.

Le sénateur Rompkey : Nous ne recevons pas le hansard aujourd'hui. Il sera livré demain.

Le sénateur Ringuette : Le sénateur a parlé d'un allégement fiscal de 60 milliards de dollars. Il a également dit que le Canadien moyen bénéficiait d'une réduction de l'impôt sur le revenu de 650 $. Si je fais un calcul rapide, je vois que les Canadiens moyens recevront collectivement 13 milliards de dollars, ce qui nous laisse 47 milliards de dollars.

Sur les 47 milliards de dollars d'allégements fiscaux que le sénateur a mentionnés, combien ont été consentis aux grandes banques du Canada?

Une voix : Bravo! Bonne question.

Le sénateur Greene : Honorables sénateurs, cette question n'a aucun sens. Si le sénateur le veut bien, je serais heureux de lire les dix dernières pages de mon discours.

Une voix : Oui.

Le sénateur Greene : C'est ce que je vais faire, alors.

Le sénateur Ringuette : Je n'ai pas demandé au sénateur de relire son discours. Il a donné des chiffres au sujet des allègements fiscaux que les conservateurs réformistes ont mis en place. Dans son discours, il a parlé de 60 milliards de dollars. Selon ses recherches, combien de milliards de dollars au titre des allègements fiscaux sont allés aux grandes banques du Canada, lesquelles versent actuellement de grosses primes à leurs dirigeants?

Le sénateur Greene : Honorables sénateurs, je ne dispose pas de ces chiffres en ce moment. Cependant, le sénateur mélange les choses. Les allègements fiscaux dont je parle sont destinés aux particuliers, aux entreprises et aux familles. Les allègements fiscaux destinés aux banques ne sont pas inclus dans ces 60 milliards de dollars.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Murray, souhaitez-vous poser une question ou prendre la parole?

L'honorable Lowell Murray : Les deux. Je vais poser une question, et je crois que le sénateur Day répondra au nom de l'opposition officielle.

Le sénateur a vanté les mérites de la taxe générale à la consommation, et je souscris à tous ses arguments à ce sujet. Par la suite, il a louangé les diverses mesures fiscales et baisses d'impôt qui ont été mises en place par le gouvernement actuel.

Je remarque que, par rapport aux recettes fédérales totales, la proportion des recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers est passée en quelques années de 46 à 50 p. 100, alors que les recettes tirées de la TPS — c'est-à-dire la taxe générale à la consommation, dont il a bien exposé les avantages aujourd'hui — sont passées de 15 à 11 p. 100.

Pour ce qui est des résultats, le sénateur pense-t-il que le fardeau est réparti convenablement, compte tenu que les recettes de l'État sont de plus en plus tirées de l'impôt sur le revenu des particuliers et qu'elles proviennent de moins en moins de la taxe générale à la consommation?

Le sénateur Greene : Je pourrais soulever plusieurs points pour répondre à la question du sénateur.

Premièrement, la population canadienne n'est pas statique; elle augmente en raison des naissances et de l'immigration. C'est un des facteurs qui entraînerait une augmentation des recettes fiscales provenant de l'impôt sur le revenu.

Deuxièmement, l'économie du Canada est rigoureuse et elle est en plein essor. Les salaires augmentent. Au cours de la dernière année, même en pleine récession, notre économie est demeurée relativement vigoureuse. Bien sûr, nous avons baissé la TPS. Cela expliquerait l'augmentation des recettes provenant de l'impôt sur le revenu et de sources connexes.

(1050)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, sénateur Ringuette. Je n'avais pas remarqué que vous n'aviez pas terminé. Le sénateur Ringuette a la parole pour poser une autre question au sénateur Greene.

Le sénateur Ringuette : Je suis quelque peu consternée d'entendre le sénateur dire que les allégements fiscaux de 60 milliards de dollars n'incluent aucun allégement fiscal à l'intention des banques. J'imagine que nous pourrons regarder cela plus en détail au comité.

Une des principales responsabilités du gouvernement fédéral est d'accroître le libre-échange entre les provinces — c'est-à-dire, assurer une meilleure circulation des biens et services. Actuellement, un modèle a été mis en place entre la Colombie- Britannique et l'Alberta, et le gouvernement fédéral semble en être fier. L'Alberta n'a pas de taxe de vente provinciale, alors que la Colombie-Britannique aura maintenant une taxe de vente harmonisée. Le gouvernement fédéral et le ministre des Finances se sont-ils penchés sur les répercussions qu'aura ce nouveau régime d'imposition sur l'harmonisation des échanges entre ces deux provinces?

Le sénateur Greene : J'ignore s'ils se sont penchés sur cette question, mais je serais heureux de m'informer. Le modèle d'accord de libre-échange qu'appliquent la Colombie-Britannique et l'Alberta est bon. Lorsque je siégeais à l'Assemblée législative de la Nouvelle- Écosse, nous l'avons examiné attentivement. À un certain moment, nous avons pris des mesures pour nous joindre à cet accord. Le nouveau gouvernement de la Nouvelle-Écosse agira comme il l'entend, j'en suis convaincu. Il s'agit d'un accord de libre-échange important et louable entre des provinces que le pays en entier devrait examiner.

Le sénateur Ringuette : Je veux m'assurer de bien comprendre le sénateur. Vérifiera-t-il auprès du ministre si l'étude des répercussions économiques a été effectuée? Le cas échéant, sera-t- elle déposée devant le comité?

Le sénateur Greene : De quel comité s'agit-il?

Le sénateur Ringuette : Au comité à qui la direction du parti du sénateur décidera de renvoyer le projet de loi.

Le sénateur Greene : Je ne peux promettre que l'étude sera déposée, mais je peux certainement assurer aux sénateurs que je m'adresserai au ministre et à son ministère pour vérifier s'ils ont effectué cette étude.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, tout d'abord, je voudrais féliciter le sénateur Greene pour son discours, en particulier la première partie, qui portait sur le projet de loi dont nous sommes saisis. Je suis d'accord sur la plupart des points qu'il a mentionnés au cours de la première moitié de son exposé. Je vais laisser aux autres le soin de commenter la seconde partie du discours, où le sénateur s'est égaré dans des considérations politiques. Je vais tenter de m'en tenir aux particularités du projet de loi. Cette mesure législative est suffisamment dense pour qu'on ne s'aventure pas dans d'autres domaines.

Nous en sommes au débat à l'étape de la deuxième lecture d'un projet de loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise. À l'étape de la deuxième lecture, nous discutons du principe du projet de loi, ce qui soulève souvent de nombreuses questions, d'autant plus que le Sénat a reçu cette mesure législative il y a seulement deux jours. Nous avons siégé tard mercredi soir pour recevoir le projet de loi. Je sais que les sénateurs me pardonneront si bon nombre des éléments que je soulèverai seront vraiment des questions sur lesquelles j'espère qu'on se penchera si le projet de loi est renvoyé au comité.

Honorables sénateurs, je ne suis pas tout à fait d'accord avec le sénateur Greene lorsqu'il dit — en fait, il l'a dit plusieurs fois — que la question fondamentale est de savoir si les provinces ont le droit de fixer le taux de la taxe. Je dirais pour ma part que l'élément fondamental du projet de loi, c'est la taxe de vente harmonisée proposée pour l'Ontario et la Colombie-Britannique.

Notre tâche consiste à en étudier les répercussions du point de vue fédéral. Nous devons examiner convenablement 34 pages de dispositions concernant la volonté du gouvernement fédéral d'acquiescer à la requête des provinces, qui désirent harmoniser une taxe de vente et la TPS. C'est la question fondamentale sur laquelle nous devons nous pencher.

Le sénateur a parlé de risque politique et il est clair qu'il y en a un. Cependant, la décision appartient aux provinces et nous laisserons les provinces prendre cette décision. Je reconnais, avec notre collègue, que les provinces ont constitutionnellement le droit de faire payer un impôt direct à leurs citoyens. Le gouvernement fédéral, pour sa part, a un pouvoir fiscal plus large et peut faire payer des impôts aux citoyens canadiens sur tout ce qu'il juge approprié. Cependant, la TPS a été qualifiée de taxe de vente semblable à une taxe de vente provinciale.

Honorables sénateurs, examinons maintenant du point de vue fédéral certaines des mesures contenues dans le projet de loi. Premièrement, il y a la décision de l'Ontario. Après consultation avec cette province, la taxe a été fixée à 13 p. 100. Dans le cas de la Colombie-Britannique, elle sera de 12 p. 100. L'Ontario recevra une indemnisation de 4,3 milliards de dollars du gouvernement fédéral pour faciliter la transition vers la TVH, tandis que la Colombie- Britannique recevra 1,6 milliard de dollars.

La taxe de vente harmonisée n'est pas nouvelle. Certaines provinces, comme le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador ont adopté une TVH en 1997. En tant qu'habitant du Nouveau-Brunswick, je peux affirmer aux sénateurs que le programme fonctionne très bien. Je crois que les gains d'efficacité dans la perception de la taxe dans les provinces permettent d'économiser de l'argent parce que le gouvernement fédéral, et plus précisément l'Agence du revenu du Canada, recueille l'argent un peu comme il le fait de la portion provinciale des impôts dans beaucoup de provinces. Pour les entreprises, c'est avantageux, car elles ne paient qu'une seule taxe. Les fabricants devraient être en mesure de faire profiter les consommateurs des économies qu'ils réalisent en abaissant leurs prix.

J'appuie le concept. Cependant, nous devons examiner les dispositions du projet de loi, vérifier s'il permet d'obtenir les résultats voulus et nous demander s'il y a des éléments qui devraient nous préoccuper.

Honorables sénateurs, un gouvernement antérieur a essayé d'encourager l'harmonisation des taxes. Toutes les provinces devaient alors avoir le même taux. Le projet de loi bénéficie maintenant d'une souplesse qui lui est inhérente. Comme je l'ai déjà dit, la taxe harmonisée globale de la Colombie-Britannique sera inférieure à celle de l'Ontario. L'Ontario aura le même taux que les provinces de l'Atlantique. La souplesse est maintenant inhérente à ce projet de loi, ce qui est plutôt une bonne idée. Par contre, cela crée d'autres problèmes en cas d'échanges commerciaux entre les provinces si, par exemple, un produit est fabriqué dans un endroit et vendu dans un autre, et qu'il y a un crédit d'impôt sur les intrants. Si un fabricant vend son produit à un intermédiaire, le fabricant initial reçoit un crédit d'impôts sur les intrants. Au bout du compte, le consommateur paie la taxe dans son entier, mais qu'en est-il des différentes personnes qui assurent les différentes étapes de la chaîne entre les provinces?

(1100)

C'est l'une des questions que nous devrons étudier de manière plus approfondie au comité.

La marge de manœuvre permettant aux provinces d'offrir un remboursement de taxe sur les nouvelles constructions domiciliaires est quelque chose de nouveau. À cet égard, chaque province choisira sa façon de faire. Le projet de loi offre une certaine souplesse, ce qui est bien tant qu'on peut la gérer.

Nous devrons réfléchir au secteur financier et au cas des nouvelles constructions domiciliaires commencées avant le 1er juillet et terminées après le 1er juillet. De fait, nous devrons examiner toutes les règles concernant la transition.

Honorables sénateurs, dans les moments où l'esprit de collaboration était à son meilleur, nous avons parlé d'envoyer éventuellement ce projet de loi au Comité des finances. Ce comité est prêt à l'examiner si notre assemblée juge bon de l'y envoyer. Nous sommes prêts à nous en occuper.

Nous voudrons notamment examiner la disposition concernant l'ouverture des accords dans les autres provinces qui ont déjà la taxe de vente harmonisée si celles-ci estiment être défavorisées par rapport aux deux provinces qui viennent d'opter pour cette formule. Je prévois des discussions sur cette question, dans l'avenir, entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Il faut également souligner que les Premières nations nous ont fait savoir qu'elles n'avaient pas été consultées comme elles l'auraient souhaité au sujet de cette mesure fiscale. Elles soutiennent que la situation leur pose problème et qu'il faudrait prévoir des dispositions tenant compte de leur exemption fiscale aux points de vente. À l'heure actuelle, les Autochtones n'ont pas à payer la taxe de vente provinciale aux points de vente. On leur a dit que, une fois la taxe harmonisée mise en place, ils ne bénéficieraient plus de cette exemption. Or, il n'y a eu aucune discussion substantielle pour trouver une formule d'indemnisation ou une solution de rechange à cet égard.

Voilà le principal problème auquel nous serons confrontés et que nous devrons régler. Nous avons déjà demandé à certaines personnes de venir témoigner devant le comité à ce sujet.

Après un examen initial de cette mesure législative, j'estime que ce sont là certaines des questions qu'il faudra aborder. Dans le Budget supplémentaire des dépenses sur lequel nous avons fait rapport il y a deux jours, j'ai constaté que le gouvernement fédéral prévoit que nous allons adopter ce projet de loi et, nous prévoyons près de 43 millions de dollars à cette fin. C'est indiqué à la page 100 du Budget supplémentaire des dépenses (B). Nous avons déjà approuvé ces crédits en principe en faisant rapport, et le projet de loi de crédits sera étudié lundi. Les 43 millions de dollars sont répartis entre l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence du revenu du Canada et le ministère des Finances précisément pour les fins de l'harmonisation et de la mise en œuvre des mesures prévues dans le projet de loi C-62 — que nous adopterons, je l'espère.

Le gouvernement fédéral a déjà accordé le financement, et j'ai déjà discuté de l'indemnisation.

Honorables sénateurs, ce sont là certaines des questions qui seront soulevées lorsque cette mesure législative sera renvoyée au comité. Nous avons hâte de faire rapport au Sénat, au terme d'un examen approfondi de ce projet de loi.

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, plus tôt au cours de son intervention, le parrain du projet de loi a fait mention du professeur Smart, un économiste du milieu universitaire, en disant notamment qu'il portait bien son nom. Par conséquent, d'entrée de jeu, je remercie le sénateur Greene, qui lui aussi porte bien son nom, d'avoir parrainé ce projet de loi au sujet duquel il a donné des explications fort complètes.

En passant, je dois dire que c'était plutôt cruel de la part de madame le sénateur LeBreton d'avoir assigné ce projet de loi au sénateur Greene. Si je ne m'abuse, le sénateur Greene est un ancien conseiller principal et stratège de Preston Manning, qui était à l'époque chef du Parti réformiste. Par conséquent, il a certainement fait partie du chœur grec qui a prédit toutes les calamités du monde lorsque la TPS a été présentée, il y a 19 ans. À cet égard, bien sûr, les réformistes et l'opposition libérale de l'époque étaient de vrais siamois, comme ce fut le cas durant d'autres croisades.

[Français]

Il y a déjà 19 ans cette semaine, le 13 décembre 1990, j'ai eu l'inoubliable plaisir de parrainer le projet de loi sur la TPS en cette Chambre. Plusieurs honorables sénateurs se souviendront probablement que ce drame parlementaire suivait de quelques mois seulement la dernière agonie de l'Accord du lac Meech, une autre croisade au cours de laquelle les réformistes et les libéraux ont connu, sinon l'unanimité, à tout le moins l'unité. De plus, les débats sur la TPS précédaient de seulement quelques semaines le vote final sur l'avortement.

Donc, l'année 1990 a été pour le moins tumultueuse au Parlement canadien, mais je vous assure que ce n'est pas par nostalgie pour cette époque que je signale aujourd'hui mon appui au projet de loi C-62.

[Traduction]

C'est presque avec enthousiasme que j'appuie ce projet de loi. Je dis « presque », car je ne voudrais pas être pris pour un conservateur qui impose-et-dépense. Je ne fais pas partie de ceux qui croient qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise taxe. À mon avis, et je pense que la plupart des sénateurs partagent mon avis, les taxes sont nécessaires et certaines sont meilleures que d'autres, ou moins mauvaises que d'autres, sur le plan de l'incidence fiscale et des retombées économiques.

Je pense également que nous avons maintenant accepté, tardivement dans certains cas, qu'il est préférable d'avoir une taxe à la consommation à grande échelle, applicable aux biens et aux services, plus complète et équitable, qui fausse moins l'économie que d'autres taxes et moins complexe que l'impôt sur le revenu des particuliers ou l'impôt des sociétés, pour lesquels il y a une possibilité d'échapper à l'impôt. C'est pourquoi j'ai demandé au sénateur Greene, un peu plus tôt, si nous voulons vraiment que le gouvernement fédéral tire une plus grande partie de ses recettes de l'impôt sur le revenu des particuliers — 50 p. 100 actuellement — et moins de recettes de la taxe à la consommation à grande échelle. Nous verrons comment les choses se passeront.

Pour ce qui est du gouvernement fédéral, la TPS s'est avérée être une meilleure solution que la taxe sur les ventes des fabricants qu'elle a remplacée et ce, pour toutes les raisons que j'ai énoncées plus tôt. De plus, la taxe sur les ventes des fabricants était une entrave à la compétitivité du Canada.

La TPS, avec ses crédits sur les intrants, a été une bénédiction pour l'investissement, la productivité, la production et les exportations. Je dirais que toutes ces considérations avaient été abondamment documentées dans de nombreux rapports et études, notamment ceux des comités parlementaires, et ce, bien avant que nous ayons instauré la TPS.

(1110)

Quand nous l'avons adoptée, cette initiative — une taxe à la consommation imposée à grande échelle au niveau fédéral pour

remplacer la taxe sur les ventes des fabricants — aurait déjà dû avoir été instaurée il y a longtemps. Je dirais que ce n'était pas une coïncidence que nous l'ayons adoptée presque en même temps que la conclusion et la mise en œuvre d'un accord de libre-échange avec notre plus grand partenaire commercial, les États-Unis.

Rappelons que le ministre des Finances du gouvernement Mulroney, l'honorable Michael Wilson, avait proposé une importante politique de réforme de la taxe de vente avant même de présenter la TPS. Dans son budget de 1988, M. Wilson avait fait passer de dix à trois le nombre de tranches d'imposition. Le taux de la tranche la plus élevée au niveau fédéral avait été abaissé de cinq points, une réduction rendue possible grâce à l'élimination de quelques mesures d'incitation destinées aux particuliers ou aux entreprises. Un certain nombre de déductions avaient été transformées en crédits afin d'en faire profiter les personnes qui en avaient le plus besoin. Par exemple, la déduction par enfant et, par la suite, les allocations familiales ainsi que le crédit d'impôt pour enfants ont été amalgamés pour former la prestation fiscale pour enfants.

Ces réformes étaient réalistes et saines sur le plan financier. Certaines d'entre elles ont suscité des cris d'indignation chez l'opposition et chez ceux qui refusaient de reconnaître que ces réformes étaient plus progressistes sur le plan social que les dispositions qu'elles remplaçaient ou modifiaient.

Même si nous avons plus tard été accusés d'avoir attendu jusqu'après les élections de 1988 pour « tendre une embuscade » aux Canadiens avec la TPS, M. Wilson avait exposé notre politique on ne peut plus clairement. Je cite un extrait de son budget de 1988 :

La réforme de la taxe fédérale de vente nous attend encore. Nous remplacerons le système archaïque et inique de taxe de vente qui s'applique actuellement par un système multi-stade qui soutiendra efficacement la croissance économique et la création d'emplois.

Il a ensuite fait ressortir un fait qui doit être évident pour tous, et je croirais même qu'il l'est aussi pour les anciens réformistes et pour les libéraux actuels, à savoir que les avantages que j'ai mentionnés en ce qui concerne la supériorité tant budgétaire qu'économique d'une taxe à la consommation répartie sur une large base sont décuplés dans un régime fédéral comme le nôtre, lorsqu'on harmonise les taxes de vente du gouvernement central et des provinces. M. Wilson aurait pris une mesure comme celle-là il y a 18 ans, si les provinces y avaient consenti. Comme il l'a dit dans son discours du budget de 1988 :

Nous travaillons depuis un certain temps avec les provinces et d'autres parties intéressées à l'élaboration du moyen le plus efficace pour mettre en œuvre ce nouveau système — en étudiant notamment la possibilité d'une taxe nationale intégrée. Les progrès accomplis jusqu'ici sont satisfaisants, mais il nous reste du pain sur la planche. Nous poursuivons activement ces pourparlers de manière que, parallèlement à une réforme majeure des impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés, les Canadiens aient un régime fiscal qui réponde à la fois à notre volonté commune d'équité et aux exigences que nous impose un monde concurrentiel.

Honorables sénateurs, ce projet de loi devrait être, pour reprendre l'expression d'une commentatrice — et je citerai la même que le sénateur Greene, soit Chantal Hébert — un « no brainer » pour les parlementaires fédéraux; il devrait s'imposer de lui-même. Les gouvernements de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont décidé d'harmoniser leur taxe provinciale avec la taxe fédérale sur les produits et services, comme quatre autres provinces l'ont fait avant elles. Cette décision, et je suis d'accord avec les sénateurs Greene et Day sur ce point, devra être entérinée par les assemblées législatives et, en définitive, par les électeurs de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Il ne nous appartient assurément pas, à nous, au Parlement fédéral à Ottawa, de voter sur les politiques budgétaires de ces gouvernements provinciaux.

Un des aspects les plus intéressants de ce projet de loi est que, s'il est adopté, les provinces qui voudront harmoniser leur taxe de vente avec la TPS à l'avenir pourront le faire par le truchement d'une entente exécutive avec Ottawa. Il est légitime, évidemment, que le Parlement se prononce sur les incitatifs offerts par le gouvernement fédéral pour rendre l'harmonisation plus attirante, et nous avons bien sûr le dernier mot sur toute modification proposée à la TPS elle-même. Or, comme d'autres, je suis d'avis que nous devons respecter le pouvoir des provinces d'établir leurs propres politiques fiscales en fonction de leurs propres besoins et priorités.

Cela dit, je dois ajouter que j'aurais aimé prononcer ce discours il y a 13 ans, quand nous étions saisis du projet de loi sur l'harmonisation de la taxe de vente provinciale du Nouveau- Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador avec la TPS fédérale. J'avais oublié ces débats. Il y a quelques jours, je suis allé consulter le compte rendu. Je me suis rendu compte qu'au lieu de respecter le droit des provinces d'établir leurs propres politiques fiscales, les députés de la Chambre des communes ont débattu pendant 374 pages et prononcé 219 754 mots sur le sujet. Le Parti réformiste, prédécesseur de l'actuel Parti conservateur, s'y opposait parce qu'il s'agissait, selon lui, d'une hausse de taxe. Le Bloc s'y opposait parce que ce projet de loi, selon lui, versait une indemnisation que le Québec n'avait pas obtenue quand cette province avait harmonisé sa taxe auparavant. Le NPD s'y opposait parce que, eh bien, parce que c'est le NPD.

Les débats sur le sujet au Sénat ont rempli 101 pages, pour un total de 54 634 mots. Notre ancien collègue et ancien premier ministre de la Nouvelle-Écosse, le sénateur John Buchanan, ainsi que les sénateurs Brenda Robertson et Jean-Maurice Simard, deux anciens ministres au Nouveau-Brunswick, ont pris la parole. Le sénateur Noël Kinsella est intervenu longuement. Un autre collègue actuel, le sénateur Donald Oliver, en a rajouté. Leurs discours auraient pu et auraient dû être prononcés exclusivement devant les Assemblées législatives du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle- Écosse, car ils portaient presque uniquement sur la décision de ces gouvernements provinciaux d'harmoniser leur taxe de vente avec la TPS, une question qui concerne les députés provinciaux et leurs électeurs.

À ma décharge, je dois dire que je n'ai pas fait de discours sur le sujet. Par contre, je dois avouer, à ma grande, honte que j'ai appuyé, comme d'autres sénateurs du maintenant défunt Parti progressiste- conservateur, plusieurs amendements, dont le but et la raison d'être sont aussi obscurs lorsque je les lis aujourd'hui qu'ils ne l'étaient probablement aussi pour moi à l'époque.

L'humeur de l'opposition officielle au Sénat ne s'est pas améliorée lorsque notre ancien collègue, le sénateur Michael Kirby, le parrain du projet de loi, a fait son discours d'ouverture. Fidèle à son habitude, il était formidablement bien documenté et préparé. Par contre, quand est venu le temps d'aborder l'aspect politique de la question, il a eu le culot de soutenir qu'en harmonisant les taxes de vente fédérale et provinciales, le gouvernement Chrétien tenait sa promesse d'abolir la TPS. C'est ce que les théologiens appellent de la casuistique avec un « C » majuscule, et nous avons traité cette affirmation avec le mépris qu'elle méritait.

Un amendement du Sénat semble malheureusement avoir été accepté par le gouvernement libéral de l'époque. Cet amendement rejetait une proposition visant à inclure les taxes dans le prix des biens et services visés par la TVH. Lorsque j'étais plus jeune que je ne le suis maintenant et plus conservateur, plus idéaliste, et plus naïf — toutes ces qualités reviennent au même —, je croyais que la

sagesse fiscale passait par des taxes transparentes, visibles et facilement quantifiables. Je suis, en principe, toujours du même avis. Je suis par contre convaincu que la vaste majorité des consommateurs et des détaillants préfèrent nettement que les taxes de vente soient incluses dans les prix affichés de tous les biens et services. C'est tout simplement plus pratique et efficace pour les consommateurs. Aujourd'hui, je suis presque persuadé que j'appuierais une telle proposition.

L'honorable Michael A. Meighen : Puis-je poser une question au sénateur Murray?

Le sénateur Murray : Oui.

Le sénateur Meighen : Je félicite le sénateur Murray pour l'humour et la sagesse qui émaillaient son intervention, comme c'est souvent le cas. Il dit qu'il n'est plus aussi jeune qu'avant.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée d'interrompre le sénateur, mais le temps alloué au sénateur est écoulé. Il doit demander plus de temps.

Sénateur Murray, souhaitez-vous disposer de plus de temps?

(1120)

Le sénateur Murray : Après avoir entendu l'introduction de la question du sénateur Meighen, la flatterie devrait bien lui valoir cinq minutes additionnelles qui lui permettraient de poser sa question.

Le sénateur Meighen : J'aurais vraiment dû être plus flatteur encore, ce qui m'aurait peut-être valu 10 minutes.

Je remercie le sénateur Murray de ses commentaires. C'est bien de corriger le révisionnisme historique une fois de temps en temps. Il est surprenant de constater combien, en prenant de l'âge, nous avons tendance à oublier les événements qui se sont produits à l'époque tumultueuse où le Canada suivait une trajectoire économique appropriée, celle de la prospérité.

Ma question découle de la question que le sénateur a posée au sénateur Greene. Il lui a en effet demandé quels pourcentages respectifs des recettes du gouvernement représentaient l'impôt sur le revenu et la taxe à la consommation. Il a noté que le pourcentage de l'impôt sur le revenu était à la hausse et que le pourcentage de la TPS était à la baisse. En se fondant sur son expérience, le sénateur pourrait-il me dire si cette tendance est attribuable au fait que la réduction du pourcentage de la TPS aurait eu pour conséquence d'augmenter le revenu des contribuables, ce qui expliquerait pourquoi ceux-ci doivent payer davantage d'impôt sur le revenu à titre personnel?

Deuxièmement, selon le sénateur Murray, quelle devrait être la répartition idéale entre ces deux formes d'imposition? Je l'ai entendu parler en termes élogieux du caractère équitable d'une taxe générale à la consommation et je suis du même avis. Selon lui, s'il se réincarnait en ministre des Finances, à quel niveau stabiliserait-il chacune de ces deux formes d'imposition?

Le sénateur Murray : Très franchement, je n'ai pas l'expertise nécessaire pour déterminer quelle serait la répartition appropriée entre l'impôt sur le revenu des particuliers et la taxe générale à la consommation, mais j'accepte le point de vue de la plupart des économistes qui croient que la taxe générale à la consommation est tout à fait préférable et qu'il serait préférable pour notre économie et pour l'équité de continuer à réduire l'impôt sur le revenu et de compter davantage sur les recettes générées par une taxe générale à la consommation.

Je vais quand même souligner quelques points pour compléter le dossier. Ma source est le ministère des Finances et il est question de l'exercice 2008-2009. L'impôt sur le revenu des particuliers compte pour 50 p. 100 de l'ensemble des recettes fédérales. La part de l'impôt des sociétés, en pourcentage, est passée de 17 p. 100 durant l'exercice précédent à 13 p. 100 en 2008-2009. La part de la TPS est de 11 p. 100.

Je ne puis quantifier quel devrait être le partage des champs fiscaux. Tout ce que je dis, c'est que j'aimerais qu'une plus grande portion des recettes soit générée par la TPS et une plus petite portion, par l'impôt sur le revenu, tant celui des particuliers que des sociétés, si vous voulez mon avis.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, il est toujours très intimidant de prendre la parole après le sénateur Murray, parce que sa façon de s'exprimer, sa sagesse et ses connaissances font de lui un orateur unique en son genre. Il est très intimidant de parler après lui.

Quoi qu'il en soit, un mot qu'il a prononcé m'a poussée à intervenir, peut-être à titre de dernière des luddites. Dans le bon vieux temps auquel il a fait référence, quand nous discutions de toutes ces questions, je n'étais partisane ni du Parti libéral ni du Parti conservateur et je ne participais certainement pas à la vie politique. Les opinions auxquelles je souscrivais à l'époque étaient fondées sur de modestes études et réflexions, et je n'ai pas changé d'avis depuis ce temps-là.

Ce que je conteste, c'est l'argument selon lequel toute taxe à la consommation générale est plus équitable que toutes les autres formes d'imposition. Je ne conteste pas ce projet de loi. Je défendrais jusqu'à la mort le droit des provinces d'établir leur propre politique fiscale et je ne m'oppose pas à ce que les provinces fixent leurs propres taxes comme elles l'entendent tant et aussi longtemps que la Constitution leur permet de le faire.

Je ne soutiens même pas que le Canada devrait être le seul à aller à contre-courant des pays occidentaux qui, au cours de la dernière génération, ont opté pour faire le virage vers les taxes à la consommation générales. Si nous tentions d'être le seul pays à aller contre ce courant, nous subirions probablement de très graves conséquences parce que tous les gens qui ont de l'argent, notamment sous la forme d'un portefeuille de valeurs mobilières ou d'investissements commerciaux, le retireraient du pays pour l'investir ailleurs, dans un pays qu'ils trouvent plus sympathique, et le Canada en paierait le prix.

Je sais que la TPS est maintenant tellement enracinée dans notre système qu'il serait extrêmement perturbateur d'occasionner un autre bouleversement en essayant de changer les choses. Je sais que la TPS est une vache à lait pour les gouvernements et qu'un gouvernement sage peut même affecter une partie de cet argent généré par magie à des fins merveilleuses.

J'ai surtout de la difficulté à accepter l'argument selon lequel une taxe de consommation peut être équitable. En effet, une taxe de vente générale est une taxe régressive. Elle est conçue pour être une taxe régressive. La taxe sur les articles de luxe est la seule taxe de vente qui n'est pas régressive, mais elle ne rapporte pas suffisamment d'argent. Par conséquent, une taxe de vente générale sera régressive. Elle pèsera proportionnellement plus sur les pauvres et les gens appartenant aux tranches de revenu inférieures que sur les riches. Les pauvres paient aussi la TPS. Je sais qu'il y a des exemptions sur les produits de première nécessité, mais ils dépensent proportionnellement une plus grande part de leur revenu au titre de la TPS que les riches. Entre-temps, les riches bénéficient d'un traitement favorable relativement aux gains en capital.

Je suis réaliste. Je ne fais pas campagne pour changer ce principe, même s'il serait bien de pouvoir le faire. John Kennedy a affirmé que la vie était injuste, et il avait raison. Cependant, rappelons-nous

ce que nous sommes en train de faire. Je ne pense pas qu'il soit vraiment approprié de comparer la TPS, qui, à mon avis, est foncièrement injuste, à un régime fiscal progressif dont l'application est injuste. Je conviens que la prolifération d'échappatoires de toutes sortes est insensée. Je suis d'accord avec Kenneth Carter et Edgar Benson lorsqu'ils affirment que tous les types de revenus devaient être mis sur le même plan et imposés de la même façon. Nous ne le faisons pas, mais ce n'est pas une bataille que je veux entreprendre. Si je me livre à une bataille, j'en choisirai une moins difficile à gagner.

Je demanderais aux sénateurs de ne pas oublier ce dont il est question. Avant que quelqu'un ne dise : « Dans ce cas, vous auriez dû appuyer les réductions de la TPS qui ont été proposées », j'aimerais dire que j'aurais appuyé ces réductions si elles avaient été contrebalancées par des augmentations plus progressives d'autres recettes fiscales. Ce qu'on a obtenu plutôt en retour de ces réductions de la TPS, ce sont des déficits, et devinez qui va payer pour ces déficits?

Le sénateur Eaton : Non.

Le sénateur Fraser : Vous me croyez peut-être luddite. Je l'ai dit d'emblée. Toutefois, c'est quelque chose qu'il faut souligner. Nous devrions savoir ce que nous faisons.

L'honorable Hugh Segal : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

(1130)

Le sénateur Fraser : Je ferai de mon mieux pour y répondre.

Le sénateur Segal : Madame le sénateur a dit que, sur le plan structurel, les taxes de vente sont, par définition, régressives. Je crois qu'il est juste de dire qu'une taxe de vente qu'on impose sans tenir compte des personnes à faible revenu a le potentiel d'être extrêmement régressive. Puisque le gouvernement alors en place a créé un crédit pour TPS généreux, automatique et déposé directement dans le compte en banque des contribuables, et que les contribuables peuvent demander, en remplissant leur déclaration de revenus, avant même d'avoir payé la TPS, il est clair, selon la façon dont on conçoit la taxe, que l'on peut atteindre un certain niveau de progressivité qui ne serait pas possible avec une taxe de vente générale, comme l'a souligné madame le sénateur.

Qui plus est, si l'on réfléchit aux revenus générés en ajoutant 5 p. 100 au prix de vente d'une Mercedes par rapport au prix de vente d'une Focus, les sénateurs verront que cette taxe a la capacité d'éliminer certaines inégalités qui existent dans un monde où il est impossible d'éliminer toutes les inégalités, comme le prétend, et avec raison, madame le sénateur.

Une chose que l'on pourrait étudier, selon moi — et j'aimerais obtenir son point de vue à ce sujet — c'est la façon dont les crédits d'impôts sont administrés. À quel niveau devraient-ils s'appliquer? Les montants des crédits sont-ils suffisants pour combler l'écart d'une quelconque façon? J'aimerais connaître l'opinion de madame le sénateur à ce sujet.

Là où je vois peut-être, et j'aimerais connaître l'opinion de ma collègue à cet égard, un vaste sujet de discussion, c'est la question de la gestion de ces crédits d'impôt. À quel niveau devraient-ils s'appliquer? Sont-ils suffisants pour combler l'écart d'une certaine façon? J'aimerais connaître l'opinion de madame le sénateur à cet égard.

Le sénateur Fraser : Le sénateur est-il en train de me demander de joindre le geste à la parole?

Le sénateur Segal : Je ne me permettrais pas une telle grossièreté.

Le sénateur Fraser : Pour ce qui est de cet exemple bien connu de l'achat d'une Mercedes par rapport à l'achat d'une Focus, le problème n'est pas que les revenus que le gouvernement tire de la TPS sur une Mercedes seront supérieurs à ce qu'il tirera de la vente d'une... est-ce bien une Focus? Je ne m'y connais pas vraiment en voitures.

Le sénateur Segal : Oui.

Le sénateur Fraser : Je dirais que le montant de TPS perçu sur la vente du véhicule représente probablement une proportion plus élevée du revenu de l'acheteur de la Focus que de celui de l'acheteur de la Mercedes.

Comment pourrait-on équilibrer le tout? Dieu seul le sait. Les concepteurs de la taxe ont essayé et les parlementaires ont insisté pour qu'on tente de réduire les inégalités au niveau de la TPS. À mon avis, ils ne pouvaient pas le faire tout en atteignant l'objectif, qu'ils ont atteint d'ailleurs, de puiser d'énormes montants d'argent neuf dans les poches des contribuables canadiens.

Les pauvres et les modérément bien nantis ont versé une proportion beaucoup plus importante de leur revenu pour l'achat de biens de consommation que les bien nantis. Les pauvres ne peuvent pas mettre beaucoup d'argent dans un régime d'épargne retraite, par exemple. Les gens de la classe moyenne le peuvent et pour ce qui est des riches, c'est là un montant dérisoire, mais ils ont tout de même tendance à tirer avantage des programmes d'investissement à l'abri de l'impôt. Ce n'est pas le cas des pauvres. Les pauvres achètent des choses et doivent payer la TPS.

Je ne suis pas Kenneth Carter et je n'ai pas de nouveau système à proposer. Mon plaidoyer est beaucoup plus modeste. Tout ce que je demande, c'est que, lorsque nous étudierons une mesure législative sur ces changements, nous tenions compte de ce bel idéal lointain, de ce principe dont nous ne devrions pas trop nous éloigner.

Le sénateur Segal : J'aimerais connaître l'opinion de madame le sénateur sur la question plus vaste des répercussions que ces modifications fiscales auront tendance à avoir pour les Canadiens à faible revenu en général, puisque c'est là où elle nous entraîne avec ses commentaires réfléchis.

Face à la crise financière amorcée il y a environ un an, tous les gouvernements du monde ont décidé de fournir un macrostimulus à l'industrie de la construction automobile et aux institutions financières, ce qui, en rétrospective, était probablement la meilleure chose à faire à ce moment pour empêcher une situation difficile de se transformer en une situation carrément sans issue.

Cela dit, je conviens avec le sénateur que toutes les données semblent indiquer que si on veut vraiment stimuler l'économie, il faut mettre plus d'argent à la disposition des gens à faible revenu, qui n'ont d'autre choix que de le dépenser. Ils ne vont malheureusement pas l'investir dans des REER. Ils ne pourront sûrement pas le mettre dans un compte d'épargne libre d'impôt, un CELI, parce qu'ils n'ont pas la liberté financière de le faire. Ils ont des obligations, et ils n'ont aucune marge de manœuvre.

Je pense que, quand les budgets seront présentés dans les assemblées législatives de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, il y aura un débat sur les mesures prises par les provinces pour venir en aide aux Ontariens et aux Britanno-Colombiens à faible revenu. J'aimerais savoir si, selon l'avis du sénateur, il serait possible de réduire ce qu'elle considère comme l'incidence négative de cette taxe — et ce, même si elle estime que la taxe part d'une bonne intention — en effectuant un examen plus approfondi des programmes de la sécurité du revenu afin que les pauvres ne soient pas laissés pour compte comme cela a parfois été le cas au Canada.

Le sénateur Fraser : Le sénateur Segal me donne une bonne occasion de le féliciter, ainsi que le sénateur Eggleton et leurs collègues, pour leur travail dans le dossier de la pauvreté — je vous félicite sincèrement. C'est un travail fort important. C'est la première étape de l'examen réfléchi que réclame le sénateur sur ces questions des plus complexes. C'est selon moi une des tâches les plus louables qu'un gouvernement fédéral ou provincial peut entreprendre et je félicite le sénateur Segal d'avoir lancé au moins une partie du débat.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Comeau, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Projet de loi sur la protection du commerce électronique

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Di Nino, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-27, Loi visant à promouvoir l'efficacité et la capacité d'adaptation de l'économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l'exercice des activités commerciales par voie électronique et modifiant la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la concurrence, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur les télécommunications.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-27, le projet de loi sur le pourriel. Avant toute chose, je précise que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le débat sur la TVH et je suis certain que je me fais l'écho de l'impression générale quand je dis que le Sénat se distingue par la qualité de ses débats. Je félicite chaque sénateur qui a participé à ce débat.

J'aimerais toutefois apporter une précision, et ce n'est pas une critique. Je précise que, pas une fois, il n'a été fait mention de la TVH en Alberta et je dois dire, au nom des Albertains et de l'Alberta, que l'harmonisation de la taxe en Alberta n'a causé absolument aucun problème. Cela s'est fait sans la moindre anicroche. Si seulement les autres provinces pouvaient suivre cet exemple.

En ce qui concerne le projet de loi anti-pourriel, avant que quelqu'un se mette à crier contre moi, j'aimerais dire que je suis d'accord avec le principe de ce projet de loi. J'attends avec impatience que le comité l'examine. Le principe du projet de loi est absolument et fondamentalement bon. Nous savons tous ce que sont les pourriels et nous en avons tous entendu parler. Il existe plusieurs types de pourriels. Nous savons que c'est une perte considérable de productivité. Nous savons qu'ils entravent la rentabilité. Nous savons que, au fond, ils sont une nuisance, un problème pour nous, les particuliers, et nous savons qu'il faut régler ce problème.

(1140)

Il est intéressant de noter que le Canada est l'un des seuls pays industrialisés qui n'a pas de loi anti-pourriel et que nous avons, malheureusement, la réputation d'être un paradis pour les expéditeurs de pourriels. Il y a longtemps que cette mesure législative aurait dû être présentée. Nous devons étudier ce projet de loi et régler le problème.

Je tiens à préciser que, dans l'ensemble, tous les partis sont unanimes et collaborent pour régler ce problème. Bien sûr, ce projet de loi a été adopté à la Chambre après un débat intense, mais positif — et éclairé, je crois — et le sénateur Donald Oliver, du caucus conservateur, et notre ancien collègue, le sénateur Goldstein, l'ont défendu au Sénat. Ces derniers avaient tous deux présenté des projets de loi d'initiative parlementaire.

Sur une note un peu partisane, j'aimerais dire que c'est un groupe de travail créé par le gouvernement libéral en 2004 qui a entamé le processus de réforme concernant la présentation des projets de loi. Je répète, eu égard au contexte parfois pernicieux de la coopération et de la collaboration au Parlement, que le gouvernement a pris le relais du travail accompli et a présenté un projet de loi qui, sans doute, est une étape importante.

Permettez-moi d'exposer brièvement ce que ce projet de loi permettra de réaliser. Toutefois, j'aimerais d'abord souligner que, d'après ce qu'on m'a expliqué, il existe au moins deux sortes de pourriels. Pour la plupart d'entre nous, il s'agit des courriels indésirables dont nous sommes inondés. C'est ainsi qu'on perçoit généralement les pourriels, et c'était aussi ce que je croyais.

Cependant, on peut évidemment recevoir des programmes — des logiciels — dans le pourriel, qui peuvent être téléchargés à l'insu de leurs destinataires et qui peuvent être extrêmement dangereux. Souvent, on parle de virus dans les cas de ce genre. Il en existe toute une gamme, allant des programmes inopportuns et nuisibles à ceux qui sont extrêmement dangereux et qui peuvent causer des dommages très graves à des fichiers personnels et à des entreprises commerciales.

Que fera ce projet de loi? Comme on a pu le comprendre en définissant le problème, le projet de loi aura pour effet de prévenir le téléchargement de logiciels à l'insu des utilisateurs. Toutefois, grâce à un amendement, ne seront pas visées par cette mesure législative les mises à jour automatiques aux logiciels qui sont déjà installés sur un ordinateur. C'est souvent le cas : l'utilisateur souhaite obtenir la mise à jour d'un logiciel qu'il possède déjà. La loi ne s'appliquera pas à ces mises à jour.

Le projet de loi interdit également les messages commerciaux électroniques, les courriels commerciaux et toutes les formes de courriels qu'on peut recevoir sans avoir donné son consentement, qu'il soit direct ou implicite. Évidemment, il est important de faire la différence et de permettre le consentement implicite, comme les entreprises le font généralement. Nous ne voulons pas nuire à la capacité des entreprises d'entretenir des relations avec leurs clients actuels ou éventuels.

Chose intéressante, la mesure législative interdit également aux entreprises de recueillir des renseignements personnels sans consentement préalable. Cela est important sur le plan de la protection de la vie privée. Dans ce secteur des communications qui utilise Internet, le web, la protection de la vie privée constitue une priorité. Graduellement, nous devons corriger les failles et régler les problèmes.

Ce projet de loi se distingue en raison du fait que son application passera par la voie réglementaire plutôt qu'au moyen de poursuites criminelles. Je suppose que, dans certains cas, la voie criminelle pourrait être utilisée, mais, fondamentalement, la loi sera mise en application au moyen de règlements. La démarche sera coordonnée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et le Bureau de la concurrence. Ce sont d'excellents choix pour assumer la responsabilité liée à la surveillance de ce processus et pour exercer celle-ci.

Ce projet de loi prévoit des infractions assorties de sanctions lourdes. Premièrement, il prévoit des amendes maximales de 1 million de dollars dans le cas d'un particulier qui envoie des pourriels, et de 10 millions de dollars pour une entreprise qui s'adonne à cette activité.

Je vois le sénateur Mockler qui se demande si un courriel du Parti libéral constitue un pourriel. Je ne le sais pas, mais permettez-moi de proposer cette réponse : il s'agit d'une forme d'éducation continue. De mon côté, si je reçois un courriel des conservateurs, il ne s'agit peut-être pas d'un pourriel, mais ce serait déplacé.

Désolé, je ne devrais pas m'abaisser à ce niveau. Joyeux Noël !

L'autre chose qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est un droit privé d'action qui permettra aux consommateurs, aux entreprises et aux fournisseurs de service Internet d'intenter des poursuites civiles contre les contrevenants. Je crois que c'est une bonne disposition, qui s'attaque aux aspects importants du problème. Cette mesure législative contient des critères d'application. Elle prévoit l'imposition de peines afin que les gens soient conscients de la gravité de ces problèmes potentiels. C'est une mesure législative du XXIe siècle, un bon projet de loi.

Mais allons droit au but : il y a un léger problème. En fait, je ne devrais pas dire que le problème est léger. C'est un problème important, et je sais qu'il a fait l'objet d'un débat. De plus, le sénateur Oliver m'a confirmé que la question est actuellement à l'étude.

Le problème est le suivant : le projet de loi ratisse large. Comme vous l'imaginez peut-être, il est difficile de créer un projet de loi anti- pourriel dans notre société. Il faut dire que tout change et de nouvelles réalités apparaissent sans cesse. Internet se développe à une vitesse folle. Les communications se transforment radicalement et passent des moyens traditionnels de communiquer et de faire de la publicité que nous connaissons, par exemple sur papier ou à la télévision, à cet extraordinaire endroit que bon nombre d'entre nous ne comprenons pas encore, à savoir Internet, le web.

On peut comprendre que nous ayons adopté, au premier abord, une approche générale en ce qui concerne ce projet de loi. Il y a toutefois un problème qu'il faut selon moi régler. Ce problème m'a été rapporté, à moi ainsi qu'à d'autres, par Research in Motion, les gens derrière les BlackBerry. Il empêche une entreprise comme Research in Motion de répondre rapidement à une attaque virale de pourriels, c'est-à-dire une attaque qui pourrait faire planter l'ensemble ou une partie de leur système.

Normalement, face à la menace immédiate d'un virus contre son système, RIM a toujours pu percer cette structure et en identifier l'origine. Or, les exigences en matière de protection des renseignements personnels qui sont prévues dans le projet de loi et les dispositions connexes lui permettraient difficilement de réagir rapidement à une attaque virale. L'entreprise pourrait peut-être toujours le faire, mais, à mon avis, il faudrait que le projet de loi prévoie certaines dispositions en ce sens. Il est difficile de trouver un équilibre. Nous avons justement le même débat dans le cadre du projet de loi C-6. Quoi qu'il en soit, ce problème doit être examiné, et nous devons trouver un moyen pour qu'une entreprise comme RIM ne soit pas vulnérable à des attaques possiblement dévastatrices. Jusqu'à maintenant, elle a toujours pu se défendre contre ces menaces parce qu'elle dispose de mécanismes, mais cette mesure législative pourrait mettre leur existence en péril.

Honorables sénateurs, j'ignore quelles mesures concrètes seront prises exactement pour remédier au problème, mais, évidemment, ces mesures pourraient être, et elles le seront certainement, j'en suis convaincu, examinées durant le débat au comité.

Ensuite, cette mesure législative soulève quelques questions. Je suis persuadé que le gouvernement a réfléchi à ces questions, pour lesquelles il existe peut-être des réponses précises. Dans la négative, j'espère que certaines de ces réponses feront partie de budgets futurs, notamment. Bien entendu, il y a la question des ressources responsables de l'application de la mesure législative. On ne peut pas dire que le CRTC, le Bureau de la concurrence et le Commissaire à la protection de la vie privée ont de l'argent à gaspiller, et, pourtant, on leur confiera cette énorme responsabilité.

Au rayon des exemples de problème de ce genre se trouve le registre de numéros de téléphone exclus, au sujet duquel le CRTC reçoit environ 20 000 plaintes par mois. Malgré ce nombre élevé de plaintes, le CRTC a envoyé seulement 70 lettres d'avertissement environ depuis la mise sur pied de ce programme. Ces statistiques révèlent l'ampleur de ces problèmes et nous forcent à nous demander quelles ressources seront affectées et comment nous pourrons appliquer cette loi efficacement.

La deuxième question, qui est semblable quant à ses implications, découle des dispositions du projet de loi prévoyant la création d'un organe de coordination national qui, selon le site web d'Industrie Canada, « synchronisera l'éducation et les activités de sensibilisation du public, suivra et analysera les statistiques et les tendances, et se chargera de la surveillance et de la coordination stratégiques. »

On dirait qu'il nous faudrait un tel organe pour la lutte contre les changements climatiques. Cela me saute aux yeux tout à coup, mais ne nous laissons pas distraire. Évidemment, on voit pourquoi il faudra qu'il y ait coordination. Je suis sûr que l'application d'une loi de ce type ne peut se faire sans la participation des autorités provinciales et fédérales : services de police, systèmes de collecte d'information, et ainsi de suite. Il doit y avoir de la coordination.

(1150)

Dans ce cas également, il y a lieu de se demander comment l'organe de coordination sera structuré. Où sera-t-il situé? Quel financement lui sera accordé? De quelles ressources disposera-t-il?

Enfin, il faut se demander comment évoluera l'administration de cette loi, qui a des incidences énormes en matière de communication et de coordination internationales. Le pourriel vient souvent d'un autre pays. Par conséquent, il est nécessaire de pouvoir coordonner la lutte avec les autres pays, c'est-à-dire déterminer ce qu'ils vont faire pour nous aider, et vice-versa, dans tel ou tel cas ou dans tel ou tel dossier d'élaboration des politiques. Le CRTC, le Commissariat à la protection de la vie privée et le Bureau de la concurrence auront besoin de personnel et d'autres ressources pour pouvoir établir les relations nécessaires et les mettre à profit.

Il me tarde de passer à la prochaine étape, pour que le comité discute du projet de loi et puisse en parfaire les dispositions.

L'honorable Percy E. Downe : Je sais gré au sénateur de ses observations sur le projet de loi dont nous sommes saisis et sur la liste des abonnés auto-exclus. Le sénateur a effleuré certaines difficultés que pose cette liste pour le CRTC. Je crois savoir que, jusqu'à maintenant, le CRTC a reçu plus de 700 plaintes, qu'il en a présenté neuf au tribunal et que les compagnies refusent de payer les amendes. En effet, la loi n'est pas appliquée.

Depuis que leur nom figure sur la liste des abonnés auto-exclus, des personnes reçoivent encore plus d'appels qu'ils n'en recevaient auparavant. Des personnes qui ne recevaient pas d'appels en reçoivent depuis qu'ils ont fait inscrire leur numéro de téléphone cellulaire sur la liste. Récemment, le CRTC a publié une demande de propositions pour l'embauche d'un entrepreneur qui aurait pour mandat de s'occuper de la surveillance de la liste d'abonnés auto- exclus. Puis il s'est ravisé et a retiré sa demande de propositions. Pourquoi croirions-nous qu'il convient de confier au CRTC la surveillance des activités découlant du projet de loi anti-pourriel s'il est incapable de s'occuper de la surveillance de la liste des abonnés auto-exclus?

Le sénateur Mitchell : Je sais gré au sénateur de ne pas m'avoir téléphoné à ce sujet. Le sénateur Downe fait valoir le point que j'ai tenté de faire valoir. Je veux bien demeurer optimiste, mais une question se pose : aura-t-on les ressources nécessaires à la mise en œuvre efficace de cette politique? De toute évidence, l'exemple du CRTC dans le dossier de la liste des abonnés auto-exclus n'augure rien de bon.

La deuxième question consiste à savoir comment on s'y prendra — une fois qu'on aura imposé une amende ou une pénalité à un particulier ou à une entreprise — pour déterminer qui sera responsable des suites à donner. Je ne suis pas avocat, mais je suppose qu'il existe un processus juridique à suivre pour le recouvrement des amendes.

Je suis d'accord avec le sénateur. Cela pose problème.

Le sénateur Downe : J'ai une autre question à poser. Je reçois constamment des courriels de Nigérians très gentils qui seraient prêts à m'aider à gérer mes finances personnelles si je voulais leur transmettre mes renseignements bancaires et d'autres renseignements personnels. Le sénateur Mitchell s'est dit préoccupé par la question des ressources. Quant à moi, c'est l'application de la mesure qui me préoccupe.

Comment le gouvernement empêchera-t-il des pays étrangers et les entreprises qui mènent leurs activités dans ces pays de continuer d'envoyer des pourriels à des Canadiens? Rendrons-nous la mesure exécutoire à l'égard des fournisseurs et des serveurs au Canada? Leur imposera-t-on des amendes? Le sénateur détient-il de l'information à ce sujet?

Le sénateur Mitchell : Non. Il y a probablement des experts qui ont des recommandations à formuler à cet égard, et nous devrions en inviter quelques-uns à comparaître devant le comité. Ce que je peux dire aux sénateurs, c'est que des pourriels proviendront d'une multitude d'endroits et que, plus souvent qu'autrement, il sera impossible de les repérer à temps pour régler le problème.

Une des responsabilités de l'organisme national de coordination sera de coordonner les activités d'information et de sensibilisation du public. Dans une certaine mesure, le genre de problèmes que soulève le sénateur Downe — nous avons d'ailleurs tous reçu du courrier non sollicité — nous amène à nous demander comment répondre et à chercher à comprendre ce que cela signifie et quelles en sont les conséquences. La meilleure façon de procéder est d'outiller les Canadiens. À cet égard, les campagnes d'information et de sensibilisation constitueraient un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Downe : J'espère que les membres du comité seront très prudents, compte tenu des prises de bec que nous avons eues avec le CRTC au sujet de la liste nationale des numéros de téléphone exclus.

Je signale entre autres que le CRTC tient des audiences en secret. Les Canadiens ne savent pas quelles entreprises font l'objet d'une enquête. Le CRTC ne divulguera des renseignements à cet égard que si une entreprise refuse de payer l'amende qui lui a été imposée. Il n'y a ni transparence, ni ouverture, ni protection pour les Canadiens. Le projet de loi anti-pourriel ne doit pas avoir pour effet d'ajouter aux problèmes qu'entraîne déjà la liste nationale des numéros de téléphone exclus et j'espère que, à titre de membre du comité, le sénateur gardera cela en tête.

Le sénateur Mitchell : J'en prends bonne note. Merci.

L'honorable Jane Cordy : Je remercie le sénateur de son excellente intervention. Je conviens avec lui que le comité doit examiner attentivement ce projet de loi. Parfois, des dispositions en apparence fort simples peuvent avoir des conséquences fâcheuses que les rédacteurs n'ont jamais prévues. Il est très important que les membres du comité examinent de très près ce projet de loi pour assurer que, peu importe le sort qui lui sera réservé, il s'agisse de la meilleure mesure législative pour les Canadiens.

À de nombreuses réunions de l'OTAN auxquelles j'ai assisté, l'Estonie a exprimé de sérieuses préoccupations à l'égard du cyberterrorisme dont elle était victime. Les Estoniens croyaient que ce terrorisme venait de la Russie, qui tentait de les soumettre davantage. Lorsque ce cyberterrorisme a frappé l'Estonie, l'ensemble du système bancaire et économique du pays a été paralysé parce qu'il n'y avait plus un seul ordinateur qui fonctionnait à cause d'un pourriel que les Estoniens croyaient venir de Russie.

Ce projet de loi permettra-t-il d'éviter ce genre de problème? Le Canada sera-t-il à l'abri de ce genre de menace? J'espère que cela ne se produira jamais, mais il est certain qu'il s'agit d'une éventualité toujours possible. Le projet de loi nous protégerait-il contre cela?

Le sénateur Mitchell : Selon la nature des questions, on voit déjà l'intérêt que suscite ce projet de loi chez les sénateurs. J'estime que cela reflète probablement un niveau d'intérêt comparable chez les Canadiens.

Le projet de loi faciliterait la lutte au pourriel, mais c'est toujours une question de ressources. Pour faire suite aux propos du sénateur Cordy sur le cyberterrorisme et ses répercussions, le CRTC a-t-il ce qu'il lui faut pour lutter contre de telles activités? La commissaire à la protection de la vie privée a-t-elle ce qu'il lui faut? Qui est en mesure de le faire? Il pourrait se révéler nécessaire d'élargir la contribution au processus.

Il est important de soulever ce genre de question devant le comité aussi. On s'attendrait à ce qu'il y ait déjà des organismes qui se consacrent à ce genre de choses. Nous devons arriver à établir si ce projet de loi leur facilitera ou leur compliquera la tâche.

L'honorable Donald H. Oliver : J'aimerais demander une précision. Lorsque le sénateur parlait, dans son exposé, de la liste des abonnés auto-exclus, je l'ai entendu dire qu'on recevait 20 000 plaintes par mois, mais que seulement sept lettres avaient été envoyées à la suite de plaintes.

Le sénateur laisse-t-il entendre par là que le manque de ressources est la seule raison qui explique l'envoi de seulement sept lettres? Est- ce bien ce qu'il voulait faire ressortir? Y a-t-il des preuves à l'appui?

Le sénateur Mitchell : Le nombre de lettres était de 70. La différence n'est pas énorme, j'en conviens. Ce que je dis, c'est que cela nous amène forcément à nous demander si les ressources sont suffisantes. Je ne sais pas s'il y a pénurie. Il se peut qu'il n'y ait eu que 70 cas où il a fallu intervenir, mais je soupçonne un problème d'insuffisance des ressources. Je ne fais que soulever la question.

Le sénateur Oliver : Il pourrait ne pas s'agir d'un problème d'insuffisance des ressources.

Le sénateur Mitchell : Peut-être, mais je crois qu'il faut poser la question. Je suis prêt à parier que c'est le cas. Voulez-vous parier?

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Avant de passer à autre chose, honorables sénateurs, j'avais parlé à nos vis-à-vis de la possibilité de faire une pause-repas de 12 h 30 à 13 h 30.

Je suis certain que, si Son Honneur demandait le consentement unanime du Sénat, il constaterait qu'il y a consensus pour faire une pause de 12 h 30 à 13 h 30.

Son Honneur le Président : Y a-t-il consentement unanime pour suspendre nos travaux de 12 h 30 à 13 h 30?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Ainsi ordonné.

(1200)

Projet de loi de 2009 pour la mise en œuvre de conventions fiscales

Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Stephen Greene propose que le projet de loi S-8, Loi mettant en œuvre des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et la Colombie, la Grèce et la Turquie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu.

— Honorables sénateurs, ce projet de loi permettra de mettre en œuvre les trois nouveaux traités fiscaux que le Canada a conclus avec la Colombie, la Grèce et la Turquie. Depuis des années, le Canada travaille à développer son réseau de traités fiscaux conclus avec des pays du monde entier, celui-ci étant d'ailleurs l'un des plus étendus au monde. De fait, actuellement, le Canada a des traités fiscaux avec 87 pays. Si ce projet de loi est adopté, nous serons liés par des traités fiscaux avec 90 pays.

Je voudrais dire clairement, d'entrée de jeu, que le projet de loi S-8 n'entraîne aucun changement de politique nouveau ou important. Et il n'est pas non plus sujet à controverse. En fait, nos traités fiscaux sont tous calqués sur le modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l'OCDE, qui est généralement accepté par la plupart des pays dans le monde. Les dispositions contenues dans tous ces traités respectent tout à fait les normes internationales.

L'économie canadienne est de plus en plus étroitement liée à l'économie mondiale. Comme nous sommes de plus en plus étroitement liés à nos partenaires mondiaux, il est de plus en plus important d'éliminer les obstacles fiscaux au commerce international et aux investissements. Ces nouveaux traités sont précisément conçus pour faciliter les transactions transfrontalières, les investissements et les autres activités du Canada et de chacune des parties à ces traités.

Les traités fiscaux établissent avant tout dans quelle mesure un pays peut imposer un particulier ou une entreprise d'un autre pays. En ce qui concerne le Canada, nos traités fiscaux nous permettent de savoir dans quelle mesure les Canadiens et les entreprises canadiennes seront imposés à l'étranger. Inversement, les traités conclus par le Canada permettent à nos partenaires de connaître le traitement qui sera réservé à leurs ressortissants au Canada.

Toutes nos conventions fiscales sont conçues de façon à respecter deux objectifs. Le premier vise à faire disparaître les barrières au commerce et aux investissements transfrontaliers, en particulier la double imposition du revenu. Le second objectif vise à empêcher l'évasion fiscale en favorisant la collaboration entre les autorités fiscales canadiennes et celles des autres pays.

Permettez-moi de prendre un instant pour dire quelques mots sur chacun de ces objectifs. Tout d'abord, dans le contexte économique mondial actuel, il est essentiel de faire disparaître les barrières au commerce et aux investissements. Les investisseurs, les négociants et tous ceux qui traitent à l'échelle internationale doivent être au courant des répercussions fiscales de leurs activités, tant au Canada qu'à l'étranger.

Les Canadiens veulent aussi être traités équitablement et pouvoir compter sur un traitement fiscal cohérent établi dès le départ. Autrement dit, ils veulent connaître les règles du jeu et ils veulent être certains que ces règles ne changeront pas au milieu de la partie. Le projet de loi S-8 fait disparaître toute incertitude quant aux répercussions fiscales liées au fait de faire des affaires, de travailler ou de voyager à l'étranger.

Les conventions fiscales assurent une compréhension mutuelle des répercussions que les régimes fiscaux d'un pays peuvent avoir sur ceux d'un autre pays. Une telle mesure ne peut que promouvoir la stabilité et la certitude et aider à produire un meilleur climat d'affaires, particulièrement en ce qui a trait à l'élimination de la double imposition.

Personne ne voudrait voir son revenu imposé en double, et avec raison, car ce ne devrait pas être le cas. Toutefois, en l'absence de tout traité fiscal, les deux pays peuvent prélever de l'impôt sur le revenu du particulier sans lui accorder le moindre allégement pour le revenu imposé dans l'autre pays.

Pour remédier à ce problème, les traités fiscaux utilisent deux grandes méthodes selon les circonstances. Dans certains cas, le revenu peut être imposé uniquement par le pays où habite le contribuable. Dans d'autres cas, le taux d'imposition est partagé.

Par exemple, dans le cas d'un résident canadien employé par une société canadienne qui est envoyé dans l'un ou l'autre des trois pays qui sont parties au traité visé dans le projet de loi pour une courte affectation, disons de trois mois, dorénavant seul le Canada a le droit de prélever des impôts sur le revenu d'emploi de cette personne.

À l'inverse, s'il a un emploi à l'étranger pendant une période plus longue, un an par exemple, son revenu peut également être assujetti à l'impôt du pays où il se trouve. Toutefois, aux termes de la convention fiscale, le contribuable sera alors traité équitablement. Lorsque viendra le moment de payer ses impôts, cette personne recevra un crédit équivalant à l'impôt payé à un autre État, ce qui évite la double imposition et assure l'équité du système.

Une façon de limiter les possibilités de double imposition est de réduire les retenues à la source. Les retenues à la source sont une mesure courante au chapitre de l'imposition internationale. Elles sont prélevées par un pays sur certains paiements que les résidents de ce pays font à des non-résidents. Ces paiements comprennent par exemple des intérêts, des dividendes et des redevances. Les retenues fiscales sont prélevées sur les montants bruts versés à des non- résidents et elles représentent les obligations finales de ces personnes relativement aux impôts canadiens sur le revenu.

En l'absence de traités fiscaux, le Canada impose habituellement ces revenus à un taux de 25 p. 100, soit le taux établi dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Les traités visés par le projet de loi S-8, par contre, prévoient un taux maximum de retenue sur un portefeuille de dividendes versés à des non-résidents de 15 p. 100 dans le cas de la Colombie et de la Grèce, et de 20 p. 100 dans le cas de la Turquie. Pour les dividendes versés par les filiales à la société mère, le taux maximum est ramené à 5 p. 100 dans le cas de la Colombie et de la Grèce, et à 15 p. 100 dans le cas de la Turquie.

Les réductions du taux de retenue à la source s'appliquent aussi aux redevances, aux intérêts et aux prestations de pension. Les traités visés par le projet de loi limitent le taux de ces retenues sur les paiements d'intérêts à 10 p. 100 dans le cas de la Colombie et de la Grèce, et à 15 p. 100 dans le cas de la Turquie. En outre, chaque traité limite à 10 p. 100 le taux de retenue sur les paiements de redevances et à 15 p. 100 le taux de retenue sur les prestations de pension périodiques.

J'ai mentionné le fait que les traités fiscaux ont deux objectifs. J'ai parlé du premier, qui consiste à faire disparaitre les obstacles au commerce et aux investissements transfrontaliers en éliminant les doubles impositions.

Le deuxième objectif consiste à encourager la coopération entre le fisc canadien et celui d'autres pays — dans le cas du projet de loi S- 8, celui de la Colombie, de la Grèce et de la Turquie. En améliorant la coopération entre le Canada et d'autres pays, nous sommes mieux en mesure de prévenir l'évasion fiscale.

Les traités fiscaux sont un outil important pour protéger l'assiette fiscale du Canada, car ils permettent aux deux gouvernements de tenir des consultations et d'échanger des renseignements. Cela signifie qu'il sera plus facile d'attraper ceux qui tentent de se soustraire aux impôts dans le but d'assurer l'intégrité de notre système fiscal et de veiller à ce que tout le monde soit imposé de façon équitable.

Le projet de loi S-8 s'inscrit dans les efforts soutenus que déploie le Canada pour mettre à jour et moderniser son réseau de traités fiscaux avec d'autres États, qui est l'un des réseaux les plus étendus du monde. Les exportations du Canada représentent plus de 40 p. 100 du PIB annuel. L'économie canadienne dépend du commerce international. Qui plus est, la richesse économique du Canada repose sur les investissements étrangers directs au pays. Les traités fiscaux comme ceux dont il est question dans le projet de loi S-8 favorisent la stabilité et un meilleur environnement commercial pour les contribuables et les entreprises tant du Canada que des pays avec lesquels nous ratifions ces traités.

J'exhorte les honorables sénateurs à appuyer cette mesure législative importante afin de donner des directives fiscales claires aux particuliers et aux entreprises qui se livrent à des activités commerciales dans ces pays.

L'honorable Percy E. Downe : Le sénateur Greene accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Greene : Oui.

Le sénateur Downe : J'ai été intrigué par les dispositions que le gouvernement espère appliquer pour prévenir l'évasion fiscale, puisque son bilan dans ce dossier n'est pas très reluisant. En 2006, un employé d'une banque d'un paradis fiscal bien connu, le Liechtenstein, a obtenu des renseignements au sujet d'une foule de clients de la banque. Le gouvernement de l'Allemagne a acheté ces renseignements et les autorités allemandes les ont partagés avec d'autres pays du monde. En 2006, ils ont fourni au gouvernement du Canada le nom de 100 Canadiens qui détenaient un compte dans cette banque.

Comme les honorables sénateurs le savent, il n'est pas illégal d'ouvrir un compte dans une banque étrangère. Toutefois, il est illégal de ne pas déclarer un revenu. Depuis 2006, le gouvernement du Canada n'a rien fait. Un certain nombre de Canadiens ont volontairement pris l'initiative de déclarer des revenus qui auraient dû être imposables, mais aucun Canadien n'a été traîné devant les tribunaux et aucune accusation n'a été portée. Après quatre ans, le seul argent qui a été récupéré provient de ces contribuables qui osé se manifester.

(1210)

L'honorable sénateur Greene pourrait-il nous dire comment ce projet de loi pourra contribuer à régler certains de ces problèmes?

Le sénateur Greene : Le projet de loi permettra sûrement de régler certains problèmes pour ce qui est des trois pays mentionnés dans son libellé.

Le plus gros problème représente un cas intéressant. Je n'ai aucune information pertinente à ce sujet bien que, dans l'ensemble, je m'en souvienne. Je peux toutefois fournir ultérieurement au sénateur de l'information détaillée sur ce qui a été fait exactement.

Le Canada possède le réseau de traités fiscaux le plus étendu au monde. On peut espérer que tous les pays finissent par signer ces traités. Je dois dire que le gouvernement canadien est en train de négocier des traités semblables avec d'autres pays encore. J'espère, comme tout le monde devrait l'espérer, que ces problèmes d'évasion fiscale ne se reproduiront pas et qu'ils ne s'aggraveront pas.

Le sénateur Downe : Je remercie le sénateur de sa réponse. Je suis conscient du fait qu'il n'est pas un expert dans tous ces dossiers.

Le sénateur Greene pourrait-il expliquer pourquoi le gouvernement propose actuellement de conclure une entente commerciale avec le Panama, un autre paradis fiscal notoire? Le gouvernement américain a également tenté de signer une entente commerciale avec le Panama, mais le Congrès des États-Unis a refusé de ratifier celle-ci car il avait des réserves quant au respect des règles internationales par les institutions bancaires et les fonctionnaires de l'impôt panaméens. Le sénateur pense-t-il qu'il est acceptable que le Canada conclue une entente avec le Panama?

Le sénateur Greene : Honorables sénateurs, nous devons diversifier notre économie le plus possible. Nous devons participer à un réseau d'accords de libre-échange dans le monde, en créer un et l'élargir. Il est particulièrement important de le faire maintenant que les États-Unis sont en récession. Ils ont toujours été les principaux importateurs de nos produits. Je suis certain que cela demeurera le cas pendant encore de nombreuses années, mais le nombre d'exportations vers ce pays pourrait bien diminuer.

Honorables sénateurs, le gouvernement canadien a conclu des accords de libre-échange avec plusieurs pays de l'Amérique latine. Je penserais que la facilité avec laquelle le Panama peut conclure des traités avec un pays comme le Canada l'encouragera à long terme à adopter des pratiques similaires à celles que les pays développés connaissent et utilisent.

Le sénateur Downe : Je remercie le sénateur de sa réponse.

Si le gouvernement veut envoyer un message positif avec ce projet de loi tout en tentant de conclure des accords avec d'autres pays qui ont des problèmes fiscaux, je crois que cela lui causera des problèmes. Le sénateur Greene conseillerait-il au gouvernement de poursuivre des négociations commerciales avec un pays comme le Panama, qui est un paradis fiscal connu?

Le sénateur Greene : Je n'ai pas dit que nous sommes en train de conclure une convention fiscale avec le Panama, parce que je ne sais pas si c'est vrai. La situation est différente si l'on parle d'accord de libre-échange.

Oui, je crois qu'il est important pour l'économie canadienne de conclure des accords de libre-échange avec le plus de pays possible. Notre économie est axée sur les ressources. Elle est fondée sur le commerce. Nous devrions être le plus grand pays libre-échangiste du monde, et nous devons le devenir.

Le sénateur Downe : J'aimerais revenir sur le cas du Liechtenstein, où des Canadiens avaient des comptes bancaires. En décembre 2008, j'ai présenté une demande d'accès à l'information à l'Agence du revenu du Canada. J'ai reçu une réponse partielle. Je ne veux pas appeler cela une réponse parce qu'une grande partie des renseignements étaient noircis. Le seul renseignement utile que nous avons obtenu de l'ARC était que ces 100 Canadiens avaient investi plus de 100 millions de dollars dans ce seul pays.

Le sénateur pourrait-il nous dire à combien s'élèvent, selon lui, les fraudes fiscales commises dans le monde par les Canadiens?

Le sénateur Greene : Je ne pourrais pas vous le dire.

Le sénateur Downe : Le sénateur pourrait-il nous donner une idée de l'importance de l'évasion fiscale dont des Canadiens se rendent coupables dans les pays visés par le projet de loi S-8?

Le sénateur Greene : Ce serait merveilleux de pouvoir répondre à cette question. Le problème, bien entendu, lorsqu'on tente d'évaluer l'évitement fiscal, est qu'on ne dispose pas des chiffres, étant donné qu'on ne perçoit pas de taxes. S'il existait un moyen de quantifier l'évitement fiscal en ce qui concerne certains pays, nous saurions qu'il existe un problème d'évitement fiscal et nous pourrions prendre les mesures nécessaires pour limiter cet évitement. Il est toutefois impossible de connaître exactement l'ampleur de l'évitement fiscal sans prendre de mesures, ce que nous ferions. Bref, nous ne savons pas combien d'argent est perdu en évitement fiscal.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, le sénateur Downe a soulevé des points qui ne sont peut-être pas directement liés à ce projet de loi.

Les relations entre États souverains sont établies dans un but précis. Pour donner suite aux propos du sénateur Downe, il vaut probablement la peine de répéter le but premier de tout traité fiscal avec un autre pays. Pourquoi signer un tel traité? Quel est le but premier du traité que nous tentons de signer avec ces trois pays?

Le sénateur Greene : Du point de vue du Canada, il s'agit d'élargir les investissements, de créer des emplois et de permettre des occasions d'affaires destinées à créer des conditions plus favorables à des investissements étrangers. Les trois autres pays le font pour les mêmes raisons.

Le sénateur Di Nino : Chacun de ces pays peut bien posséder des structures qui pourraient être considérées comme des paradis fiscaux et d'autres structures gouvernementales légales et généralement admises dans le monde des affaires. Cela ne devrait pas nuire de quelque façon que ce soit à nos relations avec ces pays, surtout que la question du sénateur Downe portait sur le libre-échange. Selon moi, cela ne nous empêche pas de traiter avec ces pays dans le cadre d'un accord de libre-échange.

Le sénateur Greene : Je partage tout à fait cet avis.

Le sénateur Di Nino : Le projet de loi S-8 porte sur trois pays qui sont la Colombie, la Grèce et la Turquie. Je ne crois pas qu'il y en ait un seul des trois qui ait un régime fiscal qui en ferait un paradis fiscal, mais je peux me tromper.

(1220)

Le sénateur Greene : C'est certainement ce que je comprends.

Le sénateur Di Nino : Les questions et observations du sénateur Downe au sujet des paradis fiscaux ne s'appliquent pas à ces cas. Est-ce bien cela?

Le sénateur Greene : C'est l'impression que j'ai. C'est exact.

Le sénateur Downe : Ai-je entendu le sénateur Greene utiliser l'expression « évasion fiscale » dans son intervention?

Le sénateur Greene : Il s'agissait d'évasion fiscale concernant les pays mentionnés, oui.

Le sénateur Downe : C'est pour cela que je posais la question, parce que le sénateur Greene l'a soulevée dans son intervention.

Je n'ose pas croire que le président du Comité des affaires étrangères et du commerce international puisse penser qu'il est acceptable pour le Canada de conclure un accord de libre-échange avec un pays comme Panama, que l'on pointe du doigt pour son système bancaire manquant de transparence et que l'on considère comme un paradis fiscal. Le président du comité est certainement d'accord avec moi pour dire que, si le gouvernement des États-Unis refuse de conclure un accord commercial et refuse de ratifier un accord parce qu'il s'inquiète de l'évasion fiscale, le Canada devrait porter un jugement tout aussi sévère. Le sénateur Greene ou le président du Comité des affaires étrangères voudront peut-être me répondre.

Le sénateur Di Nino : Si le sénateur me pose une question en tant que président du Comité des affaires étrangères, je vais répondre, mais je ne crois pas que ce soit conforme au Règlement. Je vais donc répondre sous la forme d'une question posée au sénateur Greene, pour que le Président ne se voie pas obligé de faire respecter la procédure.

Ma question portait sur le projet de loi S-8. J'ai essayé de la poser clairement. Je n'ai pas parlé de Panama. Je me suis demandé pourquoi le sénateur Downe parlait d'un paradis fiscal, puisqu'un tel problème ne se présentera pas avec le projet de loi S-8. Le sénateur pourrait-il, s'il le veut bien, fournir au sénateur Downe les précisions dont il a besoin sur cette question?

Le sénateur Greene : Ces traités sont en chantier depuis longtemps. Dans le cas de la Turquie, les négociations ont commencé il y a plus de dix ans. Elles ont donné lieu à divers échanges. Le gouvernement du Canada a évidemment effectué des analyses sur le potentiel financier de ces traités pour le Canada. Il y en a trois et il y en aura encore d'autres. Le gouvernement fait bien de conclure de tels traités, qui augmentent les investissements, qui protègent notre fiscalité et qui permettent à d'autres pays de prendre part à l'économie mondiale.

Le sénateur Di Nino : Je ne voudrais certainement pas que le Canada signe un accord de libre-échange avec un pays qui fait fi des règles internationales. Cependant, je ne crois pas que nous devrions refuser de dialoguer avec un pays ou de discuter avec lui d'un accord

de libre-échange sous prétexte qu'il peut être qualifié de paradis fiscal, tant que ce pays se conforme à des règles internationales normalement acceptables. Êtes-vous d'accord?

Le sénateur Greene : Je suis d'accord.

Le sénateur Downe : Je remercie le sénateur Di Nino pour ses intéressantes interventions, mais je ne crois pas que beaucoup de Canadiens jugeraient acceptable que le Canada conclue des ententes commerciales avec des pays qui sont de prétendus paradis fiscaux. J'ai posé cette question sur les paradis fiscaux et la fraude fiscale, car le sénateur Greene y a fait référence un peu plus tôt.

Tous les Canadiens ont la responsabilité collective de payer leurs impôts. Ces impôts financent les infrastructures, l'éducation, les soins de santé, l'armée, la GRC, et j'en passe. J'ai fait référence à une situation où l'Agence du revenu du Canada a été informée que 100 citoyens canadiens avaient, a-t-on estimé, 100 millions de dollars placés dans un de ces pays. Je me demande — comme d'autres Canadiens, j'en suis convaincu — si ces comptes étaient légitimes. Est-ce que des gens essayaient d'éviter de payer des impôts? Jusqu'à maintenant, l'Agence du revenu du Canada a indiqué, selon une réponse à une demande d'accès à l'information, que ces gens lui avaient remis, volontairement, 17 millions de dollars en impôts non payés. Comme je l'ai dit plus tôt, aucune accusation n'a été déposée. Quatre ans plus tard, le gouvernement n'a encore déposé aucune accusation.

Si, en tant que citoyen canadien, vous possédez un compte bancaire en Europe, vous n'avez à peu près rien à craindre. Si vous êtes citoyen canadien, que vous travaillez au Canada et que le gouvernement vous verse des prestations trop élevées, l'Agence du revenu du Canada ne tardera pas à vous contacter pour récupérer son argent, mais il semble y avoir une politique de deux poids, deux mesures lorsqu'il est question des comptes bancaires dans les pays étrangers.

Je suis certain que tous les sénateurs conviendront avec moi que, lorsque ces Canadiens tombent malades, ils ne se précipitent pas dans ces pays pour obtenir des soins de santé. Ils profitent plutôt du régime canadien, que nous tous payons collectivement. Les trois pays auxquels ce projet de loi fait référence, c'est-à-dire la Colombie, la Grèce et la Turquie, ne sont pas reconnus comme étant des paradis fiscaux.

Le sénateur Greene a fait allusion à l'évasion fiscale dans son discours. Sait-il si le gouvernement prendra des mesures supplémentaires au sujet de l'évasion fiscale et des paradis fiscaux dans de prochains projets de loi?

Le sénateur Greene : Honorables sénateurs, je ne suis au courant d'aucune mesure que le gouvernement voudrait prendre au sujet de l'évasion fiscale ou de l'évitement fiscal, mis à part les mesures prises dans le contexte de traités futurs comme ceux-là. En fait, le gouvernement fédéral est actuellement en négociation avec un certain nombre de pays.

Ce dont il est question, c'est vraiment de ce projet de loi. Il s'agit d'un projet de loi important qui a même été remarqué dans ces pays. Il y a deux semaines, j'étais à Halifax pour prendre part à un déjeuner où l'ambassadeur de la Turquie au Canada était également présent. Quand on me l'a présenté, il savait déjà que j'avais présenté cette mesure législative à la Chambre. Il m'a incité à la faire adopter car, bien entendu, la Turquie doit également adopter une mesure similaire, tout comme la Grèce et la Colombie. Selon lui, la mesure devrait être adoptée en Turquie avant la nouvelle année.

Il a soutenu que cette mesure législative représentait une étape de plus permettant à la Turquie d'entrer dans le concert des nations et de monter dans la hiérarchie des pays qui participent à l'économie mondiale. Il a également signalé que la Turquie était un allié de l'OTAN.

C'est une mesure législative très importante, non seulement pour le Canada, mais pour d'autres pays, dont certains sont des alliés et sont plus proches de nous que par le passé et se rapprochent encore.

L'honorable Michael Duffy : Le sénateur Greene a fait une distinction très importante entre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal, l'évasion fiscale constituant, bien entendu, un acte criminel. J'ai été impressionné par l'argument de mon collègue de l'Île-du- Prince-Édouard voulant que nous devions tous payer nos impôts. Dans ce débat général sur les accords avec des pays étrangers et les impôts, est-ce que le gouvernement se penche sur des règles concernant les pavillons de complaisance, le changement de pavillon et les sociétés canadiennes qui cherchent à éviter de payer de l'impôt ici grâce à cette possibilité qu'elles ont de faire immatriculer leurs navires à l'étranger?

Le sénateur Greene : Je suis tenté, mais je n'emprunterai pas cette voie.

C'est une question qu'il faut étudier. Je viens de la côte Est du Canada, où les pavillons de complaisance posent un important problème depuis longtemps, en ce qui concerne non seulement les navires de fret, mais aussi les navires de pêche. C'est une question très importante. Nous avons des règles concernant les pavillons de complaisance que n'ont pas tous les pays. Il est important que nous restions vigilants et veillions à ce que les navires qui pénètrent dans nos eaux soient enregistrés correctement et à ce que leur enregistrement et leur pavillon correspondent au pays de leurs propriétaires.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 12 h 30, les travaux du Sénat sont suspendus jusqu'à 13 h 30.

Ai-je la permission de quitter le fauteuil?

Des voix : D'accord.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(1330)

(Le Sénat reprend sa séance.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il reste du temps au sénateur Greene, et le sénateur Downe a une question à lui poser. Je donnerai ensuite la parole au sénateur Meighen.

Le sénateur Downe : Je vais poser une question après.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Au sénateur Greene ou au sénateur Meighen?

Le sénateur Downe : Je veux demander l'ajournement du débat.

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, je veux simplement ajouter quelques mots relativement aux témoignages que le Comité sénatorial permanent banques et du commerce a entendus hier ou avant-hier au sujet du projet de loi S-8. J'ai trouvé particulièrement intéressant l'échange qui a eu lieu entre le sénateur Downe et le sénateur Greene, appuyés par le sénateur Di Nino. Je ne sais trop si les questions que le sénateur Downe a soulevées, sans égard aux réponses fournies, portent directement sur la pertinence de conclure ces traités, dans la mesure où l'évasion fiscale existe dans tous les pays, et dans certains plus que d'autres. Je suis d'accord avec mon ami de l'Île-du-Prince-Édouard pour dire qu'il faut jouer de prudence lorsque nous voulons nous mettre au lit avec des pays où l'évasion fiscale est un mal endémique. Comme le sénateur Greene l'a signalé, en l'absence de traités tels que ceux

prévus dans le projet de loi S-8, nous n'aurons pas de moyens de dialoguer et d'obtenir de l'information à cet égard, aussi limitée soit- elle.

J'aimerais citer quelques-uns des témoignages que nous avons entendus hier en réponse à une question posée par le sénateur Ringuette au sujet de l'évasion fiscale. Mais d'abord, permettez-moi de préciser qu'au revers de la médaille il existe un risque qu'on communique trop de renseignements de façon inappropriée. Des témoins nous ont dit que cela était rare. M. Castonguay, un fonctionnaire du ministère des Finances, a dit ceci :

Autrement dit, les renseignements demandés dans le but d'appliquer les lois fiscales ne peuvent être utilisés à d'autres fins. On peut intenter des poursuites, mais ce doit être dans le seul but d'appliquer ses propres lois fiscales, rien de plus.

À la lumière du témoignage de M. Castonguay, j'espère qu'il n'y aura pas de chasse aux sorcières.

Sur la question de l'évasion fiscale, le sénateur Ringuette a demandé :

L'évasion fiscale entre le Canada et les trois pays en question représente combien d'argent?

Ce à quoi M. Castonguay a répondu :

Outre l'élimination de la double imposition, tout traité fiscal a pour objectif de prévenir l'évasion fiscale. Tous nos traités comprennent des dispositions sur l'échange d'information permettant à l'Agence du revenu du Canada de communiquer avec l'administration fiscale du pays étranger pour obtenir des renseignements relatifs à la perception d'impôts. Quand l'ARC a des motifs de croire que des impôts devant être perçus au Canada n'ont pas été payés, elle peut demander à l'administration fiscale de l'autre pays de recueillir des renseignements facilitant l'application de nos lois fiscales.

Le sénateur Ringuette a répété la même question :

L'évasion fiscale entre le Canada et ces trois pays représente combien d'argent?

Ce à quoi M. Lalonde a répondu :

L'évasion fiscale est un sujet compliqué. Comme l'a indiqué M. Castonguay, ces traités ont pour but de lutter contre l'évasion fiscale en facilitant l'échange d'information fiscale. Par définition, puisque l'argent est caché à l'étranger, il est impossible d'évaluer l'ampleur du problème. Si nous savions combien d'argent cela représente et qui cache de l'argent à l'étranger pour éviter d'avoir à payer des impôts, ces gens ne réussiraient pas à contourner leurs obligations fiscales puisqu'on disposerait des chiffres exacts nous permettant de réévaluer leur situation.

Nous n'avons pas encore signé de traité fiscal avec ces pays. Nous n'avons encore aucune disposition autorisant l'échange d'information fiscale. Si des personnes ont tenté de contourner leurs obligations fiscales en ouvrant des comptes dans ces pays, ces traités nous aideront à les cerner.

Le sénateur Ringuette a ensuite dit :

Par conséquent, je vais poser ma question à l'envers. Quels cas d'évasion fiscale ont été découverts et quelles mesures ont été prises à cet égard au cours des trois dernières années?

Elle faisait allusion à nos 87 autres traités fiscaux. Voici la réponse de M. Lalonde :

Comme vous le savez probablement, il incombe au ministère des Finances d'élaborer des politiques et des mesures législatives en matière fiscale. Comme vous l'avez souligné, l'Agence du revenu du Canada est chargée d'administrer le système fiscal.

Plus tard, M. Lalonde a accepté de demander à ses collègues de l'Agence du revenu du Canada s'ils seraient disposés à transmettre au comité des renseignements relatifs aux cas d'évasion fiscale découverts. Il a souligné qu'il ne pouvait pas engager un autre ministre, mais il a accepté d'acheminer la question.

Honorables sénateurs, cette question a été examinée sous tous ses angles. Le sénateur Moore, tant au début qu'à la fin de son excellent discours, nous a enjoints d'adopter le projet de loi S-8. Entre les deux, je crois qu'il a bifurqué quelque peu pour vanter les vertus de la réduction du déficit réalisée par le Parti libéral. Toutefois, il a oublié de préciser que cette réduction avait été réalisée grâce à la TPS, taxe dont, à l'origine, le Parti libéral ne voulait évidemment rien savoir. Mais c'est une toute autre histoire, et nous en éviterons d'en reparler aujourd'hui. Le sénateur Murray en a déjà fait état.

Je demande aux sénateurs de bien vouloir appuyer le projet de loi S-8. Deux des trois pays visés sont les deux derniers pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques qui n'ont pas encore signé les traités. La mesure législative ne répondra pas entièrement aux préoccupations du sénateur Downe au sujet de l'évasion fiscale, mais je crois qu'elle nous permettra d'améliorer notre position. Elle aidera le Canada à passer de la récession à la reprise, qui se fait sentir actuellement. Elle contribuera énormément à la relance économique. J'exhorte les sénateurs à accélérer l'adoption du projet de loi S-8.

Le sénateur Downe : Je remercie le sénateur Greene de son discours et de ses réponses à toutes les questions, dont certaines étaient même liées directement au projet de loi. Je suis persuadé que le sénateur a été étonné d'apprendre que l'évasion fiscale et l'évitement fiscal étaient des enjeux aussi populaires à l'Île-du- Prince-Édouard. Mon collègue, le sénateur Duffy, s'est joint au débat en posant aussi une question très pertinente. Comme d'autres sénateurs de ma province pourraient avoir des questions à ce sujet, je propose que le débat soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Downe, le débat est ajourné.)

(1340)

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suspension du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wallace, appuyée par l'honorable sénateur Eaton, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, tel que modifié;

Et sur la motion de l'honorable sénateur McCoy, appuyée par l'honorable sénateur Campbell, que la question initiale soit maintenant mise aux voix.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'appuie la motion du sénateur McCoy concernant la question préalable, mais comme Son Honneur nous l'a rappelé la nuit dernière, cette motion

peut faire l'objet d'un débat. Je vais donc profiter de cette occasion pour répondre au discours prudent que le sénateur Wallace nous a fait la nuit dernière sur la motion principale à l'étape de la troisième lecture du projet de loi. Ce faisant, je vous expliquerai pourquoi j'appuie la motion du sénateur McCoy.

Le sénateur Wallace a fait un long discours portant surtout sur les amendements que le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a apportés au projet de loi et que le Sénat a approuvés l'autre jour seulement. Les remarques du sénateur Wallace ont peut-être provoqué quelques méprises. C'est pourquoi j'interviens. Il s'agit avant tout pour moi d'éclaircir des malentendus certains et d'autres, possibles, chez le public à propos de ce que le comité a fait et que le Sénat a ensuite endossé, avec raison de mon point de vue.

Lors des délibérations sur le projet de loi C-15, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles s'est heurté à trois problèmes qui ont en quelque sorte orienté l'étude de l'ensemble du projet de loi. Le premier d'entre eux, bien sûr, dont on n'a cessé de nous parler, est que le trafic de drogue, activité terrible et inique, a d'horribles conséquences pour de nombreux Canadiens. Aucun sénateur, j'en suis sûre, ne souhaite se porter à la défense des organisations criminelles qui profitent des plus malheureux dans notre société, en l'occurrence les toxicomanes. Personne ici ne veut défendre de grands criminels coupables de délits graves.

Il n'en demeure pas moins que le projet de loi pose certains problèmes. Le premier problème réside dans le fait que, même si ce projet de loi s'attaque dans une vaste mesure au trafic, le trafic lui- même, comme je l'ai constaté l'autre jour pendant le débat, est défini de façon générale dans la loi. Le trafic ne consiste pas uniquement en la vente de grandes quantités d'héroïne ou d'autres drogues dangereuses. Le trafic ne se limite pas à la vente d'une quantité quelconque de drogue. Le trafic s'entend, en vertu de la loi, « de toute opération de vente, d'administration, de don, de cession, de transport, d'expédition ou de livraison portant sur une telle substance, de toute opération de vente d'une autorisation » — c'est-à-dire un permis — « visant son obtention ou de toute offre d'effectuer l'une de ces opérations ».

Autrement dit, honorables sénateurs, si quelqu'un offre un joint à son beau-frère à son anniversaire, il y a trafic. C'est un cas extrême, mais nous devons garder à l'esprit que la définition de « trafic », dans ce projet de loi, couvre un large éventail d'activités.

Le deuxième problème flagrant que pose le projet de loi C-15, dans la forme où il a été présenté au comité, concerne la production ou la culture de plants de marijuana. Le projet de loi prévoit trois catégories. Les catégories sont toutes vastes, mais l'étendue de la première catégorie entraîne certaines difficultés. Le projet de loi crée une série de peines minimales obligatoires croissantes pour la production et la culture d'un certain nombre de plants, soit plus de cinq, mais moins de 201 pour la première catégorie, donc six à 200 plants. Cette catégorie est vaste, en effet. On nous a souvent rappelé qu'une personne qui cultive 199 plants de marijuana ne le fait probablement pas pour fumer un joint chez lui le samedi soir. Personne ne me contredirait à ce sujet. En revanche, une personne qui cultive six plants n'est probablement pas membre en règle d'une organisation criminelle internationale.

La catégorie elle-même est définie de façon tellement large qu'elle a créé immédiatement des problèmes lorsqu'il a été question de l'imposition des peines minimales obligatoires, la nature de l'infraction étant fort probablement différente à l'extrémité inférieure par rapport à l'extrémité supérieure. Ce sont les aspects qui ont posé des difficultés au comité.

Votre comité a décidé qu'il abordait la difficulté de la façon suivante : pour les cas de production, sans autres circonstances aggravantes, de cinq à 200 plants en vue d'en faire le trafic, la peine minimale ne serait pas imposée. Tout le poids du droit criminel continuera de s'appliquer. La production de marijuana en vue d'en faire le trafic sera toujours considérée comme une infraction criminelle, mais l'amendement rétablirait un pouvoir judiciaire discrétionnaire. Il redonnerait aux juges le pouvoir de déterminer si la personne qui cultive six plants, donc qui se situe au bas de la catégorie, mérite une peine équivalant à celle imposée aux personnes qui, en cultivant 200 plants, se situent à l'extrémité supérieure de la catégorie.

Je vous assure, honorables sénateurs, que non seulement le droit criminel continuera de s'appliquer aux gens cultivant le nombre de plants de cette catégorie, mais également que votre comité a conservé la peine minimale obligatoire proposée dans le projet de loi C-15 pour les personnes qui cultivent un nombre de plants allant de six à 200 dans le cas où il y a des circonstances aggravantes, par exemple le fait que la santé publique ou la sécurité soit mise en danger, l'implication d'une personne mineure, l'installation d'un piège ou l'utilisation d'une arme ou d'un autre dispositif dangereux. Ce sont des choses qui, en soi, sont mauvaises et qui tendent à être des indicateurs d'infractions plus graves. Si quelqu'un ne cultive que six plants, mais qu'une de ces circonstances aggravantes est présente, cette personne recevra une peine minimale obligatoire d'emprisonnement de neuf mois.

À mon avis, honorables sénateurs, le comité a essayé de respecter autant que possible le plan établi dans le projet de loi tout en respectant certains principes de base de notre système judiciaire et pénal.

Depuis longtemps, les Canadiens sont d'avis que les peines doivent être proportionnelles. Je cite l'article 718.1 du Code criminel, dans lequel ce principe fondamental est énoncé :

La peine est proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

Je cite encore :

[...] la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du délinquant [...]

Le Code criminel énonce ensuite certaines de ces circonstances, y compris des circonstances concernant les Autochtones. J'en parlerai dans quelques minutes.

En outre, voici ce que dit la Loi d'interprétation :

Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

(1350)

Ce sont des extraits de textes de lois, qui se trouvent également dans la décision de la Cour suprême dans l'affaire Gladue, à laquelle le sénateur Wallace a fait allusion hier soir.

Comme l'a expliqué le sénateur Wallace, il n'est aucunement question d'inviter les criminels à se lancer dans la culture de 200 plants de marijuana ou moins sans craindre la prison. Les juges peuvent — et je suis convaincue qu'ils le feraient — imposer des peines d'emprisonnement à ceux qui se font prendre près du haut de cette échelle, mais pas aux gens ordinaires au bas de l'échelle. J'en conviens, il y a peu de chance que cela se produise.

Je crois qu'aucun membre du comité n'avait ce que le sénateur Wallace a qualifié de souci « d'éviter aux producteurs de marijuana reconnus, qui ont l'intention de faire le trafic de ce produit, de se

retrouver en prison ». Compte tenu de ce que j'ai dit précédemment, j'espère que les sénateurs comprennent que ce n'est pas la position du comité.

En ce qui concerne un autre amendement, celui qui porte sur les dossiers criminels ou les peines d'emprisonnement purgées au cours des 10 années précédentes, le sénateur Wallace a semblé surpris que l'amendement fasse référence à un délinquant purgeant une peine d'emprisonnement d'un an ou plus. Cette phrase se trouvait déjà dans le projet de loi. L'amendement ne modifiait pas le libellé du projet de loi; c'est le libellé du gouvernement. L'amendement se contentait de préciser que la peine en question devait être d'un an ou plus.

Nous en arrivons maintenant aux contrevenants autochtones. Il n'y a certainement aucune question plus sérieuse sur laquelle les sénateurs peuvent se pencher. Comme nous le savons, le Code criminel exige maintenant que les juges envisagent toutes « toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones ». De nombreuses décisions de tribunaux ont été rendues à ce sujet, y compris dans l'affaire Gladue.

Il vaudrait sans doute la peine de citer un passage de la décision dans l'affaire Gladue que le sénateur Wallace n'a pas cité. Je vais commencer par un passage où la Cour suprême, après un long examen des faits, des statistiques, des constatations des commissions et des études universitaires, explique ce qui suit :

Ces constatations exigent qu'on reconnaisse l'ampleur et la gravité du problème [...]

— c'est-à-dire la condition des Autochtones dans notre système judiciaire —

[...] et qu'on s'y attaque. Les chiffres sont criants et reflètent ce qu'on peut à bon droit qualifier de crise dans le système canadien de justice pénale. La surreprésentation critique des Autochtones au sein de la population carcérale comme dans le système de justice pénale témoigne d'un problème social attristant et urgent.

Ces mots ont été écrits il y a 10 ans, honorables sénateurs. Permettez-moi de vous dire que le problème est encore plus grave aujourd'hui.

Les mesures existant déjà dans le Code criminel n'ont pas réglé le problème. Cependant, le projet de loi C-15 tel qu'il a été livré au Sénat aurait éliminé même cette protection dont jouissent les Autochtones et leurs circonstances particulières comme les appelle la Cour suprême. Le projet de loi C-15 aurait annulé cette protection du Code criminel. Votre comité a entendu des témoignages accablants selon lesquels les circonstances des Autochtones sont souvent, mais pas toujours, uniques au Canada. Il n'y a pas d'étalon universel lorsqu'il s'agit de déterminer les peines pour les Autochtones.

Un avocat qui pratique à Iqaluit nous a demandé d'imaginer le cas d'un jeune homme vivant dans une communauté inuite éloignée. Il commet une infraction liée à la drogue, mais il n'y a aucun tribunal sur place. Il n'y a peut-être même pas de poste de police. Les choses se passent comme elles se sont passées dans le Nord au cours des 10 000 dernières années : c'est la collectivité qui s'en charge.

Son Honneur le Président : Je regrette, mais les 15 minutes dont disposait le sénateur sont écoulées.

Une voix : Encore cinq minutes?

Son Honneur le Président : D'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fraser : Je vous remercie, honorables sénateurs.

La collectivité prend les choses en main, à la satisfaction générale. Tous ont l'impression que justice a été faite et la vie de la petite communauté reprend son cours après avoir reprisé son tissu social. Cinq ou huit mois plus tard, un juge arrive en avion, accompagné d'une suite de greffiers et d'avocats.

Le sénateur Rompkey : Peut-être aussi des interprètes.

Le sénateur Fraser : Le juge dit au jeune homme : « Cela m'est égal que le système de justice communautaire ait convenu que l'affaire est réglée. Je dois vous envoyer purger votre peine durant six mois. » Cela peut vouloir dire l'envoyer dans le Sud du pays, à des milliers de kilomètres de chez lui, dans un lieu où il n'y a pas de services d'interprétation ni de programmes d'aide. Cela n'est bon ni pour le jeune homme ni pour sa collectivité; c'est plutôt le contraire.

Votre comité propose donc un amendement qui contribuerait dans une certaine mesure à rétablir la protection que le Code criminel offre actuellement. Cet amendement stipule que le tribunal n'est pas tenu d'imposer une peine minimale d'emprisonnement — il pourrait le faire, mais il n'est pas tenu de le faire — si la personne reconnue coupable est un contrevenant autochtone, si la peine est excessivement sévère en raison de la situation du contrevenant et si une autre sanction, raisonnable dans les circonstances, peut être imposée.

Honorables sénateurs, cette protection n'est pas aussi étendue. On pourrait soutenir qu'elle est beaucoup plus limitée que celle actuellement offerte par le Code criminel. Elle vaut cependant nettement mieux que de décréter que, peu importe les circonstances particulières des contrevenants, tous se verront imposer ces peines minimales. Voilà la position que votre comité a prise.

Notre position n'est pas de faire la part belle à qui que ce soit ni de créer une situation de deux poids, deux mesures en matière de justice. Elle vise à traduire ce que non seulement nos lois, mais également nos tribunaux, jusqu'aux plus hautes instances, ont soutenu à maintes reprises, à savoir que, au Canada, le système de justice tient compte des circonstances de l'espèce. Votre comité cherchait à dire que, dans chaque cas visé par le projet de loi, si l'infraction est grave, elle sera sévèrement punie; si elle n'est pas si grave, le juge, qui est le mieux à même d'évaluer sur place les circonstances, pourra en tenir compte. Votre comité était motivé par l'idée que ce serait là la meilleure façon de servir les intérêts de la justice et de la population canadienne. Votre comité ne croit pas, pas plus que les sénateurs, je crois, qu'il y ait là la moindre manifestation de laxisme face à la criminalité là-dedans.

(Le débat est suspendu.)

(1400)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de poursuivre sur cette question, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence le ministre des Affaires étrangères de la République fédérale du Nigeria, le chef Ojo Maduekwe, qui est accompagné de Son Excellence le haut-commissaire du Nigeria, le professeur Hagher.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suspension du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wallace, appuyée par l'honorable sénateur Eaton, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, tel qu'amendé;

Et sur la motion de l'honorable sénateur McCoy, appuyée par l'honorable sénateur Campbell, que la question initiale soit maintenant mise aux voix.

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, au Canada, tous les 20 ans environ, un sage se présente pour nous aider à mieux comprendre ce que nous faisons. Dans les années 1970, ce sage a été Gerald Le Dain. Dans les années 1990, ce fut J. Vincent Cain, mon patron à titre de coroner en chef de la Colombie- Britannique, et, dans les années 2000, c'est le sénateur Pierre Claude Nolin qui nous a inspirés.

Chacun de ces hommes avait une perspective différente de par sa formation et son expérience. Deux d'entre eux venaient du milieu juridique et l'autre avait été surintendant principal à la Gendarmerie royale du Canada avant de devenir coroner en chef. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ils en sont tous venus à la même conclusion au sujet de la marijuana.

Je dois tout de suite faire une mise en garde : je n'ai jamais fumé de marijuana. Je me suis toujours demandé ce qui serait arrivé si j'avais préféré la marijuana au vin rouge.

Ces éminents Canadiens ont exprimé le même point de vue au sujet de la marijuana. Je fais maintenant lecture d'une opinion et je vous demanderais d'y réfléchir aujourd'hui.

L'opinion publique juge moins sévèrement la marijuana aujourd'hui qu'il y a 10 ans. On a tendance à penser que la consommation de marijuana est plus répandue et qu'il est plus facile qu'avant d'obtenir de la marijuana. On a tendance à penser que la marijuana n'est pas une drogue dangereuse. On s'inquiète beaucoup du crime organisé. On est très favorable aux utilisations thérapeutiques de la marijuana. On a tendance à être favorable à la décriminalisation et à être favorable dans une moindre mesure à la légalisation. Les gens critiquent l'application de la loi en ce qui a trait à la possession simple de marijuana et ils s'inquiètent pour la jeunesse.

Ces constats faisaient partie du rapport Nolin, qui a été produit il y a sept ans et que j'ai paraphrasé. Si les sénateurs jettent un coup d'œil au rapport Cain, de 1994, ou au rapport de la Commission Le Dain, qui date des années 1970, ils y verront exactement les mêmes constats. Il faut en conclure que la perception des gens ne correspond pas à la réalité.

J'appuie de nombreuses dispositions de ce projet de loi. En fait, s'il n'en tenait qu'à moi, le projet de loi serait beaucoup plus sévère. Dans ce projet de loi, nous ajoutons des amphétamines à la liste. Mais nous devrions aussi y ajouter les précurseurs, c'est-à-dire les produits chimiques qui servent à fabriquer les amphétamines. Plutôt que de changer la liste des molécules synthétisées, nous devrions rendre les précurseurs illégaux. On en importe des tonnes au Canada. Le Canada produit de l'ecstasy pour le monde entier parce que les précurseurs sont disponibles au pays. Aux États-Unis, ces substances sont illégales. Je serais pour qu'elles le soient également au Canada et pour qu'une personne déclarée coupable d'en avoir eu en sa possession soit condamnée à une peine sévère.

Nous nous fourvoyons totalement en imposant des peines de prison à tant de personnes pour des infractions liées à la marijuana. Nous aurions pu, au comité, éliminer les peines minimales obligatoires, mais nous ne l'avons pas fait. Nous avons tenté de déterminer à partir de quelle quantité on peut supposer que la substance est destinée au trafic ou à l'exportation. Le fait est qu'il est impossible de le savoir.

D'où je viens, la possession de 30 plants est considérée comme une possession à des fins personnelles. Ailleurs au Canada, 30 plantes, c'est beaucoup de marijuana. Comment s'y prendre pour établir la limite? Ayant été membre de l'escouade antidrogue, je sais qu'il faut s'intéresser aux preuves, pas à une limite fixée arbitrairement. Il faut observer, recueillir de l'information et passer à l'action.

Malheureusement, la police ne suit plus la même approche. Les ressources sont insuffisantes et le crime est trop omniprésent. Quelle qu'en soit la raison, les policiers ne sont plus policiers, ils sont des travailleurs sociaux, des travailleurs en santé mentale, mais c'est ainsi qu'il faut déterminer la nature d'un crime, pas en comptant les plants.

J'estime donc que les amendements que nous avons apportés à la mesure sont conformes à l'esprit de celle-ci; ils s'inscrivent dans son objectif tout en la rendant un peu plus flexible. Si je me présente devant un juge en Colombie-Britannique après avoir saisi 200 plants lors d'une perquisition, arrêté des personnes quittant l'établissement, trouvé de l'argent et des armes à feu, je peux vous assurer que les coupables iront en prison pour beaucoup plus que six mois, mais je devrai avoir les preuves à l'appui.

Je ne parle même pas de l'utilisation de la marijuana comme herbe médicinale; je parle uniquement de l'aspect juridique.

Je voudrais mettre en contexte une chose que le coroner en chef Vince Cain mentionne dans son rapport. J'ai visité le Nord-Vietnam à un moment donné et un guide, membre du Viêt-cong, m'a montré une prison. Il m'a dit qu'elle avait été construite par les Français pour détenir tous les « révolutionnaires terroristes » afin de les empêcher de préparer une révolution. Les Français ont rassemblé le général Giap, Ho et tous ces révolutionnaires de tous les coins du Nord-Vietnam et du Sud-Vietnam et ils les ont jetés dans cette prison. Je me souviendrai toujours de ce que le guide ma dit : « Ils pensaient construire une prison, mais ils ont créé une université. » Voilà où la révolution a commencé et voilà ce qui a déterminé le cours de l'histoire du Vietnam.

Quand on prend un jeune de 18 ou de 19 ans, et qu'on le met en prison pendant six mois pour trafic de marijuana, je peux vous garantir que, lorsqu'il en sortira, ses connaissances se seront étendues au-delà de la simple marijuana. Il saura qu'il peut faire beaucoup plus d'argent en vendant de la cocaïne, du crack et de l'héroïne, et que cela comporte beaucoup moins de risques. Il n'aura pas besoin d'une grosse grange ou d'une grande maison; ces drogues viennent dans de petits paquets.

Il y apprendra aussi qu'il a besoin d'amis. Et qui sont ces amis? Ce sont les Scorpions rouges ou la bande des Nations Unies. Ce sont des psychopathes qui, après leurs études secondaires, se sont retrouvés dans des bandes rivales en Colombie-Britannique. Il y a bon nombre d'articles à leur sujet. Ils s'entretuent assez régulièrement et, malheureusement, il leur arrive aussi de tuer des citoyens ordinaires. C'est dans les prisons qu'ils recrutent leurs membres. Ces jeunes ont besoin de protection, ils ont besoin d'aide et ils obtiennent de l'aide parce qu'en sortant de prison, ils sont devenus de vrais criminels.

J'ai le plus grand des respects pour le sénateur Wallace. Je siège à ses côtés au comité. C'est un gentleman. Il travaille très fort. Je dois vous dire que j'ai une liste de 58 témoins ici — je crois qu'il y en a eu davantage — et que, de ce nombre, six sont neutres et bien plus que la moitié des autres sont contre les peines minimales.

Pour être justes, nous pourrions supprimer les deux extrémités des deux côtés et nous serions plus près de la vérité, mais il est vraiment étonnant de voir d'où ils viennent et ce qu'ils ont à dire.

J'aimerais citer les propos de l'Association canadienne des juristes de l'État, qui est loin d'être un organisme de gauche. Ces gens disent que l'imposition de peines minimales réduira le nombre de plaidoyers de culpabilité et augmentera le nombre de procès. Les membres de cette association sont au courant des dossiers récents dans lesquels des juges ont affirmé que le pouvoir discrétionnaire de poursuivre en imposant une peine minimale obligatoire viole l'article 7 de la Charte. Ces cas font l'objet d'un appel et la question n'est pas réglée.

J'essaie de rester dans le groupe intermédiaire plutôt que de me joindre à ceux qui vont aux extrêmes.

(1410)

Le sénateur Comeau : Nous vous en savons gré.

Le sénateur Campbell : Merci. Nous avons entendu des témoins venus de l'État de Washington, qui nous ont dit que les peines minimales ne servaient qu'à engorger les prisons, au point qu'ils ont maintenant décidé de s'en débarrasser. La politique du « retrait après trois prises » s'est transformée en un fardeau presque ingérable pour eux. Aux États-Unis, la construction des prisons est une industrie en plein essor.

Imaginez ce qu'il en est pour ceux qui travaillent dans ce secteur : vous construisez un Holiday Inn et vous n'avez pas de soucis à vous faire à propos des clients. Les tribunaux vous en envoient régulièrement. Votre établissement est toujours plein et vous construisez toujours plus de prisons.

On n'y offre toutefois pas de confortables chambres d'hôte.

J'encourage les sénateurs à étudier attentivement ces modifications. Elles n'empêcheront aucunement la culture de la marijuana. En fait, elles constituent un handicap.

Une autre personne pour qui j'éprouve un énorme respect, c'est le sénateur Keon. Hier, il nous a parlé d'un autre sujet à propos duquel l'Association médicale canadienne s'est prononcée. Les agents de santé du Canada ont parlé de ce projet de loi. Ils ne sont probablement pas 80 000, mais ils jouent un rôle relativement important dans nos collectivités, et ils n'appuient tout simplement pas cette mesure législative. Ils disent qu'elle va à l'encontre de la santé publique.

J'exhorte les sénateurs à l'examiner. Je vous exhorte à y penser et à réfléchir aux conséquences. En Colombie-Britannique, cela pourrait représenter 30 millions de dollars par an. Je vois quelqu'un mettre en doute ce chiffre. Presque toutes les peines sont de deux ans moins un jour, c'est-à-dire moins de deux ans. Aussi les peines sont-elles purgées dans des établissements provinciaux.

Le sénateur Wallace a raison quand il dit qu'il a obtenu l'appui total des procureurs généraux et solliciteurs généraux dans tout le Canada, mais je crois que cet appui connaît un déclin et je vais vous dire pourquoi. Ces gens se sont réveillés et ont vu qu'ils avaient un gros trou dans leur budget. Ils sont allés voir le ministre Van Loan pour lui dire qu'ils avaient besoin d'aide. Le ministre Van Loan a refusé de les aider.

Ce projet de loi contient un article sur l'examen. Je prédis que, quand nous examinerons la loi dans deux ans, elle n'aura pas donné grand-chose, mais dans cinq ans, elle aura des répercussions énormes sur les provinces et leurs systèmes de justice pénale. Ce sera un gros problème pour elles.

Je termine avec une citation qui témoigne davantage de mon passé britanno-colombien. Le titre de l'article est le suivant :

La Californie a le goût de la mari.

Tom Ammiano, sénateur californien qui siège au Comité de la sécurité publique de l'assemblée californienne, a dit que l'État aimerait légaliser la marijuana :

Ainsi, nous pourrions mettre en place une politique publique intelligente qui permettrait à l'État de toucher de nouveaux revenus indispensables et d'améliorer la sécurité publique en utilisant plus judicieusement ses ressources policières. La légalisation de la marijuana, c'est simplement une question de bon sens.

Ce n'est qu'un autre nom qui vient s'ajouter à la longue liste de ceux qui partagent ce point de vue : Le Dain, Nolin, Cain et autres. Nous devrions écouter. Je vous encourage fortement à adopter ce projet de loi.

L'honorable Hector Daniel Lang : Honorables sénateurs, j'aimerais faire quelques commentaires au sujet des amendements proposés au projet de loi dont nous sommes saisis. J'aimerais corriger les propos du président du comité, qui parlait du rapport comme étant celui « de votre comité ». Il s'agit d'un rapport majoritaire. Il n'a pas reçu un appui unanime. Je tiens à le souligner.

Honorables sénateurs, il y a quelques points très importants qui doivent être pris en considération à la lumière de ce qui s'est passé. Il convient de mentionner que le projet de loi initial présenté par le sénateur Wallace a reçu l'appui de la majorité des députés à la Chambre des communes. Je le souligne pour quelques raisons. Premièrement, je ne crois pas que ce soit le travail du Sénat d'aller contre la volonté de la Chambre des communes lorsque les élus se prononcent aussi clairement en faveur d'un projet de loi.

Un autre point que j'aimerais soulever concernant l'appui majoritaire accordé à ce projet de loi, c'est que nous avons un problème au Canada. Nous avons un sérieux problème. J'ai écouté attentivement ce que les autres sénateurs avaient à dire sur ce projet de loi. Personne n'a parlé de la tragédie humaine, du fléau causé par la consommation de drogue et d'alcool, mais surtout de drogue, partout au pays.

Je viens d'une région plutôt éloignée du pays. Je ne viens pas du centre-ville de Vancouver. Je viens d'une région composée de plusieurs petites collectivités qui comptent entre 500 et 1 000 habitants. C'est une tragédie humaine de voir la consommation abusive de drogue qui se fait dans certaines de ces localités. Les familles et les amis sont affectés, et le résultat final pour ceux qui sont engagés dans cette voie est tragique.

Honorables sénateurs, tous les jours, je vais au travail et j'en reviens à pied. C'est la première fois de ma vie que je peux aller travailler à pied. À trois coins de rue du Parlement — parfois le matin, mais systématiquement tous les soirs — je vois des gens acheter et vendre de la drogue dans la rue. Je vois des itinérants. Je vois des jeunes qui se droguent dans la rue, des jeunes dont les parents s'inquiètent. Ils sont toxicomanes. Tout commence par le trafiquant. Le trafiquant, c'est la personne qui est prête à exploiter les autres pour se faire de l'argent. C'est là où tout commence.

Ce projet de loi concerne les trafiquants. Il vise les méchants. Parfois, surtout dans les petites collectivités, ces trafiquants font en sorte que leurs sœurs deviennent accros aux drogues pour qu'ils puissent se faire de l'argent.

Mon ami de Vancouver, le sénateur Campbell, parle de 30 ans d'histoire. Remontons dans le temps. Que voyons-nous? Des guerres pour le contrôle du marché de la drogue à Vancouver, dans le quartier du sénateur Campbell. À Montréal, des truands qui veulent contrôler le marché de la drogue s'entretuent, en dépit du registre des armes à feu. À Toronto, les guerres pour le contrôle du marché de la drogue font des victimes innocentes. La question est de savoir où sont les mesures de dissuasion.

Aux termes des amendements qu'on nous a proposés, un trafiquant de drogues peut posséder de la drogue d'une valeur allant jusqu'à 350 000 $ et ne pas être passible d'une peine obligatoire.

Je ne connais pas nécessairement les régions que les sénateurs représentent. J'ai visité un tout petit nombre des collectivités des sénateurs ou de celles qu'ils représentent. Toutefois, je connais ma région, et je sais qu'il y a un problème grave. Je peux dire ceci. Les mesures de dissuasion existent pour de nombreuses raisons. Elles sont mises en place pour décourager les personnes qui pourraient songer à devenir trafiquants de drogue et elles suffisent à les en dissuader.

(1420)

Deuxièmement, si une personne décide de s'engager sur cette voie et d'exploiter les jeunes de sa collectivité, elle sera passible d'une peine obligatoire si nous adoptons le projet de loi sans amendement. Dans bien des cas, c'est peut-être le seul recours. C'est peut-être la façon de débarrasser les collectivités des trafiquants de drogue.

Nous parlons tous de réadaptation. Depuis l'arrivée du projet de loi au Sénat, j'entends parler des pauvres trafiquants. Les sénateurs ont-ils jamais pensé que les trafiquants n'étaient peut-être pas nécessairement de gentilles personnes et qu'il serait peut-être préférable de les enfermer pendant un bon bout de temps?

Les peines obligatoires ont été mises en place en raison des peines peu sévères imposées par le passé par les tribunaux. Le public examine ce qui se passe et il se moque du système judiciaire. Ce système est pour les juges, les avocats et les travailleurs sociaux. A-t- il pour objectif d'administrer la justice? Dans bien des cas, du moins dans la région d'où je viens, le public examine les jugements rendus par le tribunal et il ne comprend pas comment celui-ci a pu prendre de telles décisions. Le système est laxiste. Il n'y a pas de mesures dissuasives, et la personne qui a fait du tort à la collectivité et à ses concitoyens n'a aucune responsabilité à assumer.

Je veux parler de la modification qui concerne les Premières nations. Je représente une région qui comprend des collectivités autochtones et non autochtones. Les gens de ces collectivités se marient entre eux, vont voir une partie de curling ensemble et jouent au hockey ensemble. Je dois dire que, dans l'ensemble, nous avons une bonne collectivité. Je ne comprends pas comment un trafiquant qui est reconnu coupable et qui est membre d'une Première nation puisse être traité différemment d'une personne qui faisait peut-être du trafic avec lui. Je ne vois pas comment on peut avoir des lois comme cela. Comment pouvons-nous administrer la justice si nous avons deux ensembles de lois? Ce sont des questions pratiques que l'on se pose, surtout dans ces petites collectivités.

J'apprécie les points soulevés par mon bon ami, le sénateur Watt, au sujet des collectivités autochtones. Je ne crois pas qu'un seul sénateur ici présent se fiche du sort des collectivités autochtones. Par contre, je ne comprends pas pourquoi un trafiquant devrait être traité d'une façon dans une collectivité des Premières nations et d'une autre façon 20 kilomètres plus loin. Selon moi, les jeunes des collectivités des Premières nations sont tout aussi importants que ceux qui vivent 20 kilomètres plus loin, dans une autre collectivité. À mon avis, un trafiquant est un trafiquant et il faut le traiter de la même façon où qu'il vive.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Campbell : Puis-je poser une question au sénateur?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Lang?

Le sénateur Lang : Oui.

Le sénateur Campbell : Je crois qu'on invoque le Règlement.

L'honorable Joan Fraser : Il ne s'agit que d'un léger rappel, Votre Honneur. J'aimerais attirer l'attention du sénateur Lang sur l'article 96(2) du Règlement, selon lequel :

Le rapport d'un comité particulier doit comporter des conclusions approuvées par la majorité des membres.

Au Sénat, le rapport d'un comité est le rapport du comité. Nous avons tous déjà voté du côté de la minorité, mais il faut ensuite accepter que le rapport produit soit celui du comité.

Après réflexion, il s'agit plus d'une précision que d'un recours au Règlement, Votre Honneur.

Le sénateur Campbell : J'aimerais poser quelques questions au sénateur. Il a parlé du coût des drogues et de l'alcool. A-t-il une idée de ces coûts? Combien coûtent ces drogues, cet alcool et ces produits du tabac?

Le sénateur Lang : Je dois dire au sénateur que j'ai du mal à suivre son raisonnement. Lorsque je me promène sur la rue Rideau, je ne leur demande pas combien ils veulent. Je passe mon chemin.

Le sénateur Campbell : Je suis étonné que le sénateur trouve cela comique.

Le sénateur Lang : Je n'ai pas trouvé cela comique.

Le sénateur Campbell : Je vais donner au sénateur une idée des coûts. Pour ce qui est des drogues légales, le coût de l'alcool est de 7,5 milliards, et le coût du tabac, de 9,6 milliards de dollars. Le coût pour les drogues illégales est de 1,4 milliard de dollars; c'est bien moins que ce qu'il en est pour les drogues légales.

Aussi, est-ce que le sénateur sait pourquoi nous avons été nommés au Sénat? C'est une honnête question. Le sénateur a dit qu'il n'était pas venu ici pour créer des affrontements avec l'autre endroit, en situation de majorité. Je lui demande simplement s'il se rend compte que nous sommes à l'endroit où se fait un second examen objectif et où nous ne sommes pas censés nous soucier de ce qui se dit là-bas. Notre tâche consiste à étudier les projets de loi. J'ai déjà voté contre des projets de loi de notre gouvernement au Sénat. J'ai fait cela.

Le sénateur Cools : Combien de fois?

Le sénateur Campbell : Chaque fois que je l'ai jugé nécessaire.

Autant que je me souvienne, la plupart des trafiquants que j'ai arrêtés étaient eux-mêmes des toxicomanes et ils étaient devenus toxicomanes parce qu'ils avaient été maltraités, ou parce qu'ils avaient commis une erreur stupide dans leur jeunesse, ou encore parce qu'ils avaient été mis à la porte de leur maison. Les enfants atteints de troubles mentaux qu'on voit dans la rue s'y trouvent en

raison de ces troubles. Je n'ai jamais rencontré de toxicomane qui se disait heureux d'être toxicomane.

Le sénateur Lang : Honorables sénateurs, j'aimerais dire deux ou trois choses. D'abord, le sénateur a parlé d'un coût de 1,4 milliard de dollars pour les drogues illégales. Je mets cette affirmation en doute, car je ne connais pas la provenance de ces chiffres, s'ils viennent de l'Agence du revenu du Canada ou d'ailleurs. Toutefois, je pense qu'il est risqué de citer des chiffres de cette façon. Même 1,5 milliard de dollars, c'est beaucoup d'argent, en tout cas, là d'où je viens, bien que ce ne soit peut-être pas le cas pour le sénateur Campbell.

Le sénateur Cordy : Oh!

Le sénateur Lang : Madame le sénateur aimerait-elle prendre la parole?

Je prends ce problème très au sérieux parce que je vois les ravages qu'il fait dans les collectivités de ma région. Honorables sénateurs, oui, je sais pour quelle raison j'ai été nommé au Sénat. C'est peut- être parce que j'apporte un point de vue différent de celui d'en face. Il est peut-être temps que nous commencions à nous occuper de ce problème.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je viens d'une ville qui, autrefois, était fière d'elle-même et où, il y a à peine quelques années, on n'avait pas à craindre de se promener au beau milieu de la nuit. On l'appelait « Toronto la pure ». Ce n'est plus le cas.

Il n'y a pas si longtemps, sept personnes ont été assassinées, massacrées. Une des victimes était le fils de connaissances. Cette tuerie a été causée par les guerres pour le contrôle de la drogue.

J'aimerais corriger mon ami, le sénateur Lang, quant aux individus qui causent le problème en premier lieu. Je crois que l'une des dispositions de ce projet de loi porte sur les producteurs de drogue. Selon moi, les producteurs sont les responsables au premier chef. Je ne veux pas me quereller avec le sénateur à ce sujet, mais je dis cela parce que les producteurs sont nos voisins, de bonnes personnes respectueuses des lois. Ils cultivent 200 plants, peut-être 50. Ils traitent ces plants et les remettent aux trafiquants. Je souhaite qu'on les attrape eux aussi. Je veux qu'ils soient mis derrière les barreaux, parce que l'origine du problème se trouve bel et bien dans la production. Je me demande si le sénateur est d'accord avec moi à ce sujet.

(1430)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Lang, souhaitez- vous qu'on vous accorde plus de temps?

Des voix : D'accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vous accorde cinq minutes, sénateur Lang.

Le sénateur Lang : Merci, honorables sénateurs. Je trouve que la question du sénateur est très pertinente. Les problèmes de drogue d'un océan à l'autre sont endémiques. Je conviens que le producteur fait partie de l'équation, car il se situe à la base de la pyramide. Ces problèmes comptent aussi d'autres aspects. Le sénateur Campbell en a parlé. Si on discutait, on parviendrait à s'entendre sur bien des questions, en particulier lorsque le sénateur parle des amphétamines, de l'ecstasy et de ce qui arrive aux consommateurs de cette drogue. Je dirais qu'effectivement, tout cela fait partie du problème dans son ensemble.

Je ne crois pas qu'il y ait un seul sénateur qui veuille donner l'impression qu'il veut garder les individus en prison indéfiniment, mais le fait est que nous n'avons pas de réel moyen de dissuasion. C'est la réalité. Le projet de loi marque un pas dans la bonne direction.

Je reviens à l'intervention du sénateur Campbell parce que je suis sensible à ce qu'il a à dire. Dans quelques années, nous pourrons voir où nous en sommes, nous saurons si le trafic de drogue a diminué et si la mesure a été vue comme un moyen de dissuasion par ceux qui seraient tentés de s'adonner à ce trafic. Si la mesure n'a aucun effet dissuasif, nous devrions peut-être adopter une approche différente ou des mesures plus radicales, voire draconiennes, de sorte que les gens qui exploitent leurs semblables se rendent compte qu'ils n'ont pas le droit de faire cela et que la société juge ce trafic inacceptable.

Toute mon intervention et ma position reposent sur les conséquences pour les jeunes. Ce sont nos frères, nos sœurs, nos fils et nos filles. Le résultat final de ce trafic n'a rien de réjouissant.

L'honorable Anne C. Cools : J'ai une question à poser au sénateur Lang.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Lang a encore du temps pour répondre à une question.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, le sénateur Lang a soulevé des éléments très importants dans son intervention. L'un d'eux, c'est évidemment qu'il est préoccupé par la situation. Je le crois. Je crois aussi que la plupart des sénateurs le sont. Nous savons tous que le phénomène du trafic et de la consommation de drogue est à la fois répandu et effrayant.

Ma question porte sur certaines affirmations du sénateur. Il a fait deux déclarations extrêmement frappantes. Fondamentalement, il a déclaré que le système de justice était risible. Il a déclaré que la plupart des Canadiens s'en moquaient et que c'était un système réservé aux juges, aux avocats et aux travailleurs sociaux. C'est une affirmation assez forte. S'il appuie le gouvernement, il devrait se poser la question suivante : si la situation est telle qu'il la décrit, pourquoi le gouvernement tolère-t-il le statu quo? Pourquoi le gouvernement n'envisage-t-il pas de prendre des mesures sérieuses pour que le système de justice ne soit plus une chasse gardée des juges, des avocats et des travailleurs sociaux et ne soit plus un sujet de dérision?

Je vous dirai que le gouvernement n'a pas fait d'étude sérieuse des pénitenciers, des processus de détermination de la peine, du système de négociation des plaidoyers ni du système de libération conditionnelle depuis très longtemps. Le sénateur serait beaucoup plus convaincant s'il pouvait présenter des études gouvernementales plutôt que de se contenter de faire des déclarations farfelues sur de prétendus aspects risibles. C'est mon premier point.

Deuxièmement, outre cette déclaration, le sénateur a dit qu'il n'y a pas de moyens de dissuasion. Malgré l'ampleur du système et les milliards de dollars dépensés, il n'y a pas de moyens de dissuasion? Pourquoi le sénateur pense-t-il que les peines minimales seront un moyen de dissuasion? Pourquoi cette mesure législative réussirait- elle là ou d'autres ont échoué?

Le sénateur Tardif : Bonne question.

Le sénateur Cools : Le sénateur Lang a dit que toutes les autres mesures sont un échec total. À mon avis, celle-ci se soldera également par un échec. Selon la logique du sénateur, cette mesure s'inscrira dans la longue liste d'échecs.

Le sénateur Lang : Honorables sénateurs, il y a plusieurs choses. Je veux vous raconter une histoire vraie pour vous dire comment je vois et comment j'ai vu fonctionner le système judiciaire.

Je ne suis pas avocat. Je ne vais pas au tribunal, je n'ai aucune raison de m'y rendre. Cependant, je sais où se trouvent les tribunaux. Une nuit, vers 4 ou 5 heures du matin, je me suis fait voler ma voiture dans ma cour arrière. J'ai d'abord ressenti cette violation. Le fait que quelqu'un ait pénétré sur ma propriété alors que je dormais et ait volé ma voiture — qui était stationnée à seulement dix pas de ma porte — était une violation. Deux jours plus tard, ma voiture a été retrouvée. Elle a été retrouvée, mais elle était complètement démolie. La personne qui l'a volée l'a démolie à coups de marteau et de levier, a cassé toutes les fenêtres et a mis du sucre dans le réservoir d'essence.

Honorables sénateurs, j'étais furieux, et avec raison. Je n'avais jamais eu directement à faire avec le système juridique. Toutefois, j'avais des raisons de croire que des jeunes, peut-être de 16 ou 17 ans, pourraient être responsables. J'en avais le sentiment. J'ai décidé de mon propre chef de voir comment se déroulait le processus judiciaire dans un tribunal de la jeunesse et d'observer un certain nombre de procès.

J'ai monté les marches pour me rendre à la salle d'audience...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je regrette, sénateur Lang, mais votre temps de parole est écoulé. Vous avez demandé cinq minutes supplémentaires, mais elles sont écoulées.

Le sénateur Lang : Cinq minutes supplémentaires?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Votre temps de parole est écoulé. Le sénateur Carstairs a la parole pour participer au débat.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, un jour de 1968, je suis entrée dans ma salle de classe. Après avoir pris les présences, j'ai demandé où était Chris. On m'a répondu que Chris venait d'être condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour pour possession simple de marijuana.

Je répète : deux ans moins un jour pour possession de marijuana, à 18 ans.

Honorables sénateurs, si vous ne croyez pas que l'expérience que ce garçon a vécue en prison a changé sa vie à tout jamais, c'est que vous ignorez tout de l'influence qu'ont les prisons sur les jeunes dans ce pays.

Cet incident m'a fait connaître le sort que nous réservions aux personnes qui consomment une drogue à laquelle je n'ai jamais touché — non pas que je sois blanche comme neige, mais parce que je suis asthmatique. La première fois que j'ai fumé une cigarette, j'ai cru que j'allais mourir. Je n'allais certainement pas tenter de fumer quoi que ce soit d'autre, mais bon nombre de mes amis l'ont fait, eux. Je présume que quelques-uns d'entre nous l'ont probablement fait.

Une voix : Quelques-uns.

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, je peux vous dire que beaucoup de mes élèves l'ont fait. Si vous avez des adolescents, ou des petits-enfants à l'adolescence ou au début de la vingtaine, et que vous décidez de discuter franchement avec eux, à mon avis, vous constaterez que beaucoup d'entre eux ont déjà fumé de la marijuana. Ils ont eu un certain contact avec l'alcool également. La différence, c'est que l'alcool, pour une raison ou pour une autre, semble entraîner une bien plus grande dépendance que la marijuana. On a d'ailleurs bien peu de preuves, si tant est qu'il y en ait, que la consommation de marijuana crée la dépendance ou mène à la consommation d'autres drogues.

(1440)

Ce qui est intéressant au sujet de ce projet de loi et des modifications dont il a fait l'objet, avec l'accord de la majorité des membres du comité, c'est que seuls ces aspects ont été abordés, mis à part la considération particulière concernant nos Autochtones, qui sont, proportionnellement, neuf fois plus nombreux que tout autre groupe dans les établissements carcéraux.

Si je vivais dans un monde idéal, je ne laisserais pas un enfant fumer une seule cigarette. Je ne laisserais pas un enfant prendre un verre. Je ne laisserais pas un enfant consommer une drogue, quelle qu'elle soit. Je ne laisserais certainement pas les gens surconsommer de l'OxyContin, une drogue parfaitement légale prescrite par les médecins et qui, comme nous venons de l'apprendre, a causé 100 décès en Ontario.

Il ne fait aucun doute que nous avons un problème de drogue, de drogues légales et illégales. L'alcool et le tabac sont des drogues légales. Ce sont vraiment des drogues. Ne pensons jamais le contraire. Nous faisons le choix d'en consommer, la plupart du temps avec modération, parfois sans trop de modération, et ce fut un peu le cas hier soir, à mon avis. Cependant, ces drogues sont légales.

Pour des raisons que je ne comprends pas, nous avons décidé de rendre la marijuana illégale. Il y a eu des tentatives pour la décriminaliser et même pour la légaliser, mais nous nous y sommes opposés totalement. Pourquoi? Personne encore n'a été en mesure de me fournir une réponse acceptable sans ajouter du même souffle que nous devrions également rendre illégales toutes les autres drogues.

Si, par souci de cohérence, nous voulons rendre l'alcool et le tabac illégaux, qu'il en soit ainsi. Rendons donc toutes les drogues illégales.

Il faut reconnaître que les jeunes prennent des risques. Comme vous le savez sans doute, récemment, j'ai présenté, en compagnie de collègues du Sénat, un rapport sur le vieillissement. Dans ce rapport, nous nous demandons entre autres si les aînés peuvent prendre des risques. On a souvent tendance à surprotéger les aînés et à dire qu'il ne faut surtout pas les laisser prendre des risques, alors que nos adolescents prennent des risques quotidiennement. N'importe quel gamin qui monte sur une planche à roulettes met sa vie en péril, mais il est certain que ce jeune va quand même vouloir faire l'expérience, pour s'affirmer. Dans le même ordre d'idées, lorsque les jeunes sortent, ils fument un joint pour faire comme les copains. Le joint passe d'une main à l'autre et, par le fait même, honorables sénateurs, ces jeunes deviennent, aux termes du Code criminel, des trafiquants. Ils n'ont même pas à vendre le joint ou à toucher un sou pour cette drogue pour se faire coller cette étiquette. Le seul fait de l'avoir passée à une autre personne en fait automatiquement des trafiquants.

Il faut davantage de preuves pour montrer qu'il s'agit vraiment de trafic que le simple fait d'offrir un joint ou de le passer à une autre personne.

J'ai toujours été profondément troublée à l'idée qu'un policier qui souhaite arrêter un grand nombre de jeunes pour une infraction liée à la marijuana pourrait simplement envoyer 20 voitures de patrouille remplies de policiers pour cueillir les jeunes à la sortie d'un concert rock. Les policiers pourraient arrêter une quantité innombrable de jeunes parce que presque tous auraient fumé de la marijuana. Est-ce que la police procède de cette façon? Non, elle ne le fait pas. Au Canada, nous permettons l'existence d'une position totalement injuste à cet égard. Dans les collectivités où les autorités décident de vraiment sévir contre la drogue, ces jeunes sont appréhendés, alors qu'ils ne le sont pas ailleurs. Notre approche est totalement injuste. Les sénateurs se sont employés à rectifier un

peu la situation avec ce projet de loi, mais ils n'ont absolument rien modifié, sauf en ce qui concerne la marijuana.

Honorables sénateurs, le tabac fait d'innombrables victimes au Canada. La consommation d'alcool engendre souvent des gestes violents qui causent bien des blessures et des décès. Du point de vue statistique, la consommation de marijuana est rarement fatale. Les statistiques le prouvent. Si nous voulons réagir aux statistiques, on peut le faire, mais si nous voulons être raisonnables et pragmatiques, alors nous devons veiller à ce que les jeunes reçoivent les traitements dont ils ont besoin, et non le séjour en prison dont ils auraient besoin, selon certains. Sinon, à mon avis, il y aura de plus en plus de criminels endurcis à long terme. Nous n'avons pas de programmes au Canada pour traiter les jeunes à risque de consommer de la drogue. Il n'y a aucun traitement digne de mention. Ce que ce projet de loi va accomplir, c'est envoyer plus de jeunes en prison. Vont-ils recevoir des traitements en prison? Non, car ces programmes n'existent pas. Vont-ils recevoir des traitements dans la rue? Non, car ces programmes n'existent pas. On n'a qu'à jeter un coup d'œil aux listes d'attente des traitements pour toxicomanes dans toutes les collectivités. La majorité des gens qui veulent ces traitements n'y ont pas accès. Ceux qui ont la chance de vivre dans une famille nantie peuvent se faire envoyer dans un centre de traitement privé aux frais de leurs parents. Alléluia, ces enfants recevront peut-être les traitements dont ils ont besoin.

Par contre, la vaste majorité des jeunes, surtout des jeunes Autochtones, n'ont pas accès à ces programmes. Ils n'y ont pas accès à Winnipeg. Ils n'y ont pas accès à Brandon. Ils n'y ont pas accès à Portage la Prairie. Ils n'y ont pas accès à Thompson. Ils n'y ont pas accès à Flin Flon. Ils n'y ont pas accès à Churchill, et ils n'y ont accès dans aucune des collectivités autochtones. De tels programmes n'existent tout simplement pas.

(1450)

Oui, honorables sénateurs, j'appuie ces amendements. J'en appuierais encore beaucoup plus, mais je suis en faveur de ceux-ci parce qu'ils tentent de rendre justice aux jeunes et aux jeunes adultes de ce pays.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avant de poursuivre le débat, y a-t-il des questions pour le sénateur Carstairs?

L'honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, j'ai eu la chance de participer au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pendant les audiences sur ce projet de loi, et j'aimerais, dans un premier temps, clarifier certains points.

Premièrement, je tiens à préciser que ce projet de loi vise le trafic et la production, pas la possession. Je pense qu'il s'agit d'un élément primordial dans ce dossier : on vise le trafic et la production, et non la possession.

J'ai souvent entendu l'hypothèse du jeune qu'on emprisonnerait parce qu'il a passé un joint à un autre. Ce projet de loi ne vise aucunement ce type de situation. Avez-vous déjà vu un joint de marijuana de trois kilogrammes, vous?

Le sénateur Comeau : Ce serait gros!

Le sénateur Carignan : Ce serait un gros joint! Rappelez-vous que la quantité minimale visée par le projet de loi est de trois kilogrammes, donc le simple transfert de joint entre étudiants n'est nullement visé ici.

Le deuxième élément sur lequel j'aimerais attirer votre attention, c'est la Stratégie nationale anti-drogue mise sur pied par le gouvernement et Santé Canada. Cette stratégie prévoit un ensemble d'éléments qui visent la prévention et le traitement. Elle comporte des sommes importantes en prévention et en traitement. La répression fait également partie de ce plan. Ce projet de loi vise le volet répression d'une stratégie à plusieurs volets; c'est un pilier important de la stratégie anti-drogue. Je crois qu'il est important de ne pas regarder que l'arbre mais bien l'ensemble de la forêt.

Troisièmement, on se questionne beaucoup sur le calcul du coût. J'ai posé des questions à l'honorable sénateur Campbell sur le calcul du coût, sur les chiffres qu'il nous a présentés tout à l'heure. Il m'a confirmé que les chiffres n'incluent pas la perte de productivité d'un individu lorsqu'il devient incapable à cause de la toxicomanie. Les chiffres incluent seulement les cas de mortalité. Pourtant, la dépendance aux drogues ne fait pas que tuer, elle anéantit complètement des vies à la drogue, et ceci n'est pas pris en compte dans les statistiques.

Je n'aime pas parler de milliards de dollars quand on parle de ces sujets, j'aime mieux parler individus. On connaît tous quelqu'un qui a souffert des conséquences dramatiques de la dépendance à la drogue, qui a vu sa vie complètement démolie à cause de cela. Je vais donner des exemples en utilisant des noms fictifs, parce que je crois qu'est important de parler de l'expérience du vrai monde.

Sophie, une comédienne, une idole de ma jeunesse, est tombée dans le piège de la drogue. Sa carrière a été complètement anéantie. Elle a perdu sa famille et ses enfants. Aujourd'hui, c'est une inconnue sans travail qui vit de l'aide sociale, qui se trouve à la limite du fonctionnel;

Marcel, un ami à moi, infirmier dans un centre hospitalier et âgé de 40 ans, a décidé de faire du bénévolat dans un centre de toxicomanie et, juste pour voir ce que cela faisait, a décidé d'y goûter. Il est devenu dépendant. Un an après, il était itinérant à Montréal. Sa vie était complètement anéantie. Il ne fait pas partie des statistiques, il ne fait pas partie des chiffres du sénateur Campbell.

Ce sont des éléments qu'il faut prendre sérieusement en considération, à mon avis. Hier, nous avons déposé un projet de loi pour protéger nos enfants, le projet de loi C-6, mais dites-moi, après les avoir protégés dans l'enfance, ne serait-il pas important que l'on continue sur cette lancée afin qu'ils puissent se réaliser de façon complète, avec toutes leurs capacités et leur émerveillement?

L'autre point dont j'aimerais vous entretenir, c'est l'effet dissuasif des peines minimales. Nous avons entendu une experte en droit criminel au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous lui avons demandé combien de ses clients connaissaient avec exactitude la peine qu'ils étaient susceptibles de recevoir s'ils étaient condamnés. Elle nous a dit, en éclatant de rire, que moins de 2 p. 100 de sa clientèle savait cela. Comment générer un effet dissuasif lorsque la peine avec laquelle on va être sanctionné n'est même pas connue?

Je vous pose la question ici — vous adoptez tous des lois : quelle est la sanction, si l'on est reconnu coupable de trafic d'un kilogramme de cocaïne actuellement? Levez la main, ceux qui sont capables de me dire de combien d'années de prison ils sont susceptibles d'écoper Allez dans la rue maintenant et posez la même question. Vous réaliserez que vous n'aurez aucune réponse. L'effet dissuasif des peines est nul actuellement.

Par contre, si vous avez une peine claire, bien définie dans la loi, supportée par la publicité, à ce moment-là, on pourra générer un effet dissuasif. Ce n'est pas le cas maintenant.

J'ai un autre exemple à partager avec vous : un médecin est venu nous raconter qu'un homme — on l'a appelé Peter —, à force d'aller en prison, a décidé d'en sortir, et la façon dont il s'y est pris a été de

commettre des actes criminels à répétition dans le but d'échouer en prison pour se faire traiter. Le projet de loi prévoit un système de traitement, donc le prévenu peut voir sa peine suspendue s'il subit un traitement. Souvent, le fait de passer par le processus difficile de la prison devient une occasion de suivre des traitements et des cures de désintoxication. Ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas de bonnes maisons de désintoxication. Jean Lapointe est ici. Je peux vous dire que la Maison Jean-Lapointe est un excellent endroit pour le traitement des toxicomanes à Montréal.

Un autre élément : les Autochtones. Nous voulons les protéger mais nous les mettons devant une pression supplémentaire. Je viens de Saint-Eustache, tout près d'une région qui s'appelle Oka. Cela vous dit sûrement quelque chose. Le soir, le lac des Deux- Montagnes se convertit en une autoroute de bateaux. Qui viennent d'où? Qui viennent en partie des États-Unis. Pourquoi? On a le fameux problème de contrebande de cigarettes. Alors imaginez la pression que les Autochtones vont subir de la part des bandes criminalisées pour faire de la production et du trafic, qui se feront dire de ne pas s'inquiéter, qu'il n'y a pas de peine minimale de ce côté-ci. Ces jeunes Autochtones déjà démunis seront soumis à une pression supplémentaire.

Nous savons tous qu'il n'y a pas de mesures parfaites — et je ne prétends pas que celle-ci est parfaite —, mais le gouvernement, le Parlement pourra au moins dire qu'il agit pour la jeunesse et qu'il a une stratégie complète de prévention, de traitement et de répression, pour atteindre le succès.

(1500)

Évidemment, il faut penser aux jeunes. Certes, il y a des jeunes qui ont des occasions de consommer de la drogue, mais je crois qu'il faut renverser la situation.

Au Sénat, j'entends parfois des conversations qui ressemblent à celles que j'entendais à l'université. Le Sénat est un lieu de sagesse où l'on doit donner l'exemple afin que nos jeunes fassent de bons choix dans la vie.

Ce n'est pas cool de consommer de la drogue. C'est cool de faire du sport, c'est cool de suivre une flamme olympique.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs : Puis-je poser une question au sénateur?

[Français]

Le sénateur Carignan : Évidemment.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs : La mesure législative fait référence à des tribunaux pour toxicomanes et aux programmes de traitement de la toxicomanie liés à ces tribunaux. Le sénateur peut-il vérifier pour moi qu'il n'existe pas de tels tribunaux au Québec, dans les provinces de l'Atlantique ou dans le Nord canadien?

[Français]

Le sénateur Carignan : Il n'y a pas que des tribunaux de toxicomanie qui peuvent être utilisés. Il y a aussi des centres de traitement reconnus. On a reçu une liste exhaustive de centres qui sont reconnus partout au Canada et au Québec également.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs : Le sénateur a parlé de la productivité des personnes souffrant de toxicomanie. Peut-il dire aujourd'hui au Sénat si on a évalué ces programmes offerts en Europe, en Suisse notamment, où on a constaté des améliorations marquées de la productivité de toxicomanes à qui l'on permet d'obtenir la drogue dont ils ont besoin dans des centres autorisés, puis de retourner à leurs occupations et à leur famille, ce qui leur permet de mener une vie relativement normale?

[Français]

Le sénateur Carignan : Il y a une seule façon légale de se procurer de la drogue, et c'est pour des traitements médicaux. Nous avons entendu le témoignage d'une personne du Portugal qui disait que là- bas, ils avaient décriminalisé la possession de la marijuana, que la possession faisait encore l'objet d'une pénalité mais qu'elle n'était plus un crime.

Lorsque j'ai posé la question de savoir comment on pouvait importer l'idée, des témoins ont dit qu'il fallait être prudent et qu'on ne pouvait pas faire du copier-coller d'une société à une autre puisque chacune est unique et possède sa propre culture en matière de démocratie, et chacune a sa façon d'atteindre des objectifs.

Au Canada, actuellement, il y a un bon équilibre entre la prévention, le traitement et la répression. On peut difficilement chiffrer la perte de productivité. Lorsque j'ai posé la question à propos de la perte de productivité à ceux qui ont produit les chiffres, ils ont été incapables de la calculer.

Il existe un coût réel lié à la consommation de drogue. Encore hier, un inspecteur de Vancouver qui comparaissait devant le Comité des finances nationales a dit qu'une partie importante des vols d'automobile était commise par des toxicomanes qui voulaient payer leur drogue. Donc, les coûts indirects des crimes liés à la consommation de drogue ne sont pas calculés dans ces coûts.

[Traduction]

Le sénateur Cools : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Je félicite le sénateur pour ce qu'il a dit. Si je comprends bien, ce sont les peines minimales qui constituent, selon lui, le véritable élément dissuasif dans le système. Pour ma part, j'ai toujours cru que le maximum était plus déterminant dans la sévérité d'une peine. C'est ainsi que je vois le système. J'aimerais savoir ce qu'il en pense.

Dans cette veine, j'aimerais savoir pourquoi, selon le sénateur, lorsque la peine maximale est l'emprisonnement à perpétuité et qu'elle ne suffit pas à dissuader une personne de commettre un crime, une peine minimale de trois ans aurait un meilleur effet dissuasif.

[Français]

Le sénateur Carignan : Parmi les éléments de dissuasion, il y a la peine à purger. Cette peine doit être publicisée et la personne doit aussi avoir peur de se faire prendre. Donc, ce n'est pas seulement la publicité de la peine, c'est un ensemble d'éléments qui aura un effet dissuasif.

Tout le monde sait, et particulièrement ceux qui commettent des crimes à répétition, que la peine maximale n'est jamais imposée dès les premières infractions, et n'a donc pas d'effet dissuasif. Dans le cas d'un meurtre, il y a évidemment une peine minimale et elle a un effet dissuasif.

Tout le monde sait que conduire en état d'ébriété est criminel. Pourquoi? Parce qu'on a imposé des peines minimales et qu'on a publicisé l'idée que conduire en état d'ébriété était criminel. Cette publicité a eu un effet dissuasif.

En Californie, en vertu de la Loi sur les trois infractions, lorsqu'une personne est reconnue coupable trois fois d'un même

crime, on lui impose des peines minimales d'emprisonnement. Cela a été publicisé et il y a eu un effet dissuasif.

L'important, c'est de suivre une ligne directrice claire faisant en sorte que ceux qui s'adonnent au trafic et à la production de drogue aient peur de se faire prendre et sentent une pression des forces policières. Sur le plan de la lutte antigang, le gouvernement conservateur a augmenté l'effectif policier, et cela s'ajoute à la stratégie antidrogue. On parle donc de peines d'emprisonnement minimales, d'augmentation de l'effectif policier, de prévention et de traitement de la toxicomanie.

[Traduction]

L'honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, en tant que Canadien d'origine autochtone, je connais bien le problème de la surreprésentation des Autochtones dans les prisons parce que j'ai fait partie d'un groupe de travail il y a quelques années et j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreuses familles victimes de la drogue au pays.

Premièrement, je dois dire que je suis viscéralement contre l'amendement qui exempterait les Autochtones de la peine minimale obligatoire, car si l'on veut parvenir un jour à l'égalité et si l'on exige un traitement égal pour tous, il ne faut pas qu'il y ait deux systèmes de justice parallèles au pays. Un criminel est un criminel.

Cependant, revenons un peu à la question de la surreprésentation. Je pense que personne, au Sénat, ne doute qu'il y ait surreprésentation des Autochtones dans le système de justice du Canada.

Voyons les faits. En vertu du Code criminel du Canada, les juges ont déjà la latitude de pouvoir tenir compte des circonstances propres aux Autochtones lorsque ces derniers sont condamnés pour un crime et qu'il s'agit de déterminer la peine. Malgré tout, il y a toujours surreprésentation. Que faut-il en conclure? Il faut peut-être se dire que les Autochtones qui commettent des crimes méritent d'être sanctionnés comme les autres Canadiens qui agissent de la même manière. Pour moi, l'exemption laissant le choix au juge dans le cas des Autochtones est une forme de pitié, et non un encouragement. Nous voulons des encouragements, et non de la pitié.

Si nous voulons concentrer nos efforts sur la réduction de la surreprésentation des Autochtones dans notre système de justice, ce n'est pas après qu'ils ont commis un crime ou qu'ils ont été reconnus coupables d'un crime qu'il faut agir. Ce sont les mesures préventives qui importent, ce qui suppose que l'on examine les conditions de vie des Autochtones, et plus particulièrement des membres des Premières nations, sous le régime de la Loi sur les Indiens. L'espoir est une denrée rare dans ces collectivités, et cet état de choses contribue à pousser certaines personnes à commettre de tels actes, justement à cause du manque d'espoir. On ne peut pas y faire grand-chose.

(1510)

On pourrait peut-être s'intéresser aux compétences parentales dans l'ensemble des collectivités autochtones. Il devrait peut-être y avoir une participation accrue de la collectivité pour prêter assistance aux personnes à risque. Offrir une exemption aux Autochtones après qu'ils aient commis un crime n'est pas la solution.

Comme le sénateur l'a signalé tout à l'heure, les Autochtones vivant dans des collectivités des Premières nations sont à risque, et le crime organisé se sert d'eux pour vendre de la drogue. Je suis quelque peu froissé, si je puis me permettre une digression.

Je trouve un peu étonnant d'entendre des sénateurs d'en face dire « juste un joint. » Dans une collectivité autochtone, honorables sénateurs, un joint peut ouvrir la voie à des problèmes beaucoup plus graves. L'usage de drogues commence par un joint, après quoi on passe aux médicaments sur ordonnance, puis à la cocaïne, à l'héroïne et ainsi de suite. C'est la nature du problème, la réalité telle que je la connais. Dans la réserve de Kitigan Zibi, d'où je viens, on a connu et on connaît encore de graves problèmes de drogue. Il a fallu faire appel à la GRC, à la police provinciale, à la police des Premières nations et aux dirigeants de la collectivité parce que la drogue posait un problème, un problème qui prenait de l'ampleur, et qui persiste. Les trafiquants de drogue prennent nos jeunes pour cibles, afin de les inciter à consommer et à vendre de la drogue parce qu'ils n'ont rien d'autre à faire et que c'est la seule activité économique leur permettant de faire de l'argent rapidement.

Je prierais les sénateurs de réfléchir aux conséquences de cet amendement. S'ils veulent aider les jeunes Autochtones et les collectivités autochtones, qu'ils commencent par les traiter d'égal à égal et cessent de croire qu'ils savent ce qu'il leur faut. Les Autochtones savent ce qui leur convient le mieux.

J'aimerais terminer en relatant une expérience personnelle. J'ai connu ce même problème dans ma réserve natale, ainsi que dans d'autres réserves au Canada. Au début des années 2000, j'habitais dans un logement de la société d'habitation sans but lucratif Gignul, à Vanier. Pour ceux qui l'ignorent, les logements de la société Gignul sont des logements subventionnés sans but lucratif destinés aux familles à faible revenu, et ils sont situés dans un des pires quartiers de la région. Vanier est comme une petite réserve urbaine; la majeure partie de la population autochtone hors réserve à Ottawa habite là, mais il y a d'autres gens aussi. Il y avait de la drogue partout. J'habitais à l'étage du milieu d'un immeuble à trois étages. Il y avait de la drogue à l'étage au-dessus et à l'étage en-dessous, et ma femme et ma fille habitaient avec moi à l'époque. Il y avait de la drogue plein les rues. Les trafiquants se tournaient avant tout vers les Autochtones parce que ceux-ci pensaient que le trafic était leur seul espoir. « Je vais te donner de l'espoir, jeune Autochtone; fais ce que je dis et tu auras de l'argent. »

L'amendement n'aide pas ces enfants. Il ne ferait qu'aggraver le problème. On propose d'effectuer un examen dans deux ans et dans cinq ans. Je suis d'accord avec le sénateur Campbell pour dire qu'on n'aura toujours pas senti son incidence dans deux ans, mais je peux vous garantir que s'il est adopté, on pourra en constater l'incidence négative dans cinq ans, et à ce moment-là, je vous dirai : « Je vous avais prévenus. »

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, en tant que représentant d'une région où la population est constituée à 85 p. 100 d'Inuits, je suis heureux de prendre la parole au sujet de cette question importante. Il s'agit d'un enjeu de taille dans le Nord. J'ai beaucoup réfléchi là-dessus. Mon bon ami, le sénateur Watt, qui, je crois, est à l'origine de l'amendement concernant les Autochtones dont nous débattons cet après-midi, s'est assuré que je réfléchisse à cette question.

Sauf tout le respect que je dois au sénateur Fraser, je dois dire que l'époque innocente où les collectivités nordiques prenaient un soin jaloux de leurs délinquants sans que la police, les tribunaux et les prisons aient à intervenir est malheureusement révolue. C'était davantage comme ça à l'époque où j'ai commencé à être avocat pour l'aide juridique, au milieu des années 1970. Ce n'est toutefois plus le Nord d'aujourd'hui. Je vais raconter une petite histoire à mes collègues du Sénat.

Il y a environ trois ans, je me suis rendu à Cambridge Bay au beau milieu de l'hiver, en janvier. C'est une petite communauté située sur la côte atlantique. La communauté était en émoi : trois jeunes Inuits avaient été abattus en pleine nuit au moyen d'une arme automatique

illégale à tir rapide et de gros calibre. À cette époque, l'événement avait fait la une des journaux nationaux. Les victimes avaient été recouvertes de bâches et laissées dans la rue pendant trois jours, à l'endroit où elles avaient succombé à leurs blessures. On attendait que le temps se calme afin que l'équipe d'enquête policière puisse se rendre sur les lieux. Les résidants de cette communauté étaient d'avis que cette affaire était liée d'une certaine façon au trafic de drogue.

Clyde River est une petite collectivité inuite sur l'île de Baffin où l'on est actuellement en train de construire une école culturelle, en vertu du Plan d'action économique. C'est une communauté traditionnelle et isolée. Cependant, l'année dernière, à la suite d'une saisie de drogue au bureau de poste local, le détachement de police local a été assiégé par une foule en colère. On doit trop souvent faire appel aux équipes tactiques d'action spéciale pour régler des situations similaires. Même dans les collectivités du Nord les plus éloignées, l'âge de l'innocence est trop souvent révolu. Nous avons de la méthamphétamine en cristaux et du crack même dans ces collectivités éloignées.

Je respecte les préoccupations du sénateur Watt en ce qui concerne le nombre disproportionné d'Autochtones qui sont emprisonnés. Cependant, avec tout le respect que j'ai pour le comité — et je sais que nous débattons de son rapport —, je crois que nos établissements correctionnels, et surtout ceux dans le Nord, constituent le véritable problème. Beaucoup de sénateurs ont insisté sur ce point. Les établissements correctionnels dans le Nord, quand il y en a, sont surpeuplés. Il n'y a pas de centres de traitement de la toxicomanie au Nunavut, bien que le gouvernement du Nunavut se soit récemment engagé à en bâtir un.

Le sénateur Fraser a raison de dire que les condamnés autochtones sont trop souvent envoyés loin de leurs maisons et de leurs familles, et séparés de leur culture et de leur langue. Certains ont dit que c'est comme si on les parquait là-bas, et je ne suis pas en désaccord avec eux. Le sénateur Watt visite ces prisonniers inuits dans des prisons à Montréal. La situation de ces détenus est triste, et nous compatissons avec eux.

Sauf le respect que je vous dois, je dirai que beaucoup d'individus condamnés par les tribunaux ont besoin de guérison. Ils n'ont pas besoin d'être libres, honorables sénateurs. Ils ne reçoivent pas d'aide au sein de nos collectivités où ils sont chanceux s'ils ont un agent de probation, et je ne parle pas de travailleurs en santé mentale ni de conseillers compétents. La plupart des Autochtones condamnés ont besoin d'aide et ce n'est pas uniquement en raison de problèmes de toxicomanie, quoique ce soit un facteur non négligeable, surtout l'alcoolisme. Les gens que l'on voit dans nos pénitenciers sont des victimes des pensionnats pour Autochtones, ou leurs parents l'ont été et n'ont pas réussi, pour cela, à être de bons parents. Ce sont des victimes d'enseignants pédophiles, c'est triste à dire, ou d'autres formes d'agressions sexuelles.

J'aimerais que le Sénat ou un de ses comités fasse une étude sur les Autochtones dans les établissements correctionnels et les prisons, comme je l'ai suggéré à la présidence et au comité de direction du Comité des peuples autochtones.

Ce sont nos établissements correctionnels et les programmes s'adressant aux peuples autochtones qui sont la principale cause de préoccupation. À mon humble avis, le problème en l'occurrence n'est pas tant le fait d'incarcérer les Autochtones ou non; la question sous-jacente, c'est le manque de programmes, dont les programmes de traitement, et je crois que c'est à cela que nous devrions nous attaquer. L'amendement ne fera rien pour régler ce problème.

Enfin, nous respectons beaucoup les personnes âgées au Canada, et c'est particulièrement vrai dans le Nord. En fait, je dirais du sénateur Watt qu'il fait partie de ces aînés respectés. Je crois toutefois qu'il serait de mon avis pour dire que, si on demandait aux aînés de nos collectivités s'il faut réduire les peines pour les Autochtones — et même pour les délinquants inuits — impliqués dans le trafic de drogue dans nos collectivités, ils diraient catégoriquement non. En fait, bon nombre de nos aînés souhaiteraient que l'alcool n'ait jamais été amené dans le Nord, et encore moins la drogue.

(1520)

Je vous remercie de m'avoir permis de commenter ce rapport de comité.

[Note de l'éditeur : Le sénateur Watt s'exprime en inuktitut.]

L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, je vais rapidement résumer ce que je viens de dire. J'aimerais tout d'abord remercier mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d'avoir adopté l'amendement que j'ai proposé.

Honorables sénateurs, il y a plus de 20 ans, j'ai eu l'honneur de participer au rapatriement de la Constitution et j'ai consacré ma vie à la défense des droits des Autochtones. Par conséquent, vous ne serez pas surpris d'apprendre que je me sens obligé d'examiner les répercussions du projet de loi C-15 sur les Inuits et les autres peuples autochtones.

Avant tout, permettez-moi de préciser que, à mon avis, nous ne devrions manifester aucune tolérance à l'égard des infractions liées à la drogue. Je crois néanmoins que les peines imposées aux personnes reconnues coupables de tels crimes doivent être équitables, partout au pays. Or, le projet de loi C-15 n'est pas équitable.

Le projet de loi est discriminatoire, car les délinquants n'auront pas tous accès aux programmes judiciaires de traitement de la toxicomanie, puisque ces programmes ne sont pas offerts partout au pays. C'est ce que les témoins nous ont dit. Les résidants du Québec, des Maritimes et du Nord auront des peines minimales obligatoires, tandis que ceux de l'Ontario et de l'Ouest du Canda pourront éviter l'emprisonnement.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a fait un examen complet du projet de loi C-15. Comme c'est le cas pour tous les projets de loi sur la justice, nous devons porter une attention particulière aux répercussions qu'il aura sur les Autochtones régis par le système judiciaire du Canada. Sur ce point, j'encourage les sénateurs à entreprendre une étude plus approfondie sur ces répercussions, en temps voulu.

Le Sénat est la seule institution qui peut protéger nos minorités et nous avons une responsabilité constitutionnelle claire à cet égard. Nous ne sommes pad adéquatement représentés dans les autres institutions. Plusieurs recherches et la jurisprudence, comme la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R c. Gladue, montrent et établissent clairement que les délinquants autochtones sont victimes de préjugés dans le système judiciaire canadien. Nous devons examiner les préjugés dont les Autochtones sont victimes dans le système judiciaire canadien et déterminer comment nous pouvons combler ces failles institutionnelles.

Compte tenu de ces préoccupations, je veux aborder la question des conséquences qu'ont les peines minimales obligatoires sur les délinquants autochtones dans le cas d'infractions liées aux drogues. L'alcool et la drogue font partie de la triste réalité de la vie dans nos collectivités. Ce sont les difficultés infinies de la vie des gens qui les conduit vers cette fin malheureuse, ce que mon bon ami d'en face a montré grâce à ses chiffres.

Notre peuple cherche le réconfort dans l'alcool et la drogue, et ce, pour oublier la douleur, la pauvreté et le désespoir. Les problèmes

de dépendance apparaissent souvent à la naissance. Les enfants dans nos collectivités sont confrontés à des problèmes tels que le syndrome d'alcoolisation fœtale et n'ont pas accès aux soins ou aux évaluations cliniques adéquats. C'est alors le premier pas dans une direction très risquée.

Honorables sénateurs, on a dit qu'au cours des 50 dernières années, les Inuits sont passés de l'igloo à l'iPod. Imaginez donc la situation, et le défi incroyable que la collectivité doit relever. C'est quelque chose que le grand public au Canada ne comprend pas ou ne peut pas comprendre.

Nous devons nous demander si les peines minimales obligatoires vont promouvoir la santé et le mieux-être parmi les nôtres, ou bien si elles vont renforcer un peu plus la discrimination à laquelle la population autochtone doit faire face au sein de notre système judicaire.

Enfermer ces gens sans leur donner l'accès aux traitements n'est pas la chose à faire. Ils atterriront simplement en prison où ils auront un meilleur accès aux drogues et ne pourront pas participer à des programmes de réadaptation dans une langue qu'ils comprennent. En détention, l'environnement dans lequel les délinquants autochtones se retrouvent n'est souvent pas adapté, culturellement parlant, et la discrimination prend souvent des proportions énormes dans les pénitenciers canadiens. Ce fait est bien corroboré, comme les témoins nous l'ont prouvé, et ce sont des témoins très crédibles.

Face à la situation, les juges doivent chercher des sanctions substitutives aux peines d'emprisonnement pour les délinquants autochtones, et ce, en vertu de l'alinéa 718.2e) du Code criminel. Au moment de la détermination de la peine, ils doivent en particulier considérer les conditions dans lesquelles les délinquants autochtones vivent. C'est le cœur de l'amendement à ce projet de loi que j'ai présenté en comité. Cet amendement garantit que de telles considérations sont prises en compte au moment de la détermination de la peine imposée à des Autochtones dans le cadre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Honorables sénateurs, pendant les audiences du comité, certains sénateurs conservateurs opposés à mon amendement ont exprimé quelques préoccupations. Pour eux, je dirai simplement que, dans les prisons fédérales et provinciales, un détenu sur cinq est autochtone. Dans le cas des femmes, c'est presque une sur trois. Ces nombres prouvent que la compréhension de la réalité culturelle et le pouvoir discrétionnaire du juge ne leur permettent pas d'éviter la prison.

Bien qu'elle ait des répercussions sur le système judiciaire, la toxicomanie est une question qui relève des soins de santé publics. Elle touche l'ensemble de la société, tous les Canadiens. Au cours de l'étude à l'étape du rapport de ce projet de loi plus tôt cette semaine, le parrain du parti ministériel, le sénateur Wallace a dit : « Je rappelle encore une fois que le projet de loi porte principalement sur la protection et la sécurité de nos concitoyens — ceux qui ne participent pas au narcotrafic et à des activités illégales. » Je tiens à lui rappeler que les toxicomanes sont également des citoyens canadiens qui ont besoin de protection.

Nous devons nous assurer d'avoir les ressources nécessaires pour traiter ces gens. Dans le cas des Autochtones, les juges doivent reconnaître ces besoins et ordonner une réhabilitation. Si nous ne le faisons pas, qu'arrivera-t-il? Ces gens ont des besoins spéciaux, différents des autres Canadiens. La politique unique ne fonctionne pas. L'amendement n'est pas exclusif. À mon avis, cela ne fait pas d'un toxicomane autochtone un citoyen de deuxième classe.

(1530)

Honorables sénateurs, il ne devrait pas y avoir de différence au niveau de la qualité de la protection que nous offrons à nos citoyens, quels qu'ils soient et quels que soient les problèmes qu'ils présentent. Les commentaires qui ont été formulés l'autre jour ici me portent à me demander si les peuples autochtones ont émergé. Le gouvernement actuel nous reconnaît-il comme des citoyens qui méritent une protection? C'est la question que je vous pose.

Nous devons adopter une approche plus inclusive dans le cas de ces projets de loi de justice et j'apprécie énormément l'appui de mes collègues du comité à l'égard de mon amendement. Nakurmiik.

Le sénateur Brazeau : J'aimerais remercier le sénateur de ses paroles. Il a souligné qu'il serait peut-être bon qu'une étude approfondie soit effectuée.

J'ai deux questions à poser. Tout d'abord, quel genre de discussions a-t-il eues avec les chefs des services de police autochtones de partout au pays, là où il en existe, qui sont aux premières lignes et qui connaissent les problèmes des drogues et les répercussions qu'elles ont sur les collectivités et les familles? Quel genre d'engagement a-t-il obtenu de leur part? Deuxièmement, quel genre de discussions a-t-il eues avec les familles des victimes autochtones qui ont malheureusement senti les répercussions des drogues dans leur vie quotidienne, et quel genre d'engagement a-t-il obtenu?

Le sénateur Watt : Je communique et je dialogue de façon soutenue avec les gens que je pense représenter. Cela n'est pas nouveau pour moi. Je suis confronté à cette réalité tous les jours. Je ne nie pas qu'on puisse se procurer des drogues dans nos collectivités. Nos leaders actuels luttent contre ce problème. La police fait de même et tente d'exercer un contrôle sur la quantité de drogues qui pénètre dans nos collectivités. Ces drogues ne sont pas produites dans le Nord. Elles sont produites dans le Sud et vendues dans le Nord.

Ce ne sont pas nécessairement les gens que je représente qui s'adonnent à ce trafic. Souvent, ce sont ceux qui sont au sommet de l'échelle qui le font. C'est cela qui m'inquiète. Ce projet de loi vise ceux qui sont au bas de l'échelle. Sans égard à la formulation de la loi, ceux qui sont au bas de l'échelle se font toujours prendre.

Le sénateur Brazeau : Si un comité ou n'importe lequel d'entre nous se penchait sur ce problème dans une perspective plus large, le sénateur ne trouverait-il pas prudent qu'on retire les amendements prévoyant une exception pour les Autochtones, qu'on mène une étude, qu'on invite les chefs de police autochtones d'un bout à l'autre du Canada à y participer et qu'on s'assure d'entendre davantage de témoignages de victimes? Je sais ce qui produit lorsqu'on fait des hypothèses. Qu'à cela ne tienne, je suppose que le comité a entendu des chefs de police autochtones, car leurs témoignages auraient été très importants lors de l'étude du projet de loi. Si on doit procéder à un examen dans deux ans, ne serait-il pas plus prudent de retirer l'amendement et de mener cette étude de manière à recueillir davantage d'information?

Le sénateur Watt : Honorables sénateurs, la réponse est non.

L'honorable Pierrette Ringuette : J'ai toujours voué le plus grand respect au sénateur Watt. Je viens d'écouter très attentivement ce qui s'est dit au sujet des préoccupations que suscite ce projet de loi par rapport aux Autochtones.

D'aussi loin que je me souvienne, la collectivité autochtone a toujours demandé qu'on reconnaisse le cercle de guérison. Les aînés ont une façon traditionnelle respectueuse d'aborder ces questions. Et voilà que deux nouveaux sénateurs disent qu'ils n'y croient pas, qu'ils croient que la façon de faire des Blancs, des gens du Sud, est la bonne.

Le sénateur Brazeau : Vérifiez le compte rendu.

Son Honneur le Président : Je signale au Sénat que la période de 15 minutes allouée au sénateur Watt est terminée. Si le sénateur Watt veut demander à prolonger son temps de parole, il le peut.

Une voix : Cinq minutes, ça va.

Son Honneur le Président : Sénateur Ringuette.

Le sénateur Ringuette : La question a été posée. Je veux des précisions.

Le sénateur Watt : Honorables sénateurs, c'est une bonne question. Je ne crois pas que mon collègue d'en face, qui représente le Nunavut, le sénateur Dennis Patterson, ait dit de laisser de côté les aînés. Je pense même qu'il a dit le contraire.

Permettez-moi d'expliquer. Je crois que le sénateur Carstairs a dit que les tribunaux se rendaient dans les petites localités. Les aînés de la collectivité prennent une décision, à la manière inuite, puis des intervenants de l'extérieur viennent dans la collectivité : un juge, un procureur, un avocat de la défense et ainsi de suite. Avant de voir la victime — avant même d'avoir un entretien — la décision a déjà été prise dans l'avion. Puis, les troubles commencent dans la collectivité une fois que le processus de guérison a été accompli. C'est là le problème que nous avons dans nos collectivités.

Ces dispositions remplaceront l'alinéa 718.2e). Ce sera aussi le cas des activités actuelles dans les collectivités,

L'honorable Lillian Eva Dyck : J'aimerais une précision du sénateur Watt. Je pense l'avoir entendu dire que le projet de loi C-15 institutionnaliserait une discrimination systémique, en un sens, contre les Autochtones qui vivent dans le Nord et dans différentes régions du pays en raison d'un accès inégal à des services de traitement de la toxicomanie.

Il existe des tribunaux spécialisés dans les affaires de drogues qui, théoriquement, devraient être aussi facilement accessibles à tous les Canadiens, mais ils ne le sont pas. Je pense qu'il dit que, à moins que nous amendions le projet de loi, il y aura de la discrimination à l'endroit des Autochtones qui n'ont pas aussi facilement accès à des traitements pour la toxicomanie. C'est bien cela?

Le sénateur Watt : Précisément, oui. Comme je l'ai mentionné, il n'y a pas de services d'aide à la désintoxication sous quelque forme que ce soit et il n'y en aura probablement pas avant longtemps dans le Nord, car ces services coûtent très cher. Même s'il y en avait un jour, il y aurait encore de l'ingérence de l'extérieur. Le processus de guérison habituellement dirigé par les aînés dans les collectivités autochtones serait encore une fois écarté.

(1540)

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Je remercie le sénateur Watt pour sa déclaration passionnée. Je suis toujours intéressée d'entendre ce qu'il a à dire. Je suis confuse et j'aimerais qu'il précise une chose. Le sénateur semble se concentrer sur les toxicomanes, alors que le projet de loi porte sur les trafiquants de drogues. J'ignore pourquoi nous...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je regrette de devoir vous informer que les cinq minutes supplémentaires accordées au sénateur Watt sont écoulées.

Reprise du débat. Le sénateur Martin a la parole.

L'honorable Yonah Martin : Honorables sénateurs, je veux, bien humblement, me joindre au débat. Il est de mon devoir de représenter les gens comme moi qui viennent de la côte Ouest, où Vancouver est aux prises avec un sérieux problème. Comme le sénateur Campbell, ancien maire de ma ville et à qui j'accordais mon vote...

Le sénateur Keon : L'erreur est humaine.

Une voix : Et maintenant, cela vous coûte cher!

Le sénateur Martin : Mon non plus, je n'ai jamais consommé de marijuana ou une autre drogue. Par contre, j'ai rencontré beaucoup de gens dont la vie a été touchée par la drogue. Je vais partager mon expérience avec les sénateurs, et je vous implore de tenir compte de mon expérience en tant que Vancouvéroise.

Je suis inquiète, tout comme d'autres Canadiens qui habitent dans les grands centres urbains, qui veulent des lois pour protéger les citoyens innocents et respectueux des lois et qui ont le sentiment en ce moment que la justice ne penche pas du bon côté.

J'ai enseigné à un des tristement célèbres frères Bacon, au secondaire. J'ai rencontré un jeune garçon de 11 ans, Trenton O'Donnell, de qui j'ai déjà parlé, qui vit sur le même pâté de maisons que les frère Bacon, à Abbotsford, en Colombie- Britannique. Trenton et ses amis ne pouvaient pas se voir. Ils étaient littéralement assignés à résidence, parce que la loi ne pouvait pas les protéger. Les frères Bacon, ces criminels, n'ont pas reçu la sentence qu'ils méritaient.

J'habite dans l'est de Vancouver et je suis préoccupée par la sécurité de ma fille, qui est actuellement en neuvième année. Je suis témoin de certaines activités criminelles. Je vis dans un quartier résidentiel qui n'a rien de comparable à Downtown Eastside, mais nous sommes tout de même dans l'est de Vancouver et les gens qui ne comprennent pas la différence nous mettent dans le même panier. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un problème qui existe dans de nombreuses localités canadiennes.

J'ai été enseignante. À l'instar des sénateurs Carstairs et Cordy, j'ai enseigné au niveau secondaire. Les jeunes contrevenants apprennent toutes sortes de choses, notamment la loi. Ils savent que le système favorise la récidive, ils connaissent les échappatoires et ils savent comment les utiliser. Mon époux enseigne dans une école alternative pour les jeunes contrevenants. Ces jeunes connaissent la loi mieux que n'importe qui.

J'étais considérée comme une enseignante de la vieille école, parce que, en tant que conservatrice convaincue, je prône des valeurs clairement conservatrices quant à la façon d'enseigner et d'élever mes enfants. Pour moi, il faut respecter la loi à la lettre. La première fois qu'on déroge aux règles établies, la première fois qu'on repousse les limites, les enfants apprennent qu'ils peuvent faire la même chose; c'est comme ça que les jeunes contrevenants deviennent des criminels endurcis comme les frères Bacon. Je me rappelle de l'époque où ils étaient jeunes.

Ce n'est pas seulement une question de respect de la loi. En tant que société, nous devons assumer la responsabilité qui vient avec le rôle que nous jouons tous dans l'éducation de nos enfants et dans l'amélioration de notre société.

J'ai récemment assisté au procès d'un trafiquant accusé pour la première fois, une personne que j'ai bien connue. Il est arrivé au tribunal en sachant qu'il recevrait une peine légère, nos lois étant ce qu'elles sont. Il a reçu une peine de détention à domicile assortie d'heures de travail communautaire, et, en un rien de temps, il a recommencé à vendre de la drogue. Il s'est présenté à son procès en planifiant déjà sa prochaine transaction. Deux amis l'accompagnaient.

On parle de prison et d'incarcération, et je suis consciente des problèmes qui existent. Honorables sénateurs, j'ai discuté avec le

ministre Stockwell Day, quand il était ministre de la Sécurité publique, avec des policiers et avec des représentants de groupes communautaires, et nous savons qu'il faut adopter une approche à plusieurs volets pour régler ce problème. Nous devons veiller à ce que les programmes soient financés et à ce que la population appuie les efforts déployés dans les collectivités, mais il faut aussi que les lois soient assez rigoureuses pour protéger les enfants innocents, comme Trenton, et les gens comme moi.

J'exhorte tous les sénateurs à examiner de près ce projet de loi et à l'appuyer, afin de protéger ceux qui méritent que la loi soit de leur côté.

L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, je tiens à faire quelques commentaires à l'appui de l'amendement proposé par le sénateur Watt. Celui-ci a parlé d'expérience, de façon passionnée et éclairée, au sujet de la situation dans le Nord, une situation différente à bien des égards.

J'ai l'impression que nous avons conçu un système dans le Sud et que nous avons tenté de l'implanter dans le Nord, sans beaucoup de souplesse, même si la souplesse est essentielle. Bien entendu, il nous faut un système unique à la grandeur du pays, mais ce système doit être appliqué avec souplesse, car nous avons affaire à une culture entièrement différente. Je veux parler des collectivités inuites, mais pas des collectivités d'Oka ni des collectivités situées à proximité des centres urbains. Je veux parler des communautés éloignées du Nord dont la collectivité voisine est située à des kilomètres de distance et inaccessible. Dans bien des cas, ces collectivités sont unilingues.

Un tribunal peut intenter des poursuites ou ne pas en intenter, en fonction de la météo et du rôle d'audiences. Il peut s'écouler des jours ou des semaines avant que le juge arrive dans la communauté. Dans bien des cas, il s'agit d'un juge unilingue. Dans certains cas, il doit avoir recours à des services d'interprétation.

J'ai eu l'honneur d'enseigner au premier juge inuit du Canada. Il s'agissait de James Igloliorte, de Hopedale, au Labrador. Il n'est plus juge aujourd'hui. Nous sommes revenus à la situation antérieure, et les causes sont entendues par des juges unilingues.

Nous essayons d'appliquer un système à des gens qui parlent une autre langue. Il y a parfois un interprète sur place, mais, en pareil cas, le juge unilingue n'a pas le choix que de se fier à l'interprète. Le prévenu dépend, lui aussi, de l'interprète. Parfois, la traduction est parfaite, parfois elle ne l'est pas. Le prévenu a-t-il accès à un avocat? Dans la plupart des cas, il n'a pas d'avocat. A-t-il accès à d'autres services?

Le sénateur Watt a parlé des services pour les toxicomanes. Ces services sont tantôt offerts, tantôt absents. Le sénateur Carstairs a en outre fait un bon exposé sur la pénurie de ces services au pays.

(1550)

On s'est inspiré de ce qui se fait dans le Sud et on a tenté de transposer cela dans le Nord. Le sénateur Carignan a parlé de « copier-coller ». Je pense qu'il faisait allusion à l'impossibilité d'appliquer la méthode portugaise à la situation que l'on connaît au Canada. Honorables sénateurs, je pense que nous faisons du copier-coller. Nous essayons d'exporter dans ces collectivités un système que nous avons mis au point et qui ne colle pas à leur réalité. À preuve, nous avons neuf fois plus d'Autochtones que de Canadiens de toute autre origine dans nos prisons d'un bout à l'autre du pays, comme le sénateur Carstairs l'a fait remarquer.

Je ne crois pas qu'on puisse continuer indéfiniment à construire des prisons. Si une personne est condamnée à Naim, au Labrador, il n'y a pas de pénitencier fédéral dans ma province.

Le sénateur Cools : C'est exact.

Le sénateur Rompkey : Une personne reconnue coupable à Naim, au Labrador, doit être transférée au pénitencier de Dorchester. Comme l'a fait remarquer le sénateur Campbell, il s'agit d'une de nos meilleures universités; on peut y apprendre comment devenir un meilleur criminel — pas une meilleure personne, pas comment guérir ou comment contribuer, mais comment devenir un meilleur criminel.

Honorables sénateurs, nous devrions construire plus d'écoles, pas plus de prisons. Si les enseignants autochtones restaient dans les écoles, si les langues autochtones faisaient partie du programme scolaire, s'il y avait moins d'élèves par classe, nous pourrions leur apprendre quelque chose et régler le problème. Les peines minimales obligatoires ne sont pas la solution. Selon moi, nous nous y prenons complètement de travers. Pour régler le problème, il faut commencer dans les écoles. Il faut laisser les Autochtones enseigner aux Autochtones en langue autochtone. Voilà par où commencer. Si nous procédons ainsi, je pense que nous pourrons résoudre le problème, car ce n'est pas en imposant des peines minimales obligatoires que nous y arriverons. Laissons aux juges le pouvoir de juger.

Des voix : Bravo!

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, nous ne cessons de parler des prisons. Il y a quelques années, alors que je commandais mon régiment, nous avons dû assurer la garde dans les prisons du Québec à cause d'une grève des gardiens de prison. Il y a presque eu une révolte parmi les soldats lorsqu'ils ont réalisé que les conditions de vie des prisonniers étaient meilleures que les leurs. Ils avaient davantage de privilèges et de liberté. Ils pouvaient faire bien des choses en prison.

Une voix : Ce devait être une prison construite par les libéraux.

Le sénateur Dallaire : Les prisons offraient et offrent toujours, selon moi, un cadre qui ne permet pas d'atteindre l'objectif visé. Les conservateurs veulent un pays sûr, mais ils emprisonnent les gens dans des institutions qui les rendent encore plus dangereux.

Dans l'armée, nous avons pu obtenir des résultats en matière de réadaptation parce que nous avons éliminé la prison. Nous n'en n'avons plus eu besoin parce que nous avons traité les contrevenants avec respect sans les jeter en prison.

Le sénateur Rompkey : Nous avons déjà abordé cette question. On ne peut guérir quelqu'un en prison — pas avec les services limités à notre disposition dans ce pays, particulièrement dans le Nord. C'est impossible. Toutefois, la guérison pourrait être effectuée au sein de la collectivité. Je ne connais pas bien le système judiciaire, mais je sais que, dans certains cas, la collectivité impose la peine et prend part au processus de guérison. Je ne devrais pas trop en parler parce que je ne suis pas vraiment au courant des détails.

Je ne pense pas que la guérison puisse être réalisée en prison dans une collectivité inuite éloignée où les gens parlent une langue différente et n'ont pas accès aux services.

Le sénateur Di Nino : Je me demande si mon collègue accepterait de répondre à une question. Le sénateur Dallaire a fait une observation. Je pense qu'il s'est mal exprimé, mais je voudrais qu'il clarifie ce qu'il a dit. Il s'est adressé aux sénateurs ce côté-ci du Sénat en disant : « Voilà ce qu'ils veulent. Ils veulent vivre en sécurité au pays. »

Voici ma question : voulez-vous vivre en sécurité au pays? Est-ce que les sénateurs d'en face veulent vivre en sécurité au pays?

Le sénateur Jaffer : Vous exagérez.

Le sénateur Di Nino : Répondez.

Le sénateur Rompkey : Oui, je veux vivre en sécurité au pays, mais je pense que, en ce moment, certaines personnes au pays ne se sentent pas en sécurité.

Le sénateur Cools : Je veux un pays juste.

Le sénateur Rompkey : Nous devons assurer la sécurité des gens.

Le sénateur Di Nino : Nous sommes tout à fait d'accord.

Son Honneur le Président : Poursuivons-nous le débat?

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je prends part au débat parce que je veux faire quelques observations au sujet des déclarations du sénateur Brazeau et du sénateur Patterson. Il s'agit de deux hommes remarquables. Ils ont beaucoup contribué à leur collectivité respective. Le sénateur Brazeau et l'ancien premier ministre et expert juridique des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, le sénateur Patterson, ont beaucoup contribué et ce sont des hommes d'envergure.

J'étais assis à côté du sénateur Watt au comité. Je peux peut-être faire un peu de lumière sur le déroulement des choses parce que moi non plus je ne voudrais pas soustraire des gens à un châtiment qui est imposé à tout le monde sans une bonne raison. Le sénateur Watt a posé une question sur les peuples autochtones à tous les témoins, sans exception, qui ont comparu devant le comité. Lorsqu'est venu le tour des agents de correction et des gens qui connaissaient la composition de la population carcérale canadienne, il leur a tous posé la même question : y a-t-il une augmentation du nombre d'Autochtones dans les prisons? C'était sa première question. Sa deuxième question était : est-ce que les Autochtones se voient imposer des peines d'emprisonnement plus longues que les autres? La réponse était invariablement « oui ». Statistique Canada a fourni les données au comité. La question a été posée aux fonctionnaires du Service correctionnel du Canada et le sénateur Watt a aussi demandé à tous les témoins pourquoi les Autochtones se font imposer des peines d'emprisonnement plus longues que les autres et pourquoi ils sont gardés en détention plus longtemps que les autres avant les procès.

Honorables sénateurs, c'est intéressant. Le sénateur Brazeau a dit « les juges et ainsi de suite », j'y reviendrai dans une seconde. C'est l'enquête que le sénateur Watt menait. Il savait que l'article 718 du Code criminel a été promulgué en 1995 pour essayer de corriger un déséquilibre dont le juge en chef de la Cour suprême du Canada a dit qu'il témoignait d'une discrimination systématique envers les Autochtones, dans le jugement qu'il a cité. Le Sénat a adopté la loi — je siégeais à la Chambre des communes à l'époque — permettant aux juges d'appliquer des peines substitutives et d'aider les Autochtones au lieu de les mettre en prison, parce que 60 p. 100 des détenus en Saskatchewan étaient Autochtones. Je répète, 60 p. 100.

Le sénateur Watt : C'est maintenant 83 p. 100.

Le sénateur Baker : C'est 80 p. 100 maintenant. Le sénateur Watt demandait pourquoi on constate cette augmentation, mais, plus important encore, pourquoi les Autochtones purgent-ils des peines de prison plus longues que qui que ce soit d'autre? N'est-ce pas vrai, sénateur Watt?

Le sénateur Watt : Si, c'est vrai.

Le sénateur Baker : Sans l'ombre d'un doute.

Le sénateur Comeau : Vous avez dirigé le témoin.

Le sénateur Baker : Tous les juristes qui ont témoigné au comité ont dit que ce projet de loi supprimera l'article 718 du Code criminel. Cet article était le seul espoir pour les Autochtones d'avoir accès à d'autres traitements. Ce projet de loi supprime l'article 718 du Code criminel pour les Autochtones. N'est-ce pas vrai, sénateur Watt?

Le sénateur Watt : C'est vrai.

(Le débat est suspendu.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : À l'ordre! Honorables sénateurs, dans quelques secondes, il sera 16 heures, et il est de mon devoir de procéder à l'ajournement.

Honorables sénateurs, le sénateur Comeau aimerait parler des comités qui doivent siéger le jour de notre prochaine séance.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demande, avec la permission du Sénat, de permettre aux comités de siéger lundi, même si le Sénat siège.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au lundi 14 décembre 2009, à 14 heures.)


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