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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 38

Le mercredi 7 décembre 2011
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 7 décembre 2011

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Graham W. Dennis, C.M.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, les Néo-Écossais se sont réunis hier à Halifax pour pleurer la mort de Graham W. Dennis, survenue le 1er décembre à l'âge de 84 ans. Pendant plus de 57 ans, M. Dennis fut l'unique propriétaire et éditeur du Chronicle Herald d'Halifax, le quotidien ayant le plus fort tirage du Canada atlantique et l'un des seuls journaux indépendants à fort tirage du Canada. Lui qui était éditeur se décrivait comme un humble vendeur de journaux. Il a déjà déclaré ceci :

Je ne suis pas écrivain, mais je crois savoir ce qu'est une nouvelle.

Graham Dennis a consacré toute sa carrière à son journal, dont il a défendu avec passion l'indépendance pour mieux défendre les intérêts de sa chère province, la Nouvelle-Écosse. On raconte que M. Dennis, dont le père et le grand-père étaient sénateurs, a refusé à trois reprises une nomination au Sénat par peur de compromettre l'indépendance de son journal, une indépendance que la longue et riche histoire des quotidiens de la Nouvelle-Écosse n'avait pas connue auparavant.

M. Dennis a acquis le quotidien au temps des télégraphes, des composeuses et des machines à écrire et l'a fait progresser au fil des années jusqu'à l'ère d'Internet.

Bien que son apport à la Nouvelle-Écosse ait été souvent reconnu publiquement — il a reçu l'Ordre du Canada, le prix pour activités humanitaires de la Croix-Rouge et des doctorats honorifiques de plusieurs universités et a été intronisé au Temple de la renommée de l'entreprise de la Nouvelle-Écosse —, on doit également lui rendre hommage pour ses innombrables gestes de bonté et de générosité qui n'étaient pas du domaine public. Au cours des dernières semaines, ses proches ont pu ainsi découvrir des gestes altruistes qui leur étaient encore inconnus.

Je sais, par expérience, qu'il s'intéressait à tous les projets visant à renforcer la position de la Nouvelle-Écosse. D'ordinaire, de tels projets suscitaient son soutien immédiat, généreux et souvent anonyme. Graham Dennis était un véritable gentleman. Derrière son formalisme raffiné se cachait un homme aimable, pince-sans-rire et espiègle qui impressionnait tous les gens qui avaient affaire à lui, que ce soit dans le cadre de son travail ou dans la collectivité.

Il y a 10 ans, son projet de remettre les rênes du journal à la quatrième génération de propriétaires a été anéanti par le décès soudain de son fils William, alors âgé de 30 ans — qui était probablement le meilleur ami de mon propre fils., Malgré ce revers, il était fier d'avoir pu perpétuer la tradition en remettant les rênes à sa fille, Sarah, qui a accédé au poste de présidente et chef de la direction en 2009.

À la fin de sa carrière, qui fut longue et productive, il restait convaincu, comme moi, que le meilleur pour notre province reste à venir.

Honorables sénateurs, la Nouvelle-Écosse doit beaucoup à cet homme remarquable. Je suis certain que les Néo-Écossais se joignent à moi pour offrir nos plus sincères condoléances à sa femme, Gay, à ses filles, Heather et Sarah, ainsi qu'à ses petits-enfants.

Le très honorable Brian Mulroney, C.P., C.C.

Félicitations à l'occasion de la remise du Grand Cordon de l'Ordre du Soleil levant du Japon

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, lundi, j'ai eu le plaisir d'assister à une cérémonie à la résidence de l'ambassadeur du Japon. Le but de l'événement était de décorer le très honorable Brian Mulroney du Grand Cordon de l'Ordre du Soleil levant. Il s'agit de l'une des plus hautes décorations que le Japon décerne aux étrangers. L'Ordre du Soleil levant compte neuf classes de décorations; le très honorable Brian Mulroney a reçu la décoration de première classe.

L'Ordre du Soleil levant a été créé en 1875 par l'empereur Meiji. C'est la première décoration nationale décernée par le gouvernement du Japon. Lee Kuan Yew, ancien premier ministre de Singapour, et Malcolm Fraser, ancien premier ministre de l'Australie, figurent parmi les récipiendaires précédents. Lorsqu'il a décerné cet ordre à M. Mulroney, l'ambassadeur Ishikawa a déclaré ce qui suit :

Durant son mandat comme premier ministre, le très honorable Brian Mulroney a, entre autres, travaillé sans relâche pour consolider et renforcer les relations bilatérales entre le Japon et le Canada . Il a notamment pris la décision courageuse de s'excuser, au nom du gouvernement du Canada, et de fermer un chapitre de l'histoire du Canada qui a touché, il y a sept décennies, des dizaines de milliers de Canadiens d'origine japonaise.

L'ambassadeur faisait évidemment allusion au déplacement et à l'internement de quelque 22 000 Canadiens d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. Grâce à la détermination de M. Mulroney, une convention appelée Entente de redressement a été signée pour que les Canadiens d'origine japonaise recouvrent leur honneur et obtiennent réparation.

Le 22 septembre 1988, M. Mulroney a prononcé à la Chambre des communes une allocution soulignant la signature de cette entente. Le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique, qui formaient l'opposition, souscrivaient entièrement à cette décision qu'ils ont qualifiée d'historique. M. Mulroney a déclaré ce jour-là à la Chambre :

Je sais que je parle au nom de tous les députés en présentant aux Canadiens d'origine japonaise les excuses officielles et sincères du Parlement pour les injustices qui ont été commises dans le passé envers eux, leurs familles et leurs descendants, et en promettant solennellement aux Canadiens de toutes origines que pareilles injustices ne seront plus tolérées et ne se reproduiront plus jamais.

L'Entente de redressement offrait aux Japonais touchés par la déplorable politique appliquée alors le versement d'une somme de 21 000 $ à tous les évacués survivants, l'élimination des casiers judiciaires de tous les Japonais qui ont violé la Loi sur les mesures de guerre en refusant d'aller dans les camps, le rétablissement de la citoyenneté des Japonais « rapatriés », la création d'un fonds communautaire de 12 millions de dollars et l'affectation de 24 millions de dollars à l'établissement de la Fondation canadienne des relations raciales.

Par cette mesure historique, l'ex-premier ministre Mulroney ouvrait la voie à de meilleures relations entre le Canada et le Japon et effaçait la tache qui assombrissait les relations entre les deux pays depuis plus de 40 ans.

(1340)

M. Mulroney a, par la suite, conclu plusieurs accords qui ont renforcé le partenariat entre les deux pays, y compris l'Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Japon sur la coopération scientifique et technologique, l'Accord Canada-Japon sur les vacances-travail et le Forum 2000 Canada-Japon. Compte tenu des efforts inlassables qu'il a déployés à cet égard, l'empereur du Japon a décidé de lui accorder l'une des plus hautes distinctions du Japon.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter M. Mulroney, qui mérite tout à fait la distinction prestigieuse qui lui a été décernée.

Projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je déplore le fait que le projet de loi S-2 ait franchi l'étape de la troisième lecture dans cette enceinte, la semaine dernière, sans grand débat. Je m'attendais à pouvoir participer au débat cette semaine. Même si le projet de loi S-2 comporte d'excellentes dispositions visant à aider les femmes autochtones après une rupture conjugale, il comporte aussi une pilule empoisonnée.

Pendant l'étude du projet de loi S-4, le prédécesseur du projet de loi S-2, de nombreux témoins ont déclaré qu'il viole sans raison les droits des Premières nations.

On trouve cette pilule empoisonnée à l'article 20 de la mesure législative. Les dispositions de l'article 20 violent les droits à une terre de réserve des Premières nations. Selon la Loi sur les Indiens, les terres de réserve sont censées être des terres réservées à l'usage collectif des Indiens inscrits, mais dans l'article 20 de la mesure législative, une personne qui n'est ni un Indien inscrit, ni un membre de la bande peut obtenir le droit exclusif d'occuper le foyer familial et la terre où il est situé.

Pendant l'étude du projet de loi au Comité des droits de la personne, il est clairement ressorti des réponses fournies par le ministre Duncan à la suite de mes questions qu'il ne savait pas que l'article 20 pourrait faire en sorte que des personnes qui ne sont pas des Indiens inscrits obtiennent le droit exclusif d'occuper le foyer familial et la terre où il est situé.

Ses fonctionnaires, M. Karl Jacques, des Services juridiques, et Mme Line Paré, qui est directrice générale au ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien, ne savaient pas que le projet de loi pourrait faire en sorte que des personnes qui ne sont pas des Indiens obtiennent le droit exclusif d'occuper le foyer familial et la terre où il est situé. Il est clair qu'ils se méprenaient au sujet des dispositions de la mesure législative. Il est clair qu'ils ne connaissaient pas le libellé de l'article 20. Comment pouvons-nous alors croire le ministre Duncan, qui a déclaré que, en ce qui concerne le projet de loi S-2, il est tout à fait faux de dire que des personnes qui ne sont pas des Indiens pourraient obtenir le droit d'occuper une terre de réserve, alors qu'il ne connaît même pas le contenu du projet de loi?

Honorables sénateurs, le gouvernement soutient que ce projet de loi est nécessaire pour protéger les femmes autochtones qui vivent dans les réserves contre la violence familiale. Or, le Cercle national autochtone contre la violence familiale ne croit pas que ce projet de loi devrait être adopté. Qui plus est, comme je l'ai dit dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, le représentant du ministre a fait savoir très clairement qu'il n'était pas nécessaire de porter atteinte aux droits des Premières nations pour pouvoir protéger les femmes autochtones maltraitées et leurs enfants qui vivent dans les réserves.

Il est possible de protéger les droits des membres des bandes des Premières nations à l'égard de leurs terres, tout en permettant aux personnes qui ne sont pas membres de ces bandes et aux non-Indiens d'avoir le droit exclusif d'occuper leurs foyers familiaux dans les réserves en prévoyant des dispositions qui stipulent très clairement qu'ils ne peuvent pas détenir le titre de propriété des terres. Par exemple, la bande indienne de Lac La Ronge fait signer aux personnes qui ne sont pas membres de la bande et aux non-Indiens une déclaration de non-intérêt avant d'autoriser la location de terres situées dans la réserve. Il ne s'agit là que d'un exemple.

Honorables sénateurs, on pourrait conclure que, sous prétexte de vouloir protéger les femmes et les enfants autochtones maltraités, le régime Harper fait adopter à toute vapeur le projet de loi S-2, lequel contient une pilule empoisonnée qui permettra à des non-Indiens de diviser des terres situées dans les réserves sans le consentement de leurs propriétaires légitimes, c'est-à-dire les membres des Premières nations eux-mêmes.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de donner la parole au sénateur Patterson, je vous signale la présence à la tribune de M. William Vandekerkhove et de M. Luke Vandekerkhove, deux distingués citoyens de la Colombie-Britannique, qui sont les invités de notre collègue, le sénateur St. Germain.

Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.

L'industrie de la chasse au phoque de l'Atlantique

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans étudie l'industrie de la chasse au phoque, et plus particulièrement la situation du phoque gris dans le Canada atlantique. Nous venons d'entreprendre notre étude, et je ne souhaite pas préjuger de ses conclusions, mais permettez-moi de vous dire que nous avons appris plusieurs faits intéressants.

Les phoques gris adultes mangent deux tonnes de poisson par année. À l'heure actuelle, on en dénombre environ 400 000 dans la région de l'Atlantique. Les chasseurs nous disent que les phoques gris ne mangent pas le poisson en entier; souvent, ils ne prennent qu'une bouchée dans la partie la plus tendre, puis ils laissent le poisson mourir. Bien que la surpêche soit responsable du déclin de nos stocks de morue de l'Atlantique, la pêche commerciale est interdite depuis 1993. On se rend compte maintenant que les phoques sont en train d'éliminer les stocks restants de morue et que, si nous ne faisons rien pour remédier ce problème, ils vont se mettre à manger d'autres espèces commerciales de poissons, de mollusques et de crustacés une fois qu'il n'y aura plus de morue.

Depuis le début de notre étude, nous sommes inondés de courriels injurieux qui nous arrivent du monde entier. Les signataires sont des gens qui croient, à tort, que la chasse au phoque pratiquée au Canada est cruelle et inhumaine. Ces gens menacent de ne jamais visiter notre pays et disent que la chasse au phoque est un motif de honte pour le Canada.

Armés de permis accordés par notre ministère des Pêches et des Océans, ces gens viennent filmer les chasseurs de phoque et utilisent leurs films pour collecter des fonds, ce qui leur permet de s'accorder un bon salaire et de faire campagne contre la chasse au phoque. Les pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine nous ont dit que quatre groupes militant contre la chasse au phoque ont recueilli 250 millions de dollars pour faire campagne contre cette chasse au Canada. Ils ont persuadé le Parlement européen d'interdire la vente de produits du phoque en Europe en se fondant sur ces mensonges.

La vérité, c'est que les chasseurs canadiens savent chasser et qu'ils tuent les phoques rapidement, sans les faire souffrir. Ils appliquent une procédure en trois étapes qui garantit que, avant que le phoque soit dépouillé de sa fourrure, il a été prestement assommé et saigné et qu'il n'a plus d'activité cérébrale. Les opposants à la chasse au phoque diffusent des mensonges en affirmant que nous tuons encore les blanchons — alors que cette chasse a été abolie en 1987 — et que les phoques sont écorchés vifs. Ils recueillent de l'argent dans le monde entier en profitant de la crédulité et de l'ignorance des gens afin de pouvoir dénoncer notre chasse. Ce faisant, ils font du tort aux Inuits et à leur économie fondée sur les ressources renouvelables.

Nous avons aussi appris que cinq pays européens sont autorisés à tuer le phoque gris parce que cet animal détruit leurs stocks de poisson, comme il le fait aussi dans les eaux canadiennes. En fait, ces même pays qui ont interdit l'importation en Europe des produits canadiens du phoque tuent des millions de rats musqués et d'écureuils gris. Ils en gaspillent la viande et la fourrure. Pour eux, ces animaux sont de la vermine qu'il faut exterminer. Nous ne faisons rien de tel au Canada.

Dans nos eaux, le phoque gris est chassé au moyen de méthodes humaines et efficaces en tant que précieuse source de protéines, d'huile à haute teneur en oméga-3 ainsi que de cuirs et de fourrures magnifiques et de qualité. Au cours des prochaines années, on pourra aussi en tirer des produits médicaux comme des valvules cardiaques. Bien que les phoques mangent des tonnes de nos précieux stocks de poisson, qui sont par ailleurs menacés, je ne crois pas qu'on doive abattre ces animaux en pure perte. Les phoques ne sont pas de la vermine, mais bien une ressource précieuse qui n'a pas été reconnue à sa juste valeur. Si on capitule devant ces groupes d'opposants, les phoques ne nous rapporteront plus rien et il nous faudra en plus débourser pour les gérer.

Je suis fier que le gouvernement appuie les chasseurs de phoque du Canada, mais je crois que nous devons élargir cet appui en en faisant davantage pour sensibiliser le monde au fait que nous pratiquons une chasse humaine et durable et que nous sommes capables de gérer nos ressources renouvelables de façon responsable et de permettre aux chasseurs de phoque canadiens d'exploiter ces ressources exceptionnelles afin que nous puissions les mettre à profit pour assurer la sécurité alimentaire mondiale.

Nous devons gérer cette abondante ressource renouvelable de façon responsable, respectueuse et non cruelle, et non la gaspiller.

Projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux

L'honorable Sandra M. Lovelace Nicholas : Honorables sénateurs, en tant que femme autochtone qui a vécu un divorce et subi la violence conjugale et qui vit dans une réserve, je crois que le projet de loi S-2 comporte des lacunes, qui, selon moi, doivent vous être signalées. En raison de la vitesse à laquelle le projet de loi a franchi l'étape de la troisième lecture, je n'ai cependant pas eu l'occasion de formuler mes observations à ce moment-là.

Il existe des considérations pratiques qui font en sorte que l'article 20 sera inapplicable. Si un époux ou un conjoint qui n'est pas membre de la bande ni autochtone se voit octroyer par un tribunal le droit d'occuper le foyer familial, il aura aussi droit aux services fournis à la bande, comme l'éducation et les soins de santé. S'il n'est pas membre de la bande, est-ce que cela ne crée pas de nouveaux droits pour les non-membres?

(1350)

Affaires autochtones est-il tenu d'offrir les services destinés à la bande à des personnes qui n'en sont pas membres ou à des non-Autochtones qui se sont vu octroyer le droit exclusif d'occuper le foyer familial? Lorsqu'un époux ou un conjoint non autochtone et non membre a des enfants qui ne font pas partie de la bande, ceux-ci pourraient-ils fréquenter l'école de la bande dans la réserve où se trouve le foyer familial?

Si l'époux ou le conjoint se voit octroyer le droit exclusif d'occuper le foyer familial en vertu de l'article 20, est-il réellement souhaitable que ses enfants qui ne sont pas membres de la bande vivent dans la réserve s'ils ne sont pas autorisés à y fréquenter l'école et ne peuvent pas participer aux activités culturelles de la bande, comme les camps, les activités sportives, etc.? Ces enfants ne pourront pas se familiariser avec la culture des Premières nations ou pleinement s'intégrer au groupe des enfants de la bande à cause de la façon dont les bandes sont gérées et financées.

Honorables sénateurs, ce projet de loi aura des répercussions sur la vie courante dans les réserves. Il créera des divisions qui nuiront plutôt que de contribuer au bien-être des enfants qui ne font pas partie de la bande mais qui vivent dans la réserve.


AFFAIRES COURANTES

L'étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis

Dépôt du troisième rapport du Comité des peuples autochtones

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, un rapport provisoire intitulé La réforme de l'éducation chez les Premières nations : de la crise à l'espoir.

(Sur la motion du sénateur St. Germain, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Avis de motion tendant à exhorter le gouvernement du Canada à respecter l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à respecter l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé, lequel prévoit qu'il ne peut être déposé au Parlement, à l'initiative du ministre, aucun projet de loi ayant pour effet, soit de soustraire quelque type, catégorie ou grade de blé ou d'orge, ou le blé ou l'orge produit dans telle région du Canada, à l'application de la partie IV, que ce soit totalement ou partiellement, de façon générale ou pour une période déterminée, soit d'étendre l'application des parties III et IV, ou de l'une d'elles, à un autre grain, à moins que les conditions suivantes soient réunies :

a) il a consulté le conseil au sujet de la mesure;

b) les producteurs de ce grain ont voté — suivant les modalités fixées par le ministre — en faveur de la mesure.

Les droits de la personne en Iran

Avis d'interpellation

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je donne avis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les atteintes flagrantes aux droits de la personne en Iran, en particulier l'utilisation de la torture et le traitement cruel et inhumain des prisonniers politiques incarcérés illégalement.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

Les droits de la personne au Nigeria

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le Canada fournit au Nigeria une aide qui équivaut à des millions de dollars, alors que le Sénat nigérien a récemment approuvé un projet de loi extrêmement homophobe prévoyant des peines de prison pouvant aller jusqu'à 14 ans pour les personnes de même sexe qui s'unissent par les liens du mariage et des peines pouvant aller jusqu'à 10 ans pour toute personne qui est témoin d'une telle union. Ce projet de loi démontre un mépris total des droits fondamentaux de la personne. Le premier ministre britannique, David Cameron, a récemment menacé de couper l'aide que son pays fournit au Nigeria si ce projet de loi passait l'étape de la Chambre basse des représentants et qu'il était adopté.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si, oui ou non, le ministre fédéral des Finances entend couper l'aide au Nigeria afin de faire savoir que le Canada valorise la dignité de tous, particulièrement des hommes et des femmes homosexuels?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur de sa question. Comme le savent les sénateurs, le Canada promeut constamment la nécessité de respecter tous les droits humains fondamentaux. Les événements récents au Nigeria sont extrêmement troublants. Ils témoignent d'une aggravation de lois haineuses qui existaient déjà. Le gouvernement a demandé au gouvernement du Nigeria, et à tous les gouvernements, d'ailleurs, de protéger tous leurs citoyens, peu importe leur orientation sexuelle. Par l'intermédiaire du Commonwealth et d'autres tribunes, nous dénoncerons les lois comme celles dont nous parlons ici afin d'obtenir qu'elles soient modifiées.

Le sénateur Cody : Le leader a raison. Le ministre Baird a déclaré que le Nigeria devait assurer l'égalité des droits fondamentaux à tous ses citoyens et il a également déclaré que ce pays devait protéger tous les Nigérians, peu importe leur orientation sexuelle. Il a déclaré que le Canada continuerait, comme l'a dit le leader, de faire valoir ce point de vue avec force par l'intermédiaire du Commonwealth et d'autres tribunes. J'espère que tous les sénateurs appuient les déclarations du ministre Baird.

Le leader pourrait peut-être nous expliquer comment ces déclarations musclées garantiront l'égalité des droits à tous les Nigérians. Nous pouvons tous dire que nous parlerons en termes non équivoques, ou dire ceci ou cela. Je suis curieuse de savoir comment nous exercerons suffisamment de pression sur le Nigeria pour l'amener à ne pas présenter le projet de loi à sa Chambre des représentants et à s'assurer qu'il ne sera jamais adopté. Je me demande si le leader peut nous expliquer quels moyens seront mis en œuvre plutôt que de faire de simples déclarations. Quel langage musclé pouvons-nous utiliser?

En deuxième lieu, est-ce que le Canada suivra l'exemple du premier ministre Cameron, du Royaume-Uni? En 2009-2010, le Canada a fourni plus de 49 millions de dollars au Nigeria en vertu d'accords d'assistance bilatérale et multilatérale. Suivre l'exemple du premier ministre Cameron aiderait certainement à garantir que les citoyens du Nigeria bénéficient de droits de la personne fondamentaux si nous laissions entendre que notre assistance pourrait bien ne plus être versée au gouvernement du Nigeria.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je prendrai note de cette question et je vérifierai quelles sont exactement les prochaines étapes. Je crois que le gouvernement du Canada, tant le gouvernement actuel que le gouvernement précédent, ont très bien su agir contre les pays où les populations vivent sous des régimes oppressifs. Je prends note de la question du sénateur afin de vérifier quelles seront exactement les prochaines étapes.

(1400)

Les anciens combattants

Le versement de prestations de décès

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, La Presse Canadienne nous a appris qu'un tribunal des droits de la personne a soudainement rejeté une plainte déposée par la famille d'un soldat décédé après que le ministère des Anciens Combattants eut décidé de reconnaître la petite amie du caporal Matthew Dinning comme sa conjointe de fait, la rendant ainsi admissible à la prestation de décès de 250 000 $.

La plainte portait sur la discrimination dont sont victimes les familles de soldats qui étaient célibataires au moment de leur décès. En effet, ces familles ne sont pas admissibles à la prestation de décès. Seuls les conjoints de soldats qui meurent au combat peuvent la recevoir. Il y a beaucoup de personnes qui soupçonnent que le ministère des Anciens Combattants a pris cette décision afin de pouvoir rejeter les plaintes similaires de quatre autres familles dont les fils étaient célibataires quand ils ont été tués au combat. On s'attend à ce que d'autres familles déposent des plaintes similaires.

Beverley Skalrud, la mère du soldat décédé, Braun Scott Woodfield, a déposé une plainte devant le tribunal des droits de la personne contre cette pratique discriminatoire pour des raisons d'équité et de justice. Quand elle a parlé aux journalistes, elle a demandé si la vie de son fils valait moins que celle d'un soldat marié. C'est l'impression que cette pratique, mise en place par le gouvernement en 2006, lui donnait, et c'est la même impression qu'elle me donne. La douleur de Mme Skalrud est-elle moindre? S'ennuie-t-elle moins de son fils que les parents de soldats mariés? Bien sûr que non.

Étant donné la discrimination qui a cours dans l'application de cette politique, le gouvernement épargnera-t-il à ces familles en deuil le stress additionnel de devoir porter plainte devant le tribunal des droits de la personne en s'engageant aujourd'hui à verser des prestations de décès dans le cas de tous les soldats, et pas seulement de ceux qui étaient mariés?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de la question. Je connais la famille Dinning, et je connaissais très bien la mère de Matthew Dinning. Nous déplorons la mort de chaque soldat qui sert notre pays. J'ai lu dans les journaux les commentaires des familles des soldats célibataires. Je prends note de cette question, et j'obtiendrai une réponse précise du ministère des Anciens Combattants.

Le sénateur Moore : Merci. Dans la décision du tribunal, qui a ainsi mis fin à la discrimination présumée, le directeur des communications de la commission a affirmé ce qui suit :

La question est importante et elle n'a pas encore été étudiée. Le droit de toucher ces prestations dans de tels cas reste à examiner.

Certes, le montant est plus élevé qu'avant; toutefois, sous l'ancien système, l'argent allait au conjoint ou à un autre bénéficiaire désigné par le soldat. En l'absence d'un bénéficiaire, le montant allait à la succession. Je répète donc ma question au leader : pourquoi le gouvernement a-t-il fait des pieds et des mains pour changer cette pratique et rendre l'application de la nouvelle pratique discriminatoire? J'attends la réponse du leader, car, en toute justice, il faudrait remédier à ce problème. Un soldat est un soldat. J'ose espérer que le ministre et le gouvernement se pencheront sur cette affaire et prendront les mesures qui s'imposent.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, depuis notre arrivée au pouvoir, le ministère des Anciens Combattants travaille très fort sur plusieurs dossiers afin d'améliorer la façon dont sont traités nos anciens combattants. Une nouvelle génération d'anciens combattants rentre d'Afghanistan. Toutefois, honorables sénateurs, lorsque je soumettrai la question au ministère des Anciens Combattants, je transmettrai assurément l'observation du sénateur : « Un soldat est un soldat. »

[Français]

La sécurité publique

Le Registre canadien des armes à feu

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, hier, nous avons souligné le triste anniversaire du meurtre de 14 jeunes étudiantes, en 1989, à l'École Polytechnique de Montréal. Le registre des armes à feu, un produit de cet événement tragique, mobilise le support de policiers, de professionnels de la santé et de diverses associations de victimes et de protection des droits des femmes. À la suite de la Journée de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes, pourquoi le gouvernement refuse-t-il de donner aux policiers tous les outils nécessaires afin de permettre la prévention d'autres événements tragiques similaires, comme l'a réclamé par l'Association canadienne des chefs de police?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, les événements tragiques du 6 décembre 1989 sont gravés dans notre mémoire collective. Je me souviens bien de ce que je faisais et de l'endroit où j'étais ce jour-là : je travaillais au cabinet du premier ministre Mulroney, et la journée était glaciale. Tout le monde était horrifié par les gestes posés par M. Lépine contre les étudiantes de l'École Polytechnique. Deux ans après cet événement, j'étais au cabinet de M. Mulroney lorsque le 6 décembre fut promulgué Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes.

La ministre de la Condition féminine, Rona Ambrose, fait un travail énorme dans le dossier de la violence envers les femmes et a augmenté de façon substantielle le financement destiné à la lutte contre ce terrible fléau. Lorsque le Sénat a adopté le projet de loi sur le registre des armes à feu, au milieu des années 1990, j'ai déclaré publiquement qu'il vaudrait mieux que l'argent que l'on comptait dépenser pour tenir ce registre serve à financer les mesures de sécurité à la frontière et les refuges pour femmes violentées. Je l'ai dit publiquement.

Le registre des armes d'épaule, qui vise les chasseurs de canard, les agriculteurs et les collectionneurs d'articles de sport, s'est avéré inutile. Le Sénat va bientôt être saisi d'un projet de loi qui abolira le registre des armes d'épaule. Lors d'une entrevue que j'ai accordée plus tôt dans la journée, j'ai indiqué que le véritable problème, ce sont les armes à feu illégales qui traversent nos frontières. J'ai également fait valoir que notre pays est doté de lois très rigoureuses à l'égard du contrôle des armes à feu. On ne peut pas simplement acheter une arme à feu et l'emporter. Quel que soit le type d'arme à feu choisi, les gens doivent obtenir un permis d'acquisition d'arme à feu, et la police doit vérifier leurs antécédents judiciaires. Le registre n'a aucune influence sur ces lois rigoureuses.

Honorables sénateurs, comme je l'ai répété à plusieurs reprises, j'ai été élevée dans une ferme où nous avions des fusils de chasse et des carabines. Mon père était un citoyen honnête et respectueux des lois, et je n'aurais pas aimé qu'on le considère comme un criminel pour ne pas avoir enregistré une carabine ou un fusil de chasse.

[Français]

Le sénateur Tardif : Madame le leader, pourquoi refusez-vous de reconnaître le mérite de préserver d'au moins les données déjà prélevées par le registre des armes à feu dans le but de prévenir d'autres événements tragiques comme celui que nous avons commémoré hier?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, les armes utilisées lors des événements tragiques survenus à Montréal, le 6 décembre 1989, étaient des armes semi-automatiques équipées d'un chargeur à grande capacité. Les armes à feu de ce genre ne sont pas inscrites dans le registre des armes d'épaule. Ce sont plutôt les armes que possèdent les chasseurs, les agriculteurs et les collectionneurs qui y sont enregistrées. Comme il y a eu un moratoire sur l'enregistrement des armes d'épaule, les données du registre sont inexactes et incomplètes. Nous avons, à plusieurs reprises, fait la promesse d'abolir le registre des armes d'épaule. En fait, une partie du registre ne contient qu'une liste de noms.

(1410)

Je le répète : les données sont inexactes et incomplètes. Comme je l'ai souligné à plusieurs reprises dans cette enceinte, je connais beaucoup d'agents de police, et aucun d'entre eux n'entre quelque part sans envisager la possibilité que les gens qui se trouvent à l'intérieur soient armés. Ils n'ont pas besoin d'un registre des armes d'épaule pour cela.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : J'aurais une question complémentaire à poser. Comment madame le leader du gouvernement peut-elle oublier que, selon les statistiques, 400 vies, chaque année, sont sauvées grâce au registre des armes à feu? Le fait est que le nombre de crimes commis par armes à feu considérées légales et enregistrées a diminué, et ce registre peut faire la différence lors d'une intervention des policiers.

Madame le leader peut-elle nous expliquer pourquoi la vie de 400 Canadiens ne pèserait pas dans la balance, alors qu'il est évident que sauver une seule vie grâce au registre des armes à feu ferait la différence?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, ces chiffres ne s'appuient sur aucune statistique. En ce qui concerne le registre des armes à feu — et j'ai entendu mentionner que ce n'est qu'un élément d'une base de données —, le fait est que les policiers de première ligne — et nous en comptons plusieurs au sein de notre caucus — ont affirmé que leurs collègues et eux, lorsqu'ils étaient encore policiers, n'entraient nulle part sans présumer que des personnes armées les attendaient de l'autre côté de la porte. Le registre, avec toutes ses lacunes, n'aurait pas fourni ce renseignement. D'instinct, spontanément, les policiers présument toujours qu'ils feront face à une arme à feu.

Je sais qu'il est dans l'intérêt de certaines personnes de compliquer les lois canadiennes très strictes sur les armes à feu. Ces lois sont strictes et elles ont toutes été proposées par des gouvernements conservateurs. Il est impossible d'acquérir une arme à feu au pays sans d'abord demander une autorisation d'acquisition d'armes à feu et être l'objet d'une vérification policière.

Il y a longtemps, un de nos collègues, le sénateur Ron Ghitter, a expliqué au Sénat le processus long et fastidieux qu'il est nécessaire de suivre pour obtenir une arme à feu. Je recommande aux sénateurs d'aller consulter les archives du Sénat pour s'informer.

Quand on affirme que 400 vies ont été sauvées grâce au registre des armes à feu, cela ne repose sur aucun fait. Le vrai danger, ce sont les armes illégales qui entrent au pays en contrebande dans le cadre du commerce des armes à feu et de la drogue. C'est cela, le vrai danger pour notre société, et c'est pourquoi nous devons renforcer nos lois, comme nous proposons de le faire dans le projet de loi C-10, que nous étudions actuellement.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Madame le ministre n'a pas répondu à ma question. Même si je sais que cela ne fait pas partie de son vocabulaire, on parle ici de prévention, et éviter de mettre des armes à feu entre les mains de gens qui auraient de mauvaises intentions.

Une personne y réfléchirait à deux fois avant de prendre un couteau et de partir à la poursuite de quelqu’un qui a un fusil, d’autant que ce dernier pourrait souffrir de troubles mentaux.

Je reviens à l'incident de Concordia, auquel j'ai été mêlée, où une personne qui avait été incarcérée pendant plusieurs années avait reçu un permis de possession d'arme. Dans ce cas, la loi n'avait pas été respectée puisque plusieurs personnes auraient pu intervenir pour l'empêcher d'obtenir une arme à feu.

Il ne faut pas oublier le cas du Collège Dawson. Je ne comprends pas la réaction du gouvernement en place vis-à-vis des inquiétudes de tous les Québécois — pas seulement les sénateurs, mais la population entière — qui s'inquiètent de cette décision. Nous ne connaissons pas encore la logique de cette décision.

On a souvent parlé de coûts. Ceux qui connaissent bien l’administration de cette loi pourront confirmer que ce sont les enquêtes policières qui sont les plus onéreuses, et non l’informatisation des données liées aux acquéreurs des armes à feu. Ce n’est donc pas une question de coûts.

Ce dont nous parlons, c'est de prévention. Je rappelle un incident qui s'est produit dans la province originaire du premier ministre, lorsque quatre officiers de la GRC ont été abattus par une personne détenant une arme à feu. La fin de semaine dernière, deux autres policiers de la GRC ont été attaqués.

L'Association canadienne des policiers, ainsi que toutes les autres associations de policiers, ont supplié de garder le registre tel qu'il est. Ce n'est donc pas en abolissant ce registre qu'on aidera les corps policiers à s'assurer que les gens souffrant de problèmes mentaux ou ceux qui veulent se venger ne puissent acquérir une arme à feu.

J'aimerais donc que madame le leader m'explique le raisonnement qui a mené à cette décision, alors que le lobby des armes à feu, qui mène le bal du côté des Américains, est en train de s'implanter au Canada par l'intermédiaire de ce projet de loi.

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : L'imagination débridée du sénateur lui nuit parfois. Même si nous le souhaitions vraiment, aucune loi n'empêchera jamais une personne folle de s'en prendre aux autres ou à elle-même. Aucune loi au monde ne peut prévenir ce genre de situation.

Le Canada possède des lois très sévères en ce qui concerne les armes à feu à autorisation restreinte, qui doivent être enregistrées.

Le registre des armes d'épaule n'aurait pas empêché les tragédies qui sont survenues. En fait, si madame le sénateur soutient — je ne suis d'ailleurs pas certaine de l'exactitude des faits qu'elle a présentés — que ces gens s'étaient inscrits au registre des armes d'épaule , on constate que celui-ci s'est révélé fort utile, n'est-ce pas?

Ce registre coûtait très cher et ne s'est pas révélé efficace en pratique. Il ciblait des citoyens respectueux de la loi qui n'avaient rien à se reprocher plutôt que les criminels qui font entrer des armes en contrebande au Canada. Évidemment, l'information n'est pas nécessairement très fiable, mais il aurait été beaucoup plus utile d'appliquer à la sécurité de la frontière les 2 milliards de dollars dépensés au titre de ce registre pour empêcher des armes illégales et de la drogue d'entrer au Canada. Nous aurions également pu financer de nombreux programmes de lutte contre la violence familiale.

L'agriculture et l'agroalimentaire

La Commission canadienne du blé

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a quelques minutes, un juge de la Cour fédérale a statué que le gouvernement a enfreint la Loi sur la Commission canadienne du blé en présentant une mesure législative sans tenir préalablement de plébiscite, tel que prescrit en vertu de l'article 47 de cette même loi.

Madame le ministre conviendra-t-elle qu'il serait approprié de suspendre les audiences du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts jusqu'à ce que cette question, qui fait actuellement l'objet d'une décision judiciaire, soit réglée? Je présume que le gouvernement voudra en appeler de la décision du juge, mais ne conviendrait-il pas d'interrompre le processus législatif jusqu'à ce que cette affaire soit réglée de façon définitive?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Non, ce ne serait pas approprié, honorables sénateurs. Le Parlement a le droit d'adopter de nouvelles lois et d'en modifier d'autres. Nous sommes déçus de la décision de la Cour fédérale et le sénateur a vu juste; nous allons effectivement interjeter appel.

La Commission du blé veut utiliser les tribunaux pour retarder la mise en œuvre du libre choix en matière de commercialisation, mais nous ne partageons pas ce point de vue. Nous maintiendrons le cap afin de faire adopter une mesure législative donnant aux agriculteurs canadiens le libre choix à cet égard. Ces derniers pourront ainsi choisir la formule qui leur convient pour la mise en marché de leurs produits. Évidemment, ils ont aussi le choix de faire appel aux services de la Commission canadienne du blé.

(1420)

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, nous sommes nombreux à avoir pratiqué le droit et à avoir déjà perdu des causes. Nos clients sont déçus lorsqu'ils perdent, mais ils respectent la décision. Ils ont le droit de faire appel, mais, entre-temps, ils ne peuvent pas invoquer leur déception pour faire abstraction du jugement comme si de rien n'était.

Je n'ose croire que le gouvernement puisse se placer au-dessus de la loi. Nos tribunaux ont pour fonction d'interpréter les lois que nous adoptons. Si vous pensez que le tribunal s'est trompé, vous avez le droit de faire appel comme n'importe quel autre citoyen. Madame le leader n'est certainement pas en train de dire que le gouvernement a un droit que n'ont pas les citoyens ordinaires et qui le place au-dessus d'eux, n'est-ce pas?

Le sénateur LeBreton : Le débat sur les droits du Parlement par rapport aux droits des tribunaux ne date pas d'hier. Dans ce cas, le tribunal s'est prononcé sur un projet de loi qui n'a même pas encore été adopté par le Parlement.

En fait, le gouvernement et tous les parlements ont le droit de légiférer. Si ce n'était pas le cas, les lois seraient encore telles qu'elles ont été adoptées il y a de nombreuses années. Elles n'auraient pas été modifiées au fil des ans, malgré les changements qui se sont produits dans la réalité. La raison d'être des projets de loi que nous étudions est justement de changer les lois et d'en adopter de nouvelles. Dans ce cas, le gouvernement croit que le Parlement a parfaitement le droit de présenter ce projet de loi, qui est étudié actuellement par le Sénat, plus précisément par un comité. Puisque nous formons un gouvernement dûment élu et que nous avons le pouvoir de légiférer, nous pensons avoir le droit de présenter un projet de loi que nous avons promis à plusieurs reprises aux producteurs de blé canadiens.

Le sénateur Cowan : Vous avez également promis de respecter la démocratie et de permettre aux agriculteurs de voter, mais vous ne l'avez pas fait. C'est précisément là que le bât blesse.

Conformément à la loi actuelle, le tribunal a indiqué que, avant de présenter un projet de loi, vous devez tenir un vote parmi les agriculteurs. Je réponds au leader que le gouvernement a parfaitement le droit de présenter un projet de loi pour changer l'article de la loi qui prévoit cette obligation, mais il ne l'a pas fait. Il a choisi d'ignorer cet article et de présenter un projet de loi qui y contrevient.

Madame le leader respecte-t-elle les décisions des tribunaux, oui ou non?

Le sénateur LeBreton : En l'occurrence, je pense que nous avons très clairement affirmé que nous sommes déçus de la décision du juge de la Cour fédérale. Le gouvernement interjettera bien évidemment appel de la décision. Dans l'intérim, il estime avoir le droit de maintenir ses efforts en vue de faire adopter la mesure législative que nous avons promise. Celle-ci a déjà été adoptée par une des Chambres du Parlement. Le Sénat en est maintenant saisi, et nous espérons qu'il l'adoptera avant que nous n'ajournions pour le congé de Noël. Soit dit en passant, j'ai cru comprendre que beaucoup d'agriculteurs de l'Ouest du Canada ont comparu devant le comité; ils sont venus en grand nombre lorsque le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes. Selon ce que j'ai pu comprendre, ces agriculteurs étaient très contents d'apprendre qu'enfin, après toutes ces années, ils auront la liberté de vendre leur propre produit.

En bref, le projet de loi est sur la bonne voie. Il a été adopté à la Chambre des communes, et le Sénat en est maintenant saisi. Le gouvernement estime avoir le droit de présenter n'importe quelle mesure législative. Quand le Parlement l'aura adoptée, elle entrera en vigueur.

Le sénateur Cowan : C'est pour cette raison que les tribunaux existent. Ce sont eux qui définissent les droits. Lorsqu'un différend survient entre des citoyens, ou entre des citoyens et le gouvernement, et qu'il ne peut être réglé par d'autres moyens, il est porté devant les tribunaux. Tout le monde comprend ce concept. Tout le monde comprend, sauf madame le leader et le gouvernement qu'elle représente, que, au Canada, nous respectons la primauté du droit. Selon ce principe, nous devons respecter les décisions des tribunaux. Nous avons le droit de nous inscrire en faux contre elles, d'en être « déçus », pour reprendre le mot que madame le leader a choisi. C'est pour cette raison que les cours d'appel existent. La chose logique à faire, en l'occurrence, serait de stopper le processus législatif jusqu'à ce qu'une juridiction supérieure ait tranché la question. Je n'ai aucun doute que dans une affaire aussi importante, la Cour suprême du Canada s'empresserait de l'entendre; nous saurions alors si c'est l'interprétation de la loi du leader qui est correcte ou celle de la Commission canadienne du blé.

Je fais remarquer au leader qu'il est irresponsable et incompréhensible que le gouvernement affirme être au-dessus des lois et se permette de ne pas tenir compte d'une décision judiciaire dont il se dit déçu. Comment peut-il agir de la sorte?

Le sénateur LeBreton : Je tiens tout d'abord à dire que vous avez tout à fait raison. Nous sommes déçus de la décision rendue par le juge de la Cour fédérale. Nous allons interjeter appel, mais je crois que le Parlement et l'organe législatif ont le droit d'aller de l'avant avec la mesure législative qu'ils ont promise. Nous pourrions contester la validité du soi-disant plébiscite de la Commission canadienne du blé. Ce qui ressort de tous les éléments d'information dont nous disposons et, je crois, de tous ceux que nous avons obtenus depuis que le projet de loi a été présenté à la Chambre et que le Sénat en est saisi, c'est que les agriculteurs appuient le projet de loi. Le gouvernement croit que nous sommes parfaitement en droit de présenter des projets de loi et c'est ce que nous faisons.

Nous croyons que nous devons instaurer un climat de certitude sur les marchés pour les producteurs céréaliers de l'Ouest. Comme je l'ai déjà mentionné, ces derniers auront le choix et, dans une société libre et démocratique, je crois qu'ils devraient avoir le choix de commercialiser leur grain eux-mêmes. S'ils souhaitent continuer d'être sous la tutelle de la Commission canadienne du grain, c'est aussi leur droit.

À mon avis, la capacité du gouvernement de présenter des projets de loi au Parlement ne devrait d'aucune façon être entravée car, si je ne m'abuse, le Parlement est l'instance suprême. Je crois que nous sommes à mi-chemin dans ce processus et nous devrions permettre qu'il se poursuive.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la motion no 1 concernant le discours du Trône, pour continuer avec l'étude du projet de loi S-4, le no 1, et les interpellations no 1 et no 2.

[Traduction]

Le discours du Trône

Adoption de la motion d'adoption de l'Adresse en réponse

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Comeau, appuyée par l'honorable sénateur Di Nino :

Que l'Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général du Canada :

À Son Excellence le très honorable David Johnston, Chancelier et Compagnon principal de l'Ordre du Canada, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite militaire, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite des corps policiers, Gouverneur général et Commandant en chef du Canada.

QU'IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d'agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu'elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion concernant l'Adresse en réponse au tout premier discours du Trône adressé par Son Excellence le Gouverneur général David Johnston le 3 juin dernier. Je le remercie. Je félicite également notre collègue, le sénateur Claude Carignan, pour son accession à la fonction de leader adjoint du gouvernement au Sénat. Je remercie également le sénateur Gerald Comeau d'avoir si bien rempli cette fonction au cours des cinq dernières années. Je remercie aussi son épouse, Aurore, de l'avoir soutenu. J'en profite pour remercier les époux et épouses de tous les sénateurs de nous soutenir, car, par leur loyauté, ils jouent un rôle important.

Honorables sénateurs, aujourd'hui, j'aimerais parler de la lex parliamenti, la loi du Parlement, ce vaste fond de règles qui régit toutes nos activités et nos actions ici, la loi qui est commune à l'ensemble du Parlement : le Sénat, la Chambre et la Reine. La Reine représente le pouvoir d'actualisation et de promulgation de notre Constitution. Je parlerai aussi de la lex prerogativa de Sa Majesté, la loi de la prérogative, dont découle l'autorité de la loi du Parlement et par laquelle elle est conférée. C'est en observant ces deux aspects de la loi que le Parlement fonctionne bien. L'inobservation de ces lois se traduit par de mauvaises pratiques. Les caractéristiques propres à un gouvernement responsable est l'unité et l'harmonie entre les parties constitutives de la Constitution. C'est ce que Walter Bagehot appelait la fusion des pouvoirs.

Honorables sénateurs, aujourd'hui, je vais parler de deux parties de la lex, à la jonction de la lex perogativa et de la lex parliamenti. Une de ces parties porte sur les crédits. Les Chambres ont le devoir de voter des crédits pour la période où le Parlement est dissous. L'autre concerne le vote direct de défiance qui, bien qu'il puisse avoir un résultat semblable, est différent des autres votes de confiance qui sont liés, par exemple, au budget, au discours du Trône ou même aux crédits. Le vote direct de défiance a lieu à la Chambre et porte sur une motion contenant exclusivement, c'est-à-dire sans donner de justification, une proposition selon laquelle la Chambre ne fait plus confiance aux serviteurs de la Couronne, aux conseillers de Sa Majesté, c'est-à-dire aux ministres.

(1430)

J'affirme que les votes directs de défiance et les votes concernant l'outrage au Parlement constituent des outils parlementaires différents, qui invoquent des pouvoirs parlementaires différents dans un but différent. Ce sont deux procédures parlementaires distinctes qui touchent deux propositions et deux questions distinctes. On ne peut pas et ne doit pas les combiner en une seule question et une seule motion comme cela a été fait le 25 mars 2011 à l'autre endroit. Pour simplifier le tout, je dirais qu'il existe des questions d'outrage et des questions de confiance, mais pas de questions de confiance-outrage combinées. Le droit parlementaire n'est pas un McDonald, où on trouve des menus combinés de toutes sortes pour tous les goûts.

Honorables sénateurs, le vote des Communes entraîne un changement de ministère immédiat. La notion moderne de vote direct de défiance remonte à 1782. À l'époque, les motions de ce genre — qui étaient adressées au roi — prenaient la forme de déclarations élaborées qui expliquaient pourquoi la Chambre était mécontente du ministère.

En 1841, à la suite d'une motion présentée par Robert Peel, le vote direct de défiance a pris sa forme actuelle, celle d'une procédure visant à éliminer un ministère indésirable ou détestable. Cette procédure permet à la Chambre de déclarer, sans donner quelque raison que ce soit, qu'elle ne fait pas confiance aux ministres de Sa Majesté. Cette motion unique demande au souverain de changer de ministres, c'est-à-dire de libérer son conseil de la présence de ces ministres parce que leur maintien en poste irait à l'encontre de la Constitution.

Quand la Chambre adopte une telle motion, la règle veut que le premier ministre défait démissionne immédiatement, et l'ensemble du ministère avec lui. Nous avons entendu beaucoup de faussetés selon lesquelles un vote de confiance entraîne obligatoirement le déclenchement d'élections. La règle exige une démission, et non des élections. Il existe une exception ou une solution de rechange à la démission immédiate du premier ministre, et c'est la dissolution du Parlement ordonnée par le souverain et l'appel qu'il interjette de la décision de la Chambre à l'encontre du ministère devant le corps constitutif souverain, c'est-à-dire le peuple, par le déclenchement d'élections. En exerçant son pouvoir absolu de dissolution et en émettant le décret d'élection, le souverain cherche à tâter le pouls du pays. Il soumet la décision prise par la Chambre à l'encontre de ses ministres à la population afin que celle-ci puisse se prononcer sur cette décision. Le scrutin est le moyen par lequel le peuple, en exerçant un autre pouvoir absolu, peut juger de la décision de la Chambre.

Honorables sénateurs, dans son ouvrage On Parliamentary Government in England, volume 2, publié en 1869, Alpheus Todd a parlé d'un précédent très important. À la page 405, il écrit que la dissolution est justifiée et nécessaire :

[...] quand il existe des motifs de croire que la Chambre des communes ne représente pas adéquatement l'opinion et la volonté de la nation.

Alpheus Todd poursuit comme suit, en citant le comte Grey :

C'est pour cette raison que, depuis 1784, « il a été établi sans équivoque que, en tant que règle de la Constitution, lorsque la Chambre des communes retire sa confiance aux ministres, la question de savoir si, ce faisant, on exprime adéquatement l'opinion du pays, peut trouver sa réponse, à juste titre, dans la dissolution [...]

La dissolution — cette prérogative, ce pouvoir absolu du souverain — devrait être utilisée avec modération pour mettre un terme à la vie naturelle du Parlement, surtout dans les situations de gouvernement minoritaire.

Dans sa décision de dissoudre le Parlement, le représentant de la Reine — le seul représentant du peuple tout entier — doit faire preuve de patience et de sagacité. Il ne devrait se préoccuper que de l'intérêt du peuple, du bien commun, du bien public. Dans le volume 2, à la page 410, Alpheus Todd cite William Ewart Gladstone, qui s'exprime sur un autre précédent :

Il a soutenu que deux conditions justifiaient la décision du gouvernement d'en appeler devant le pays de la mise en péril de sa survie par un vote négatif à la Chambre des communes. « La première, c'est qu'il devrait être dans l'intérêt public d'agir ainsi; la deuxième, c'est qu'il devrait exister une véritable possibilité de renverser le vote de la Chambre. »

Honorables sénateurs, il est bien établi qu'un premier ministre n'a pas le droit de dissoudre le Parlement, même si quelques experts répètent le contraire jusqu'à plus soif, comme si le fait de répéter une fausseté en faisait une vérité. Un premier ministre défait lors d'un vote de défiance est un premier ministre politiquement et constitutionnellement affaibli dont le pouvoir de conseiller est amoindri. Afin d'obtenir une dissolution, il doit démontrer ou convaincre le gouverneur général que lui et son ministère représentent l'opinion publique et que la Chambre ne la représente pas. Il doit convaincre le gouverneur général de ne pas demander sa démission immédiate et celle de son ministère mais plutôt de les laisser conserver le pouvoir et de leur accorder la dissolution afin qu'ils se présentent devant l'électorat. Il existe un conflit mortel entre la Chambre des communes et le ministère. Il y en a un des deux qui ne représente pas convenablement les sujets de Sa Majesté. L'un des deux doit partir. L'un des deux doit être dissous sans délai.

Honorables sénateurs, la décision de dissoudre, qui est un pouvoir absolu, appartient uniquement au gouverneur général, que le premier ministre devrait approcher dans la crainte et tremblant devant sa majesté. Dans un tel cas, le premier ministre est un suppliant, pas un potentat. Alpheus Todd déclare encore ce qui suit, à la page 409 du volume 2 :

À la Chambre des lords, le comte Grey a refusé aux ministres, après une défaite à la Chambre des communes, de demander à la Couronne une dissolution du Parlement à moins qu'il n'y ait eu de bonnes raisons de croire que la Chambre des communes avait mal représenté le sentiment de la population.

Souvenez-vous que la forme actuelle du vote de « défiance » direct a remplacé la destitution, la mort civile et les autres méthodes radicales d'élimination des ministres scélérats des conseils du souverain.

Honorables sénateurs, dans un système de gouvernement responsable, un « vote de défiance » engage le haut représentant et les pouvoirs politiques supérieurs de la Chambre — politiques et pas partisans — à déterminer le choix des ministres fait par le souverain et ces ministres doivent rendre des comptes à la Chambre et doivent être membres de la Chambre des communes ou de la Chambre haute. Dans une telle procédure, la Chambre basse agit comme représentante du souverain et joue un rôle politique. L'objectif de la politique est l'atteinte de l'unité et de l'harmonie entre les parties constituantes et souveraines de la Constitution, entre les membres des deux Chambres, entre les électeurs, soit le peuple lui-même, et la Reine. Les votes sur les motions de « défiance » représentent la politique de la représentation à son sommet et dans toute sa pureté où les trois pouvoirs souverains, jouant chacun son propre rôle représentatif , s'unissent pour choisir les membres de la Chambre basses et les membres du ministère, c'est-à-dire pour créer un gouvernement responsable. Le bien commun de la population est suprême. Beaucoup finissent par connaître la différence entre le bien commun et l'ambition, ce que saint Augustin appelait la libido dominandi, soit la volonté de puissance.

Honorables sénateurs, sir Edward Coke a dit que nous sommes la Très Honorable Haute Cour du Parlement et lord Bolingbroke, que nous sommes le Grand Inquisiteur de la nation. Dans les deux Chambres, une décision d'outrage au Parlement est une procédure criminelle. La Chambre utilise ce moyen pour déclarer des personnes clairement identifiées coupables d'un affront à la Chambre ou aux députés. Ce genre de procédures prévoit aussi parfois une solution ou une sanction qui s'impose en l'occurrence. Les procédures d'outrage au Parlement font appel aux pouvoirs de la Chambre en tant que tribunal en matière pénale et judiciaire, où chaque membre est un juge rendant une décision en se fondant sur les principes et les pratiques régissant les accusations portées devant les tribunaux de Sa Majesté. Dans ce tribunal, contrairement aux autres, les accusations et les conclusions se font au moyen de débat, de motions et de mises aux voix, auxquels chaque membre participe. De plus, les deux Chambres disposent des pouvoirs suprêmes du Parlement, que n'ont pas les tribunaux inférieurs, comme la destitution, la mort civile et même le recours à un projet de loi ou à une mesure législative pour parvenir à leurs objectifs et à leurs fins. Nous sommes le plus haut tribunal du pays. Voilà pourquoi les nominations à vie au Sénat ont de pareilles bases juridiques.

Honorables sénateurs, les deux Chambres ont toujours choisi de ne pas porter d'accusations criminelles, à moins que celles-ci ne soient fondées sur des motifs distincts et précis. Il est également bien établi que la responsabilité criminelle est, en soi, une responsabilité personnelle et qu'elle comprend les notions d'intention, de volonté et d'action. Les accusations et les procédures devraient clairement identifier la personne incriminée par son nom. Les autres principes et pratiques parlementaires prévoient que la personne visée ou accusée a le droit de répondre aux accusations portées contre elle et de présenter une défense pleine et entière, en personne ou par l'intermédiaire d'un avocat, à la barre de la Chambre ou ailleurs, au choix de la Chambre. C'est ce que nous appelons l'application régulière de la loi, la justice naturelle et le franc-jeu. Le Parlement se fonde sur les principes de la common law, riche en pratiques et principes éprouvés. Il est également bien établi qu'il faut séparer le pouvoir judiciaire du pouvoir politique et qu'il ne faut pas utiliser l'un pour accéder à l'autre.

(1440)

Honorables sénateurs, lors d'un jour désigné, le 25 mars dernier — quelques jours à peine avant le 31 mars, qui est le jour de plus important du cycle budgétaire annuel —, une motion combinant la défiance et l'outrage au Parlement a été présentée à la rubrique « Les crédits », bien qu'aucun crédit n'avait encore été voté. Cette motion, que je vais lire, a été adoptée à l'autre endroit :

Que la Chambre est d'accord avec le constat du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre que le gouvernement s'est rendu coupable d'outrage au Parlement, ce qui est sans précédent dans l'histoire parlementaire canadienne, et en conséquence, la Chambre a perdu confiance dans le gouvernement.

Honorables sénateurs, le terme « gouvernement » ne désigne pas une personne. Le gouvernement n'est pas une personne morale, contrairement à une société. C'est un terme vague et général qui comprend la reine, ainsi que tous les commis aux dossiers de tous les ministères. Dans les deux Chambres, les parlementaires utilisent souvent le terme « gouvernement » pour désigner « le ministère » ou de façon interchangeable avec le terme « ministère ». C'est peut-être acceptable dans les débats et même dans certaines motions de défiance, mais pas dans les procédures rigoureuses et pointues d'incrimination, comme l'outrage au Parlement. Ces procédures font appel aux pouvoirs suprêmes du Parlement et imposent des obligations considérables à la personne visée ou accusée, d'autant plus s'il s'agit d'un titulaire d'une charge de haut niveau de Sa Majesté et que cela a des répercussions sur l'intérêt public. En adoptant la motion d'outrage au Parlement, la Chambre n'avait certainement pas l'intention d'incriminer les milliers de fonctionnaires. Le fait que jamais auparavant — ni au Canada, en Grande-Bretagne ou en Australie — « le gouvernement » ne s'était rendu coupable d'outrage au Parlement aurait dû en amener certains à se rendre compte qu'ils faisaient fausse route.

Honorables sénateurs, j'ai dit qu'on ne peut pas présenter une motion combinant la défiance et l'outrage au Parlement. Les résultats des élections le prouvent. Le jour des élections, le 2 mai, les citoyens canadiens, à savoir les gens que le Parlement représente, ont pris une décision. Ils ont décidé de maintenir au pouvoir le ministère qui avait été condamné par la Chambre des communes et de rejeter totalement le jugement de la Chambre à la fois sur la question de la perte de confiance et sur celle de l'outrage au Parlement. Les élections constituent l'exercice du droit de vote individuel, qui a été accordé au peuple en vertu de la prérogative de son souverain et auquel il est difficile de porter atteinte. À la page 831 du premier volume du Dictionary of English Law de Jowitt, on définit le droit de vote comme :

[...] une liberté ou un privilège.

Dans la common law, le droit de vote est un privilège royal ou un élément de la prérogative de la Couronne qui est consenti au sujet par concession ou par prescription.

Le droit de vote, à savoir l'habilitation de certaines personnes à élire des députés à la Chambre des communes, est accordé par Sa Majesté pour que ses sujets puissent participer à son gouvernement. Ils partagent ses pouvoirs royaux absolus et Sa Majesté. Les résultats des élections ont renversé, annulé et infirmé la décision de la Chambre en matière d'outrage au Parlement. Le droit de vote, le vote direct de défiance et la Chambre des communes se sont développés ensemble en tant que phénomènes sociaux et politiques. Le vote direct de défiance a établi un précédent parce qu'il définit explicitement la question que le Gouverneur général posera à la population. Je conclus que la motion combinant la défiance et l'outrage au Parlement qui a été adoptée à la Chambre des communes n'établissait aucun précédent et qu'elle constituait simplement une mauvaise pratique.

Honorables sénateurs, je me tourne maintenant vers le principe fondateur du Parlement, c'est-à-dire les finances nationales, les dépenses publiques, le contrôle des fonds publics, sur lesquelles...

Son Honneur le Président intérimaire : Honorable sénateur Cools, je regrette de vous informer que les 15 minutes qui vous étaient allouées sont écoulées. Souhaitez-vous demander plus de temps?

Le sénateur Cools : Oui, merci.

Son Honneur le Président intérimaire : Nous vous accordons cinq minutes.

Le sénateur Cools : ... sur lesquels, depuis 1678, la Chambre des communes prétend avoir prééminence. La Chambre des communes s'est arrogé la prééminence en matière de finances nationales en 1678. En mars dernier, quelques jours avant le 31 mars, le jour le plus difficile financièrement pour Sa Majesté, dans le cycle annuel d'attribution des crédits, la Chambre a été dissoute sans avoir terminé la procédure d'adoption des crédits, malgré qu'il n'y ait eu aucune mésentente concernant les crédits et que le vote de défiance ne portait pas sur les crédits. Les projets de loi de crédits avaient pourtant été présentés, mais l'autre endroit se concentrait sur la motion combinée et n'a pas adopté les crédits pour permettre à la fonction publique de Sa Majesté de payer ses dépenses courantes et ses frais administratifs pendant la période où le Parlement serait dissous. Le Canada est un cas unique à cet égard. Il était, et je crois qu'il est toujours, le seul pays du Commonwealth qui puisse déclencher des élections sans que les crédits aient été adoptés. Cela donne pour résultat absurde que la Chambre remet un chèque en blanc au ministère qu'il vient de dénoncer en le forçant à utiliser l'argent du Trésor sans la permission de la Chambre, autrement dit en passant outre à la prééminence de la Chambre. Cela se fait en vertu d'un mandat spécial du gouverneur général en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Honorables sénateurs, tout juste après la dissolution, le 1er avril, au premier jour de la nouvelle période de crédits, le premier mandat spécial, d'une valeur de 24,5 milliards de dollars, était émis. C'était le premier de deux. Une telle somme est trop importante pour que l'on considère normal qu'elle ait été émise en vertu d'un mandat spécial. Depuis un certain temps, la Chambre savait qu'une majorité avait l'intention d'obtenir sa dissolution et des élections se préparaient. L'adoption des crédits aurait dû être intégrée à ces préparatifs. La Chambre a le devoir, comme le Sénat, d'adopter les crédits pour satisfaire aux besoins de Sa Majesté durant la période de dissolution, pendant laquelle elle ne peut pas siéger. La procédure prévoit tous les outils voulus pour ce faire. De son côté, en mars dernier, le Sénat était prêt et il attendait ces projets de loi de crédits, sous la direction des sénateurs Day et Gerstein, les coprésidents de notre Comité des finances nationales. Ils étaient prêts à recevoir ces projets de loi de crédits.

Honorables sénateurs, la responsabilité de gouverner incombe à la souveraine, qui a juré de s'en acquitter lors du serment du couronnement. L'ensemble du gouvernement responsable, avec son système politique multipartite, doit permettre à la souveraine de s'acquitter de cette responsabilité, celle de servir son peuple, par l'intermédiaire de la fonction publique et de l'administration publique. Ne pas adopter les crédits, c'est compromettre Sa Majesté, et non le ministère. Je pense que nous pouvons dire honnêtement que nous sommes tous d'accord pour dire que le ministère de Sa Majesté devrait accorder un traitement juste à ses employés et à ses créditeurs, et devrait payer ses comptes judicieusement.

Honorables sénateurs, les Pères de la Confédération ont créé le Sénat en tant que Chambre fédérale afin de donner corps à la Confédération. Ils ont investi le Sénat d'un vaste rôle en matière de finances nationales, un rôle qui était alors confié à la Chambre des lords du Royaume-Uni. Ils voulaient un contrôle sénatorial fédéral des finances nationales, des ponctions fiscales à faire dans une région afin de réattribuer des fonds dans une autre. Les mandats spéciaux du gouverneur général ne peuvent remplacer les crédits autorisés par le Parlement. Cela n'a jamais été prévu ainsi. Certes, la Chambre des communes peut voter des crédits ou refuser de les accorder pour des raisons légitimes après en avoir débattu. Toutefois, elle ne peut manquer à son devoir relativement aux crédits ni compromettre le rôle du Sénat à l'égard des finances nationales. On ne peut balayer du revers de la main le rôle du Sénat en matière de finances nationales.

Honorables sénateurs, en terminant, j'aimerais demander au gouverneur général de réaffirmer ces principes et d'insister, comme d'autres représentants de la Couronne l'ont fait par le passé, sur le fait qu'il faut autoriser les crédits avant qu'il y ait dissolution. Autrement dit, pas de dissolution sans crédits votés. Pas de dissolution sans décision préalable sur l'utilisation des deniers publics.

Honorables sénateurs, ces deux notions sont complexes, mais je vais revenir sur la question des crédits. Je projette de le faire prochainement. J'ai déjà eu des discussions à ce sujet avec plusieurs sénateurs. Je compte faire un exposé très approfondi sur le recours aux mandats spéciaux du gouverneur général à travers les années et le contexte historique dans lequel ils s'inscrivent. Je vais également aborder le fait que beaucoup se sont habitués à ce que les mandats spéciaux du gouverneur général soient faciles à obtenir, à un point tel qu'ils n'insistent plus pour que la Chambre s'acquitte de ses tâches obligatoires avant la dissolution.

(1450)

Dans un proche avenir, je traiterai à fond de ce sujet et, pour ce faire, je présenterai une motion demandant au Comité des finances nationales de se pencher sur cette importante question. On ne peut simplement pas faire de compromis au sujet de Sa Majesté. Les employés et les créanciers de Sa Majesté doivent être traités équitablement et les deux Chambres disposent des mécanismes nécessaires pour y veiller.

En mars dernier, honorables sénateurs, si les Chambres avaient siégé 24 heures de plus, les projets de loi de crédits auraient pu être adoptés. Peu de sénateurs connaissent bien le processus des crédits, mais la période de mars est un moment crucial dans ce processus. J'ai l'intention d'expliquer tout cela dans l'allocution que je prononcerai.

Nous débattons en ce moment d'une adresse à Son Excellence. Comme les sénateurs le savent, l'adresse est une façon de s'adresser à la souveraine. Comme nous parlons directement à Son Excellence, j'ai pensé qu'il pourrait être utile de souligner certains de ces principes et d'exiger qu'on les observe scrupuleusement. Je remercie les sénateurs de leur attention.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Comeau, avec l'appui de l'honorable sénateur Di Nino, propose que l'adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général du Canada. Puis-je me dispenser de la lire?

Des voix : Suffit!

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, êtes-vous prêts à adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et l'Adresse en réponse au discours du Trône est adoptée.)

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose que cette adresse soit grossoyée et présentée à Son Excellence le Gouverneur général par Son Honneur le Président.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

[Traduction]

Recours au Règlement

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Quelque chose risque de m'avoir échappé il y a quelques instants. Je croyais avoir entendu Son Honneur demander aux sénateurs s'ils étaient prêts à se prononcer, mais je ne l'ai pas entendu passer au vote.

Avez-vous mis la motion aux voix, Votre Honneur?

Son Honneur le Président intérimaire : Je crois que oui. Peut-être pouvons-nous vérifier la chose auprès du greffier. J'ai le souvenir d'avoir dit :

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable sénateur Comeau, avec l'appui de l'honorable sénateur Di Nino, propose que [...]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Adoptée.

C'est ce que je me rappelle avoir dit.

Quelle est la volonté du Sénat?

Des voix : D'accord.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je crois qu'il y avait deux motions. La première portait sur l'adresse, et la deuxième sur le grossoiement. Il y avait deux motions distinctes.

Son Honneur le Président intérimaire : C'est vrai.

(Sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, il est ordonné que l'Adresse en réponse soit grossoyée et présentée à Son Excellence le Gouverneur général par Son Honneur le Président.)

[Français]

La pauvreté au Nouveau-Brunswick

Avis d'interpellation

Permission ayant été accordée de revenir aux avis d'interpellation :

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la stratégie de 2009 pour réduire la pauvreté au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La Loi sur la sécurité ferroviaire
La Loi sur les transports au Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Eaton, appuyée par l'honorable sénateur Rivard, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur les transports au Canada en conséquence, tel que modifié.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur les transports au Canada en conséquence, tel que modifié.

Nous savons tous que la sécurité devrait être le principal sujet de préoccupation de toute industrie. Les sociétés ferroviaires ne font pas exception. Le projet de loi améliorera la sécurité des Canadiens grâce à des mesures bien équilibrées. Ce qui me frappe le plus, c'est le degré de coopération qu'il a fallu pour en arriver où nous en sommes aujourd'hui. Les intervenants du secteur ferroviaire, notamment l'Association des chemins de fer du Canada et le CN, les représentants des travailleurs, notamment le syndicat Teamsters Canada, et le ministère des Transports ont tous travaillé dans la même direction. Je salue d'ailleurs leurs efforts. Le processus, qui dure depuis février 2007, a été à la fois long et rigoureux. Toutefois, les 56 recommandations du groupe consultatif du Ministère et les 14 autres recommandations formulées par le comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes ont donné un bon projet de loi.

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a entendu de nombreux témoins, qui ont tous souscrit au principe du projet de loi; seulement certains d'entre eux souhaitaient qu'on y apporte des modifications. J'estime toutefois que toutes les parties intéressées conviennent, tout comme moi, que le projet de loi atteindra le but visé.

Honorables sénateurs, comme je l'ai mentionnée dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, les défaillances mécaniques, les pratiques dangereuses des employés et la mauvaise gestion peuvent donner lieu à des tragédies. Nous devons nous assurer que des règles, des règlements et des pratiques exemplaires sont mis en place pour éviter de telles tragédies. Comment le projet de loi atteint-il cet objectif? Étant donné que nous avons déjà étudié de façon exhaustive les mérites du projet de loi, je dirai simplement ceci : le projet de loi exige que toutes les compagnies obtiennent un certificat d'exploitation de chemin de fer basé sur la sécurité indiquant qu'elles satisfont aux exigences réglementaires en matière de sécurité; qu'elles mettent en place et maintiennent un système adéquat de gestion de la sécurité prévoyant la désignation d'un gestionnaire supérieur qui sera tenu de rendre compte de la sécurité; et qu'elles respectent les règles et les règlements concernant la sécurité, sans quoi elles s'exposeront à des pénalités administratives ou judiciaires accrues. Le projet de loi comprend également une disposition visant à protéger les dénonciateurs afin qu'ils puissent signaler les actes répréhensibles sans crainte de représailles.

Je le mentionne une fois de plus, car je crois que c'est l'un des outils les plus puissants dont nous puissions disposer pour améliorer la sécurité. Étant donné qu'un tel processus existe déjà à Transports Canada, je remercie le sénateur Eaton d'avoir proposé l'amendement qui rend cette disposition plus efficace.

Honorables sénateurs, dans cette enceinte, nous nous demandons souvent s'il est possible d'améliorer un projet de loi. Certains feront valoir que non, comme mon collègue l'a fait l'autre jour. Cependant, j'aimerais souligner un aspect en particulier qui n'est pas abordé dans le projet de loi. Même s'il est clair que tout aménagement futur aux abords ou à proximité des chemins de fer relève de la compétence des provinces ou des municipalités, le gouvernement fédéral devrait tout de même s'assurer de la participation de toutes les parties concernées.

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada a publié un rapport sur le déraillement d'un train de marchandises de CP Rail, survenu en septembre 2010. Cet accident a endommagé 500 pieds de voie ferrée et a provoqué un déversement mineur de matières dangereuses lors duquel certaines personnes ont subi des blessures légères. L'examen du rapport révèle que le comité consultatif indépendant nommé par le ministre avait indiqué en 2007 que les municipalités et les propriétaires de terres, notamment les chemins de fer, devraient tenir des consultations, à l'étape de la planification et de la conception, sur l'utilisation des terres et les activités non ferroviaires à proximité des lignes de chemin de fer.

En fait, voici la recommandation du comité consultatif :

Il faudrait modifier la Loi sur la sécurité ferroviaire pour exiger des promoteurs et des municipalités qu'ils amorcent un processus de consultation avec les compagnies de chemin de fer avant de prendre une décision quant à des aménagements qui peuvent compromettre la sécurité ferroviaire.

Il est également indiqué dans le rapport que la question des nouveaux aménagements à proximité des chemins de fer est un défi intergouvernemental, étant donné que la planification de l'utilisation des terres et leur aménagement relèvent de la compétence des provinces et des municipalités, alors que les principaux chemins de fer et leurs emprises sont réglementés par le gouvernement fédéral. Comme Transports Canada soutient ne pas avoir pleine autorité pour donner suite à la recommandation de modifier la Loi sur la sécurité ferroviaire, rien n'a été fait à cet égard.

(1500)

Bien que je sois conscient de ces faits, qui ont été soulignés par le sénateur Eaton, j'exhorte le ministère à chercher des façons de faciliter la coopération de tous les paliers de gouvernement dans le dossier des chemins de fer et de la sécurité.

Comme la composition du comité consultatif le montre, c'est grâce à la coopération de tous les intervenants que nous avons pu arriver où nous en sommes aujourd'hui. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas espérer et exiger un niveau de coopération semblable de la part des trois ordres de gouvernement, en ce qui concerne non seulement les terres qui longent les voies ferrées, mais aussi la construction de nouveaux passages à niveau et la fermeture d'anciens passages à niveau. En fait, le travail en ce sens a déjà débuté, et j'espère qu'il continuera avec encore plus de vigueur.

Enfin, honorables sénateurs, j'aimerais remercier tous ceux qui ont contribué à amener le projet de loi jusqu'à l'étape actuelle et souligner la diligence dont a fait preuve le sénateur Eaton. Je remercie aussi tous les témoins qui ont comparu devant le comité et nous ont fait connaître leur point de vue au sujet du projet de loi.

J'encourage l'autre endroit à bien débattre des mérites de ce projet de loi quand il franchira les prochaines étapes du processus.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Français]

La Lybie

Interpellation—Fin du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carignan, attirant l'attention du Sénat sur l'utilisation déplorable de la violence par le régime libyen contre la population libyenne, ainsi que les gestes posés par le gouvernement canadien, de concert avec nos alliés, nos partenaires et les Nations Unies, afin de promouvoir et d'appuyer la Résolution 1973 du Conseil de la Sécurité des Nations Unies.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je crois que toutes les personnes qui voulaient parler de ce sujet ont eu l'occasion de s'exprimer. Je suggère de clore le débat.

(Fin du débat.)

Le budget de 2011

Interpellation—Fin du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carignan, attirant l'attention du Sénat sur le budget intitulé Des impôts bas pour stimuler la croissance et l'emploi, déposé à la Chambre des communes le 6 juin 2011 par le ministre des Finances, l'honorable James M. Flaherty, C.P., député, et au Sénat le 7 juin 2011.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je pense que l'ensemble des personnes qui voulaient d'exprimer sur le sujet ont eu l'occasion de le faire. Je suggère que l'on procède à la clôture du débat.

(Fin du débat.)

Projet de loi sur la modernisation des conseils d'administration

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Cowan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-203, Loi visant à moderniser la composition des conseils d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères, notamment à y assurer la représentation équilibrée des femmes et des hommes.

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, vous ne serez certainement pas surpris d'apprendre que j'appuie les objectifs du projet de loi S-203 présenté par ma collègue, le sénateur Hervieux-Payette.

Ce projet de loi vise à assurer, au sein des conseils d'administration, une représentation équilibrée de femmes et d'hommes, reflétant ainsi la composition de la population en général et du milieu du travail en particulier.

Ce projet de loi vise à garantir un minimum de 40 p. 100 de représentants de l'un ou l'autre sexe au sein des conseils d'administration. Ce n'est pas la parité que je pourrais souhaiter, mais c'est déjà beaucoup mieux que la situation actuelle.

Les femmes représentent 50 p. 100 de la population et presque 50 p. 100 des travailleurs. Les femmes sont à l'origine d'une nette majorité des décisions d'achat et, donc, des forces du marché qui gouvernent les activités de nos entreprises privées. Il me semble donc tout à fait logique que les femmes représentent une proportion équivalente des sièges aux conseils d'administration de ces entreprises.

Pourtant, à l'heure actuelle, les femmes n'occupent que 15 p. 100 de ces sièges et à peine 3 p. 100 d'entre elles président ces conseils. Inversez les sexes, honorables sénateurs, et il y aurait déjà longtemps que les hommes auraient réglé une disparité si flagrante. À l'heure actuelle, et depuis trop longtemps, les femmes sont sous-représentées dans les postes de haute gestion et dans les conseils d'administration.

Je partage pleinement l'opinion de Paul Tellier, selon laquelle la prise de décision en haut lieu ne sera jamais optimale tant et aussi longtemps que ces décisions seront prises par une majorité écrasante d'hommes. M. Tellier, ancien greffier du Conseil privé et PDG de diverses sociétés, est le coprésident du Comité consultatif sur la fonction publique nommée par le premier ministre; il sait donc de quoi il parle.

Après tout, faut-il encore rappeler à quel point les femmes sont de meilleures gestionnaires des gens et de l’argent? On n’a qu’à songer à l’immense majorité des femmes qui gèrent les budgets familiaux et les crises familiales. On n’a qu’à songer aux nombreux scandales financiers qui secouent le milieu des affaires depuis plusieurs années et à la deuxième récession économique vers laquelle nous nous dirigeons en quatre ans. Pourquoi refuser l’incroyable talent et l’expertise des femmes, alors que nous en avons besoin maintenant, tout de suite?

[Traduction]

Je porte à votre attention un dossier passionnant qui est publié dans le numéro de la semaine dernière de The Economist et qui traite justement des femmes qui travaillent. L'article, « Top Jobs : Too many suits and not nearly enough skirts in the boardrooms », m'a semblé particulièrement intéressant.

Il fait écho aux statistiques inquiétantes qu'a rapportées le sénateur Hervieux-Payette. On y lit qu'en Europe, les femmes représentent au plus 10 p. 100 des membres des conseils d'administration, contre environ 16 p. 100 aux États-Unis. On est bien loin de la proportion idéale de 50 p. 100.

Le même article mentionne une étude qu'a menée McKinsey, la multinationale de services-conseils en gestion. Je me dois absolument d'en citer un paragraphe :

En 2007, à l'issue de l'analyse de plus de 230 sociétés publiques et privées et organismes sans but lucratif totalisant 115 000 employés dans le monde entier, McKinsey a établi que ceux qui comptaient une forte proportion de femmes à la haute direction obtenaient de meilleurs résultats relativement à divers critères associés à des marges bénéficiaires et à une capitalisation boursière supérieures, notamment le leadership, la transparence et l'innovation. La firme a également étudié 89 grandes entreprises européennes inscrites en bourse et comportant une forte proportion de cadres supérieures, ce qui lui a permis de découvrir qu'elles avaient un rendement financier nettement au-dessus de la moyenne de leur secteur. D'autres études ont confirmé ces conclusions.

[Français]

Le projet de loi de ma collègue n'est pas vraiment novateur puisqu'elle indique elle-même que plusieurs autres pays se sont dotés ou vont se doter de lois imposant une meilleure représentativité des deux sexes au sein des conseils d'administration. Au Canada, le Québec, toujours différent, le fait déjà, alors pourquoi le reste du pays ne suivrait-il pas?

(1510)

Lors de son discours du 17 novembre, le sénateur Frum s'est opposée aux quotas visés par le projet de loi en disant que l'imposition de tels quotas, et je cite :

[...] risquerait de faire du sexe d'un candidat le principal critère en vue de le nommer membre d'un conseil d'administration.

Le sénateur Ruth, dans son discours prononcé le même jour, rappelle pourtant l'existence de la discrimination positive qui existe déjà depuis 1983 dans la fonction publique fédérale, et selon laquelle, à compétences égales, l'employeur doit embaucher une femme.

Cette discrimination positive, qui est en soi une forme de quota, n'a pas mené à l'embauche de femmes incompétentes, honorables sénateurs. Elle a mené à l'embauche de femmes au moins aussi compétentes que les hommes compétents qui se présentaient aux mêmes concours.

Le projet de loi S-203 ira un peu plus loin que cette discrimination positive, en permettant que les candidatures aux postes de membres d'un conseil d'administration soient, au moins à 40 p. 100, réservées à des femmes. Un argument qui me dérange est celui selon lequel ces quotas empêcheront l'embauche d'hommes compétents. Cet argument semble sous-entendre qu'il n'existe pas autant de femmes compétentes que d'hommes compétents.

C'est d'ailleurs un argument comparable qui a été mis de l'avant en ce qui a trait à l'obligation d'être bilingue avant d'occuper de hautes fonctions, puisque cela pourrait supposément mener à l'embauche de candidats moins compétents que s'ils étaient unilingues.

Permettez-moi de rassurer celles et ceux de mes collègues qui croient que l'imposition de quotas nuirait aux femmes en entachant leur crédibilité professionnelle auprès de leurs pairs. Je parle ici l'argument suivant « A-t-elle été nommée membre du conseil d'administration parce qu'elle est une femme ou parce qu'elle a les compétences requises? »

Malheureusement, cet argument tient pour acquis que des actionnaires seraient capables de nommer des femmes incompétentes au conseil d'administration de leur entreprise. Vous conviendrez, honorables sénateurs, que pareille décision serait un non-sens pour l'entreprise et entraînerait sa faillite à moyen terme.

Le projet de loi S-203 pourrait créer un problème si le bassin de candidatures ne comportait pas assez de femmes compétentes — vous remarquerez ici que j'ai dit « femmes compétentes », et pas seulement « femmes ». Que ferait alors l'entreprise?

Ce scénario devrait rester hypothétique si l'entreprise a effectué un bon recrutement de candidats avant la réunion des actionnaires. Il existe de plus en plus de femmes compétentes aux échelons supérieurs de leur secteur, soit au sein de l'entreprise visée, soit ailleurs.

Tout comme je ne crois toujours pas qu'il n'y avait aucun comptable bilingue compétent pour occuper le poste de vérificateur général, je ne crois pas qu'il manque de femmes compétentes pour occuper des sièges dans les conseils d'administration.

Certains prônent le volontarisme. Pourtant, on n’a qu’à songer au fiasco de l’équité salariale pour constater à quel point celle-ci n’a progressé qu’après l’adoption de lois. Si nous n’avions pas adopté ces lois, les femmes qui en ont bénéficié recevraient toujours des salaires dérisoires par rapport à ceux des hommes. Si le volontarisme a si lamentablement échoué pour quelque chose d’aussi simple que le salaire d’une secrétaire, pourquoi réussirait-il pour quelque chose d’aussi convoité qu’un poste de cadre supérieur ou de membre d’un conseil d’administration?

En conclusion, le projet de loi S-203 du sénateur Hervieux-Payette est un pas qui nous rapprochera de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Je vous encourage donc à en appuyer les objectifs, quitte à en peaufiner les dispositions au comité.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 8 décembre 2011, à 13 h 30.)


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