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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 42

Le jeudi 6 mars 2014
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président intérimaire

LE SÉNAT

Le jeudi 6 mars 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les Jeux paralympiques d'hiver de 2014

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin de souligner les Jeux paralympiques d'hiver de 2014, qui auront lieu à Sotchi, en Russie. Les Jeux commenceront demain et se termineront le 16 mars.

[Français]

Cinquante-quatre athlètes paralympiques canadiens de haut niveau seront en compétition contre environ 575 autres athlètes représentant 45 pays. C'est le plus grand nombre d'athlètes du Canada à participer à des Jeux paralympiques d'hiver.

[Traduction]

L'équipe canadienne sera en compétition dans six disciplines : le ski alpin, le ski paranordique, le biathlon, le curling en fauteuil roulant, le hockey sur luge et, pour la toute première fois, la planche à neige. Les athlètes canadiens ont le potentiel de remporter l'or dans chaque discipline, d'autant plus que les équipes de hockey sur luge et de curling participent aux Jeux paralympiques de Sotchi en tant que champions mondiaux.

En tant que sénatrice de la Colombie-Britannique, ce fut un honneur pour moi que les Jeux paralympiques d'hiver de 2010 se déroulent dans ma ville, Vancouver, peu après les Jeux olympiques. En 2018, les Jeux paralympiques d'hiver auront lieu à Pyeongchang, en Corée, le pays où je suis née.

En 2010, j'ai également eu le privilège de siéger au conseil d'administration de la Fondation paralympique canadienne aux côtés de plusieurs de nos collègues, dont le sénateur Kochhar, qui en était alors le président, afin de promouvoir les athlètes paralympiques canadiens comme de véritables athlètes d'élite et de soutenir les athlètes paralympiques partout au Canada. J'exprime ma plus profonde reconnaissance et mon plus grand respect envers les commanditaires, bénévoles, organisateurs, parlementaires et membres de la société civile qui ont aidé nos extraordinaires athlètes handicapés à réaliser leurs rêves.

Étant depuis plusieurs années coprésidente, avec Jim Munson, de l'événement annuel la Déferlante roulante, sur la Colline du Parlement — un autre héritage de notre collègue, Vim Kochhar —, j'ai pu voir la passion et la détermination incroyables animant les athlètes d'élite en fauteuil roulant du Canada et du monde entier qui participent à la course de 10 kilomètres sur la Colline. Certains d'entre vous en ont été témoins aussi ou y ont eux-mêmes participé. Comme Vim l'a dit, le fauteuil roulant n'est plus un obstacle à la réussite, mais un signe de liberté et de capacité.

Ils sont une source d'inspiration pour nous tous, et j'encourage tous les sénateurs à participer encore une fois à la Déferlante roulante, qui aura lieu en octobre prochain.

[Français]

J'ai hâte d'encourager nos athlètes en fauteuil roulant et tous les athlètes paralympiques du Canada qui affronteront la compétition aux Jeux paralympiques d'hiver de Sotchi. Je suis persuadée que tous les Canadiens applaudiront ensemble ces athlètes dont notre pays est très fier.

[Traduction]

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour souhaiter le plus grand succès aux athlètes canadiens aux jeux de cette année.

Le décès de Molly Lamb Bobak, C.M., O.N.-B.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, vous vous rappellerez sans doute que, à l'automne 2012, j'avais rendu hommage à l'artiste de guerre canadien Bruno Bobak, qui nous avait quittés en septembre de cette année-là.

C'est dans un esprit à la fois de célébration et de recueillement que je souhaite aujourd'hui parler aux sénateurs de l'épouse de Bruno, Molly Lamb Bobak, qui s'est éteinte paisiblement en fin de semaine dernière à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Elle avait 94 ans.

Molly s'est jointe au Service féminin de l'armée canadienne en 1942, ce qui lui a permis de sillonner le Canada et d'acquérir de nouvelles compétences. Elle avait demandé à faire partie du programme canadien des artistes de guerre, ce qu'elle a pu faire après le jour de la victoire en Europe, en 1945. Elle s'est rendue aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne afin de peindre diverses activités, comme les spectacles destinés aux soldates, ainsi que les exercices et parades auxquelles les femmes prenaient part en Europe. Elle a alors fait la connaissance de plusieurs artistes, y compris son futur mari, Bruno.

Molly l'artiste de guerre peignait ce qu'elle voyait de l'Europe ravagée par la guerre. Les artistes de talent, comme elle, ont le don de saisir l'émotion qui se dégage d'une scène et de la représenter d'une manière que ne réussiront jamais à faire les photographes. C'est précisément parce qu'ils savent mettre en image l'état d'esprit des soldats, des citoyens, voire de tout un pays, qu'ils peuvent perpétuer les souvenirs de guerre. Même si les toiles qui ornent les murs du Sénat représentent des scènes de la Première Guerre mondiale, le talent des artistes à qui on les doit est évident.

Après la guerre, Molly est retournée dans sa ville, Vancouver, en compagnie de son mari, Bruno. Puis, en 1960, ils ont déménagé à Fredericton. Dans la notice nécrologique rédigée pour Molly, on dit que le déménagement du couple à Fredericton :

[...] s'est avéré le point de départ d'une relation durable marquée par une profonde affection du couple envers la ville et la province, ainsi que ce qui allait devenir sa contribution extraordinaire au milieu des arts visuels de Fredericton.

La manière dont Molly a su mettre à profit ses talents pour le milieu artistique de Fredericton se fera sentir longtemps après son décès. Inspirée par les gens et les scènes quotidiennes de cette ville, Molly a pu peindre jusqu'à l'âge de 84 ans. Au cours de sa carrière artistique, elle a reçu de nombreux prix, dont des doctorats honorifiques de l'Université Mount Allison, de l'Université du Nouveau-Brunswick et de l'Université St. Thomas. Molly a symbolisé la fin d'une époque, puisqu'elle était la dernière peintre de guerre encore en vie à avoir illustré la participation des militaires canadiens à la Seconde Guerre mondiale.

Le Canada a eu un programme de peintres de guerre au cours des Première et Seconde Guerres mondiales. Récemment, on a mis sur pied le Programme d'arts des Forces canadiennes pour immortaliser des scènes présentant des membres des Forces armées canadiennes en action un peu partout dans le monde, ce qui permettra de perpétuer la tradition instaurée par Molly et Bruno Bobak. Les tableaux de Molly seront exposés au Musée canadien de la guerre jusqu'au 31 mars. Je vous encourage à prendre le temps d'aller voir ses œuvres magnifiques, qui seront admirées au pays pendant encore bien des générations.

(1340)

La Journée internationale de la femme

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, le samedi 8 mars, nous célébrerons la Journée internationale de la femme. Le thème de cette année est « L'égalité pour les femmes, c'est le progrès pour toutes et tous ». Il met l'accent sur le rôle primordial des femmes en tant qu'agentes de développement. L'égalité pour les femmes, c'est le progrès pour toutes et tous.

Honorables sénateurs, en pensant à ce thème, je ne peux m'empêcher de songer aux Afghanes. Le Canada a mis fin à ses opérations de combat en 2011 et troqué sa mission militaire pour une mission de formation qui prendra fin en 2014. Après cette date, nous ignorons ce qui arrivera aux Afghanes.

En 2010, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a examiné le rôle que le Canada pourrait jouer pour favoriser la protection et la promotion des droits de la femme en Afghanistan. Le comité a recommandé que le gouvernement du Canada fasse de l'avancement des droits de la femme un élément fondamental de sa stratégie en Afghanistan après 2011. On considérait les trois années s'échelonnant de 2011 à 2014 comme une période charnière pour outiller la population et renforcer les institutions en Afghanistan.

Aujourd'hui, en 2014, peut-on dire que la situation des Afghanes s'est améliorée? J'ai le regret de dire que les droits des femmes sont souvent les premiers à être sacrifiés pour apaiser des segments de la population qui voient une menace dans l'émancipation des femmes.

En 2012, par exemple, le président Hamid Karzaï a approuvé un code de conduite publié par un conseil d'ecclésiastiques influents. Ce code est perçu comme un recul des droits des femmes. Le code oblige les femmes à porter le hidjab, à accepter la polygamie ainsi qu'à éviter de voyager seules et de côtoyer des hommes en public.

En janvier, en Afghanistan, les deux Chambres ont adopté un projet de loi empêchant les pouvoirs judiciaires de questionner les membres de la famille dans les cas de violence faite aux femmes.

Comme les cas de violence envers les femmes se produisent le plus souvent dans les familles, ce projet de loi empêcherait les poursuites dans bien des cas et irait aussi à l'encontre de la loi de 2009 du Parlement afghan sur l'éradication de la violence envers les femmes, une mesure législative considérée comme une victoire pour les femmes.

Heureusement, à la suite des fortes pressions intérieures et internationales, le président Karzaï a ordonné que la loi soit réécrite de manière à renforcer les mesures visant à protéger les femmes et les jeunes filles de toute violence.

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le voir, des changements s'opèrent, mais ils se font progressivement et ils requièrent l'appui de la communauté internationale. Lorsque le Canada se retirera de l'Afghanistan cette année, nous devrons maintenir la pression sur le pays pour faire respecter les droits des femmes.

À l'occasion de la Journée internationale de la femme de cette année, prenons l'engagement d'appuyer les Afghanes, car, dès que nous aurons le dos tourné, les droits des femmes seront les premiers à être abrogés.

[Français]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, comme la sénatrice Ataullahjan vient de le signaler, nous célébrerons le samedi 8 mars prochain la Journée internationale de la femme. Depuis un peu plus d'un siècle, le 8 mars est la journée désignée à travers le monde non seulement pour souligner et célébrer, mais aussi pour faire avancer les droits et le statut des femmes. Il faut dire que notre succès a été mitigé.

[Traduction]

La condition féminine a beaucoup évolué au cours du dernier siècle, à commencer par le fait que nous avons obtenu le droit de vote, dans la plupart des pays; mais il y a encore du chemin à faire. Je trouve à la fois réjouissant et attristant que, cette semaine, l'Union interparlementaire, qui suit cette évolution, ait annoncé — avec fierté, plaisir ou enthousiasme — que, si la tendance se maintient, dans 20 ans il y aura autant de femmes que d'hommes parlementaires dans le monde. C'est trop loin à mon goût.

Les femmes en politique changent des choses, mais elle ne peuvent pas encore le faire suffisamment. Seulement 22 p. 100 des parlementaires dans le monde sont des femmes. Au Canada, à la Chambre des communes, ce taux est encore d'un peu moins de 25 p. 100. Au Sénat, toutefois, nous faisons mieux depuis plusieurs années et je suis fière de vous dire que nous, les femmes, occupons maintenant 38 des 96 sièges occupés au Sénat. C'est près de 40 p. 100. Quand je regarde les femmes qui siègent ici, je crois que nous pouvons être très, très fiers.

L'honorable Catherine S. Callbeck

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais aujourd'hui attirer l'attention sur une sénatrice en particulier, car elle incarne fort bien l'esprit de la Journée internationale de la femme — j'ai nommé la sénatrice Catherine Callbeck.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Fraser : Vous savez certainement, et vous vous en souviendrez, j'en suis convaincue, que la sénatrice Callbeck est la première femme à avoir été élue première ministre d'une province canadienne lors d'une élection générale. Elle a été première ministre de l'Île-du-Prince-Édouard de janvier 1993 à octobre 1996. Quelle belle coïncidence que ce soit l'Île-du-Prince-Édouard, berceau de la Confédération, qui ait élu la première femme première ministre.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Fraser : Mais ce n'est pas un hasard si elle a ouvert cette voie, car elle a ouvert des voies toute sa vie. Si je devais énumérer toutes ses réalisations et tous les prix qu'elle a reçus, nous siégerions jusque très tard dans la nuit. La liste du bénévolat qu'elle a fait — dans des domaines aussi diversifiés que les arts, les affaires, la santé et l'Église Unie — est encore plus longue.

Je tiens à souligner son intérêt pour les femmes, plus particulièrement les femmes d'affaires. C'est naturel chez elle. Elle détient un baccalauréat en commerce, un baccalauréat en éducation et elle a suivi des cours en administration des affaires. Plus important encore, elle était un pilier de l'entreprise familiale, établie à Central Bedeque, à l'Île-du-Prince-Édouard, où elle vit dans la magnifique maison ancestrale de sa famille, qui a plus de 150 ans.

Elle est une sénatrice fabuleuse, infatigable, dévouée, généreuse, chaleureuse — un modèle de ce que nous devrions tous être. Je suis très triste à l'idée qu'elle nous quitte cet été. Voilà pourquoi je voulais, à l'occasion de cette dernière Journée internationale de la femme qu'elle passera en notre compagnie, lui dire combien nous, plus particulièrement les sénatrices, lui sommes reconnaissants.

Des voix : Bravo!

[Français]

La Journée internationale de la femme

L'honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je prends également la parole à l'occasion de la Journée internationale de la femme, qui se tiendra le samedi 8 mars prochain, pour souligner d'abord la performance remarquable de nos athlètes canadiens à Sotchi et, en particulier, celle des jeunes Canadiennes qui ont remporté 11 médailles, dont 7 médailles d'or. Je tiens également à souligner le travail, l'énergie et la détermination des femmes entrepreneures du Canada. En effet, de plus en plus de femmes canadiennes se lancent dans l'aventure de créer leur propre entreprise et de créer ainsi des emplois pour d'autres femmes et pour des hommes aussi.

Rappelons que, en 2011, 15,6 p. 100 des petites et moyennes entreprises du Canada appartenaient à des femmes. Des entreprises appartenant à des femmes ont créé 1,5 million d'emplois. Comme le dit si bien la ministre du Travail et de la Condition féminine, l'honorable Dre Kellie Leitch :

L'entrepreneuriat est le moteur de la croissance et de la création d'emploi. Il joue dans notre économie un rôle vital en agissant comme catalyseur de l'innovation. Alors, quoi de plus logique que de célébrer les entrepreneures durant la semaine internationale de la femme 2014? Ces femmes font, chaque jour, un apport remarquable à notre économie, et notre gouvernement est déterminé à appuyer leurs réussites.

Même si le nombre de femmes entrepreneures est en croissance, elles ont besoin d'un coup de pouce spécial. En effet, la vaste majorité des femmes entrepreneures, soit 77 p. 100, sont des travailleuses autonomes, sans aide rémunérée, dont les revenus annuels se situent sous la moyenne des revenus.

D'autres sont néanmoins des femmes d'affaires aguerries. Les femmes autochtones sont particulièrement remarquables. En effet, 51 p. 100 des petites et moyennes entreprises de propriété autochtone appartiendraient, en tout ou en partie, à des femmes.

Plusieurs femmes au Canada aimeraient se lancer en affaires. Selon un sondage de la Banque de Montréal à l'occasion de la Journée internationale de la femme en 2012, 71 p. 100 des Canadiennes ont indiqué qu'elles aimeraient lancer une entreprise, et 83 p. 100 de celles-ci ont déclaré que le fait de pouvoir bénéficier de mentorat ou de l'exemple d'autres femmes entrepreneures serait un facteur important de leur réussite.

(1350)

C'est pourquoi notre gouvernement s'est engagé, dans le récent budget, à entreprendre des consultations afin d'identifier les meilleurs moyens pour encourager les femmes à démarrer leur propre entreprise, et à les soutenir grâce à des activités de mentorat.

La ministre de la Condition féminine mènera ces consultations dans le cadre d'une campagne intitulée « Force des femmes, force du Canada ».

Finalement, je profite de cette occasion pour inviter tous les entrepreneurs canadiens, et en particulier les femmes, à s'inscrire au concours des Prix Entrepreneuriat Canada de la Banque de développement du Canada. L'appel de candidatures est lancé pour les prix suivants : Prix mentorat BDC, Prix innovation BDC, Prix résilience entrepreneuriale et Prix champion de l'entrepreneuriat BDC.

Bonne chance à toutes les femmes entrepreneures. Good luck to everyone.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses de 2014-2015

Le Budget principal des dépenses—Dépôt des rapports sur les plans et priorités

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports sur les plans et priorités du Budget principal des dépenses de 2014-2015.

Banques et commerce

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier l'utilisation de la monnaie numérique

L'honorable Irving Gerstein : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'utilisation de la monnaie numérique, y compris les risques, menaces et avantages potentiels de ce moyen d'échange électronique;

Que le Comité dépose son rapport final au plus tard le 30 juin 2015, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

[Français]

Le Sénat

Préavis de motion exhortant le gouvernement à établir une Commission nationale pour le cent cinquantième anniversaire de la Confédération

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à prendre les mesures nécessaires afin d'établir une Commission nationale pour le 150e anniversaire de la Confédération qui serait responsable de la préparation et de la réalisation des célébrations, projets et initiatives à travers le pays qui marqueront le 150e anniversaire de la Confédération tout au long de l'année 2017. De plus, le Sénat recommande que les membres de cette commission incluent des représentants de toutes les provinces et des territoires et que la commission puisse recevoir, en sus de tout budget voté par le parlement, des contributions financières des Canadiens.

[Traduction]

L'Association parlementaire Canada-Europe

La mission parlementaire du 14 au 20 novembre 2013—Dépôt du rapport

Consentement ayant été accordé de revenir au dépôt des rapports des délégations parlementaires :

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe, concernant sa participation à la mission parlementaire à Athènes, en Grèce, prochain pays à exercer la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne, ainsi qu'à Zagreb, en Croatie, dernier pays à s'être joint à l'Union européenne, du 14 au 20 novembre 2013.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'emploi et le développement social

L'itinérance chez les jeunes

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, ma première question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Selon un rapport qui vient d'être publié par l'Université York, le Canada ne répond pas aux besoins des jeunes sans-abri. Notre système est axé sur les adultes et offre des solutions pour les adultes, comme les centres d'hébergement et les centres d'accueil, ce qui ne fait pas grand-chose pour réduire l'itinérance chez les jeunes. Les besoins des jeunes sont différents de ceux des adultes. La vie est donc très difficile pour les jeunes sans-abri, et risque de l'être encore à l'avenir.

Nous savons que seulement un jeune sans-abri sur trois termine ses études secondaires. Dans une économie où on exige de plus en plus de titres de compétences, cette réalité met leur avenir en péril. Plus de la moitié des jeunes sans-abri ont été incarcérés, que ce soit dans un centre de détention pour jeunes ou dans une prison. Cela les isole davantage et limite leur capacité d'avancer.

Ce qu'il faut, c'est un plan qui cible les jeunes sans-abri. Le gouvernement se joindra-t-il aux provinces et aux municipalités et appuiera-t-il leurs efforts pour élaborer un plan visant à mettre fin à l'itinérance chez les jeunes?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Merci, sénateur, pour votre question. Comme vous le savez, nous avons toujours pris l'engagement d'aider les Canadiens vulnérables à devenir autonomes et à mener une vie fructueuse. Dans le plan d'action 2013, nous avons affecté 1,25 milliard de dollars de plus au renouvellement de l'investissement dans le logement abordable, montant qui s'ajoute aux investissements déjà consentis aux fins de la rénovation de logements sociaux existants, y compris les coopératives.

Nous prenons des mesures qui bénéficient aux ménages à faible revenu, particulièrement au niveau du logement social, et qui visent autant les familles, les aînés, les personnes handicapées et les Autochtones que les jeunes, évidemment. Comme je l'ai déjà dit, le budget de 2013 a renouvelé la stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance. Sénateur, vous avez été maire d'une importante ville; j'ai aussi été maire d'une ville qui a bénéficié de ce programme de stratégie de partenariat pour la lutte contre l'itinérance, ou PLI, qui visait spécifiquement les jeunes. J'ai moi-même été témoin, dans ma municipalité, d'actions du gouvernement visant à sortir les jeunes de l'itinérance.

Donc, je comprends très mal que, aujourd'hui, vous souleviez cette question en disant que notre gouvernement ne fait rien pour les jeunes sans-abri; je suis en total désaccord.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : En premier lieu, je n'ai fait aucun reproche au gouvernement. J'ai dit le Canada, le pays. Notre pays ne réussit pas à répondre aux besoins des jeunes. Je suis familier avec bon nombre des programmes et des services que vous avez mentionnés. Ils s'adressent principalement à la population en général ou aux adultes en particulier.

Ce que je dis, c'est que de nombreux jeunes sans-abri ne finissent pas leur secondaire. Plusieurs d'entre eux ne peuvent pas obtenir un emploi. Plusieurs d'entre eux ont été en prison. Ils viennent de familles éclatées. Ils ont besoin d'une attention particulière pour pouvoir reprendre le dessus. Ces jeunes sont très vulnérables. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut un programme conçu pour les jeunes sans-abri. C'est ce que je pense.

Il y a des municipalités, comme vous l'avez souligné je pense, où on fait du bon travail pour aider les jeunes sans-abri. Ce qui pose problème, c'est que les initiatives mises de l'avant par ces municipalités ne sont que quelques éléments prometteurs dans un système qui, dans l'ensemble, ne répond pas aux besoins des jeunes sans-abri. Cela dit, nous pouvons nous inspirer des municipalités qui font quelque chose pour cette population.

(1400)

Nous devons mettre en œuvre des programmes favorisant la mise en commun des pratiques exemplaires, comme nous l'avons fait dans d'autres domaines. Je songe notamment au programme Passeport pour ma réussite, où, il y a quelques années, le gouvernement, par l'entremise du ministre des Finances, avait injecté des fonds pour que le programme soit offert dans d'autres municipalités. Nous devons faire la même chose pour les jeunes sans-abri.

Acceptez-vous d'en parler au gouvernement pour illustrer la nécessité de mettre en œuvre un programme conçu expressément pour les jeunes sans-abri et de faire connaître à toutes les municipalités les pratiques exemplaires adoptées par certaines d'entre elles?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, nous avons des programmes qui ont été adoptés à la suite du Plan d'action économique du Canada, particulièrement celui de 2013. Ce type de programmes existe. Il y a des enveloppes allouées pour les jeunes itinérants. J'ai moi-même été témoin de programmes et de sommes attribuées en faveur de la lutte contre l'itinérance chez les jeunes. Nous allons continuer à travailler afin que les Canadiens vulnérables puissent devenir autonomes et mener une vie fructueuse. Je vous invite à appuyer à l'avenir nos plans d'action économiques, qui contiennent des mesures en faveur de la lutte contre l'itinérance.

Le patrimoine canadien

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes—Le télémarketing—La liste nationale de numéros de télécommunications exclus

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur et l'occasion de présenter une question de la part d'un résidant de l'Alberta, M. Ed Best.

[Traduction]

Il vit à Calgary et s'interroge sur le rôle que joue le CRTC dans la réglementation du télémarketing. Voici sa question :

Je reçois entre une dizaine et une vingtaine d'appels de télémarketing non sollicités par semaine, même le dimanche. Depuis l'avènement des systèmes informatiques permettant de générer des appels automatisés, ce genre de sollicitation est devenu, à mon avis, carrément du harcèlement. Les systèmes continuent d'appeler tant qu'on n'a pas pris l'appel. Il n'y a aucun moyen de les arrêter. Concrètement, le registre des abonnés auto-exclus n'est tout simplement d'aucune utilité.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il expliquer comment le gouvernement conservateur prévoit résoudre le problème de M. Best, qui est aussi celui de milliers d'autres aînés et Canadiens à l'échelle du pays?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vais prendre cette question en note pour donner la réponse la plus complète possible à ce citoyen. Comme vous le savez, le CRTC a déjà établi des règles pour ce type d'appels automatisés. Dans le projet de loi de réforme électorale, présenté à l'autre endroit, nous avons également prévu des dispositions pour encadrer l'utilisation des appels automatisés en période électorale. Donc, nous pourrons étudier en Chambre de façon plus approfondie ces dispositions et leurs effets sur les citoyens.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, monsieur le leader. Je l'apprécie et je suis certain que M. Best l'appréciera aussi.

[Traduction]

Il poursuit en proposant que « le CRTC oblige les fournisseurs de services téléphoniques à imposer des restrictions aux entreprises de télémarketing. » Selon lui, il pourrait en être ainsi :

[...] les numéros de téléphone dont le nombre d'appels sortants dépasse une certaine limite quotidienne ou mensuelle, etc. — en composant *99 ou une autre séquence de chiffres sur son téléphone, [l'usager] pourrait indiquer à la compagnie de téléphone qu'il souhaite qu'elle bloque dorénavant les appels provenant de ce numéro de téléphone.

M. Best convient que « l'argument qu'on invoquerait devant une telle solution est que les entreprises de télémarketing ont elles aussi le droit de faire des affaires. » Il fait remarquer par contre que des « lois ont été adoptées contre les pourriels, et qu'il devrait en être de même pour le télémarketing ».

Le leader peut-il nous dire pourquoi le gouvernement n'a pas envisagé une solution comme celle qui est proposée par M. Best?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai expliqué, il s'agit d'un sujet qui relève du CRTC. Si vous pouviez nous remettre une copie de la question et de la suggestion de M. Best, nous nous occuperons de la transmettre au ministre responsable du CRTC, puis au CRTC pour qu'il prenne connaissance de ces suggestions.

Le sénateur Mitchell : Je le ferai, merci.

[Traduction]

L'honorable Percy E. Downe : J'ai une question complémentaire. Je me demande à quel point le gouvernement surveille le CRTC et la liste d'exclusion. Le CRTC a imposé une amende à Telus et à d'autres compagnies. Il s'agissait de montants importants : 200 000 $ dans le cas de Telus. Plutôt que de remettre l'argent au receveur général du gouvernement du Canada, le CRTC a décidé de verser le montant à l'École de politique publique et d'administration de l'Université Carleton pour qu'elle mette un programme sur pied.

Bon nombre de Canadiens remettront en question le fait que le receveur général ne reçoive pas l'argent de la perception des amendes si les organismes fédéraux et les sociétés de la Couronne se mettent à décider d'eux-mêmes où verser ces sommes.

Le sénateur Mercer : Il semble avoir pris note de ces renseignements-là!

[Français]

Le sénateur Carignan : C'est une question assez technique que je vais prendre comme une suggestion et que je vais soumettre au ministre responsable du CRTC.

[Traduction]

Le sénateur Downe : J'aimerais poser une brève question complémentaire, puisque le sénateur Mercer a aussi une autre question.

La semaine dernière, les médias québécois ont parlé d'une nouvelle manœuvre trompeuse de la part de télévendeurs qui profitent de l'exclusion permettant aux partis politiques de communiquer avec les gens figurant dans la liste des abonnés auto-exclus. Ils appellent et disent : « Ici le capitaine. Vous avez gagné une croisière. D'après vous, quel est le plus grand enjeu au pays, actuellement? » Et ils reviennent ensuite à leur baratin de vente.

De toute évidence, l'exemption accordée aux partis politiques n'a pas été conçue dans ce but, et certains en abusent. Savez-vous ce que le gouvernement ou le CRTC comptent faire pour réduire le nombre d'appels superflus que nous recevons tous?

Enfin, je me demande pourquoi le CRTC continue de vendre la liste des abonnés auto-exclus.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, le cas auquel vous faites référence a fait l'objet d'un article dans les médias francophones il y a environ deux semaines. Il semble s'agir d'un grand système de fraude international. Je suis convaincu que les services de sécurité publique et les services de police sont déjà au courant de ce type de dossiers et de fraudes.

[Traduction]

La défense nationale

Les coupes dans le programme des cadets

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, ce sont les jeunes Canadiens qui bâtiront un avenir meilleur pour notre merveilleux pays, grâce à leurs expériences dans le monde des arts, de l'éducation, de l'entreprenariat et du bénévolat. Les nombreux groupes, clubs et sociétés dont les jeunes font partie aident les collectivités à promouvoir le Canada sur la scène internationale. Plus important encore, ces groupes leur inculquent des valeurs de service et leur apprennent à œuvrer pour le bien collectif.

Le programme des cadets :

[est] un programme d'envergure nationale qui s'adresse aux jeunes Canadiens âgés de 12 à 18 ans qui souhaitent participer à une multitude d'activités divertissantes, stimulantes et valorisantes, tout en apprenant à connaître les activités maritimes, terrestres et aériennes des Forces armées canadiennes.

Peu après Noël, le gouvernement a annoncé que le budget du programme des cadets serait réduit de 2 millions de dollars, ce qui se répercute sur les achats. Quand les stocks de vêtements sont épuisés, les cadets doivent maintenant porter leurs propres vêtements, y compris leur propre parka par temps froid. Ces jeunes gens veulent avoir l'impression d'appartenir et d'être identifiés à quelque chose de plus grand qu'eux, mais que leur dit le gouvernement? Achetez votre propre manteau.

(1410)

Le leader du gouvernement au Sénat ne pense-t-il pas que c'est un peu fort que d'équilibrer le budget fédéral aux dépens des jeunes cadets?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je pense que c'est un commentaire. Je vais transmettre votre commentaire au ministre.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Merci de transmettre mon commentaire. J'attendais une réponse, mais je présume que c'est une autre de ces journées où nous n'en obtiendrons aucune.

Honorables sénateurs, c'est déplorable. Le gouvernement continue de dépenser l'argent bêtement en faisant la publicité du Plan d'action économique et il demande ensuite aux cadets d'acheter leur propre parka. Je peux vous dire d'expérience à quel point il est bénéfique d'être cadet. J'ai moi-même été cadet.

Une voix : Non!

Le sénateur Mercer : Oui, je sais, c'est difficile à croire. Mon fils Michael, qui est actuellement commandant du corps des cadets de la marine à Mount Uniacke, en Nouvelle-Écosse, a suivi le programme des cadets et j'ai participé à plusieurs activités avec lui au fil des ans. Ces programmes aident les jeunes à se donner un but. Ils les gardent en sécurité, à l'abri des mauvaises influences qui s'exercent aujourd'hui sur certains jeunes. Ils aident à développer les petites collectivités comme celle où j'habite, Mount Uniacke, en Nouvelle-Écosse, et encouragent la participation de tous les membres dans ces collectivités. Chez moi, tous les week-ends, il y a une activité à l'appui du corps de cadets. Il y a quelques semaines, j'ai conduit des cadets pour campagne de ramassage de bouteilles pour financer leurs activités.

D'après ce qu'on me dit, le détachement local de la GRC croit que la participation à la nouvelle unité de cadets de Mount Uniacke a fait diminuer le vandalisme et le nombre d'appels importuns. Diminution de moitié. Pensez-y : 50 p. 100. Le directeur de l'école locale aurait dit que les notes de presque tous les cadets se sont beaucoup améliorées.

Le gouvernement continue de dépenser pour promouvoir le Plan d'action économique. Combien pourriez-vous économiser en réduisant cette publicité et en rétablissant les fonds pour les cadets? Le leader ne convient-il pas que rétablir ces fonds de 2 millions de dollars serait une mesure précieuse et très facile à prendre?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Mercer, je vais transmettre vos commentaires au ministre. En qui concerne les dépenses en matière de publicité reliées au Plan d'action économique, lorsque le gouvernement actuel dépense de l'argent pour la promotion des programmes d'action économique, il le fait pour s'assurer que le plus grand nombre possible de Canadiens les connaissent et bénéficient des avantages qu'ils offrent.

Lorsque notre gouvernement dépense de l'argent en publicité, cet argent va à ceux qui en bénéficient, mais quand les libéraux dépensent de l'argent en publicité, l'argent va dans les poches de leurs amis.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Un de ces jours, bientôt j'espère, le sénateur Carignan sera étonné de se réveiller en 2014, car il vit toujours dans le passé.

Honorables sénateurs, je parle d'un programme qui touche les jeunes au Canada. Le sénateur Carignan semble vouloir parler de politique. Je veux parler de l'aide que nous devons apporter aux jeunes.

Le bilan du gouvernement actuel est catastrophique lorsqu'il s'agit d'appuyer quoi que ce soit qui ressemble à une aide aux militaires. Il n'y a pas de navires, pas de véhicules blindés, pas de chasseurs. Et nous avons toujours ces vieux hélicoptères. De quelle partie de l'argent gaspillé aurait-on eu besoin pour acheter des uniformes aux jeunes cadets? Ce cafouillage est une honte. Les acquisitions pour la défense ont entraîné le gaspillage de millions de dollars.

Quand le gouvernement va-t-il trouver sa compétence? Comment les Canadiens peuvent-ils se fier à vous pour mettre en œuvre ces programmes alors que vous ne pouvez même pas vous occuper de quelque chose d'élémentaire comme les uniformes des cadets?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je trouve triste le fait que le sénateur Mercer renie le passé. Le passé existe et on ne peut l'oublier du jour au lendemain. On ne peut surtout pas oublier l'importance de ce scandale de publicité dans l'histoire. Donc, on ne peut pas du jour au lendemain se retourner et affirmer : « Je ne suis plus libéral », et ne pas vivre avec les conséquences du passé.

[Traduction]

L'honorable Wilfred P. Moore : Monsieur le leader, comme le sénateur Mercer, j'ai moi-même été cadet et j'ai servi dans les forces aériennes. Vous et moi avons quelque chose en commun : nous avons fait de la politique municipale. Je connais la valeur du corps de cadets à Halifax — cadets de l'armée, de la marine ou des forces aériennes. Je connais la fierté qu'on ressent en portant l'uniforme et en faisant quelque chose pour son pays, même quand on est jeune.

Ne convenez-vous pas qu'il serait judicieux de dépenser 2 millions de dollars pour encourager les jeunes? En faisant partie d'un corps de cadets, on acquiert une excellente discipline. Il y a la camaraderie, il y a la fierté de porter l'uniforme. N'êtes-vous pas d'accord pour dire que ce serait de l'argent bien dépensé?

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous vous rappellerez que, il y a quelques semaines, j'ai reçu des invités du Club Kiwanis Saint-Eustache . Chez nous, le club de cadets s'appelle Saint-Eustache Kiwanis. Lors de l'année de la création du club de cadets, le Club Kiwanis Saint-Eustache a été créé pour soutenir les cadets.

Je connais bien le système et l'importance des cadets, puisque j'ai assisté à plusieurs reprises à leurs événements. On les a parrainés, on les a soutenus, et le Club Kiwanis Saint-Eustache continue à les soutenir. Et en ce qui a trait à la suggestion du sénateur Mercer, je la transmettrai au ministre.

[Traduction]

Les affaires étrangères

L'Égypte—La détention de Mohamed Fahmy

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse évidemment au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, à la période des questions, nous avons commencé récemment à poser des questions qui nous sont soumises par les Canadiens, mais je voudrais aujourd'hui vous poser une question de la part d'un Canadien qui ne peut la poser lui-même parce qu'il se trouve dans une prison égyptienne. Mohamed Fahmy est incapable de s'associer à nos questions à cause de sa situation et parce qu'il est détenu par un gouvernement étranger. Mohamed Fahmy est le chef du service d'information en langue anglaise d'Al-Jazeera. Il est détenu au Caire depuis la fin décembre avec deux de ses collègues.

Il a eu droit à des services consulaires, mais le gouvernement conservateur reste silencieux, tandis que d'autres, comme des journalistes, des organisations internationales, des représentants de l'ONU et des dirigeants mondiaux, réclament sa libération. Même le président des États-Unis, Barack Obama, demande sa libération.

Monsieur le leader, que fait votre gouvernement à ce sujet?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Les représentants canadiens fournissent une aide consulaire à M. Fahmy et ils communiquent avec son avocat. Des hauts fonctionnaires canadiens ont abordé son cas avec leurs homologues égyptiens. Ils ont réclamé un procès équitable dans les meilleurs délais, qui respecte les vœux de M. Fahmy.

Nous communiquons régulièrement avec sa famille et nous continuons de veiller à son bien-être général.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Un procès juste. Il semble qu'il ne devrait y avoir aucun procès pour M. Fahmy, qui faisait simplement son travail de journaliste au Caire. M. Fahmy a la double citoyenneté. Il est venu au Canada il y a 20 ans avec sa famille, mais il s'est fait dire par les agents consulaires qu'ils ont les mains liées à cause de sa double citoyenneté et qu'ils ne peuvent le faire libérer.

Croyez-vous que tel soit le cas?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit plus tôt, sénateur Munson, les représentants canadiens fournissent une aide consulaire à M. Fahmy et ils communiquent avec son avocat. Les hauts fonctionnaires canadiens ont abordé son cas avec leurs homologues égyptiens. Nous continuons à communiquer avec sa famille et nous continuons à veiller à son bien-être général.

(1420)

[Traduction]

Le sénateur Munson : Je voudrais poser une brève question complémentaire. Quand j'étais journaliste, il y a bien des années, j'ai été emprisonné en Chine, dans la prison de la Cité interdite. Ce n'est pas un endroit où vous avez envie de séjourner quelques jours, croyez-moi. Votre gouvernement, le gouvernement progressiste-conservateur, un gouvernement compatissant, a alors négocié assez rapidement ma libération en engageant des pourparlers entre la ministre des Affaires étrangères, Barbara McDougall, et son homologue chinois. J'étais très reconnaissant de ne pas avoir séjourné très longtemps dans cette prison. Je faisais tout simplement mon travail après le massacre de la place Tiananmen.

Je sais que la question est très délicate et je comprends la situation en Égypte, mais Mohamed Fahmy ne faisait que son travail. Je ne nie pas le travail qui se fait entre services consulaires et entre hauts fonctionnaires, mais n'est-ce pas le ministère qui devrait s'occuper de ce dossier?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, à l'expérience que vous venez de nous mentionner, la réponse est la même. Donc, des hauts fonctionnaires canadiens discutent du cas avec leurs homologues égyptiens et les représentants du Canada fournissent une aide consulaire à M. Fahmy pour continuer de veiller à son bien-être général.

[Traduction]

La Déclaration d'Hamilton

L'honorable Wilfred P. Moore : Monsieur le leader, je reviens sur la question que j'ai posée hier sur la Déclaration d'Hamilton, qui porte sur la conservation de la mer des Sargasses. Je ne sais pas si vous avez pu obtenir une réponse du ministère des Affaires étrangères, mais je signale que le Canada a ici l'occasion de montrer qu'il se soucie de cette zone environnementale exceptionnelle.

Je tiens à lire ce passage parce qu'il est important. Le document dit ce qui suit :

Attendu que la présente déclaration n'est pas exécutoire et qu'elle ne porte pas atteinte aux droits et aux obligations juridiques qu'ont les signataires en vertu du droit international, ni aux pouvoirs des organismes régionaux et internationaux.

Je veux juste vous signaler, dans le cadre de votre étude de la question, que cette déclaration ne restreint pas ou n'accroît pas les obligations de notre pays. Je sais que le Président Kinsella connaît bien ce dossier. Je sais aussi que le Sénat s'ajournera aujourd'hui pour deux semaines, mais j'espère que les bureaux communiqueront tout de même entre eux. Vous pourriez peut-être trouver une réponse à ma question d'hier et la transmettre au Président Kinsella avant la cérémonie de signature, qui est prévue pour mardi prochain. Je vous saurais gré de vous pencher de nouveau sur cette question.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : J'ai pris l'engagement d'obtenir une réponse du ministre responsable et de vous fournir une réponse écrite. Si vous me le permettez, je vais maintenir mon engagement d'obtenir une réponse à votre question.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest

Troisième lecture

L'honorable Richard Neufeld propose que le projet de loi C-15, Loi remplaçant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest afin de mettre en œuvre certaines dispositions de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest et modifiant ou abrogeant la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, d'autres lois et certains décrets et règlements, soit lu pour la troisième fois.

— Je suis heureux d'avoir l'occasion de parler du projet de loi C-15, Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. En tant que président du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, j'ai eu l'occasion d'étudier les répercussions de ce projet de loi sur les habitants des Territoires du Nord-Ouest au cours des derniers mois, et je peux vous dire qu'il va changer la donne.

Durant l'étude préalable du projet de loi par le comité, nous avons entendu le témoignage de 34 témoins au cours de huit réunions, et nous avons reçu un certain nombre de mémoires. J'ai été particulièrement frappé par le témoignage du premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, l'honorable Bob McLeod, qui a parlé de l'importance que revêt ce projet de loi pour le développement économique et politique du territoire.

Je crois que c'est lui qui a le mieux décrit la situation lorsqu'il a comparu devant le comité, en décembre. Voici ce qu'il a déclaré :

Le transfert des responsabilités sera le point culminant d'une évolution politique qui a commencé par la création du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, en 1967. Pour la première fois de l'histoire, la population des Territoires du Nord-Ouest bénéficiera des mêmes droits à l'autodétermination et au contrôle des affaires territoriales qui sont conférés à leurs compatriotes canadiens des provinces et du Yukon. Le transfert des responsabilités viendra concrétiser la promesse faite il y a 46 ans, et ce, grâce à l'amélioration continue d'une assemblée législative entièrement élue et représentative de la population, et qui a su assumer sans réserve les responsabilités que le Canada lui a confiées.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-15 confiera plus de responsabilités relatives à la gestion des terres et des ressources au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Il améliorera également le régime réglementaire de ce territoire. Ce projet de loi, qui vise à conférer certains pouvoirs au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, donnera à ce territoire la possibilité d'exploiter son immense potentiel économique.

Après plus de trois décennies de discussions et de négociations, et à la suite de l'adoption du projet de loi C-15, qui porte sur le transfert des responsabilités, nous nous emploierons à assurer une transition sans heurts à la date visée pour le transfert des responsabilités, soit le 1er avril 2014.

Au final, le gouvernement croit que les gens du Nord doivent exercer un plus grand contrôle et assumer une plus grande responsabilité en ce qui concerne leurs terres et leurs ressources. Nous croyons également que, si les gens du Nord ont les pouvoirs et les instruments juridiques nécessaires, ils pourront s'acquitter de ces nouvelles responsabilités d'une manière avantageuse non seulement pour eux, mais aussi pour tous les Canadiens. Les collectivités du Nord auront ainsi une confiance encore plus grande et elles seront plus autonomes. La Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest donnera lieu à des améliorations tangibles dans les Territoires du Nord-Ouest, et elle mérite pleinement l'appui du Sénat.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi et à appuyer la Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. Merci.

Son Honneur le Président intérimaire : Reprenons-nous le débat? Passons-nous au vote?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Motion tendant à autoriser le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie à en étudier la teneur—Ajournement du débat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 5 mars 2014, propose :

Que, conformément à l'article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier la teneur du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d'autres lois en conséquence, déposé à la Chambre des communes le 6 février 2014, avant que ce projet de loi ne soit soumis au Sénat.

— Honorables sénateurs, je serai brève. Le Sénat est saisi d'un projet de loi de première importance, qui me touche d'ailleurs de très près puisque j'ai moi-même immigré au Canada, siégé au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie ainsi que collaboré avec l'ancien ministre et le ministre actuel. Le projet de loi importe beaucoup aux Canadiens et permettra de préserver l'intégrité et l'efficacité fondamentales de notre système. Or, je crois comprendre que le comité ne l'a pas encore étudié. Par conséquent, étant donné que notre horaire est très chargé puisque nous aurons deux semaines de relâche en mars et en avril, il y a lieu de procéder à une étude préliminaire si l'on veut approfondir ce dossier capital comme il se doit. Qui plus est, comme le projet de loi n'a pas été renvoyé au comité à la Chambre, l'étude préalable du comité sénatorial pourrait donc avoir un certain poids.

(1430)

Le président et les membres du comité, dont j'ai d'ailleurs été membre pendant cinq ans, sont des plus compétents. Ils feront une excellente étude préalable, et je demande donc aux sénateurs d'adopter immédiatement cette motion.

Son Honneur le Président intérimaire : Poursuivons-nous le débat?

L'honorable Art Eggleton : J'aimerais intervenir, mais j'aurais besoin d'un peu de temps. Je demande donc que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Eggleton, avec l'appui de l'honorable sénateur Moore, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 5 mars 2014, propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 25 mars 2014, à 14 heures.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur la gestion des finances publiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-204, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds).

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Moore, avec l'appui de l'honorable sénateur Day, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L'honorable Wilfrid P. Moore : Honorables sénateurs, j'ai quelque chose à dire. Je serai bref, je le promets. Je tiens à remercier les dirigeants de ce côté-ci de m'avoir appuyé dans mes efforts. Je tiens à remercier les dirigeants de l'autre côté d'avoir maintenu et confirmé l'honneur et l'intégrité de notre assemblée. Merci beaucoup.

(Sur la motion du sénateur Moore, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Projet de loi sur les restrictions applicables aux promoteurs du crédit d'impôt pour personnes handicapées

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Buth, appuyée par l'honorable sénatrice Unger, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-462, Loi limitant les frais imposés par les promoteurs du crédit d'impôt pour personnes handicapées et apportant des modifications corrélatives à la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, j'interviens au sujet du projet de loi C-462, Loi limitant les frais imposés par les promoteurs du crédit d'impôt pour personnes handicapées et apportant des modifications corrélatives à la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

Honorables sénateurs, selon Statistique Canada, 12,5 millions de Canadiens sont handicapés. En tant que groupe social, les Canadiens handicapés sont confrontés à maints obstacles. Ils sont très marginalisés. Ils n'ont pas accès à une éducation de qualité. Le rapport sur l'éducation postsecondaire du Comité des affaires sociales nous apprend que les Canadiens handicapés ont 50 p. 100 moins de chance d'obtenir un diplôme universitaire. Ils affichent un plus faible taux d'emploi et généralement gagnent moins d'argent. Selon Statistique Canada, sur les Canadiens handicapés en âge de travailler, 54 p. 100 sont au chômage ou ne font pas partie de la population active, et presque 50 p. 100 d'entre eux gagnent moins de 15 000 $ par année. Ceux qui sont employés occupent en général un poste à temps partiel. Leur revenu familial est donc inférieur à celui des personnes non handicapées. Les hommes handicapés, par exemple, gagnent 9 000 $ de moins que les hommes non handicapés. En ce qui concerne les femmes handicapées, ce n'est guère mieux; elles gagnent 8 000 $ de moins que les femmes non handicapées.

Les difficultés que connaissent les personnes handicapées ont plusieurs causes et comportent différents éléments que je ne saurais aborder tous aujourd'hui. L'un des éléments sur lesquels s'était penché notre Comité des affaires sociales dans son rapport Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l'exclusion était le rôle des gouvernements du Canada. Nous n'avons pas une politique concertée d'aide aux personnes handicapées. Nous n'avons en fait qu'un ensemble disparate de programmes locaux, provinciaux, territoriaux et fédéraux qui se chevauchent les uns les autres sans réussir à assurer un soutien adéquat du revenu et les moyens de base nécessaires pour éliminer les obstacles liés à la condition de personne handicapée.

Ainsi, les cinq sources de revenus des personnes handicapées ont des définitions différentes de l'invalidité, des conditions différentes d'admissibilité, des durées différentes de versement des prestations, des niveaux différents de générosité dans la fixation du niveau des prestations et des incitatifs différents pour encourager la réintégration dans la population active.

De plus, le niveau des prestations versées aux personnes handicapées bénéficiant de l'aide sociale a diminué, en dollars réels, au cours des dernières années. Dans sept des dix provinces, les taux de l'aide aux personnes handicapées se situaient en 2005 à leur plus bas niveau depuis 1986.

(1440)

La complexité des programmes actuels et leurs interactions peuvent laisser trop de personnes handicapées sans un revenu suffisant et même sans aucun revenu du tout parce qu'elles sont souvent renvoyées d'un système ou d'un programme à l'autre.

Nous avons besoin de changements. Nous avons besoin d'une approche concertée des différents ordres de gouvernement pour aider les personnes handicapées. Le rapport de notre Comité des affaires sociales recommandait, comme moyen de parvenir à une telle approche, que le gouvernement fédéral mette en place un revenu garanti de base se situant au niveau du seuil de la pauvreté ou au-dessus pour les personnes ayant de graves handicaps. Comme le Supplément de revenu garanti des aînés, qui a permis à la plupart des personnes âgées d'échapper à la pauvreté, ce revenu de base serait fonction du revenu total, de façon à placer les personnes handicapées au-dessus du seuil de la pauvreté. Un tel programme permettrait à près d'un demi-million de Canadiens handicapés de se passer de l'aide sociale et relèverait sensiblement leur revenu.

Ce serait là un plan audacieux d'aide aux personnes handicapées, mais le gouvernement et les autres parties ne semblent pas vouloir aider nos citoyens les plus vulnérables. Par conséquent, tant que nous n'aurons pas apporté les changements systémiques que j'ai mentionnés, nous devrons compter sur les programmes actuels.

Le crédit d'impôt pour personnes handicapées est l'un des plus importants parmi ces programmes. Il assure une aide financière à certains et permet de déterminer l'admissibilité à d'autres avantages, mais il y a des problèmes.

À l'heure actuelle, le crédit n'est pas remboursable, ce qui signifie qu'il ne rapporte rien à ceux dont le revenu est tellement faible qu'ils n'ont pas d'impôts à payer. Selon le Caledon Institute, la proportion de la population cible qui reçoit le crédit d'impôt n'atteint que 30 à 40 p. 100. Autrement dit, plus de la moitié des gens qui pourraient en bénéficier n'y ont pas accès. Honorables sénateurs, ce programme ne correspond pas aux besoins.

Il y a quatre ans, nous avions recommandé dans notre rapport que le crédit d'impôt devienne remboursable, mais rien n'a été fait. Nous ne pouvons pas attendre davantage. Le gouvernement doit rendre ce crédit remboursable tout de suite. Ce simple changement aurait des avantages considérables pour des milliers de Canadiens handicapés.

Honorables sénateurs, des représentants de la communauté des personnes handicapées nous ont dit que le processus et les documents à présenter pour obtenir le crédit d'impôt sont compliqués, surtout pour les personnes ayant un handicap grave. Cela a donné naissance à toute une industrie comptant de nombreux consultants qui offrent aux personnes handicapées de les aider à obtenir le crédit.

Nous avons également appris que les compressions imposées par le gouvernement à l'Agence du revenu du Canada, et particulièrement la fermeture des comptoirs de service, ont créé davantage de difficultés pour les gens qui cherchent à obtenir des renseignements et à avancer dans le processus de demande. Cette situation amène de plus en plus de personnes handicapées à recourir aux services des consultants.

Pourquoi cela est-il important? En 2005, le gouvernement avait permis aux Canadiens handicapés de demander le crédit d'impôt à titre rétroactif pour une période pouvant atteindre une décennie. Une fois leur demande approuvée, certains pouvaient recevoir un remboursement de plusieurs milliers de dollars. Toutefois, les consultants prélèvent un pourcentage sur cet argent. Certains d'entre eux exploitent ces personnes très vulnérables en exigeant un pourcentage excessivement élevé pouvant atteindre 40 p. 100. C'est vraiment déplorable. Cela revient à enlever quelque 20 millions de dollars aux Canadiens qui en ont le plus besoin.

Nous devons restreindre cette pratique inacceptable. Nous devons permettre aux Canadiens dans le besoin de profiter du crédit d'impôt. Le projet de loi d'initiative parlementaire dont nous sommes saisis aujourd'hui vise à sévir contre cette forme de fraude et à fixer un plafond pour les honoraires des consultants.

Honorables sénateurs, nous devons cependant veiller à adopter une approche modérée. Le projet de loi ne précise ni le plafond, ni la façon dont il sera fixé, ni les critères qui seront utilisés. On peut espérer que les niveaux choisis seront appropriés, mais cela ne viendra que plus loin dans le processus réglementaire.

Nous devons donc veiller à ce que la limitation des honoraires ne réduise pas l'accès des personnes handicapées au crédit d'impôt. Il y a en effet des entreprises honnêtes qui, pour un prix raisonnable, offrent un précieux service aux Canadiens handicapés en les aidant à se prévaloir de ce programme.

Nous devons aussi persuader le gouvernement d'examiner la cause profonde de ce problème, qui réside dans la complexité du processus de demande. Ce projet de loi n'est en fait qu'une solution temporaire.

Est-il vraiment nécessaire que le processus soit tellement difficile? Il y a sûrement moyen d'offrir un programme équitable et accessible aux Canadiens handicapés.

Honorables sénateurs, j'ai hâte d'entendre les témoignages que nous recevrons au comité afin de mieux comprendre certains des détails du projet de loi. Comme il y a encore des questions sans réponse, une étude complète au comité peut nous aider grandement à déterminer le meilleur moyen de procéder.

Malheureusement, beaucoup de Canadiens handicapés connaissent encore de grandes difficultés. Nous devons mieux les appuyer pour leur permettre de mener une vie pleine et productive. Ils ne devraient pas avoir à supporter toutes ces difficultés. Ils méritent mieux de notre part.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Le Code criminel
La Loi sur la défense nationale

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir à l'article nº 1, sous la rubrique Autres affaires, Projets de loi d'intérêt public des Communes, deuxième lecture :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-394, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale (recrutement : organisations criminelles).

Son Honneur le Président intérimaire : Il reste au sénateur Dallaire 35 minutes de son temps de parole.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je reviens sur le projet de loi C-394. Si vous vous rappelez le débat d'hier, le projet de loi vise à criminaliser le recrutement par les gangs en érigeant en infraction le fait de recruter une personne pour faire partie d'une organisation criminelle, de l'inviter, l'encourager ou la contraindre à en faire partie ou de la solliciter à cette fin.

(1450)

Hier, quand nous avons ajourné, je parlais des jeunes de la diaspora au pays, qui forment un groupe de plus en plus important au sein de nos collectivités, et de l'impact des gangs sur eux. Je donnais l'exemple de jeunes qui, parfois, sont arrivés ici sans même être accompagnés, en provenance de pays en crise. Évidemment, ces jeunes vieillissent d'année en année et deviennent des adultes à 18 ans. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement qu'ils ont trouvé la solution pour s'adapter aux changements culturels profonds ou à notre mode de vie, et encore moins pour avoir une stabilité économique leur permettant d'aller de l'avant.

Hier, j'étais sur le point de vous parler des enfants perdus de la Somalie. Il s'agit de groupes d'anciens enfants soldats qui, en raison du conflit dans leur pays d'origine, ont été amenés ici à titre de réfugiés et se sont vu accorder un délai de trois ans pour s'adapter à notre mode de vie. Ces jeunes ont obtenu un certain soutien tel que l'assistance sociale et d'autres services du genre, mais on constate maintenant qu'ils ont toujours un problème fondamental en ce sens qu'ils ont de la difficulté à être acceptés, et ce pour diverses raisons. Premièrement, ils n'ont pas les compétences souhaitables; deuxièmement, leur niveau d'éducation fait défaut; troisièmement, ils perdent ici tout repère lié à leur cadre culturel antérieur, et je ne fais même pas allusion au climat.

Les jeunes du groupe que j'ai rencontré à Calgary m'ont dit qu'un certain nombre d'entre eux sont recrutés et que, pour des motifs de survie, ils deviennent membres de gangs qui s'adonnent au trafic de drogues et à d'autres activités répréhensibles. Or, une fois qu'ils font partie de ces gangs, ils ne peuvent plus en sortir.

L'année dernière, cinq d'entre eux ont été tués dans les rues de Calgary. Ils étaient âgés de plus de 18 ans, ils faisaient partie de gangs, ils étaient pris dans un engrenage dont ils ne pouvaient s'extirper, et ils étaient pratiquement tenus en otages par les chefs de ces gangs. Ils ont survécu à une guerre en tant qu'enfants soldats dans leur pays d'origine puis, moins de trois ans après leur arrivée au Canada, ils se font tuer dans les rues de nos villes.

Il faut absolument s'attaquer au problème fondamental du recrutement d'adolescents et de jeunes adultes par les gangs. La criminalisation est évidemment l'un des outils proposés ici, mais je ne pense pas que cela soit suffisant. Cette approche ne permettra pas de régler le problème.

La pauvreté, la maltraitance, la solitude et le désengagement sont tous des facteurs qui limitent les chances de ces jeunes de s'intégrer, de faire plus que de survivre et de s'accomplir à titre de nouveaux citoyens canadiens. Cette situation, que je déplore, en fait des cibles toutes désignées aux fins de recrutement par des gangs criminels pendant qu'ils sont mineurs et lorsqu'ils deviennent de jeunes adultes.

Ces groupes à risque se heurtent à deux problèmes, qui sont souvent étroitement liés. Premièrement, les jeunes se sentent démunis et perdus. Ils voudraient pouvoir décider de leur avenir, mais tout dans leur vie les pousse vers une voie démoralisante. Ils se joignent à des gangs pour se sentir importants, pour se sentir comme de vraies personnes et avoir des pouvoirs. Tout cela parce qu'ils ont été privés de leurs droits. Ils voient leur adhésion à un gang comme une façon d'avoir le contrôle de leur vie. Ils ont plus de pouvoirs que leur vécu et leur expérience leur permettraient normalement d'avoir, mais il va de soi que ces pouvoirs sont mal orientés et qu'ils les mènent à leur perte.

[Français]

Les gangs criminels commencent à être connus à force de semer la terreur dans les quartiers où les gens et les enfants devraient se sentir en sécurité. Cette terreur engendre un autre problème : une génération d'enfants qui grandissent dans un territoire de gangs et qui ne s'attendent même plus à vivre en sécurité. Ils en sont venus à croire qu'il leur faut joindre un gang pour se protéger eux-mêmes et protéger leur famille. Ils recherchent une forme de protection et croient en la force du nombre.

Quand j'étais à Edmonton, au centre pour les jeunes, les quatre individus dont j'ai parlé hier me décrivaient leur façon de patrouiller les rues d'Edmonton afin de protéger les jeunes filles autochtones qui sont utilisées comme filles de rue.

[Traduction]

Ces quatre garçons m'ont expliqué que leur gang ne profite pas de la prostitution de ces jeunes filles, mais qu'il protège celles-ci contre ceux qui voudraient les maltraiter. Le gang fait même de son mieux pour leur fournir des outils pour se protéger. On parle d'enfants autochtones, de jeunes filles de 12 à 14 ans.

[Français]

Avant même de comprendre ce qui leur arrive, ils tombent dans le cercle vicieux de la drogue, de la violence et nécessairement, de la criminalité.

Voilà pourquoi j'appuie sans réserve le principe du projet de loi qui vise à traduire en justice les personnes qui s'attaquent aux jeunes à risque. Oui, les recruteurs, les hommes et les femmes — surtout ceux qui ciblent les enfants, les jeunes — qui maintiennent les groupes criminels qui menacent la sécurité de tous. Sans compter qu'ils volent à notre pays des jeunes à l'avenir potentiellement prometteur en prétendant leur offrir un marché équitable s'ils font partie d'un gang de rue.

Les adultes recrutent des enfants pour commettre des crimes et, sur ce volet, je n'ai aucune réserve concernant le projet de loi.

[Traduction]

Cependant, nous reconnaissons tous que, en tant que sénateurs, nous devons examiner tous les projets de loi avec un esprit critique. On ne peut pas proposer de lois fondées uniquement sur des sentiments et des opinions. Nous devons aussi veiller à ce que ce projet de loi propose des critères pour élaborer des politiques afin que ces mesures législatives permettent de résoudre le problème visé en réduisant les possibilités de recrutement chez les jeunes ainsi que les ressources dont disposent les gangs dans la collectivité.

À l'instar de mes collègues des partis de l'opposition à la Chambre des communes, j'éprouve certaines réserves à l'égard de la version actuelle du projet de loi. Je m'interroge d'abord sur la nécessité de ce projet de loi. Comme l'indiquent les observations que je viens de faire, je suis persuadé que le gouvernement doit en faire davantage pour remédier au problème du recrutement par les gangs. C'est évident. Cependant, comme bien des gens l'ont déjà dit, le Code criminel contient déjà des dispositions qui permettent d'engager des poursuites contre ceux qui font du recrutement pour un gang. L'article 467.11 a été établi à cette fin.

Je cite Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard du Canada :

Selon les bons principes du droit pénal, on préfère les catégories générales d'infraction à des infractions particulières créées en réaction à des préoccupations, à des nouvelles ou à des hystéries publiques possiblement passagères.

Nous n'en sommes pas là. Nous savons qu'il existe un problème, mais avons-nous besoin d'un autre outil pour sévir alors qu'il en existe déjà un dans le Code criminel? Ne faudrait-il pas autre chose qu'une simple mesure législative pour sévir davantage contre les gangs? Existe-t-il d'autres outils possibles? Pourquoi présenter le présent projet de loi au lieu d'optimiser l'utilisation des outils existants?

Honorables sénateurs, il faut se demander si le recrutement de membres par les gangs se traduit adéquatement par des poursuites judiciaires aux termes de la loi en vigueur. Si ce n'est pas le cas, la solution est-elle de créer une nouvelle catégorie d'infraction, comme le propose le projet de loi, ou ne suffirait-il pas de reformuler un article existant du Code criminel pour en clarifier l'intention, une option qui aurait pu être envisagée sans nécessairement présenter un projet de loi?

(1500)

[Français]

Je me préoccupe aussi, bien sûr, de l'imposition des peines minimales obligatoires pour les recruteurs de mineurs. Chose certaine, je suis d'accord avec le gouvernement lorsqu'il déclare que le recrutement de mineurs est un crime bien pire que le recrutement d'adultes. Je consacre une part importante de ma vie à la question du recrutement des enfants pour faire la guerre.

Lorsqu'il s'agit d'adultes qui, dans notre pays, recrutent des jeunes pour les impliquer dans des activités criminelles, il va de soi que je suis tout à fait d'accord pour qu'on prenne des mesures plus agressives à leur encontre pour les empêcher de nuire et, ce faisant, porter un coup à la survie de ces gangs, qui disparaîtront faute de pouvoir recruter de nouveaux membres.

Cependant, en imposant des peines minimales obligatoires, le gouvernement dépouille les juges de leur pouvoir discrétionnaire, alors que ceux-ci sont formés pour prendre en considération toutes les circonstances d'une affaire avant de rendre leur décision. Avec ces peines minimales, le gouvernement semble dire, une fois de plus : « Ne nous ennuyez pas avec les détails et jetez-les tout simplement en prison; qu'on s'en débarrasse. »

Il nous faut d'ailleurs admettre la présence de circonstances atténuantes dans certaines affaires ou à certains moments. Qui plus est, une sanction orientée vers la réadaptation serait parfois plus appropriée qu'une simple peine d'emprisonnement, mais cette dimension semble perdue dans beaucoup de propositions de projets de loi dans lesquels, pour traiter un problème, on semble ne pas vouloir utiliser les outils sociaux qui existent et visent à éduquer. On préfère plutôt tout simplement cogner les fautifs sur la tête avec une masse et, potentiellement, se débarrasser du problème. Seulement, ceux-ci ne resteront pas en prison toute leur vie — mais peut-être est-ce là ce que l'on veut : qu'ils demeurent des fauteurs de trouble et restent en prison toute leur vie — et, lorsqu'ils sortiront de prison, ils représenteront peut-être un problème beaucoup plus sérieux qu'au départ.

Selon certains, c'est particulièrement vrai pour des gangs dont l'influence sur leurs membres est entretenue, même dans les prisons. En effet, ces derniers se causent plus de torts, à eux-mêmes et aux autres, s'ils sont emprisonnés que s'ils effectuent des travaux communautaires ou suivent un programme de formation pendant qu'ils purgent leur peine. Il s'agit là d'un volet qui exige aussi du financement et de l'attention — je veux parler de la capacité de réhabiliter ces gens et de leur montrer qu'ils peuvent se sortir du piège dans lequel ils sont tombés en se faisant recruter, parfois sans réaliser l'ampleur de la problématique dans laquelle ils étaient tombés.

Mon dernier sujet de préoccupation porte sur les conséquences indirectes de la mesure législative. Sous le régime du projet de loi C-394, si un délinquant adulte est reconnu coupable d'avoir recruté des mineurs pour le compte de gangs de rue, il doit purger au minimum une peine de six mois de prison. C'est établi, il n'y a pas d'équivoque. À mon avis, il importera de vérifier, à l'étape de l'étude en comité, si cette mesure ne risque pas de pousser les gangs de rue à utiliser des recruteurs mineurs. Vous avez 16 ans, ciblez des jeunes, embrigadez-les, et vous n'aurez jamais à purger une peine obligatoire de six mois, parce que vous êtes un mineur.

On est donc potentiellement en train de faire en sorte que, parce que les adultes vont automatiquement aller en prison sans autre option, ceux qu'on va retrouver sur le terrain seront au contraire des jeunes qui, eux, peuvent être encore plus efficaces comme recruteurs en influençant leurs pairs pour qu'ils se joignent à leur groupe. Donc, au lieu de protéger ces enfants en empêchant qu'ils tombent aux mains des gangs, j'ai peur qu'on condamne ceux qui sont déjà pris au piège et qu'on les rende encore plus impliqués lorsqu'ils deviendront eux-mêmes des recruteurs de leurs pairs.

[Traduction]

En outre, d'importantes recherches et de solides données probantes permettent de croire que les programmes de répression des gangs et l'incarcération des membres de gangs ne fonctionnent tout simplement pas.

Selon un rapport du Conseil des Autochtones de Winnipeg, même si les programmes de répression des gangs réussissent à réduire la criminalité attribuable aux gangs à court terme, ils ne s'attaquent pas aux causes profondes de l'adhésion des jeunes aux gangs, qui sont les outils dont les recruteurs se servent. Les auteurs du rapport indiquent également qu'on ne devrait recourir à la répression qu'en complément à un éventail d'interventions. Ils font en outre remarquer qu'en incarcérant les jeunes membres de gangs, on accroît les risques qu'ils récidivent et restent dans leur gang, parce que le regroupement de jeunes à risque élevé ne fait que raffermir les liens au sein des gangs. Les jeunes se joignent aux gangs et deviennent frères d'armes, une loyauté s'installe, nourrie par la peur, mais également par le fait qu'ils ont trouvé une place dans la société, même si c'est une place terrible et, en fait, illégale.

[Français]

Honorables sénateurs, j'appuie le principe du projet de loi et je serai heureux de l'examiner attentivement lorsqu'il en sera à l'étape de l'étude en comité. À mon avis, nous avons la possibilité, nous, sénateurs, de montrer à nouveau que nous sommes capables, en étant saisis d'une mesure législative juste sur le plan théorique, mais potentiellement mal applicable sur le plan pratique, d'y apporter les changements nécessaires pour en faire une loi digne de ce nom.

Nous pourrons ainsi redorer notre blason de législateurs et protéger les quartiers, partout au pays, dans lesquels les jeunes vulnérables estiment n'avoir d'autre choix que de vivre dans la criminalité et la violence en se laissant recruter par des gangs. Nous pouvons ainsi empêcher que soit détruit le potentiel de ces jeunes, qu'ils soient issus des communautés autochtones ou qu'ils se trouvent dans nombre de nos grands centres urbains, issus de diasporas venues chercher dans ce pays un monde meilleur.

Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Dallaire, accepteriez-vous de répondre à quelques questions?

[Traduction]

Le sénateur Dallaire : Bien sûr.

L'honorable Donald Neil Plett : Je veux d'abord vous remercier, sénateur, d'avoir tenu parole et d'être intervenu cette semaine. Je sais que vous vouliez parler mardi et que les leaders ne vous l'ont pas permis; nous nous occuperons des leaders à un moment donné.

Quoi qu'il en soit, je vous sais gré d'avoir tenu parole, sénateur. Je vous remercie également d'avoir appuyé le principe du projet de loi. Tout ce que vous avez dit le montre.

Vous avez mentionné à quelques reprises qu'une mesure législative existe déjà, de sorte que ce projet de loi est en quelque sorte superflu. Selon la loi actuelle, il faut que la personne accepte l'invitation à se joindre à un gang. Selon la nouvelle mesure législative, le simple fait d'inviter ou d'encourager un jeune à faire partie d'un gang est illégal, même si le jeune refuse.

Les peines minimales obligatoires existent depuis très longtemps au Canada. En fait, leur origine remonte au tournant du XXe siècle. Elles sont imposées pour des crimes que le public trouve particulièrement odieux et répréhensibles.

Par conséquent, la question que j'aimerais vous poser, sénateur, est la suivante. Je crois que vous serez d'accord avec moi, mais j'aimerais quand même vous entendre le dire. Ne convenez-vous pas au moins que le recrutement d'un jeune de 12, 13 ou même 14 ans par un gang est particulièrement odieux et répréhensible?

Le sénateur Dallaire : Je crois que vous avez tout à fait raison de dire qu'il existe une nuance entre accepter de faire partie d'un gang et faire l'objet d'un recrutement.

(1510)

Je me suis aperçu, en parlant avec ces jeunes, qu'ils ne semblent pas avoir la liberté de refuser — et c'est bien ça qui est terrible. Autrement dit, une fois qu'ils sont pris pour cible par telle ou telle personne, ils sont comme pris au piège, souvent à cause de la pression exercée par leurs pairs, souvent aussi à cause de leur historique. Il arrive également que ces jeunes soient déjà dépendants à la drogue.

C'est vrai que l'on ratisse large, mais selon ce qu'on nous a dit, le taux d'acceptation des jeunes dans ces gangs frôle les 100 p. 100.

En ce qui concerne les peines minimales, vous avez raison de dire que les personnes de plus de 18 ans qui recrutent un jeune dans un gang méritent d'être punies durement. J'en ai fait mon cheval de bataille sur la scène internationale, et je crois qu'il est de notre devoir de lutter aussi contre ce phénomène ici, au Canada.

Il faut par contre se demander ce qui a pu se passer pour que nous en arrivions là. Si autant de jeunes sont ciblés par une frange bien précise de la collectivité, qui nous dit que ceux qui les ciblent dans le but de les recruter ne sont pas eux-mêmes pris dans un cercle vicieux? Les juges doivent alors se demander si le jeune de 19 ou 20 ans qui est chargé de recruter des nouveaux membres agit de son propre chef ou s'il ne bénéficie pas au contraire de circonstances atténuantes, car il se peut qu'il soit lui-même pris dans les engrenages du gang et que, s'il ne réussit pas à recruter de nouveaux membres, il va se faire descendre.

C'est ce qui est ressorti des discussions que j'ai eues avec les jeunes enfants soldats, à Calgary. Ils n'avaient pas d'autre option. Ils ont été aspirés par le milieu, et à partir de ce moment-là, ils ont été pris dans un cercle vicieux.

Voici un exemple terrible de la pression qui peut s'exercer sur certaines personnes pour ne pas qu'elles se défassent d'une mauvaise habitude, si on me permet l'euphémisme. Dans bien des grands centres, les prostituées sont souvent des Autochtones. Parmi celles qui ont comparu devant le comité lors de l'étude sur l'exploitation sexuelle des enfants autochtones, elles étaient beaucoup à n'avoir que 13 ou 14 ans. Elles nous ont expliqué qu'elles se prostituaient parce que c'était aussi ce que faisait leur mère, parfois même leur grand-mère. Elles n'ont pas eu le choix : on les a emmenées en ville et jetées dans un trou à rat, sans espoir d'en réchapper. Alors elles faisaient ce qu'on leur disait. Elles n'ont jamais rien connu d'autre.

La même chose vaut pour les jeunes de Québec, où je vis, qui habitent un secteur défavorisé. Ils ne peuvent tout simplement pas échapper à cette jungle. Ils ne se sentent pas assez sûrs pour aller dans la haute ville, où c'est plus difficile pour eux. L'impact de la société sur ces jeunes a d'énormes ramifications.

Voilà pourquoi, bon sang, si nous payons les juges de 200 000 à 300 000 $ par année pour rendre des décisions, nous devrions peut-être les laisser décider et les tenir responsables de leurs décisions, plutôt que de tout faire pour qu'ils envoient les délinquants en prison.

Le sénateur Plett : Si je peux me permettre une question complémentaire, sénateur. Je comprends que vous êtes un expert, pas tant en ce qui a trait aux gangs mais certainement en ce qui a trait aux enfants soldats. Vous avez eu braqué sur vous un fusil tenu par un enfant de 12 ans; je sais donc pertinemment que vous, plus que quiconque en cet endroit, connaissez bien les problèmes que vivent les jeunes, que l'on parle de recrutement d'enfants soldats ou de membres de gangs de rue.

Je vous respecte pour cela, et je sais, sénateur, que vous êtes l'une de ces personnes qui tiennent à étudier chaque chose avec le plus grand soin pour s'assurer que nous avons un bon projet de loi. J'espère simplement que le projet de loi récoltera l'appui nécessaire à l'étape de la deuxième lecture afin que nous puissions le renvoyer au comité, où vous et moi pourrons l'étudier à fond.

Le sénateur Dallaire : Mon penchant pour les études exhaustives est un sujet plus approprié pour une autre tribune. Si nous étions au bar, nous pourrions probablement en discuter; or, nous ne faisons jamais cela, et c'est fort malheureux.

Cela dit, en ce qui a trait à la dimension des enfants soldats, les forces policières de Toronto et de Calgary ont fait appel à moi dans le cadre de mon travail à l'Université Dalhousie. Elles sont venues nous voir et nous ont raconté qu'elles sont aux prises avec des gangs formés de membres de diasporas et ne savent pas comment gérer la situation parce que ces personnes présentent une culture et des paramètres différents.

Pendant que nous discutions avec le chef de police adjoint, à Toronto, du genre de formation qu'il faut à son équipe pour lui éviter de recourir à la force étant donné que beaucoup de ces jeunes proviennent de secteurs où il est d'usage d'avoir recours à une violence extrême, nous nous sommes fait dire : « Vous devez nous aider à trouver des moyens d'empêcher que les jeunes soient recrutés. »

C'est justement une partie de ce que nous faisons. Nous voulons empêcher le recrutement d'enfants soldats. Je crois qu'il y a lieu d'étudier les liens avec les gangs au Canada, et nous collaborons avec les forces policières à cet effet.

Ce projet de loi est une nécessité. Je ne dirai pas le contraire. Je pense seulement qu'il faut le libeller de manière à laisser la possibilité à chacun de faire son travail et de tenir compte des facteurs atténuants, des facteurs qui sont amplement présents dans certains de ces milieux. Le jeune de 19 ans qui a été enfant soldat pendant trois ans n'a pas d'autre option. Il est pris dans l'engrenage. C'est un facteur atténuant. Je pense qu'il faut donner au juge le moyen de prendre cette décision.

Alors, oui, j'espère que le comité étudiera le projet de loi dans le détail. N'oubliez pas que vous me devez une boîte de jujubes. Merci.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Dallaire, le sénateur Meredith a une autre question.

L'honorable Don Meredith : Sénateur Dallaire, auriez-vous l'obligeance de répondre à une question?

Je travaille auprès des jeunes du Grand Toronto depuis 12 ans et j'ai vu la violence armée exploser depuis 2005, « l'année des fusils » dans notre ville. Selon vos recherches, pourquoi, à la base, ces jeunes gens se sentent-ils marginalisés au point de vouloir adhérer à un gang? J'ai aussi une question complémentaire.

Le sénateur Dallaire : Ces jeunes n'ont tout simplement aucune chance. Ils n'ont même pas l'impression que leurs pairs, ceux qui sont normalement intégrés dans la société, sont capables de les accepter, de les accueillir et leur offrir d'autres options.

Ils proviennent d'un milieu qui est souvent marginalisé, où on lutte pour sa survie, et où la criminalité est si présente qu'ils ne peuvent y échapper.

Il a été surprenant de constater tout ce que l'on découvre à l'intérieur d'un petit périmètre de la ville. Par exemple, à Vancouver, une jeune Autochtone qui a été retirée de sa réserve à 12 ans a été gardée prisonnière pendant 4 ans, jusqu'à 16 ans donc, et elle a été obligée de se prostituer sans être capable de s'enfuir. Elle était détenue à quelques coins de rue de l'horloge à vapeur où tous les touristes se rendent.

Leur milieu pousse donc les jeunes à la criminalité. Il s'agit d'une porte de sortie vu qu'ils sont laissés pour compte, qu'ils n'ont aucune autre option et que leur situation familiale est souvent difficile.

Je pense que c'est ça le pire. Nous essayons donc de trouver des moyens pour leur fournir des options afin qu'ils ne se tournent pas vers la criminalité comme moyen d'échapper à leur sort.

Le sénateur Meredith : J'ai une question complémentaire, sénateur. Pensez-vous que les trois ordres de gouvernement — que ce soit à Surrey, en Colombie-Britannique, à North Preston, en Nouvelle-Écosse, à Toronto, à Montréal ou ici même à Ottawa — en font assez pour inciter les jeunes à ne pas se joindre à des gangs, notamment en leur donnant les outils nécessaires, et pour leur éviter de se trouver plus tard aux prises avec le système de justice pénale?

Le sénateur Dallaire : Les chiffres montrent que nous avons vraiment failli à la tâche. Les données sur le nombre d'incarcérations prouvent que nous n'avons pas encore trouvé la réponse; nous essayons simplement de les retirer de la rue.

(1520)

Cependant, à l'instar des communautés autochtones et d'origine étrangère, ces groupes connaissent la plus forte croissance au pays. Le nombre de jeunes issus de ces communautés augmente de façon fulgurante. Vous êtes en train de créer une situation désastreuse qui pourrait avoir de graves conséquences indirectes sur la sécurité de la population et des villes en général.

Je ne crois donc pas que nous soyons près d'atteindre l'objectif dont vous parlez. Quand on accueille des immigrants avec des méthodes axées sur une immigration européenne, on fait fausse route. Dans l'Ouest, les immigrants viennent d'Asie. Les structures y sont axées sur une culture asiatique et sont donc efficaces, mais elles ne fonctionnent pas pour les gens de l'Afrique subsaharienne. Le modèle ne fonctionnera pas non plus pour bien des groupes qui proviennent de nations touchées par un conflit. Nous n'avons pas adapté nos méthodes; c'est pourquoi les policiers qui sont sur les premières lignes finissent par recourir à la force.

Je suis allé dans les favelas de Rio de Janeiro, ces bidonvilles où des jeunes de moins de 18 ans, et même des enfants de 9 ans, sont entraînés dans des guerres entre trafiquants de drogue et participent au trafic de la drogue destinée aux classes moyenne et supérieure. Dans cette seule ville, plus de 2 000 enfants sont tués ou mutilés chaque année. Nous sommes loin d'être dans cette situation.

Sachez toutefois que, en raison de la croissance des communautés autochtones et d'origine étrangère ainsi que de la révolution des communications, qui permet aux gangs de se regrouper plus rapidement et de renforcer leurs capacités pour devenir encore plus forts, nous pourrions être aux prises avec un grave problème de sécurité au pays; non pas parce que ces gens le veulent, mais parce que c'est la seule option qui leur reste.

C'est une chose de maintenir l'ordre à l'échelle régionale, mais c'en est une autre de devoir maintenir l'ordre à l'échelle nationale lorsque des gangs unissent leurs forces.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Meredith, je pense que nous avons du temps pour une autre question.

Le sénateur Meredith : Sénateur, j'ai écouté votre allocution. J'ai été touché par les résultats de vos recherches et le fait que vous ayez bien cerné certaines des difficultés auxquelles nos jeunes sont confrontés.

Lundi, le Comité des droits de la personne a tenu une séance d'information. Le professeur Kwok, de l'Université Western, a souligné le problème de l'aliénation. Nous avons parlé des enfants qui immigrent ici et du fait qu'ils ne peuvent pas s'intégrer à la société. Ils deviennent alors des cibles. Pouvez-vous nous en dire plus sur le sentiment d'aliénation qui les amène à se joindre à des gangs de rue, qu'ils perçoivent un peu comme une famille?

Le sénateur Dallaire : Je ne suis pas sociologue. Je ne suis qu'un soldat qui utilise son expérience sur le terrain. Que ce soit ici ou à l'étranger, l'ethnicité, le tribalisme, la religion, les écarts socioéconomiques ou simplement le partage du pouvoir dans la collectivité créent des frictions qui peuvent atteindre des proportions pouvant mener à un conflit. Ces choses peuvent arriver ici, dans une nation en croissance comme la nôtre. Ils sont donc différents.

Il y a une école qui porte mon nom à Ajax, en Ontario, non loin de Toronto. Dans cette école primaire, il y a 29 classes dans lesquelles des jeunes de 68 pays se côtoient. Dans chacune, vous avez toute la gamme des différences religieuses, ethniques et même tribales et, oui, il y a quelques enfants blancs, de descendance européenne. Ils se retrouvent ensemble dans cette école, où ils reçoivent une éducation.

La directrice, originaire du Nigeria, je crois, passait beaucoup de temps avec ses professeurs à tenter de repérer les enfants qui se font bousculer ou sont mis à l'écart, dans le but de remédier au problème. Il est utile de les amener à fréquenter les écoles et à les faire participer à des programmes où ils ont le sentiment de construire quelque chose avec les autres élèves.

À Barrie, il y a une autre école qui, je le dis bien humblement, porte aussi mon nom. C'est une école secondaire. Après la visite, nous avons discuté avec le directeur et lui avons dit ceci : « Vous avez des enfants qui viennent de pays se trouvant dans des zones de guerre. Certains de ces enfants ont connu la guerre. Pourquoi ne pas organiser une journée spéciale au cours de laquelle ils pourraient parler à leurs camarades de leur expérience personnelle? » C'est ce qu'ils ont fait. Les enfants ont trouvé incroyable l'expérience vécue par leurs camarades. Ils n'en ont pas fait des héros, mais ont plutôt souhaité leur faire une place au sein du groupe.

Ces efforts de communication sont absolument essentiels pour les centres communautaires, les écoles et les enseignants. Ils sont cruciaux pour la cohésion de nos collectivités.

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Motion exhortant les députés de la Chambre des communes à inviter le vérificateur général à effectuer une vérification approfondie des dépenses—Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Downe, appuyée par l'honorable sénatrice Chaput,

Que le Sénat exhorte les députés à la Chambre des communes du Parlement du Canada à se rallier aux efforts du Sénat en faveur d'une transparence accrue en prenant acte de la demande de longue date des vérificateurs généraux du Canada actuel et antérieurs d'examiner les comptes des deux Chambres du Parlement, et en invitant le vérificateur général du Canada à effectuer une vérification approfondie des dépenses de la Chambre des communes, y compris des députés;

Que les vérifications de la Chambre des communes et du Sénat soient effectuées simultanément, et que les résultats concernant les deux Chambres du Parlement soient publiés en même temps.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, nous reprenons le débat sur le recours au Règlement que j'ai suspendu il y a deux jours. Je vais d'abord accorder la parole à l'honorable sénateur Downe et ensuite, l'honorable sénatrice Fraser poursuivra le débat.

[Traduction]

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit plus tôt, les recours au Règlement sur cette motion ne reflètent pas son contenu. Si nous adoptons la motion, le Sénat ne communiquera pas d'instruction ni d'ordre à l'autre endroit.

Cela dit, après quelques recherches, je me suis rendu compte qu'il était illusoire de penser qu'une Chambre ne peut pas donner de conseils à l'autre — je vais répéter ce que je viens de dire parce que vous étiez retenus par le leader du gouvernement.

Il est tout simplement illusoire de penser qu'une Chambre ne peut pas donner de conseils — ou d'instructions — à l'autre Chambre. Ce qui suit n'a absolument rien à voir avec ma motion, mais je souhaite attirer votre attention sur les Journaux de la Chambre des communes, no 49, du mardi 12 février 2008. Le gouvernement était très contrarié parce que, selon lui, le Sénat tardait à adopter un projet de loi. Il a tenu un vote par appel nominal pour qu'un message soit transmis au Sénat faisant appel au Sénat d'adopter le projet de loi C-2, Loi sur la lutte contre les crimes violents. Il ajoutait que cela devrait être fait au plus tard le 1er mars 2008. Le gouvernement a remporté ce vote — pour : 172; contre : 27. De toute évidence, même si la Chambre donnait instruction ou recommandait au Sénat de faire quelque chose — ce qui n'est pas l'intention de ma motion —, tout semblait parfaitement conforme aux règles.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Downe, est-il possible d'avoir une copie du document auquel vous venez de faire référence afin que nous soyons tous sur la même longueur d'onde?

Le sénateur Downe : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Merci.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, lorsqu'il a soulevé ce recours au Règlement, le sénateur Tkachuk a fait valoir que le Sénat tentait de donner des instructions à la Chambre des communes, de lui dicter ce qu'elle devait faire. Or, ce n'est pas du tout le cas, comme vient de le dire le sénateur Downe. La motion invite la Chambre des communes à se rallier aux efforts du Sénat pour prendre des mesures que nous jugeons appropriées pour les sénateurs et qui, selon nous, pourraient être appropriées pour les députés également.

Le sénateur Tkachuk a cité une décision rendue par le Président en 2003, mais, malgré tout mon respect, cette décision n'était pas du tout pertinente puisqu'elle portait sur une question de privilège concernant les travaux de la Chambre des communes. Cela n'a rien à voir avec une question de privilège. Il s'agit d'une motion.

(1530)

Et qu'est-ce qu'une motion? Le Règlement du Sénat donne la définition suivante :

Proposition sur laquelle le Sénat ou un comité est appelé à se prononcer. La motion, une fois adoptée, peut soit exprimer l'opinion du Sénat, soit ordonner qu'une chose soit accomplie.

Dans le même ordre d'idées, je cite un passage de la quatrième édition de l'ouvrage Parliamentary Procedure and Pratice, de Bourinot, à la page 292 :

La décision ou l'opinion d'un organe législatif s'exprime par l'adoption d'une motion ou d'une résolution que propose un de ses membres conformément aux règles de procédure.

À mon avis, il s'agit essentiellement d'une opinion. Le Sénat ne peut aucunement obliger la Chambre des communes à faire quoi que ce soit. Nous ne pouvons qu'exprimer une opinion, faire une suggestion ou inviter la Chambre à faire telle ou telle chose. C'est précisément ce que nous avons fait.

[Français]

Je dirais aussi, honorables sénateurs, que le sens d'invitation est renforcé par la version française de la motion. En français, le texte dit « exhorte ». Exhorter, c'est très loin d'une instruction.

[Traduction]

Nous ne nous ingérons aucunement dans les affaires de la Chambre des communes, pour la simple et bonne raison que nous ne devons pas le faire. Tous les ouvrages de référence s'entendent pour dire que les Chambres devraient s'abstenir de critiquer les travaux de l'autre Chambre. Dans la 24e édition de l'ouvrage Parliamentary Practice d'Erskine May, à la page 517, on peut lire ceci au sujet de la Chambre des lords :

Il est interdit de critiquer les travaux de la Chambre des communes ou les décisions de la présidence. Par contre, il est permis de critiquer la structure institutionnelle du Parlement ou le rôle et la fonction de la Chambre des communes.

Cette motion n'a même pas été présentée pour critiquer la Chambre des communes, mais plutôt pour lui faire une suggestion. Cependant, même si cette motion critiquait la Chambre des communes, je crois que cela serait permis parce que nous ne discutons pas de la fonction législative de cette dernière, mais plutôt des modalités administratives qui la régissent.

Même s'il est établi que nous ne sommes pas censés critiquer le déroulement des délibérations de l'autre Chambre, il vaut la peine de vérifier la définition du terme « délibérations ». J'attire ici votre attention sur la page 119 de la deuxième édition de l'ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes d'O'Brien et Bosc. On y lit ceci :

Le droit exclusif de la Chambre des communes de réglementer ses affaires internes s'entend de son droit d'être maître de ses débats, du programme de ses travaux et du déroulement de ses délibérations relativement à ses fonctions législatives et délibératives.

Cette motion n'a rien à voir avec les « fonctions législatives et délibératives » de la Chambre des communes. Elle porte plutôt sur les méthodes de vérification des dépenses. Elle offre une simple suggestion, qui porte seulement sur la vérification des dépenses.

Les vérifications ne font pas partie des fonctions législatives du Sénat ou de la Chambre des communes, mais, même si elles faisaient partie des « fonctions législatives et délibératives » des deux Chambres, j'aimerais attirer votre attention sur une motion adoptée par la Chambre des communes le mardi 12 février 2008, et qui a été mentionnée par le sénateur Downe il y a quelques instants. Voici un extrait de cette motion : « [...] la Chambre est d'avis que la majorité au Sénat n'accorde pas la priorité appropriée à l'adoption du projet de loi C-2 [...] ».

Toutes les autorités que j'ai consultées ont laissé entendre qu'il était tout à fait déplacé de critiquer la façon dont l'autre Chambre gérait ses procédures législatives, mais c'est ce que la Chambre des communes nous a fait. Puis, elle a demandé que nous adoptions la Loi sur la lutte contre les crimes violents en l'espace de deux semaines et demie.

À l'époque, nous ne nous y sommes pas opposés. Je pense que plusieurs d'entre nous — j'irais même jusqu'à dire des deux côtés du Sénat — ont été offensés par les libertés qu'a prises la Chambre des communes de nous envoyer de tels messages, mais nous ne nous y sommes pas opposés. Nous n'avons pas invoqué le Règlement ou soulevé la question de privilège. Au fond, nous avons jugé que les Communes sont tout à fait libres d'adopter n'importe quelle motion exprimant leurs opinions.

Honorables sénateurs, le contraste est frappant. Cette motion et le rappel au Règlement du sénateur Tkachuk laissent entendre que la Chambre des communes peut critiquer le Sénat, mais que nous ne pouvons pas leur faire une suggestion polie. Cette position est totalement illogique.

Honorables sénateurs, avant de dire que cette motion est irrecevable, rappelons-nous l'importance de la liberté de parole au Parlement. Par exemple, voici ce qu'on peut lire au commentaire no 75, à la page 23, de la sixième édition de l'ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne :

La liberté de parole est à la fois le plus incontesté et le plus fondamental des droits du député, tant dans l'enceinte de la Chambre qu'aux comités.

En proposant cette motion, le sénateur Downe exerce, d'abord et avant tout, ses droits en tant que parlementaire, mais aussi sa liberté d'expression et son droit de parole. À mon avis, il serait tout à fait inapproprié de soutenir que les autres sénateurs ne devraient pas avoir le droit d'exprimer leurs opinions au sujet de la suggestion contenue dans cette motion.

Votre Honneur, favoriser la poursuite du débat en cas de doute est une tradition parlementaire de longue date. Dans cette optique, j'attire votre attention sur la décision que vous avez rendue le 16 avril 2013. Voici ce que vous avez déclaré :

[...] il faut présumer, jusqu'à preuve du contraire, que les choses sont conformes ou régulières. Selon une décision rendue le 24 février 2009, « Lorsque la situation est ambiguë,...

— je ne crois pas qu'il y ait ambiguïté ici, mais admettons que c'est le cas —

... certains Présidents du Sénat ont préféré supposer que la question était recevable, à moins d'indication contraire ou jusqu'à preuve du contraire. Ce parti pris en faveur du débat, sauf lorsque la question est clairement irrecevable, est essentiel au maintien du rôle du Sénat en tant que Chambre de discussion et de réflexion ».

Voilà des paroles qui me semblent présentement tout à fait opportunes, de même que dans beaucoup d'autres cas. Je vous exhorte, Votre Honneur, à rejeter ce recours au Règlement parce qu'il n'est pas fondé. Je vous exhorte à accepter la motion, qui est décidément recevable, et à permettre au débat de se poursuivre.

Son Honneur le Président intérimaire : Avant de céder la parole au prochain intervenant, ceux qui le souhaitent trouveront à leur disposition quelques exemplaires de la décision dont a parlé le sénateur Downe. Étant donné que nous voulons aller au fond de cette question cet après-midi, ceux qui le souhaitent peuvent consulter le document.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Votre Honneur, si vous me permettez, je voudrais dire que la motion du sénateur Downe est absolument contraire au principe de l'égalité et de l'autonomie des deux Chambres. Ce principe appartient à la longue tradition du système législatif fédéral. Chaque Chambre du Parlement a l'autorité de gérer ses affaires en toute autonomie. C'est pourquoi, à mon avis, ni le Sénat ni la Chambre des communes ne peuvent dicter la conduite de l'autre Chambre.

Dans le Renvoi relatif à la Chambre haute, la Cour suprême a cité l'extrait suivant du discours de John A. Macdonald au cours des débats sur la Confédération :

[...] car chacune de ces divisions aura des intérêts différents [...] À la Chambre haute sera confié le soin de protéger les intérêts de section; il en résulte que les trois grandes divisions seront également représentées pour défendre leurs propres intérêts contre toutes combinaisons de majorités dans l'Assemblée.

(1540)

Les sénateurs ont adopté une motion invitant le vérificateur général à vérifier les dépenses du Sénat. Cependant, c'est la Chambre de communes qui doit prendre sa décision à l'égard du vérificateur général, décision qui ne saurait être demandée ou suggérée par le Sénat. Procéder de la manière énoncée dans la motion va à l'encontre des arguments présentés par les Pères de la Confédération et contrevient aux normes et aux valeurs constitutionnelles fondamentales.

Pour cette raison, Votre Honneur, je vous exhorte à appuyer le rappel au Règlement soulevé par le sénateur Tkachuk. J'ai hâte d'entendre ce que les autres ont à dire.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Martin, puis-je vous poser une question? Vous avez entendu les arguments présentés par la sénatrice Fraser. Trouvez-vous que l'utilisation du mot « exhorte » et, plus loin dans la motion, du mot « invitant » pose problème? Je pense que cela touche au cœur de la décision qui sera prise. Comment comprend-on les termes « exhorte », ou « call upon » en anglais? Considérez-vous qu'il s'agisse d'un ordre, ou d'un souhait? J'attache de l'importance à votre opinion à ce sujet. Pouvez-vous répondre à cette question?

La sénatrice Martin : Votre Honneur, c'est ainsi que je l'interprète. Je reviens au point fondamental de l'égalité et de l'autonomie de chaque Chambre. Pour ma part, c'est ainsi que je comprends le libellé, parce qu'il s'agit d'une motion quelque peu alambiquée, à savoir qu'il y a ingérence.

Je maintiens que l'indépendance et la séparation sont clairement établies. Par ailleurs, je trouve que la formulation de la motion est alambiquée.

L'honorable Anne C. Cools : Je remercie Son Honneur, ainsi que le sénateur Downe et la sénatrice Fraser de leurs observations.

Chers collègues, je prends la parole pour appuyer le rappel au Règlement du sénateur Tkachuk sur la motion du sénateur Downe. La motion propose bien des choses mais, essentiellement, elle propose que le Bureau du vérificateur général mène des vérifications simultanées au Sénat et à la Chambre des communes.

Tout d'abord, il faut dire que la motion fait intervenir un tiers, le Bureau du vérificateur général. J'y reviendrai sous peu. Si vous lisez la motion, vous verrez qu'on aurait pu la diviser en trois ou quatre motions, mais là n'est pas la question. La motion dit ceci :

Que le Sénat exhorte les députés à la Chambre des communes [...] à se rallier aux efforts du Sénat en faveur d'une transparence accrue en prenant acte [...]

C'est là une décision que le Sénat prend pour la Chambre des communes. Certains ont choisi le cadre dans lequel s'inscrirait la décision de la Chambre des communes. Je poursuis :

[...] de la demande de longue date des vérificateurs généraux du Canada actuel et antérieurs d'examiner les comptes des deux Chambres du Parlement [...]

Le Sénat n'était pas au courant de la demande de longue date des vérificateurs généraux du Canada actuel et antérieurs d'examiner les comptes des deux Chambres du Parlement.

Puis, la motion dit ce qui suit :

[...] et en invitant le vérificateur général du Canada à effectuer une vérification approfondie des dépenses de la Chambre des communes, y compris des députés; [...]

Honorables sénateurs, le Sénat n'a pas le pouvoir d'inviter le Bureau du vérificateur général du Canada à effectuer une vérification des dépenses de la Chambre des communes. J'y reviendrai dans un instant. Je ne fais que passer en revue la motion, car Son Honneur a sollicité notre avis à cet égard. Toute décision concernant la réalisation d'une vérification de la Chambre des communes par le Bureau du vérificateur général relève exclusivement de la Chambre des communes, y compris dans le cas des dépenses des députés.

Voici ce que dit le dernier paragraphe de la motion :

Que les vérifications de la Chambre des communes et du Sénat soient effectuées simultanément, et que les résultats concernant les deux Chambres du Parlement soient publiés en même temps.

Chers collègues, cette motion empiète considérablement sur les affaires de la Chambre des communes. Elle lui demande explicitement de faire quelque chose. Elle demande également à la Chambre des communes d'agir de concert avec le Sénat, de lui emboîter le pas; elle demande aux deux Chambres d'agir ensemble.

C'est ce qu'on constate en lisant rapidement la motion. Chaque fois qu'on la relit, cependant, elle prend une dimension de plus en plus vaste et complexe.

J'ai plusieurs points à exprimer. Veuillez excuser ma voix, chers collègues : je suis un peu enrhumée.

Honorables sénateurs, je nous demanderais tout d'abord de bien vouloir envisager la substance de la motion du sénateur Downe à la lumière du sentiment anti-Sénat qui émane quotidiennement de certains à l'autre endroit. J'aimerais que nous le gardions en tête lorsque nous considérons les chances que nous avons d'obtenir l'accord de la Chambre des communes.

Mais surtout, honorables sénateurs, je vous exhorte à ne pas faire intervenir de quelque façon que ce soit le vérificateur général dans nos débats. Je vous exhorte à faire en sorte de ne pas impliquer le vérificateur général ou son bureau dans tout différend ou conflit entre le Sénat et la Chambre des communes, les deux Chambres égales, souveraines et indépendantes du Parlement. Ce serait injuste, voire déplacé de notre part d'inclure le vérificateur général dans le débat sur la motion d'aujourd'hui, et ce ne serait pas vraiment dans l'intérêt de la vérification.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à faire preuve de prudence. On ne peut pas simplement faire intervenir différents titulaires de charge dans nos motions et ensuite les en exclure.

Il est de notre devoir de protéger l'intégrité de l'indépendance du vérificateur général, tout en reconnaissant le fait qu'il ne peut répondre à ce que l'on dit dans les débats du Sénat et ou de la Chambre des communes. Il ne peut répondre. On peut s'attendre raisonnablement à ce que l'autre endroit n'ait aucun désir de participer à la vérification du Sénat ou à toute autre vérification découlant d'une initiative sénatoriale. Tâchons également de prêter attention à la relation singulière et particulière entre le vérificateur général et la Chambre des communes. Nous devrions nous efforcer de respecter cette relation.

Honorables sénateurs, nous devrions de toute urgence chercher à savoir si le sénateur Downe a demandé et obtenu du vérificateur général l'indication qu'il était disposé à procéder à la vérification des dépenses de la Chambre des communes, conjointement avec celles du Sénat, et à exécuter les vérifications et publier les rapports de façon concomitante, comme le propose la motion du sénateur Downe.

La question est bien plus grave qu'il n'y paraît. Ce n'est pas de liberté d'expression qu'il est question ici. Je suis une fervente partisane de la liberté d'expression. Il s'agit d'un problème complexe de compétence exclusive. Je suis d'avis qu'étant donné que la Loi sur le vérificateur général n'accorde à ce dernier aucun pouvoir lui permettant de vérifier les comptes de l'une ou l'autre des Chambres, toute vérification par le vérificateur général relèverait, comme il se doit, de la compétence exclusive de chacune des Chambres.

Il serait troublant, chers collègues, que les députés aient une opinion déformée et défavorable de nos décisions. Si le sénateur Downe n'a pas obtenu le consentement et l'accord du vérificateur général, je crois, chers collègues, que cette motion est irrecevable ab initio et devrait être retirée du Feuilleton sur le champ.

Honorables sénateurs, en juin dernier, je m'étais opposée, pour des motifs fondés sur la Constitution, à une motion de la sénatrice LeBreton, alors leader du gouvernement, qui proposait que le vérificateur général mène une vérification sur le Sénat. C'est pour les mêmes raisons que je m'oppose à la motion du sénateur Downe, qui consiste à ordonner — puisque, une fois adoptée, une motion correspond à un ordre du Sénat — que la Chambre des communes emboîte le pas au Sénat et fasse vérifier ses dépenses en même temps que lui. J'ajoute que mon argument — qui veut que la Loi sur le vérificateur général ne prête nullement au vérificateur le pouvoir constitutionnel de vérifier les dépenses du Sénat — est solide, puisque la loi ne lui accorde pas non plus le pouvoir de vérifier les comptes de la Chambre des communes, dont il relève. De telles vérifications, qui visent la Chambre des communes, relèvent uniquement de la Chambre des communes, du vérificateur général et de la Loi sur le vérificateur général.

(1550)

Ce n'est pas clair. Nombre de ces précisions ne nous permettent pas de déterminer si la Loi sur le vérificateur général peut s'appliquer aux sénateurs et au Sénat. Ces questions ont été soigneusement évitées en juin dernier, tout comme beaucoup d'autres questions constitutionnelles importantes.

Honorables sénateurs, la motion du sénateur Downe dépasse les limites de l'ancienne lex parliamenti, la Loi du Parlement. Cette loi prévoit que chaque Chambre est maîtresse de ses propres délibérations et décisions et que les deux Chambres sont des institutions coordonnées qui entretiennent des liens de courtoisie constitutionnelle. C'est la réalité parlementaire de notre Constitution et ce qu'on appelle l'indépendance des deux Chambres. Cette indépendance est absolue, bien établie et inviolable. D'ailleurs, j'aimerais citer le commentaire no 4, que l'on trouve à la page 4 de la sixième édition de l'ouvrage de Beauchesne, Jurisprudence parlementaire :

Outre l'immense patrimoine de tradition implanté au Canada par le préambule de la Loi constitutionnelle, l'article 18 de la Constitution, plus que tout autre, intéresse la procédure. Il autorise l'adoption au Canada de tous les privilèges dont bénéficie à ce moment-là la Chambre des communes britannique. Le privilège de régir la procédure interne de la Chambre ou, plus précisément, d'adopter des règles de procédure obligatoires compte parmi les plus importants.

Honorables sénateurs, la motion du sénateur Downe porte atteinte à l'indépendance de la Chambre des communes, à l'indépendance du vérificateur général et à la relation unique qui existe entre le vérificateur général et la Chambre des communes. Cette relation particulière tient aux pouvoirs constitutionnels dont jouit la Chambre des communes en matière de taxation et de perception de revenu — rappelez-vous, la Chambre des communes a des pouvoirs à cet égard que nous n'avons pas ici —, de dépenses publiques et de responsabilité ministérielle, étant donné que les ministres de la Couronne occupent leur poste selon le bon vouloir de la Chambre.

Honorables sénateurs, il existe un ensemble de principes qui sont appliqués ici. C'est ce qui m'amène à soulever cette question, Votre Honneur et chers collègues, une question plus complexe qu'on ne pourrait le croire de prime abord.

La motion du sénateur Downe est mal conçue, tant du point de vue du fond que de la forme. Elle est irrecevable, particulièrement parce qu'elle s'immisce dans le pouvoir qu'a la Chambre des communes de prendre ses propres décisions à propos de ses vérifications comptables. Le Sénat s'immisce dans les affaires de la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, en juin dernier, la sénatrice LeBreton, agissant en qualité de leader du gouvernement et de whip du parti, a présenté en catastrophe une motion du gouvernement qui a été adoptée rapidement le 6 juin, après un très bref débat. Je m'y opposais, mais elle a été adoptée et est devenue, par le fait même, un ordre du Sénat. Notons que tous les ordres du Sénat peuvent donner lieu à des sanctions ou à un outrage, ce qui permet de les faire respecter. La motion se lisait comme suit :

Que le Sénat invite le vérificateur général du Canada à procéder à une vérification intégrée des dépenses du Sénat, les dépenses des sénateurs y comprises.

Je me demande, depuis un certain temps déjà, comment une invitation adressée au vérificateur général ou à toute autre personne peut être considérée comme un ordre du Sénat, et donc donner lieu à des possibilités d'outrage, puisque la notion même d'invitation suppose qu'une personne peut la refuser. Une invitation n'est pas un ordre au même titre qu'un ordre du Sénat. On peut facilement comprendre pourquoi les sénateurs ont été inclus dans cet ordre car sinon, ils auraient disposé du même droit de refus que le vérificateur général. Par contre, il est difficile de comprendre pourquoi on a adressé au vérificateur général un ordre dont le non-respect peut donner lieu à un outrage. Une telle façon de faire n'a pas sa place puisque le vérificateur général est indépendant. Ce n'est pas un serviteur du gouvernement ni un noble agent disciplinaire qu'on peut envoyer, à notre guise, vérifier les comptes du Sénat ou de la Chambre des communes. C'est pourtant ce qui s'est produit ici en juin dernier, chers collègues, il faut en être conscient. Un tel geste n'est pas prévu par la Loi sur le vérificateur général ni par le Bureau du vérificateur général. Il aurait été beaucoup plus approprié que l'ordre du Sénat soit adressé au Comité de la régie interne et demande à son président d'inviter le vérificateur général à mener une vérification du Sénat. Cette façon de faire aurait été beaucoup plus polie à l'égard du Bureau du vérificateur général. Je n'ai pas vraiment compris pourquoi on a jugé bon de mentionner le vérificateur général dans un ordre du Sénat.

Honorables sénateurs, la sénatrice LeBreton a présenté sa motion succinctement et de façon peu détaillée, affirmant ceci :

Aujourd'hui, j'honore cette promesse de responsabilité en proposant une motion demandant...

— « demander »; on dirait que c'est à la mode de faire des demandes, ces jours-ci —

... au vérificateur général du Canada de procéder à une vérification intégrée des dépenses du Sénat.

Le Bureau du vérificateur général est une institution respectée [...]

Le choix de mots malheureux de la sénatrice LeBreton laisse entendre que le Sénat n'est pas une institution respectée. Nous savons que de nombreux ministres répètent inlassablement que le Sénat n'est pas une assemblée, une institution légitime, vraisemblablement pour implanter dans l'esprit du public l'idée que l'illégitimité du Sénat est un fait connu. Hélas, ce jour-là, j'ai constaté que bien des sénateurs, et ce, des deux côtés, ont eu l'impression, fondée, que cette motion venait choquer et blesser quelque chose de profondément ancré en eux. J'ai pris la parole le 6 juin pour m'opposer à la motion. Je signale aujourd'hui, comme je l'ai fait alors, qu'aucune motion ni aucun ordre du Sénat ne peut modifier ni invalider la Loi sur le vérificateur général, qui, de par sa nature, ne prévoit aucune vérification des dépenses des deux Chambres du Parlement par le vérificateur général.

Le vérificateur général ne devrait pas vérifier les dépenses du Sénat, ni celles de la Chambre des communes. C'est pourquoi j'adopte la même position à l'égard de cette motion que celle que j'avais prise au sujet de la motion précédente.

Honorables sénateurs, nous devons garder à l'esprit que la Loi sur le vérificateur général est le cadre législatif qui régit les vérifications des dépenses et des frais engagés par les nombreux ministères et financés à même les fonds publics. C'est ce qu'on appelle les comptes publics. La loi établit clairement que le vérificateur général doit faire rapport de ses conclusions à la Chambre des communes. Cette notion est importante, parce que la Chambre des communes n'est assujettie à aucun pouvoir de surveillance, de vérification ou autre du vérificateur général.

En fait, ni le Sénat ni la Chambre des communes, les Chambres souveraines du Parlement, ne sont constitutionnellement soumis aux pouvoirs du vérificateur général. Je dois d'ailleurs reconnaître — et c'est tout à son honneur — que le vérificateur général n'a ni sollicité ni revendiqué un tel pouvoir. Honorables sénateurs, la motion du sénateur Downe confère au vérificateur général le pouvoir de vérifier les dépenses des députés, mais celui-ci n'a jamais demandé ce pouvoir.

Honorables sénateurs, voilà en quoi consiste la souveraineté du Parlement et de la Constitution du Canada. Or, ces principes sont fréquemment amoindris par plusieurs personnes qui prétendent réformer nos institutions. Elles souhaitent de toute évidence que le Sénat soit traité comme un simple ministère. Certaines d'entre elles mènent même leur propre guerre publique contre le Sénat. Le Sénat et la Chambre des communes ont été créés de façon à ce qu'ils puissent procéder, de façon indépendante, efficace et efficiente, à des vérifications internes et externes, et ce, bien que les gouvernements successifs aient constamment privé le Sénat de ressources financières.

(1600)

Honorables sénateurs, depuis plus d'un siècle maintenant, la Chambre des communes entretient avec le vérificateur général un lien défini dans la Constitution et la législation. Durant les premières années, c'était le sous-ministre des Finances qui assumait les fonctions de vérificateur général. Votre Honneur, la décision prise par le gouvernement du Canada de séparer les fonctions de vérification de celles du ministère des Finances est une étape très importante de notre histoire. C'est un point intéressant et pertinent.

Le Sénat n'a pas de lien semblable avec le vérificateur général. Je le répète constamment. Le Sénat n'entretient pas avec le vérificateur général la même relation que la Chambre des communes.

Le Sénat devrait être respectueux et s'incliner devant cette relation particulière qu'est le lien entre le vérificateur général et la Chambre des communes. Nous ne pouvons pas nous immiscer dans cette relation et nous devons nous abstenir de le faire.

Honorables sénateurs, la motion du sénateur Downe, comme celle de la sénatrice LeBreton auparavant, est aussi sans précédent. Par conséquent, cette motion est irrecevable parce qu'elle accorde au vérificateur général — et à la loi habilitante — un pouvoir de surveillance et de contrôle sur les deux Chambres du Parlement, tout comme la motion présentée par la sénatrice LeBreton en juin dernier. La motion de la sénatrice LeBreton visait uniquement le Sénat, mais celle-ci va beaucoup plus loin. Je ne vais pas appuyer la motion du sénateur Downe pour la même raison que je n'ai pas appuyé celle de la sénatrice LeBreton. La motion du sénateur Downe assujettit les deux Chambres, et le lien particulier de la Chambre des communes avec le vérificateur général, à des mesures et à des vérifications qui ne sont pas autorisées par la Loi sur le vérificateur général, et que le vérificateur général lui-même pourrait ne pas souhaiter ou ne pas approuver.

Honorables sénateurs, la motion du sénateur Downe est aussi irrecevable parce qu'elle propose de s'adresser directement à la Chambre des communes. Sénateur Downe, je vous dis respectueusement — et vous savez que je vous estime beaucoup — que votre exemple de 2008 n'est pas pertinent. Je n'ai pas entendu toute la motion et je ne l'ai pas encore obtenue, mais d'après ce que j'ai entendu, celle-ci prévoit un message. Sauf erreur, j'ai entendu le sénateur Downe dire qu'un message serait envoyé.

Je crois avoir entendu le sénateur Downe dire — et n'hésitez pas à me corriger si ce n'est pas le cas, sénateur Downe — qu'il avait alors été proposé « qu'un message soit envoyé ». La situation qu'il a décrite n'a rien de comparable à la situation présente. Sa motion ne propose pas d'envoyer un message à la Chambre des communes. Je reviendrai aux messages dans quelques secondes. Comme je l'ai mentionné, la motion du sénateur Downe s'adresse directement à la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, le droit et la pratique parlementaires dictent la forme que peuvent prendre les échanges entre les Chambres. La motion ne respecte pas la forme correcte. En bref, les Chambres du Parlement ne s'adressent pas des demandes. Elles communiquent conformément au véhicule et à la procédure parlementaire appelée message, comme dans le cas que le sénateur Downe vient de mentionner, et également par la voie rarement utilisée de la conférence.

Les messages sont le véhicule par lequel les Chambres communiquent entre elles, au même titre que les adresses sont le moyen par lequel les Chambres communiquent avec le souverain. Le Règlement du Sénat comporte une section intitulée « Messages entre les Chambres et conférences ». L'article 16-2(1) dit ceci :

Le greffier du Sénat veille à transmettre à la Chambre des communes des messages du Sénat et à recevoir ceux que les Communes adressent à celui-ci.

L'article 16-2(2) dit ce qui suit :

Le Président donne lecture des messages de la Chambre des communes au premier moment opportun.

Honorables sénateurs, la motion du sénateur Downe ne prévoit la transmission d'aucun message. Elle ne se termine pas en disant, par exemple, « et que le Sénat transmette un message à cette fin ». Le message est une chose très réelle et il s'agit du moyen de communication entre les Chambres le plus fréquemment utilisé.

Honorables sénateurs, tout le monde s'adresse des demandes. Ce doit être une mode. La motion du sénateur exhorte les députés de la Chambre des communes. À mon avis, un chuchotement serait peut-être préférable, mais il n'en demeure pas moins que les Chambres communiquent par voie de messages. C'est le véhicule parlementaire. La sixième édition de l'ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne décrit la pratique parlementaire bien établie de la transmission de messages sous la rubrique « Relations entre les deux Chambres », au commentaire 743. La 18e édition de l'ouvrage d'Erskine May intitulé Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, définit les messages ainsi :

Un message est le plus simple et le plus fréquent mode de communication; il en est fait emploi tous les jours [...] pour communiquer toutes les questions d'un caractère ordinaire qui se présentent dans le cours des procédures parlementaires.

Honorables sénateurs, le Président prend quotidiennement la parole pour nous lire des messages, et lorsque nous adoptons un projet de loi à l'étape de la troisième lecture, nous envoyons un message à la Chambre des communes pour l'en informer. Mais cela fait des siècles qu'on réfléchit attentivement au mode de communication entre les deux Chambres du Parlement et ce qui est certain, c'est qu'elles ne s'adressent pas de demande l'une l'autre.

Honorables sénateurs, les Chambres du Parlement sont distinctes et indépendantes et ne peuvent tout simplement pas — et je soupçonne qu'elles ne seraient pas disposées à le faire — se soumettre à une vérification simultanée. Elles prennent leurs propres décisions selon leurs procédures indépendantes et distinctes. La motion du sénateur Downe est viciée car elle implique le Sénat dans la prise de décisions de la Chambre des communes. Elle le fait intervenir directement. Ce faisant, elle impose un faux devoir à la Chambre des communes, l'amenant à faire quelque chose en même temps que le Sénat. Il n'est pas du devoir de la Chambre de faire quoi que ce soit de la sorte. Il n'est pas non plus du devoir du Sénat de faire intervenir le vérificateur général. La motion du sénateur Downe cherche à accorder au vérificateur général le pouvoir de soumettre la Chambre des communes à une vérification. Il est malheureux, d'une certaine façon, que nous soyons saisis de cette motion.

Honorables sénateurs, la motion revêt une certaine gravité de par ses efforts bien intentionnés mais déplacés, car la Chambre des communes détient le pouvoir constitutionnel particulier de contrôler le Trésor public, ce qui est essentiel à la responsabilité ministérielle. Pour ces raisons, la motion est irrecevable, mais elle est également irrecevable pour une autre raison, celle-ci encore plus sérieuse; beaucoup de gens ne semblent pas en être conscients, et s'ils le sont, ils font comme s'ils ne l'étaient pas. Le fait est que, aux yeux de la Constitution, le pouvoir accordé par la motion de la sénatrice LeBreton du mois de juin dernier concernant la vérification du Sénat est épuisé. Ce pouvoir s'est dissipé, car le gouverneur général a prorogé les deux Chambres du Parlement le 13 septembre dernier. La prorogation met fin aux travaux et à toutes les affaires non complétées. Le Sénat place maintenant le vérificateur général dans une très mauvaise position. Il y a eu une prorogation, et les prorogations ont pour effet de tout faire disparaître.

Alpheus Todd, dans l'édition de 1887 de son ouvrage On Parliamentary Government in England, volume I, a écrit ce qui suit à propos des conséquences juridiques de la prorogation aux pages 387 et 388 :

Les délibérations du Parlement peuvent être interrompues à tout moment par l'exercice de la prorogation, une prérogative royale, qui a pour effet d'annuler tous les travaux alors en suspens [...]

(1610)

Alpheus Todd fait ensuite la liste de ce qui n'est pas annulé, comme les procédures quasi judiciaires, les destitutions, et cetera. Je poursuis :

[...] Lors d'une prorogation, l'étude de toutes les résolutions, projets de loi et autres mesures en suspens, dans l'une ou l'autre Chambre, prend naturellement fin, à moins qu'elle ne puisse se poursuivre aux termes [...]

Le Sénat aurait dû renouveler la motion permettant au vérificateur général de venir faire enquête ici.

Alpheus Todd ajoute :

Seul le Règlement fait exception à la règle sur l'annulation des résolutions.

Je vous lis attentivement le passage où il en parle :

Seul le Règlement fait exception à la règle sur l'annulation des résolutions. La coutume parlementaire veut que le Règlement demeure en vigueur d'une session à l'autre, tant et aussi longtemps qu'il n'est pas abrogé. Il est réputé énoncer la loi et la pratique du Parlement; et sans se reposer sur son absolue validité, la Chambre convient de s'y conformer [...]

Honorables sénateurs, depuis que le Règlement a été créé, il a toujours été la seule exception et il contient les seules résolutions qui demeurent en vigueur lors d'une prorogation. Voilà pourquoi nous n'avons pas à le renouveler à chaque session, mais que nous devons reconstituer chaque comité et confirmer chaque fois qui en est membre.

Honorables sénateurs, nous avons été très injustes envers le vérificateur général et ses collaborateurs, qui travaillent maintenant au Sénat et font des vérifications sans avoir pour le faire les pouvoirs juridiques et constitutionnels voulus. La motion autorisant les collaborateurs du vérificateur général à faire une vérification au Sénat est arrivée à expiration, comme je l'ai dit. Elle est tombée au moment de la prorogation, le 13 septembre dernier. C'est inadmissible. C'est faire injure à des gens très bien et diligents. Il est inacceptable que le Sénat ait autorisé cela, et il me semble que nous avons été insensibles, que nous avons manqué d'égards et que nous sommes allés à l'encontre de la Constitution.

Soit dit en passant, j'ai rencontré certains de ces vérificateurs, et j'exhorte les sénateurs à les rencontrer et, s'ils ont des questions à poser, à communiquer avec eux.

Chers collègues, je vais conclure en disant que la motion du sénateur Downe est irrecevable sur le fond et par la forme. De plus, je soulève un point très important : la vérification que la motion propose et pour laquelle elle invite le Sénat et la Chambre des communes à se rallier est maintenant sans fondement juridique et constitutionnel, étant donné que la résolution qui l'autorise est frappée de nullité depuis la prorogation.

Honorables sénateurs, en guise de conclusion, je dirai que la motion du sénateur Downe est irrecevable sur le fond et par la forme. La vérification en cours au Sénat n'a aucune base juridique ni constitutionnelle. Par conséquent, selon moi, le sénateur Downe ne peut demander ni au Sénat ni à la Chambre des communes de se rallier à la vérification qui est en cours au Sénat sans autorisation parlementaire, selon moi.

Chers collègues, j'espère que mon intervention aura été utile à certains. Je le dis et je le répète sans cesse, ces questions semblent fort simples au premier abord. Le sénateur Downe est bien informé et je dirais qu'il est un homme bien intentionné et compétent.

Je prévoyais prendre la parole contre la motion, mais un sénateur a soulevé un rappel au Règlement. Pour ma part, j'estime la motion irrecevable. Votre Honneur, c'est vous qui, dans votre sagesse, allez trancher.

Merci beaucoup, et je remercie tous les sénateurs qui ont contribué au débat, mais je le dis inlassablement aux sénateurs, nous devons respecter la loi du Parlement. C'est tout ce que nous avons. C'est le fondement de toutes les règles, du droit, et cela nous a été légué par l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui a apporté au Canada l'ancienne loi du Parlement et ces pratiques constitutionnelles.

Honorables sénateurs, nous devons comprendre qu'il fut très difficile pour les Pères de la Confédération d'obtenir le nom « Chambre des communes » pour la Chambre canadienne. Sir John A. Macdonald et d'autres ont estimé que c'était l'une des grandes réalisations de la Constitution, lorsque les gens de Londres ont accepté que l'institution canadienne s'appelle Chambre des communes.

Il ne faudrait pas croire un seul instant que les pouvoirs des deux Chambres à l'égard de la relation avec le vérificateur général sont les mêmes. La Chambre des communes a avec lui une relation unique. Les rapports du vérificateur général sont remis à la Chambre des communes. Vous vous rappellerez que la question a surgi ici il y a quelques mois, lorsqu'on a invité le vérificateur général à venir au Sénat. La question était la suivante : à qui fera-t-il rapport? Bien des sénateurs frémissaient à l'idée que le vérificateur général puisse faire rapport des dépenses du Sénat à la Chambre des communes.

L'honorable Pierrette Ringuette : Sénatrice Cools, je vous ai écoutée très attentivement, et il me semble que vous avez abordé deux questions différentes.

On a invoqué le Règlement à propos de la motion du sénateur Downe, et vous avez-vous-même soulevé un autre rappel, cette fois au sujet du Règlement du Sénat et de la prorogation qui a eu lieu l'an dernier, disant qu'une motion a été adoptée par le Sénat, mais qu'elle était frappée de nullité à cause de la prorogation. Si tel est le cas, dois-je comprendre que, dans la deuxième partie de votre intervention, vous invoquez le Règlement au sujet du Règlement du Sénat et du fait que la motion prévoyant diverses activités est frappée de nullité?

La sénatrice Cools : Non, je n'ai pas fait de nouveau rappel au Règlement. Je parlais du rappel qui a déjà été fait. C'est la question dont nous sommes saisis.

J'ai parlé de l'effet de la prorogation sur la motion, car la motion du sénateur Downe est fondée sur l'existence de la motion proposée par la sénatrice LeBreton en juin dernier, qui invitait le vérificateur général à faire une vérification au Sénat.

Par conséquent, la motion du sénateur Downe invite les députés à se joindre au Sénat. En somme, pour favoriser la transparence et la reddition de comptes, ils pourraient exprimer leur appui en prenant acte des demandes formulées par les divers vérificateurs généraux.

Donc, non, je n'ai pas fait de rappel au Règlement. La motion de la sénatrice LeBreton n'intervient dans le débat que parce que le sénateur Downe s'appuie sur cette motion pour attester de l'autorisation de la vérification au Sénat.

(1620)

Puisque la motion du sénateur Downe se fonde sur la motion que la sénatrice LeBreton a présentée en juin dernier, à mon avis, sa motion devrait être repensée et frappée de nullité d'une certaine façon — d'ailleurs je n'ai nullement employé l'expression « frappée de nullité », elle est de vous. En outre, la motion est certainement lacunaire puisque le vérificateur général ne dispose d'aucun pouvoir constitutionnel lui permettant de mener une vérification au sein du Sénat, et cela devrait grandement nous embêter. Cet homme occupe un poste important, et il s'agit de questions graves. Je ne comprends pas ce qui arrive. J'ai seulement fait une petite remarque, je n'ai pas invoqué le Règlement. J'étais en train de discourir sur le préavis de la motion du sénateur Downe.

On pourrait poursuivre, selon le temps dont on disposerait. On peut, à tout moment, soulever 10 recours au Règlement sur la question dont le Sénat est saisi, et ce, peu importe l'objet du débat.

Par exemple, la motion à l'étude renferme beaucoup de propositions complexes et différentes, mais je digresse.

[Français]

Son Honneur le Président intérimaire : Aviez-vous une question à poser à la Chambre avant que je fasse un petit commentaire?

Une voix : Non.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Chers collègues, j'ai une question et j'aimerais avoir vos observations. La sénatrice Cools soulève un point important concernant le bien-fondé de certaines affirmations que l'on trouve dans la motion principale.

Voici ma question, honorables sénateurs : le Président ou moi-même devrions-nous tenter d'établir si ces points sont bien fondés ou bien devrions-nous les accepter sans réserve? J'aimerais que vous y pensiez pendant l'intervention de la sénatrice Ringuette. Le Président et moi tiendrons compte de vos observations dans la décision sur le présent recours au Règlement.

Je le répète : devons-nous accepter sans réserve ce qui se trouve dans la motion ou en mettre en doute le bien-fondé? Pour être clair, je cite la motion :

[...] prenant acte de la demande de longue date des vérificateurs généraux du Canada actuels et antérieurs d'examiner les comptes des deux Chambres du Parlement [...]

Le Président et moi devons-nous tenir cela pour acquis ou mettre en doute la valeur de cette affirmation? Je vous pose la question. Nous allons nous faire une opinion, mais si vous avez quelque chose à dire là-dessus, il me serait utile de l'entendre.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Honorables sénateurs, j'ai lu dans les médias, et dans des citations, que le vérificateur général avait demandé au comité des comptes publics de faire la vérification des comptes des députés et des sénateurs, ce qui inclut effectivement un résumé des dépenses individuelles de chaque député et de chaque sénateur, de façon simultanée.

J'aimerais aussi poursuivre avec les commentaires concernant la forme et la substance de la motion, qui semblent avoir posé certaines interrogations. Si je reçois une invitation à souper, je suis parfaitement libre d'accepter ou non. Effectivement, la motion précise « exhorte », ce qui veut dire « vous êtes invités ». Pour ce qui est de la forme, je ne vois aucun problème.

On doit attirer l'attention sur la substance, et il y a un précédent. Vous vous rappellerez que, il y a quelques années, l'ancienne vérificatrice, Mme Fraser, avait demandé à être invitée au Sénat et à la Chambre des communes de façon simultanée pour faire une vérification — ce qui a été fait, d'ailleurs, simultanément. Le tout a commencé sous le règne de Mme Fraser et s'est poursuivi sous les offices du vérificateur général actuel.

Du fait qu'on dise que la forme, la substance, le contenu de la motion sont injustifiés, il y a certainement là un précédent. Les deux Chambres ont reçu la visite du vérificateur général simultanément pour une vérification de performance.

Également, lorsqu'on affirme qu'il y a des sentiments anti-Sénat à la Chambre des communes, là aussi, il faudrait vérifier si c'est exact. Certaines affirmations ont été faites. Dans les propos émis en fin de semaine dernière lors de la conférence au centre Manning à Ottawa, certaines statistiques montraient que l'ensemble de la population voit l'appareil parlementaire du même œil.

Pour le bien de tous les politiciens, il serait bon de se plier aux désirs de la population et d'adopter les mêmes standards pour la vérification, comme cela a été fait il y a trois ans par la vérificatrice générale de l'époque, Mme Fraser.

Donc, en résumé, Monsieur le Président, je crois que, en tant que Chambre indépendante, nous sommes tout à fait libres de faire des invitations.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Les opinions ont-elles toutes été présentées?

La sénatrice Fraser : Non, j'ai un élément d'information qui pourrait intéresser mes collègues et vous intéresser, Votre Honneur, et j'aimerais faire une observation que j'ai oublié de faire tantôt.

En réponse à votre question au sujet du caractère factuel de la motion, je ferai observer tout d'abord que ce n'est pas là-dessus que porte ce rappel au Règlement. Il porte sur l'ingérence possible du Sénat dans les affaires de l'autre Chambre et je suis d'avis qu'il incombe aux sénateurs de débattre des fondements factuels de la motion.

(1630)

Si vous me le permettez, Votre Honneur, j'aimerais attirer votre attention sur le troisième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui est actuellement débattu à la Chambre des communes. À la page 9 de ce rapport, le comité dit que le vérificateur général du Canada, M. Michael Ferguson, a comparu devant le comité, le 19 novembre 2013 :

Le vérificateur général a proposé que la Chambre des communes soit assujettie à des vérifications exhaustives des finances, du rendement et de la conformité. Il a suggéré que le Comité envisage de modifier la Loi sur le vérificateur général pour permettre à son bureau de faire ces vérifications à sa discrétion.

Il ne demandait même pas que des invitations soient faites; il demandait l'autorisation de faire ces vérifications exhaustives du rendement à sa discrétion.

Votre Honneur, si vous vérifiez, vous constaterez que les vérificateurs généraux précédents ont présenté de telles demandes.

Le point que j'aimerais faire valoir, c'est que le sénateur Tkachuk a fait remarquer, lorsqu'il a invoqué le Règlement, que la Chambre des communes avait, ce jour-là, refusé le consentement unanime à une motion présentée par une députée — une motion très semblable à celle visant à convoquer le vérificateur général. Voilà pourquoi il a déclaré : « J'estime [...] que la motion du sénateur Downe est irrecevable [...] »

Je le répète, ce rapport émanant d'un comité de la Chambre — par opposition à une motion émanant d'un député — a été adopté par le comité de la Chambre des communes et est actuellement débattu à la Chambre. Il contient la recommandation suivante :

Que le Bureau de régie interne invite plus souvent le vérificateur général à effectuer des vérifications.

La question n'est pas « discutable ». Le rapport n'a pas été adopté ni rejeté; il n'a même pas été modifié par la Chambre des communes. Chers collègues, l'expression « invite plus souvent » est très vague, surtout que, de mémoire, on sait que le vérificateur général n'a jamais assujetti la Chambre des communes à une vérification semblable à celle qu'il effectue ici, mais cela, c'est une autre question.

L'honorable Terry M. Mercer : Mes observations sont assez conformes à la ligne de pensée de la sénatrice Fraser.

On s'est demandé si le vérificateur général avait réclamé de réaliser une vérification à la Chambre des communes et au Sénat. Je pense qu'il est de notoriété publique que, par le passé, des vérificateurs généraux — je pense à M. Ferguson et à Mme Fraser — ont demandé à plusieurs reprises qu'on leur permette d'effectuer des vérifications dans les deux Chambres.

Il est faux de faire valoir qu'ils n'ont jamais demandé de faire des vérifications; en fait, c'est ce qu'ils ont toujours demandé. C'est ce qu'ils tentent de faire depuis des années. Je pense que, en effet, cet argument ne tient pas la route en ce qui concerne la motion du sénateur Downe.

Son Honneur le Président intérimaire : Merci.

La sénatrice Cools : Je devrais peut-être apporter des éclaircissements.

Son Honneur le Président intérimaire : Quelques précisions?

La sénatrice Cools : C'est cela. Il semble y avoir un certain malentendu. Tous les renseignements provenant du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre et d'ailleurs n'ont pas été portés à l'attention du Sénat. Ils ne sont pas vraiment pertinents.

Lorsque j'ai soulevé la question du consentement du vérificateur général, je parlais du fait que son nom était cité dans la motion, et non de quelque déclaration que ce soit faite à la Chambre des communes. En d'autres mots, je ne pense pas que nous devrions présenter des motions devant les Chambres en utilisant le nom et le titre de certaines personnes sans qu'elles le sachent et qu'elles aient donné leur consentement à cet égard. C'est ainsi que j'ai posé la question. J'ai dit que ces faits auraient dû être pris en compte.

Par ailleurs, nous semblons oublier qu'il est question de vérifications. Soyons très clairs : la vérification qui a été effectuée il y a deux ou trois ans par l'ancienne vérificatrice, Mme Fraser, n'est pas le même type de vérification que celle qui vise maintenant le Sénat. À ce moment, la vérification portait sur l'administration du Sénat; il s'agit d'une vérification différente. La vérification actuelle porte entre autres sur les dépenses des sénateurs. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Donc, ne faisons pas comme si c'était la même chose.

Pour ce qui est de votre dernière question, qui portait sur la validité et la motion elle-même, je crois, Votre Honneur, que vous devriez examiner tout élément susceptible de vous aider à prendre une décision judicieuse. Ce qui me préoccupe au sujet de la motion du sénateur Downe, c'est qu'elle dicte quoi faire à la Chambre des communes. Ce n'est pas comme si le Sénat avait pris une décision, puis avait envoyé un message à la Chambre pour lui demander son accord. La motion impose ni plus ni moins la volonté et les décisions du Sénat à la Chambre des communes.

Son Honneur le Président intérimaire : Merci.

Tout d'abord, je tiens à remercier tous ceux qui ont participé aux discussions. Je vous remercie d'avoir répondu à certaines de mes questions. Je suis convaincu que le Président Kinsella aura lui aussi des questions.

Je vais prendre la question en délibéré. J'en discuterai avec le Président Kinsella pendant la relâche et nous vous communiquerons notre décision le plus rapidement possible lorsque nous reprendrons nos travaux, dans deux semaines.

Merci.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 25 mars 2014, à 14 heures.)

© Sénat du Canada

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