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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 2 - Témoignages du 20 octobre 2011


OTTAWA, le jeudi 20 octobre 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, pour examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte.

[Français]

Bienvenue à nos deux témoins, M. Bergen et M. Lee.

[Traduction]

Le président : Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité. Je demanderais aux sénateurs de bien vouloir se présenter.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je suis le sénateur Fernand Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn : Je suis le sénateur Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Mahovlich : Je suis le sénateur Francis Mahovlich, de l'Ontario.

Le sénateur Plett : Je m'appelle Don Plett, de Landmark, au Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Je suis le sénateur Kelvin Ogilvie, de la belle vallée de l'Annapolis, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Eaton : Je suis Nicole Eaton, de Toronto.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je suis le sénateur Rivard, des Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, messieurs les témoins, le comité poursuit aujourd'hui son examen de la recherche et de l'innovation dans le secteur agricole. Je précise que, selon l'ordre de renvoi, nous avons à nous pencher sur le développement de nouveaux marchés au plan national et international, ainsi que sur la consolidation de l'agriculture durable et le renforcement de la diversité et de la sécurité alimentaires. Nous nous attacherons aujourd'hui à comprendre comment les producteurs envisagent, l'innovation dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Au nom du comité, je tiens à remercier M. Bergen et M. Lee d'avoir répondu à notre invitation. Vous avez une connaissance étendue des domaines en question.

Reynold Bergen, directeur de recherche, Conseil de recherche sur les bovins de boucherie, Canadian Cattlemen's Association : Je vous remercie. Je suis Reynold Bergen, directeur de recherche au Conseil de recherche sur les bovins de boucherie. Le CRBB est une filiale de la Canadian Cattlemen's Association. C'est lui qui administre la partie des sommes prélevées sur les ventes de bétail canadien qui est consacrée à la recherche. Je suis accompagné de Ryder Lee, gestionnaire des relations fédérales-provinciales de la CCA, en poste ici à Ottawa. Nous vous remercions de l'occasion qui nous est ainsi donnée de vous présenter ces quelques éléments d'information.

Le secteur de l'élevage bovin contribue de manière appréciable à l'économie du Canada. En 2010, les recettes agricoles tirées de l'élevage de gros bovins et de veaux ont dépassé six milliards de dollars. Compte tenu de l'effet multiplicateur des activités économiques en aval, l'élevage de bovins a consisté à 25 milliards de dollars dans le PNB du Canada. S'il y a des élevages de bovins dans toutes les régions de notre pays, un grand nombre se trouvent dans l'Ouest du Canada. Cela s'explique par le fait que l'élevage de bovins exige de vastes herbages et de grands territoires pour la production de fourrage, et parce qu'il faut aux parcs d'engraissement un climat sec et de grandes quantités de céréales fourragères. Le Sud de l'Ontario est, en raison de sa production de céréales fourragères, lui aussi, une importante région d'engraissement. Dans toutes les régions du Canada, du bétail est élevé sur des terres marginales, dont le meilleur emploi est d'en faire des pâturages. Les 83 000 éleveurs canadiens de bovins tirant parti de ces territoires veillent à la bonne intendance des parcours et des voies d'eau dans une grande partie des régions habitées de notre pays.

La différence entre les régions du Canada où est élevé le bétail et les régions où vivent la plupart des consommateurs explique les particularités de certains circuits commerciaux. En effet, les grandes sociétés de conditionnement des viandes du sud de l'Alberta sont, géographiquement, plus près de certaines grandes agglomérations urbaines de l'Ouest des États-Unis, que des grandes villes du centre du Canada. C'est pourquoi, en Amérique du Nord, le commerce du bœuf est essentiellement un commerce nord-sud. Une grande partie du bœuf produit dans l'Ouest du Canada est exporté vers les États-Unis, alors qu'une partie du bœuf consommé dans le centre et dans l'est de notre pays est importé des États-Unis. J'ajoute que la taille de notre territoire nous permet de produire plus de viande que n'en consomment les Canadiens, et que notre pays est un exportateur net de bétail et de viande de bœuf.

Les Canadiens consomment 60 p. 100 de la viande de bœuf produite au Canada, 40 p. 100 de la production nationale étant exportée. Le Canada est le quatrième pays exportateur de viande de bœuf, et le deuxième pour ce qui est des exportations de bœuf de céréales. En 2002, les exportations canadiennes de bétail et de viande de bœuf ont atteint 58 p. 100 de la production nationale. En 2003 et 2004, ce pourcentage a été ramené à moins de 40 p. 100, l'EBS ayant entraîné des restrictions de notre accès aux marchés internationaux. La part des exportations a atteint 50 p. 100 en 2010, et l'on prévoit, pour cette année, des exportations comptant pour 44 p. 100 de la production nationale. Les nouvelles règles adoptées par les États-Unis en matière d'indication du pays de provenance, et l'évolution du taux de change sont à l'origine de la récente baisse de nos exportations.

Soixante-neuf pour cent des exportations canadiennes de viande de bœuf et de bétail sont destinés aux États-Unis. Le Mexique, qui accueille 11 p. 100 de nos exportations, est notre deuxième client. Cinq pour cent de nos exportations sont destinés à Hong Kong et à Macau, 4 p. 100 au Japon, 2,5 p. 100 à la Russie, les autres 8,5 p. 100 étant répartis entre divers autres pays. Leur volume demeure assez faible, mais nos exportations de viande de bœuf en Asie, en Europe de l'Est et au Moyen-Orient ont sensiblement augmenté.

Nous estimons que le Canada est bien placé pour maintenir ses positions en tant que pays exportateur de viande de bœuf compte tenu de l'augmentation de la demande dans le monde.

Dans des pays tels que l'Inde et la Chine, la demande en matière alimentaire est en effet en augmentation, en raison à la fois de la croissance démographique et de l'augmentation des revenus. L'augmentation des revenus entraîne en effet une augmentation des dépenses alimentaires. Un revenu de 2 $ par jour règle pour l'essentiel les problèmes liés à la faim. Avec un revenu de 2 à 9 $ par jour, l'alimentation comprend davantage de viande, de produits laitiers, de fruits, de légumes et d'huiles alimentaires, ce qui entraîne une augmentation rapide de la demande de produits agricoles bruts.

Selon les prévisions, la demande alimentaire mondiale devrait doubler d'ici 2050. La production croît actuellement au rythme annuel de 1,4 p. 100, taux qui devra atteindre 1,75 p. 100 si l'on entend répondre à la demande. Dans de nombreux pays, la viande de bœuf est un aliment de luxe, mais la demande est en augmentation dans les pays où les revenus augmentent. L'augmentation progressive des revenus dans les régions en développement, dont l'Asie, l'Afrique du Nord et le Brésil, et le règlement des différends commerciaux, notamment avec la Corée du Sud, la Chine, Taïwan et les États-Unis, entraîneront une augmentation de la demande de viande de bœuf en provenance du Canada.

Compte tenu de la baisse des stocks mondiaux, le Canada est bien placé pour répondre à l'augmentation de la demande et saisir les occasions qui se présentent sur le plan des exportations. Il est prévu que dans les cinq prochaines années, ce secteur d'activité va passer de la phase de regroupement à une phase d'expansion. L'augmentation des prix qui a eu lieu à l'automne 2010 a été, pour les éleveurs de vaches et de veaux, la première indication qu'ils pouvaient réduire le rythme de liquidation du cheptel entreprise en 2005. Cette année déjà, on note une augmentation du nombre de génisses retenues, ce qui montre bien que les producteurs sont capables de réagir rapidement aux signaux du marché. Les vastes étendues de terres marginales qui se prêtent mal à la culture, mais qui font d'excellents pâturages, est un des avantages du Canada. Dans plusieurs pays en effet, les pâturages ont été mis en culture.

La réduction du cheptel aux États-Unis et dans d'autres pays producteurs va permettre de maintenir le niveau des prix du bétail et de la viande de bœuf en Amérique du Nord. On constate en effet, aux États-Unis, au cours des 10 dernières années, une tendance lente, mais constante à la liquidation du cheptel. Malgré les tendances du marché, les producteurs n'ont pas développé leur production, et les grandes sécheresses ont renforcé cette tendance étant donné la pénurie d'aliments pour bétail. Les États-Unis étant un des plus gros producteurs de viande de bœuf, la baisse anticipée de la production américaine devrait ouvrir au Canada de nouveaux marchés à l'exportation pour son bœuf de céréales.

Les industriels du secteur ont créé la marque « Avantage du bœuf canadien » pour mieux faire connaître les qualités de la viande de bœuf canadienne. On peut en effet faire état de notre mode de production, de l'éleveur jusqu'au consommateur, de l'importance que nous attachons à la gestion de l'environnement, puis de la qualité même de notre viande, d'un meilleur rendement, de la santé de notre cheptel, mondialement reconnue et de solides pratiques en matière de sécurité alimentaire. La recherche revêt une importance essentielle au niveau de la quantification de nos méthodes de production, mais aussi au plan de leur amélioration.

Plusieurs autres facteurs influent sur notre compétitivité par rapport aux autres pays exportateurs. D'abord, notre pays doit tenter d'obtenir, par la négociation, l'accès à de nouveaux marchés, où la possibilité de retrouver ou de développer vos parts de marché. Puis le Canada doit à la fois entretenir et développer la consommation de viande de bœuf tant au Canada que sur les divers marchés internationaux. Troisièmement, il faut que le bœuf canadien puisse être, sur ces marchés, offert à des prix concurrentiels. Or, sur tous ces plans, la recherche et l'innovation sont d'une importance essentielle.

Le secteur de l'élevage bovin a toujours, au Canada, été favorable à l'adoption, en matière de commerce international et d'accès aux marchés, de règlements reposant sur des bases scientifiques. La santé du bétail et la sécurité alimentaire prennent une importance croissante dans le cadre des négociations commerciales. Les recherches menées dans notre pays par Agriculture et Agroalimentaire Canada, et d'autres institutions nous ont fourni les bases scientifiques démontrant l'intégrité de notre régime d'hygiène vétérinaire. Je ne citerai à titre d'exemple que le fait que les recherches menées en ces domaines ont permis d'obtenir la levée des restrictions à l'importation dues à l'anaplasmose et à la fièvre catarrhale du mouton, véritable pomme de discorde au niveau de nos échanges avec les États-Unis.

Les recherches en vue du développement de meilleures méthodes de détecter et de détection et de lutte contre les toxi-infections alimentaires permettront de réduire le nombre de retraits de produits du marché, contribuant en cela au maintien de la confiance des consommateurs tant ici qu'à l'étranger. Les recherches permettant d'améliorer la satisfaction du consommateur quant à la qualité de la viande exerceront, là encore, une influence bénéfique au niveau de la demande.

Les recherches sur les moyens d'accroître le rendement de l'alimentation du bétail et de renforcer la productivité des aliments, du fourrage et des pâturages, et de veiller au bien-être et à la santé du bétail sont, là encore, des aspects importants de la question. Un meilleur rendement de la production renforcera notre compétitivité par rapport aux autres sources de protéines, tant sur le marché national, que sur le marché international du bœuf.

De nombreux éléments sur lesquels est fondée la marque Avantage du bœuf canadien, que ce soit en matière de santé animale, de sécurité alimentaire, de qualité de la viande, d'efficacité de la production ou de protection de l'environnement, résultent de travaux menés par les divers organismes canadiens de recherche sur les bovins, les résultats desquels ont été adoptés par les industriels du secteur. La poursuite des progrès accomplis exige un financement à long terme des travaux de recherche si l'on veut assurer le maintien des normes actuelles et faire en sorte que nos industriels puissent réagir et s'adapter aux occasions qui se présentent et aux difficultés qui peuvent surgir. C'est pourquoi nous craignons qu'intervienne une réduction sensible des moyens de recherche au niveau de l'infrastructure, du financement et des connaissances, car cela risque de nuire à nos progrès.

En 2008, la Table ronde sur la chaîne de valeur de l'industrie du bœuf et le Conseil de recherche sur les bovins de boucherie ont entrepris une étude des recherches menées tant au Canada que dans les autres pays sur la filière bovine. Cette étude a permis plusieurs constats.

D'abord, les moyens affectés à la recherche et au développement par les industriels du secteur varient considérablement d'un pays producteur à l'autre. À l'époque, en Australie et aux États-Unis, 13 p. 100 des sommes prélevées sur les producteurs étaient affectés à la recherche. Au Canada, cette part était de 6 p. 100. Depuis lors, l'industrie canadienne du bœuf a accru de 150 p. 100, la part du prélèvement national affectée à la recherche, et nous nous situons désormais au même niveau que les autres.

Les crédits à la recherche dans le domaine de l'élevage proviennent d'au moins 30 sources différentes. Le CRBB, que je représente, est, sur le plan national, la principale source de financement des recherches sur l'élevage bovin. Du côté du gouvernement fédéral, la principale source de financement est la Direction générale de la recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. La Direction générale des services agroenvironnementaux, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada effectuent, eux aussi, certaines recherches dans le domaine de l'élevage bovin. La plupart des associations provinciales d'éleveurs ainsi que les ministères provinciaux de l'Agriculture disposent, eux aussi, de crédits à la recherche et de programmes en ce domaine. Chaque bailleur de fonds fixe, en matière de recherche, ses propres priorités. Cela fait que, parfois, une grande partie des crédits disponibles sont affectés aux dossiers qui, à telle ou telle époque, font beaucoup parler d'eux, les recherches dans des domaines moins en vue, mais tout aussi importants, étant réduits à la portion congrue.

L'éparpillement des crédits à la recherche provoque une augmentation proportionnelle des coûts d'administration et nuit à la cohérence de recherches nationales permettant d'obtenir des résultats ciblés sur un certain nombre d'axes prioritaires. Il importe de définir clairement les priorités des travaux de recherche, mais il est tout aussi important que ces priorités soient en harmonie avec les objectifs de notre secteur d'activité. Or, des crédits considérables sont actuellement affectés à des travaux dont les objectifs ne sont pas clairement définis. La sécurité alimentaire est un des axes prioritaires. Une baisse de 50 p. 100 des cas de retrait de la viande de bœuf pour cause de contamination par E. coli O157:H7 est un bon exemple de résultat ciblé.

La multiplication de crédits relativement modiques affectés à des objectifs de recherche très divers oblige en outre les chercheurs à passer une bonne part de leur temps à rédiger des demandes de financement pour obtenir les moyens de poursuivre leurs travaux. Une bonne partie du temps qui leur reste doit être consacrée à la rédaction de rapports d'étape à l'intention des bailleurs de fonds. Tout cela est du temps qui pourrait être mieux employé à enseigner, à publier les résultats de leurs travaux et à diffuser leurs connaissances.

Quatrièmement, certains programmes de recherche devraient, si l'on veut parvenir à des résultats probants, bénéficier d'un financement à long terme. L'actuel système d'octroi des crédits de recherche pour des périodes de cinq ans devrait être revu. Un programme de recherche sur cinq ans dans le domaine des plantes fourragères vivaces, de l'amélioration des animaux ou d'études environnementales menées sur place ne peut donner, dans le laps de temps prévu, que des résultats préliminaires.

J'ajoute, sur ce point, que des retards sensibles dans la mise en œuvre du cadre stratégique Cultivons l'avenir a entraîné un déficit de financement de deux ans, ne laissant que trois ans pour achever des recherches qui devaient initialement prendre cinq ans. Cela limite très sérieusement les résultats que l'on peut espérer obtenir. Cela réduit également les chances d'attirer au Canada de nouveaux chercheurs puisqu'on leur offre ailleurs des budgets de recherche à plus long terme.

Rappelons que, de manière générale, en matière de recherche, le taux de rendement du capital investi est de six ou sept à un. Ce chiffre est plus élevé encore si l'on tient compte des investissements consentis par les producteurs. Selon une étude commandée par l'Office national chargé d'effectuer les prélèvements, chaque dollar prélevé, assure au producteur un rendement de neuf. On obtient un rendement de 7,5 pour un pour les mesures de marketing, et de 46 pour un pour les travaux de recherche.

Cela dit, les difficultés dont nous avons fait état tout à l'heure ont pour effet de diminuer le rendement des crédits affectés à la recherche. Le CRBB et la Table ronde sur la chaîne de valeur de l'industrie du bœuf ont constitué un comité de recherche chargé d'étudier les moyens de regrouper et de coordonner l'action des divers bailleurs de fonds relevant des autorités provinciales, du gouvernement fédéral et de l'industrie du bœuf.

À valeur constante, les crédits affectés par Agriculture Canada aux recherches sur l'élevage bovin ont baissé de 29,4 p. 100, entre 1995 et 2007. Cette baisse s'ajoute à la réduction générale de 18 p. 100 qui, en 1994 et 1995, a frappé le budget de la Direction générale de la recherche. Ces coupures ont entraîné une baisse du financement des projets, mais aussi des connaissances ainsi qu'une régression au niveau de l'infrastructure.

Certaines provinces, l'Alberta et la Saskatchewan notamment, ont, en revanche, augmenté les crédits qu'elles consacrent aux projets de recherche sur l'élevage bovin et aux infrastructures correspondantes. Cela n'a, cependant, pas compensé la baisse des financements accordés par Agriculture Canada, ni pallié la baisse des moyens de recherche nationaux en matière de sécurité et de qualité des aliments, ou de production de fourrages.

La grappe scientifique du secteur du bœuf est un important premier pas dans la recherche de solutions aux problèmes cernés par la stratégie de recherche sur le bœuf. Cette nouvelle entité conjugue les moyens du CRBB, qui, du côté des industriels du secteur, est le principal bailleur de fonds, et les sources de financement et les moyens de recherche réunis au sein d'Agriculture Canada. Il s'agit d'axer les crédits et les priorités sur la recherche de solutions répondant aux besoins du secteur. Une partie des crédits va permettre à Agriculture Canada de pourvoir à nouveau à des postes de chercheur dont le besoin se fait sentir. Une partie des crédits sera affectée à l'amélioration des moyens de transmission du savoir afin d'assurer l'exploitation des résultats prometteurs.

Le financement public de la recherche revêt lui aussi une extrême importance si l'on veut pérenniser la recherche à long terme dans des domaines où les résultats sont moins assurés. Les connaissances acquises à l'occasion de ce genre de travaux sont essentielles aux progrès scientifiques qui serviront de bases à des solutions et découvertes qu'on n'est pas actuellement en mesure de prévoir. Il va falloir harmoniser les priorités et les moyens de financement — recherches menées dans le cadre d'une collaboration entre les industriels du secteur et le gouvernement si l'on veut parvenir aux résultats voulus. Et puis enfin, les connaissances et les techniques nées de ces recherches devront être diffusées parmi les éleveurs afin que les solutions auxquelles nous parviendrons puissent être mises en œuvre.

Tout cela exige la reconduction et l'augmentation des crédits. Le financement de la recherche est une nécessité absolue. Il faut également avoir les chercheurs et les techniciens indispensables à la recherche appliquée et aux découvertes. Il faut en outre financer les infrastructures nécessaires afin de pouvoir disposer de locaux fonctionnels et bien entretenus adaptés aux recherches qui doivent s'y dérouler.

J'aimerais, pour terminer, résumer en cinq points ce qu'il va falloir faire pour pérenniser les recherches nécessaires à l'essor et à la compétitivité du secteur canadien du bœuf de boucherie.

Il va falloir, d'abord, que le gouvernement et les industriels du secteur s'engagent à assurer à la recherche un financement prévisible. On parviendra à de meilleurs résultats si l'on modifie le régime actuel qui consiste à accorder des crédits de recherche pour une période de trois ans.

Deuxièmement, il va falloir remédier à l'actuel éparpillement des crédits à la recherche et des services et organismes chargés de les répartir. On est tous d'accord que nous devons financer les recherches permettant d'accroître la compétitivité de notre industrie, mais notre manière de faire nuit à la productivité des recherches que nous menons.

Troisièmement, il y a lieu de s'inquiéter de l'amenuisement progressif des budgets de recherche relevant du gouvernement fédéral, car il est indispensable de s'attaquer, dans les domaines de la qualité et de la sécurité des aliments, de l'environnement, du bien-être et de la santé des animaux, à des problèmes qui concernent l'intérêt public.

Quatrièmement, si nous voulons parvenir, dans le domaine de la recherche, aux résultats voulus, et si nous voulons être en mesure d'assurer la formation de nouveaux chercheurs, il nous faut pourvoir à l'entretien d'une communauté de chercheurs puissante et efficace. La baisse constante des budgets et la dispersion des crédits ne nous permettent ni d'attirer ni même de retenir des chercheurs de talent. Il faut se doter des capacités nécessaires si l'on veut que la connaissance et l'expérience acquises en matière scientifique nous permettent de réagir rapidement, efficacement et stratégiquement aux occasions qui se présentent et aux difficultés qui peuvent survenir.

Et enfin, nous sommes tout à fait favorables à la création du regroupement scientifique pour le bœuf, mais nous sommes déçues de constater que les crédits à la recherche qui lui sont affectés sont sensiblement inférieurs aux sommes que le secteur de l'élevage bovin était disposé à fournir dans le cadre d'un budget de recherche combiné. Les divers secteurs étaient invités à solliciter jusqu'à 16 millions de dollars par grappe d'activités. Le secteur du bœuf a demandé 10,7 millions de dollars et s'en est vu accorder 8,6 millions de dollars. Cela est surprenant étant donné notamment que deux produits agricoles ont bénéficié de crédits de recherche plus élevés que le secteur du bœuf alors qu'ils contribuent moitié moins aux recettes monétaires agricoles. D'autres grappes d'activités se sont vu accorder un financement qui ne semble pas proportionnel à leur apport financier à l'agriculture ou à l'économie canadienne en général.

Nous avons bon espoir que ces questions pourront être réglées dans la version ultérieure du programme de grappes agroscientifiques, dans le cadre de Cultivons l'avenir 2. Voilà les quelques éléments dont je tenais à vous faire part aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Monsieur Bergen, je vous remercie. Monsieur Lee, y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez ajouter?

Ryder Lee, gestionnaire des relations fédérales-provinciales, Canadian Cattlemen's Association : Merci. Je me contenterai d'une simple observation, car M. Bergen a exposé de manière très complète la situation actuelle du point de vue de la recherche.

En évoquant les paramètres de votre étude, vous avez parlé de nouveaux marchés et de durabilité, ainsi que de diversité et de sécurité alimentaires. J'aimerais revenir un instant sur la notion de sécurité alimentaire. Sur ce plan-là, nous devons, au Canada, nous montrer très prudents. En effet, compte tenu de notre population et de l'étendue de notre territoire, la sécurité alimentaire, d'après moi, ne pose pas de problème au Canada. Je n'en dirais cependant pas autant de la diversité et, en fait, les deux notions vont assez bien ensemble.

Au Canada, la diversité est essentiellement une question de climat, car il y a des cultures auxquelles nous ne pouvons pas nous livrer. Si nous souhaitons conserver notre niveau de vie et notre manière de vivre, nous devrions plutôt insister sur la sécurité des approvisionnements, c'est-à-dire sur l'ouverture des marchés à nos exportations, et l'accès aux produits à ce qu'il nous faut importer. Cela donnera de meilleurs résultats, en ce qui concerne non seulement nos producteurs, mais aussi nos consommateurs. Si, par une sorte de nombrilisme, nous nous focalisons trop exclusivement sur l'aspect sécurité alimentaire, nous risquons de nuire aux intérêts de ceux qui, au Canada, produisent les aliments qui conviennent à notre climat, réduisant par là même les choix offerts aux consommateurs et provoquant une augmentation des prix. Or, ce n'est pas cela que nous recherchons.

Je veux simplement dire que l'expression « sécurité alimentaire » n'est pas, dans l'esprit des Canadiens, un terme qui exprime une vue d'avenir et j'éprouve toujours, pour ma part, une certaine impatience quand j'entends cette expression.

Le président : Merci, monsieur Lee.

Le sénateur Plett : Merci, messieurs, d'avoir répondu à notre invitation. Ce rapport me paraît excellent. Certaines des questions que je voudrais vous poser découlent de ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet des exportations, du doublement de la demande en matière alimentaire, et des négociations commerciales.

Ai-je bien compris que, selon vous, nous sommes le deuxième pays exportateur de bœuf. Est-ce exact, monsieur Bergen?

M. Bergen : C'est à la fois juste et inexact. Nous sommes en fait le quatrième pour ce qui est de l'exportation de bœuf de boucherie, mais le deuxième, après les États-Unis, pour ce qui est des exportations de bœuf de céréales.

Le sénateur Plett : J'allais vous demander qui est le premier pays exportateur. Nous arrivons donc en deuxième position après les États-Unis et, pourtant, nous exportons beaucoup vers les États-Unis, n'est-ce pas?

M. Bergen : En effet.

Le sénateur Plett : Où en sommes-nous vis-à-vis des États-Unis? Vous avez dit, tout à l'heure, que nous sommes presque revenus là où nous en étions, avant l'ESB, ou que notre situation s'est peut-être même améliorée par rapport à cela. Quelle sera, à longue échéance, l'incidence de la crise de l'ESB? Selon vous, quel sera, sur nos exportations de bœuf vers les États-Unis ou vers d'autres pays, l'influence des propos tenus par cet Albertain en vue qui, à l'époque, avait dit à peu près ceci : « Tirez, enfouissez et fermez-la »?

M. Bergen : Me permettez-vous de prendre quelques notes afin de pouvoir vous répondre de manière un peu plus structurée?

Le sénateur Plett : Prenez tout votre temps, nous disposons d'une heure et demie.

M. Bergen : Les deux premières années d'ESB ont eu, au Canada, une énorme incidence sur l'industrie du bœuf. Au cours de ces deux premières années, les recettes agricoles provenant de la vente de bétail et de veaux ont baissé d'un tiers, simplement par le jeu de l'offre et de la demande. Or, lorsque vous produisez beaucoup plus que vous ne consommez, et que l'excédent ne peut plus être exporté, il est inévitable que les recettes baissent.

La situation a été en partie atténuée par le fait que les États-Unis sont notre plus gros partenaire commercial et que, fort heureusement, les liens qui nous unissent sont solides. Bien que, nous ayons pu malgré l'ESB, conserver une partie du marché américain, certains pays n'importent plus de viande de bœuf du Canada. Le cas de la Corée du Sud demeure problématique, et le Japon a imposé un certain nombre de restrictions à nos importations en fonction de l'âge de l'animal. Ces restrictions demeurent en place.

En fait, les États-Unis ont été très corrects avec nous. À l'automne 2003 — c'est-à-dire environ quatre mois après la fermeture initiale de la frontière à nos exportations — nous pouvions exporter vers les États-Unis du bœuf désossé provenant de bêtes ayant moins de 30 mois. Ce n'est, je crois, qu'en 2006 que la frontière s'est de nouveau ouverte aux bovins sur pied, et ce n'est que vers la fin de 2007 que nous avons pu commencer à expédier à nouveau vers les États- Unis du bétail et du bœuf de boucherie. Les choses se sont remises en place progressivement.

Certes, certaines de nos exportations demeurent atteintes, en partie en raison du taux de change, car notre bœuf coûte maintenant plus cher aux États-Unis. En outre, les règles qui imposent l'indication du pays d'origine nuisent à nos exportations, et notamment à nos ventes de bovins sur pied. Nos exportations de bétail à l'engrais sont un pâle reflet de ce qu'elles étaient. Quant à savoir, dans quelle mesure cela est dû à la réglementation sur l'indication du pays d'origine, ou le taux de change, je pense que M. Lee sera mieux à même de vous répondre sur ce point.

M. Lee : La seule chose que je puisse dire au sujet de votre question concernant les propos tenus au Canada, c'est que les règles mises en place après une crise sanitaire telle que la crise de l'ESB résultent de l'action de l'OIE, l'Organisation mondiale de la santé animale. OIE est le sigle français, mais l'appellation anglaise de l'organisation est World Organisation for Animal Health. On ne peut jamais vraiment juger l'effet que peuvent avoir des propos comme ceux que vous avez évoqués tout à l'heure, mais cela nous a permis de nous apercevoir, après coup, que notre réglementation n'était pas au-dessus de tout reproche et que les règles que nous appliquions à nos partenaires commerciaux n'étaient pas meilleures que celles qu'ils nous ont appliquées après avoir décelé un cas d'ESB.

Entre-temps, le Canada a beaucoup œuvré au sein de l'OIE afin d'améliorer sa manière de réagir à un cas de maladie qui ne pose pas nécessairement de risque sanitaire général, ou qui ne risque pas d'infecter l'ensemble du troupeau. Il y avait, certes, raison de s'inquiéter, mais les règles et les réactions ont été tout à fait disproportionnées par rapport au risque que cela posait, tant pour les êtres humains que pour les animaux. Tout cela a pris du temps, mais, au sein de l'OIE, le Canada a pris les devants. Il y a, cependant, d'autres instances, telles que le Codex, au sein duquel tous les participants n'ont pas encore pris les mesures leur permettant de réagir correctement à ce genre de situation, car en attendant qu'une telle situation se présente, la question demeure assez hypothétique.

Le sénateur Plett : Vous disiez, je crois, que la demande en matière alimentaire va doubler d'ici 2050. J'habite une région où il n'y a à peu près que du bœuf de céréales. Il est clair que dans une telle région, la question des pâturages va se poser. Si la production alimentaire doit doubler d'ici 2050, nous allons nous retrouver face à une pénurie de terres agricoles et je me demande dans quelle mesure cela ne va pas poser de problèmes aux bovins en pâturage.

M. Bergen : Votre question concerne en partie l'approvisionnement en céréales, et en partie le choix à effectuer entre pâturages et cultures céréalières, est-ce exact?

Le sénateur Plett : C'est bien cela.

M. Bergen : Il est clair que les animaux d'embouche consomment de grandes quantités de céréales, mais il faut préciser que 80 p. 100 des bovins de boucherie sont nourris au fourrage. Je ne parle pas là d'une simple finition au fourrage. Ils ne sont pas nourris à l'herbe jusqu'au bout; mais, ils se nourrissent d'herbe pendant une bonne partie de leur existence. Seule la finition se fait aux grains. C'est ce que je tenais à préciser.

J'aurais en outre deux précisions à apporter au sujet d'une bonne partie du grain dont se nourrit le bétail dans les parcs d'engraissement. D'abord, dans l'Ouest du Canada, il s'agit en grande partie d'orge qui n'était pas initialement destinée à l'alimentation du bétail. Il s'agit d'orge qui, au départ, devait servir à la fabrication de la bière, mais sa qualité n'étant peut-être pas tout à fait suffisante, on s'en est servi pour nourrir les vaches ou les poulets — peut-être pas les poulets, mais les porcs. Une grande partie des aliments donnés au bétail était initialement destinée aux êtres humains, mais ne répondait pas aux normes de qualité nécessaires.

J'ajoute à cela qu'une part croissante de l'alimentation fournie aux bêtes dans les parcs d'engraissement provient des drêches de distillerie, ou d'un sous-produit de la fabrication de l'éthanol, industrie qui consomme actuellement de très importantes quantités de grains.

Ma seconde question est la suivante : plus la demande de céréales augmente, plus l'étendue des terres mises en culture ne va-t-elle pas augmenter? Bien sûr. Cela s'est produit dans d'autres pays. Dans une certaine mesure cela s'est déjà produit ici, après l'augmentation du prix des céréales. Si la culture céréalière rapporte plus que l'élevage du bétail, les terres seront mises en culture.

J'ajoute cependant qu'il ne faut pas perdre de vue le risque que cela présente. En effet, au Canada, une grande partie du bétail est élevé sur des terres marginales dans l'Ouest du Canada. C'est d'ailleurs pour cela que beaucoup de troupeaux sont plutôt petits, car si je dispose de vastes étendues dont certaines parties sont trop escarpées ou trop couvertes de roches, ou trop sèches, ou qu'il y a trop d'arbres pour que la terre puisse être cultivée, dans de bonnes conditions, je peux tout de même y élever quelques vaches et la terre sert comme ça à quelque chose. Certains terrains ne se prêtent pas à la culture.

Et puis il y a aussi le fait qu'une grande partie de notre territoire — notamment dans l'Ouest du Canada, mais aussi dans le Nord de l'Ontario — est composée de terres qui, du moins dans l'Ouest du Canada, ont toujours été des terres de pâturage. Il s'agit de terres marginales, où la couche arable est mince, sèche et convient mal à la culture. Elle est en plus sujette à l'érosion. Nous pourrions y cultiver des céréales, cela s'est déjà fait, assez largement même au début du siècle dernier. Et puis, plusieurs années de sécheresse ont provoqué une érosion éolienne, et on s'est dit que ces terres se prêtaient mal à la culture céréalière et qu'il valait peut-être mieux encourager une couverture végétale permanente et en faire des pâturages.

Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Plett : Oui. Je vous remercie.

Monsieur le président, j'aimerais, un peu plus tard, si nous en avons le temps, poser quelques autres questions.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'aimerais que vous nous parliez de la capacité de recherche au Canada. Vous avez dit qu'il y avait un peu de fragmentation. Comment le Canada se compare-t-il avec les États-Unis et le Brésil? Ce sont nos compétiteurs, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Bergen : L'étude en question, financée par le CRBB et la Table ronde sur la chaîne de valeur de l'industrie du bœuf, s'est effectivement penchée sur la situation des États-Unis. Le modèle de financement en vigueur aux États-Unis ressemble assez au modèle canadien, bien que l'USDA assume un plus grand rôle en matière de financement. Aux États-Unis, c'est en effet l'USDA qui finance une grande partie de la recherche, les divers États s'occupant davantage de développement agricole. L'USDA finance les travaux de recherche, les États intervenant plus pour veiller à ce que les résultats des recherches entreprises soient mis au service du secteur agricole.

Il est fréquent que les spécialistes du développement agricole fassent partie d'une université. Les recherches subventionnées par l'USDA se déroulent souvent dans des lieux où travaille également un spécialiste du développement agricole, ce qui fait que les connaissances et les techniques peuvent être adaptées aux besoins des producteurs, ce qui facilite leur mise en œuvre.

Notre étude n'a pas porté sur le Brésil et je ne peux donc pas vous répondre sur ce point. Leur productivité est prodigieuse, bien que leur secteur de l'élevage du bovin soit en proie à certaines des difficultés évoquées par le sénateur Plett, une partie des pâturages étant transformés en terres en culture.

Cette précision vous est-elle utile?

Le sénateur Robichaud : Oui. Je ne suis pas certain de vous avoir bien compris, mais selon vous, me semble-t-il, aux États-Unis les recherches sont davantage coordonnées qu'ici, cela étant également vrai du transfert des connaissances vers les personnes susceptibles d'en bénéficier. Est-ce exact?

M. Bergen : Les États-Unis ont, beaucoup plus que le Canada, entretenu leurs moyens de développement agricole. Au Canada, on constate, au cours des 20 dernières années, une baisse très sensible au niveau de la recherche appliquée et de la transmission des savoirs.

Le sénateur Robichaud : À cet égard, quelle serait la teneur de votre recommandation à notre comité?

M. Bergen : Ma recommandation concerne les deux points qu'englobe la grappe scientifique du secteur du bœuf. L'idée est en premier de remédier à l'éparpillement des sources de financement et de parvenir à une meilleure coordination des crédits. Si vous ne parvenez pas à créer, en matière de financement, une sorte de guichet unique, essayez au moins de définir quelles sont vos priorités, quels sont vos objectifs de recherche afin, par exemple, d'affecter en priorité les crédits de recherche aux travaux sur la santé des animaux. Il n'est pas question d'effectuer deux fois les mêmes travaux, mais si l'on constate que telle ou telle question importante ne fait l'objet d'aucune recherche, on tentera de faire en sorte que certains chercheurs soient lancés sur cette piste. Il en va de même de la sécurité des aliments, du bien-être des animaux ou de l'efficacité alimentaire. Essayons de mieux coordonner les financements et faisions en sorte que les travaux portent sur la recherche des solutions dont le secteur a besoin, afin, aussi que nous sachions où ces travaux sont menés et que rien ne soit négligé.

Je cite en exemple quelque chose qui a été, justement, négligé, en l'occurrence la recherche sur le fourrage. C'est franchement assez gênant, étant donné les énormes quantités de fourrage dont a besoin l'industrie du bœuf. Or, il est vrai que nous n'avons pas subventionné de travaux de recherche sur le fourrage. On pourrait dire que cela est plutôt du domaine des producteurs de fourrage. Nous finançons les recherches sur le bœuf et sur le bétail et ils pourraient donc financer les recherches sur le fourrage. Or, ils ne sont pas en mesure de prélever l'argent nécessaire et, par conséquent, les recherches consacrées au fourrage se sont progressivement appauvries. Une meilleure communication nous a permis de prendre conscience de cela. Nous avons compris que l'anémie des infrastructures et des moyens de recherche devait nous inquiéter, et ces dernières années nous avons consacré une grande part de nos ressources aux recherches sur le fourrage et les herbages, sur les pâturages, la sélection des végétaux et l'augmentation de la productivité. Il est important de savoir qui fait quoi afin que se fasse tout ce qui doit se faire et que nous parvenions aux résultats dont nous avons besoin.

Et puis, il faut faire en sorte que les résultats de travaux de recherche soient transmis aux secteurs concernés. Quelqu'un peut découvrir quelque chose de très intéressant, mais encore faut-il que les résultats obtenus fassent l'objet d'un essai en nature et que les résultats soient validés en dehors des conditions contrôlées qui sont celles des établissements de recherche. Dans le cadre de la grappe scientifique du secteur du bœuf, il nous faut consacrer davantage de ressources à la transmission des savoirs. Nous en sommes en cela au tout début, mais nous nous y attachons.

Le sénateur Eaton : Merci, monsieur Bergen. J'aimerais vous demander, pour poursuivre dans la même voie, si Industrie Canada n'a pas fixé à l'industrie du bœuf un certain nombre d'objectifs?

M. Bergen : Je n'en ai pas la moindre idée.

Le sénateur Eaton : Nous parlions pourtant de la coordination des divers moyens de recherche. Si des responsables d'Agriculture Canada fixaient à l'industrie du bœuf un certain nombre d'objectifs — et si vous sachiez que tel ou tel objectif doit être atteint en 2010, 2020 ou 2025 — cela ne vous faciliterait-il pas la tâche, à vous et aux universités, au niveau de la coordination des travaux de recherche?

M. Bergen : Ce n'est pas facile à faire. Il est difficile en effet de savoir quels seront dans 20 ou 50 ans les besoins du secteur, ou le niveau de la demande.

Le sénateur Eaton : Vous venez pourtant de nous dire qu'en matière alimentaire la demande mondiale est en augmentation et que cela vaut également pour la viande de bœuf.

M. Bergen : C'est exact. C'est effectivement ce que nous prévoyons, mais nous ne sommes pas en mesure de préciser quelles seront au juste les exigences du consommateur. Nous savons que quelle que soit la situation, notre industrie doit améliorer sa compétitivité. Elle va devoir renforcer la confiance du consommateur, favoriser une augmentation de la demande et améliorer l'efficacité de la production quelle que soit la situation dans 50 ans. Le consommateur voudra de la viande de bœuf. Nous serons en mesure d'en produire de manière efficace et de répondre à la demande du consommateur.

Ce qu'il faudrait, c'est que l'industrie du bœuf et Agriculture Canada — qui assure une grande partie du financement — travaillent de concert pour faire en sorte que le financement des travaux de recherche, les infrastructures et les connaissances nécessaires soient réunis afin que nous puissions parvenir aux résultats voulus.

Le sénateur Eaton : Si j'étais, à Agriculture Canada, responsable de la répartition des crédits de recherche, je me réunirais avec vous pour discuter des objectifs. Je ne pense pas que je me contenterais de vous remettre une certaine somme en vous disant simplement « Voici. Nous nous reverrons dans un an ». Je voudrais savoir ce que vous allez en faire. Je sais que vous ne pouvez pas prédire les résultats des recherches entreprises, mais ne serait-il pas utile de fixer un certain nombre d'objectifs? Vous pourriez alors mieux décider des recherches à entreprendre en fonction des résultats escomptés. Pour l'instant, tout cela me paraît un peu vague.

M. Bergen : Nous sommes d'accord. Je regrette de ne pas l'avoir précisé plus tôt, mais il nous faut effectivement faire en sorte que les bailleurs de fonds — le secteur du bœuf, Agriculture Canada et les divers organismes provinciaux — définissent ce qu'il faut au secteur pour améliorer la confiance du consommateur et l'efficacité de la production.

Il nous faut, comme vous venez de le dire, définir les résultats auxquels nous voulons parvenir, afin de décider des travaux qu'il convient de financer pour remédier aux points faibles que nous avons décelés.

Le sénateur Eaton : Nous sommes sur la même longueur d'onde.

J'aurais une autre question au sujet de la recherche. Quels liens entretenez-vous avec les universités? Je me suis rendue à l'Université de Guelph et j'imagine que d'autres sénateurs ont eux aussi eu l'occasion de se rendre dans des établissements de recherche. Il s'y fait des choses très intéressantes. Entretenez-vous des liens avec les chercheurs des universités?

M. Bergen : Il y a quelque chose que je souhaiterais ajouter au sujet de la question précédente concernant l'accord des bailleurs de fonds quant aux principaux résultats escomptés. C'est bien de cela qu'il s'agit dans le cadre de la grappe scientifique du secteur du bœuf, c'est-à-dire de cerner les résultats recherchés en priorité et de soumettre à Agriculture Canada un plan de recherche. Il ne s'agissait aucunement de dire « Nous vous prions de nous accorder une importante subvention, que nous nous engageons à dépenser intégralement. » Ce n'était pas du tout comme cela. Nous avons effectivement soumis un plan de recherche très complet en disant « Voilà les travaux dont le secteur a besoin. Voilà ce que cela va coûter. Voulez-vous en partager avec nous les frais? » C'était ça le programme de grappes agroscientifiques.

En ce qui concerne les universités, une grande partie des crédits vont effectivement aux recherches effectuées dans les universités. L'initiative de grappes agroscientifiques canadiennes avait notamment de nouveau le fait que le financement provenait d'Agriculture Canada. Lorsque, dans un domaine donné, les connaissances nécessaires se trouvent dans une université, nous pouvons en effet financer les recherches qui y sont entreprises. Une grande partie des recherches sur la santé des animaux se déroule actuellement dans des collèges vétérinaires. Les recherches en amélioration génétique des animaux s'effectuent dans des universités; l'Université de Guelph mène actuellement un nombre considérable de travaux sur la santé des animaux, ainsi que dans le domaine de la génomique. Nous travaillons en étroite coopération avec les universités, et accordons une grande importance aux recherches qu'elles effectuent.

Le sénateur Eaton : Vous avez évoqué la confiance des consommateurs. Vous avez également abordé la question des règles d'étiquetage imposant l'indication du pays d'origine. Cela veut-il dire que l'étiquette « Produit du Canada » nuit à nos exportations vers les États-Unis ou le Japon?

M. Bergen : Pas du tout. Le programme Avantage du bœuf canadien vise justement à mieux faire connaître les qualités de notre viande de bœuf. Je vais laisser à M. Lee le soin de vous en dire un peu plus sur ce point, car il connaît la question mieux que moi. Si les règles américaines concernant l'indication du pays d'origine nous préoccupent, c'est essentiellement parce que nous avons pendant longtemps exporté des veaux vers les États-Unis. Ces veaux y étaient engraissés pendant un an et demi avant d'être débités. Les bêtes passaient ainsi la majeure partie de leur vie aux États- Unis. Or, selon les règles imposant l'indication du pays d'origine, le bétail doit être rangé dans diverses catégories selon le temps que l'animal a passé au Canada ou aux États-Unis. Cela entraîne pour le client des coûts et des formalités supplémentaires pour le bétail acheté au Canada. C'est pourquoi les industriels américains du secteur sont moins portés à acheter des veaux canadiens et c'est cela qui a entraîné une baisse de la demande.

M. Lee : Cela a également fait baisser le prix que les Américains acceptent de payer pour des veaux canadiens ou du bétail engraissé au Canada. Nous vantons avec fierté la qualité du bœuf canadien sur nos différents marchés — que ce soit au Canada ou aux États-Unis — et la viande provenant d'abattoirs canadiens est vendue sous l'étiquette « Bœuf canadien ». La seule question qui se pose concerne le commerce de bétail sur pied. La règle en question lui impose en effet un traitement discriminatoire que nous essayons de corriger.

Le sénateur Eaton : Le problème se pose-t-il uniquement au niveau des formalités?

M. Lee : Les formalités, mais aussi les mesures de ségrégation. À supposer qu'il y ait, dans votre parc d'engraissement, à la fois du bétail né et élevé aux États-Unis, des bêtes en provenance du Mexique et peut-être aussi quelques-unes en provenance du Canada — tout cela dépendant du marché et des approvisionnements — il vous faut pouvoir maintenir à part les bêtes de chaque catégorie. Vous devez être en mesure d'indiquer aux abattoirs la provenance de chaque bête. Les abattoirs doivent pouvoir, tout au long de la chaîne de découpe, tenir à part les divers morceaux de viande en fonction de leur pays d'origine, et apposer aux viandes livrées aux supermarchés l'étiquette correspondante. Cet étiquetage n'est pas nécessaire si la viande est livrée à la restauration.

Il ne s'agit donc pas simplement des formalités supplémentaires, mais d'une manipulation plus compliquée.

Le sénateur Mahovlich : Je tiens à remercier nos témoins pour les exposés qu'ils nous ont présentés.

Je voudrais maintenant aborder avec vous la question de la taille des troupeaux. Il y a quelques années, je me suis rendu dans l'ouest du Canada où de grandes entreprises ont racheté des exploitations familiales, ce type d'exploitation s'étant d'ailleurs beaucoup agrandi. Est-ce une bonne chose?

M. Lee : Votre question, sénateur, m'offre l'occasion de dire que j'ai moi-même grandi dans une ferme constituée en société. Cette société comprenait moi, mon père et les autres membres de ma famille. Mon père et mon frère y sont toujours. À l'époque, nous avions 100 vaches, et je crois qu'ils en ont actuellement 250. Il s'agit d'une exploitation familiale, même si elle est constituée en société. C'est essentiellement pour des questions de comptabilité. Si le nombre de bêtes a plus que doublé, c'est parce qu'alors que nous utilisions des balles de foin classiques que nous fauchions à la main, nous sommes passés à des balles rondes que nous pouvons récolter à l'aide d'un tracteur. La même chose s'est passée dans les exploitations céréalières où, au fur et à mesure qu'augmentait la taille du tracteur, on augmentait en même temps la taille de la benne, qui est ainsi passée de 10 pieds à 20 pieds, puis à 80 pieds. Ce que peut accomplir une personne, ou une famille, n'a cessé d'augmenter et les moyens techniques ont entraîné une augmentation de la taille des exploitations. Les revenus ont augmenté en conséquence.

L'appellation officielle, en général adoptée à la demande de votre comptable, n'est pas toujours une bonne indication de la réalité. En effet, que l'exploitation soit constituée en société ou en coopérative, ou qu'on ait affaire à un exploitant individuel, le fait est que la grande majorité des exploitations agricoles, tant au Canada qu'aux États-Unis, sont des exploitations familiales qui, au fur et à mesure de leur développement, finissent parfois par réunir trois ou quatre familles. Ce sont effectivement de grandes exploitations, mais qui restent aux mains de quelques familles, avec parfois aussi quelques employés. Les machines, le soin qu'exigent les animaux, tout cela implique l'intervention d'êtres humains possédant les connaissances nécessaires pour veiller au bon fonctionnement de l'ensemble. Cela ne présente aucun problème particulier; c'est essentiellement dû aux progrès techniques.

Le sénateur Mahovlich : Une exploitation peut donc être bien gérée, même si elle comporte 10 000 têtes de bétail?

M. Lee : Tout à fait.

Le sénateur Mahovlich : Et les bêtes sont correctement soignées?

M. Lee : On ne peut pas se permettre le luxe de faire autrement.

Le sénateur Mahovlich : Au sujet de la confiance du consommateur, et de la publicité pour les aliments sans gluten, je vois qu'un joueur de tennis, qui vient de remporter plusieurs championnats, nous recommande d'éviter le gluten. Les joueurs de hockey carburaient naguère au bifteck. L'industrie du bœuf a-t-elle effectué des études sur les effets d'un tel régime sur la performance des athlètes?

M. Bergen : Sans être nutritionniste, je peux vous dire que c'est effectivement le cas. Il existe d'abondantes données sur les propriétés nutritives du bœuf, dont un des aspects pourrait être, justement, l'absence de gluten. Le gluten provient des produits céréaliers. On peut donc affirmer, sur le plan santé, que le bœuf est plein de principes nutritifs. Il contient 14 éléments nutritifs essentiels, beaucoup de zinc, de fer, de protéines et de B12. Beaucoup d'aliments se trouvant dans les magasins ne peuvent pas en dire autant. Vous pouvez manger du bœuf en toute confiance.

Le sénateur Ogilvie : J'apprécie beaucoup la franchise avec laquelle vous présentez les choses.

Je cherche à mieux comprendre les questions qui se posent au niveau de la recherche. Je voudrais pouvoir me faire une idée plus précise de ce que cela implique. Si j'ai bien compris, en ce qui concerne le domaine de recherche qui vous intéresse plus précisément — cela vaut sans doute également pour les autres domaines agricoles, mais tenons-nous-en pour l'instant au bœuf — les trois principaux bailleurs de fonds sont donc Agriculture Canada, l'industrie du bœuf et les autorités provinciales. J'imagine qu'une partie du budget de recherche du CRSNG va à des chercheurs individuels, mais est-ce exact que ce sont là les trois principaux bailleurs de fonds en ce qui concerne les recherches présentant le plus d'intérêt pour l'industrie du bœuf au Canada?

M. Bergen : Ce sont effectivement les trois principaux. Cela dit, je précise que des organismes privés se livrent, eux aussi, à d'importants travaux de recherche. J'entends par cela des centres de recherche privés, ainsi que des entreprises du secteur agroalimentaire qui font, elles aussi, du travail très intéressant. Une des difficultés qui se posent au niveau de la recherche est que les résultats des travaux deviennent parfois la propriété exclusive de ceux qui les obtiennent. On obtient, certes, de bons résultats, mais dans certains domaines, il nous faudrait accroître les efforts de recherche — je vais vous citer un exemple.

En matière de naissage, l'extension du système pastoral est sans doute un des principaux progrès des 20 dernières années. Au lieu de laisser les vaches brouter pendant l'été, puis, l'hiver, de les ramener à l'enclos et de les nourrir avec le foin récolté en été, le fumier étant répandu dans les champs au printemps, manière de faire qui coûte cher et qui prend beaucoup de temps, les recherches menées au cours des 20 dernières années ont porté à penser que cela n'est peut-être pas nécessaire. L'idée est plutôt de laisser le bétail paître pendant l'été, puis, en automne, l'amener brouter dans d'autres champs, laissant plus longtemps aux vaches le soin de s'alimenter elles-mêmes alors qu'en même temps elles répandent le fumier dans les champs.

Ce qu'il y a d'intéressant en cela, c'est que les seuls à profiter de cette nouvelle technique sont ceux qui la pratiquent; les données qui en sont à l'origine n'appartiennent en exclusivité à personne. Vous ne m'avez pas posé de questions à ce sujet, mais c'est quelque chose qu'il me paraît utile de savoir.

Le sénateur Ogilvie : L'exemple est en effet intéressant. Je voudrais parvenir à mieux comprendre ce qu'on entend par infrastructure de la recherche, et comment tout cela fonctionne.

Il y aurait, donc, des centres de recherche privés, des organismes de recherche relevant du secteur agroalimentaire et sans doute aussi des travaux de recherche menés de manière tout à fait indépendante, mais il est clair que la recherche ne peut pas se passer d'infrastructures. Une partie des crédits à la recherche va donc devoir être affectée à l'infrastructure d'établissements subventionnés par d'autres bailleurs de fonds.

J'essaie de me faire une idée plus précise de l'éparpillement dont vous parliez tout à l'heure, et d'aller au cœur de la question, c'est-à-dire l'idée de concentrer les travaux de recherche sur un certain nombre d'axes.

Il y a les grands bailleurs de fonds. Je crois avoir appris, dans le cadre de nos travaux, que le gros de la recherche est effectué soit dans les centres de recherche fédéraux relevant d'Agriculture Canada, soit dans les départements d'agriculture des universités. D'après ce que je sais, ce sont là les principaux centres de recherche. Autres que les organismes privés, quels seraient d'autres importants centres de recherche?

M. Bergen : Vous venez de citer les principaux. La majeure partie de la recherche s'effectue effectivement dans les centres de recherche d'Agriculture Canada. Bon nombre de travaux sont également menés dans les universités. En outre, certaines provinces ont mis en œuvre des programmes de recherche agricole.

Et puis, il y a aussi, mais là les choses sont moins clairement définies, un certain nombre de travaux de recherche entrepris à l'échelon régional, avec en outre les groupes qui se consacrent au développement agricole et qui s'occupent de transmettre les savoirs, mais dans des domaines plutôt spécialisés. Une grande partie de ce travail porte en effet sur le fourrage et, là, tout se fait en général à l'échelle locale.

Le sénateur Ogilvie : Cela nous ramène à la question que vous nous avez exposée au départ. Voilà, justement, ce qu'il me fallait pour bien comprendre la réponse.

Vous avez cité deux grands problèmes au niveau du financement de la recherche. Le premier est qu'une grande partie des travaux ne sont pas suffisamment ciblés et que le fait d'obliger les chercheurs à renouveler, tous les trois ou cinq ans, leur demande de subvention ne vous semble pas être le bon moyen de procéder.

D'après ce que vous venez de nous dire, et en raison de la puissance de notre industrie du bœuf et de l'élevage, le Canada occupe, dans le monde, une position d'avant-garde en matière de biotechnologies dans les domaines du clonage, des transferts d'embryons et de l'accroissement du cheptel. Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi, étant donné qu'on connaît les centres de recherche, et que les bailleurs de fonds sont peu nombreux, pourquoi, donc, votre secteur d'activité ne parvient pas à influencer la composition des programmes de recherche.

Deuxièmement, s'il existe un domaine de recherche où il conviendrait effectivement de congédier les efforts, c'est bien le domaine agricole. Je comprends fort bien que certaines recherches soient engagées dans des domaines prometteurs où les travaux sont financés par le CRSNG, par exemple, mais je ne comprends pas que, dans les organismes dont vous avez parlé, les recherches ne se déroulent pas selon des axes bien définis.

Je tiens à ajouter qu'il ne faut peut-être pas non plus accorder aux chercheurs trop de temps avant qu'ils soient tenus de renouveler leur demande de subvention et de faire vérifier les résultats qu'ils obtiennent. Je ne veux pas dire qu'il ne faille pas accorder des financements à durée indéterminée, mais il faut, et en particulier dans les domaines qui nous intéressent, que les chercheurs soient à même de montrer que leurs travaux répondent bien aux normes et critères ouvrant droit à une subvention.

Pourriez-vous me donner quelques précisions à cet égard? Ce sera d'ailleurs ma dernière question.

M. Bergen : Certainement.

L'industrie du bœuf a en cela un rôle important à jouer. Si nous voulons voir engager des recherches à long terme, les entreprises vont effectivement devoir apporter leur concours. Comme je l'ai dit tout à l'heure, une partie du problème provient du fait que jusqu'à récemment, l'industrie canadienne du bœuf ne contribuait pas grand-chose à la recherche. Je crois avoir précisé que 6 p. 100 seulement des sommes faisant l'objet d'un prélèvement national étaient affectés à la recherche, un très faible pourcentage donc. Les autres principaux pays producteurs de bœuf en faisaient deux fois plus.

Il a fallu du temps pour que le Canada prenne conscience de l'importance de la recherche. Je le dis sans ambages. À partir du moment, cependant, où nous avons compris les avantages qu'il y avait à mener des recherches, nous avons fait un grand effort et augmenté le montant des crédits de recherche qui, effectivement, ont augmenté de 150 p. 100. Cela demeure assez faible par rapport à ce que font les autres bailleurs de fonds, mais nous entendons en faire davantage. Je crois utile de le préciser.

En ce qui concerne l'éparpillement, la grappe scientifique du secteur du bœuf constitue le point de départ d'une éventuelle solution. Cette grappe rassemble les deux principaux bailleurs de fonds, Agriculture Canada et le CRBB. Nous allons ensuite tenter d'attirer au sein de cette entité d'autres importants bailleurs de fonds. Il en existe 30 au total, mais la plupart d'entre eux sont d'assez faible envergure. Si nous parvenons à convaincre certains des principaux — et ils seront les premiers contactés — l'Ontario, la Saskatchewan et l'Alberta, et si nous parvenons à engager avec eux un effort de collaboration, nous aurons déjà fait pas mal de chemin.

En ce qui concerne la remise de rapports de recherche et le besoin de veiller à ce que les travaux se poursuivent selon les orientations voulues, je ne suis nullement en désaccord. Je ne pense pas qu'il faille réduire les contrôles. Une des difficultés est, bien sûr, que si, en tant que chercheur, j'envisage un projet qui va coûter 50 000 $, peut-être vais-je pouvoir obtenir 10 000 $ de M. Lee, 5 000 $ de vous, et puis 35 000 $ de tous les autres réunis, et cela pour un seul projet. Chaque année, je vais devoir remettre à chacun d'entre vous un rapport rendant compte de mes travaux. Si chacun acceptait de recevoir le même rapport, le degré de contrôle resterait le même, mais les chercheurs pourraient consacrer davantage de temps à leurs travaux.

Quoi qu'il en soit, si nous souhaitons que notre secteur d'activité continue à progresser et soit en mesure de contribuer encore davantage à l'économie du pays, les financements accordés par les bailleurs de fonds, tant les entreprises que les gouvernements, vont devoir augmenter afin que l'on puisse subventionner la recherche, acquérir les connaissances dont nous avons besoin, engager le personnel nécessaire et entretenir les infrastructures.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur le président, pourrait-on demander à notre témoin de nous transmettre à cet égard des renseignements complémentaires? Votre réponse est pertinente et je crois que, pour l'étude que nous avons entreprise, il serait bon que nous obtenions de vous un rapport complémentaire sur les questions que vous nous avez exposées de manière assez détaillée.

M. Bergen : Il me faudra consulter le compte rendu de séance pour voir ce que j'ai dit, au juste, d'aussi intéressant.

Le président : Nous demanderons donc au greffier du comité de contacter M. Bergen et M. Lee pour des précisions complémentaires concernant les observations du sénateur Ogilvie.

[Français]

Le sénateur Rivard : Monsieur Bergen, j'ai pris note des cinq points que vous avez exposés au début de votre présentation. Le premier point, c'est que vous vouliez des engagements à long terme pour des programmes d'aide pour la recherche et le développement.

Pendant deux ans, les différents représentants de l'industrie forestière ont témoigné devant notre comité. Et la plupart des témoins ont apporté le même point selon lequel qu'ils voulaient des engagements à long terme. Dans son rapport final, le comité a proposé des engagements pour un minimum de cinq ans et souhaitait même des programmes échelonnés sur dix ans.

Je suppose qu'il y aurait de l'intérêt pour les programmes sur cinq ans même si pour vous 10 ans serait encore mieux, mais je comprends que vous pourriez vivre avec des engagements sur cinq ans pour des programmes fédéraux de recherche et développement. Est-ce que vous seriez à l'aise avec des engagements de cinq ans?

[Traduction]

M. Bergen : Les programmes sont actuellement conçus en fonction d'un engagement quinquennal. Je crois même que si nous réussissions à faire fonctionner nos programmes tels qu'ils ont été conçus, ce serait une très grande amélioration. Cultivons l'avenir, le programme de la grappe scientifique du secteur du bœuf, représentait un tout nouveau mode de collaboration entre l'industrie et le gouvernement en matière de recherche, et c'est une très bonne chose. Il y a eu des crises de croissance, ce qui a aidé à expliquer pourquoi les choses ont traîné. Pour Cultivons l'avenir, une période de cinq ans ferme constituerait une nette amélioration. La recherche à long terme est aussi cruciale. Pour mener une quelconque forme d'étude environnementale, si vous voulez examiner la capture du carbone par les fourrages ou si vous voulez analyser les répercussions environnementales de l'alimentation du bétail, en cinq ans, vous avez très peu de chances de trouver quoi que ce soit de vraiment significatif. Un engagement de cinq ans serait une amélioration. Il vaudrait encore vraiment beaucoup la peine d'envisager un mécanisme permettant de garantir qu'on applique une certaine vision à la recherche à long terme.

M. Lee : Sur ces cinq années, ce que nous avons constaté au cours des deux ou trois dernières années — et je crois que ces règles viennent du Conseil du Trésor, mais je ne suis pas sûr d'où exactement — année après année, en partie pour des raisons de trésorerie et en partie pour des raisons liées à l'administration des fonds, vous avez ce bloc de fonds pour cette année, et pour cette année seulement. Au mois de mars, si les fonds ne sont pas dépensés, ils disparaissent. Nous devons examiner cette situation sous l'angle qu'il s'agit d'un projet à long terme et laisser les fonds aller là où ils doivent aller. Si c'est quelque chose de biologique, vous ne suivez pas forcément l'horloge ou le calendrier. Si c'est un projet pour lequel il faut construire quelque chose et l'hiver arrive, une fois encore, le calendrier peut vous mettre des bâtons dans les roues. Il ne s'agit pas seulement de cet horizon de cinq ou dix ans, mais de la façon dont cela passe d'une année à l'autre. C'est ce qui a récemment dérouté des gens.

[Français]

Le sénateur Rivard : Lorsque vous parlez des difficultés de recrutement des chercheurs, c'est justement parce que le programme n'est pas assez long, donc c'est difficile d'aller chercher des chercheurs qui gagnent présentement leur vie avec un emploi précaire, avec un contrat de trois ou quatre ans, alors que si les programmes étaient de cinq à dix ans, ça pourrait faciliter le recrutement de chercheurs. Est-ce ce que c'est ce qu'il faut comprendre?

[Traduction]

M. Bergen : Nos chercheurs sont innovateurs à bien des niveaux, entre autres leur capacité à assembler des fonds pour exécuter un programme de recherche. Ils ont réussi à s'en sortir tant bien que mal, en passant d'un projet de trois ans à un autre projet de trois ans, pour tenter de maintenir un projet de recherche à long terme. Ils s'en sortent tant bien que mal, mais la situation n'est pas idéale.

La disponibilité de fonds de recherche à long terme dans d'autres administrations a engendré certains problèmes. Deux exemples récents : un chercheur sur le bœuf de l'université de Guelph qui s'est installé à l'université d'État du Dakota du Nord et plus récemment, un généticien de renommée mondiale de l'université de l'Alberta qui est allé en Australie pour diriger leur programme de recherche parce qu'il commençait à en avoir assez de ne pouvoir obtenir des engagements financiers à long terme au Canada. Oui, absolument, c'est un problème.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je crois savoir que l'Association des éleveurs de bœuf du Québec ne fait pas partie de votre association canadienne. Premièrement, est-ce que cette association a déjà été membre? Et si la réponse est oui, pour quelle raison l'Association les éleveurs de bœuf du Québec a-t-elle délaissé votre association canadienne?

[Traduction]

M. Lee : Actuellement, la fédération n'est pas membre de la CCA, mais nous travaillons en étroite collaboration avec eux. Je ne suis à la CCA que depuis environ six ans, et c'est ainsi que les choses sont. Nous avons une relation ouverte avec eux. Une partie de leurs membres au sein de l'UPA fonctionnent avec la gestion de l'offre et un régime d'écoulement ordonné, ce qui est assez différent du régime de libre marché de la CCA. Le fait de ne pas être membre d'une organisation ne signifie pas que nous ne travaillons pas ensemble. Chaque fois que nous avons une cause commune — et je crois que cela s'applique aussi à la recherche — nous travaillons ensemble. C'est une question politique plutôt que pratique, en grande partie. Je ne sais pas s'il y a des exemples de recherche dont nous pourrions parler par rapport à ce qui se passe au Québec.

M. Bergen : Oui, il y en a. Je suis à la CCA depuis un an et demi, c'est donc relativement court. La recherche est un dossier plutôt dénué de compétition. La plupart des gens en reconnaissent la valeur et nous n'avons rien contre le financement de recherches au Québec si c'est là où se trouve le savoir-faire. Par exemple, une partie de la recherche sur le fourrage que nous finançons dans la grappe scientifique du secteur du bœuf met à contribution des chercheurs dans deux ou trois endroits au Québec. Il y a un gros projet qui couvre les Maritimes, le Québec, l'Ontario et jusqu'au Manitoba. Nous finançons de la recherche au Québec.

Le sénateur Mercer : Mes collègues s'étonnent que je n'ai pas posé de questions plus tôt. La raison en est que les sénateurs Mahovlich et Fairbairn et moi-même siégeons à ce comité depuis plusieurs années. C'est la première fois que nous recevons un représentant de la Canadian Cattlemen's Association sans qu'il soit question d'une crise. Bien calé dans mon fauteuil, je prenais plaisir à écouter les discussions ce matin. Nous ne parlions pas de problèmes immédiats à résoudre ni d'agriculteurs en crise. Je suis sûr que beaucoup d'agriculteurs éprouvent des problèmes, mais pas comme nous en avions pendant la crise de l'ESB.

Mes questions sont plutôt bénignes, contrairement à ce qu'elles étaient d'habitude.

Le président : Écoutons d'abord les questions.

Le sénateur Mercer : À l'époque où nous étions au cœur de la crise de l'ESB, nous nous sommes rendus à Washington et nous avons rencontré des représentants du Département d'État. Nous avons exprimé nos préoccupations au nom du gouvernement du Canada, entre autres au sujet de l'étiquetage du pays d'origine. Nous craignions à l'époque que la véritable discrimination survienne à l'arrivée du produit sur les étagères du supermarché. Nous craignions que, devant une pièce de bœuf portant une étiquette des États-Unis et une autre pièce de bœuf portant une étiquette du Canada, le consommateur américain arrête toujours son choix sur l'étiquette des États-Unis.

Puisque nous vivons cette situation depuis un certain temps déjà, y a-t-il eu un suivi? Est-ce vraiment ce qui est arrivé? Nos craintes se sont-elles concrétisées?

M. Bergen : Je vais tenter de répondre et j'inviterais M. Lee à apporter ses précisions. Avant de parler de l'étiquetage du pays d'origine, je vais parler de la crise. Vous avez dit à quel point il est plaisant de parler à des gens de l'industrie du bœuf qui ne sont pas au cœur d'une crise.

Toutefois, nous pourrions parler de la recherche dans ce contexte. Il est essentiel que le Canada maintienne son infrastructure et son savoir-faire en matière de recherche. Il y aura des crises et nous aurons besoin de savoir-faire pour trouver des solutions à ces problèmes. Il est important que nous maintenions notre infrastructure et notre savoir-faire — le personnel et les compétences pour élaborer les solutions dont nous avons besoin en cas de crise — pour que nous puissions surmonter plus rapidement les problèmes.

Par rapport à l'étiquetage du pays d'origine, il y a vraiment eu de la discrimination. Elle est due en grande partie à des éléments que M. Lee a mentionnés plus tôt, y compris une plus grande discrimination lors de l'achat du bétail et l'agonie de devoir composer avec toute la paperasse et toute la ségrégation par rapport au bétail. Tout ce qui concerne la transformation et la vente au détail a poussé d'anciens acheteurs de bovins et de bœufs aux États-Unis à dire : « Nous allons simplement nous approvisionner au pays, parce que nous n'avons pas besoin de tous ces embêtements. » Cela a posé un gros problème.

Je ne sais pas vraiment si c'est dû autant au fait que les consommateurs s'en soucient vraiment, pour être honnête avec vous. Le problème tient davantage aux embêtements pour arriver jusque-là. Il y a certains détaillants aux États- Unis. La nouvelle organisation de mise en marché du secteur, Bœuf Canada inc., a fait des efforts pour mettre au point des programmes de vente au détail de produits canadiens aux États-Unis. Elle a obtenu un certain succès. Je crois qu'en général, la plupart des gens se disent : « Je veux acheter des produits de mon pays ». Cependant, l'organisation a obtenu un certain succès avec des produits explicitement marqués « Canada » dans des marchés aux États-Unis. Je n'ai cependant pas beaucoup de détails à ce sujet.

M. Lee : Il a été intéressant de constater que l'étiquetage du pays d'origine nous a forcés à apposer la marque « Canada » sur le bœuf canadien aux États-Unis et à le mettre activement en marché comme tel. Il y a des poches où nous avons de petits détaillants que nous pouvons approvisionner et ils aiment le bœuf canadien. Une bonne part du marché se trouve dans des régions qui comptent beaucoup d'immigrants d'Amérique centrale et du Sud. Ils aiment le bœuf canadien bien rouge persillé de gras blanc bien brillant. C'est un débouché pour nous. Notre production n'est pas suffisante pour approvisionner de gros détaillants comme Wal-Mart. Les études auxquelles nous nous référons pour défendre notre position dans le dossier de l'étiquetage du pays d'origine à l'OMC montrent que les étiquettes canadiennes ne subissaient pas beaucoup de discrimination. Les consommateurs ne se souciaient pas de l'étiquette canadienne. Le comportement serait différent dans le cas d'une étiquette mexicaine. Beaucoup d'étiquettes disent « Peut contenir du bœuf du Canada et des États-Unis ». L'information qu'obtient le consommateur n'est pas très instructive et ne lui dit pas ce qu'il veut savoir. Comme M. Bergen l'a dit, le problème se pose davantage par rapport aux bovins sur pied et à la discrimination à ce niveau plutôt que sur les étagères de l'épicerie.

Le sénateur Mercer : Je suis heureux d'apprendre que nous faisions fausse route quand nous avons exprimé notre crainte.

L'un des problèmes auquel nous faisions face au cours de la crise de l'ESB tenait au fait que nous n'avions pas assez d'études pour étayer nos arguments au sujet de l'innocuité de notre bétail. Nous en avons davantage maintenant, et c'est une bonne chose. Je vous en félicite tous.

Lorsque la recherche avance et que les chercheurs trouvent ou inventent des choses, c'est le transfert de la technologie du laboratoire — dans ce cas-ci, à la ferme — qui importe pour en faire une application pratique. Comment ce transfert se fait-il? Nous avons des problèmes avec des chercheurs dans d'autres domaines. Nous faisons de la recherche de qualité. Le problème est de passer du laboratoire à la production. Comment cela fonctionne-t-il de votre côté?

M. Bergen : Cela dépend de deux choses. Cela dépend en partie du secteur. Différents secteurs de l'industrie ont une ouverture différente à essayer de nouvelles choses. Les industries du conditionnement et des parcs d'engraissement ont tendance à être plus énergiques et à être disposées à essayer de nouvelles technologies. Dans le secteur des veaux d'engrais, les producteurs ont tendance à être plus conservateurs. En grande partie, c'est dû au fait que du côté du conditionnement et des parcs d'engraissement, on a tendance à trouver des fournisseurs de services à l'industrie plus organisés, ce qui facilite ce processus. J'espère que j'en arrive à un point qui vous sera utile.

Il y a deux éléments essentiels pour favoriser l'adoption de la technologie. Premièrement, il faut voir si la bonne question est posée en premier lieu. Les chercheurs se concentrent-ils sur un résultat clé dont le secteur cible a besoin? Deuxièmement, il faut se demander lorsque la recherche produit un résultat, ce résultat est-il rentable. Si la recherche produit un résultat dont on a besoin, si elle fournit une solution à un problème réel ou si elle trace un parcours clair vers un véritable débouché pour l'industrie, l'adoption se fait très rapidement.

Si la solution permet d'économiser ou de faire beaucoup d'argent, et si elle est pratique, quelque chose où il suffit de tourner la clé pour tout mettre en marche, elle sera alors adoptée très rapidement, même dans le secteur des veaux d'engrais. Le régime de pâturage extensif dont j'ai parlé plus tôt est un parfait exemple de recherche à long terme. Il a fallu 15 ou 20 ans pour peaufiner cette approche de gestion et la généraliser assez pour que les agriculteurs puissent l'utiliser. Une fois que cela a été fait, et une fois que les producteurs, à cause de l'ESB, ont eu une véritable motivation à réduire leurs coûts d'hivernage — parce que les prix étaient bas, ils devaient donc réduire leurs coûts de production — cette solution a été très largement et très rapidement adoptée, même dans le secteur des veaux d'engrais.

Le sénateur Fairbairn : Comme vous le savez, je viens du Sud de l'Alberta, dans les contreforts des Rocheuses. Quand les choses vont bien, c'est un endroit fantastique pour l'élevage du bétail. Quand les choses déraillent un peu, ce qui est arrivé un peu cet été, je me demandais s'il y en a eu dans cette région, près des montagnes? Y a-t-il eu une situation, pendant cette période, qui a été difficile pour nos gens et leurs familles dans la région où se trouve tout le bétail?

M. Lee : Chaque année est différente. C'est curieux. Arrive le printemps ou l'été et nous disons que c'est le printemps le plus étrange qu'on n'a jamais connu. Arrive le printemps suivant, et nous disons la même chose.

Le sénateur Fairbairn : Je suis bien d'accord avec vous là-dessus.

M. Lee : Si vous êtes dans la région Entre-les-Lacs du Manitoba, vous dites probablement que vous aimeriez que les choses soient différentes. Ils ont vécu tellement d'années de précipitations trop abondantes, et le niveau atteint cinq pieds et ça déborde de partout.

Si vous prenez le Sud de l'Alberta, il y a eu beaucoup de pluie et cela a causé des difficultés. Puis, il n'y a pas eu assez de pluie. C'est le genre de cycle que nous traversons.

Le sénateur Fairbairn : Des hauts et des bas.

M. Lee : C'est la même chose en Saskatchewan. Dans des endroits, c'était biblique le printemps dernier puis, au cours de l'été, ils n'ont pas eu assez de pluie. Ces défis liés au mauvais temps sont là. Au centre du Manitoba, c'est structurel. Il y a eu des interventions, où on a laissé couler l'eau qu'on a dirigée d'un bassin versant vers un autre. Il faut trouver une solution à long terme. Nous composons avec le reste au fur et à mesure.

D'un point de vue global toutefois, les perspectives de l'industrie sont positives à cause de l'offre en Amérique du Nord. Elle est très à la baisse au Canada et aux États-Unis et à cause de la sécheresse en Oklahoma, au Texas et dans une grande partie du sud des États-Unis, ils ont vendu beaucoup de vaches. Ils ne rebâtiront probablement pas ce cheptel dans un proche avenir parce que le bétail se nourrit de blé au pâturage l'automne et l'hiver, et le blé se fait très rare. Le cheptel des bovins au Texas est de la taille du cheptel des bovins au Canada, il est donc à un niveau très bas.

Le nombre de bovins en Amérique du Nord est nettement en baisse. Par ailleurs, la demande de bœuf dans le monde est en hausse et l'offre mondiale n'est pas si grande non plus. Le Brésil commence à consommer davantage de sa propre production et n'exporte pas. Les concurrents sur le marché sont moins nombreux. Vous avez constaté l'effet sur les prix. Dans le passé, lorsque le dollar valait cher, les prix étaient bas. Les prix élevés des grains signifient que le prix du bétail est plus bas. Actuellement, nous nous maintenons à des prix des grains très élevés, un dollar assez haut et à des prix du bœuf très élevés. Un marché en perte de vitesse aux États-Unis est l'autre élément qui a habituellement fait mal au prix du bœuf canadien. Tout le monde sait qu'ils sont encore aux prises avec une situation économique très mauvaise et pourtant, les prix sont encore très bons.

La demande plus faible aux États-Unis est probablement le facteur le plus important qui nous empêche d'obtenir des prix vraiment bons pour le bétail. Les défis auxquels les producteurs font face sont les prix élevés des grains et les prix élevés des intrants pétroliers, qu'il s'agisse d'engrais ou de carburant. Même si les prix sont bons, les coûts sont élevés. Les gens disent : « D'un côté de la médaille, c'est bien. » Cependant, l'autre côté de la médaille pose problème aussi.

Lorsque nous examinons les autres facteurs qui exercent habituellement une pression à la baisse sur nos prix, et que ces facteurs sont négatifs, nous commençons à penser que la situation pourrait s'améliorer si ces facteurs commençaient à s'orienter vers le niveau traditionnel qui a un effet favorable sur les prix. Les perspectives à cet égard permettent un certain optimisme. Les facteurs économiques fondamentaux sont nettement positifs pour les années à venir.

Le sénateur Plett : J'ai un mot à dire sur le financement de la recherche. Je suis tout à fait d'accord avec vous que les différents secteurs d'activité ont besoin d'aide, de la part du gouvernement, en matière de financement de la recherche. J'étais heureux de vous entendre dire, monsieur Bergen, que le financement de la recherche dans le secteur est passé de 6 p. 100 à au moins 12 p. 100, ou peu importe le pourcentage où il se situe maintenant. Ce n'est pas une question, simplement des mots d'encouragement. Je veux vraiment vous encourager à essayer d'augmenter encore un peu plus ce pourcentage. Je crois que plus le secteur se finance lui-même, plus il vous est facile d'obtenir ensuite l'aide du gouvernement. C'est davantage une observation qu'une question.

Ma question porte plutôt sur l'offre et la demande, dans une certaine mesure, et sur le prix des produits. Je sais qu'il y a eu un problème, au fil des ans, assurément dans ma province, par rapport au manque d'abattoirs et d'usines de transformation de la viande. Quelle est la situation à la grandeur du pays? Par exemple j'ai entendu hier soir aux nouvelles que Maple Leaf fermait plusieurs usines au pays, même si la compagnie investit énormément d'argent pour améliorer ses procédés et pour construire une autre usine. J'étais heureux d'entendre dire qu'ils allaient investir dans l'usine de Winnipeg.

Pour le bœuf, je pense qu'il n'y a pas d'usine au Manitoba. Je n'en suis pas sûr. Nous avons deux ou trois bonnes usines pour le porc. Où en sommes-nous dans l'Ouest canadien quant aux abattoirs et aux usines de transformation de la viande?

M. Bergen : En ce qui concerne les grandes usines de transformation de la viande, je crois qu'il y en a quatre au Canada. Une est située à Cargill. Une autre appartient à XL Foods, une société canadienne. Il y en a une en Ontario, également à Cargill, et une autre à Montréal. Elle appartient à Levinoff, une société canadienne.

Il y a plusieurs petites usines un peu partout au pays. Il y en a une à l'Île-du-Prince-Édouard et il y a d'autres petites usines à travers le pays. Le Manitoba a au moins une usine inspectée par le gouvernement fédéral, à Carman, celle de Plains Processors. Les petites usines ont de la difficulté, en ce sens que les frais d'exploitation sont vraiment élevés pour ce genre d'activité. Il peut être difficile pour elles de rivaliser avec les plus gros acteurs du secteur.

De façon générale, un autre problème tient au fait que les usines de transformation ont tendance à être situées là où le bétail se trouve. La plus grande partie de l'élevage de bétail est concentrée en Alberta et en Ontario et c'est là où on trouve les usines.

M. Lee : Le fait que l'offre nord-américaine de bétail a beaucoup baissé, en remontant au début des années 1990 et même avant, constituera un défi pour le secteur de l'engraissement. La capacité de nos parcs d'engraissement en Amérique du Nord est bien supérieure à ce que nos vaches pourront produire d'ici quelques années. Notre capacité de transformation est elle aussi bien supérieure. Nous avons plus de crochets et de capacité de transformation que nous avons d'animaux à transformer.

Cette situation nous confronte au défi, au Canada, de faire en sorte que la compétitivité et le contexte réglementaire du Canada, pour transformer le bétail en bœuf, sont équivalents à ceux des États-Unis, sinon plus favorables.

La crise de l'ESB a eu pour conséquence que les règles en vigueur au Canada visant le traitement des MRS — les matières à risque spécifiées, ces petits bouts gélatineux qu'on soupçonne être responsables de la propagation de l'ESB — sont plus rigoureuses au Canada qu'aux États-Unis. Il est plus coûteux de se débarrasser de ce produit à la sortie de l'usine, c'est donc une préoccupation. L'autre conséquence concerne la disponibilité et le coût de la main-d'œuvre. Le problème se posera au cours des prochaines années. Quand vous rebâtissez votre troupeau, la première chose que vous faites, c'est de cesser d'envoyer les génisses en ville. Non seulement en avons-nous moins, mais lorsque nous commencerons à rebâtir, nous en enverrons aussi moins au marché. Une usine qui fonctionne à 80 ou 90 p. 100 est rentable. Nous sommes plus près de 60 p. 100. Comme nous avons moins d'offre, nous allons soumettre les usines que nous avons à des pressions pour qu'elles puissent continuer leurs activités.

Nous avons un lot d'usines en bordure de la route qui ont essayé de survivre dans les années suivant la crise de l'ESB, alors que notre capacité que nous avons maintenue et le nombre de bovins était très élevé. Les exploitants ont essayé et ils ont constaté qu'il n'y a pas que des acclamations et des accolades dans cette industrie. C'est difficile et c'est cyclique. Vous devez avoir des réserves bien garnies pour traverser les périodes creuses et profiter des périodes fastes. Ce sera difficile.

Le sénateur Plett : Je suis revenu dimanche d'un séjour de 10 jours en Chine. Dans beaucoup de nos repas, on nous a servi du bœuf. Le dernier jour de notre séjour, nous sommes allés à un restaurant. J'ai commandé un steak et j'ai demandé que ce soit un steak canadien. On m'a assuré que c'en serait. Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre ou si j'ai bien compris la réponse. Quelles sont les chances qu'il s'agissait d'un steak canadien? Il y a près de 1,4 milliard de Chinois. Combien exportons-nous vers la Chine?

M. Bergen : Je crois que la Chine a accepté d'ouvrir son marché au bœuf canadien, mais nous n'avons pas réglé tous les détails techniques. Je crois comprendre que nous exportons du bœuf vers Hong Kong et Macao. Nous vendons du bœuf à Hong Kong et il va ensuite en Chine. Je crois que nous envoyons beaucoup de bœuf à Hong Kong et à Macao parce qu'une partie de ce bœuf entre dans le grand marché. Il serait très utile de conclure des ententes qui nous permettraient d'envoyer directement le bœuf en Chine. Il est évident que c'est l'une des régions où les revenus et la demande pour le bœuf augmentent.

Ce n'était pas une question, mais je veux me vanter un peu. Il y a de quoi être fier du point que vous avez soulevé, au sujet de l'augmentation des fonds affectés à la recherche, de 6 à 12 p. 100. Il est important de souligner qu'en grande partie, cela s'est produit assez récemment. À l'origine, quand nous avons mis en œuvre le prélèvement de la contribution à l'échelon national, nous étions à 5 p. 100 en moyenne. La Saskatchewan était à 10 p. 100 parce qu'on y avait reconnu la valeur de la recherche. Au cours des derniers mois, la Saskatchewan et l'Alberta — qui sont les deux principaux producteurs de bœuf — sont passés à 20 p. 100. C'est une reconnaissance non équivoque de l'utilité de la recherche. C'est assez nouveau, mais nous y arrivons. Il y a de l'espoir.

Le sénateur Plett : Continuez votre bon travail.

Le sénateur Robichaud : C'était là ma question. Vos membres sont-ils conscients de la nécessité de faire plus de recherche? Est-ce que ce sont eux qui alimentent le moteur de la recherche et de l'innovation? Vous venez de dire que dans certains endroits, on a augmenté la contribution. Si vous vous adressiez à vos membres et leur disiez : « Eh bien, 12 p. 100 n'est pas tout à fait suffisant. Si nous passions à 15 ou 20 p. 100, nous pourrions obtenir encore plus d'argent des autres intervenants », comment réagiraient-ils?

M. Bergen : Je ne sais pas très bien comment ils réagiraient. Pour être clair, je mentionnerai qu'il y a eu aussi des augmentations en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique, où la contribution a doublé, de 5 à 10 p. 100, une mesure bienvenue. Il s'agissait en partie d'une reconnaissance de l'importance de la recherche et d'un vote de confiance quant à la nécessité d'intensifier la recherche. Je ne suis pas très habile politiquement, mais je soupçonne qu'ils préféreraient voir de bons résultats avant que nous demandions plus d'argent.

Je répondrai maintenant à la question du sénateur Mercer sur la façon dont le transfert de technologie se fait.

Pour que nous puissions présenter des arguments solides à l'appui d'une demande d'augmentation des fonds destinés à la recherche, je crois que nous devons montrer les dividendes à en tirer. Voilà où le transfert de technologie entre en jeu. Pour qu'ils en voient les dividendes, il faut que la recherche produise quelque chose qu'ils utiliseront ou dont ils tireront profit, quelque chose qui améliorera l'efficacité et qui leur permettra de tirer plus d'argent d'un plus grand nombre de veaux. La question portait sur la façon dont le transfert de technologie se fait. Je donnerai deux exemples.

Si nous parlons de la recherche en santé animale, un chercheur universitaire peut travailler sur un vaccin. Il trouve une nouvelle molécule qui rend le vaccin plus efficace et qui produit une réaction immunitaire plus forte. Il fait la recherche scientifique fondamentale et les essais sur le terrain à l'université, et il conclut que c'est prometteur. Par la suite, en général, il obtient un brevet. L'université vent le brevet ou accorde une licence à une compagnie pharmaceutique. Pour sa part, la compagnie pharmaceutique devra peut-être faire d'autres essais pour obtenir les homologations et prouver l'innocuité du produit en vue d'obtenir les approbations puis de faire la mise en marché.

Cet exemple s'appliquerait pour un vaccin, mais disons que nous avons une nouvelle technique plutôt qu'une nouvelle technologie. Une nouvelle technique, c'est quelque chose que vous pouvez faire et vous n'avez pas à l'acheter ou à payer quoi que ce soit. Il y a deux façons de procéder. Premièrement, un agriculteur pourrait faire ses propres essais. Il pourrait se renseigner sur une nouveauté et l'essayer lui-même. C'est beaucoup plus facile si vous avez une grosse exploitation. C'est l'une des raisons pour lesquelles je butais sur mes mots et j'en perdais le souffle il y a un instant à parler des parcs d'engraissement et de l'adoption de technologies. Les parcs d'engraissement sont assez gros. Ils ont des employés. Ils peuvent se spécialiser dans un secteur d'activité. Ils ont suffisamment d'animaux et d'installations pour faire eux-mêmes un essai valable à la ferme.

C'est beaucoup plus difficile pour un petit agriculteur, surtout pour un producteur qui a un travail d'appoint. Ils n'ont probablement pas le temps, ni les installations ou le savoir-faire pour procéder eux-mêmes à un essai. Dans le passé, c'était du ressort des spécialistes provinciaux de la vulgarisation agricole. Ils aidaient l'agriculteur à mettre en œuvre une nouvelle technique de gestion ou ils faisaient une démonstration d'une technologie sur sa ferme. Ils font des essais sur place et des journées d'étude pour montrer à quel point la technique donne de bons résultats.

Je crois qu'une partie de la raison pour laquelle les fonds affectés à la recherche ont augmenté est due à un véritable effort concerté que nous avons fait depuis la dernière année environ — pour faire connaître ce que nous faisons vraiment avec votre contribution de cinq pour cent — et ce que les chercheurs découvrent. Les gens sont stupéfaits, ou heureux, d'en entendre parler. Nous ne faisons pas qu'investir de l'argent. Nous en tirons des connaissances. Lorsqu'ils voient qu'on en tire des dividendes et que cela mène quelque part, ils sont très disposés à financer la recherche.

Le sénateur Robichaud : C'est une question complémentaire à un point que vous avez évoqué. Certains agriculteurs ont un travail d'appoint et leur exploitation ne suffit pas à la faire vivre.

Je sais que quelques années auparavant, beaucoup d'agriculteurs allaient dans cette direction. Cette tendance se maintient-elle?

M. Bergen : Je vais laisser M. Lee apporter aussi sa contribution. Il y a plusieurs années, j'ai travaillé pour l'Alberta Beef Producers Association, la section provinciale de la CCA. À l'époque, l'ABP était un bailleur de fonds assez important. Des organisations provinciales d'éleveurs appuient ou financent aussi la recherche. Cependant, votre question porte sur le travail d'appoint.

Je suis parti en 2009. Au cours des quelques années qui ont précédé mon départ, il était assez évident que beaucoup de producteurs avaient un travail d'appoint. Nombre d'entre eux travaillaient de fait dans les champs de pétrole. La tendance a vraiment ralenti, probablement en 2007 ou en 2008. C'était dû en partie au ralentissement de l'exploitation pétrolière et en partie au fait que la rentabilité du secteur de l'élevage commençait à prendre un peu de mieux. Il y avait là une espèce de compromis.

M. Lee : C'est une dynamique intéressante, parce que chacun le fait pour une raison différente, parfois parce que vous le pouvez, ou parce que vous l'avez toujours fait. Certaines personnes qui travaillaient à l'extérieur de la ferme, mais non la totalité, sont revenues sur la ferme et ont pu acheter une petite parcelle de terre, devenir agriculteurs et vivre leur rêve. Le fait de posséder 20 têtes de bétail ou d'engraisser quelques bouvillons sur le quart de section que vous possédez, ce n'est pas comme être un agriculteur à temps plein. Avec la technologie et certaines des choses que nous avons maintenant, nous pouvons le faire et quand même bien faire les deux. Ce n'est pas forcément que les gens sont poussés à le faire, mais que certains s'orientent vers ce mode de fonctionnement.

Quelqu'un a mentionné les prix des terres. La possibilité de grossir — de devenir assez gros pour avoir une masse critique — n'est pas à la portée de tous. Cela fait partie de nos attentes. Si voulez vivre comme on vivait il y a 100 ans, sur la même parcelle de terre que votre famille exploitait il y a 100 ans, vous pouvez probablement le faire. Cependant, si vous voulez avoir un tracteur avec cabine climatisée, passer des vacances au Mexique chaque année et avoir quelques télévisions et quelques véhicules, et ceter, vous avez alors probablement changé. La taille de votre exploitation pour vous procurer tout cela sera différente. À mesure que nos attentes changent, l'allure de la ferme change également.

Le sénateur Eaton : Quand j'ai visité Guelph l'an dernier, on s'inquiétait de ne pas attirer le nombre habituel d'étudiants de premier cycle dans les programmes en agriculture. Est-ce une inquiétude pour l'industrie?

Par ailleurs, quelle menace, si menace il y a, l'éthanol représente-t-il pour les prix des grains destinés à l'alimentation du bétail?

M. Bergen : Absolument. L'industrie a besoin de nouvelles recrues, très bien formées et scolarisées, pour la faire avancer. Le recrutement de personnes bien formées est absolument une préoccupation. À cette fin, nous avons besoin de chercheurs, d'institutions, d'infrastructures et de financement. C'est une préoccupation. Nous voulons avoir davantage. À titre d'industrie, nous devons aussi continuer de...

Le sénateur Eaton : Vous parlez d'infrastructure et de financement. À Guelph, on semble croire que c'est davantage dû au fait que les jeunes ne comprennent pas à quel point l'agriculture est devenue une occupation technique intéressante. Ils le voient encore à l'ancienne, où il faut manier la pelle pour sortir le fumier et nettoyer l'étable. On n'a pas réussi à transmettre l'image qu'une ferme est désormais un lieu de travail stimulant, intéressant, à la fine pointe de la technologie.

M. Lee : C'est une bonne question. Si vous remontez huit, neuf ou dix ans en arrière, la situation n'était pas réjouissante pour le secteur des grains. Elle ne l'était pas non plus pour le secteur du bœuf. La blague qui courait à l'époque dans le secteur agricole était la suivante : la définition des mauvais traitements infligés à des enfants, c'est de céder votre ferme à vos enfants. Cette attitude qui prévalait à l'époque dans le secteur n'aidait évidemment pas à attirer des étudiants vers les programmes universitaires en agriculture.

Une partie de la solution consiste à faire en sorte que les gens qui travaillent dans ce secteur font un profit, et de le vendre comme une occupation positive pour vous et votre famille. Il n'y a actuellement au Canada que 2 p. 100 d'agriculteurs ou de Canadiens qui ont un lien avec le secteur agricole. Nous devons réussir à attirer des gens qui ne sont pas des agriculteurs. Nous avons du succès au Canada pour attirer des agriculteurs de l'étranger qui croient que c'est un bon endroit pour pratiquer l'agriculture. Nous ne réussissons peut-être pas aussi bien à vendre aux jeunes qui grandissent au Canada l'idée que c'est un bon endroit pour pratiquer l'agriculture.

La situation évolue dans une certaine mesure, en particulier dans le secteur des grains, mais aussi dans des parties du secteur de l'élevage. Si les choses vont bien, vous hésitez moins à payer pour que votre enfant poursuive ses études au collège d'agriculture, au lieu de le pousser vers des études en droit ou dans d'autres domaines.

Dans le secteur de l'élevage du bétail, on est aussi conscients que c'est un défi. Une mesure que nous avons prise, c'est de lancer le programme des jeunes leaders de la Cattlemen's Association. C'est un programme de mentorat dans lequel des producteurs ou d'autres intervenants du secteur peuvent être jumelés à un mentor du secteur de l'industrie qui les intéresse. Nous passons le message que c'est une bonne industrie et qu'il y a beaucoup de façons différentes d'utiliser l'agriculture ou de travailler dans le secteur de l'élevage du bétail. L'industrie est le moteur de ce renouveau. Nous avons reconnu que nous n'avions peut-être pas été assez efficaces à cet égard au cours des dernières années et nous corrigeons le tir.

En ce qui concerne l'éthanol, ce que vous entendrez dire haut et fort en premier, c'est que le prix des grains est une affaire complexe. C'est absolument le cas. C'est un marché mondial. Le climat, les investissements et l'offre et la demande entrent en jeu. De tout temps, le secteur de l'élevage de bovins et de porcs était l'un des plus gros acheteurs de grains. L'industrie de l'éthanol est l'un des acheteurs de grains de plus en plus important. Nous rivalisons sur un marché libre pour ce que nous vendons. Ce nouveau concurrent sur le marché a un mandat pour l'utilisation de ce qu'il vend, il jouit d'une protection tarifaire contre ses concurrents et il reçoit des subventions pour la construction et la production de ses usines. Nous aimerions simplement qu'il y ait un marché libre. Ainsi, si l'éthanol représente la meilleure utilisation des grains de provende, et s'il s'agit de la chose la plus productive à faire pour notre économie, alors c'est là que le grain ira. Actuellement, il s'agit d'un marché plutôt artificiel. Le prix du grain n'est pas forcément la question. C'est cette compétition qui n'est pas un marché libre qui pose vraiment...

Le sénateur Eaton : Parce qu'elle est subventionnée et que vous ne l'êtes pas.

M. Lee : C'est exact.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je lis dans le document qu'en 2011 le Canada a produit 12 millions de bovins et que le gouvernement fédéral a prélevé un dollar par bête. Notre marché est le marché domestique et les États-Unis sont notre principal client. À votre connaissance, est-ce que les États-Unis prélèvent un montant par bête?

Aussi, est-ce que le marché du bétail fait partie de l'ALENA? Et si oui, est-ce qu'il y a eu des contentieux de part et d'autre comme ce fut le cas dans l'industrie du bois d'œuvre?

[Traduction]

M. Bergen : Je n'ai pas entendu le début de votre question.

[Français]

Le sénateur Rivard : Selon les statistiques de 2011, le Canada a produit 12 millions de bovins et le gouvernement fédéral a prélevé un dollar par bête. Le Canada représente notre marché principal pour le bœuf et les États-Unis sont notre principal client. Est-ce que les États-Unis prélèvent aussi un montant par bête?

Aussi, est-ce que le marché du bœuf est couvert par le traité de libre-échange qu'on appelle en français l'ALENA? Et si c'est le cas, est-ce qu'il y a déjà eu des contentieux sur le marché du bœuf comme on a vécu, par exemple, avec le bois d'œuvre?

[Traduction]

M. Bergen : Si je comprends bien la question, elle concerne la contribution à la recherche des éleveurs de bovins. Les États-Unis prélèvent un dollar par tête depuis le milieu des années 1980. Ils utilisent ces sommes essentiellement pour la mise en marché et la promotion et une partie également pour la recherche. Lorsque des bovins canadiens sont exportés aux États-Unis vers des usines de transformation ou des parcs d'engraissement et qu'ils sont ensuite vendus aux États- Unis, un dollar de chaque bovin canadien sert à financer la mise en marché et la promotion aux États-Unis chaque fois que cette bête est vendue.

Le Canada a un programme similaire. Les bovins américains ne viennent généralement pas au Canada, en grande partie à cause des taux de change. Cette situation pourrait changer avec la parité du dollar. Si des bovins américains entraient au Canada et y étaient vendus, ce prélèvement de un dollar par tête serait perçu et utilisé ici pour la mise en marché et la recherche au Canada. C'est équitable.

Toutefois, le Canada ne perçoit pas une contribution équivalente par tête sur les importations de bœuf. Dans le passé, ce n'était pas si grave que ça. Quand le dollar était à 65 cents, nous n'importions pas beaucoup de bœuf. Avec la parité du dollar, nous en importons beaucoup. Le Canada percevra une contribution équivalente sur les importations des États-Unis au Canada. Je ne sais pas très bien qui doit faire le travail ou se charger des lourdes tâches pour que cela se concrétise, mais je sais que c'est en cours. À ma connaissance, il n'y a pas là de contentieux commercial. Il s'agit simplement d'un exercice en vue de régler les détails.

M. Lee : Ce prélèvement doit s'appliquer aux importations de bœuf des États-Unis et de l'étranger également. C'est nouveau. Nous devons pouvoir le faire dans toutes les provinces et en faire un traitement national. Le cheptel des États-Unis est environ dix fois plus gros que le nôtre, donc leur prélèvement de un dollar par bête est assez différent. L'équivalent en Australie est un prélèvement de cinq dollars par bête. Il y a des différences quant à ce qui prélevé et quant à l'envergure de la réserve qui est ainsi constituée de façon compétitive.

Pour répondre à votre question sur l'ALENA et les contentieux : oui, il y a un marché libre entre le Canada et les États-Unis. Nous aimerions que cela ne change pas. Voilà pourquoi l'étiquetage du pays d'origine pose un tel problème, parce que cela sème la confusion dans ce libre-échange. En général, nous pensons que les bovins et les aliments du bétail devraient aller là où c'est le mieux pour eux. Quand les choses fonctionnent bien, c'est ce qui se produit. S'il y a une sécheresse dans l'Ouest canadien, les bovins iront probablement davantage vers les États-Unis, et inversement. Si nous avons un avantage au plan des aliments du bétail au Canada, le bétail montera au nord. C'est ce qui s'est produit dans une certaine mesure cette année.

Il y a eu en 1999 un contentieux sur les droits compensatoires. On voyait les bovins transiter par les États du Nord vers les États-Unis. Les producteurs n'appréciaient pas voir passer des files de camions canadiens bien remplis. Ils se disaient : « Ce ne peut pas simplement être dû au libre-échange ou au jeu du marché. Ce ne peut être que du dumping vers les États-Unis. Ils doivent être subventionnés par le gouvernement du Canada. » Nous avons dû comparaître devant le tribunal du commerce qui a conclu que la cause n'était pas fondée. Il y a néanmoins eu une période au cours de laquelle des droits compensatoires ont été perçus. Ce fut dommageable pour beaucoup de producteurs. Qui peut prédire l'avenir? Tous ont la possibilité de soumettre un contentieux commercial à l'ALENA ou à l'OMC s'ils ont des motifs de le faire ou s'ils jugent que d'autres enfreignent les règles. C'est pourquoi nous nous défendons à l'OMC au sujet de l'étiquetage du pays d'origine. Le statu quo est un marché tout à fait libre.

Le président : Messieurs les témoins, je demanderai à la greffière et aux recherchistes de communiquer de nouveau avec vous. Cependant, il y a trois questions sur lesquelles j'aimerais que vous vous penchiez. Pourriez-vous nous envoyer vos réponses par écrit parce que le temps nous manque aujourd'hui?

Premièrement, j'ai noté que vous avez dit dans votre exposé que vous avez environ 83 000 éleveurs de bovins. Pourriez- vous nous aider à définir ce que vous désignez comme « une ferme familiale » dans le secteur de l'élevage de bovins? Quel pourcentage de fermes familiales avez-vous parmi ces 83 000 producteurs, par rapport à des éleveurs industriels?

Deuxièmement, j'aimerais que vous nous fassiez part de vos connaissances sur le potentiel de production d'énergie à partir de fumier et de graisses animales. Un agriculteur nous a parlé de bioénergie plus tôt cette semaine.

Troisièmement, nous aimerions recevoir vos observations sur le rôle du Canada dans la production génétique mondiale.

Messieurs les témoins, nous vous remercions beaucoup. Vous nous avez décrit les défis de votre secteur, l'aspect de la production et les marchés avec beaucoup de compétence. Au nom du comité nous vous remercions.

(La séance est levée.)


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