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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 6 - Témoignages du 24 novembre 2011


OTTAWA, le jeudi 24 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'Agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 5, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : L'innovation dans le système agricole et agroalimentaire de la perspective des producteurs agricoles).

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue, honorables sénateurs et témoins, à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Avant d'inviter les sénateurs à se présenter, je voudrais dire à l'analyste de la Bibliothèque du Parlement et au greffier que le sénateur Ogilvie et moi sommes allés à un petit déjeuner-rencontre, l'un des Petits-déjeuners avec des têtes à Papineau, avec un groupe de scientifiques, mais le sénateur Ogilvie pourrait donner de plus amples détails. L'invitée principale ce matin était Mme Sophie D'Amours, de l'Université Laval. Elle est une scientifique de premier plan et un ingénieur, et elle est bien connue dans le secteur forestier.

Mme D'Amours m'a dit quelques mots de notre dernier rapport qui a été déposé au Sénat, Le secteur forestier canadien : Un avenir fondé sur l'innovation. Elle a reconnu qu'elle se servait de notre rapport dans les deux langues, ce qui témoigne de la qualité de notre travail. Selon elle, le rapport est bien documenté, et ses chercheurs s'en servent à l'université et dans leurs déplacements au Canada lorsqu'il s'agit d'examiner l'avenir du secteur forestier en Amérique du Nord et notamment au Canada.

Cela dit, ce matin, c'est l'agriculture qui est à l'honneur, et il ne fait aucun doute dans mon esprit que, grâce aux témoins que nous accueillons ce matin et aux témoins qui viendront par la suite, que nous remettrons au Sénat un rapport qui sera complémentaire de ce que nous avons pour le secteur agricole, et qu'il sera aussi bon que le rapport précédent que nous avons remis au Sénat.

[Français]

Merci à tous d'avoir accepté notre invitation.

[Traduction]

Je m'appelle Percy Mockler. sénateur du Nouveau-Brunswick et président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. J'invite les membres du comité à se présenter.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je suis le sénateur Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Hubley : Sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Fairbairn : Sénateur Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Plett : Sénateur Plett, du Manitoba.

Le sénateur Ogilvie : Sénateur Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Eaton : Sénateur Eaton, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je suis le sénateur Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.

Le président : Notre poursuit continue son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous nous intéressons à l'innovation dans le secteur agricole et agroalimentaire du point de vue des producteurs agricoles.

[Français]

Ce matin, nous recevons M. Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales.

[Traduction]

Nous accueillons également Kristian Stephens, gestionnaire principal, Affaires techniques, à l'Institut canadien des engrais. Le Canada fournit environ 12 p. 100 des engrais au monde. Je salue officiellement M. Stephens et M. Prouse. Merci d'avoir accepté notre invitation.

Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, CropLife Canada : Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui. Comme le président l'a dit, je m'appelle Dennis Prouse et je suis vice-président aux Affaires du gouvernement chez CropLife Canada. CropLife est une association commerciale qui regroupe des concepteurs, fabricants et distributeurs de produits de protection des cultures et de biotechnologie végétale. Ce sont les outils qui aident à garder le secteur agricole du Canada compétitif et durable. Ils aident à garantir aux Canadiens un niveau de vie élevé en leur fournissant des aliments sûrs et salubres à des prix abordables.

Sans pesticides et sans la biotechnologie végétale, les agriculteurs et l'économie du Canada subiraient des pertes énormes.

Les améliorations de la qualité et du rendement attribuables aux pesticides et à la biotechnologie assurent aux agriculteurs canadiens des gains directs d'environ 7,9 milliards de dollars par année.

L'augmentation du rendement due aux produits de protection et à la biotechnologie végétale est à l'avantage du Canadien moyen, surtout à l'épicerie. Nos technologies font épargner aux familles canadiennes près de 60 p. 100 à la caisse.

Les innovations en phytotechnologie ne font pas que renforcer la productivité agricole. Elles le font aussi dans le respect de l'environnement. Si les agriculteurs canadiens ne faisaient pas appel aux pesticides et à la biotechnologie végétale, ils devraient cultiver 37 millions d'acres de plus pour obtenir la même production qu'aujourd'hui, soit à peu près autant que la superficie en culture en Saskatchewan.

Le système réglementaire canadien qui jouit d'une réputation mondiale garantit aux agriculteurs l'accès aux dernières innovations de la technologie.

Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments veillent très bien sur la sécurité des Canadiens et de l'environnement. Ils sont très respectés à l'échelle internationale, en grande partie parce que le régime canadien est prévisible, repose sur des bases scientifiques et a pour principales priorités la santé et la sécurité. Pourtant, chez nous, les Canadiens savent fort peu de choses de la réglementation des pesticides et de la biotechnologie végétale et de leurs apports respectifs à la sécurité alimentaire au Canada et dans le monde entier. C'est regrettable.

Pour inspirer aux Canadiens confiance dans la réglementation des produits dont on aura inévitablement besoin pour nourrir le monde et protéger l'environnement, il faut en faire plus pour renseigner la population sur le bon travail que fait le gouvernement dans son intérêt à elle.

Nous félicitons le gouvernement fédéral de ce qu'il a fait récemment à cet égard et nous espérons que les Canadiens continueront de recevoir de l'information visant à les sensibiliser à la grande qualité du régime réglementaire canadien qui repose sur des assises scientifiques. Toutefois, ce que nous demandons d'abord, c'est qu'on agisse davantage sur ce front.

Si on veut que l'innovation soit vraiment florissante au Canada, les gouvernements doivent aider les Canadiens à comprendre les avantages de la technologie et les systèmes en place pour veiller à ce que les technologies soient sûres. Au besoin, les gouvernements doivent défendre les rigueurs de leur régime réglementaire.

Sans cet appui fondamental, certaines des innovations les plus bénéfiques dans une foule de secteurs pourraient facilement rester inemployées, faute de soutien du public

Imaginez que cela ait été le cas lorsque le canola était à ses débuts. Il s'agit aujourd'hui d'une industrie de 14 milliards de dollars par an. C'est une réussite éclatante pour le Canada et elle est attribuable pour une bonne part à la fondation pour l'innovation qui a été à sa base.

Ce défi qui consiste à situer l'innovation dans son contexte pour la personne ordinaire dépasse largement les communications du gouvernement fédéral. Au Canada, on décèle une tendance inquiétante, chez les gouvernements provinciaux et les administrations municipales à saper la crédibilité du gouvernement fédéral. Pareil contexte est intenable pour des secteurs comme le nôtre.

Chaque innovation de la biotechnologie végétale ou en matière de pesticides nécessite des investissements de 100 à 256 millions de dollars, et il faut compter plus d'une dizaine d'années pour la mettre sur le marché.

Compte tenu de l'ampleur des montants en cause, vous comprendrez sûrement que notre industrie choisisse avec prudence ses investissements.

À moins que notre industrie ne continue d'investir au Canada, les producteurs canadiens ne pourront pas espérer concurrencer les agriculteurs d'autres pays où des règlements fondés sur des bases scientifiques sont respectés et appliqués. Nous invitons le comité à défendre une réglementation qui repose sur des bases scientifiques et à faire comprendre à la population l'importance de l'innovation.

Nous voudrions aussi que le Canada se fasse le champion d'un système international d'approbation plus intégré et mieux harmonisé pour nos technologies. Nous croyons qu'il serait possible d'accomplir beaucoup de choses en ouvrant davantage le processus d'approbation pour reconnaître le travail et les décisions d'autres pays qui veulent avoir une réglementation à base scientifique.

De cette façon, nous pouvons non seulement donner plus efficacement et rapidement aux agriculteurs canadiens l'accès aux outils les plus récents, mais aussi assurer un meilleur accès au marché sans compromettre la sécurité ni l'intégrité des régimes internationaux de réglementation.

Nous estimons que les pesticides et la biotechnologie végétale peuvent continuer à jouer un rôle crucial et innovateur pour le Canada et la compétitivité des agriculteurs canadiens. Nous croyons également que la mesure dans laquelle ce potentiel sera exploité dépendra des décisions et des mesures prises dans le cadre de Cultivons l'avenir 2.

Les agriculteurs ont des défis extraordinaires à relever : l'explosion de la population mondiale, les changements climatiques et la rareté de l'eau, pour ne nommer que ceux-là. Ces défis appellent des solutions modernes, comme des plantes qui tolèrent la sécheresse et le sel, une meilleure lutte contre les maladies, une meilleure utilisation de l'azote et des aliments d'une teneur nutritive améliorée. Il ne fait pas de doute que la phytotechnologie continuera d'apporter des solutions à certains des plus grands problèmes de l'humanité. Vous pouvez avoir l'assurance que nos entreprises ne chôment pas. Le secteur canadien des sciences végétales appuie une agriculture résiliente, compétitive et durable. Notre engagement à l'égard du développement durable date de plusieurs dizaines d'années. Notre industrie est depuis longtemps attachée à des pratiques d'intendance sur tout le cycle de vie. Les plus connus de ces programmes sont celui qui porte sur les pesticides périmés et celui du recyclage des contenants vides, qui sont actuellement dirigés par une organisation sœur, cleanFARMS.

Ajoutons à cela les recherches sur des technologies propres à renforcer la pérennité des exploitations agricoles au moyen, par exemple, de variétés de maïs et de canola qui utilisent mieux l'azote, et il apparaît clairement que la durabilité de notre industrie est bien plus qu'un mot à la mode; c'est pour nous un engagement à long terme.

En améliorant la capacité des plantes d'utiliser l'azote, nous faisons diminuer les montants que les agriculteurs doivent consacrer à l'achat d'engrais, la quantité d'essence à consommer pour l'épandre et, du même coup, nous améliorons la rentabilité.

Notre industrie continue également à perfectionner ses pesticides de façon qu'on puisse réduire les taux d'application et que les applications soient plus ciblées. Notre secteur considère avec optimisme la capacité de Cultivons l'avenir 2 de susciter un contexte avant-gardiste et dynamique dans lequel les innovations agricoles trouveront à s'épanouir. Nous remarquons que, récemment, le gouvernement a fait des progrès appréciables dans des domaines importants de la politique agricole comme les faibles concentrations et l'accès au marché. Nous sommes réconfortés du fait que le ministre Ritz a mis l'accent sur l'élément scientifique aux réunions récentes du Groupe de Cairns. Nous ne demandons pas mieux que de faire partie d'un secteur agricole canadien dynamique, innovateur et hautement compétitif qui travaille dans l'intérêt des Canadiens et du monde qui nous entoure. Merci de m'avoir accordé du temps. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Kristian Stephens, gestionnaire principal, Affaires techniques, Institut canadien des engrais : Bonjour, sénateurs. Je m'appelle Kristian Stephens et je suis gestionnaire principal des affaires techniques à l'Institut canadien des engrais. Je remercie le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de m'avoir invité à venir parler de la recherche et de l'innovation en agriculture au Canada. Je comparais aujourd'hui pour parler des moyens que les agriculteurs peuvent prendre pour être plus innovateurs dans leur utilisation des engrais pour protéger l'environnement et accroître leurs bénéfices. Le système 4R Nutrient Stewardship, ou Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit, est l'approche innovatrice qui permet d'atteindre ces objectifs.

L'Institut canadien des engrais est une association industrielle qui représente des fabricants, des grossistes et des détaillants d'engrais à base d'azote, de phosphate, de potasse et de soufre. Cette industrie en croissance apporte plus de 12 milliards de dollars par année à l'économie canadienne et emploie plus de 12 000 Canadiens. Ce secteur solide et compétitif est largement reconnu comme un chef de file mondial.

Pour dire les choses simplement, les engrais sont de la nourriture pour les plantes. On peut leur attribuer près de la moitié de l'approvisionnement mondial en denrées alimentaires, et ils sont le principal intrant employé par les agriculteurs canadiens dans leurs cultures. L'industrie canadienne des engrais joue un rôle essentiel, si on veut pouvoir répondre aux besoins alimentaires de l'humanité de façon économique et durable.

Notre industrie repose sur des bases scientifiques et tient à faire de la recherche et des innovations agricoles pour garantir l'intendance environnementale dans l'utilisation des engrais. Le développement durable peut être assuré par la conciliation des objectifs économiques, sociaux et environnementaux des divers groupes intéressés, dont les groupes agricoles, les chercheurs, les protecteurs de l'environnement, les gouvernements, les membres de l'industrie et les collectivités de l'ensemble du pays.

L'intendance environnementale et la pérennité ne sont pas des idées nouvelles pour notre industrie ni pour les agriculteurs, qui ont adopté il y a longtemps dans leur activité les principes des pratiques exemplaires de gestion. Toutefois, au fur et à mesure que nous avançons dans la voie du développement durable, il est de plus en plus important de montrer de façon mesurable notre réussite et de déceler les points où nous pouvons améliorer nos résultats.

L'Institut canadien des engrais travaille avec les scientifiques de l'International Plant Nutrition Institute, l'industrie américaine des engrais, les conseillers en culture, les agridétaillants et les agriculteurs afin d'améliorer l'efficacité des engrais, d'améliorer le rendement des cultures et de protéger l'environnement. Ce travail a produit l'initiative Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit. L'industrie des engrais a bon espoir que ce soit là le meilleur moyen de protéger l'environnement lorsque des engrais sont appliqués, tout en améliorant la rentabilité des exploitations agricoles.

Le système Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit est une façon innovatrice d'appliquer des pratiques exemplaires de gestion. Il y a quatre éléments à respecter dans l'application d'engrais : appliquer le bon produit, à la bonne dose, au bon moment et au bon endroit.

Cette approche scientifique aide les agriculteurs et le public à comprendre comment les pratiques exemplaires en gestion des engrais et du fumier améliorent la rentabilité des exploitations agricoles tout en réduisant la déperdition des éléments nutritifs dans l'environnement. Cette approche aide n'importe quel agriculteur à améliorer l'utilisation des engrais sur ses sols, à obtenir un meilleur rendement, et à le faire de façon durable et respectueuse de l'environnement. Le bon produit, cela veut dire assurer un apport équilibré des éléments nutritifs essentiels aux plantes, y compris les engrais granulés ou liquides ou encore les fumiers. La bonne dose, cela veut dire qu'on applique juste assez d'engrais pour répondre aux besoins de la plante, tout en tenant compte des éléments nutritifs qui sont déjà dans le sol. Les agriculteurs peuvent faire des tests de sol pour déceler ce qui manque et ensuite utiliser un système GPS sur leur tracteur pour appliquer les engrais selon des doses variables dans tout le champ.

Le bon moment, cela veut dire appliquer l'engrais lorsque la plante en profitera le plus et éviter les moments où l'engrais risque de se perdre dans l'environnement. À l'automne, par exemple, il faut que le sol soit à la bonne température si on veut réduire au minimum les pertes d'éléments nutritifs dans l'atmosphère.

Le bon endroit, c'est là où les plantes peuvent facilement absorber l'engrais et où il y a moins de risque qu'il se perde dans les cours d'eau ou dans l'atmosphère. Un excellent exemple serait l'application sous la surface, près de la semence, plutôt qu'en surface. Autrement dit, les agriculteurs devront peut-être établir des bandes tampons près des rivières, des lacs ou des puits.

Cette nouvelle méthode est une approche souple et unifiée, les quatre éléments se conjuguant dans un plan de gestion des éléments nutritifs. Cette bonne gestion fera en sorte que les terres agricoles et l'environnement restent sains pour les autres générations pendant très longtemps.

Notre industrie reconnaît que toutes les exploitations et tous les champs sont différents. C'est pourquoi l'initiative Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit favorise le recours à des spécialistes comme les conseillers en culture agréés. Ils aident les agriculteurs à évaluer l'état du sol et de l'environnement dans leur exploitation et à élaborer un plan personnalisé de gestion des éléments nutritifs, le mieux adapté aux besoins propres de l'endroit. L'Institut canadien des engrais est en train de préparer des cours de formation sur la nouvelle approche pour les agriculteurs et les conseillers en culture agréés, de sorte que les quatre principes de l'approche soient largement adoptés au niveau de l'exploitation.

L'approche Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit favorise clairement le développement durable, car elle a des avantages économiques, sociaux et environnementaux. Elle fait augmenter le rendement des cultures, épargnant des sols pour d'autres usages, et augmente ou maintient la séquestration du carbone organique dans le sol, ce qui joue un rôle essentiel pour la protection de l'environnement.

L'ICE parraine également des recherches sur la nouvelle approche au Manitoba, en Saskatchewan et en Ontario pour montrer comment réduire les émissions d'oxyde d'azote, qui est un gaz à effet de serre puissant.

L'ICE a aussi appuyé l'élaboration d'un protocole de réduction des émissions d'oxyde d'azote afin de faire diminuer de façon quantifiable, crédible et vérifiable les émissions de produits à la ferme pour que les agriculteurs gagnent des crédits de carbone. Le protocole repose sur les quatre principes applicables aux éléments nutritifs et son application a été approuvée en Alberta, qui est la première administration à établir un marché réglementaire du carbone. Cette initiative innovatrice du Canada pourrait servir dans l'ensemble du Canada et le monde entier. Les agriculteurs ont toujours su qu'il était important de limiter leur impact sur l'environnement, mais il est toujours possible de faire mieux.

L'industrie canadienne des engrais demande aussi au gouvernement du Canada d'encourager Agriculture et Agroalimentaire Canada à : travailler en partenariat avec les provinces, l'industrie, les agriculteurs et les groupes écologistes pour promouvoir les principes de l'approche Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit et du protocole de réduction des émissions d'oxyde d'azote; d'augmenter les fonds et le soutien des recherches agricoles en sciences des sols pour faire progresser la compréhension de l'efficacité des éléments nutritifs dans les cultures de façon à réduire les pertes de ces éléments dans l'environnement et à améliorer le rendement économique des exploitations agricoles.

Les producteurs agricoles canadiens ont un rôle crucial à jouer pour répondre aux besoins alimentaires du monde, et les engrais sont un élément essentiel à cet égard. Nous avons bon espoir que l'approche Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit soit un outil important pour atteindre les objectifs du Canada en matière d'agriculture et d'environnement.

Merci encore de votre temps, sénateurs. J'ai hâte de participer aux échanges.

Le président : Merci, monsieur Stephens.

Le sénateur Ogilvie : Merci aux témoins. C'est là un domaine passionnant des sciences et de la technologie et, bien entendu, un résultat d'une importance incroyable : la production d'aliments pour les humains et les animaux. Je suis content de certains documents que vous avez présentés, car ils établissent le lien entre l'activité et l'impact réel sur le volume de la production, et le volume de la production attribuable à des interventions délibérées. Ce sont des chiffres vraiment importants.

Je voudrais discuter plus longuement avec M. Stephens, car, dans la vallée d'Annapolis, en Nouvelle-Écosse, je trouve fascinant d'observer l'utilisation d'un tracteur moderne doté d'un GPS et de toutes sortes de dispositifs électroniques. Il est possible de planter et de cultiver des plantes d'une façon très évoluée avec des contrôles par ordinateur.

J'aurais deux questions à poser à M. Prouse. J'ai été frappé par une observation que je trouve dans votre document et que vous avez faite dans votre exposé. Vous avez dit qu'il existait au Canada une tendance inquiétante, chez les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, à miner la crédibilité du gouvernement fédéral. Pourriez-vous préciser un peu plus?

M. Prouse : Certainement. Nous avons observé cette tendance sur deux points. Les pesticides d'abord. Un certain nombre de provinces et de municipalités ont interdit l'utilisation de pesticides en milieu urbain. Ces pesticides sont réglementés de la même manière par Santé Canada. Ce sont des pesticides approuvés par le ministère et qui ont franchi le processus réglementaire, et pourtant, on en interdit l'usage en ville.

Nous estimons que cela stigmatise l'utilisation de ces produits, qui sont sûrs et approuvés, et que cela risque de remettre en cause la salubrité des aliments des Canadiens. Pour être honnête, il faut dire que l'utilisation urbaine ne représente guère que 3 ou 4 p. 100 du chiffre d'affaires de nos membres; les utilisations agricoles représentent de 96 à 97 p. 100. Nous livrons bataille. C'est un peu comme le Whack-a-Ball. Toutes les municipalités prononcent une interdiction. L'enjeu, pour nous, c'est celui d'une réglementation à base scientifique. Santé Canada a approuvé ces produits. Si on veut entrer dans les détails, disons que le 2,4-D est l'herbicide le plus utilisé au monde. Il a été étudié tant et plus, mais il reste interdit par les administrations provinciales et locales pour des raisons qui n'ont rien de scientifique. Nous voudrions que le gouvernement fédéral trouve sa voix, et je sais que c'est difficile. Les provinces ont le droit d'imposer ces interdictions, mais celles-ci ne reposent pas sur des fondements scientifiques, et elles remettent en doute la sécurité du reste du système. Voilà le problème que nous avons sur les bras.

Nous voyons aussi plusieurs municipalités se mêler des OGM. Une municipalité ontarienne a envisagé une interdiction des OGM. C'est une autre tendance inquiétante.

Le sénateur Ogilvie : Cela situe immédiatement le problème, et je comprends exactement la difficulté.

Monsieur Prouse, vous vous occupez de sciences et de la protection de divers aspects de la technologie dans le domaine agricole. Jusqu'à la fin des années 1980, la notion de droits à l'égard des obtentions végétales n'existait pas, et on a présenté la Loi sur la protection des obtentions végétales. Est-ce que cette mesure a été mise en place et protège vraiment, au moyen des droits de propriété intellectuelle, les plantes mises au point ou modifiées par la biotechnologie végétale pour donner un avantage aux agriculteurs canadiens?

M. Prouse : Nous le croyons. Je vais donner une réponse en deux parties. La première porte sur la diversité. La diversité des plantes est aussi bonne maintenant, voire meilleure que ne l'a jamais été. Autre élément : si vous réunissiez ici des groupes de producteurs, je crois qu'ils vous diraient que leurs choix de semences sont excellents et très solides. Je dis toujours très succinctement qu'il faut s'en remettre aux agriculteurs. Au printemps dernier, un agriculteur a comparu au Comité de l'agriculture de la Chambre des communes et il a dit que les semences les plus coûteuses sont celles qui se vendent en premier tous les printemps. Pourquoi? Parce qu'elles donnent le meilleur rendement. J'ai emprunté ses propos. Il faut compter sur l'agriculteur pour dire les choses comme elles sont. Bref, oui, le système semble fonctionner comme il le doit.

Le sénateur Eaton : Je voudrais revenir sur l'interdiction municipale des pesticides sur les pelouses. C'est paradoxal, puisqu'ils ne sont pas interdits sur les terrains de golf, ce qui est révélateur. Pourquoi l'industrie des engrais ne lance-t- elle pas une campagne de sensibilisation? Pourquoi rester en retrait et laisser les responsables municipaux en matière de santé s'en donner à cœur joie à ses dépens?

M. Prouse : Dans le dossier des pesticides, je dois dire que, avant que je ne me joigne à CropLife, le débat portait sur la façon de combattre ces interdictions. L'industrie a fini par recourir aux tribunaux, mais elle a perdu. L'affaire est allée jusqu'en Cour suprême, qui a reconnu aux municipalités le droit d'imposer ces interdictions. Nous ne sommes pas si nombreux, et il suffit d'un petit groupe de militants qui se présentent au conseil municipal...

Le sénateur Eaton : Je m'étonne toujours qu'il n'y ait pas de militants qui tâchent de gagner les cœurs et les esprits à votre cause.

M. Prouse : Nous ne ménageons pas les efforts. Nous discutons avec nos groupes d'intervenants. L'un des groupes les plus importants qui sont touchés est celui de l'entretien des pelouses. Bien des entreprises ont été détruites. Tout le monde a été désagréablement surpris, pensant ne pas être visé par les interdictions. Nous sentons un retour du balancier, maintenant que les gens voient les conséquences des interdictions. Nous ne renonçons pas à nous battre. Est- ce que l'industrie s'est battue avec autant de vigueur qu'elle aurait dû? Je ne le crois pas. Votre point de vue me semble juste.

Le sénateur Robichaud : Je peux comprendre que les municipalités interdisent les pesticides si certains ne lisent pas le mode d'emploi et en utilisent beaucoup. Je serais porté à penser que l'utilisation et l'application font partie du mode d'emploi. Il faut voir comment utiliser les produits pour en tirer le maximum d'avantages. Si mon voisin utilise des pesticides et me semble en mettre trop, je vais m'adresser à l'administration municipale et protester. Elle devra réagir. C'est certainement une question de sensibilisation.

Mais ce n'est pas ma question. M. Stephens a parlé des étapes de la planification dans l'élaboration d'engrais qui sont libérés lorsque la racine d'une plante donnée y touche. L'engrais n'est libéré qu'à un certain moment. Sommes- nous très avancés dans cette approche innovatrice des engrais? On disait que c'était au stade du développement. Pourriez-vous donner des renseignements à ce sujet?

M. Stephens : Oui, il se fait des recherches sur l'un des quatre principes de l'approche Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit. On cherche la meilleure correspondance, le meilleur moment où appliquer l'engrais pour en maximiser l'efficacité et diminuer les pertes d'éléments nutritifs. Oui, il existe de l'information à ce sujet.

Le sénateur Robichaud : Combien de temps faudra-t-il attendre avant d'avoir ce genre de technologie, des engrais qui se libèrent lorsque la plante est assez près pour les capter?

M. Stephens : Je ne peux pas vous le dire comme ça.

Le sénateur Robichaud : Nous devrions poser la question à l'autre témoin qui nous en a parlé.

Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur le protocole de réduction des émissions d'oxyde d'azote? Est-ce que le processus est à l'essai?

M. Stephens : Oui. L'ICE a des installations de recherche qui étudient l'application des quatre principes et l'impact sur les oxydes d'azote, qui sont un gaz à effet de serre puissant, plus de 300 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Les oxydes d'azote sont émis lorsque des engrais à base d'azote sont utilisés, qu'il s'agisse de fumiers ou d'engrais du commerce. On étudie les pratiques de gestion exemplaires que les agriculteurs peuvent utiliser pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et on essaie de voir à quelle réduction ils peuvent prétendre pour que nous puissions utiliser plus efficacement les éléments nutritifs.

Le sénateur Robichaud : Devant ces nouvelles méthodes et les moyens innovateurs de contrôler les engrais et les pesticides, les agriculteurs sont-ils réceptifs?

M. Stephens : Perceptifs?

Le sénateur Robichaud : Réceptifs.

M. Stephens : Généralement, ils sont très ouverts. Très souvent, les agriculteurs souhaitent savoir comment ils peuvent gérer plus efficacement les éléments nutritifs et tirer de meilleurs résultats des produits qu'ils achètent. Il faudra donner de l'information, mais globalement, les agriculteurs sont de bons intendants de leurs terres. Très souvent, les agriculteurs sont heureux d'obtenir plus d'information dont ils peuvent tirer parti dans leur exploitation.

Le sénateur Robichaud : Je dis cela seulement parce que nous savons que nous sommes attachés, en tout cas je le suis, à nos façons de faire et que nous voulons faire les choses comme nous les avons toujours faites. Lorsque quelqu'un propose quelque chose de différent, nous avons tendance à attendre que quelqu'un d'autre essaie le premier. Est-ce un réflexe qui est présent dans la population agricole?

M. Prouse : Nous avons constaté que les agriculteurs d'aujourd'hui ont un sens très vif de l'entrepreneuriat. Si vous convoquiez la Fédération canadienne de l'agriculture, elle vous le confirmerait. Ils cherchent toujours à maximiser le rendement. Ils ont l'esprit d'entreprise parce que c'est indispensable à leur survie. Ils sont devenus des entrepreneurs. Ils viennent donc assister aux conférences, et les groupes de producteurs sont très actifs. Ces groupes viennent toujours à nos conférences et collaborent étroitement avec nous. Les agriculteurs d'aujourd'hui sont très bien informés et motivés.

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé surtout des provinces des Prairies. Qu'avez-vous à dire des Maritimes, où il y a beaucoup de producteurs de pommes de terre?

M. Prouse : Pour ce qui est de l'adoption de la technologie?

Le sénateur Robichaud : La technologie qui s'applique expressément à eux.

M. Prouse : Il est étrange que vous en parliez parce que notre présentation préférée lorsque nous allons dans des foires commerciales et essayons d'informer le public est un petit dôme de verre. En dessous, nous avons des doryphores de la pomme de terre qui dévorent un plant de pommes de terre. Il s'agit de montrer au public à quel point les insectes se déplacent rapidement. Les insectes ne peuvent pas sortir du dôme, monsieur le président. Vous n'avez rien à craindre.

La pomme de terre est justement une culture dont la production ne serait qu'une fraction de ce qu'elle est aujourd'hui si les producteurs n'avaient pas adopté la technologie moderne des pesticides. C'est l'un des messages que nous essayons de diffuser. Nous n'avons probablement pas été aussi actifs que nous aurions dû l'être dans les provinces de l'Atlantique, sénateur. Dans l'ensemble du territoire canadien, cette technologie est bénéfique, que ce soit dans l'exploitation ou au marché d'alimentation.

M. Stephens : Pour répondre à votre question sur les Maritimes, l'ICE s'engage davantage dans les Maritimes et renseigne les producteurs sur l'approche Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit. Nous avons un petit terrain d'essai pour les recherches sur cette approche pour montrer aux agriculteurs comment appliquer l'approche à leur utilisation d'engrais. Nous espérons avoir un jour un terrain plus grand. C'est une question à laquelle nous nous intéressons.

Le sénateur Plett : Merci, messieurs, de comparaître ce matin.

Monsieur Prouse, je crois que vous avez répondu en partie à ma question en répondant à celle du sénateur Ogilvie. Dans votre exposé, vous avez dit que les provinces et les municipalités sapaient l'action du gouvernement fédéral. C'est surtout dans les domaines dont vous avez parlé, celui des pesticides, ou y a-t-il d'autres domaines?

M. Prouse : Le cas le plus important et le plus flagrant est celui des pesticides, dont nous avons parlé. Lorsque, devant une réglementation de Santé Canada, des provinces décident d'interdire des produits, malgré les années d'études consacrées à cette réglementation, malgré l'approbation donnée par les plus de 300 scientifiques de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, cela nous exaspère.

La prochaine tendance sera celle des aliments génétiquement modifiés. Une municipalité ontarienne a interdit ces aliments. Reste à voir comment elle pourra faire respecter cette interdiction et imposer un règlement. Nous craignons les interventions au lieu de production. Est-ce qu'une municipalité rurale pourra réglementer les cultures de l'agriculteur? Nous examinons la question. Voyez l'impact immensément constructif qu'a eu le canola dans tout notre pays. Voici maintenant que les municipalités, les unes après les autres, vont décider de la politique canadienne en matière d'alimentation? C'est très inquiétant. La question de l'utilisation des pesticides s'est posée surtout sur le plan pratique, mais il arrive maintenant que des conseils municipaux discutent de biotechnologie végétale. C'est inquiétant.

Le sénateur Plett : Le sénateur Eaton a demandé pourquoi il n'y avait pas de militants dans l'autre camp.

M. Prouse : Je voudrais le savoir aussi.

Le sénateur Plett : J'habite dans une localité agricole, juste au sud-est de Winnipeg, et c'est ce que j'ai constaté. Comme vous l'avez dit, les agriculteurs ont tout à fait l'esprit d'entreprise, mais ce genre de querelle ou de bataille leur répugne vraiment, je crois. Ils ne se solidarisent pas. Ils espèrent simplement que le groupe qui s'attaque à quelqu'un d'autre ne viendra pas s'attaquer à eux. Il semble que lorsqu'on a affaire à ces militants, ils ne mettent pas beaucoup de temps, lorsqu'ils arrivent dans une petite localité, à quitter la ville. Lorsqu'ils achètent leur terrain de cinq acres, ils voient qu'il y a une porcherie le long de la route. Dès qu'ils s'installent et que, un beau jour, le vent est dans la mauvaise direction, ils veulent faire fermer la porcherie. Ils se présentent aux élections municipales, se font élire et commencent à fermer les porcheries. Ce comportement est profondément exaspérant au Manitoba, où il y a beaucoup de porcheries. C'est au point que la province vient d'imposer un moratoire à la production et aux exploitations porcines. Je crois que la même chose s'est produite au Québec il y a quelques années.

L'une des plaintes des militants, l'un des mythes qu'ils répandent, c'est que les agriculteurs utilisent les engrais naturels dans leurs champs. Ils prennent les déjections de la production porcine et les épandent dans les champs. Les militants sèment la crainte en disant que cet engrais va contaminer la nappe phréatique, 150 pieds sous la surface.

J'ai une question à ce propos, et c'est plutôt pour que tous puissent entendre la réponse, car je crois la connaître. Lorsqu'un éleveur de porc épand du fumier dans un champ, quel est le danger de contamination d'un cours d'eau? Je comprends qu'il faut une zone tampon. Nous ne pouvons pas tolérer qu'il se déverse dans les fossés qui se déversent ensuite dans une rivière ou un lac. Il faut prendre beaucoup de précautions. Mais y a-t-il lieu de s'inquiéter de la contamination des cours d'eau?

M. Stephens : Bonne question. Chaque champ est différent; chaque exploitation est différente. Pour vraiment comprendre le risque, lorsqu'un producteur épand du fumier ou de l'engrais, il faut appliquer les quatre principes de l'approche Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit. Autrement dit, il faut appliquer la bonne dose et veiller à ce que les plantes l'absorbent. Il y aura donc moins d'engrais qui sera entraîné vers les cours d'eau ou se dissipera dans l'atmosphère.

Chaque situation est différente. En somme, la solution, c'est de réduire le risque au minimum. Chaque champ présente des risques différents.

Le sénateur Plett : À supposer que tout soit fait correctement, et je trouve que les agriculteurs sont d'excellents intendants, le risque peut être atténué, n'est-ce pas?

M. Stephens : Tout à fait.

Le sénateur Hubley : Merci de vos exposés de ce matin. Ce rapport est passionnant. J'ai eu droit à un aperçu ce matin, et c'est sensationnel. Bon boulot.

Ma question portera sur les Maritimes. Tout comme mon collègue, le sénateur Robichaud, nous savons très bien que notre région produit beaucoup de pommes de terre, qui sont les meilleures, bien entendu. C'est pourquoi nous en sommes très fiers. Nos agriculteurs sont instruits. Ils sont responsables et savent innover. Ils préconisent une bonne intendance de la terre et ils respectent le processus. Ils font tout ce qui est possible, je pense, pour que l'épandage d'engrais se fasse en toute sécurité. Pourtant, dans certaines conditions météorologiques, il y a du ruissellement. Nous sommes une petite collectivité, et nous sommes à proximité de lacs et de rivières. Par conséquent, il y a assez régulièrement des destructions de poissons. Y a-t-il des recherches scientifiques qui se font sur les meilleurs moyens de régler ce problème? Est-il possible de le régler? Les agriculteurs labourent leurs champs correctement et prennent toutes les précautions, mais si les engrais et les pesticides se retrouvent dans un cours d'eau, c'est un problème. Qu'en pensez- vous?

M. Prouse : Je ne suis pas de l'Île-du-Prince-Édouard, mais l'un de mes collègues chez CropLife en est originaire. Je comprends que la solution à laquelle on est arrivé soit l'aménagement de zones tampons. On s'efforce maintenant de créer de grandes zones tampons. On estime que, en aménageant des zones tampons importantes et bien conçues, il est possible de réduire le problème au minimum. Peut-on promettre de l'éliminer et qu'il n'y aura jamais d'incident? Je ne pense pas que quiconque puisse jamais faire cette promesse. D'après ce que je comprends de la situation de l'Île-du- Prince-Édouard, les gens estiment, avec le recul, avoir besoin de zones tampons plus importantes entre les champs et les cours d'eau.

Le sénateur Hubley : Nous avions déjà des zones tampons. En aménager de plus grandes est peut-être la solution. Chose certaine, il y existe des zones tampons le long de tous les cours d'eau. Je suis heureux d'apprendre que, peut-être, il y aura des travaux scientifiques de ce côté-là.

M. Prouse : Le travail sur les pesticides mêmes se poursuit. Les produits d'aujourd'hui sont différents de ceux d'autrefois. Par exemple, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada n'approuvera généralement rien qui ait des effets résiduels. Tout ce qu'elle approuve doit se dissiper ou se décomposer en 72 heures. Le taux de pénétration ne doit pas dépasser environ 18 pouces. Les produits qui ont un effet résiduel et filtrent dans le sol n'obtiennent pas l'approbation.

Notre organisation sœur, CleanFARMS, est active dans tout le Canada. Elle recueille tous les produits périmés. Les agriculteurs peuvent donc se départir de ces produits d'une façon respectueuse de l'environnement.

Tout est-il parfait? Non. Les choses vont-elles mieux qu'il y a 20 ans? Oui, et je crois que la technologie y est pour quelque chose.

Le sénateur Hubley : Mon autre question concerne le compostage que tout le monde fait de nos jours, non seulement dans les foyers, mais aussi au niveau industriel. S'il y a des choses qu'on peut récupérer et décomposer, on le fait. Quels sont les éléments scientifiques ou technologiques qui peuvent ressortir de cette pratique du compostage?

M. Stephens : Le compost qui est correctement décomposé, le compost mature, comme on dit, peut servir d'engrais à certains endroits. Il existe une technologie qui permet de s'assurer que le compost est bien décomposé et mélangé. Encore une fois, si on veut l'utiliser comme engrais, la façon d'obtenir la meilleure efficacité sur le plan des nutriments et d'appliquer le système Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit pour préserver la qualité des terres agricoles et de l'environnement local et obtenir du compost des éléments nutritifs.

Le sénateur Hubley : Autre question sur les Maritimes. Dans ma région, je crois que les récoltes de soya l'emportent maintenant sur les récoltes de grain et d'orge. Il y a toujours des besoins, et tous les agriculteurs veulent obtenir les connaissances qui viennent de la science et de l'innovation. Ils veulent connaître les plantes nouvelles. Cette année, on cultive aussi le canola à l'Île-du-Prince-Édouard.

Comment rejoignez-vous les agriculteurs? Vous avez dit qu'il y avait des séminaires et des ateliers. Est-ce votre principal moyen de faire de la sensibilisation?

M. Prouse : J'ai une belle petite épinglette de la conférence Grow Canada, qui aura lieu la semaine prochaine à Winnipeg. Onze des principaux groupes agricoles du Canada se réuniront : le Conseil canadien du soya, l'Association des producteurs de grain et tous les autres. Tout le monde se réunit pour une conférence annuelle. C'est un moyen extraordinaire de mettre des connaissances en commun. Toutefois, on peut aussi y constater que les groupes de producteurs eux-mêmes sont extrêmement actifs dans la mise en commun d'information. La meilleure nouvelle, c'est que la technologie moderne permet maintenant aux groupes de communiquer l'information rapidement grâce à Internet.

Dans tous les secteurs d'activité, on ne trouvera nulle part des groupes qui communiquent l'information autant que le font les groupes agricoles.

M. Stephens : Je suis d'accord avec M. Prouse. L'ICE s'associe à de nombreux organismes, car elle peut ainsi faire la promotion des recherches nouvelles et de l'innovation et sensibiliser les agriculteurs, que ce soit au moyen d'Internet, de nos conseillers accrédités en culture, des gouvernements ou d'autres industries. Il s'agit de faire passer auprès des agriculteurs le message sur le système Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit ou sur d'autres pratiques environnementales.

[Français]

Le sénateur Rivard : Dans le domaine des pesticides et des engrais, avez-vous une idée du pourcentage que representent les programmes fédéraux et, dans certains cas, provinciaux, sur le montant total investi en recherche et innovation? Je ne vous demande pas un chiffre précis, mais approximativement, est-ce que cela représente le tiers, le quart ou 75 p. 100?

[Traduction]

M. Prouse : Voulez-vous parler des gouvernements provinciaux et de leurs investissements dans l'innovation?

[Français]

Le sénateur Rivard : Non. Peut-être qu'on pourrait additionner les deux, mais du moins en ce qui nous concerne, les programmes fédéraux d'aide à la recherche pour l'innovation dans votre domaine. Vous connaissez probablement le montant investi par le gouvernement fédéral dans votre domaine. Les sommes d'argent investi par le gouvernement fédéral pour vos travaux de rénovation représentent quel pourcentage de vos investissements?

[Traduction]

M. Prouse : Il est probable que la meilleure façon de répondre est de parler de l'approbation des semences par le gouvernement fédéral. Chaque année, l'Agence canadienne d'inspection des aliments approuve les nouvelles semences et les nouveaux traits. Je crois qu'environ 80 p. 100 viennent du secteur privé.

Pour ce qui est de l'innovation dans les semences, le gros de l'innovation se fait dans le secteur privé, qui atteint maintenant les 80 p. 100. C'est toute une évolution. Il y a une génération, les gouvernements se chargeaient de la plupart de ces recherches.

Il y a une grande collaboration entre l'industrie et les universités. C'est probablement là un point de recoupement; les grandes universités spécialisées en agriculture, comme celle de Guelph, sont de grands centres agricoles. Dans la mesure où il y a un gros investissement de l'État dans l'innovation agricole, cet investissement se fait en grande partie dans les universités.

[Français]

Le sénateur Rivard : Certains témoins que nous avons entendus nous ont dit que leur défi était de produire plus de nourriture et moins de déchets. Comment les projets en recherche et développement permettent-ils d'atteindre cet objectif dans votre domaine? Avez-vous des cas ou des gestes à nous citer qui ont été faits pour atteindre l'objectif de produire plus de nourriture et moins de déchets?

[Traduction]

M. Prouse : Le meilleur exemple est probablement celui du canola, dont il a été question tout à l'heure. Le rendement du canola a augmenté de 20 p. 100 depuis une dizaine d'années à peine. C'est renversant. Et cette augmentation est attribuable en grande partie à la biotechnologie végétale, aux nouveaux traits donnés à la plante, à une productivité supérieure.

Le même genre d'innovation est venu un peu plus tôt pour le maïs. Le rendement du maïs est six fois plus élevé qu'il y a 50 ans. C'est extraordinaire. Au Canada, les consommateurs tiennent cela pour acquis lorsqu'ils vont faire leurs emplettes, mais la progression du rendement a été extraordinaire.

Nous croyons qu'il faut plus d'innovation. Je crois que la prochaine culture qui bénéficiera de l'innovation, puisqu'on commence à en parler, est celle du blé. Où se situe la tendance? J'ai entendu des gens, dans notre secteur d'activité, dire que le blé a été plus ou moins une plante orpheline, du point de vue technologique, mais comme il faudra nourrir 9 milliards d'êtres humains d'ici 2050, il faut plus d'innovation. Les sciences végétales peuvent jouer un grand rôle, et je crois que les réalisations passées montrent que c'est possible.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'aimerais, si vous me le permettez, revenir sur la question soulevée par notre collègue des maritimes au sujet du compostage. Le sénateur nous a expliqué que plusieurs personnes de sa province avaient adopté ce mode de récupération.

Monsieur le président, pour notre compréhension, pour notre rapport final, j'aimerais connaître les statistiques par province du pourcentage des ménages qui s'adonnent au compostage. On vise 95 p. 100 de compostage. Je crois avoir vu qu'au Québec le taux était d'à peine 5 p. 100. Il serait intéressant de connaître ces chiffres. Je ne crois pas que nos témoins de ce matin puissent répondre à cette question. Il faudrait faire une recherche. Je serais curieux de savoir où nous en sommes au niveau résidentiel et, pour le niveau commercial/industriel, ce sera pour une autre question.

[Traduction]

Le président : Pourriez-vous répondre à la question ou alors nous communiquer une réponse par écrit?

M. Stephens : De but en blanc, je ne pourrais pas vous dire quelle quantité de matières est compostée des côtés résidentiel et industriel pour récupérer les éléments nutritifs et les utiliser, mais je peux vérifier et vous communiquer les chiffres.

Le sénateur Eaton : Nous préconisions dans notre rapport notamment l'ouverture de nouveaux marchés à l'étranger, l'augmentation de nos exportations et la diversification de nos paniers d'alimentation. Avez-vous perçu des barrières tarifaires invisibles dans des pays européens ou autres à cause de la façon dont nous utilisons les pesticides, les insecticides et les engrais?

M. Prouse : Je peux vous parler de la question de la biotechnologie utilisée comme barrière commerciale non tarifaire. Quand on me demande ce que j'entends par « réglementation fondée sur des bases scientifiques », je signale que la réglementation européenne sur les organismes génétiquement modifiés ne repose sur aucune base scientifique, si bien qu'elle devient une barrière non tarifaire.

Il est certain que notre industrie et nos membres sont de fervents partisans du libre-échange. Nous n'avons pas de positions défensives, pour reprendre leur expression.

Le sénateur Eaton : Ces pays ont-ils des positions offensives à notre égard? Voilà ce que je demande.

M. Prouse : Aucun doute. Il y a quelques semaines, Agriculture et Agroalimentaire Canada a proposé un séminaire d'une journée sur l'accès au marché pour divers intervenants comme nous. On y a passé en revue chacun des marchés internationaux pour faire le portrait de la situation.

Le sénateur Eaton : Et qu'en est-il?

M. Prouse : En bref, l'Europe est un marché difficile. Son attitude et sa réglementation à l'égard de la biotechnologie témoignent d'une fermeture extrême. En ce moment, les négociations de l'ACDI se poursuivent. L'un des gros efforts du gouvernement du Canada vise à obtenir un meilleur accès au marché pour les produits de la biotechnologie. La tâche a été très difficile. De l'autre côté de l'autre océan, dans les pays de l'Asie-Pacifique, on constate que le Japon a une attitude de fermeture à l'égard des organismes génétiquement modifiés. Voilà qui est paradoxal, car le Japon sera toujours un importateur de denrées alimentaires et a un besoin extrême d'importer des aliments pour nourrir sa population. Les règles qui régissent le commerce sont quelque peu opaques, pour reprendre les termes des fonctionnaires d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Oui, c'est un combat de tous les instants. Je dirais que le nombre de pays qui sont dotés d'une réglementation fondée sur des bases scientifiques et de pratiques commerciales fondées sur des règles est minime auprès de tous les pays qui ne le sont pas.

Le sénateur Eaton : Autrement dit, nous pouvons dire que les États-Unis et le Canada le sont. Quels sont les autres pays qui sont de notre côté?

M. Prouse : Ceux qui sont de grands exportateurs de produits agricoles, comme l'Australie, le Brésil et l'Argentine. Dans ces deux derniers pays, la biotechnologie progresse de façon fulgurante. En une dizaine d'années à peu près, le Brésil a été marqué par une révolution de l'agriculture, en grande partie grâce à la biotechnologie. Ces pays exportateurs tiennent fortement à ce que les échanges commerciaux soient encadrés par des règles.

Le sénateur Eaton : Fondés sur des bases scientifiques?

M. Prouse : Effectivement. L'an dernier, le Canada, les États-Unis, l'Argentine et le Brésil se sont adressés ensemble à l'Union européenne pour lui demander de modifier ses règles régissant l'approbation des produits.

Le sénateur Eaton : Est-ce que l'encouragement du système des quatre principes pour l'utilisation des nutriments, et il ne s'agit pas ici de semences génétiquement modifiées, serait un autre obstacle dans la négociation du Partenariat transpacifique, le PTP?

M. Prouse : Je serais porté à penser que l'attitude à l'égard de la biotechnologie végétale fera problème dans la négociation du PTP, cela ne fait pas de doute. Si on considère les pays en cause, je dirais que l'attitude envers les importations des produits issue de la biotechnologie végétale fluctue entre difficile et complètement bloquée.

Le sénateur Eaton : L'Inde et la Chine participent au PTP?

M. Prouse : La Chine oui, je crois.

Le sénateur Eaton : Est-ce que la Chine veut croire à la biotechnologie et au système des quatre principes?

M. Prouse : Pour ce qui est des importations, non. Quant aux technologies et à ce que les Chinois eux-mêmes en font, il faut faire une distinction. Lorsqu'il s'agit des exportations, tout le monde est partisan du libre-échange.

Le sénateur Eaton : Ce sera un élément important de notre rapport. Aussi voulons-nous obtenir de vous le plus possible de renseignements.

Quelle est la relation entre votre industrie, un terme que je ne devrais peut-être pas employer, mais je vais le faire quand même, et la culture biologique? J'ai l'impression qu'une forte tendance se dessine. Dans les marchés locaux, on voit des denrées produites au niveau local, et des aliments biologiques. Ce n'est pas toujours la même chose, bien entendu. Est-ce une question d'information? Est-ce un obstacle à surmonter, pour vous? Il y aura toujours un faible pourcentage de la population qui croira que les pesticides et les engrais sont l'œuvre du diable et que la seule pratique acceptable est l'utilisation du compost? Comment abordez-vous ce mouvement?

M. Prouse : Contrairement à un mythe répandu, nous n'avons aucune difficulté avec les produits biologiques ni avec le secteur de la production biologique. Il y a là un choix que les consommateurs peuvent faire. Nous croyons, d'après leur comportement au marché d'alimentation, que la majorité des gens veulent simplement des produits sûrs, abordables et nutritifs pour leur famille.

Le sénateur Eaton : Et qui ont du goût.

M. Prouse : Oui, c'est ce qu'ils souhaitent. Nous n'avons pas d'objections. Il y a certainement un segment de marché pour les produits biologiques. Nous ne sommes pas contre le biologique. Il existe un mouvement biologique vigoureux et prospère, mais il ne faut pas que cela diminue la capacité des agriculteurs de maximiser leur rendement, ni la latitude laissée aux consommateurs pour faire des choix. Le choix du biologique est là. Nous n'avons rien contre.

Il arrive que des producteurs biologiques aient du mal à nous accepter, mais l'inverse n'est pas vrai.

Le sénateur Eaton : Monsieur Stephens, j'ai une question complémentaire à poser au sujet du système Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit. Un témoin que nous avons entendu par le passé nous a dit que, apparemment, au Québec, et j'ai eu l'occasion de le constater, car mon frère est agriculteur amateur au Québec, il y a des agronomes au niveau local. On forme des groupes d'agriculteurs, dont l'un est agronome, qui parcourent la collectivité pour offrir leur aide. Connaissez-vous ce système?

M. Stephens : Non, ce système-là ne m'est pas familier.

Le sénateur Eaton : Avez-vous un système de formation qui vous permet d'aller montrer aux agriculteurs comment se servir des engrais et des pesticides d'une façon plus systémique?

M. Stephens : Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes en train de préparer un cours de formation en partenariat avec des conseillers en cultures agréés qui sera diffusé sur Internet. Nous pouvons discuter avec ces agronomes du Québec, nous associer avec eux et avec le gouvernement provincial, ce qui serait une autre possibilité, et, bien sûr, adopter le système Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit avec Agriculture Canada. Ainsi, nous pourrons avoir de la documentation de vulgarisation pour les producteurs et discuter avec les conseillers en cultures Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit.

Le sénateur Eaton : Mon frère a été très impressionné par l'agronome qui est venu chez lui et qui fait partie d'un collectif. Il y en a un dans chaque collectif. C'est une formule que vous voudrez peut-être examiner.

Le sénateur Plett : J'ai une question complémentaire à poser qui fait suite à la question du sénateur Eaton sur les produits biologiques. Je sais fort peu de choses des aliments biologiques, mais je suis allé au marché Métro, l'autre jour. J'aime bien ajouter des framboises à mes flocons de maïs, le matin. Je les achète dans ce marché pour 1,75 $ la barquette. Je vais vous raconter une histoire. J'ai pris deux barquettes parce qu'il n'y en avait pas plus. En me dirigeant vers la sortie, j'en ai vu d'autres, et j'en ai donc pris encore trois ou quatre barquettes. À la caisse, on m'a compté 1,75 $ pour les deux premières barquettes, mais 4,99 $ pour les trois autres. J'ai demandé pourquoi elles coûtaient ce prix-là. Il s'agissait de framboises biologiques. J'ai répondu que je prendrais seulement celles qui coûtaient 1,75 $. Comment se fait-il que, à quantités égales, les aliments biologiques coûtent plus de deux fois plus cher? Est-ce que ça coûte plus cher à ce point de produire des aliments organiques?

M. Prouse : Ce serait une excellente question à poser au conseil des producteurs biologiques, si vous le convoquez. Nous considérons seulement l'aspect nutritif. La question que nous posons toujours aux gens lorsqu'ils parlent de la réglementation est la suivante : « Sur le plan nutritif, quelle est la différence entre les produits biologiques, le maïs, par exemple, et les autres? Quelle est la différence entre le produit génétiquement modifié et les autres? » J'aime bien citer un rapport de l'Union européenne. C'est paradoxal, étant donné l'attitude de l'UE à l'égard des modifications génétiques, mais, après 25 ans de recherche et des études qui ont coûté 475 millions de dollars, elle est arrivée à la conclusion qu'une plante génétiquement modifiée n'est pas différente d'une plante modifiée par d'autres moyens. C'est exactement ce que dit le rapport. Et en dépit de ce rapport, l'UE continuera d'interdire ces produits. Si vous arrivez à trouver là un semblant de logique, dites-le-moi, s'il vous plaît.

La majorité des consommateurs veulent simplement des aliments sûrs, nutritifs et abordables pour leur famille, point. Quant aux modalités d'étiquetage et de commercialisation, c'est un choix que les consommateurs peuvent faire, c'est une affaire entendue.

Le sénateur Plett : Au moins, selon vous, la valeur nutritive du produit biologique ne représente pas 2 $ ou 2,99 $ de plus que le prix de l'autre produit?

M. Prouse : Disons simplement que, au marché d'alimentation, j'aurais fait à peu près la même chose que vous.

Le sénateur Robichaud : Cela vous met plus de couleur aux joues, sénateur Plett.

Le sénateur Fairbairn : Il a été intéressant et passionnant de vous entendre dire que le Canada évolue de ce côté. En parcourant la documentation que nous avons ici, j'ai remarqué, à propos du protocole de réduction des émissions d'oxyde d'azote, que son utilisation a été approuvée en Alberta pour certains endroits et certaines industries. Pourriez- vous nous expliquer cela? Comment en est-on arrivé là? Je présume qu'on appliquera le protocole aussi à l'extérieur du Canada.

M. Stephens : Bonne question. Vous avez raison, le protocole de réduction des émissions d'oxyde d'azote a été approuvé pour les agriculteurs dans le cadre du marché des crédits de carbone en Alberta. S'ils adoptaient le protocole, les agriculteurs s'adresseraient au système des échanges de crédit de la province pour qu'on vérifie qu'ils l'appliquent bien, de même que le système Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit, et qu'ils peuvent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d'un certain pourcentage, que ce soit les niveaux débutant, intermédiaire ou avancé des pratiques de gestion exemplaires, et ils obtiendraient des crédits d'émissions de carbone.

L'Alberta est la première province à approuver ce système. L'ICE estime que le protocole peut être employé dans le monde entier et à plus forte raison dans tout le Canada. Il faudrait peut-être le modifier un peu ici ou là pour tenir compte de conditions différentes, mais nous sommes assurément convaincus que, une fois développé avec rigueur comme il l'a été par le passé, avec le concours d'un grand nombre de consultants et de scientifiques, il peut indéniablement être largement adopté dans le monde.

Le sénateur Fairbairn : Vous appliquez ce protocole au Canada, mais à l'étranger, quelles sont les régions susceptibles de s'y intéresser?

M. Stephens : En ce moment, aux États-Unis, le Corn Belt est une région où le protocole pourrait être utilisé. Le maïs y est une culture majeure, mais c'est également une grande culture au Canada. Le protocole est conçu pour une région particulière, mais il est certainement possible de l'adopter pour beaucoup de pratiques agricoles.

Le sénateur Ogilvie : Avec votre permission, monsieur le président, je voudrais livrer une ou deux réflexions sur les questions que mes collègues ont posées et enchaîner avec une intervention sur les aliments issus d'OGM.

Par exemple, au sujet de ce que le sénateur Eaton a dit des agronomes d'un programme provincial et fédéral qui amène des agronomes à travailler avec des collectivités agricoles pour les conseiller sur toute une série de questions. Vous avez un institut des engrais. Une grande partie de l'information que vous créez est relayée par les divers programmes que les ministères fédéral et provinciaux de l'Agriculture proposent aux différentes régions. Ce n'est pas exclusif au Québec. C'est très répandu. Chose certaine, cette formule m'est très familière dans la vallée de l'Annapolis.

Le sénateur Plett a parlé de la possibilité qu'il y ait des problèmes de ruissellement, et je crois que vous avez bien répondu, monsieur Prouse. C'est un peu comme dans tous les domaines de la chimie. Tout est question de dose et de modalités d'application. La réalité, c'est que, jusqu'à il y a peu, nous n'avons pas eu beaucoup d'interventions délibérées contre le ruissellement à partir des champs, et le plus grand problème pendant longtemps a été le fumier. Nous savons qu'il y a eu des problèmes importants de bactérie E. coli et d'autres agents qui s'introduisent dans les cours d'eau, puisque le système hydrologique n'est pas une affaire simple. Vous avez très bien répondu en parlant de la complexité du réseau des terres agricoles, de la distribution de la nappe phréatique et ainsi de suite. Évidemment, avec les engrais chimiques, il fut un temps où ils s'écoulaient naturellement vers le cours d'eau voisin, qui recueillait beaucoup de nitrates et d'autres substances.

Aujourd'hui, avec tout le savoir qui existe, comme vous l'avez signalé, dans les universités qui se consacrent à l'agriculture, il n'y a aucune raison que cela continue, mais il va sans dire que l'information n'a pas rejoint tout le monde, Il reste que, dans la réalité des faits, nous savons qu'elle ne rejoindra jamais tout le monde. Il est clair qu'il y a des moyens d'atténuer le problème et de le prévenir. Il m'a semblé que vous donniez une excellente réponse.

J'en arrive aux aliments génétiquement modifiés. Là encore, parce que notre société ne comprend pas bien les enjeux, il est possible à ceux qui ont un point de vue particulier et sont prompts à l'exprimer, de faire naître la peur, ce qui s'est effectivement passé dans ce cas-ci. J'ai toujours été étonné du fait qu'une société qui accepte ce qu'elle considère comme une production naturelle de denrées alimentaires, qui est fondée sur l'amélioration des plantes, transférant des milliers de gènes, souvent délibérément, juge sans danger qu'on fasse ainsi passer des milliers de gènes d'une plante à l'autre.

Une modification génétique prend un gène pour une fin précise et le transfère dans des conditions soigneusement choisies pour apporter un certain avantage : résistance à la sécheresse, résistance aux pesticides, rendement supérieur, meilleure utilisation des éléments nutritifs et autres avantages du même ordre. À mon sens, c'est l'un des problèmes qu'il faudra surmonter pour pouvoir nourrir la population mondiale au moyen de ce qui est en fait une technologie plus sûre que bien des méthodes qui ont été employées pour produire des modifications végétales et de meilleures plantes avec le temps. Et cela vaut non seulement pour l'amélioration des plantes, mais aussi pour l'amélioration des animaux. Considérons des plantes comme le chou, le chou-fleur et le brocoli. Il y en a une demi-douzaine de variétés qui ont toutes un aspect très différent alors que, au départ, toutes sont venues de la même plante. Cela n'est pas arrivé avec un peu de soleil sur la plante, mais à cause de l'introduction parfois accidentelle dans un organisme de gènes importants provenant d'un autre organisme vivant, ce qui a donné une plante radicalement différente.

La difficulté que nous éprouvons à cet égard, c'est de surmonter, dirons-nous, l'approche hollywoodienne de la diffusion de l'information par opposition à sa diffusion logique et de voir quel mode a le plus d'impact sur le public.

J'espère vraiment que vos industries continueront de définir le rôle qu'elles jouent dans tout cela, que les scientifiques eux-mêmes arriveront à mieux expliquer, pour vous et pour eux-mêmes, ce qu'ils font vraiment. Probablement, comme en attestent des chiffres présentés ici et vos explications, l'augmentation de la productivité en aliments sains grâce à la science, depuis 20 ans, a été remarquable, et nous devrons continuer de faire appel à la science pour parvenir à nourrir la population mondiale.

J'ignore si vous avez autre chose à ajouter, mais ce sont des questions auxquelles je me suis beaucoup intéressé, et je suis très heureux de la façon dont vous avez tous les deux présenté votre information ce matin sur ces domaines importants.

M. Prouse : Une seule chose à ajouter. Vous avez fait ressortir un très bon point en disant que la biotechnologie ne se résume pas aux modifications génétiques. Elle a permis aux producteurs de faire des croisements de façon beaucoup plus efficace sans nécessairement recourir aux modifications génétiques parce qu'ils peuvent comprendre beaucoup mieux la cartographie génétique. C'est une lutte constante.

J'ai joué un petit jeu lorsque le Réseau canadien d'action sur les biotechnologies a témoigné devant un comité de la Chambre des communes. Je l'ai appelé : comptez les qualificatifs : pourrait, peut-être, pourrait mener à, a été lié à, mais sans jamais aucune preuve. Nous parlons sans cesse de réglementation fondée sur la science; nous estimons que c'est la meilleure protection que les Canadiens puissent avoir.

Chez nous, nous oublions à quel point le régime réglementaire canadien est respecté dans le monde entier. Grâce à cela, nous avons au niveau international une influence sans commune mesure avec la taille de notre pays. C'est pourquoi nous y revenons sans cesse.

Je ne veux pas que les Canadiens, ni leur gouvernement, tiennent cela pour acquis, car, comme vous y avez fait allusion, la réglementation fondée sur la science est menacée quotidiennement. Il faut assurer une défense rigoureuse sur tous les plans. Selon nous, le gouvernement fédéral a fort bien défendu ce type de réglementation au niveau international. Nous devrons probablement assurer une défense plus solide et mieux communiquer aux niveaux provincial et local.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Lorsque je parlais, tantôt, de voisins qui utilisaient trop de pesticide ou d'herbicide, je ne voudrais pas que mes voisins croient que je les pointe du doigt, car ce n'est pas le cas de voir tous les pissenlits qui poussent chez nous.

Dernièrement, dans notre région, nous sommes, depuis trois, quatre ans, envahis par les perce-oreilles. On ne peut pas les contrôler et on les trouve partout. Ces insectes sont vraiment dégoûtants.

Dans une de vos conclusions, monsieur Stephens, vous parlez d'augmenter les fonds et l'appui pour la recherche dans la science des sols.

[Traduction]

Est-ce là-dessus que nous devrions insister le plus maintenant, sur la recherche dans le secteur agricole? Y a-t-il un grand besoin de ce côté?

M. Stephens : Il y a beaucoup de domaines différents de recherche en agriculture. La science des sols est très importante. C'est le fondement de l'agriculture durable. Je suis moi-même un scientifique des sols de formation. De toute évidence, si on comprend ce qui se passe dans le sol et les divers aspects de la nutrition des plants pour améliorer l'efficacité des éléments nutritifs, lorsqu'on applique des engrais, cela aide à réduire au minimum la perte de ces éléments dans l'atmosphère ou leur ruissellement vers les cours d'eau.

Il est sûr qu'il faudrait faire plus de recherches dans ce domaine et élaborer des règlements fondés sur la science pour aller de pair. Cela aidera indéniablement à réduire l'impact de l'agriculture sur l'environnement.

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé d'une augmentation des fonds. Qu'entendez-vous par là? De combien devrions-nous augmenter le financement pour que vous puissiez faire un travail correct? Vous pouvez toujours demander la lune, mais vous ne l'obtiendrez pas.

M. Stephens : Oui, je comprends que le gouvernement a des contraintes d'ordre financier. L'ICE a du financement sur le terrain dans trois provinces. Pourquoi? Pour obtenir des données de recherche au niveau local dont nous pourrons utiliser une partie pour informer les agriculteurs. Bien entendu, pour qu'un agriculteur albertain adopte de meilleures pratiques de gestion, s'il est possible de s'appuyer sur les données locales des recherches sur le système Bon produit@bonne dose, bon moment, bon endroit dans sa région, cela facilite davantage la formation que si nous utilisons les données de l'Ontario, où l'écosystème agricole, le climat et les zones de culture diffèrent.

Ces projets de recherche ne sont pas bon marché. Pour avoir un champ de plusieurs acres avec différentes cultures et y utiliser différents produits, il faut facilement compter plusieurs milliers de dollars — des dizaines de milliers de dollars de main-d'œuvre, et tout le reste. Plus il y aura d'argent, mieux ce sera, mais nous comprenons que le gouvernement n'a pas des ressources illimitées.

Le sénateur Robichaud : Vous arrive-t-il que la province vous dise qu'elle injectera des fonds si le gouvernement fédéral le fait, ou alors l'inverse et que vous finissiez par n'avoir rien du tout?

M. Stephens : Oui, nous essayons de promouvoir la collaboration entre la province et le pouvoir fédéral. Pourquoi réinventer la roue si nous n'avons pas besoin de le faire? Plus nous avons de partenariats, avec l'industrie et le gouvernement, mieux c'est. Toutefois, à ma connaissance, le genre de chose dont vous parlez n'a pas été un problème.

Le sénateur Robichaud : Combien d'argent pouvez-vous aller chercher grâce aux fonds que vous recevez des agriculteurs qui utilisent la technologie ou les nouveaux acquis scientifiques?

M. Stephens : Un bon montant, je crois, en obtenant des partenariats avec l'industrie et des groupes du secteur agricole comme CropLife et d'autres groupes agricoles encore. Chose certaine, ils sont prêts à se joindre à nous pour certains projets. Je le répète, plus il y a d'argent et de partenaires, mieux c'est.

Le sénateur Hubley : Monsieur Stephens, vous connaissez probablement un ancien rapport que ce comité sénatorial ci a publié il y a des années, sous la conduite de l'ancien sénateur Sparrow, qui a choisi le titre Nos sols dégradés. À l'époque, il était très clairvoyant, et il a su voir que, à moins que nous ne changions nos pratiques agricoles, le sol ne produirait pas ce que nous en attendons. Si je parle de la question, c'est que vous œuvriez aussi dans ce domaine.

Monsieur Prouse, vous pourrez peut-être répondre à ma question, puisque vous avez abordé le sujet dans votre exposé. Vous avez parlé d'une tendance inquiétante, aux niveaux des administrations provinciales et locales à saper la crédibilité du gouvernement fédéral. Pourriez-vous expliquer davantage? De quelle façon cela se manifeste-t-il?

M. Prouse : Cela concerne la réglementation fondée sur la science, sénateur. Comme je l'ai dit, il existe un organisme fédéral, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, de Santé Canada, qui réglemente les pesticides. Malgré la réglementation de cette agence, des administrations provinciales et locales interviennent en prenant des règlements concurrents pour interdire des produits qui ont été approuvés par Santé Canada. Pour nous, c'est très inquiétant.

Voici un exemple. Je ne veux pas m'en prendre uniquement au Québec, car un certain nombre de provinces ont fait la même chose. En mai, une affaire a été réglée dans le cadre de l'ALENA, une affaire soulevée par Dow AgroScience, une entreprise membre de notre groupe, à propos du 2,4-D.

Pour en venir au fait, le Québec a dû signer un accord disant que le 2,4-D, lorsqu'il est utilisé selon le mode d'emploi, est sans danger pour les humains, les animaux et l'environnement et, en somme, que l'approbation reçue de Santé Canada est fondée. En dépit du fait qu'il ait signé cet accord en mai, le Québec interdit toujours ce produit. Pourquoi? Pressés de questions, les responsables ont fini par dire que le produit était inutile.

Si on applique cette norme, les trois quarts des produits en pharmacie ne seraient pas sur les tablettes. Ils sont tout aussi peu nécessaires. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres où il nous semble que la politique fait fi de la science.

Comme je l'ai expliqué au sénateur Ogilvie tout à l'heure, il est extrêmement troublant de constater que maintenant, les conseils municipaux commencent à vouloir se mêler de la question des OGM. C'est une question de sécurité alimentaire. Il s'agit de la productivité de l'agriculture canadienne, et des conseils municipaux en discutent maintenant. Voilà une tendance qui m'inquiète, et cela montre la nécessité que le gouvernement fédéral s'affirme plus fermement à propos de la réglementation fondée sur les sciences.

Le sénateur Hubley : Une question rapide. Vous avez proposé que le Canada se fasse le champion d'un système international d'approbation plus intégré et harmonisé pour nos technologies. Que proposez-vous qu'on fasse maintenant pour y arriver?

M. Prouse : Un exemple qui est d'actualité est le Conseil de coopération en matière de réglementation entre le Canada et les États-Unis. Le conseil discute avec le gouvernement américain en vue d'éliminer les distinctions qui ne font aucune différence, lorsque les règlements américain et canadien divergent. Lorsque les règlements sont différents, il est difficile pour les agriculteurs d'obtenir rapidement les nouvelles technologies.

Lorsque nous traitons avec un autre pays dont la réglementation repose sur des données scientifiques, il y a probablement beaucoup de place pour l'harmonisation des règlements et aussi pour l'acceptation des données et des essais de l'autre pays, comme l'autre pays peut, nous l'espérons, accepter les nôtres, au lieu de constamment réinventer la roue, dans les régimes réglementaires à base scientifique.

Le sénateur Robichaud : Vous nous dites que lorsque le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités vont les uns contre les autres, le gouvernement fédéral doit jouer un rôle plus fort, mais je ne suis pas d'accord avec vous. J'estime que chacun des ordres de gouvernement doit conserver son pouvoir d'agir dans le sens de ce qui lui semble préférable pour la municipalité ou la province. Vous dites que tout repose sur des bases scientifiques, mais il y a quelques années, je me souviens, des scientifiques d'Agriculture Canada ont éprouvé des difficultés parce qu'ils n'étaient pas d'accord sur certaines constatations. Toute l'information n'avait pas été communiquée. J'estime que les provinces et les municipalités doivent conserver leurs pouvoirs de sorte que, lorsque des problèmes semblables surgissent, nous ayons au moins un effet tampon pour freiner les choses pendant un temps. Je ne crois pas que ce soient les gouvernements qui sont en cause, mais leurs organismes. Pas les gouvernements en soi.

Le sénateur Eaton : Nous sommes appelés à faire des observations aujourd'hui, n'est-ce pas? J'estime que, dans la communauté internationale, nous sommes victimes de beaucoup trop de discrimination à cause de nos aliments génétiquement modifiés et de nos recherches agricoles. Je ne suis donc pas forcément d'accord avec vous sur ce point.

Vous avez dit dans votre exposé, monsieur Prouse, que les défis à relever, pour l'agriculture moderne, sont la production de plantes résistantes à la sécheresse et tolérantes au sel, une meilleure lutte contre les maladies, une meilleure utilisation de l'azote et la création de denrées qui ont une meilleure teneur en éléments nutritifs. Notre pays en fait-il assez pour ce qui est des recherches dans les universités et les services fédéraux, afin de régler ces problèmes? Ne soyez pas trop diplomate. Nous avons besoin de cette information pour rédiger notre rapport.

M. Prouse : C'est un peu comme si vous demandiez à quelqu'un qui est dans le domaine de l'éducation si nous consacrons assez d'argent à l'éducation. La réponse sera toujours négative. Pourrions-nous faire davantage? Oui. Nous voulons que le Canada en fasse plus et qu'il devienne un centre d'excellence en innovation.

Le sénateur Eaton : Dépensons-nous autant, par habitant, dans ce domaine que nos concurrents, des pays comme le Brésil, la Chine et les États-Unis?

M. Prouse : Il est difficile d'avoir une idée de l'argent que les Chinois consacrent à la recherche. Beaucoup, sans doute. À preuve, les terres que la Chine achète à l'extérieur de chez elle, plus récemment en Afrique, afin de travailler en agriculture.

Vous avez fait ressortir un bon point, car le Canada a perdu un peu de terrain, lui qui était au quatrième rang des exportateurs agricoles il y a une dizaine d'années. Il se situe maintenant au neuvième. Pas nécessairement à cause d'une diminution de la productivité, mais à cause des concurrents étrangers qui ont pris leur essor, comme l'Argentine et le Brésil, dont vous avez parlé. Nous estimons que le Canada a la capacité de devenir un exportateur de la même carrure. Considérez nos terres arables et la technologie que nous avons. Nous avons les moyens d'y arriver.

Le sénateur Eaton : Devrions-nous changer ce que nous exportons ou ce que nous développons?

M. Prouse : En dernière analyse, ce sont les marchés qui décident. Au bout du compte, ce genre de décision ne se prend pas autour d'une table. C'est la demande sur le marché international qui est déterminante. Nous estimons certainement que le Canada a un rôle à jouer, un rôle beaucoup plus important, à titre de puissance dans le secteur des exportations agricoles.

Le sénateur Eaton : L'abolition du monopole de la Commission canadienne du blé se traduirait-elle par une intensification de la recherche sur des variétés de blé nouvelles et de meilleure qualité?

M. Prouse : La question fait l'objet de discussions. Il est un peu tôt pour se prononcer, mais c'est une chose qui se discute depuis un moment. Comme j'y ai fait allusion tout à l'heure, il y a des gens dans l'industrie pour qui le blé a été plus ou moins un orphelin de la technologie, si on le compare au soya, au maïs, à l'orge et au canola. Certains de nos membres envisagent avec beaucoup d'enthousiasme les changements qui s'en viennent.

Quel serait l'obstacle? Vous y avez fait allusion plus tôt — les attitudes à l'égard des importations d'autres pays. Je ne crois pas qu'il soit exagéré de dire que certaines de ces attitudes sont plus ou moins une barrière non tarifaire au commerce.

Le président : À propos de la dernière question du sénateur Eaton au sujet de la Commission canadienne du blé, j'ose dire, honorables sénateurs, que nous aurons l'occasion de poser des questions.

Le sénateur Robichaud souhaite intervenir.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'aimerais faire un commentaire. Toutefois, étant donné votre commentaire et la question du sénateur Eaton — je pense que le sénateur Eaton veut me préparer à ce qui s'en vient, mais on est prêt. Votre réponse à la question du sénateur Eaton, monsieur Prouse, était assez diplomatique. Vous êtes resté à l'écart de ce problème.

[Traduction]

Vous avez dit que nous avions perdu du terrain comme pays exportateur de produits agricoles, mais qu'en est-il de nos recherches? Comment réussissons-nous à exporter les résultats de recherches que d'autres pays pourraient utiliser et comment en retirons-nous une certaine valeur?

M. Prouse : Je ne peux parler que des recherches du secteur privé. Nos membres injectent environ 11 p. 100 de leurs bénéfices directement dans la recherche-développement. Ces deux dernières années, trois nouvelles installations de recherche en agriculture ont ouvert leurs portes au Canada. Il y en aura certainement d'autres. Il y a un nouveau centre à Winnipeg, un à Saskatoon et un qui a été annoncé dans le Sud de l'Ontario. Ce sont des entreprises privées qui font ces investissements parce que, à dire vrai, c'est là que se trouve l'avenir.

Le sénateur Robichaud : Et l'argent.

M. Prouse : Tout à fait. Vous savez pourquoi? Parce que l'innovation apporte une certaine valeur. Les clients sont prêts à payer plus cher un produit innovateur. J'y ai fait allusion tout à l'heure. Les agriculteurs sont prêts à payer plus cher des semences qui leur donneront un meilleur rendement. C'est ce qu'on appelle l'économie du savoir. Nous signalons toujours à nos élus que, lorsqu'on parle de l'économie du savoir, eh bien, sans trop nous vanter, cette économie, c'est nous. Nous représentons une grande part de cette activité qui permet de créer de la valeur.

Il y a beaucoup d'investissements et d'innovations. Je veux simplement m'assurer que le Canada a un climat propice pour que cela continue.

Le sénateur Robichaud : Ces nouvelles technologies et ces résultats des recherches scientifiques, en exportons-nous beaucoup?

M. Prouse : Concrètement, il y a une extraordinaire croissance des exportations de canola. Il y a eu des innovations dans la culture du canola, et une augmentation à la fois de la productivité et des exportations. Cela s'enchaîne. L'innovation amène une plus grande productivité, ce qui, on peut l'espérer, stimule la recherche.

Le sénateur Robichaud : Cela, je le comprends, mais d'autres pays utilisent-ils notre technologie, nos découvertes, nos nouvelles façons de faire les choses?

M. Prouse : Sans doute, car nos membres se retrouvent dans le monde entier. Nous faisons partie de ce qu'on appelle CropLife International, qui est présente dans 91 pays. Il y a CropLife Africa, CropLife Asia et CropLife Australia. Les grandes entreprises sont mondiales. C'est devenu une entreprise mondialisée. Les frontières s'estompent rapidement.

Le président : La fin de la séance approche. Il y a aussi la question du leadership du Canada dans le monde. Et il y a le fait des transferts de technologie que nous observons dans nos ressources, ce qui est important et aide le Canada à se démarquer comme le meilleur pays au monde.

Là-dessus, honorables sénateurs, je remercie les deux témoins de nous avoir fait profiter de leurs connaissances. Le greffier vous communiquera de l'information au sujet des autres questions que nous voudrions vous poser pour que vous y répondiez par écrit. J'espère que vous continuerez de suivre les travaux du comité.

(La séance est levée.)


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