Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 7 - Témoignages du 7 décembre 2011
OTTAWA, le mercredi 7 décembre 2011
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 11 h 31, pour examiner le projet de loi C-18, Loi réorganisant la Commission canadienne du blé et apportant des modifications corrélatives et connexes à certaines lois.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Je suis le sénateur Mockler, du Nouveau-Brunswick, et je suis le président du comité. Je demanderais maintenant aux honorables sénateurs de bien vouloir se présenter.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Peterson : Je suis le sénateur Peterson, de la Saskatchewan.
Le sénateur Mahovlich : Je suis le sénateur Mahovlich, de Toronto, Ontario.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Je suis le sénateur Plett, de Landmark, au Manitoba.
Le sénateur Tkachuk : Je suis le sénateur Tkachuk, de Saskatoon.
Le sénateur Ogilvie : Je suis le sénateur Ogilvie et je suis de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Eaton : Je suis le sénateur Eaton, de l'Ontario.
Le sénateur Duffy : Je suis le sénateur Duffy, de l'Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, sénateurs. Nous poursuivons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-18, Loi réorganisant la Commission canadienne du blé et apportant des modifications corrélatives et connexes à certaines lois.
Nous aimerions souhaiter la bienvenue à M. Matthew Gehl, M. Bill Rosher, M. Eric Wilmot et M. Gilbert Ferré.
[Français]
Ce sont tous des fermiers de la Saskatchewan.
[Traduction]
Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts qui examine le projet de loi C-18.
J'aimerais maintenant vous inviter à nous présenter vos exposés. Monsieur Gehl, vous avez la parole.
Matthew Gehl, à titre personnel : J'aimerais remercier le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de l'occasion de venir présenter mes observations aujourd'hui. Il est clair qu'il s'agit là d'une question à laquelle j'attache une très grande importance. J'ai passé la plus grande partie des trois dernières semaines à Ottawa pour rencontrer un grand nombre de personnes qui sont ici autour de la table. Je peux affirmer que j'ai communiqué par téléphone avec tous vos bureaux, sans doute plus d'une ou deux fois.
Je suis heureux d'être ici et je vais commencer tout de suite car je n'ai que cinq minutes et le temps va passer très rapidement.
J'aborde la question légèrement différemment des témoins qui sont ici avec moi aujourd'hui et des autres témoins que vous avez entendus et que vous entendrez au cours de la semaine.
J'ai 27 ans. Je suis originaire d'une ferme qui est juste au nord de Regina en Saskatchewan. C'est la ferme familiale, exploitée par mon père et mon oncle qui sont des agriculteurs de troisième génération. Ils n'ont jamais exercé d'autres métiers que celui d'agriculteur. Lorsque j'étais enfant, je ne voulais pas devenir un agriculteur. Ça ne m'intéressait absolument pas et on m'encourageait à considérer d'autres possibilités. Je suis allé à l'université, j'ai obtenu mon diplôme en science politique et en histoire et je suis revenu sur la ferme pour travailler.
On avait besoin de moi. Étant donné qu'il s'agissait de la ferme familiale, je me suis dit que la famille était prioritaire. Je suis donc revenu sur la ferme où je travaille maintenant depuis deux ans. Chaque jour, j'aime de plus en plus ce que je fais. Je trouve étonnant que je me considère agriculteur aujourd'hui. Pour la première fois de ma vie, mon père m'a demandé si j'envisagerais sérieusement de reprendre l'exploitation agricole. À n'importe quel moment au cours des 26 années et demie précédentes, la réponse aurait été instantanément non. Pour la première fois j'ai dû en fait m'arrêter et dire : « Je dois envisager cette possibilité sérieusement. » J'aime bien le travail sur la ferme et cela me permet de travailler avec mon père. En venant ici et en constatant la façon dont les agriculteurs s'élèvent pour protester contre le projet de loi C-18, cela remet en doute cet avenir pour moi. J'estime que la Commission canadienne du blé donne à l'agriculteur moyen un solide avantage dans l'économie mondiale qui est contrôlée par un oligopole de sociétés commerciales extrêmement grandes et puissantes.
Je ne vois pas comment un des 70 000 agriculteurs de l'Ouest canadien pourrait avoir quelque influence que ce soit contre des sociétés comme Viterra ou Parrish et Heimbecker : ils ne sont que de tout petits agriculteurs sur le grand marché mondial. Dans le monde du commerce international du grain, Cargill a un chiffre d'affaires de plus de 100 milliards de dollars par an. Même les sociétés locales comme Richardson ne sont que de toutes petites entreprises. Comparer à ces petites entreprises, ma ferme n'est rien du tout. Nous ne sommes qu'un grain de poussière qu'ils vont balayer du revers de la main selon les caprices de leurs actionnaires. Ils sont là pour faire des profits, mais en ce faisant, ils vont nous évincer. Le projet de loi enlève aux agriculteurs la pugnacité commerciale qu'ils ont du fait qu'ils travaillent ensemble. Au cours des deux ou trois mois depuis que le projet de loi a été présenté en Chambre, je n'ai rien vu qui démontre que ce projet de loi ait fait vraiment l'objet d'une réflexion poussée. Les agriculteurs ont une propriété effective. C'est le cas de tous les agriculteurs. La Commission du blé devrait être là pour les agriculteurs futurs comme moi. Mes grands-parents et mon père ont travaillé afin de jeter les bases pour permettre que les collectivités rurales viables et solides puissent lutter contre la force écrasante des sociétés multinationales qui cherchent à faire des profits aux dépens des agriculteurs qui travaillent fort.
Je suis venu ici et j'ai rencontré quelques sénateurs. Je dois dire que mon opinion au sujet du Sénat a beaucoup changé. Vous faites un travail extraordinaire qui n'est pratiquement pas reconnu dans les médias. Le Sénat pourrait jouer un rôle vital. John A. Macdonald dans les documents sur la Confédération a déclaré que le Sénat avait le devoir de prendre les projets de loi mal conçus et adoptés à la hâte qui lui avaient été renvoyés par la Chambre basse et de leur renvoyer en disant aux députés élus de mieux faire leur travail. Les réponses qui ont été données en Chambre aux questions de l'opposition au sujet de l'analyse qui avait été faite avaient été mal analysées. Il s'agit là d'un changement de politique trop important pour compter sur les espoirs et les rêves. Par espoirs et rêves, je veux parler d'une Commission canadienne du blé volontaire et d'un système de commercialisation mixte.
Le ministre Strahl a commandé un rapport en 2006 qui révélait que la Commission canadienne du blé n'allait pas survivre dans un système de commercialisation volontaire. Je ne vois rien qui ait changé à cet égard au cours des cinq dernières années. Nous avons des tribunaux pour s'assurer que notre système de justice n'est pas déconsidéré. J'espère que le Sénat pourra s'assurer avec le projet de loi C-18 que notre démocratie sera respectée, car le gouvernement n'a pas tenu compte du paragraphe 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé. J'espère que le Sénat pourra renvoyer le projet de loi à la Chambre pour sauver notre démocratie.
Eric Wilmot, à titre personnel : C'est pour moi un honneur et un privilège de m'adresser à vous ce matin. Je suis un producteur de grains et d'oléagineux de Carnduff, en Saskatchewan, dans la partie sud-est de cette province. Mes deux fils se sont joints à moi pour exploiter cette ferme de 4 200 acres. Nous cultivons toute une gamme de céréales, notamment le blé de printemps, le blé d'hiver, le blé dur, l'orge, l'avoine ainsi que les pois, les lentilles, les haricots, le lin, le canola et le tournesol.
J'ai un diplôme en agriculture et un diplôme en droit de l'Université de la Saskatchewan. J'utilise la Commission canadienne du blé comme agent pour commercialiser mes céréales depuis 38 ans.
En plus d'avoir fait des études universitaires, j'ai suivi des cours de formation officiels pour la vente de produits qui ne sont pas commercialisés par la Commission canadienne du blé. Dans ces cours, on nous enseigne, entre autres, à utiliser la Bourse des marchandises de Winnipeg et les marchés de produits de base américains comme ceux de Minneapolis, de Kansas City et de Chicago. J'ai utilisé des positions sur marché à terme et des options à terme pour protéger les prix et gérer le risque pour certaines de mes cultures, plus particulièrement celles du canola et du lin. J'ai, par ailleurs, utilisé divers prix et contrats de livraison offerts par des entreprises céréalières comme Viterra, ADM, Richardson Pioneer, Cargill et Paterson Grain. Chaque produit a un marché différent. Il s'agit parfois de marchés canadiens, parfois de marchés nord-américains et parfois de marchés étrangers. De plus en plus, il faut avoir les compétences nécessaires pour pouvoir vendre son produit plus loin. J'ai vendu des céréales dans l'Ouest canadien et j'ai vendu légalement du blé, du canola et du lin aux États-Unis.
Il y a une grande différence entre vendre des produits et commercialiser des produits. La commercialisation inclut la vente, mais elle inclut également le développement des marchés et des clients et les arrangements pour le transport et la livraison, le soutien après vente et la marque de commerce. La Commission canadienne du blé avec son guichet unique est l'agent de commercialisation pour des clients dans plus de 70 pays partout dans le monde. Mes produits qui ne sont pas assujettis à la Commission canadienne du blé sont vendus sur le libre marché. Je communique avec les sociétés céréalières et je leur demande quel est leur prix à un moment et à un endroit particuliers. Elles me disent le prix et les modalités du contrat. Je n'ai aucun pouvoir de négociation dans le cadre d'un tel arrangement. L'un des analystes de marché à qui je fais appel dit que dans ce processus de détermination du prix les acheteurs veulent savoir quel est le minimum nécessaire qui persuadera les agriculteurs d'approvisionner le marché.
Je me sens impuissant dans un tel arrangement, lorsque je traite avec des sociétés internationales qui ne me divulguent rien ou qui n'offrent aucune transparence; je ne suis qu'un vendeur, un preneur de prix. Je ne suis pas un organisme de commercialisation.
La Commission canadienne du blé avec son guichet unique, ses compétences en marketing et son conseil d'administration élu par les agriculteurs me donne ce pouvoir. Avec l'adoption du projet de loi C-18, je perdrai ce pouvoir et ces possibilités sur le marché. Cela se traduira par un changement monumental dans la façon dont j'obtiens mon revenu. Il y a très peu de producteurs dans l'Ouest canadien, s'il y en a, qui n'ont pas commencé leur carrière après la mise sur pied de la Commission canadienne du blé.
Nonobstant l'existence de la Commission canadienne du blé, nous avons tous décidé de faire carrière dans la production céréalière. Même ceux qui s'opposent maintenant à la Commission canadienne du blé et à son guichet unique ont quand même choisi d'être agriculteurs.
Malheureusement, le système de guichet unique ne peut pas continuer dans un système de libre marché. Aucune commission ne pourrait être assurée d'avoir l'approvisionnement qui lui permettrait de passer des contrats avec confiance. Par ailleurs, une commission qui ne serait pas à guichet unique tenterait de vendre les mêmes produits que d'autres concurrents qui n'auraient pas les installations de manutention primaire ou les installations portuaires. Ils devraient se fier à leurs concurrents pour ces services.
Le fait d'apporter des changements ne me pose pas problème. Cependant, ce qui me pose problème, c'est lorsqu'une minorité d'agriculteurs privent la majorité du système de commercialisation qu'elle préfèrerait avoir. La seule façon équitable de trancher consiste à laisser les producteurs de blé et d'orge voter pour décider ce qui pourrait mener à un changement fondamental dans leur système de commercialisation.
Ce qui me préoccupe, c'est que le gouvernement est prêt à profiter du fait qu'il soit majoritaire pour modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé de façon à ce qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir le vote des producteurs pour apporter des changements à la Commission canadienne du blé, plutôt que de donner aux producteurs le droit de voter sur l'avenir de la Commission canadienne du blé tel que l'exige la loi actuelle. Cela donne l'impression que le gouvernement profite de sa majorité pour contourner la volonté démocratique des producteurs. Il est injuste de penser qu'il puisse agir ainsi parce qu'il a été élu avec une majorité aux dernières élections.
On me dit que si tous ceux qui détiennent un permis de la Commission canadienne du blé avaient voté aux dernières élections fédérales, ils n'auraient représenté qu'à peine plus de 2 p. 100 des votes. Ce n'est qu'en permettant aux producteurs de voter sur l'avenir de la Commission canadienne du blé qu'il sera possible de déterminer ce que la majorité des producteurs veulent. Si le résultat est que la majorité veut vendre son blé et son orge sans passer par la Commission canadienne du blé, alors c'est ce qui devrait se produire. Cependant, si on permet à une minorité de producteurs d'avoir le libre marché, même si lorsqu'ils ont commencé à produire ils savaient qu'il existait un système de commercialisation à guichet unique pour le blé et l'orge, on refuserait ainsi à la majorité leur choix, soit le système à guichet unique de la Commission canadienne du blé.
Les résultats du récent plébiscite de la Commission canadienne du blé révèlent que la majorité des producteurs préfèrent le guichet unique. Si ce nombre n'est pas exact, il y en a tout au moins un nombre considérable qui le préfère. Pourquoi ne pas mettre aux voix le projet de loi actuel? Ceux qui sont contre la Commission du blé laissent entendre que les agriculteurs de l'Ouest canadien ne devraient pas être traités différemment des agriculteurs d'autres régions du pays pour la vente du blé. Cependant, les producteurs de l'Ontario et du Québec n'ont pas pu voter pour décider s'ils voulaient ou non une commission du blé. La décision n'a pas été prise en leur nom par un gouvernement fédéral sans un vote ou une contribution directe.
On n'a jamais fait d'analyse quant à l'impact que ce changement monumental aura sur l'industrie canadienne qui représente 108 milliards de dollars par an. Le gouvernement n'a pas donné d'assurance ni d'information à des producteurs comme moi au sujet de l'impact global de ce projet de loi. J'ai l'impression qu'on enlève ainsi à la majorité des producteurs la possibilité de choisir leur système de commercialisation. On ne nous a pas expliqué ce qui remplacera ce système, sauf pour dire que c'est le marché qui décidera.
Par ailleurs, je trouve insultant que certains des ministres du gouvernement actuel minimisent mon honnêteté et ma position sur la question que j'estime être raisonnable.
Je vous remercie d'avoir écouté mes préoccupations. Je vais tenter de répondre à vos questions au moment opportun.
Le président : Merci, monsieur Wilmot. Le président a fait preuve de tolérance; nous avons dépassé les cinq minutes allouées. Je voudrais rappeler aux témoins suivants de ne pas dépasser le temps alloué, particulièrement lorsque vous nous remettez un exemplaire de votre exposé.
[Français]
Gilbert Ferré, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président. Je viens d'une communauté francophone, fransaskoise du nord-est de la Saskatchewan. Comme vous pouvez le constater, on parle encore le français dans le nord-est de la province. Je suis de souche bretonne, française. Mes aïeux sont venus en Saskatchewan en 1905. Ils ont vu bien des choses passer dans notre petit coin du monde avec les années et, notamment, ils ont participé à l'établissement de la Commission canadienne du blé. Ils reconnaissaient le bien-fondé de ce qui a été finalement établi dans les années 1940 pour protéger les acquis des agriculteurs et leur donner une base de revenu à long terme, qui, pour moi, constitue une fiducie que j'espère donner à la prochaine génération, qui est notre fils, qui travaille à la ferme avec nous.
La Loi actuelle sur la Commission canadienne du blé prévoit un vote. Le projet de loi C-18 ne prévoit pas un vote pour les agriculteurs. C'est quelque chose que le gouvernement a décidé d'établir au nom des agriculteurs sans la participation des agriculteurs. Où est la démocratie dans tout cela?
Vous, les sénateurs, êtes membres d'une Chambre de second regard objectif. Quant à moi, vous avez une fiducie très importante qui devrait vous pousser à venir chez nous, dans l'Ouest canadien, rencontrer les agriculteurs et prendre connaissance de façon aiguë de la situation et des commentaires qu'offrent les agriculteurs de l'Ouest canadien. Pour ou contre, c'est la démocratie. Vous êtes loin des agriculteurs. Moi je prends trois jours pour venir vous voir. Ce ne sont pas tous les agriculteurs qui vont le faire.
Pour moi, le projet de loi C-18 est une saisie de quelque chose qui m'appartient, des fonds, des biens, et qui retire aux agriculteurs le droit de participer en tant qu'élu, le droit de diriger une entreprise qui leur appartient présentement.
La perte à long terme — ou à court terme, selon comment on le regarde — aura des implications très graves pour l'agriculture dans l'Ouest canadien. Notamment, il n'y aura peu d'implication des agriculteurs directement dans le fonctionnement d'une Commission canadienne du blé volontaire. À qui va répondre celle-ci? Comment? Dans le projet de loi, présentement, il n'y a rien de prévu, concernant les opérations de cette commission volontaire, pour que le vérificateur général puisse avoir un droit de regard.
Parlons des responsabilités. Avec chaque droit il y a des responsabilités. On peut croire qu'on a toutes sortes de responsabilités mais on est responsable aussi. Devant qui la nouvelle Commission canadienne du blé sera-t-elle responsable? C'est une création d'un ministère, d'un gouvernement, qui l'a fait sans implication des agriculteurs de l'Ouest canadien.
Est-ce une responsabilité politique, une responsabilité économique? Qui va s'occuper de la vérification, et est-ce que ce sera fiable? Une CCB sans guichet unique, volontaire, est vouée à disparaître. On n'a qu'à regarder l'exemple de ce qui s'est passé en Australie récemment ou, plus important, ce qui s'est passé au Canada dans les années 1920 et 1930. Il y avait une CCB volontaire; les fermiers choisissaient soit de participer au marché, soit d'aller vers une CCB volontaire, selon les prix. Mais à la fin de l'exercice, ça commençait à coûter beaucoup d'argent au gouvernement fédéral. Il aurait fallu faire quelque chose, malheureusement il y a une récession mondiale et les agriculteurs ont payé un prix énorme.
Y a-t-il eu des études accréditées? J'ai vu pour ma part un petit document de deux ou trois pages, une petite étude faite au mois de juillet et qui est incomplète. Une étude accréditée serait quelque chose qui aurait été vérifiée par au moins trois parties distinctes, qui arriveraient à la même conclusion sans travailler ensemble. Cela ne s'est pas fait, et j'ai le sentiment que le gouvernement fédéral n'a pas fait une étude approfondie traitant des retombées et des répercussions éventuelles de l'adoption d'un projet de loi comme le C-18.
Pricewaterhouse a fait des études sur les activités de la CCB. Leurs conclusions sont que la CCB agit de bonne foi et redistribue aux agriculteurs, tel qu'elle l'annonce publiquement. Si le projet de loi C-18 devient loi, que vont devenir les coûts de transport? La logistique des cargaisons, qui va s'en occuper? Qui va parler pour les agriculteurs? Dans les cas de disputes internationales, qui va parler au nom des agriculteurs? La CCB a parlé pour nous dans plusieurs instances aux États-Unis, plus de 10 fois. Chaque fois elle a eu gain de cause et a pu se faire payer ses frais légaux.
Pour moi, le projet de loi C-18 ne parle pas aux agriculteurs. Il donne le contrôle de nos négociations commerciales pour le blé, l'orge et le blé dur aux multinationales.
Un dernier commentaire : la nouvelle loi, et les actions du ministre de l'Agriculture, créent un fonds de prévoyance de 200 millions. Ces fonds proviennent des activités de la CCB. Personnellement, je les considère comme étant à moi. Pourquoi prétendre vouloir faire une CCB volontaire quand on prend mon argent pour le faire? On ferait mieux de la démanteler et d'en finir, que de prétendre vouloir établir quelque chose de volontaire.
Je vous remercie et je suis prêt à répondre à vos questions.
[Traduction]
Bill Rosher, à titre personnel : C'est pour moi un honneur de m'adresser à vous au nom de mes voisins et de mes collègues producteurs biologiques. Je suis un producteur biologique certifié de Kindersley, en Saskatchewan et, comme vous pouvez le constater, je suis membre en règle de la Légion locale. Je porte peut-être ce veston parce que mon autre complet est chez le nettoyeur — je n'en suis pas certain, mais je voulais assurer le ministre Ritz que les agriculteurs qui s'opposent à son projet de démantèlement du guichet unique ne font pas tous partie de ce groupe de conspirateurs ou du Parti communiste, comme il l'a dit. En fait, les camarades plus âgés des membres de la Légion comprennent tout à fait le coût de la liberté et le pouvoir d'un groupe de personnes qui cherchent à atteindre un but commun. Aujourd'hui, j'aimerais parler de certains des coûts qui augmenteront pour les agriculteurs si ce projet de loi est adopté.
Au cours des 10 dernières années, en tant que producteurs biologiques, nous travaillons essentiellement dans un système de commercialisation mixte pour commercialiser notre blé et notre orge. En effet, le courtier peut offrir aux agriculteurs un prix ou nous pouvons nous adresser à la Commission canadienne du blé pour commercialiser notre produit. En fait, tous les producteurs de céréales de l'Ouest canadien ont accès au système. La seule différence entre nous et un producteur conventionnel, c'est-à-dire quelqu'un qui utilise des produits chimiques, c'est que les frais pour les ventes directes par les producteurs qui doivent être versés aux courtiers ou aux producteurs de produits biologiques sont minuscules.
Les agriculteurs conventionnels doivent payer le prix demandé sur le marché dans lequel ils tentent de vendre, prix qui serait beaucoup plus élevé. Cependant, certains membres de la commission estimaient que le risque politique de traiter les producteurs biologiques de la même manière que les producteurs non biologiques était trop élevé. Ils ont donc accordé à nos courtiers des frais minuscules pour les ventes directes, de sorte que nous pouvons vendre sur l'un ou l'autre marché de façon plutôt égale.
Il semble que les producteurs biologiques aient le meilleur des deux mondes. Tout au moins, je pense que ceux qui ne peuvent que s'adresser à un comptoir unique considéreraient cela comme étant le meilleur des deux mondes. La croissance du nombre de producteurs biologiques et de produits biologiques devrait se faire au même rythme que la croissance des ventes de produits alimentaires biologiques commerciaux qui est d'au moins 10 p. 100. En fait, en Saskatchewan, le nombre de producteurs biologiques a essentiellement atteint un plateau; leur nombre est plutôt en train de diminuer en raison des départs à la retraite, des gens qui quittent le secteur ou qui reviennent à une production conventionnelle.
On pourrait être porté à croire que cela est causé par nos problèmes de production — nous en avons un certain nombre —, mais nous croyons que la principale raison est le manque de stabilité dans l'accessibilité à un marché stable et à des prix rentables. Les prix du blé biologique ont oscillé entre 25 $ le boisseau il y a quatre ou cinq ans à 6 $ le boisseau l'an dernier. L'effondrement du marché d'actifs toxiques aux États-Unis a décimé notre marché de céréales biologiques et aucune autre solution viable pour le marché n'a été mise de l'avant. Combien d'entreprises peuvent envisager de la stabilité en se fiant à ces chiffres?
Le développement des marchés — ou, comme je l'ai dit, la stratégie de marque — et la rationalisation du transport telle que régie par le régime actuel de la Commission du blé sont essentiels au bien-être des collectivités agricoles. La capacité de vendre du blé biologique se limite à la production de blé à forte teneur en protéines et de catégorie 1. Tous les autres types de blé n'ont pas besoin de faire l'objet de vente sur le marché biologique. La production est soit conservée à la ferme pendant un certain nombre d'années soit vendue sur le marché régulier. Aucun intervenant dans le secteur biologique ne fait les investissements nécessaires pour la commercialisation afin de vendre du blé de moindre qualité parce qu'il est peu probable de rentabiliser l'investissement dans un environnement où cohabitent de nombreux producteurs.
Au bout du compte, le transport est le facteur clé pour commercialiser tout produit provenant des Prairies. Grâce au pouvoir de la Commission canadienne du blé d'allouer des ressources en transport de façon ordonnée, et grâce à la collaboration des chemins de fer, les céréales sont transportées assez efficacement jusqu'à nos ports, y compris le port de Churchill.
Si on élimine la réglementation régie par la commission et le plafond de recettes douanières, le transport des céréales sera relégué au second plan et va passer après des produits de base plus rentables comme la potasse. Les agriculteurs vont non seulement devoir démarrer leurs camions et leurs élévateurs à vis à des températures de -40 C pour transporter les céréales, mais ils vont aussi devoir payer des frais de transport et d'entreposage plus élevés pour ce privilège.
Le libre choix proposé par le ministre Ritz se traduit en fait par la liberté des agriculteurs de payer davantage. Dans notre société moderne, nous savons tous que la liberté dépend de notre capacité de payer.
Il y a un autre point dont je n'ai pas parlé, et auquel j'ai pensé en venant ici; il s'agit du fait que si la majorité des agriculteurs de l'Ouest canadien appuie le guichet unique mais se voit refuser l'accès à celui-ci, pourquoi les Canadiens devraient-ils avoir accès au système national de soins de santé?
Le sénateur Plett : J'ai une liste de questions. Bien entendu, je ne pourrai pas toutes les poser — à tout le moins pas pendant la première série de questions —, mais je vais en poser quelques-unes.
Tout d'abord, messieurs merci d'avoir pris le temps de venir à Ottawa pour nous expliquer votre position. C'est grandement apprécié. Mes collègues et moi sommes heureux d'entendre les points de vue de tous les intéressés. M. Gehl est venu à mon bureau et nous y avons eu une conversation intéressante. C'était très fructueux.
À ce sujet, monsieur Gehl, j'ouvre une parenthèse : depuis votre passage à mon bureau, avez-vous lu le projet de loi dans son intégralité? Vous ne l'aviez pas encore fait ce jour-là.
M. Gehl : Je n'ai pas lu chacune des lignes de ce projet de loi. Pour me défendre, je dirai que je ne suis pas un politicien professionnel ou un décideur. Si je pouvais avoir droit à une partie de vos salaires, je serais vraiment heureux de prendre le temps de m'asseoir et de lire tout projet de loi que vous me donneriez.
La raison qui justifie le mieux que je n'ai pas passé le projet de loi au peigne fin, c'est que celui-ci s'appuie toujours sur la notion que la Commission canadienne du blé peut être viable dans un système de commercialisation mixte. L'élément sur lequel tous les experts s'entendent, c'est qu'un tel système de commercialisation mixte n'existe pas. Puisque le projet de loi C-18 s'appuie sur le fait que la Commission canadienne du blé sera viable sans guichet unique, je crois que le projet de loi en entier est invalide. En effet, les experts et les économistes agricoles se rallient et disent que c'est impossible. De plus, le ministre Strahl a commandé un rapport qui a tiré la même conclusion en 2006.
Le sénateur Plett : Je vous demandais si vous aviez lu le projet de loi, pas quelle en est votre opinion, mais je vous remercie pour votre réponse.
Je viens du Manitoba. Je ne suis pas un agriculteur, mais toute ma vie durant, mon gagne-pain et maintenant celui de mon fils ont dépendu de la communauté agricole. Je me sens très près de celle-ci. Toute notre vie, nous avons travaillé avec les agriculteurs pour notre entreprise, et les coopératives et les mises en commun sont très populaires. Messieurs, vous venez tous de la Saskatchewan où se trouve un groupe de mise en commun très prospère, North West Terminal.
Est-ce que quelqu'un parmi vous commercialise ses produits avec North West Terminal?
M. Ferré : Non, à cause de la distance à parcourir. Plus de 300 milles nous séparent.
Le sénateur Plett : Commercialisez-vous vos produits avec d'autres groupes de mise en commun?
M. Ferré : Savez-vous à combien s'élèvent les coûts de transport, peu importe la distance, avec un semi-remorque? À cause des distances en jeu, il serait déraisonnable que quelqu'un achète un semi-remorque ou même en loue un ou embauche quelqu'un pour transporter sa production à partir de sa ferme.
Le sénateur Plett : Monsieur...
M. Ferré : Laissez-moi terminer s'il vous plaît. Les distances avec lesquelles nous devons composer dans la province à cause d'abandon de chemins de fer, de fermeture de silos, et cetera, nous ont menés à la situation actuelle. Je me qualifie de petit agriculteur qui possède moins de 3 000 acres. Je détiens mon permis 1E et je conduis un semi-remorque. Je transporte mes céréales en grande quantité dans les silos parce que c'est la seule façon d'être rentable avec les distances que nous devons parcourir.
Deuxièmement, à ce sujet, puisque les chemins de fer ferment et que les silos sont mis de côté, les routes sont malmenées et les contribuables de la province sont ceux qui en font les frais.
Le sénateur Plett : Monsieur le président, compte tenu du temps dont nous disposons, quand je pose une question, j'aimerais vraiment qu'on y réponde.
Le sénateur Mahovlich : Rappel au Règlement.
Le président : Un instant, sénateur Plett. Merci pour votre commentaire. Je vais écouter le sénateur Mahovlich pour un rappel au Règlement.
Pourriez-vous nous dire en quoi consiste votre rappel au Règlement?
Le sénateur Mahovlich : Nos témoins viennent de l'Ouest canadien. C'est extrêmement loin. Ils ont offert leur temps et leur argent pour avoir droit au chapitre dans cette démocratie. Permettez-leur de parler et allouez-leur plus de cinq minutes.
Le président : Merci pour votre observation, sénateur Mahovlich. Ce n'était pas un rappel au Règlement.
Sénateur Plett, veuillez poursuivre, puis nous allons passer au sénateur Peterson.
Le sénateur Plett : Est-ce que quelqu'un parmi vous travaille avec un groupe de mise en commun volontaire ou une coopérative? Je comprends que North West Terminal se trouve trop loin de votre ferme, monsieur, mais il y en a d'autres.
M. Wilmot : Pour la même raison, tous les silos terminaux de l'intérieur détenus par des producteurs sont trop loin de chez moi. En fait, je suis pratiquement limité à un silo à cause de la distance. Si les prix ne sont pas équitables, je ne peux pas nécessairement choisir un autre emplacement parce que si je m'éloigne, les coûts de transport me rendent la tâche impossible.
Le sénateur Plett : Je vais regrouper mes deux dernières questions en une seule très brève. Un plébiscite a eu lieu et vous croyez, bien entendu, que certains pourcentages devraient être respectés. Vous dites que la majorité des agriculteurs de l'Ouest canadien ont voté et que les résultats sont de 62 p. 100 et de 51 p. 100 pour le blé et l'orge respectivement. Je me suis adressé à la Commission du blé directement et j'ai demandé s'il y a des résultats par province parce que j'étais curieux de connaître le résultat pour ma province. Malheureusement, il n'y a pas de résultats par province.
Ce sera ma dernière question. Si le Manitoba veut vendre ses produits sur le marché libre, et que l'Alberta, la Saskatchewan et le Nord de la Colombie-Britannique ne veulent pas, les agriculteurs manitobains ne devraient-ils pas avoir le droit de vendre leurs produits sur le marché libre? Pourquoi devraient-ils vouloir ce que les agriculteurs de la Saskatchewan et de l'Alberta veulent? Voici le deuxième volet de ma question : vous avez clairement parlé de ce que vous pensez de la démocratie et je pense que nous sommes d'accord. Si un seul agriculteur voulait vendre ses céréales sur le marché libre, pourquoi devrait-il se soumettre aux caprices des autres agriculteurs alors qu'il devrait assumer les risques de la vente sur le marché libre?
Je sais que vous ne pouvez pas tous répondre à la question, mais un ou deux d'entre vous pourrait répondre à la question des résultats par province et à celle portant sur le droit démocratique de chaque agriculteur.
M. Gehl : Je vais y répondre. Les résultats par province feraient de nous davantage une république que la confédération que nous formons présentement. Les provinces ne détiennent pas autant de pouvoir que les États américains où chacun d'entre eux peut avoir des lois complètement différentes. Il s'agit d'une question fédérale et c'est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral a une responsabilité.
Personnellement, je crois que la Commission du blé devrait s'étendre à tout le pays, mais je dis cela parce que je crois en l'institution.
Pour répondre à votre deuxième question, je dirais que la démocratie ne garantit pas les droits absolus de chaque citoyen. La démocratie implique un contrat social. La liberté — je vois que vous hochez la tête — peut garantir une liberté absolue pour chaque individu, mais la démocratie se fonde sur la majorité.
Je n'ai pas voté pour notre premier ministre actuel, mais il est tout de même mon premier ministre, que je le veuille ou non. Mes désirs en tant qu'individu ne devraient-ils pas avoir la même importance que celle que vous accordez aux céréaliers dans votre exemple? Je ne pense pas que vous seriez d'accord sur ce point et c'est la raison pour laquelle je crois que ce n'est pas un argument valide. Si c'est ce que la majorité des agriculteurs veulent dans un système démocratique, la minorité devrait utiliser les ressources à sa disposition pour essayer d'apporter des changements. Ces ressources existent. Ces ressources, ce sont les directions du conseil d'administration de la Commission du blé qui ont été éliminées avec ce projet de loi qui fait de la Commission du blé une société d'État même si on ne le dit pas expressément. Les gens formant la minorité ont l'occasion de parler puisqu'il y a cinq élections pour des postes du conseil d'administration tous les deux ans. Et comme la Commission du blé s'est démocratisée, des candidats étant ouvertement en faveur du guichet unique ont gagné 80 p. 100 des sièges. Le seul siège qui n'a pas été gagné par un tel candidat aux dernières élections a été remporté par 32 voix.
Le président : Monsieur Gehl, est-ce que je peux vous interrompre?
M. Gehl : Absolument.
Le président : Il y a d'autres témoins. Avez-vous quelque chose à ajouter avant que je donne la parole au sénateur Peterson?
M. Wilmot : J'aimerais dire une chose. Le secteur du blé et de l'orge de l'Ouest canadien n'est pas divisé par province. Il s'agit d'une seule industrie. Je ne crois pas qu'on puisse la sous-diviser par province.
Le sénateur Peterson : Messieurs je vous remercie pour votre exposé éloquent et passionné sur les répercussions de l'élimination du guichet unique sur vos activités.
À ce sujet, en vertu du système actuel, quand vous vendez vos produits à la Commission du blé, vous recevez un paiement initial, puis la Commission du blé tente d'optimiser le prix auquel elle peut vendre le produit. Finalement, un paiement final est versé à la fin. Vous participez à une entente de mise en commun et vous recevez le paiement final parce que, si j'ai bien compris, le produit vous appartient du moment où vous le remettez à la Commission du blé jusqu'à ce qu'il soit vendu.
Si le guichet unique est éliminé, quelle sera la procédure? Comment allez-vous mené vos activités? Qu'allez-vous faire avec votre produit?
M. Rosher : J'imagine que les procédures de systèmes où plus d'une commission céréalière existent s'appliqueront. Les agriculteurs devront fixer un prix pour une partie de leur production avant de la semer. Il faudra compenser de 10 à 15 p. 100 des prix parce que ceux-ci vont fluctuer pendant l'année. Les agriculteurs vont déterminer la moyenne des prix et c'est cette moyenne qui déterminera le prix du produit. Il faut fixer un prix pour une partie de la récolte avant l'ensemencement. On détermine le prix d'une partie de la récolte pendant la saison de croissance et une autre partie une fois que les céréales ont poussé.
En gros, il faudra faire ce que la commission fait pour nous présentement, mais certains agriculteurs qui sont prêts à prendre des risques vont bien s'en sortir : ils vont déterminer le prix qu'ils veulent recevoir, ils vont vendre toute leur récolte et tout ira comme sur des roulettes. Je peux vous assurer que ce groupe de personnes représente moins de 5 p. 100 des agriculteurs. La plupart d'entre nous ne voulons pas prendre de risque; notre risque réside dans la production, pas dans la commercialisation.
Le sénateur Peterson : Selon vous, quel genre de transparence par rapport au prix y aura-t-il dans un libre marché?
M. Rosher : Dans le milieu du biologique, il n'y a pas de transparence quant aux prix. Le seul prix dont on entend parler, c'est celui que le courtier détermine. On ne sait pas du tout quel est le prix dans le marché mondial ou à combien il ou elle vend le produit. On sait seulement ce que les courtiers nous disent. Quand votre voisin vend un boisseau cinq sous de moins que vous et que vous décidez d'augmenter vos prix, vous l'augmentez à ce taux.
Le sénateur Peterson : Qu'en est-il des cultures céréalières?
M. Wilmot : Pour répondre à votre dernière question, la détermination des prix des céréales avec les compagnies de silos comprend un élément appelé « la marge », en particulier pour le canola. Si ce projet de loi est adopté, on aura probablement recours au Minneapolis Grain Exchange pour le blé. De toute façon, pour ce qui est du canola, le prix est déterminé quotidiennement à Winnipeg. Les compagnies de silos se fient tout d'abord à ce prix, duquel elles soustraient la marge. La marge comprend, entre autres, les coûts d'entreposage et de transport vers les ports en plus du profit que les compagnies veulent empocher pour la transaction. Le prix du canola a déjà été fixé à bien au-delà de 50 $ la tonne, mais je ne dirais pas que c'est toujours beaucoup plus élevé. Récemment, j'ai vu que le canola était annoncé à 4,30 $ la tonne, ce qui est inférieur au prix affiché par la Bourse des marchandises de Winnipeg ou ICE Futures Canada, son nom actuel.
Il n'y a pas de transparence; personne ne sait pourquoi ils changent les prix. Nous ne savons pas à combien nos produits se vendent. Tout tourne autour de leurs profits — le niveau avec lequel ils sont à l'aise. Nous ne savons aucunement à combien s'élèvent les transactions qu'ils font. Il n'y a aucune transparence dans la marge, qui est un élément important de la fixation de prix.
Le sénateur Tkachuk : Je dis constamment que les agriculteurs de la Saskatchewan et des Prairies sont très brillants et sont les meilleurs hommes et femmes d'affaires du pays. Votre exposé aujourd'hui était excellent, et je l'ai beaucoup aimé.
J'ai quelques questions. Vous allez devoir m'aider à comprendre ce que je ne saisis pas, mais je comprends la majeure partie. Vous avez dit que si nous passons à un système de libre-marché et de commissions, le double système de commercialisation ne fonctionnera pas. Pourtant, vous êtes tous d'ardents défenseurs de la Commission canadienne du blé. Pouvez-vous me dire pourquoi la CCB ne survivra pas si nous passons à un système de commercialisation mixte?
M. Gehl : Pour être bref, monsieur le président, la principale raison est que la Commission canadienne du blé ne dispose pas d'actifs matériels comme des silos dans les prairies ou des installations portuaires pour assurer la manutention des céréales. Afin de vendre leur production par l'intermédiaire de cette nouvelle entité, les agriculteurs devront payer un niveau supplémentaire qui cherche à être rentable. La CCB doit aussi payer quelqu'un pour assurer la manutention des céréales au silo ou au port. En effectuant ces activités à plus petite échelle, il est plus difficile d'obtenir de bons prix. Grâce à la Commission canadienne du blé, tous les agriculteurs sont en mesure d'obtenir les meilleurs tarifs des compagnies ferroviaires et des propriétaires d'installations portuaires.
Le sénateur Tkachuk : Au cours des dernières années, avec la croissance des cultures d'oléagineux dans les Prairies, on a pu assister à une diminution de 25 p. 100 de la superficie consacrée aux cultures de blé en raison des oléagineux et des légumineuses. Cette diminution de la production a-t-elle nuit à la Commission canadienne du blé pour ce qui est d'organiser le transport, et cetera? La production a chuté de 25 p. 100. Cela n'a certainement pas nuit à la commission, ou est-ce le cas? Tout cela s'est-il réalisé?
M. Gehl : Je pense que c'est une question qu'il conviendrait mieux de poser à un administrateur de la Commission canadienne du blé. C'est une question d'ordre très technique. Je n'ai pas accès à ces chiffres.
Le sénateur Tkachuk : Vous prétendez qu'une diminution de la production au profit de la CCB impliquera une augmentation des coûts de livraison et de vente des céréales. Ce que je dis, c'est que la production a chuté de 25 p. 100. Y a-t-il eu une augmentation des coûts? Y a-t-il eu une réduction de la capacité à exporter des céréales à l'extérieur des Prairies afin de les acheminer vers les marchés internationaux?
M. Gehl : La différence, monsieur le président, c'est que dans cette situation, vous avancez une diminution de production de 25 p. 100 pour ce qui est du blé et de l'orge de tout l'Ouest canadien, où ils ont toujours un monopole. Si l'on souhaite transporter le blé et l'orge produits au Canada, ce que nos clients étrangers souhaitent vivement du fait que nous avons des marchés dynamiques grâce à la CCB, dans le cadre d'un régime de marché mixte, même s'ils disposent de 75 p. 100, ils seront en compétition avec ceux qui détiennent les 25 p. 100 restants. Je pense que c'est une comparaison quelque peu boiteuse. Le monopole représente la force de la Commission canadienne du blé et sans ce monopole, la Commission canadienne du blé n'est rien.
Le sénateur Tkachuk : D'accord.
M. Rosher : À ce sujet, la CCB administre toujours le transport des céréales vers l'extérieur des Prairies. Rien ne porte à croire que les transports pourraient pâtir d'une diminution de la production. Lorsque l'on récolte des pois au début de l'automne, on veut les transporter le plus rapidement possible. Dans ce cas, la CCB réduira les ventes de blé afin de pouvoir exporter des pois.
Je suis porté à croire que si l'on dérèglemente la CCB, on dérèglemente de ce fait les transports. Il y aura un système d'attribution concurrentielle des wagons en vertu duquel les wagons seront attribués au plus offrant. Nous avons Vancouver, Prince Rupert, Thunder Bay et Churchill; mais aucunes céréales n'iront à Churchill.
Le sénateur Tkachuk : Ce n'est pas la chute de la production ou la diminution des quantités de blé cultivé, ce qui selon vous risque de se produire avec la mise en place d'un régime de commercialisation mixte. C'est plutôt le monopole. Dans ce cas, que se passerait-il dans le cas d'une nouvelle chute de la production de 25 p. 100 en raison du fait que les agriculteurs cultivent d'autres types de blé?
M. Ferré : Je ne crois pas que la diminution de la superficie des cultures de blé se produira de manière aussi dramatique que M. le sénateur semble l'insinuer. Le blé, l'orge et l'avoine — c'est-à-dire, les céréales — sont utilisés, dans notre région, dans le cadre d'un système de rotation des cultures. Si nous ne faisons pas suffisamment attention à nos rotations, on se retrouve avec des problèmes dans nos champs, comme des mauvaises herbes qui deviennent plus résistantes à certains types de produits chimiques et des risques accrus de maladie. On observe déjà ce type de phénomène dans les cultures de canola et on observe des cas de hernie en Alberta ainsi que dans certaines cultures en Saskatchewan. C'est une grosse source d'inquiétude. Il s'agit d'une industrie considérable; je vous le concède. Certains agriculteurs dans notre région effectuent une rotation entre le blé et le canola, ce qui est dangereux car à un certain point, on assiste à une résistance accrue aux maladies, ce qui risque de coûter très cher à l'industrie.
Le sénateur Tkachuk : La CCB a laissé tomber l'avoine vers la fin des années 1980. Existe-t-il un mouvement populaire visant à réintégrer l'avoine dans le monopole de la CCB?
M. Gehl : Dans ma région, je ne connais pas de cultivateur d'avoine; je ne peux donc pas en parler.
Le sénateur Tkachuk : La production augmente, mais y a-t-il un mouvement populaire visant à réintégrer l'avoine dans la CCB? Y a-t-il eu un problème? Ce n'est pas mon cas, mais peut-être que vous êtes au courant de certains problèmes.
M. Ferré : Je vais être honnête : je cultive de l'avoine. Je commence à transiger directement avec une entreprise américaine qui a recours aux services d'un courtier. Nous verrons comment les choses vont évoluer. Nous allons voir ce qu'il en est en matière de logistique et de paiements. Qui sait? Il y a un gros point d'interrogation car il n'y a aucune garantie.
M. Rosher : Lorsque l'avoine a été retirée de la commission, la valeur du boisseau a chuté de 50 p. 100.
Le sénateur Tkachuk : Quel en est le prix à présent?
M. Rosher : Ce prix est retourné au niveau que l'on connaissait lorsque l'avoine relevait de la commission. Cela fait combien de temps?
M. Ferré : Si je puis me permettre, que s'est-il passé depuis le moment où l'avoine a été retirée de la commission jusqu'à présent, étant donné que notre régime alimentaire inclut davantage d'avoine? Vous devriez voir la quantité d'avoine qui est utilisée pour la production de divers aliments en Amérique du Nord et en Europe. Croyez-le ou non, les graines d'avoine contiennent de l'huile, comme toutes les céréales. Cette huile est très prisée.
Lorsque je livre de l'avoine blanche comme neige et de très bonne qualité aux silos ou à ces entreprises, je ne reçois pas le prix correspondant à de l'avoine de qualité supérieure. On me paie le prix correspondant à la qualité no 2. Lorsque je demande ce qu'il en est, j'obtiens toutes sortes de réponses. Au bout du compte, ce que l'on nous paie ne représente pas vraiment la valeur de la culture que nous livrons une journée donnée.
Le sénateur Tkachuk : Il n'y a donc aucun mouvement populaire visant à réintégrer l'avoine dans la commission.
M. Ferré : Non.
Le sénateur Tkachuk : C'est tout ce que je voulais savoir. Merci beaucoup.
Le sénateur Mercer : Merci messieurs de votre présence. Vous avez très bien exprimé vos opinions, et j'apprécie le temps que vous avez pris et les efforts que vous avez faits pour venir jusqu'ici nous présenter votre vision des choses.
J'ai quelques questions d'ordre pratique. J'ai tenté de poser cette question hier et je ne suis pas vraiment parvenu à obtenir satisfaction. Je vais donc essayer de nouveau.
Il semble que nous n'ayons pas été en mesure d'exercer de la pression au bon endroit afin de faire changer les choses. Si les choses évoluent comme nous pensons qu'elles vont le faire, combien de gens vont perdre leur emploi aux deux endroits? L'un étant de toute évidence la commission elle-même. Quelles vont être les répercussions sur les exploitations agricoles? Cela va-t-il avoir une incidence sur le nombre d'employés que vous allez avoir, ou cela signifie- t-il qu'un certain nombre d'agriculteurs ne seront pas en mesure de survivre à ces changements et devront vendre leur exploitation?
M. Gehl : Un rapport a été effectué concernant le nombre d'emplois dont la Commission canadienne du blé est responsable dans la province du Manitoba. Je n'ai pas les chiffres précis avec moi. Je crois que ces données font partie d'un témoignage qui a été déposé par une autre personne et qui comparaîtra plus tard cette semaine. La Commission du blé a permis de créer quelque 12 000 emplois au Manitoba. Lorsque le projet de loi sera adopté, les effectifs à la direction générale de la Commission canadienne du blé à Winnipeg vont être réduits considérablement. Et il ne s'agit là que des conséquences visibles. Il s'agit là des répercussions les plus évidentes que cela va avoir.
M. Wilmot : Je ne pense pas que cela aura des répercussions sur les emplois à mon exploitation agricole. Il faudra juste que nous modifions nos méthodes. J'entrevois que je ne participerai pas aux paiements de primes qui, selon moi, existent en raison d'une commercialisation à comptoir unique.
M. Ferré : Dans notre région, certains agriculteurs vendent leurs terres aux enchères. Deux exploitations sont dans ce cas à l'heure actuelle. Il s'agit de gens qui exploitent environ neuf, 10 ou 12 quarts de section chacun. Des investisseurs arrivent; certaines exploitations s'agrandissent. Par conséquent, on assiste à une diminution du nombre d'exploitations familiales et à une diminution de l'activité économique associée à ce type d'exploitation. Les exploitations de plus grande envergure ont un point de vue différent, une autre optique.
Au bout du compte, je peux entrevoir des collectivités rurales telles que la nôtre, qui ont déjà été touchées par la fermeture des silos, voir passer leur ligne de chemin de fer au statut d'embranchement, qui dépendent énormément des wagons des producteurs, qui en ressentent les répercussions. Ces répercussions ne se feront pas nécessairement sentir tout de suite, ou au cours des prochaines années, mais je soupçonne que quelque chose va se produire au fil du temps.
Des écoles ferment leurs portes en ce moment même car elles n'ont pas assez d'élèves. Les distances à parcourir en autobus sont de plus en plus élevées pour les élèves. Les familles agricoles comptent de moins en moins d'enfants. Si l'on regarde ce qui se passe dans l'économie, on voit qu'on privilégie le volume par rapport au nombre. Plus la production de céréales est élevée, plus les coûts de production sont faibles pour votre exploitation. Vous êtes en affaires. Je ne sais pas dans quel domaine. C'est aussi mon cas, et je vends de la machinerie agricole au détail. Si l'on est un petit exploitant confronté à des gros exploitants, ces derniers réalisent des économies d'échelle que l'on ne peut égaler. Si ces exploitations veulent avoir un meilleur prix que vous, elles l'obtiennent.
Le sénateur Mercer : Au sujet des économies d'échelle, je pense que l'une des choses qui préoccupe le plus les Canadiens est de savoir ce qui va se passer lorsqu'ils iront au supermarché pour acheter des produits que vous cultivez et qui sont commercialisés par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé.
D'aucuns ont affirmé qu'ils ne pensaient pas qu'on assisterait à une augmentation du prix du pain si le projet de loi était adopté. Comment serions-nous en mesure de déterminer les coûts? On limite la transparence qui permet de comparer les coûts au bénéfice. Des observations à ce sujet?
M. Gehl : Je dirais que la principale préoccupation porte sur la qualité plutôt que sur le coût. À l'heure actuelle, la commission donne aux transformateurs et aux meuneries de l'ensemble du pays accès au blé de la meilleure qualité qui soit dans le monde. C'est quelque chose qu'il convient de répéter; le blé canadien est le meilleur, cela ne fait aucun doute. Cependant, le coût du transport par VIA Rail de la Saskatchewan ou de l'Alberta vers la côte Est est prohibitif alors que les coûts de transport de marchandises par bateau ont diminué de deux tiers au cours des dernières années. Il va devenir bien plus intéressant pour les entreprises de l'est du pays d'importer leurs céréales de l'étranger, et c'est là que la qualité devient une source de préoccupations. J'espère que les Canadiens seraient prêts à payer un supplément afin d'avoir la certitude d'obtenir les aliments de la meilleure qualité qui soit, et c'est ce qu'ils méritent.
M. Rosher : Pour ce qui est des produits qui ne font pas l'objet d'une gestion de l'offre, les agriculteurs obtiennent très peu de la valeur commerciale. Par exemple, une miche de pain qui se vend pour 3,50 $ nous rapporte 10 cents. Lorsqu'il se vend une bouteille de bière, on obtient un montant inférieur à la valeur de la capsule. Vous pouvez doubler ce que vous nous donnez et il n'y a aucune raison pour que le prix commercial s'en ressente.
[Français]
M. Ferré : J'ai récemment été interviewé par des journalistes de la Société Radio-Canada qui étaient venus de Montréal en mai. Ils faisaient une série de reportages sur le coût de la nourriture pour la consommation humaine. C'était pour l'émission de Céline Galipeau. Un des commentaires des journalistes était : « Vous allez être très riche à l'automne, vous allez avoir beaucoup d'argent pour votre grain. » Je leur ai répondu : « Une minute, s'il vous plaît! On est en train de semer notre récolte maintenant. Rendu à l'automne, on n'a aucune idée de ce qu'on va avoir pour. On peut faire des contrats, mais les coûts de production montent en flèche chaque fois que notre production augmente, nous ne le contrôlons pas. » Cela fait partie de la réalité d'un agriculteur dans l'Ouest canadien.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Merci messieurs d'être venus. C'est toujours une bonne chose d'entendre l'opinion de gens qui se trouvent, comme vous, sur le terrain.
Monsieur Ferré, cela fait longtemps que je suis ici, et je n'ai pas pu m'empêcher de pouffer de rire lorsque vous avez mentionné l'abandon des lignes ferroviaires. Cela m'a rappelé une expression que l'on utilisait par ici il y a 30 ans : Otto Lang, deux mots de quatre lettres. Comme vous le savez, c'était le ministre responsable de la Commission canadienne du blé, un député de la Saskatchewan ainsi qu'un homme très intelligent et distingué. Entre le tarif du Nid-de-Corbeau, l'abandon des lignes ferroviaires et l'établissement de silos terminaux de l'intérieur, qui ont eu lieu sous la supervision de M. Lang, alors ministre libéral responsable de la Commission canadienne du blé, on pouvait entendre les mêmes arguments. On pensait que le ciel nous tombait sur la tête et que c'était la fin du monde. En fait, M. Lang a perdu son siège au profit de Bob Ogle, du NPD, à Saskatoon ou plutôt dans ce coin, en raison de la réaction à l'abandon des lignes ferroviaires.
Je voudrais vous dire à tous, aujourd'hui, de garder espoir. Des changements se profilent à l'horizon; il faut savoir les accueillir à bras ouverts. Ne restons pas ancrés dans le passé. La question consiste à savoir si on peut, si on doit, ou si on devrait avoir confiance en l'avenir. Et la réponse est oui. On a connu toutes ces choses-là auparavant et le ciel ne nous est pourtant pas tombé sur la tête.
M. Gehl : Monsieur le président, je voulais simplement dire que l'on ne pouvait pas se nourrir d'espoir. Lorsque le tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau a été abandonné — et ces messieurs pourraient nous en parler davantage; car j'étais de toute évidence trop jeune —, des études approfondies avaient été effectuées auparavant, contrairement à ce qui est fait avec le projet de loi C-18.
Le président : Des observations de nos agriculteurs?
M. Rosher : Le tarif du Nid-de-Corbeau a porté un dur coup aux campagnes de la Saskatchewan. Je ne vois pas comment on peut considérer que cela n'a pas eu d'effets négatifs. Si on y réfléchit, on s'aperçoit que ce n'est pas une solution d'avenir. Nous reculons. Il suffit de regarder ce qui se passe au sud de la frontière. Le Parlement va-t-il nous offrir des prêts à taux garantis comme c'est le cas aux États-Unis? Il faut que nous soyons subventionnés si l'on veut pouvoir être en mesure de concurrencer les États-Unis. Je ne sais pas quels sont vos plans. Les exploitations agricoles vont devoir se rassembler pour former des mégas exploitations ou bien notre secteur agricole court à sa perte. On peut alors envoyer le personnel nécessaire pour effectuer toutes les tâches agricoles et retirer ses effectifs lorsqu'on n'en a plus besoin. Pas besoin de créer des collectivités. Ce serait comme dans le secteur minier.
Le président : D'autres questions, sénateur Duffy?
Le sénateur Duffy : Non.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je vous remercie pour vos présentations très bien articulées. Vous avez parlé de consolidation; c'est un danger qui vous attend, n'est-ce pas? Je vois un peu tout cet exercice comme les petits contre les gros; est-ce que j'ai raison?
M. Ferré : Vous avez raison. Les petits agriculteurs — je ne me considère pas comme un grand agriculteur, mais je me situe au-delà de la moyenne des agriculteurs en superficie agricole dans la province —, cela va changer rapidement. Des investisseurs achètent des terres et les louent présentement. Ils achètent cela des agriculteurs qui se retirent, de successions ou d'agriculteurs qui veulent réduire le nombre de terres qu'ils possèdent et qui préfèrent plutôt louer. À la longue, les belles terres agricoles, les terres fertiles de l'Ouest canadien risquent de devenir la propriété de gens qui n'habitent pas la Saskatchewan, l'Alberta ou le Manitoba, et même de gens d'autres pays. La rumeur court que certains pays achètent des terres à travers le Canada et on suppose que c'est dans le but de fournir des vivres à leur pays.
Le projet de loi C-18 ne parle pas de cela. Vous, les sénateurs, je ne sais pas si vous y avez pensé un peu, mais il pourrait arriver un jour où le Canada aurait de la difficulté à fournir des denrées pour sa population s'il néglige de voir à ce qui se passe avec ses terres et comprendre qui en sont éventuellement les propriétaires.
Le sénateur Robichaud : Avez-vous quelque chose à ajouter?
[Traduction]
M. Wilmot : Dans notre région, ma famille possédait l'une des grandes exploitations agricoles. On s'est aperçu qu'on bénéficiait d'un traitement de faveur aux silos du fait que nous produisions plus de volume. Cela n'est plus le cas aujourd'hui. La taille de mon exploitation agricole n'a pas vraiment changé, mais les agriculteurs autour de moi exploitent des terres de 8 000, 10 000, ou même 15 000 acres. Il est certain que ce type d'exploitation compte moins de familles agricoles, ce dont ils tirent profit puisqu'un volume élevé permet d'obtenir de meilleurs prix. C'est très simple.
C'est la raison pour laquelle, dans une certaine mesure, l'une des raisons pour lesquelles je trouve que la Commission canadienne du blé me donne plus de pouvoir, c'est que l'union fait la force et que le volume fait la force. C'est quelque chose que l'on ne peut pas obtenir individuellement, et les petits agriculteurs qui auraient la possibilité d'agrandir leurs exploitations ne le font pas. Ce sont ces grandes exploitations agricoles qui vont nous dicter les règles du jeu. Comme M. Ferré l'a dit, il va y avoir des répercussions à long terme sur la population de l'Ouest canadien.
[Français]
Le président : Sénateur Robichaud, avez-vous une autre question?
Le sénateur Robichaud : Non, cela a bien répondu à ma préoccupation.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Merci à nos témoins.
Tout d'abord, monsieur Gehl, vous avez formulé des commentaires enflammés au sujet de la démocratie. Selon moi, la démocratie s'accompagne de la liberté de choix dans la majorité de nos activités quotidiennes, et j'ai l'impression que si la description que vous nous avez faite de l'incroyable valeur de la Commission canadienne du blé est exacte, alors je ne vois pas pourquoi vous craignez la possibilité d'une démocratie. La plupart de vos collègues agriculteurs ne voudraient-ils pas utiliser un tel système de mise en marché, incroyablement avantageux.
M. Wilmot : Il existe deux écoles de pensée différentes au sujet des opinions de la majorité.
Le ministre actuel, en raison de ses conseillers, croit agir pour la majorité.
Le sénateur Ogilvie : Je ne vous posais pas de question sur la majorité. Je vous demandais simplement s'ils ne préféreraient pas utiliser la Commission canadienne du blé, plutôt que la liberté de choix. Voilà ma question. Je ne vous demande pas de me parler des chiffres dans chaque camp.
M. Gehl : Les chiffres indiquent que la majorité des agriculteurs préfèrent le guichet unique de la Commission du blé. Comme je l'ai dit, c'est sans le monopole.
Le président : Je demanderais aux témoins de nous laisser écouter les questions; j'apprécie vos commentaires.
Le sénateur Ogilvie : J'en viens à ma deuxième question. Vous avez soulevé la question de la difficulté que vous aurez à avoir accès au transport ferroviaire et aux modes de distribution de vos produits dans les marchés. Je crois comprendre qu'au cours des dernières années, comme on nous l'a dit plutôt, la production de blé a connu une diminution de 25 p. 100 par rapport aux chiffres élevés du passé. En fait, nous avons constaté une croissance considérable des cultures qui ne relèvent pas de la Commission canadienne du blé; le canola qui constitue une importante possibilité de mise en marché, ainsi que les légumineuses.
Je crois comprendre qu'une grande partie de ces cultures est distribuée au moyen des mêmes systèmes de transport que vous utilisez, comme les chemins de fer. Cela ne semble pas leur avoir causé d'obstacles, et ce sont des opérateurs de marché individuel. Pourquoi le nouveau système que nous avons ici détruira-t-il à ce point votre capacité de livrer vos récoltes sur le marché?
M. Rosher : Comme je l'ai déjà dit, le transport ferroviaire est actuellement administré par la commission, au moyen de règlements. C'est elle qui décide et elle présume déjà que les actifs seraient utilisés pour transporter tous les grains à l'extérieur de la région des Prairies de la façon la plus efficace. Si nous passions à un système ferroviaire sans restriction, il s'agirait essentiellement d'un système d'appel d'offres; les produits pour lesquels on offre le prix le plus élevé pour le transport seront transportés en premier.
Le sénateur Ogilvie : Je vous demandais s'il est vrai que les autres cultures des Prairies sont transportées au moyen du même système ferroviaire.
M. Rosher : Oui, et c'est la commission qui administre tout cela.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur le président, on ne peut pas toujours revenir à la même question en espérant recevoir une certaine réponse. Je crois qu'on doit laisser aux témoins la liberté de s'exprimer sans avoir à les encadrer dans le but de recevoir une réponse précise. Je trouve malheureux qu'on essaie de circonscrire les témoins de cette manière.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : J'invoque le Règlement. On ne peut restreindre les réponses de quiconque à quelque question que ce soit. Le sénateur Ogilvie a posé une question et on lui a répondu. Il a posé la question à nouveau parce qu'il voulait mieux comprendre. Nous n'avons certainement aucunement l'intention de refuser aux témoins la possibilité de répondre entièrement à une question, et de prendre le temps qu'ils veulent.
Le président : Merci pour votre observation, sénateur Robichaud, et merci, sénateur Tkachuk.
Je tiens à souligner, à l'intention des témoins, que le président vous a donné le plus de temps, si je puis dire, parce que le temps de tout le monde a été compté, et je dois dire que c'est équitable. Nous passons maintenant aux deux dernières questions parce que vous représentez la communauté agricole; je demanderai au sénateur Mahovlich de poser une courte question; il sera suivi par le sénateur Plett.
Le sénateur Mahovlich : Est-il possible qu'à l'avenir, le port de Churchill ferme ses portes et que vous ne soyez plus en mesure d'y avoir accès pour atteindre vos marchés d'exportation?
M. Rosher : Il est impossible que le port de Churchill demeure ouvert. Les gens qui vont acheter nos grains n'ont pas les installations là-bas pour transporter les grains, alors pourquoi enverraient-ils quoi que ce soit là-bas? Ils n'ont aucun profit à y faire.
Le sénateur Plett : On a posé une question à l'un des témoins, M. Gehl, au sujet des emplois perdus — ou du moins il a répondu à une question au sujet des emplois perdus — et je pense qu'il a dit que cela pourrait coûter jusqu'à 12 000 emplois.
M. Gehl : Non.
Le sénateur Plett : Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit, aux fins de la transcription.
M. Gehl : J'ai dit qu'une vérification avait été réalisée au sujet des avantages de la Commission canadienne du blé pour le Manitoba et qu'on avait constaté que la commission avait créé 12 000 emplois. En ce qui concerne le nombre d'emplois qui seront perdus directement en raison de l'adoption du projet de loi, je suis loin d'avoir l'expertise nécessaire pour vous répondre.
Le sénateur Plett : Pouvez-vous expliquer comment la commission a pu créer 12 000 emplois? Je dois le savoir, parce qu'en fait, seulement 500 personnes environ sont employées par la commission. Comment ont-ils créé 12 000 emplois qui pourraient être en danger?
M. Gehl : Je ne faisais pas partie du cabinet comptable qui a réalisé la vérification de la Commission canadienne du blé. Si vous voulez, je peux obtenir l'information et vous la transmettre. Je sais qu'on peut facilement la trouver.
Le sénateur Plett : Pas directement à moi, mais j'aimerais que vous envoyez ces renseignements au greffier ou au président afin que nous y ayons accès.
Le président : Monsieur Gehl, pourriez-vous envoyer la réponse au greffier?
Je donne la parole au sénateur Mahovlich pour une courte question, parce qu'il a posé deux questions.
Le sénateur Mahovlich : La Cour fédérale prendra une décision. En ce moment même, le juge va prendre une décision pour déterminer si le ministre Ritz a enfreint la loi ou non en ne tenant pas de plébiscite. Selon vous, y a-t-il eu une injustice?
Le président : Je demanderai aux témoins de ne pas répondre parce que cette affaire est en cours devant les tribunaux. Sur ce, je remercie les témoins d'avoir comparu. Nous vous avons donné beaucoup de temps et nous nous en félicitons.
Nos deux prochains témoins, MM. Henry Vos et Jeff Nielsen comparaissent à titre personnel. Merci d'avoir accepté notre invitation. MM. Vos et Nielsen sont tous deux d'anciens directeurs de la Commission canadienne du blé. Le greffier me dit que M. Nielsen fera son allocution en premier et qu'il sera suivi par M. Vos.
Jeff Nielsen, à titre personnel : Merci. Je vous prie de m'excuser de ne pas porter de veston. Mes vacances à Las Vegas ont été interrompues. J'imagine que j'ai de la chance de n'avoir perdu qu'un veston.
J'aimerais commencer par dire que les producteurs de légumineuses, d'oléagineux et de céréales de l'Ouest canadien figurent parmi les gens les plus créatifs, progressistes et souples que je connaisse. Nous avons constaté une croissance suivie de la valeur ajoutée de nos oléagineux, de nos légumineuses et des autres cultures spécialisées. Enfin, avec l'adoption de la Loi sur le libre choix des producteurs de grain en matière de commercialisation, je sais que nous constaterons et que nous étudierons ces mêmes possibilités dans le domaine du blé et de l'orge.
En permettant cette liberté, les producteurs s'assurent d'un avenir rentable pour leurs affaires et, en même temps, des collectivités rurales plus prospères, selon moi. Les agriculteurs demandent cette mesure depuis longtemps et le débat dure depuis assez longtemps. Je vous incite tous à adopter ce projet de loi, pour enfin permettre aux agriculteurs de gérer leur entreprise de leur mieux, comme des hommes et des femmes d'affaires de l'Ouest du Canada.
Je viens moi-même d'une longue lignée d'agriculteurs, mes grands-parents étant venus s'installer dans la région en 1893.
Il semble que la majorité des administrateurs actuels de la Commission canadienne du blé souhaitent faire dévier l'idée d'aller de l'avant — qu'on nous permette d'être des gens d'affaires novateurs, progressistes dans la production du blé et de l'orge, comme dans le cas du canola et des légumineuses. J'ai été élu pour le District 2, le centre de l'Alberta, et je crois comprendre que vous avez entendu hier M. Chatenay, ancien directeur du district 2. L'Alberta appuie depuis longtemps l'idée d'offrir un choix de commercialisation grâce à des plébiscites par le passé.
Je voudrais parler de quelques questions qui sont étroitement liées : d'abord, le fait que l'on n'ait absolument pas écouté tous les agriculteurs qui relèvent de la compétence de la Commission canadienne du blé et ce que ces agriculteurs disent à la commission depuis de nombreuses années; ensuite, comment le fait que la majorité des administrateurs n'écoutent pas ce qu'ils ont à dire a affecté les relations avec notre gouvernement fédéral et les entreprises de l'extérieur avec lesquelles la Commission canadienne du blé traite; et finalement, comment ajouter au manque de respect à l'égard de leurs collègues administrateurs, ces administrateurs de guichet unique à la Commission canadienne du blé se sont complètement déconnectés de la réalité.
En ce qui concerne le fait qu'on n'ait pas écouté les agriculteurs de l'Ouest canadien, permettez-moi de remonter à 2007 lorsque les producteurs d'orge se sont prononcés en faveur du libre choix en matière de commercialisation lors d'un plébiscite organisé par le gouvernement fédéral. Le président de l'époque était Ken Ritter. Il a dit et je cite : « Les résultats du plébiscite sur l'orge annoncés aujourd'hui ne sont pas très surprenants. La Commission canadienne du blé fait un sondage auprès des agriculteurs chaque année depuis les 10 dernières années et ces résultats semblent être conformes aux conclusions annuelles. »
Cela m'a fait réfléchir lorsque j'ai été élu au conseil d'administration. Je suis allé vérifier tous les sondages qui ont été effectués par la Commission du blé et les producteurs d'orge n'ont pas été une seule fois en faveur du guichet unique. En 2007, les producteurs d'orge de brasserie ont dit clairement qu'ils ne feraient pas d'autres investissements dans les installations existantes tant qu'il n'y aurait qu'un guichet unique. Récemment, l'Association nationale des engraisseurs de bovins a déclaré que si la Commission du blé ne s'occupait plus de la commercialisation de l'orge, il y aurait de meilleures chances d'avoir de la transparence, plus de variétés de croissance dans ce secteur. Quelle est la prochaine étape pour l'orge? Nous savons déjà que le fractionnement des aliments est bon pour la santé. Nous verrons peut-être différentes variétés qui seront produites pour les biocarburants. On en a entendu parler récemment d'installations de fabrication de pâtes de blé dur à Regina, ce qui est une bonne nouvelle pour les producteurs.
Il y a de plus en plus de jeunes agriculteurs — ceux qui ont moins de 45 ans — qui veulent une plus grande liberté sur le plan de la commercialisation. Qui sera le producteur de l'avenir? La Commission canadienne du blé ne devrait-elle pas mettre l'accent sur les besoins de ceux qui produiront les céréales à l'avenir et travailler afin d'assurer un avenir solide et viable? Ce ne sont pas seulement les jeunes agriculteurs, bien qu'il y ait un plus grand nombre d'agriculteurs plus âgés qui soient en faveur du guichet unique. Je sais qu'il y en a beaucoup qui ne le sont pas. Malheureusement, bon nombre d'entre eux sont déjà décédés sans avoir vu le jour où ils pourraient vendre leurs céréales sur le libre marché. Les exploitations agricoles sont maintenant plus grandes et pour la plupart en faveur du libre marché.
Selon les chiffres les plus récents, il y aurait 50 000 titulaires de permis de la Commission canadienne du blé. On ne sait cependant pas combien parmi eux sont des agriculteurs non actifs, des propriétaires ou des parties intéressées, et nous avons également constaté lors d'un plébiscite non exécutoire qu'il y avait jusqu'à 66 000 détenteurs de carnets de permis.
Voilà des années que l'on pose la question au sujet d'un système de commercialisation mixte, et les résultats révèlent un fort appui pour ce système. Il est insultant à l'égard de tous les producteurs de laisser entendre que nous ne savons pas ce que signifie un système de commercialisation mixte — et de ne pas avoir permis de poser cette question lors du dernier plébiscite l'été dernier. À plusieurs reprises des agriculteurs sont venus me voir pour dire que le système de commercialisation mixte signifie qu'il n'y pas de guichet unique. Ces agriculteurs sont comme moi fermement convaincus que la Commission canadienne du blé peut continuer de fonctionner.
Au cours des trois dernières années comme administrateur, j'ai constaté un affrontement constant entre la majorité des administrateurs et le gouvernement du Canada. C'est ce que nous avons constaté avec l'achat des laquiers en janvier dernier, et le plébiscite non exécutoire des agriculteurs qui a suivi. Une série de soi-disant rencontres de producteurs ont eu lieu l'été dernier où des groupes d'intérêts — y compris le Parti communiste du Canada — ont pu assister et répandre leur propagande, plus récemment avec la contestation judiciaire sur le projet de loi C-18, occasionnant ainsi davantage de dépenses pour les producteurs à même leur fonds commun.
Pour ajouter l'insulte à l'injure pour les agriculteurs, il y a eu la campagne de publicité dans l'Est du Canada qui a coûté 1,4 ou 1,5 million de dollars. Ce sont les agriculteurs qui ont dû payer pour cette campagne. Je remarque de plus en plus une déconnexion très claire entre les administrateurs du guichet unique et les autres administrateurs. J'estime que dans plusieurs cas, les décisions ont été prises lors de rencontres privées de ces administrateurs, et des résolutions ont été présentées aux réunions de la commission. Même avec un débat et une discussion, j'avais l'impression que la décision était déjà prise. Ils travaillent de plus en plus en tenant compte de leurs propres intérêts particuliers, et j'ai remarqué que cela était absolument ancré au sein de l'organisation, et que les communiqués de presse et les plans d'action étaient préparés bien à l'avance et qu'ils étaient automatiquement approuvés par la commission.
En conclusion, je ne peux pas et je ne vais pas dire à mes voisins comment gérer leur exploitation agricole et ce qu'ils doivent faire de leur blé et leur orge. Personne ne devrait avoir l'impression d'avoir le droit de me dire ce que je dois faire des céréales que je cultive. Je crois que ce n'est pas ainsi qu'une démocratie doit fonctionner.
Henry Vos, à titre personnel : Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée d'être ici aujourd'hui.
Je suis un agriculteur du Nord de l'Alberta ou de ce que nous appelons la région de Peace River. J'y exploite une ferme depuis 30 ans. Je savais lorsque j'étais enfant que je voulais devenir agriculteur. Je suis allé à l'université, j'ai obtenu un diplôme en agriculture et j'ai passé la plupart de mon temps depuis à faire de l'agriculture.
Je me suis présenté au poste d'administrateur de la Commission canadienne du blé parce que durant les années où j'ai fait de l'agriculture, j'ai vu un certain nombre de choses que je voulais voir changer au sein de l'organisation. De nombreux agriculteurs m'avaient parlé des choses qu'ils voulaient voir changer au sein de l'organisation.
Ils voulaient plus de contrôle sur leurs livraisons, de meilleurs contrats, moins de problèmes avec l'orge de brasserie, mais par-dessus tout, ils voulaient mettre un terme à l'ingérence politique au sein de l'organisation. Ils voulaient avoir une société de commercialisation des céréales.
J'ai été élu pour un deuxième mandat l'an dernier et j'ai passé cinq ans au conseil d'administration. J'ai démissionné en octobre parce que je ne pouvais pas être d'accord avec l'orientation que prenait l'organisation. La commission a décidé de poursuivre le ministre de l'Agriculture et le gouvernement fédéral en raison des changements proposés à la loi étant donné les renseignements juridiques dont nous disposions à la commission et selon lesquels cela n'allait pas changer les résultats ni le calendrier des événements. À mon avis, c'est un véritable gaspillage de l'argent des agriculteurs. Je ne pouvais plus accorder ma crédibilité à l'organisation pour qu'elle continue de dépenser l'argent des agriculteurs de cette façon.
Le mandat de l'organisation est très spécifique. Elle doit assurer la mise en marché ordonnée du blé et de l'orge — seulement dans l'Ouest canadien, au fait. Le conseil d'administration semble avoir complètement oublié ce mandat et en a fait une cause politique dont le seul objectif est de garder le monopole. Cela me préoccupait énormément. Non seulement il y a des coûts directs liés à cette contestation et à la campagne de publicité qu'a mentionnée M Nielsen, mais il y a aussi un coût indirect pour les agriculteurs au plan de l'incertitude, de la confusion et du manque de clarté pour l'avenir. Je pense que cela représente un coût beaucoup plus élevé pour les agriculteurs à l'heure actuelle. Par exemple, permettez-moi de vous expliquer que pour la mise en marché du canola, j'ai déjà vendu une partie de ma récolte de 2012, une récolte que je ne vais pas planter avant encore cinq mois. J'ai choisi un délai de livraison et un prix que je trouve acceptables. Cette option n'est pas offerte pour la mise en marché du blé et de l'orge à l'heure actuelle. Nous sommes dans une zone grise maintenant. La Commission canadienne du blé n'est pas en mesure de faire des ventes futures à cause de l'incertitude, et il est en fait illégal pour les producteurs de faire des ventes aujourd'hui.
Bien sûr, dans le milieu des agriculteurs, on est préoccupé par le prix des cultures de l'année prochaine ainsi que par les questions relatives à la gestion du risque. Cette question à elle seule représente l'une des raisons pour lesquelles le projet de loi devrait être adopté très rapidement.
Les agriculteurs n'ont pas joui d'une liberté de commercialisation de leur propre blé ou orge depuis 70 ans. Ce projet de loi représente une transition d'un modèle d'organisation obligation à un modèle à adhésion volontaire. Les agriculteurs auront le choix de vendre leurs produits à cette organisation facultative ou en utilisant tout autre mécanisme de leur choix. Si les agriculteurs veulent utiliser un moyen collectif de commercialisation, ils pourront toujours avoir recours à cette nouvelle organisation à adhésion volontaire. Cette option a constamment été réitérée dans les premiers choix énoncés par les agriculteurs au cours d'enquêtes menées durant les 10 dernières années par la Commission canadienne du blé. Enfin, c'est ce que j'en sais.
J'aimerais soulever plusieurs points, mais tout d'abord, je tiens à parler de la prime reliée à la vente à guichet unique. La Commission canadienne du blé et ses partisans nous donnent constamment des renseignements au sujet de la prime reliée à la vente à guiche unique. J'ai fait partie du conseil d'administration pendant cinq ans, j'ai siégé au Comité de vérification, de finances et gestion du risque et je peux vous affirmer qu'un certain nombre d'administrateurs ont continuellement réclamé des preuves claires et solides de l'existence d'une prime reliée à la vente à guichet unique. Nous voulions des preuves irréfutables de la valeur ajoutée qu'offrait la commission aux agriculteurs.
Cette preuve n'a jamais été présentée. Des études ont été réalisées par divers économistes bien rémunérés qui nous ont fourni des formules empiriques sur la façon d'en arriver à ces primes, mais nous n'avons jamais obtenu de preuves directes et solides. Ce matin, quelqu'un a avancé une statistique selon laquelle il y aurait eu une baisse de 25 p. 100 du nombre d'acres exploités. Au cours des 40 dernières années, je crois qu'il est assez juste d'affirmer que c'est le nombre correspondant à la quantité d'acres de blé cultivé dans l'Ouest canadien.
Depuis 1961, le blé, à titre de pourcentage des revenus des agriculteurs, a connu une baisse, passant de 80 p. 100 à 40 p. 100 des revenus des céréaliculteurs.
Ces données, ainsi que celles portant sur la hausse du nombre d'acres consacrés aux légumineuses et au canola prouvent clairement, compte tenu des marchés mondiaux du blé qui ne cessent de croître et du nombre croissant d'acres consacrés au blé dans d'autres pays, que l'organisation ne fait pas du bon travail pour les agriculteurs par rapport aux autres organismes de commercialisation ou à d'autres méthodes employées à l'étranger.
Je crois que ce projet de loi permet une bonne transition d'un monopole obligatoire à une option volontaire. Je crois également que les administrateurs nommés dans le projet de loi qui s'occuperont de la transition de trois à quatre ans permettront adéquatement d'effectuer cette transition vers la création d'une nouvelle entité. On n'a pas encore déterminé quelle sera cette nouvelle entité ni son organe de gouvernance, mais la phase de transition devrait être bien gérée à mon avis par le groupe d'administrateurs nommés. Ainsi, l'aspect politique est retiré de l'organisation.
Bref, le contrôle qu'exerçait une institution sanctionnée par le gouvernement sur les producteurs de blé et d'orge ne s'avère plus nécessaire. À mon avis, tous ceux qui réclament à cor et à cri un meilleur choix pour les agriculteurs ne cherchent qu'à maintenir une organisation politique de gauche financée par les agriculteurs. Cela n'a rien à voir avec la commercialisation du blé et de l'orge.
Enfin, je n'ai vu aucune preuve solide des primes reliées à la vente à guichet unique, si ce n'est sur des modèles théoriques et empiriques.
Le sénateur Plett : Messieurs, je vous remercie. Mon intervention sera brève. Nous avons entendu le camp de l'opposition affirmer à maintes reprises, et ce, dans notre enceinte ou dans l'autre, qu'il s'agisse des collectivités, des agriculteurs ou de tout autre sujet que l'argent des contribuables n'avait jamais été à risque avec la Commission canadienne du blé. Or, nous savons que le gouvernement a versé des millions de dollars par le passé pour soutenir la Commission canadienne du blé et ses échecs de commercialisation.
C'est en fait le gouvernement qui nomme le président et les quatre autres administrateurs, qui garantit les comptes de mise en commun et qui constitue le seul actionnaire de la Commission canadienne du blé. D'après vous, pourquoi certains administrateurs affirment-ils que la Commission canadienne du blé est la propriété des agriculteurs et est gérée par ces derniers, alors que pour ce soit entièrement vrai, il faudra qu'elle soit privatisée comme c'est proposé dans le projet de loi pour qu'elle ne soit plus sous le contrôle du gouvernement?
M. Vos : Je m'explique mal pourquoi certains administrateurs ou certaines personnes affirment que la Commission canadienne du blé est la propriété des agriculteurs. Ce n'est manifestement pas le cas. Le conseiller juridique de la commission est très clair là-dessus. La commission n'appartient pas aux agriculteurs.
Deuxièmement, vous avez raison au sujet des sommes investies par le gouvernement. Je crois que près de 1,4 milliard de dollars ont été investis dans la Commission canadienne du blé pour renflouer les déficits dans les comptes de mise en commun depuis sa création. L'argent des contribuables est effectivement risqué dans la garantie des paiements initiaux.
La structure de gouvernance et de propriété de la nouvelle entité n'a pas encore été décidée, mais je suis favorable à ce qu'elle appartienne aux agriculteurs. En pareil cas, la structure reste à être déterminée.
Le sénateur Plett : Nous savons que le conseil d'administration de la Commission canadienne du blé a traversé une période assez tumultueuse. Au fil des ans, le conseil s'est généralement divisé en groupes de sept et de huit administrateurs respectivement s'agissant du choix entre un monopole et une liberté de commercialisation.
Vous avez tous deux démissionné. Pourquoi? J'aimerais savoir si vous avez été bâillonnés dans vos fonctions d'administrateur. Dans l'affirmative — et j'ai d'ailleurs écouté vos témoignages dans l'autre endroit, alors j'ai une bonne idée de votre réponse —, comment ont-ils pu vous bâillonner sur vos positions à l'égard de la liberté de commercialisation alors que vous avez été élus à titre d'administrateur responsables de la liberté de commercialisation?
M. Nielsen : À certains moments, l'influence était très forte, bien que plus faible que sous la gouverne de notre ancien directeur, Jim Chatenay. Des tactiques musclées ont été employées contre M. Chatenay. M. Vos et moi-même avons subi cette pression lorsque nous avons essayé d'exprimer notre point de vue aux membres de nos districts qui ont voté pour nous l'été dernier après ce que je qualifierais de « tournée de spectacles dans le cadre des réunions avec sept producteurs ». Je suis désolé, mais pour moi, il s'agissait d'une tournée de spectacles. Cela n'avait rien à voir avec une Commission canadienne du blé tournée vers l'avenir et progressiste à l'égard des agriculteurs.
J'ai été accusé d'avoir enfreint le code de déontologie et si je n'avais pas démissionné, on ne m'aurait pas permis de participer aux réunions du conseil d'administration en novembre.
M. Vos : J'ai remis ma démission parce qu'il y avait une accumulation de problèmes. À titre de membre du conseil d'administration, j'estimais qu'il était de ma responsabilité d'essayer d'aplanir les divergences d'opinions au sein de la direction de l'organisation en salle de réunion plutôt que sur la place publique. Je me suis aperçu qu'aucun rapprochement de mes positions par rapport à celles de la direction de l'organisation n'était possible. De plus, la poursuite judiciaire a été la goutte qui a fait déborder le vase, alors j'ai remis ma démission.
C'est intéressant que vous souligniez la question du bâillon. L'organisation, à bien des égards, se targue de fonctionner de façon démocratique, mais certains affirmeront, moi y compris, qu'il lui arrive de se transformer en une sorte de dictature de temps à autre. En d'autres termes, si certaines personnes n'aiment pas ce que vous dites, vous serez réprimandés. J'en ai fait l'expérience. On m'a empêché de participer à des rencontres avec l'industrie au nom de la Commission canadienne du blé pendant trois mois.
Le sénateur Plett : Donc, si j'ai bien compris, vous avez fait campagne en affirmant votre appui pour la liberté de commercialisation et la commercialisation mixte lorsque vous avez brigué les suffrages pour le poste d'administrateur à la Commission canadienne du blé?
M. Nielsen : Oui.
M. Vos : J'ai été très clair auprès de ceux qui m'ont élu et je leur ai très bien expliqué ce que je cherchais à faire. J'ai estimé qu'il était approprié de leur communiquer ce que je ressentais après mon élection, mais certains ont cru que c'était inapproprié.
Le sénateur Peterson : Monsieur Nielsen, vous avez été puni et on vous a empêché d'assister aux réunions du conseil, s'agit-il d'une décision unanime de la part des membres du conseil?
M. Nielsen : Je ne peux pas répondre. On m'a demandé de quitter la salle de réunion à ce moment-là. Peut-être que M. Vos pourrait répondre à votre question.
M. Vos : Non, ce n'était pas une décision unanime, j'ai d'ailleurs voté contre.
Le sénateur Peterson : Vous avez parlé du fait que la Commission canadienne du blé constituait un monopole. Croyez-vous que Canpotex est également un monopole?
M. Vos : Je ne connais pas très bien le secteur des engrais, alors je ne veux pas prétendre connaître cette industrie de la Saskatchewan.
Le sénateur Peterson : Vous avez parlé de commercialisation mixte et du fait que les agriculteurs sont fortement favorables à ce système. Pourtant, les administrateurs élus au conseil sont favorables au guichet unique. Comment est- ce possible? Si la majorité des agriculteurs souhaitent un système de commercialisation mixte, pourquoi n'élisent-ils pas des administrateurs qui défendent cette position?
M. Vos : Je crois que vous avez en fait mis le doigt sur l'un des principaux problèmes que l'organisation connaît depuis un certain nombre d'années et qui est probablement la cause des questions dont nous sommes saisis aujourd'hui. Cela est lié à la composition de l'électorat et à la structure de la commission.
Il existe une différence fondamentale entre l'électorat des administrateurs et les agriculteurs qui ont affaire à la commission. La liste des électeurs comprend tous les titulaires de carnet de livraison en plus de toutes les parties intéressées, qui, faute de meilleurs descriptifs, sont essentiellement des propriétaires terriens qui louent leur terre contre une partie des récoltes. Les parties intéressées ne prennent pas de décisions réelles relativement à la commercialisation des céréales ou aux types de cultures, dans la plupart des cas, et ce, sur le terrain, mais ils ont le droit de voter à l'élection des administrateurs. C'est là l'une des parties du problème.
Deuxièmement, nous savons que de 17 000 à 18 000 agriculteurs représentent 80 p. 100 des producteurs de céréales dans l'Ouest du Canada. La liste des électeurs comprend de 66 000 à 68 000 personnes, alors qu'il n'y a que 17 000 à 18 000 électeurs qui sont effectivement les agriculteurs qui cultivent plus de 80 p. 100 des céréales. Il y a donc une différence fondamentale entre les intervenants au nom desquels l'organisme agit et ceux qui ont le droit de la diriger par le biais de l'élection des administrateurs. Cette question a été soulevée au dernier plébiscite.
Le sénateur Peterson : Je croyais que la démocratie ne prenait qu'une seule forme, mais je constate qu'il y a deux classes d'agriculteurs. Vous dites que la Commission canadienne du blé n'appartient pas aux agriculteurs ni n'est dirigée par ces derniers, de plus ce n'est ni une société d'État ni une entité du Parlement. Quelle est donc sa nature?
M. Vos : La description technique, dans la Loi sur la Commission canadienne du blé, c'est une « société à gouvernance partagée ». Le gouvernement nomme cinq administrateurs et les agriculteurs en nomment 10.
Le sénateur Peterson : La commission est-elle dirigée par les agriculteurs?
M. Vos : Sous l'angle des 10 administrateurs élus par les agriculteurs qui constituent une majorité au conseil, on peut dire que oui.
Le sénateur Peterson : Vous avez déclaré être ravi de voir l'aspect politique éliminé de la Commission canadienne du blé. Or, le fait que le gouvernement nomme cinq administrateurs n'ajoute-t-il pas un aspect politique à la commission à participation volontaire?
M. Vos : Comme je l'ai dit dans mes remarques, le groupe d'administrateurs nommés est excellent pour réaliser la phase de transition vers une nouvelle entité, comme le prévoit le projet de loi. Ce groupe de personnes nommées est bien indiqué pour réaliser ce travail.
Le sénateur Peterson : Je ne sais pas qui fera partie de ce nouveau conseil. Ne seriez-vous pas préoccupé si la commission à participation volontaire échoue à l'avenir?
M. Vos : D'après ce que j'ai vu de l'organisme, il y a d'excellents employés dans l'immeuble de Winnipeg. Ils entretiennent de bons contacts et connaissent les clients qui achètent notre blé, même par leur prénom dans bien des cas, et même s'ils viennent d'un peu partout au monde. C'est dans cet immeuble qu'on trouve certains des meilleurs agents de logistique ou de finances qui soient. Je ne crois pas que la commission va échouer à l'avenir. Je me demande plutôt quel type de réussite elle connaîtra et quelle sera la vision de cette nouvelle organisation.
Certains avancent que la commission n'a pas assez d'actifs, mais je crois qu'elle dispose d'actifs extraordinaires. Dans le milieu des affaires, on comprend que ce sont les employés qui sont au cœur d'une entreprise.
M. Nielsen : Je suis totalement d'accord. Revenons sur ce qui a été dit durant le premier exposé : de nombreux intervenants de taille moindre, comme les silos terminaux de l'intérieur et d'autres entreprises de manutention des grains, pourront mieux travailler avec la nouvelle entité à l'avenir. Comme M. Vos l'a dit, de nombreux contacts de la commission veulent avoir affaire à une seule personne, et non pas cinq ou six grands intervenants comme Cargill, ADM, James Richardson, et cetera. Ils ne veulent avoir affaire qu'à une seule entité, et par conséquent, je suis entièrement d'accord avec M. Vos lorsqu'il affirme que la force, les contacts et les renseignements détenus par la commission lui permettront de bien réussir à l'avenir.
Le sénateur Peterson : Je pose cette question parce qu'hier nous avons demandé à des représentants ce qu'ils avaient l'intention de faire au sujet des garanties financières et de l'accès réglementé aux voies ferrées. Ils n'avaient pas de réponse à notre question. Tout semble indiquer qu'il n'y a ni vision ni plan. Pour moi, c'est une préoccupation, et ça devrait l'être également pour vous.
Le sénateur Eaton : Le ministre Ritz a déclaré dans le cadre d'une réponse à une question posée par le sénateur Peterson qu'il allait laisser les cinq administrateurs décider du plan de transition.
Étant donné que, tous les deux, vous vivez de l'agriculture et que vous vous apprêtez à passer à un nouveau chapitre si le projet de loi reçoit la sanction royale avant Noël, pouvez-vous nous dire en quoi vos vies vont-elles changer? Monsieur Vos, que ferez-vous de différent?
M. Vos : Je présume que vous allez adopter le projet de loi. En ce qui a trait au blé et à l'orge, nous verrons immédiatement des occasions d'affaires qui ne se présentaient pas à nous auparavant.
Le sénateur Eaton : Des témoins précédents nous ont répété à maintes reprises que ce sera difficile pour les agriculteurs. Personnellement, qu'est-ce qui sera différent sur votre ferme après le 1er janvier?
M. Vos : Je commencerai directement à chercher des offres pour vendre mon blé à l'automne 2012.
Le sénateur Eaton : Cultiverez-vous davantage de blé, non seulement comme une culture d'assolement, mais également comme une culture céréalière en soi?
M. Vos : Cela dépendra des prix offerts et de la comparaison avec les cultures de rechange comme le canola. Je prendrai ma décision en fonction de facteurs économiques quant à mon exploitation agricole.
Le sénateur Eaton : Vous le ferez chaque année.
M. Vos : Oui. Cette année, je comparerai un certain nombre de prix pour le blé et je déterminerai quelle offre est la meilleure.
Le sénateur Eaton : Et vous, monsieur Nielsen?
M. Nielsen : Ma vision s'étale sur quelques années. Mes terres sont très productives, mais je ne peux pas cultiver de variétés de blé à haute teneur en protéines. Nous cultivons davantage de blé fourrager et d'orge de brasserie. Imaginez que je puisse négocier directement avec le brasseur plutôt que de passer par un intermédiaire. Le brasseur va s'assurer qu'il obtient un produit de qualité, car je cultiverai un produit de qualité pour lui. Les consommateurs, à leur tour, obtiendront un produit brassé de qualité.
En ce qui a trait à la création de variétés, nous avons constaté la création au fil des ans de nouvelles espèces de canola et de légumineuses à grains. Cet accroissement a permis également de répondre à des besoins spéciaux de nouveaux oléagineux et légumineuses à grains ayant des caractéristiques positives pour la santé, notamment. Je crois que ce sera le cas pour bon nombre d'espèces de blé et d'orge également. Certaines personnes — et d'après moi ce ne seront sans doute pas les producteurs de blé à forte teneur en protéines qui sont fort réputés pour la qualité de leurs produits chez nos clients — pourraient tirer davantage profit des occasions de produire du biocarburant. Je vois beaucoup de potentiel de croissance à l'avenir.
Le sénateur Eaton : Hier, des témoins nous ont dit qu'ils s'attendaient à ce que davantage de recherches soient faites pour créer de nouvelles espèces de blé à cultiver au Canada, parce qu'en ce moment elles sont cultivables aux États- Unis compte tenu de l'interdiction imposée par la Commission canadienne du blé.
M. Nielsen : Oui, en effet.
Le sénateur Eaton : Cela devrait donc aider à la recherche.
M. Nielsen : Oui.
Le sénateur Eaton : Est-ce que cette perspective vous emballe, à vous deux qui êtes agriculteurs?
M. Vos : Oui.
M. Nielsen : Oui, absolument.
Le sénateur Robichaud : Moi, pour ma part, je ne peux pas dire que je suis emballé en ce moment par ce qui va se produire, mais enfin, nous verrons tous ce qui se passera à notre manière.
Le conseil actuel compte 10 membres élus par les agriculteurs — les producteurs — et cinq membres nommés. Le conseil de transition sera composé de cinq membres nommés.
Vous avez dit que l'aspect politique ne fait plus partie des décisions de la commission lorsque vous avez répondu à une question du sénateur Peterson. N'aurait-il pas été préférable d'avoir un nombre égal de membres élus et de membres nommés, car, pour le moment, le conseil de transition a une représentation déséquilibrée, n'est-ce pas?
Je suis certain qu'il se trouvait parmi les membres élus, bien que vous ne soyez pas d'accord avec ces derniers, certains bons administrateurs. Qu'en dites-vous?
M. Vos : Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, la majorité du groupe nommé a fait partie du conseil pendant plus de trois ans et un certain nombre de ces administrateurs étaient soit des agriculteurs ou ont travaillé dans l'industrie céréalière pendant un certain temps. Ils ont à leur actif beaucoup d'expérience dont le conseil de transition pourra profiter. Par exemple, l'un d'entre eux est un ancien agent principal des finances d'une société céréalière, soit un atout très précieux dans la gestion financière de l'organisation.
L'objectif de ce conseil, tel qu'il est prévu par la loi, consiste à transformer l'organisation en une nouvelle entité. Cette nouvelle entité disposera de sa propre structure de gouvernance. Je crois que le groupe nommé pour réaliser la phase de transition est compétent et qu'il mettra de côté la politique pendant la période de transition.
Le sénateur Robichaud : Moi, je ne crois plus au père Noël. Monsieur Nielsen, voudriez-vous ajouter une remarque?
M. Nielsen : Je suis d'accord avec M. Vos. Je crois que c'est la meilleure équipe qu'on puisse se donner. Comme M. Vos l'a dit, les membres disposent d'une très solide expérience et sont fort respectés par toute l'industrie.
Je ne crois pas qu'ils vont passer beaucoup de temps à la phase de transition. Ils vont réaliser le travail plus tôt que tard, et n'attendront pas quatre ans pour s'acquitter du mandat proposé. Je crois fermement qu'ils veulent permettre aux agriculteurs de réintégrer le système sous forme de coopérative ou sous toute autre forme. J'ai bien hâte que cela se produise.
Le sénateur Robichaud : Si j'ai bien compris, vous estimez que les autres membres élus ne disposent pas du même type d'expertise malgré le temps passé à travailler à la Commission et à en connaître les tenants et aboutissants?
M. Vos : Le problème avec les membres élus, c'est qu'ils participeraient à la phase de transition en se fondant sur leur position passée. J'ai pu constater, depuis que ce gouvernement a obtenu sa majorité, que ce groupe n'a pour unique objectif que de maintenir la structure actuelle de la commission. Je crois que cela poserait véritablement problème de donner à ce groupe le mandat de gérer la transition.
Le sénateur Robichaud : Il me reste une question sur le fonds de réserve. À qui cet argent appartient-il?
M. Vos : Le fonds de réserve a été établi il y a un certain nombre d'années en garantie aux programmes d'options de paiement aux producteurs. Ces programmes constituent un différent type de contrats de commercialisation ou de fixation des prix offerts aux agriculteurs. Or, ces contrats présentaient un risque pour l'organisation dans le cadre de son administration et de la gestion du risque, alors le fonds de réserve a été créé pour servir de garantie à ces programmes.
Le fonds a surtout été alimenté par les primes de risque qui ont été perçues aux agriculteurs dans le cadre des contrats de fixation de prix. La majorité des sommes imputées au fonds de réserve proviennent de ce mécanisme. D'autres sommes proviennent des transactions de céréales en espèces réalisées par la commission.
Les agriculteurs qui signaient un contrat de fixation des prix recevaient la valeur prévue dans le contrat. Par exemple, si un agriculteur a signé un contrat avec la Commission canadienne du blé pour obtenir 5 $ du boisseau, on lui versait 5 $ du boisseau. Par ailleurs, ce prix comprend une prime fondée sur le risque calculée par la commission. Cette prime de risque était ensuite versée dans le fonds de réserve. Par conséquent, le fonds de réserve est principalement constitué de ces sommes.
Tous les agriculteurs ont reçu la totalité des sommes prévues par contrat, soit par la vente à partir du compte de mise en commun ou par les options de fixation des prix. Les agriculteurs ont été entièrement payés. Essentiellement, ce fonds de réserve appartient à la Commission canadienne du blé.
Le sénateur Robichaud : Qui représente les agriculteurs?
M. Vos : Non, qui représente le gouvernement. La commission est une organisation à gouvernance partagée.
Le sénateur Robichaud : J'aurais tendance à penser que cet argent devrait être remis aux agriculteurs qui ont versé ces sommes dans les circonstances que vous avez décrites.
M. Vos : Comme je l'ai dit, tous les agriculteurs ont reçu l'argent qui leur était dû. Il s'agissait d'une prime de risque calculée qui a été planifiée et ajoutée pour alimenter le fonds de réserve qui sert de garantie.
Le sénateur Robichaud : Oui, je comprends cette partie de l'explication.
M. Vos : Je comprends votre question. Ce fonds constitue un actif de l'organisation, tout comme les sommes qui ont été versées pour acheter des cargos hors mer, cargos qui constituent également les actifs de l'organisation.
La question a été soulevée par certaines personnes, à savoir si nous devrions liquider tous les actifs, y compris l'immeuble à Winnipeg, et verser les recettes de ces ventes aux agriculteurs de l'année dernière, en se fondant sur une formule donnée. En réalité, ces fonds n'appartiennent pas spécifiquement aux agriculteurs. Il s'agit d'actifs de l'organisation qui ont été accumulés grâce aux programmes en place.
L'une des façons de reconnaître ce fait serait de transférer les actifs à la nouvelle organisation, qu'il s'agisse du fonds de réserve, des cargos ou des immeubles.
Le sénateur Ogilvie : Compte tenu du temps qu'il reste, je ne poserai qu'une seule des deux questions que j'avais.
J'aimerais parler de la question de la gouvernance. La structure du conseil comprenait 10 administrateurs élus et cinq administrateurs nommés. Ce conseil administre l'organisation, mais il n'y a qu'un seul actionnaire, si je ne m'abuse, et c'est le gouvernement du Canada?
Nous avons entendu dire que la Commission canadienne du blé détient un fonds de réserve qui a été établi pour régler certains problèmes. Toutefois, nous avons également entendu dire qu'au fil des années, le gouvernement du Canada a investi environ 1,2 milliard de dollars pour couvrir des déficits liés aux activités de la commission.
Il me semble que si l'on cherchait à répartir le fonds de réserve, en plus des agriculteurs qui, peut-être un jour, pourraient tenter un recours collectif, ne serait-il pas logique que l'actionnaire tienne compte des risques que ces agriculteurs ont encourus? De plus, le gouvernement du Canada n'est pas une entité, il s'agit en fait des contribuables du Canada qui sont représentés par leur gouvernement. Cet argent provient directement des poches des contribuables canadiens
Pour ce qui est de la question concernant la propriété de la société, c'est-à-dire qu'un actionnaire a investi 1,2 milliard de dollars pour couvrir des déficits, et ne serait-il pas raisonnable que ce dernier s'attende à être inclus dans la question du fonds de prévoyance?
M. Vos : On ouvrirait une boîte de Pandore si on disait que le gouvernement devrait avoir des droits sur le fonds de réserve. Je ne crois pas que cela serait très bien reçu.
Ensuite, les contributions qui ont été faites pour couvrir les différents déficits communs qui se sont accumulés au fil des ans ont été faites sur une base annuelle. Pour chacune de ces années, le gouvernement avait son mot à dire dans l'établissement des paiements initiaux. En fait, il donnait l'approbation finale des paiements intérimaires et ensuite un déficit était contracté. J'aurais tendance à dire que les paiements précédents qui ont été faits par le gouvernement pour l'organisation étaient des paiements pour couvrir les différents manques à gagner qui se produisaient à des moments particuliers. Cet argent a été versé aux agriculteurs au cours de ces années.
Par ailleurs, vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que le gouvernement, c'est les contribuables. Je suis fier d'avoir été contribuable toute ma vie et je continuerai de l'être à l'avenir.
Le sénateur Ogilvie : Je vous remercie de votre réponse.
Le sénateur Mercer : Au cours des derniers jours, j'ai été impressionné par le nombre de gens qui de façon générale semblaient s'opposer à la Commission canadienne du blé — ou tout au moins être en faveur du projet de loi à l'étude et de ne pas maintenir le statu quo — et qui ont parlé du fait qu'il y avait de très bons employés à la Commission canadienne du blé, de la qualité de ces gens et de leur capacité à faire leur travail. L'une des choses qui me préoccupent, c'est le fait qu'après tout, ces gens se retrouveront sans emploi.
Je suppose, d'après ce que vous avez dit tous les deux, que si le projet de loi est adopté et que la Commission du blé est changée et que vous avez la possibilité de vendre ailleurs, étant donné que vous faites confiance aux gens de la Commission du blé, vous allez continuer de procéder comme vous le faites à l'heure actuelle et vendre vos produits en passant par la Commission du blé?
M. Vos : Comme je l'ai mentionné à l'autre sénateur, le 1er janvier, je verrai qui m'offre le meilleur prix. J'espère sincèrement que ce sera la nouvelle entité qui pourra faire cela.
On a dit que 12 000 personnes se retrouveraient sans emploi. Il y a 430 personnes qui travaillent à la Commission du blé à quelque 10 personnes près, selon qui va et vient. S'il y a une période de transition étant donné le changement de structure et le nombre de personnes dont on aura besoin — et avec le même nombre de transactions qui seront effectuées au Canada —, je m'attends à ce que l'industrie privée devra embaucher des gens également si elle se retrouve avec une partie des transactions qui étaient effectuées auparavant par la commission. Par ailleurs, je pense que nous allons voir un intérêt considérable dans la valeur ajoutée dans l'Ouest canadien, dans des usines de transformation. Nous avons déjà constaté que c'était le cas. Ces endroits auront besoin de gens. Je pense qu'il y aura une augmentation de l'activité économique et du nombre d'emplois.
M. Nielsen : Comme M. Vos l'a mentionné, je crois que mon exploitation agricole doit évaluer toutes les options, comme doivent le faire toutes les autres exploitations agricoles. Nous avons déjà entendu dire que certaines entreprises céréalières privées envisagent peut-être organiser des syndicats. C'est l'un des points forts de la Commission canadienne du blé. J'envisage une nouvelle Commission canadienne du blé qui à l'avenir exploiterait des syndicats. Il y a un bon programme de gestion du risque pour bon nombre de producteurs qui ne veulent pas y participer. Je reçois des messages textes quatre fois par jour au sujet des prix au comptant. Il y a bien des gens qui ne veulent pas faire cela. Ils préfèrent envisager ces positions plus confortables. Je pense qu'une nouvelle entité et certaines entreprises de commercialisation du grain privées pourraient faire cela.
En ce qui concerne les emplois, à titre de directeur de l'Union des producteurs de grains, lorsque nous avons été achetés par le Syndicat du blé de la Saskatchewan, qui a créé Viterra, nous avions plus de 500 employés à Winnipeg. Ils ont tous perdu leur emploi et l'industrie les a absorbés parce qu'ils étaient compétents.
Le sénateur Mercer : Vous avez passé beaucoup de temps à parler du transport. Les témoins précédents nous ont parlé de l'importance de pouvoir transporter le produit de la ferme jusqu'au marché. Nous savons que la Commission du blé gère actuellement tout cela. Nous supposons que lorsque ce changement sera effectué, s'il est effectué, la commission ne fera plus cela, et vous dépendrez du libre marché pour ce qui est de la disponibilité des wagons. Ne craignez-vous pas que ce soient alors les plus gros producteurs qui prendront le contrôle et que les petits et moyens producteurs seront laissés pour compte ou devront payer le prix fort pour obtenir les wagons dont ils ont besoin?
M. Vos : Je ne suis pas un expert dans le domaine des transports. Je crois comprendre que plus tard vous allez entendre un groupe de témoins qui pourraient peut-être tirer les choses plus au clair pour vous. La Commission du blé a un rôle à jouer dans la distribution ou l'allocation des wagons de la Commission canadienne du blé. Je crois que les entreprises privées négocient déjà leurs propres allocations et leurs propres besoins pour les wagons qui ne relèvent pas de la commission. Vous pouvez peut-être obtenir des précisions à cet égard plus tard.
[Français]
Le sénateur Rivard : Merci monsieur le président. Ma question sera assez courte. Les témoins qui ont comparu avant vous, M. Ferré et les producteurs de la Saskatchewan entre autres, nous ont affirmé, ou on doit traduire, qu'ils avaient l'impression que s'il y avait eu consultation auprès des utilisateurs, les producteurs, ce projet de loi ne serait jamais adopté et qu'une majorité aurait voté en faveur du statu quo.
Un peu plus tôt, j'ai entendu M. Vos témoigner du contraire. Il avait l'impression que, s'il y avait une consultation, une majorité aurait été en faveur bien du projet de loi C-18.
Est-ce qu'on peut quand même reconnaître qu'un gouvernement élu démocratiquement, avec une majorité écrasante dans les trois provinces les plus concernés, ont la légitimité de déposer un projet de loi comme celui-là, tout en respectant les témoins? Le comité de la Chambre des communes a apprécié le témoignage et nous au Sénat, nous faisons la même chose. En résumé, est-ce que le gouvernement est légitimé de déposer un projet de loi tel quel?
[Traduction]
M. Vos : D'après les renseignements juridiques que j'ai obtenus, je crois que le gouvernement a fait ce qu'il convient qu'un gouvernement fasse dans un tel cas. Je pense que nos tribunaux nous aideront à cet égard.
Le président : Absolument. Merci.
Le sénateur Mahovlich : Le Japon est l'un des pays les plus favorisés du Canada pour ce qui est de l'achat de blé. Le Japon achète 40 p. 100 de notre blé et c'est un blé de qualité. La Commission canadienne du blé a établi cette norme. Le Japon a tenté d'acheter du blé des États-Unis, mais il est constamment revenu l'acheter au Canada en raison de la qualité de notre produit. Nous avons le meilleur blé au monde, et le Japon en achète 40 p. 100.
Lorsque la Commission canadienne du blé n'existera plus et que nous aurons cette nouvelle entité, ne craignez-vous pas que nous perdions cet acheteur?
M. Nielsen : Je ne suis pas vraiment d'accord avec cette observation, monsieur. Ce sont les agriculteurs de l'Ouest canadien qui produisent la meilleure qualité de blé, non pas la Commission du blé. Nous allons continuer de produire la meilleure qualité de blé. Si le Japon veut toujours l'acheter, nous allons continuer de leur vendre ce blé.
Le sénateur Mahovlich : Le prix va-t-il augmenter, ou est-ce à la nouvelle entité d'établir le prix?
M. Nielsen : La nouvelle entité établira des prix qui sont plus transparents. Nous pensons que le Canada occupera un rang moins élevé sur le plan de la production du blé parce que d'autres pays augmentent leur production, notamment l'ancienne Union soviétique. Je crois que nous sommes maintenant passés au quatrième rang parmi les producteurs de blé. Nous devons opposer une vive concurrence, peu importe le marché. Nous avons les meilleurs produits, mais on nous a dit ce matin que nous faisions partie des producteurs les plus éloignés des ports pour transporter ce meilleur produit. C'est donc un défi pour nous. Nous pouvons produire un produit de grande qualité, mais nous évoluons sur un marché mondial avec un plus grand nombre de concurrents.
Le sénateur Mahovlich : Nous ne serons plus le grenier du monde?
M. Nielsen : Malheureusement, non.
Le sénateur Duffy : Merci d'être venus ici aujourd'hui défendre la liberté.
Nous avons entendu beaucoup de choses ici au cours des derniers jours et à l'autre endroit — à la Chambre des communes — au sujet des craintes pour l'avenir. En vous écoutant aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de constater votre enthousiasme, alors que votre BlackBerry vibre constamment pour vous donner des rapports du marché au comptant pour les céréales. Vous semblez être enthousiaste face à l'avenir. Ai-je bien compris?
M. Nielsen : Je crois, oui. Je suis un petit producteur qui n'a qu'un peu plus de 1 300 acres. J'entreprends ma cinquantième année et j'aimerais continuer au moins pendant 10 ou 15 ans à vendre les céréales que je cultive, à les vendre du mieux que je le peux.
Le sénateur Duffy : En tant que petit agriculteur, vous sentez-vous menacé par la nouvelle réalité?
M. Nielsen : Non.
Le sénateur Duffy : Est-ce que l'un d'entre vous ou tous les deux croyez que face à cette campagne de peur que l'on mène à l'heure actuelle, la Commission canadienne du blé ou le gouvernement a assez bien expliqué aux petits producteurs en quoi consiste exactement ce concept de libre marché?
M. Vos : Je pense que le gouvernement a tenté de le faire, mais il y a une autre entité qui, en contrepartie, sème la peur et l'incertitude dans l'esprit des gens, et à mon avis, cette crainte et cette incertitude sont déraisonnables.
Je vous remercie de votre observation au sujet du concept de libre marché. Si vous avez une minute, monsieur le président, j'aimerais vous relater une histoire personnelle.
J'étais assis à l'arrière de la salle et j'ai vu quelqu'un qui portait le veston de la Légion. Je suis moi aussi membre de la Légion. Mon père a immigré au Canada en 1948. Il a passé toute son adolescence, de l'âge de 13 ans à l'âge de 18 ans, sous l'occupation en Europe.
Il est venu au Canada parce que le Canada a libéré son pays. Il est venu au Canada à cause de la liberté. Il est venu au Canada parce que dans ce pays, il pouvait être libre de mettre sur pied sa propre entreprise et de faire ce qu'il voulait. À ma connaissance, il a toujours exprimé des préoccupations du fait qu'une organisation puisse contrôler sa liberté.
Vous avez un choix à faire ici : donnez aux agriculteurs leur liberté ou les garder sous contrôle.
Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je voudrais vous remercier, monsieur Vos et monsieur Nielsen, d'avoir accepté de témoigner devant notre comité.
Honorables sénateurs, avant d'inviter le troisième groupe de témoins à venir présenter leur exposé, j'aimerais avoir l'accord des sénateurs pour que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts lève la séance entre 14 h 30 et 15 heures aujourd'hui afin de permettre au sénateur Mercer et au sénateur Eaton de s'acquitter de leurs responsabilités au Sénat. Cela me permettra par ailleurs d'informer le greffier de communiquer avec le quatrième groupe de témoins pour déterminer le temps qu'il leur sera alloué.
Les sénateurs sont-ils d'accord?
Le sénateur Ogilvie : J'ai une question. À quelle heure avec-vous l'intention de mettre fin à toute la séance?
Le président : Plutôt que de prendre fin à 15 heures, elle prendra fin à 16 heures.
Le sénateur Ogilvie : Je voulais tout simplement vous rappeler qu'un autre comité siègera ici à 16 h 15.
Le président : Nous aurons libéré la salle. Est-ce donc le consensus?
Le sénateur Tkachuk : La prochaine fois que j'aurai quelque chose à faire au Sénat, puis-je me faire remplacer et aller là-bas, et pourrions-nous lever la séance pendant que je suis là-bas?
Le président : Je respecterai les observations à ce sujet. Merci.
Encore une fois, je tiens à remercier les témoins d'être venus. Merci d'avoir accepté de venir rencontrer notre comité au sujet du projet de loi C-18. Honorables sénateurs, nous avons les témoins suivants : M. Lonny McKague, directeur, Red Coat Road and Rail.
[Français]
Nous recevons aussi, de Agro-Hall, M. Erwan Boubet, président.
[Traduction]
Nous recevons également M. Pat Nolan, gestionnaire principal des exportations.
[Français]
J'ai été informé par le greffier que la première présentation d'une durée de cinq minutes sera faite par M. Boubet pour être suivie de M. Nolan et McKague.
Erwan Boubet, président, Agro-Hall : Merci, monsieur le président.
Agro-Hall entretient des relations fructueuses avec la Commission canadienne du blé depuis un peu plus de 40 ans. L'entreprise fournit le financement, le transport et la documentation à l'appui des ventes de blé canadien de qualité supérieure pour le compte de nos meuniers et de nos clients, et ce, sur des marchés en grande partie spécialisés et à créneaux en Europe et surtout en Afrique.
À notre avis, la Commission canadienne du blé a contribué de façon importante à la promotion, au positionnement et à la commercialisation du blé canadien sur les marchés mondiaux concurrentiels. La valeur de la marque du blé canadien et des producteurs de blé ne saurait être surestimée. Elle a toujours été un élément central du succès en matière de développement des marchés pour les produits canadiens.
Dans notre cas, signalons qu'un grand nombre de ces marchés ont été développés en étroite collaboration avec la CCB. Il s'agit de marchés qui ont été développés et ravis à d'autres exportateurs de blé non canadiens, ce qui a permis d'ajouter de la valeur pour le Canada et ses producteurs de blé.
Au fil des ans, les exportations annuelles de blé canadien ont dépassé 800 000 tonnes, atteignant parfois un million de tonnes. Dans l'ensemble, toutefois, il s'agit d'un volume d'exportation qui nous définit comme un « petit joueur »; cependant, la CCB s'est révélée un partenaire des plus précieux dans le cadre de nos activités. Grâce à son apport, nous avons pu nous approvisionner sur une base égale et surtout concurrentielle. Il s'agit d'une considération critique pour les petits exportateurs spécialisés comme nous qui, somme toute, comptent pour une grande proportion du commerce total canadien des exportations de blé.
En ce qui a trait aux clients, les changements que l'on envisage d'apporter au système de guichet unique présagent un grand nombre de problèmes, notamment la possibilité que dans le cadre d'une nouvelle déréglementation, le libre accès continu aux approvisionnements en blé soit contrôlé par une oligarchie de grandes entreprises intégrées verticalement, propriétaires d'autres entreprises, qui, à leur tour, nous livrent une vive concurrence auprès de nos clients. En l'absence d'une CCB viable et stable à participation volontaire, il y a de fortes chances que ces clients se tournent vers d'autres fournisseurs et d'autres producteurs.
Cependant, une nouvelle CCB a un rôle primordial à jouer pour le producteur qui se retrouve devant un acheteur unique. Pour ce dernier, la liberté de vendre et de commercialiser des céréales devient alors une expression dénuée de sens surtout lorsque le producteur n'a aucun intérêt acquis dans cet acheteur unique ou vice versa.
[Traduction]
Pat Nolan, directeur principal des exportations, Agro-Hall : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Permettez-moi de poursuivre. Bien que nous aurions préféré conserver le régime actuel, nous devons accepter que le gouvernement a décidé de mettre fin au système de guichet unique compte tenu du projet de loi qu'il a déposé. Par conséquent, nous croyons qu'il est dans l'intérêt des agriculteurs de l'Ouest canadien et de tous nos importants consommateurs que le gouvernement crée un cadre réglementaire efficace qui favorisera et appuiera une Commission canadienne du blé à participation volontaire qui continuera à se poser comme un choix sensé et viable. Nous sommes donc heureux d'apprendre que le gouvernement est prêt à fournir à la nouvelle Commission canadienne du blé des garanties et des outils financiers pour les cinq premières années ainsi que de garantir des prix initiaux et des syndicats pour les agriculteurs. Nous devons féliciter le gouvernement d'avoir décidé de fournir ces outils extrêmement utiles et précieux pour la création d'une nouvelle CCB à participation volontaire. Par contre, en tant que clients internationaux, nous sommes toujours préoccupés par le fait que d'autres exigences tout aussi importantes pour donner lieu à une CCB viable et concurrentielle ne sont pas, selon notre compréhension limitée de la situation, traitées dans le projet de loi C- 18.
Une nouvelle CCB viable à participation volontaire doit être en mesure d'offrir des produits et d'entrer en compétition avec ses concurrents dans un contexte de règles justes et équitables. En tant qu'entité une CCB à participation volontaire doit offrir un accès équitable, garanti et réglementé aux silos, aux terminaux et aux ports. Par conséquent, le gouvernement doit être prêt à mettre sur pied un système non partisan de taux et d'accès équivalents à ce que les propriétaires d'installation offrent et déboursent pour leurs propres besoins. Sans un tel système en place, une CCB à participation volontaire sera tout simplement incapable d'exercer des activités ou d'entrer en compétition. En fait, elle mourra dès sa création. Il est inconcevable de penser ou d'espérer qu'une nouvelle CCB à participation volontaire pourra survivre, encore moins exercer des activités et être viable, sans un accès équitable, garanti et réglementé aux installations qui sont essentielles à son existence.
En Australie, la Commission australienne du blé a été privatisée en 1999. Bien que, au Canada, nous avions de grandes préoccupations par rapport à la concurrence et à l'accès aux céréales et au transport, l'Australie a créé un système efficace et efficient en partenariat avec le secteur. Ce système était régi et supervisé par l'Australian Consumer and Competition Commission. En vertu de ce système, des plaintes peuvent être formulées et, si nécessaire, traitées et interjetées en appel; l'arbitrage de conflits se fait rapidement et efficacement; et les amendes pour non-respect des règles sont sévèrement appliquées. Nous croyons fermement que le gouvernement du Canada devrait créer une structure similaire pour l'avènement d'une nouvelle CCB viable et à participation volontaire.
Au Canada, la propriété des installations en campagne, de terminaux et de ports est concentrée. Plus de 70 p. 100 des silos primaires ruraux et de 85 à 100 p. 100 des capacités d'exportation portuaire sont la propriété de trois compagnies seulement. Seul un autre joueur indépendant, fort et concurrentiel sur le marché peut lutter contre les problèmes de concurrence et d'accès aux produits que cette situation engendre.
C'est également primordial pour les agriculteurs, bien entendu, ainsi que pour le secteur en général, mais surtout, il est essentiel qu'il y ait un organe indépendant et viable pour assurer l'accès aux produits disponibles pour les acheteurs internationaux en particulier sur les marchés. Sans cet organe, le succès et la présence du blé canadien sur les marchés internationaux seront grandement compromis et mis en danger. Sans cela, le Canada sera perçu comme un fournisseur qui favorise certaines grandes compagnies et défavorise les petits clients et agents indépendants qui ne peuvent s'approvisionner ailleurs ou de manière concurrentielle. Le fait que ceux-ci représentent une grande part des exportations du Canada est la raison pour laquelle l'Australie a décidé et s'est vue obligée de créer le système dont j'ai déjà parlé. Je ne saurais trop mettre l'accent sur l'importance de cette question.
Nous remercions les membres du comité sénatorial d'avoir accepté ce mémoire supplémentaire pour l'étudier. Nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions ou à apporter des précisions. Nous vous remercions de nous avoir permis de vous parler aujourd'hui.
Lonny McKague, directeur, Red Coat Road and Rail : Bonjour honorables sénateurs. C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui pour vous parler, et ce, pour deux raisons. Premièrement, je représente un groupe de gens qui sont des résidants ruraux de la Saskatchewan très moyens et qui ont fait des choses extraordinaires dans leur vie.
Ces gens, dont je me suis entouré, font partie d'une communauté locale dans le Sud de la Saskatchewan et ont réussi de nombreuses choses; leurs victoires vont bien au-delà d'Ogema, de Pangman et de Viceroy en Saskatchewan, et même hors de la Saskatchewan. Il y a près de 13 ans, nous avons entamé des négociations avec la Compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique afin d'acquérir un tronçon de voie ferrée de 114 kilomètres de long partant de la ville de Pangman et se rendant presque jusqu'à Assiniboia. À l'époque, il existait une autre ligne ferroviaire de courte distance en Saskatchewan, mais aucune n'avait jamais été achetée. Les choses commençaient mal pour nous, c'est le moins qu'on puisse dire. Nous avons constaté que la Compagnie de chemin de fer du Canadien Pacifique suivait la loi à la lettre. C'était de très bons négociateurs, selon eux, mais ils étaient également justes à cause de la loi. Nous les en remercions. Nous avons pu acheter notre tronçon de chemin de fer après 18 mois de négociations, et nous l'exploitons depuis ce temps. Le prix d'achat du chemin de fer était d'un peu plus d'un million de dollars. Il a été difficile de trouver ce million de dollars, parce que la collectivité compte moins de 400 personnes. Nous avons dû obtenir du financement pour acheter le chemin de fer. Nous avons dû expliquer notre situation aux organisations financières et au gouvernement. Nous étions des pionniers. Les gouvernements provinciaux et fédéral, les administrations municipales et les banques apprenaient au fur et à mesure de nos expériences. La courbe d'apprentissage a été extrêmement raide, mais nous étions heureux d'être en tête parce que sinon, en quelques semaines, notre ligne ferroviaire aurait été démontée, vendue et prête à être reconstruite au Mexique ou aux États-Unis, ou alors récupérée pour son fer.
Depuis ce temps, notre chemin de fer réussit bien. Nous l'exploitons. Nous avons des installations le long du chemin de fer et des employés à temps complet. Nous avons construit des installations exploitées par les agriculteurs. À la demande des agriculteurs, nous avons construit des voies d'évitement à certains endroits. Je dirais que notre plan d'affaires comporte à 99,5 ou 100 p. 100 des wagons de producteurs qui contiennent du grain « commission ». Nous avons constaté que, sur le marché hors commission, les exploitants des silos ne sont pas intéressés à utiliser nos services parce que pour conserver les profits des wagons de producteurs, il faut éliminer l'intermédiaire, c'est-à-dire l'exploitant de silos. C'est de là que proviennent les revenus pour les wagons d'un producteur et les bénéfices pour les producteurs.
Ces 10 ou 11 dernières années, nous avons conservé entre 3,5 et 4 millions de dollars en économies pour nos agriculteurs locaux. Nous avons versé un peu plus de 400 000 $ en impôts fonciers et en taxes pour l'éducation à nos municipalités rurales locales. Nous avons permis aux entreprises de rester dans les villes et nous avons écrit une histoire de réussite que d'autres ont nettement reproduite. Je suis très fier des gens qui ont lancé ce chemin de fer et qui ont surmonté les problèmes pour en faire ce qu'il est aujourd'hui.
En date du 1er septembre, nous avons été en mesure de rembourser notre hypothèque originale et de placer de l'argent à la banque. Bien entendu, avec les inondations du printemps et les conditions météorologiques désastreuses dont vous avez tous entendu parler qui ont sévi dans le Sud du Manitoba et de la Saskatchewan, nous avons eu d'importants problèmes en ce qui concerne l'assiette des rails. Nous avons ajouté de la terre et construit des bermes là où il n'y en avait jamais eues auparavant, même pendant les sept années précédentes, lorsque le CFCP était propriétaire. Nous avons engagé des dépenses importantes, de sorte que nous atteignons près de 400 000 $ en terre déplacée l'été dernier afin que la voie ferrée puisse être remise en service. C'est un montant d'argent considérable, mais nous espérons que ce problème ne se reproduira plus et que nous avons bien réussi.
Toutefois, notre réussite dépend des wagons de producteurs. Le système actuel de marché libre n'a pas recours aux wagons de producteurs et, en fait, est fermement contre l'utilisation des wagons de producteurs; je ne sais toutefois pas pourquoi. Je ne connais pas les raisons de ces agissements. Les sociétés céréalières protègent les intérêts de leurs actionnaires, et ces intérêts ne sont pas les wagons de producteurs. Nous faisons baisser leurs tarifs. Nous sommes leurs concurrents. Veulent-ils que nous existions? Je ne pense pas.
Sur ce, je serai heureux de répondre à toutes les questions des membres du comité. Encore une fois, la deuxième raison pour laquelle je suis ici, c'est pour être devant le Sénat, ce qui est vraiment un honneur. Sans blague, dans la Saskatchewan rurale, c'est un peu difficile à expliquer en conservant une rectitude politique. Le Sénat n'est pas très estimé par certaines personnes, qu'elles se situent politiquement à gauche, à droite ou au centre. Toutefois, à mes yeux, vous avez du poids. Le second examen objectif du Sénat a toujours été très précieux. Je le respecte et c'est pour cette raison que je suis honoré d'être ici aujourd'hui.
Le sénateur Plett : Merci, messieurs pour les bons exposés.
Agro-Hall fait partie d'une entreprise appelée Fednav Group. Est-ce exact?
M. Nolan : Plus maintenant.
Le sénateur Plett : Faites-vous du transport en vrac?
M. Boubet : Non.
Le sénateur Plett : Monsieur Nolan, vous avez parlé de l'Australie. J'aimerais avoir vos impressions sur les renseignements que j'ai reçus du ministre du Commerce de l'Australie, qui dit que la productivité a augmenté depuis 2008, lorsque la Commission australienne du blé a été supprimée, et qu'il existe maintenant 20 organisations d'exportation et plus de 60 syndicats. La production de blé a atteint 26 millions de tonnes en 2010-2011, par rapport à 20 millions de tonnes l'année précédente.
En éliminant le système de mise en marché à guichet unique et en conservant la Commission canadienne du blé en tant que commission à participation volontaire, que pensez-vous, messieurs, qui se produirait si le Canada pouvait suivre exactement la même voie et continuer d'utiliser les syndicats et une CCB à participation volontaire? Pourrions- nous suivre l'exemple de l'Australie? On a dit à de nombreuses reprises que c'était mauvais pour l'Australie, mais pourtant, leur ministre de l'Agriculture dit que ça a été excellent pour l'Australie.
M. Nolan : La Commission australienne du blé a dû être liquidée en raison de certaines activités concernant les échanges commerciaux en Irak, je pense. Le gouvernement a essentiellement liquidé son monopole pendant un certain temps et l'a forcé à devenir une organisation publique; Viterra en a pris le contrôle. La commission a été privatisée et absorbée.
Maintenant que la Commission australienne du blé n'existe plus, en quelque sorte, la société a eu cinq ou sept ans pour mettre en place un système afin de transporter le grain de façon logistique et logique, mais elle continue d'avoir des problèmes. L'Australie est un pays vaste et y transporter le grain peut être une tâche difficile de temps à autre, comme au Canada. Notre pays est beaucoup plus grand, mais nous faisons face aux mêmes défis pour transporter le grain d'un océan à l'autre.
Dans un système libre, la CCB peut survivre, mais elle doit avoir un accès équitable et réglementé aux terminaux, aux installations, aux wagons de chemins de fer, aux laquiers et aux installations à l'intérieur du pays. Lorsque les agriculteurs se manifestent et disent qu'ils veulent transporter du grain pour la CCB vers le terminal intérieur de James Richardson, par exemple, pourquoi James Richardson permettrait-il aux grains de la commission d'entrer dans son terminal, à moins qu'il n'y ait rien d'autre à apporter, outre un prix élevé? Pourquoi concurrencer son propre inventaire? La CCB aura besoin d'obtenir un pourcentage de l'espace réglementé, sinon, les agriculteurs vont probablement cesser d'envoyer leurs grains dans les installations, parce que les sociétés privées vont leur demander un prix trop élevé. De plus, il existe d'autres règlements, notamment au sujet des wagons de chemins de fer. Vous avez entendu M. McKague dire que les wagons de producteurs font mal aux sociétés céréalières privées, qui ont peut-être un intérêt direct. Il s'agit toujours d'un scénario de profitabilité. Les agriculteurs ont besoin de liberté et d'options. S'ils veulent appuyer une commission à participation volontaire, c'est très bien. Ils devraient disposer des mêmes outils que ceux dont disposent les sociétés céréalières indépendantes pour concurrencer équitablement, tout comme la CCB doit faire preuve d'équité en ce qui concerne la mise en marché. Il faut que les règles du jeu soient équitables pour tous. Si la CCB n'a pas d'installations ni de terminaux, comment peut-elle commercialiser le grain? La CCB ne peut pas dire qu'elle va transporter 30 000 tonnes de grains dans une installation de wagonnets qui lui demandera de payer le prix fort ou qui n'acceptera pas le grain. Il faut que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Ce sera très important.
Le sénateur Plett : Tout à fait, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut que les gens aient le choix. Je pense que c'est sur cela que porte le projet de loi. L'Australie avait, comme le Canada a aujourd'hui, beaucoup de syndicats et de coopératives. Le terminal North West est l'un d'eux en Saskatchewan, et il réussit très bien.
Monsieur McKague, votre entreprise est active à la fois dans le transport de passagers et de marchandises; c'est exact?
M. McKague : Non. Il y aura des trains de passagers, le premier train touristique en Saskatchewan sera inauguré en mai prochain. Je suis fier de pouvoir en faire la publicité. Toutefois, il s'agit d'un train touristique qui appartient à la collectivité dont la fonction consiste seulement à le mettre sur pied et en service, grâce à un énorme investissement.
Le sénateur Plett : Je suis impatient de le prendre, comme j'ai pris le train à destination de Churchill. OmniTRAX possède la ligne de chemin de fer qui va jusqu'à Churchill; l'entreprise est propriétaire du port. Je pense qu'il s'agit peut-être d'une entreprise semblable à la vôtre. Vous ne possédez pas un port, mais vous êtes propriétaire d'une ligne ferroviaire, et OmniTRAX possède un service ferroviaire de passagers.
On a beaucoup parlé du port de Churchill, et cela me préoccupe, puisque je viens du Manitoba. OmniTRAX est un exemple très positif et l'entreprise dit que cela peut fonctionner. Je suis impatient d'entendre son témoignage, plutôt que d'entendre d'autres personnes nous dire ce qui, à leur avis, se passera au port. OmniTRAX pense que le port restera en service.
Si l'entreprise estime que sa ligne ferroviaire peut être viable dans ces conditions, pourquoi la vôtre ne serait-elle pas aussi viable dans les mêmes conditions?
M. McKague : Je suis aussi impatient de connaître la vision d'OmniTRAX et de savoir comment l'entreprise va pouvoir transporter le grain.
Nous dépendons entièrement du transport du grain, à l'heure actuelle, pour payer nos factures. Presque tous les wagons, sinon tous, sont actuellement des wagons de la Commission canadienne du blé, et il s'agit presque exclusivement de wagons de producteurs. Sans ces wagons, le 1er août, nous aurons des factures à payer au début de l'exercice financier et nous devrons le faire.
Je vous donnerai l'exemple de l'époque où nous avons tenté d'obtenir des prêts dans un établissement financier du gouvernement fédéral pour illustrer ce qui se passera sans les wagons de producteurs. Le président de l'établissement financier fédéral nous a dit, aux quatre personnes assises dans son bureau, qu'en ayant acheté une ligne ferroviaire secondaire nous allions à l'encontre de l'avenir.
Cela nous a affectés. La semaine suivante, nous sommes revenus un peu mieux préparés. Il a retiré son affirmation, et il nous a aidés à trouver de l'argent afin de financer la recherche sur le lancement de notre entreprise et des fonds de démarrage, mais nous n'avons pas pu obtenir un prêt.
Nous avions raison; nous étions la voie de l'avenir. Ils avaient tort; ils ne l'étaient pas. Les wagons de producteurs sont devenus populaires. Plus de 11 000 wagons de producteurs ont été déplacés l'an dernier, par rapport à il y a 10 ans.
Nous espérons avoir tort cette fois-ci, sénateur, mais nos prévisions — les mêmes prévisions que nous avions il y a 11 ans lorsque nous avons lancé notre entreprise — nous disent que nous avons du mal à comprendre comment les wagons de producteurs pourront continuer d'être utilisés, puisque leur seule valeur affecte les intermédiaires. Si la Commission canadienne du blé — qui ne nous a d'ailleurs accordé aucun traitement spécial, de quelque façon que ce soit, mais nous a traités de façon équitable par rapport aux sociétés céréalières — est éliminée, nous ne pensons pas que les entreprises céréalières se soucieront de nos intérêts.
En fait, ces sociétés ont déjà commencé à cibler nos producteurs le long du chemin de fer. Ça a déjà commencé, parce que lorsque les entreprises céréalières tentent de se tailler une part du marché, elles ciblent d'abord les expéditeurs des wagons de producteurs. C'est la cible la plus facile, et elles ont déjà commencé à le faire.
Pourquoi, selon nous, le projet échouera-t-il? Je pense qu'un groupe souhaite que nous ne réussissions pas; de plus, si les wagons de producteurs sont là dans la loi mais pas en pratique, nous allons échouer. Cet échec équivaudra à un rendement financier nul pour nous de façon immédiate, soit quelques mois après le 1er août 2012.
Le sénateur Plett : Par souci d'économie de temps, je m'en tiendrai à cela.
Le sénateur Peterson : Monsieur McKague, vous avez dit qu'en ce qui concerne les wagons-trémies, votre chemin de fer secondaire pourrait être en danger. Combien d'argent est à risque? J'ai entendu dire qu'il y avait 11 autres chemins de fer secondaires en Saskatchewan. Feraient-ils face aux mêmes problèmes?
M. McKague : Oui. Sur notre chemin de fer, nous avons investi un peu plus de un million de dollars pour la voie ferrée. Nous avons aussi des installations le long de la voie qui valent un peu plus de un million de dollars.
Il existe maintenant 11 voies ferroviaires courtes en Saskatchewan et je pense qu'il y en a 15 dans l'Ouest du Canada, si je me souviens bien, s'étendant sur un peu plus de 1 200 milles de voies ferrées. Les autres chemins de fer qui dépendent du grain subiront les mêmes conséquences que le nôtre; lorsque les wagons de producteurs cesseront leurs activités, ils seront en danger très rapidement, chacun d'eux, et pas seulement eux.
Je prédis que les terminaux céréaliers détenus par les agriculteurs seront les prochains sur la liste. Je ne veux pas m'exprimer en leur nom, mais je vous prédis qu'il s'agira du prochain groupe auquel les sociétés céréalières s'en prendront; je pense que leurs activités seront en danger.
Sans la Commission canadienne du blé, nous n'aurions pas pu lancer nos activités, tout comme ces terminaux détenus par des agriculteurs. En vertu du nouveau système, dès le 1er août 2012, aucune de ces installations ne pourra jamais plus être lancées, parce que la Commission canadienne du blé leur avait donné un traitement équitable. Ce ne sera plus possible après le 1er août 2012.
Le sénateur Peterson : Je m'adresse maintenant au représentant d'Agro-Hall; je crois comprendre que vous vendez vos produits dans un marché à créneau. Quelle quantité de produits vendez-vous chaque année? Quelle est l'ampleur de vos activités?
M. Boubet : Entre 800 000 et un million de tonnes.
Le sénateur Peterson : Vous mettez vos produits en marché vous-mêmes par l'intermédiaire de vos clients; est-ce exact?
M. Nolan : C'est exact. Nous achetons le grain de la Commission canadienne du blé en fonction des demandes de nos clients à l'étranger.
Le sénateur Peterson : Pour garantir la livraison, devez-vous avoir le produit au port? Vous n'avez pas d'installations.
M. Nolan : Non, nous achetons le grain de la Commission canadienne du blé selon le principe « Franco à bord » à partir du fleuve St-Laurent, du port de Churchill ou de la côte Ouest.
Le sénateur Peterson : Pour vendre le produit à vos clients, vous devez vous assurer d'obtenir la livraison.
M. Nolan : C'est exact. Nos clients achètent selon leurs besoins. Lorsqu'il faut acheter le grain pour une période, disons le 1er juillet 2015, le grain doit être positionné à l'élévateur. Le navire doit être disponible, ce qui relève de notre responsabilité. C'est à la commission ou au fournisseur d'envoyer le grain au port à la bonne date.
Nous devons charger le navire et naviguer afin d'arriver à temps en Afrique de l'Ouest; nous devons nous rendre dans quatre ou cinq pays pour décharger le produit, alors il s'agit réellement d'un navire épicerie. Nous devons arriver à temps. Sinon, il se peut que les élévateurs ou les minotiers manquent de grain; dans un tel cas, ils doivent cesser leurs activités ou chercher une autre source d'approvisionnement.
Nous ne voulons pas qu'ils le fassent. Le grain canadien est celui dont l'approvisionnement est le plus fiable et uniforme au monde. Comme nous l'avons entendu plus tôt aujourd'hui et comme nous l'entendrons probablement encore, le grain est de qualité supérieure. C'est pour cela que nous sommes réputés; le Japon le sait, tout comme l'Iran, l'Irak et l'Algérie — tous les pays qui ont acheté notre grain soumissionné. La Russie il y a de nombreuses années, grâce à l'Export Club, Cuba avec Alimport — ils savent tous que le grain canadien est d'excellente qualité.
Bien sûr, la Russie est aujourd'hui devenue notre principal concurrent. C'est ce qui se passe quand on aide trop quelqu'un, mais nous sommes là depuis longtemps. Les gens veulent notre grain et sont prêts à y mettre le prix , car ils savent qu'ils obtiendront toujours exactement ce qu'ils cherchent.
Le sénateur Peterson : Comme vous l'avez indiqué, cette commission facultative doit avoir un accès réglementaire aux chemins de fer et aux installations de chargement. Si cela échoue et que ça ne fonctionne pas, avez-vous d'autres façons de poursuivre vos activités?
M. Nolan : Nous avons toujours l'option d'acheter chez les sociétés céréalières qui continueront leurs activités après le 1er août 2012 — par exemple, les Viterra, les Cargill, les Dreyfus. Toutefois, ils n'ont pas une source d'approvisionnement aussi vaste que la commission actuellement. La Commission canadienne du blé peut s'approvisionner dans tout l'Ouest canadien, de l'Alberta à la frontière entre le Manitoba et l'Ontario.
Si nous faisons affaire avec une société céréalière comme Viterra, Dreyfus, Cargill, ou toute autre société céréalière qu'on peut nommer — Richardson, Paterson —, leur source d'approvisionnement est beaucoup plus petite. Par conséquent, cette source peut être limitée, et il peut être plus difficile pour elles de se procurer le grain, de le transporter ou le positionner; au contraire, si nous manquons de grain dans certaines régions de la Saskatchewan, la commission en trouve en Alberta ou au Manitoba. Elle a davantage de possibilités de se procurer les produits. Les plus petites sociétés céréalières sont tout de même assez grandes. Viterra et Cargill sont immenses à tous les égards, mais elles n'ont pas les mêmes ressources que la commission. La commission n'a pas de fermes ou de terminaux intérieurs. Elle dispose d'un nombre limité de wagons ferroviaires, de deux laquiers en attente, je pense, et d'un édifice à bureaux. Ses actifs sont ses employés, oui, et elle a de très bons employés. Ses employés sont toujours aimables et toujours prêts à collaborer et à écouter les gens et à travailler avec eux, comme toutes les sociétés céréalières, j'en suis sûr.
Toutefois, les actifs, ce n'est pas tout. À l'heure actuelle, les autres sociétés céréalières n'ont pas à mettre le produit en marché pour demeurer à flot. Elles vendent simplement leurs produits, essentiellement le grain de la commission — et je ne parle pas du grain hors commission —, à la Commission canadienne du blé, et leurs profits sont garantis. Si la commission devient un concurrent, les règles du jeu changent complètement. La mentalité adoptée pourrait consister à se demander : « Pourquoi devrions-nous aider le petit nouveau? Qu'est-ce que ça nous donne? »
La Commission canadienne du blé aura besoin d'espace. Sinon, si nous choisissons d'acheter de la commission et que nous disons que nous voulons 30 000 tonnes le 15 juin, la commission devra trouver quelqu'un pour les fournir. Si elle n'y arrive pas, elle nous dira que c'est impossible, et nous devrons trouver quelqu'un d'autre. Il se peut que nous ayons à nous tourner vers d'autres pays, et ce n'est pas ce que nous voulons faire. Nous voulons rester au Canada. Nous n'expédions que du grain canadien depuis 25 ans. Nous encourageons toujours le Canada, autant que possible. Nous avons même expédié du grain hors commission lorsque nous avons dû le faire — des pois et du blé fourrager, ainsi que de l'orge. Nous avons vendu beaucoup de produits.
[Français]
M. Boubet : J'aimerais rajouter une chose, si vous le permettez. On n'est pas ici pour parler de notre avenir à nous, je pense que l'avenir d'Agro-Hall est tout à fait assuré avec la dérèglementation du marché canadien, pour plusieurs raisons; un, on serait sans doute en mesure d'acheter le blé moins cher qu'on l'achète aujourd'hui et, deux, notre métier d'« originateur » de blé va être renforcé par la pluralité des producteurs de demain. Il ne s'agit pas de notre avenir à nous, je crois que notre avenir est tout à fait assuré.
En revanche, notre vocation depuis 25 ans, comme l'a dit Pat — si ce n'est pas depuis 40 ans —, a été de vendre le meilleur blé du monde et la Commission canadienne du blé a été le gardien de ce temple. Notre souci aujourd'hui, c'est de garder, dans ce marché déréglementé, un gardien du temple, quelqu'un qui puisse assurer au moins cette qualité extrême du blé canadien.
Donc, la Commission canadienne des grains le garantira d'une certaine manière, mais la manière de le commercialiser très canadienne qu'a toujours eue la Commission canadienne du blé ne sera pas forcément assurée par les autres grands joueurs de demain. C'est notre souci. On sait que l'entrée en jeu de grandes compagnies nord- américaines — on connaît bien leurs méthodes, on a beaucoup acheté de blé chez eux — est de nature à menacer la réputation du blé canadien dans le monde. C'est principalement ce souci que nous avons aujourd'hui et c'est pour cela qu'on pense qu'il est nécessaire et indispensable de réglementer les accès aux infrastructures et les conditions de commercialisation et d'exportation du blé canadien si on veut en garantir le niveau d'exigence demain.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : On a beaucoup discuté de la qualité du blé, et c'est la Commission canadienne des grains qui en est responsable. Vous en faites d'ailleurs un thème de votre exposé.
Qu'en est-il de la qualité du blé? Les agriculteurs qui ont comparu avant vous ont dit que les producteurs de blé en contrôlent la qualité, et c'est le cas. Pourquoi cela changera-t-il?
M. Nolan : Les agriculteurs font pousser le blé. Il est par la suite regroupé par la Commission canadienne du blé, qui l'entrepose dans ses installations et en fait la mise en marché aux fins de l'exportation. Toutefois, bien que la CCG lui attribue un grade pour l'exportation, le mélange final de produits expédiés est contrôlé par la Commission canadienne du blé. Quand un client négocie un contrat, elle sait exactement ce qu'il cherche. Il peut s'agir de blé roux de printemps avec un certain pourcentage de protéines et d'humidité, un certain poids précis, un indice de chute, et cetera, sans entrer dans les menus détails. La Commission canadienne du blé regarde ce qui se trouve dans ses installations lorsque nous souhaitons acheter pour voir si elle peut trouver un mélange qui satisfera nos clients réguliers. Lorsqu'elle le trouve, elle nous dit la quantité qu'elle peut nous vendre du blé que nous cherchons et où il sera, aux fins de l'exportation. Il sera mélangé pour respecter la qualité demandée par l'acheteur.
Si la qualité varie, lorsque le minotier moud le blé, il doit ajouter des produits chimiques ou mélanger d'autres produits afin de maintenir l'uniformité. Lorsqu'on transforme le blé en farine, il faut que ce soit à 99,9 p. 100 semblable au produit précédent. Quand on ajoute des produits chimiques, on fait augmenter les coûts, et ce n'est pas la même chose.
Le sénateur Tkachuk : Vous faites affaire avec des clients qui veulent un produit particulier. La seule façon d'avoir accès à ce produit est de traiter avec la Commission canadienne du blé?
M. Nolan : Ce ne serait pas la même chose, en raison des différentes façons d'attribuer des grades ailleurs dans le monde.
Le sénateur Tkachuk : Je parle du Canada.
M. Nolan : Je vois, le Canada. Pouvons-nous garantir la qualité? Non, parce que nous ne savons jamais ce que les conditions météorologiques nous réservent.
Le sénateur Tkachuk : Quelle est la différence?
M. Nolan : Même alors, nous ne sommes jamais éliminés d'un certain produit. Il se peut que nous n'ayons pas le grade que nous recherchons. Après une année complète de mise en marché — je ne parle pas de changer d'option pendant l'année —, nous savons au début de l'année de récolte quelles sont les attentes en matière de qualité pour les 12 prochains mois, jusqu'à la prochaine récolte. Lors de la prochaine récolte, nous aurons des indications préliminaires de la CCG et de la Commission canadienne du blé au sujet de la qualité à venir. Elles nous demandent de communiquer avec nos acheteurs pour leur demander le type de rabais qu'ils voudraient avoir si nous avons un grade plus bas ou, s'il s'agit d'un grade plus élevé, si les acheteurs seraient prêts à payer une prime. Nous faisons de notre mieux pour conserver nos commandes.
Le sénateur Tkachuk : Vous êtes un exportateur reconnu par la Commission canadienne du blé. Vous donne-t-elle l'exclusivité dans une certaine région?
M. Nolan : Pas vraiment. Dans certaines régions, tout le monde est concurrent. Nous avons nos clients, mais il ne s'agit pas d'un marché captif.
Le sénateur Tkachuk : La Commission canadienne du blé ne va pas dans la région.
M. Nolan : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Il existe d'autres organismes reconnus qui peuvent vendre leurs produits dans différentes régions du monde pour lesquelles la Commission canadienne du blé attribue des permis. La commission dit : « Vous allez là-bas parce que nous n'y allons pas. » Est-ce bien cela?
M. Nolan : Je ne pense pas que la Commission canadienne du blé dise à quiconque d'aller dans une région plutôt qu'une autre.
Le sénateur Tkachuk : Quand vous trouvez un marché, c'est ce qui arrive, n'est-ce pas?
M. Nolan : Lorsque nous trouvons un marché et que nous le servons bien, la Commission du blé sait après un certain temps que nous satisfaisons nos clients et que nous leur offrons un bon service. La Commission canadienne du blé discute avec eux pour s'assurer que tous sont satisfaits de la façon dont ça fonctionne. S'il y a un problème, si par exemple ils ne reçoivent pas ce qu'ils veulent, que nous expédions en retard ou que le grain arrive en mauvais état sur des navires infects, la Commission canadienne du blé peut intervenir et dire que le produit de Cargill sera offert par quelqu'un d'autre.
Le sénateur Tkachuk : La commission facilite les choses?
M. Nolan : Elle peut fournir de l'aide.
Le sénateur Tkachuk : Vous ne faites affaire qu'avec un seul fournisseur?
M. Nolan : Oui, c'est le cas en ce moment.
Le sénateur Tkachuk : Vous aurez donc plus d'un fournisseur si cela se produit?
M. Nolan : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Ce ne sera pas aussi pratique. En d'autres termes, d'autres seront en mesure de pénétrer votre marché en Afrique pour vendre leur blé.
M. Nolan : D'autres vont tenter d'empiéter sur nos plates-bandes, c'est exact.
M. Boubet : C'est déjà possible. Nous n'avons pas de marché captif.
Le sénateur Tkachuk : Non, mais pour ce qui est du blé canadien, il n'y a...
M. Boubet : Non, il y en a d'autres. Nous ne sommes pas les seuls en Afrique occidentale.
M. Nolan : Nous expédions nos produits à certaines meuneries et d'autres en font de même à d'autres meuneries.
M. Boubet : Nous sommes le principal exportateur de blé canadien en Afrique occidentale, mais nous ne sommes pas le seul.
M. McKague : J'aimerais faire une observation sur la Commission canadienne des grains et sa pertinence pour ce qui est des wagons de producteurs. Il y a eu une réduction du financement accordé par le gouvernement à la Commission canadienne des grains, et je suis préoccupé par les répercussions possibles de cela sur les wagons de producteurs, ainsi que par l'augmentation des coûts que cela pourrait représenter pour nous. Si l'inspection à l'arrivage, par exemple, est modifiée ou annulée au port, que ce soit à Churchill, Thunder Bay ou Vancouver, il reviendra à ceux qui envoient leurs wagons de producteurs à Vancouver, Churchill ou Thunder Bay de les faire évaluer et de les faire soumettre à une inspection à l'arrivage, et je pense qu'au bout du compte, c'est nous qui allons devoir assumer les coûts supplémentaires.
Il y a déjà des coûts supplémentaires. Dans certains cas, ils sont mineurs, mais mis ensemble, ils témoignent d'une tendance qui va remettre en cause la viabilité des wagons de producteurs. Les bénéfices qu'ils permettent de réaliser et les risques que nous prenons afin de réaliser ces bénéfices ne vaudront peut-être plus la peine. Je suis très préoccupé par le fait que nous ayons, au final, à assumer ces coûts et par la possibilité que cela remette en question notre viabilité.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Si je comprends bien, monsieur Boubet, vous êtes inquiet de la qualité du grain auquel vous auriez accès, parce que vos clients sont très exigeants?
M. Boubet : Ils sont très exigeants et le marché que nous avons conquis, nous l'avons conquis à cause de l'extrême qualité du blé canadien, en compétition par exemple avec le blé américain — pour ne pas le citer — qui a les mêmes propriétés à la fin, à quelques particularités près, qui font la différence entre le blé canadien et le blé américain. C'est pour cette raison qu'on arrive à vendre, en Afrique notamment, le blé le plus cher du monde, parce qu'il a des propriétés exceptionnelles que les autres n'ont pas.
Si, demain, les plus grandes compagnies qui mettront le blé sur le marché sont des compagnies américaines, dont nous connaissons les méthodes par ailleurs, nous avons des inquiétudes quant à leur respect de la rigueur qui a fait la qualité du blé canadien. Il y a deux manières de voir le monde. Dans un cas, il y a les standards de la Commission canadienne des grains et il y a la philosophie du CCB qui a toujours été d'être au-dessus des standards et de vendre toujours mieux que les spécifications et d'en faire sa réputation. Et puis, il y a la manière américaine qui est, par exemple, de tolérer 2 p. 100 de poussière et de gravier dans le blé quand les Canadiens n'en tolèrent que 0,2 p. 100. Comme le gravier reste moins cher que le blé, quand il n'y a pas assez d'impuretés, on en met sur le bateau pour atteindre les spécifications.
Au Canada, on va nettoyer à outrance. Aux États-Unis, on a toujours un petit stock de poussières à mettre sur le bateau pour atteindre les niveaux. C'est deux manières différentes de vendre du blé.
Un de nos plus grands clients, une grande famille meunière ouest-africaine, était asthmatique et quand il recevait un bateau de blé américain, il se calfeutrait dans sa maison pendant trois jours parce qu'il habitait à côté du port et la poussière que provoquait le déchargement envahissait le port du Togo d'un nuage de poussière. Il a approché le blé canadien par ce biais, parce qu'il ne supportait plus la poussière qui sortait du blé américain. Pour autant, ce sont deux blés à haute teneur en protéines, 1 p. 100 sur ce qu'on vendait, nous, ce sont les mêmes types de blé; ils ne sont pas vendus de la même manière et pas avec les mêmes exigences.
Voilà pourquoi nous avons peur que la libéralisation du marché et l'entrée des compagnies américaines amènent plutôt les méthodes américaines que ne préservent les méthodes canadiennes.
Le sénateur Robichaud : Je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Au nom des honorables sénateurs ici présents, je vous remercie d'être venus.
Honorables sénateurs, tel que convenu, nous allons suspendre la séance et revenir à 15 heures.
Le président : Honorables sénateurs, le comité reprend ses travaux afin d'entendre notre dernier groupe de témoins.
[Français]
Nous avons avec nous les témoins suivants, de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, M. François Hébert, vice-président, Stratégies de réseau, merci, monsieur Hébert d'être présent.
[Traduction]
Nous avons aussi avec nous M. Hedley Auld, gestionnaire principa, Céréales réglementées.
[Français]
Aussi, nous avons de la Compagnie des chemins de fer du Canadien Pacifique, M. Michael Adams, directeur général de la commercialisation du grain.
[Traduction]
Nous avons aussi avec nous M. Michael Murphy, vice-président, Affaires gouvernementales, du CP.
Merci, chers témoins, d'avoir accepté notre invitation et de nous faire part de vos observations et de votre opinion, notamment en ce qui a trait au projet de loi C-18. On m'a informé que notre premier témoin sera M. Hébert; le deuxième sera M. Adams; et le troisième sera M. Murphy. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs et lèverons la séance à 16 heures.
[Français]
La parole est à vous, monsieur Hébert.
[Traduction]
François Hébert, vice-président, Stratégies de réseau, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada : Le CN a le plaisir de comparaître devant votre comité aujourd'hui pour vous parler du réseau de transport de céréales et des effets du projet de loi C-18 sur nos activités. Le CN a toujours porté une attention particulière au service touchant les céréales, plus particulièrement au cours des deux dernières années, et je pense que nous offrons actuellement le meilleur service que nous n'ayons jamais offert à l'industrie céréalière de l'Ouest canadien. Le CN est d'avis que la décision de modifier ou non le rôle de la CCB relève du gouvernement. Notre tâche consiste à transporter la production céréalière de manière efficace et rentable pour nos clients, et je peux vous assurer que nous allons continuer à le faire.
Nous sommes convaincus de pouvoir offrir le même niveau de service élevé après que l'adoption de ce projet de loi aura modifié le système. Depuis de nombreuses années, nous transportons de forts volumes de canola et d'autres produits qui ne relèvent pas de la CCB. Quand la CCB ne jouera plus de rôle dans le transport du grain, on verra des effets sur nombre de relations dans la chaîne d'approvisionnement céréalière, mais soyez assurés que nous serons prêts à nous adapter dès le mois d'août qui vient.
Dans la chaîne d'approvisionnement céréalière, beaucoup d'intervenants jouent un rôle dans le transport. Pour optimiser l'efficience et la fiabilité de la chaîne, chacun doit avoir un bon rendement. Il y a 45 000 producteurs de céréales, dont la production annuelle moyenne est de 50 millions de tonnes, au total. Leurs récoltes sont livrées à 323 élévateurs, en 273 endroits. Le transport se fait sur 18 000 milles de chemin de fer, à bord de plus de 20 000 wagons- trémies. Seize silos portuaires desservis par le CN se trouvent sur les trois côtes du Canada, pour recevoir ces céréales et les charger sur des navires.
Le CN travaille de près avec les exploitants des silos terminaux, et pour optimiser la capacité de la chaîne d'approvisionnement, nous les encourageons à adopter une exploitation continue, 24 heures par jour, sept jours par semaine, comme nous le faisons avec nos trains. Pour optimiser l'efficience de la chaîne d'approvisionnement céréalière, chaque intervenant doit faire sa part.
Le modèle d'exploitation ferroviaire du CN, précis et innovateur, a établi de nouveaux points de comparaison pour les autres chemins de fer en ce qui a trait à la rapidité et au service. Au début 2010, le CN a mis en œuvre un nouveau plan de service régulier pour le transport de céréales dans les Prairies. Cela a beaucoup changé nos façons de faire. Nous desservons maintenant tous les jours les principaux silos élévateurs céréaliers des Prairies. Il y a donc davantage de certitude pour les compagnies céréalières qui peuvent mieux préparer leurs horaires de travail. Cela donne aussi davantage de certitude aux agriculteurs qui veulent livrer leur production, puisqu'ils peuvent ainsi savoir lorsqu'il y aura de l'espace de disponible. Ils peuvent donc eux aussi mieux préparer leur calendrier.
En contrepartie de cette certitude, les compagnies céréalières ont accepté de recevoir et de charger les wagons aux silos élévateurs la fin de semaine également, et pas seulement du lundi au vendredi. Cela a eu un effet marqué sur le système en éliminant les crêtes et les creux dans la chaîne d'approvisionnement. Pour vous donner un exemple de la qualité de service ainsi obtenue, sachez qu'au cours des huit dernières semaines, 91 p. 100 des livraisons ont été faites à temps, le jour promis. Cette façon fiable de procéder a permis à nos partenaires de la chaîne d'approvisionnement de mieux planifier et de fonctionner plus efficacement.
Pour mettre en place notre plan de service, il nous fallait davantage de renseignements sur la nature et la destination des livraisons. Pour obtenir ces renseignements, en 2008, nous avons créé un registre de commandes ouvert, qui permettait à notre clientèle de commander des wagons en ligne, sur Internet, jusqu'à 16 semaines d'avance. Ce changement n'a pas été bien accueilli par tous au début, mais c'était une étape nécessaire pour mettre en œuvre notre plan de service, et il est maintenant perçu de manière très positive. Notre clientèle peut maintenant se servir de cet outil électronique pour saisir les commandes, les modifier, suivre leur statut et communiquer en temps réel toute mise à jour relative au plan de service.
Comme nous l'avons fait pour la prise en charge des céréales, nous nous sommes concentrés sur la livraison au port. Nous avons signé des accords de collaboration avec bon nombre de nos partenaires d'approvisionnement, surtout depuis un an, un an et demi. Ces accords font coïncider nos intérêts et ceux de nos partenaires de la chaîne d'approvisionnement. Nous nous y sommes engagés à bien communiquer et à échanger des données de façon continue pour favoriser notre collaboration.
Et nous avons cerné certains problèmes et les avons réglés de manière plus efficace. Nous nous blâmions les uns les autres et maintenant, nous travaillons ensemble, disposant des mêmes renseignements, pour résoudre les problèmes.
Le plan de service régulier pour le transport des céréales, la réduction du temps de transport et l'amélioration de la coordination sur nos côtes, dans les ports, ont changé de manière significative le temps qu'il faut pour transporter les céréales des Prairies jusqu'aux ports. Il y 10 ans, en 1999-2000, le transport se faisait en moyenne en 9,2 jours, alors qu'il faut maintenant moins de 6 jours.
Le CN travaille aussi avec huit lignes ferroviaires sur courtes distances dans les Prairies. Il y a quelques jours, un nouveau chemin de fer, le Big Sky Railway, a commencé ses opérations sur un ancien tronçon du CN, au centre de la Saskatchewan. Nous considérons ces chemins de fer comme des partenaires importants qui offrent un service précieux dans des régions qui ne sont plus rentables pour le CN. Nous croyons que ces chemins de fer demeureront viables, après l'abolition de la CCB.
Nous sommes convaincus que notre plan de service régulier pour le transport des céréales et notre approche axée sur la chaîne d'approvisionnement offrent une structure de base assez souple pour s'adapter à notre clientèle, mais aussi au nouvel environnement, peu importe la quantité de céréales vendue et par qui.
Nous comprenons certainement qu'il y a des divergences de vues considérables sur la CCB et son rôle futur. Nous tenons à vous dire, ainsi qu'aux agriculteurs des Prairies, que nous continuerons de travailler avec notre clientèle, ainsi qu'avec nos partenaires de la chaîne d'approvisionnement, à la recherche de solutions pour transporter les céréales vers les marchés de la manière la plus efficace possible.
[Français]
Le président : Merci, monsieur Hébert, Maintenant, je demanderais à M. Murphy de faire sa présentation.
[Traduction]
Michael Murphy, vice-président, Affaires gouvernementales, Compagnie des chemins de fer du Canadien Pacifique : Au nom du Canadien Pacifique, je vous remercie pour cette invitation à vous parler du projet de loi C-18. Le CP est un chef de file dans les services de transport intermodaux et en vrac. Notre siège social est situé à Calgary. Nous avons environ 16 000 employés et nous exploitons plus de 24 000 kilomètres de voies ferroviaires au Canada et aux États- Unis.
Pour notre chemin de fer, c'est une période excitante. Plus tôt cette année, nous avons annoncé la première étape d'une grande remise à niveau de notre réseau. Il s'agit pour cette année d'immobilisations d'environ un milliard de dollars réparti en divers projets, notamment le prolongement ou la construction de voies d'évitement, l'achat de nouvelles locomotives et l'amélioration de notre ligne principale du Nord. À la fin de nos travaux, notre réseau sera plus robuste et sa capacité sera augmentée pour nos corridors qui croissent le plus rapidement. Notre clientèle est concentrée dans l'Ouest du pays et dans le Midwest américain. Nous transportons diverses marchandises, notamment des céréales, du charbon, du soufre, de la potasse, ainsi que des produits forestiers, pétrochimiques, automobiles et industriels. Nous desservons bon nombre des secteurs industriels clés de l'Amérique du Nord, et nous travaillons avec des fournisseurs de services pour transporter des produits industriels de manière efficace, partout sur le continent.
Nous pouvons aussi offrir des services concurrentiels dans les principaux ports et les grands centres comme Vancouver, Toronto, Montréal, Chicago et New York. Je tiens à dire que le transport des céréales est un élément clé pour la compétitivité de nos producteurs sur les marchés mondiaux. C'est un système complexe, mais qui fonctionne bien. Le grain est livré de manière fiable et efficace.
Michael Adams, directeur général, Commercialisation du grain, Compagnie des chemins du Canadien Pacifique : À titre de directeur général, je suis responsable de toutes les activités de commercialisation stratégique des céréales, des produits céréaliers et des biocarburants pour notre réseau nord-américain. Je suis ravi d'avoir été invité à vous parler aujourd'hui des questions importantes touchant le transport et la manutention des céréales au Canada. Le transport des céréales et des produits céréaliers est un secteur d'activités essentiel pour le Canadien Pacifique. En effet, le secteur des céréales et des biocarburants en Amérique du Nord représente environ le quart des recettes de notre société. Les céréales représentent 60 p. 100 du volume transporté. Le transport des céréales canadiennes est donc crucial pour le bien-être de notre entreprise.
Le CP a un excellent réseau de manutention pour les grains et permet un accès efficace aux marchés de grains nationaux et d'exportations clés. Le CP a un accès direct au marché mondial grâce aux terminaux portuaires de Vancouver, de Montréal, de Thunder Bay et du Nord-Est des États-Unis. Grâce à ses partenariats solides avec d'autres chemins de fer, le CP permet aux expéditeurs canadiens de grains d'avoir accès à tous les marchés ici et à l'étranger.
Pendant la planification des changements proposés à la commercialisation du blé canadien, le CP a collaboré pleinement à l'interne et à l'externe avec le gouvernement et les intervenants de l'industrie pour comprendre les changements possibles à la circulation des grains et les exigences de transport connexes. Bien qu'il y ait une myriade de points de vue sur les effets des divers scénarios de changements, nous sommes d'accord avec de nombreux clients pour dire qu'il y aura une certaine réorganisation dans le transport du grain, et que l'accès à nos principaux marchés continuera de se faire par la côte Ouest et la porte d'entrée de Thunder Bay. Le CP a le réseau et les ressources nécessaires pour réagir.
Tout comme ces mêmes partenaires de l'industrie, nous nous attendons à des occasions d'améliorer l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement. Des travaux sont en cours à plusieurs égards pour déterminer et quantifier plus précisément les avantages possibles. Nous avons de solides relations et communications avec l'industrie. Nous sommes toujours prêts à travailler en collaboration avec ces partenaires pour gérer proactivement le nouvel environnement de marketing, et pour améliorer l'efficacité lorsque c'est possible.
La gestion du transport du grain dans un environnement commercial ouvert n'est pas un élément nouveau pour le CP. Plus de la moitié de nos chargements de grains canadiens sont constitués de grains hors commission, comme le canola et les légumineuses. Nous avons une franchise importante aux États-Unis qui favorise un commerce du grain dynamique dans les régions les plus productives des États-Unis. Notre vaste réseau et nos produits et services fiables permettent une circulation efficace et efficiente du grain peu importe la structure de marché. Nous nous attendons à continuer à utiliser ces modèles avec succès avec nos expéditeurs.
Le CP a récemment présenté des changements innovateurs à ses opérations, ainsi qu'à ses processus et outils de gestion des expéditions du grain canadien. Nous avons implanté un modèle d'opérations régionales regroupant plus de 165 élévateurs à grains des Prairies dans huit centres d'opérations. Dans ces centres, on affecte des ressources au programme de services un jour de la semaine donné pour chaque élévateur. Je suis heureux de signaler qu'avec cette approche, nous avons constaté d'importantes améliorations de rendement en matière de ponctualité, ce qui permet aux clients de maximiser l'utilisation de leur élévateur.
Le CP a aussi mis en œuvre un nouveau système de demande de wagons à grains, qui permet aux clients de demander des wagons et des plans de service de chemin de fer en temps réel. Ce système et les processus de gestion connexes permettent une planification plus souple qui nous a constamment permis au fil des années d'apporter des améliorations aux services que reçoivent les clients. Grâce aux changements que je viens de vous décrire et à d'autres changements avantageux au CP, je crois que nous sommes bien placés pour gérer les changements dans l'organisation du transport et en tirer d'autres améliorations.
Le CP s'engage à faire en sorte d'avoir les programmes et les services nécessaires pour répondre aux besoins d'expédition de nos clients. Toutefois, le CP n'est qu'une des composantes de la chaîne d'approvisionnement du grain canadien. Il est essentiel que tous les partenaires travaillent en collaboration pour offrir le meilleur niveau d'efficacité possible, peu importe le système de marketing du grain en place. Il est aussi essentiel que, à mesure que le système de transport et de manutention du grain devient plus commercial, tous les intervenants accueillent bien le changement pour compétitionner efficacement dans le marché mondial du grain. Nous estimons que les intervenants de l'industrie qui profitent de ces occasions commerciales pour augmenter leur efficacité se démarqueront dans le nouvel environnement et contribueront à refaçonner le marché du grain.
Dans un contexte où les agriculteurs ont plus d'options pour vendre leur blé et leur orge, nous nous attendons à ce que la demande d'expédition de grains continue de croître, ce qui pourrait augmenter la circulation et présenter un défi continu pour le système de manutention et de transport du grain canadien. De toute évidence, des investissements continus dans la chaîne d'approvisionnement seront nécessaires pour soutenir cette croissance. Au CP, nous cherchons toujours à améliorer l'efficacité et la fiabilité du service avec et pour l'industrie du grain canadien.
Pour terminer, alors que la commercialisation du grain continue d'évoluer au pays, CP est bien placé pour jouer un rôle intégral afin d'assurer le succès concurrentiel de l'industrie canadienne du grain.
Le président : Je vous remercie de vos exposés.
Le sénateur Plett : Je vous remercie de vos comparutions, surtout à court préavis. Nous vous en remercions.
Ma première question porte sur le CN. J'ai deux questions pour ses représentants, et ensuite une pour les représentants du CP.
Il y a eu récemment un examen des services de transport ferroviaire des marchandises, et je crois que le CN avait exprimé certaines réserves à son sujet. Le but était, bien sûr, d'examiner le système de transport du producteur au port et d'encourager tous les intervenants à collaborer. Pouvez-vous expliquer au comité pourquoi vous estimez que l'examen a tiré des conclusions erronées, si c'est en fait ce que vous pensez? Est-ce que vous pourriez commencer par répondre à cette question, s'il vous plaît?
M. Hébert : Nous avons participé activement à cet examen, et nous estimons que certaines recommandations positives en ont découlé. Toutefois, l'examen devait porter sur toute la chaîne d'approvisionnement, soit les chemins de fer, les producteurs, les conteneurs, et cetera. Or, les recommandations visaient uniquement les chemins de fer. Nous travaillons fort avec les intéressés pour mettre en œuvre ces recommandations. Nous préparons notamment un modèle de service avec Transports Canada. Nous avons en fait signé plus de 20 ententes de service depuis l'examen. Toutefois, nous aurions aimé que d'autres recommandations soient formulées. Il faut examiner la chaîne en entier, pas seulement les chemins de fer. Pour le reste, nous sommes ravis des résultats de l'examen.
Le sénateur Plett : Allez-vous pouvoir vous acquitter de vos responsabilités?
M. Hébert : Sans aucun doute; nous sommes sur la bonne voie.
Le sénateur Plett : Ma prochaine question est un peu plus personnelle. Je suis originaire du Manitoba. Beaucoup de gens s'interrogent, et on a entendu des propos alarmistes au sujet du port de Churchill. Certaines entreprises sont toutefois positives. OmniTRAX semble vouloir continuer ses activités là-bas. Corrigez-moi si j'ai tort : je crois que le CN utilise le chemin de fer d'OmniTRAX. Ai-je raison?
M. Hébert : Oui.
Le sénateur Plett : J'ai pris un train de passagers jusqu'à Churchill. Évidemment, vous n'êtes pas responsable de la ponctualité des trains de passagers, et ces derniers ne respectent pas vraiment les bonnes normes dont vous avez parlé. Nous sommes restés dans une voie d'évitement pendant des heures en attendant un train de marchandises du CN. OmniTRAX s'est dit préoccupé par le temps pris par le CN pour acheminer certains de ses trains là-bas. Ce problème est-il attribuable au chemin de fer ou au chargement à l'extrémité sud? À votre avis, y a-t-il un problème?
M. Hébert : Il y a confusion plus que problème. J'ai participé à la mise sur pied de la plupart des lignes ferroviaires sur courte distance au CN. Je suis fier de dire que la plupart d'entre elles, y compris OmniTRAX, fonctionnent toujours aujourd'hui. La ligne ferroviaire sur courte distance et la ligne vers Churchill obtiennent du succès depuis plus de 10 ans. Nous desservons les élévateurs et apportons le grain à OmniTRAX à The Pas, au Manitoba, avec des locomotives du CN et des wagons du gouvernement. OmniTRAX prend la relève à The Pas avec son équipage et ses locomotives. Comme vous le disiez, un service de passagers, VIA, est offert, lequel relevait auparavant du CN. Nous avons un pourcentage élevé de ponctualité avec OmniTRAX. Il y a toujours un certain débat lorsqu'un train de passagers est en cause : quel train va à la voie d'évitement, le train de marchandises ou de passagers? Je parle de la ligne OmniTRAX. Les chiffres démontrent que nos services dans les deux directions avec OmniTRAX ont été très bons pour ce qui est des marchandises.
Le sénateur Plett : Assurément, je suis ravi d'entendre dire qu'on accepte qu'au moins un des trains soit placé sur la voie d'évitement.
Les lignes secondaires et les wagons consignés au producteur ont été un succès. Le CN et probablement le CP voudront intervenir. À votre avis, pensez-vous que ce régime pourrait continuer de bien fonctionner en présence de la nouvelle commission canadienne du blé ou du régime de marché libre? Pourriez-vous bien fonctionner sous un tel régime?
M. Hébert : J'en suis convaincu. Les lignes secondaires sont efficaces et offrent un bon service. Leur base est plus locale et cela ne changera pas avec la nouvelle donne pour la CCB. Ces lignes transportent du blé de la CCB et du blé qui n'en provient pas de façon très satisfaisante. Je ne vois pas comment cela pourrait changer.
Le sénateur Plett : Les autres témoins ont-ils quelque chose à ajouter?
M. Adams : Le port de Churchill représente une petite portion des affaires que nous faisons. La distance à parcourir jusqu'à Churchill est relativement courte. Dans la mesure où nos clients et expéditeurs continuent d'acheminer leurs produits vers ce port, nous maintiendrons le service, et il n'y aura pas de changement à l'avenir.
Le sénateur Plett : Merci. Vous avez dit quelques mots de vos projets d'avenir. En 2009-2010, vous avez éprouvé des difficultés, mais vous vous êtes très bien remis à flot. Vous avez parlé de vos projets d'infrastructure.
Comment expliquez-vous qu'il en soit ainsi? Cela a-t-il quelque chose à voir avec les débouchés en Asie? Quelle incidence cela aura-t-il pour le transport dans les Prairies? Plus particulièrement, y aura-t-il des possibilités d'alliance locale — lignes secondaires et wagons consignés au producteur — pour acheminer les produits vers Churchill ou ailleurs? Tout à l'heure, un exploitant de ligne secondaire a exprimé des inquiétudes concernant sa compagnie. Qu'en pensez-vous? Quelle serait votre contribution à un régime de wagons consignés au producteur et à des volumes plus élevés de manutention des céréales de l'Ouest?
M. Adams : Lors de la campagne agricole de 2010-2011, nous avons subi les conséquences de périodes de mauvais temps qui ont entravé notre capacité à répondre à toutes les exigences et à toutes les attentes de nos expéditeurs. En outre, cela a eu des répercussions considérables sur l'acheminement des céréales vers Vancouver. Nous devions fonctionner en tenant compte de contraintes.
La mise en place de notre modèle de centres d'opérations et les modifications dans la façon dont nos clients font des demandes de service à notre groupe de planification ont grandement amélioré notre capacité à planifier et à prévoir la demande. Les résultats à cet égard sont éloquents. Depuis trois mois, en moyenne, nous avons des ententes de placement pour 5 000 wagons destinés au traitement de commandes. L'année dernière à la même époque, c'était environ 3 800. Autrement dit, le nouveau régime a considérablement amélioré notre rendement au plan du placement des wagons et de l'expédition des céréales vers le port.
Si la CCB continue d'acheminer les demandes de service pour des wagons consignés au producteur, nous allons continuer quant à nous à offrir des ententes de placement. Nous n'envisageons pas de changement à cet égard. Ce n'est qu'une petite partie des affaires que nous faisons — 3 à 4 p. 100 annuellement pour le CP. Toutefois, c'est suffisamment intéressant pour nous, et nous ne sommes pas prêts à abandonner. Nous voulons continuer de servir ce secteur, et nous appuyons totalement le régime actuel pour veiller au traitement des commandes grâce à notre système.
Le sénateur Plett : Merci de ce rapport positif concernant ma province, et merci de nous assurer qu'il n'est pas question de renoncer à Churchill.
Le sénateur Tkachuk : Je remercie le sénateur Peterson de me céder son temps de parole. On a beaucoup parlé des wagons réservés au transport des céréales, ce qui est une question compliquée. Pour notre auditoire — qui est assez nombreux, étonnamment — décrivez-moi le cheminement des céréales à partir d'un silo Viterra à Kindersley jusqu'à un port de la côte Ouest, ou un autre port.
Hedley Auld, directeur principal, Céréales réglementées, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada : Au risque de simplifier un sujet complexe, nous disons que toutes les céréales commencent leur trajet à destination d'un client dans un camion. Vous pouvez vous imaginer les silos élévateurs dans l'Ouest du Canada. Au cours des 10 à 15 dernières années, on a construit des silos élévateurs de taille beaucoup plus grande. Ils peuvent maintenant contenir 20 000, 30 000, voire 40 000 tonnes de grain. Un convoi ferroviaire permettrait d'expédier peut-être 10 000 tonnes à 100 tonnes par wagon et 100 wagons par train. Bon nombre de ces installations comprennent maintenant des voies pouvant accepter 100 wagons. De notre point de vue, le processus commence lorsqu'une compagnie céréalière, dans ce cas-ci Viterra, inscrit dans notre système une demande pour 100 wagons. Étant donné la complexité logistique liée à la gestion du transport des céréales à destination des ports, lesquels peuvent devenir congestionnés, nous demandons au même moment où doivent se rendre les wagons. C'est comme faire une réservation d'avion. Cette information se trouve dans notre système sur Internet, comme M. Hébert l'a décrit. Les demandes de wagons sont transmises et les demandes sont faites pour une semaine en particulier, comme cela est défini dans l'Ouest du Canada. Les demandeurs indiquent également le type de céréale qui doit être chargé et s'il s'agit de grains de la commission ou de grains non visés par la Commission canadienne du blé.
Viterra peut expédier du canola à son propre compte et pourrait en envoyer de Kindersley à direction de Vancouver. Mais c'est également un agent de la Commission canadienne du blé. À l'heure actuelle, la commission a l'autorisation légale de contrôler le chargement du grain de la commission dans des wagons à céréales et de contrôler l'expédition à direction du port. Par conséquent, lorsqu'il s'agit de grain de la commission, la Commission canadienne du blé ferait affaire directement avec Viterra, son agent, et lui dirait ce qu'elle doit faire avec le grain de la commission qui se trouve dans le silo élévateur de Kindersley. La commission peut indiquer qu'elle veut que ce grain soit transféré à Prince- Rupert. Il se peut alors qu'un vaisseau vienne dans une semaine ou deux de sorte que nous indiquerions à Viterra de commander un train du CN, de le charger et d'expédier son contenu à Prince-Rupert.
De notre point de vue, nous voyons le processus de planification dans le cours d'une semaine. Typiquement, ces demandes de wagons arrivent une semaine ou deux à l'avance, et nous planifions le service pour repérer, comme nous le disons, 100 wagons vides qui pourraient être en provenance de la côte Ouest. Ils pourraient être en direction de Saskatoon en passant par Edmonton et être redirigés vers Kindersley. C'est ainsi que l'on repaire les wagons.
Les gestionnaires de silos de Viterra assureraient le chargement du train. Grâce à notre système électronique, nous les aviserions que le prochain train vide serait destiné à Vancouver pour le transport de canola. Les responsables prendraient connaissance de cette information et surveilleraient l'heure d'arrivée prévue, tout comme le font les lignes aériennes. Ils prépareraient leur personnel et commanderaient les camions pour compléter la cargaison. Les wagons seront chargés et prêts à repartir dans peut-être 16 ou 24 heures. Par la suite, les membres de nos équipes entrent en jeu pour les amener à Saskatoon, et par la suite de nouveau à Vancouver.
Une fois que les wagons sont chargés, nous recevons un ordre de livraison sous forme de lettre de transport électronique qui stipule non seulement le port de destination mais également le silo terminal vers lesquels la cargaison sera acheminée. Dans le cas de grains autres que les grains de la commission, c'est Viterra qui prend la décision. La société décide dans lequel de ces deux silos terminaux à Vancouver elle enverra les céréales. S'il s'agit de grains de la commission, elle suit les instructions de la Commission canadienne du blé, et au nom de cette dernière, elle nous transmet une lettre de transport qui stipule qu'il s'agit de 100 wagons de blé à être stocké dans le silo élévateur de Prince-Rupert, et nous suivons les instructions pour savoir ce qu'il faut faire de cette marchandise.
En coulisse, il y a des rapports entre le représentant de la Commission canadienne du blé et la commission même, dans le cadre de ce qu'on appelle à l'occasion le système d'attribution des wagons. J'ai entendu M. McKague parler de l'attribution des wagons de la commission. La commission, en étudiant son programme de vente, décide qu'il lui faut acheminer vers les silos élévateurs des Prairies une certaine quantité de grains; elle se sert de wagons pour acheminer le produit. Des demandes de céréales ou de grains seront présentées aux représentants des compagnies céréalières, puis les agents communiquent avec nous pour commander un nombre suffisant de wagons pour transporter le produit.
Il existe à l'occasion une certaine confusion entre l'attribution des wagons et les processus connexes. Parfois les gens parlent de la façon dont la commission choisit les représentants qui achemineront les grains de la commission chaque semaine, et parfois ils parlent de la façon dont les sociétés ferroviaires décident quelles commandes seront choisies. Il se pourrait qu'il y ait une certaine contradiction dans la terminologie employée.
Le sénateur Tkachuk : Lorsqu'une commission du blé est une coopérative, est-ce que les choses sont faites de la même façon? Supposons que cette commission détient 60 ou 70 p. 100 du marché. Cette commission vous demanderait-elle de livrer le produit à un certain endroit, comme une compagnie céréalière pourrait vous demander de livrer du canola à un endroit particulier?
M. Auld : Je ne sais pas vraiment parce que nous n'avons pas vraiment discuté de la nouvelle version de la Commission canadienne du blé, mais c'est certainement possible. Peut-être que le nouveau modèle permettrait à la commission de vendre des produits à un acheteur à l'étranger. La commission aurait déjà acheté le produit au Canada. Elle déciderait par la suite des endroits où les céréales seraient chargées dans les wagons. Les céréales pourraient se trouver à un terminal céréalier indépendant ou être acheminées par des entreprises comme Viterra, Richardson, Cargill, Parrish et Heimbecker, ou d'autres intervenants du secteur. Il pourrait y avoir des ententes.
Puis, ils commanderaient probablement les céréales de ces chargeurs. Ces derniers, à leur tour, nous demanderaient de réserver pour eux des wagons, comme je l'ai dit tout à l'heure, pour assurer le transport de ces céréales de leur point d'origine à leur destination. La nouvelle commission ne serait donc pas directement en contact avec nous.
Le président : Avant de céder la parole au sénateur Peterson, le sénateur veut poser une question supplémentaire.
Le sénateur Eaton : Pour poursuivre dans la même veine, si j'ai bien saisi, la Commission canadienne du blé se sert d'un intermédiaire; en d'autres termes, la commission ne contacte pas directement la société ferroviaire. Est-ce qu'elle fait appel à un courtier en grains?
M. Auld : À la dernière étape, lorsque les wagons sont commandés, la commission fait appel à ses représentants. Ces derniers suivent les consignes qu'on leur a données. Nous sommes toujours en contact avec la commission puisque nous voulons en connaître plus long sur leurs besoins. La dernière étape, c'est le représentant de la Commission canadienne du blé qui traite directement avec nous.
Le sénateur Eaton : En d'autres termes, si moi comme céréaliculteur j'achemine actuellement mon produit à un silo élévateur, que ce soit par l'entremise de Viterra, de Cargill ou d'un autre intervenant, à l'avenir je pourrai faire les choses plus directement que si je dois passer par l'entremise de la Commission canadienne du blé qui elle communique avec Viterra. En d'autres termes, vous pourriez éliminer une étape n'est-ce pas? Est-ce que j'ai bien saisi?
M. Auld : J'aimerais rappeler que quelqu'un a dit un peu plus tôt que l'actif de la Commission canadienne du blé consiste en son siège social, son actif financier et j'en passe. La commission n'est pas propriétaire des silos élévateurs. Ils appartiennent en fait aux sociétés céréalières qui les exploitent.
Le sénateur Eaton : Ils ne paient donc pas pour l'entreposage; ils paient le marchand de grains pour acheminer le matériel.
M. Auld : C'est exact. Lorsque les céréales sont livrées à un silo élévateur, ce produit devient la propriété de la Commission canadienne du blé à ce moment, même si c'est le représentant qui s'en occupe.
Le sénateur Eaton : Merci. Vous avez répondu à ma question.
Le sénateur Peterson : Monsieur le président, j'aimerais lire une déclaration si vous le voulez bien. Je viens d'apprendre que l'honorable juge Campbell de la Cour fédérale vient de rendre sa décision et a précisé que le ministre de l'Agriculture en décidant de déposer le projet de loi C-18 au Parlement enfreint l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé; il dit que cela représente un affront à la primauté du droit et que le ministre n'a pas respecté l'obligation d'origine législative prévue dans cette disposition.
Puisque l'on a indiqué que le projet de loi C-18 n'aurait pas dû être déposé au Parlement, je me demande s'il est approprié que nous poursuivions notre étude de cette mesure législative. À mon avis, poursuivre nos audiences dans cette circonstance serait simplement de faire fi d'un arrêt du tribunal et à mon avis de cette façon nous serons également coupables d'un affront à la primauté du droit.
Le sénateur Plett : J'invoque le Règlement.
Le président : Un instant s'il vous plaît. Pour ce qui est du rappel au Règlement, sénateur Plett, vous pouvez intervenir. Quel est ce rappel?
Le sénateur Plett : Monsieur le président, nous nous réunissons en comité pour poser des questions aux témoins. Nous avons invité des groupes de témoins à être des nôtres. Le comité a invité ces quatre messieurs pour répondre à nos questions. L'intervention du sénateur Peterson est tout simplement irrecevable. Tout d'abord, ces décisions n'ont absolument aucune incidence sur nous et ne nous empêchent absolument pas de poursuivre notre étude, ou même de poursuivre l'étude du projet de loi même.
Le gouvernement a l'intention d'interjeter appel de cette décision. Une cour d'appel sera saisie du dossier. En fait, on peut poursuivre le cheminement des appels jusqu'à la Cour suprême du Canada. Le gouvernement n'a absolument pas l'intention de changer son fusil d'épaule, car il désire s'assurer que les agriculteurs de l'Ouest du Canada pourront choisir comment vendre leurs produits.
Monsieur le président, je suis prêt à parler longuement de cet aspect de la question. En fait, je peux facilement parler du sujet jusqu'après 16 heures, jusqu'à l'ajournement. Il est absolument inacceptable que l'honorable sénateur essaie de ralentir les témoignages. Les tribunaux peuvent se prononcer comme ils le désirent; ils n'ont certainement pas besoin de l'aide du sénateur Peterson à cet égard.
Monsieur le président, cette motion est absolument irrecevable.
Le sénateur Robichaud : Nous n'avons pas entendu de motion.
Le sénateur Plett : Bien, des commentaires ont été faits et on a quand même proposé de mettre fin à nos travaux.
Le sénateur Mercer : Monsieur le président, mon collègue parle d'une motion qui n'a pas été présentée. Si le sénateur Peterson veut présenter une motion, il est en droit de le faire à titre de membre de comité. Le sénateur Plett le sait parfaitement. Monsieur le président, je juge que...
Le sénateur Plett : Monsieur le président, j'intervenais sur un rappel au Règlement.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Peterson avait la parole avant qu'on ne l'interrompe.
Le président : Sénateur Mercer, la présidence...
Le sénateur Duffy : Un rappel au Règlement, monsieur le président.
Le président : Un instant. J'ai entendu l'intervention du sénateur Plett. Il a invoqué le Règlement à la suite d'une déclaration qu'a faite le sénateur Peterson. Je dois permettre au sénateur Plett de dire pourquoi il invoque le Règlement.
Pour ce qui est de la déclaration du sénateur Peterson, pouvez-vous me dire ce que vous avez l'intention de faire ou devrais-je proposer une pause de cinq minutes?
Le sénateur Peterson : Nous pouvons prendre une pause si vous le désirez. J'ai dit ce que j'avais à dire. On a contesté mes propos et c'est à vous d'agir.
Le sénateur Duffy : J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Le président : Un instant. Le sénateur Plett a déjà invoqué le Règlement. Y a-t-il d'autres commentaires d'autres sénateurs sur son intervention?
Sénateur Duffy.
Le sénateur Duffy : Merci, monsieur le président. Je suis absolument surpris que des membres du comité, lors de l'audience des témoins qui sont venus d'assez loin pour partager avec notre comité leurs connaissances, ne peuvent même pas attendre 10 minutes, soit la fin des témoignages, avant de soulever cette question, qui est une question interne qui touche exclusivement le Sénat. Il me semble qu'on insulte littéralement nos témoins qu'on ne laisse même pas terminer leur témoignage avant de passer à cette question.
Le président : Merci, sénateur Duffy.
Sur ce rappel au Règlement, le sénateur Mercer.
Le sénateur Mercer : Sénateur Duffy, personne n'a fait preuve de plus de respect à l'égard des témoins hier et aujourd'hui que les sénateurs qui sont de ce côté-ci de la table. Le sénateur Peterson nous fait part de renseignements qu'il vient d'obtenir. On vient de rendre une décision judiciaire qui touche la nature même du projet de loi; il y a lieu seulement de se demander si ce projet de loi devrait toujours exister. Le sénateur Peterson nous donnait de plus amples détails lorsqu'il a été interrompu par un rappel au Règlement de la part du sénateur Plett.
À mon avis, le président devrait décider de laisser le sénateur Peterson finir son intervention, puis nous pourrions aller de l'avant et soit entendre les témoins ou donner suite à la décision du président.
Le sénateur Peterson : J'ai terminé. J'ai seulement fait un commentaire. C'est tout.
Le président : Y a-t-il d'autres commentaires de la part des sénateurs sur le rappel au Règlement du sénateur Plett?
[Français]
Le sénateur Robichaud : Si le rappel au Règlement traite d'une motion qui n'a pas été proposée, alors je vois mal comment on pourrait avoir un rappel au Règlement. D'autant plus que le sénateur Peterson dit qu'il est prêt à continuer à considérer le témoignage des gens qui sont devant nous. Je crois qu'on devrait tout simplement continuer.
[Traduction]
Le président : Après avoir entendu les commentaires et les opinions exprimés sur le rappel au Règlement du sénateur Plett, je vais laisser le sénateur Peterson terminer son intervention, puis nous poursuivrons, conformément à l'ordre de renvoi du comité, l'audition des témoins et nous poserons des questions aux représentants du Canadien National et du Canadien Pacifique.
Le sénateur Peterson peut poser des questions.
Le sénateur Peterson : Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, messieurs, de vos exposés aujourd'hui.
Le directeur d'une ligne ferroviaire sur courtes distances était des nôtres plus tôt, vous étiez d'ailleurs peut-être déjà ici, et il a dit qu'il s'inquiétait vivement de ce qui se produirait lorsque la Commission canadienne du blé n'existerait plus. Je crois que vous avez dit qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que les choses seront comme d'habitude. Pouvez-vous le confirmer?
M. Adams : Le Canadien Pacifique entretient d'excellents rapports avec les huit lignes sur courtes distances qui rejoignent notre réseau, et nous avons pleinement l'intention de continuer à offrir nos services aux chargeurs de wagons de producteurs. Au cours des deux dernières campagnes agricoles, en fait il y a probablement plus longtemps que cela, nous avons multiplié nos efforts pour la prestation de service aux installations de chargement des wagons de producteurs. L'année dernière, nous avions beaucoup à faire pour répondre aux attentes de l'industrie, et nous avons tout fait pour protéger les intérêts des chargeurs de wagons.
Comme je l'ai signalé plus tôt, tant qu'ils achemineront leurs requêtes par l'entremise de la Commission canadienne des grains, nous continuerons à répondre à leurs demandes, nous répondrons à ces demandes de service, nous les intégrerons dans nos plans, comme nous le faisons avec toutes les autres compagnies céréalières.
M. Hébert : Je pense que les choses iront bien. Il est difficile de prédire ce qui changera quand on parle de volume, ou même des ports utilisés. Nous ne savons pas vraiment ce qui va se passer, et ils ne le savent pas non plus. Il est donc difficile de déterminer quelles répercussions cela aura sur le transport des céréales.
J'aimerais signaler que j'ai participé aux négociations sur les transactions des propriétaires des lignes ferroviaires sur courte distance au CN. Il existe toujours huit de ces lignes ferroviaires dans les Prairies qui fonctionnent très bien aujourd'hui. Elles ont fait preuve de beaucoup de résilience. Elles sont efficaces, bien organisées et offrent de bons services. Elles ont vraiment su s'adapter. La majorité d'entre elles sont en affaires depuis environ 1997, et elles ont pu survivre aux aléas du secteur, bon temps mauvais temps, en dépit des changements et de l'évolution du marché. Je suis fort optimiste et je suis convaincu qu'elles réussiront dans le nouvel environnement qui sera créé.
Le sénateur Peterson : On expédie beaucoup de potasse à partir de la Saskatchewan, et on ouvre de plus en plus de mines. Vous avez actuellement des trains qui comptent 100 wagons, et vous pensez à monter à 150 wagons. Est-ce que cela posera des problèmes structurels dans les Rocheuses? Est-ce que les voies d'évitement sont assez grandes pour ce nombre de wagons? Est-ce que des intervenants disparaîtront simplement parce que c'est impossible?
M. Hébert : Au CN, je suis responsable du réseau. Je peux vous assurer que la capacité existe. Il est vrai qu'il y a plus de potasse, c'est une bonne chose pour le Canada, plus de charbon, et plus de transport multimodal, mais notre réseau n'est pas encore à pleine capacité. Nous avons agrandi et multiplié nos voies d'évitement. Au cours des six dernières années, nous sommes passés de 6 000 pieds à 11 000 pieds comme voies d'évitement, c'est quand même un changement très important. Nous avons des voies d'évitement à tous les 15 milles. Nous avons installé des centaines de voies d'évitement, ce qui a permis de doubler notre capacité. Nous pouvons assurer la circulation d'autant de trains deux fois plus longs, alors nous avons doublé la capacité en ajoutant des voies d'évitement dans les Rocheuses. Que ce soit à Prince Rupert, à Churchill, ou même à Vancouver, nous avons une capacité supplémentaire de 30 à 50 p. 100, et nous pouvons certainement être en mesure d'assurer la manutention et l'acheminement des céréales et de tous les produits nécessaires.
Les Rocheuses étaient le grand point d'interrogation. Je suis très fier de l'entente unique que nous avons conclue avec notre concurrent, le Canadien Pacifique, sur la zone de circulation à sens unique dans les Rocheuses. Entre Kamloops et Vancouver, nous utilisons leurs voies et ils utilisent les nôtres, ce qui nous a permis de régler le problème qui existait dans le réseau. La capacité existe. Je pense que nous pouvons vous l'assurer.
M. Adams : J'aimerais ajouter, comme l'a dit M. Murphy, que le Canadien Pacifique a lancé cette année un plan d'immobilisations de plus de un milliard de dollars; une bonne partie de ce montant est affecté à une ligne principale dans le Nord. Cet investissement sera utile pour le secteur de la potasse et des céréales. Les voies d'évitement ont été rallongées, l'infrastructure des voies sera améliorée, et nous serons en mesure de répondre à l'augmentation de la demande pour la potasse et les autres produits dans notre réseau.
Tous ces investissements mèneront à une croissance plus tard. Tout change à long terme. Nous songeons à des stratégies permettant d'utiliser des trains plus longs pour divers secteurs, et nous voulons nous assurer que ces investissements auront été faits pour répondre aux besoins.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur Hébert, lorsque vous avez commencé votre présentation, vous nous avez dit que dans le nouvel environnement avec la nouvelle loi, que ça ne changerait pas grand-chose dans votre façon de transporter le grain. Quelques instants plus tard, vous avez dit que, après le mois d'août, vous seriez forcés de vous adapter aux changements. D'une façon vous dites que ça ne change rien et de l'autre façon, vous dites qu'il y aura des changements.
M. Hébert : Je ne voulais pas me contredire. Il va y avoir des changements et c'est vrai qu'on ne connait pas tous les changements qui auront lieu. Est-ce qu'il y aura plus de grains à Vancouver, à Prince Rupert, à Halifax ou à Churchill? On ne le ne sait pas et je pense que personne ne le sait. Mais on est confiant qu'on peut s'adapter à ces changements. Il y aura sûrement des changements de direction dans les volumes. On espère que ça va donner plus de grains, plus il y en a, plus nous sommes contents. On espère que ça va générer plus de volumes de grains pour nous et les fermiers. Mais notre réseau est en bonne condition sur tous les ports. On a la capacité dans notre réseau. S'il y en a plus à Halifax, à Prince Rupert ou à Vancouver, nous autres on est prêt à rediriger les trains au port si les volumes changent. On est en bonne condition parce que nos voies principales ont la capacité pour tous les ports. C'est pourquoi je suis confiant qu'on puisse s'adapter aux changements sans savoir ce qu'ils vont être.
Le sénateur Robichaud : Est-ce qu'il y a beaucoup de grains et quel pourcentage dépasse le port de Thunder Bay et s'en vient vers l'Est? Parce que vous parlez aussi d'Halifax. En route vous avez Montréal, Trois-Rivières, Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, et Halifax bien sûr.
M. Hébert : Thunder Bay, c'est environ cinq millions de tonnes qu'on transporte. La côte Ouest, c'est à peu près 20 millions de tonnes à Vancouver et Prince Rupert. Il n'y en a pas de grosses quantités mais il y en a une certaine quantité à Québec et à Halifax, toutes les années, environ un million de tonnes. Cinq sur à peu près 30, c'est à peu près 15 à 20 p. 100, qui va passer par Thunder Bay vers l'Est.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Je vous remercie d'être venus partager avec nous vos connaissances dans ce domaine. J'ai dit un peu plus tôt aujourd'hui que je suis ici depuis très longtemps; je me souviens du tarif du Pas du Nid-de-Corbeau et de l'abandon des voies ferroviaires par exemple. Certains de ceux qui sont de l'autre côté de la table ont été à l'origine de certaines de ces politiques qui avaient suscité toute une controverse. Cependant, aujourd'hui, ils s'opposent aux changements, alors qu'avant c'est eux qui insistaient qu'il fallait changer.
Voici ma question : vous préoccupez-vous des craintes qu'on a voulu semer dans la collectivité. Vous avez été témoins des changements dans l'industrie ferroviaire au cours des dernières années, et j'aimerais savoir si vous jugez que les gens devraient s'inquiéter du futur autant que certains l'ont dit?
M. Adams : Je ne dirais pas qu'on s'inquiète vraiment de ces craintes. Le réseau ferroviaire est un élément très important de la chaîne d'approvisionnement, tout particulièrement en ce qui a trait à l'exportation des céréales canadiennes. Nous voulons assurer un système plus efficace. Les investissements que nous avons faits un peu plus tôt cette année dans les centres d'opérations et les nouveaux systèmes visaient tous à accroître la capacité du système dans le secteur de l'exportation des céréales canadiennes.
Nous ne savons pas si tous les éléments de la chaîne d'approvisionnement seront en mesure de composer avec la demande. Cependant, à titre d'agent d'intégration — assurant le service du silo de collecte au terminal portuaire —, nous sommes convaincus que nous avons les capacités nécessaires pour augmenter la circulation des céréales vers l'extérieur du pays.
Le sénateur Duffy : Êtes-vous d'avis qu'il devrait y avoir des règlements visant à s'assurer que les petits silos élévateurs des régions rurales auront accès aux terminaux — non simplement aux voies ferrées, mais également, et c'est encore plus important, aux silos élévateurs et aux terminaux portuaires?
M. Adams : Nous croyons fermement en la commercialisation et dans le système commercial. Nous sommes convaincus que ces changements permettront d'offrir aux agriculteurs plus de choix et permettront également à l'industrie d'offrir un système commercial plus moderne.
Dans ce contexte, nous sommes convaincus que les propriétaires des diverses installations assureront aux agriculteurs du pays tout entier un accès sur une base économique à ces installations. Ils pourront donc avoir accès à l'ensemble du système.
Le sénateur Duffy : S'il est possible de faire des sous, vous y parviendrez. Vous faites affaires avec tous les intervenants.
M. Adams : Certainement. Il s'agit d'un volet important de notre entreprise, et nous continuerons à collaborer avec tous les intervenants du système afin d'assurer que les céréales continuent à être expédiées.
Le sénateur Duffy : Comme l'a dit mon collègue, on appelle ça le libre marché.
Le sénateur Mercer : Deux expressions ont été employées et je me demande si cela représente la même chose parce que les commentaires venaient de deux sources différentes. Dans un cas, on a parlé du système de demandes d'accès à des wagons à céréales, et dans l'autre, on a parlé du système d'attribution des wagons. S'agit-il de la même chose ou suis-je confus?
M. Auld : M. Hébert a parlé pour nous. Le concept équivalent au CN est notre registre de demandes ouvert, qui est notre système de commandes de wagons. C'est l'équivalent.
M. Adams : C'est un processus semblable. Nous avons apporté des modifications spectaculaires à nos produits et services au début de la campagne agricole l'année dernière. Nous avions des produits très structurés sur le plan des demandes précoces; nous avons modifié le système pour assurer une meilleure planification.
Le sénateur Mercer : Je veux m'assurer que peu importe ce qui se produira — si le projet de loi devient loi, si les modifications proposées deviennent un fait — que le petit producteur continue à avoir l'accès dont il jouit actuellement par l'entremise de la Commission canadienne du blé, qu'ils continueront toujours à avoir accès aux wagons, aux silos élévateurs au terminaux, et aux ports, et j'en passe.
J'encouragerais les intervenants à expédier plus de matériel par le port de Halifax plutôt qu'ailleurs évidemment. Il n'y a pas suffisamment de marchandises qui passent par Halifax, mais nous apprécions les bons services du CN au port d'Halifax et ailleurs. Je ne veux pas trop m'éloigner du sujet, mais je ne veux pas rater cette occasion de faire de la publicité pour ma ville natale.
Avez-vous noté des faiblesses dans le système? Devons-nous ajouter des règlements ou tout au moins des lignes directrices pour protéger le petit agriculteur, le petit producteur, pour que dans le nouveau système il continue à avoir accès à un prix raisonnable et en temps opportun à des wagons?
M. Hébert : Pour en revenir aux commentaires du sénateur Duffy, je dois dire que je suis dans le secteur depuis longtemps — 37 ans en fait que je travaille auprès du CN, et le temps file très rapidement, mais j'ai connu beaucoup de changements. Il y a eu des changements extraordinaires comme vous le savez au CN. C'est incroyable. J'ai appris en toute humilité que le changement a été une chose positive. Je ne pense pas que qui que ce soit voudrait revivre la situation d'avant 1974, avant la privatisation.
Chaque fois qu'on a apporté des changements importants, certains craignaient ce qui pourrait se passer, mais je dois dire avec le recul que le changement a été une bonne chose. Notre société ferroviaire est meilleure qu'elle ne l'était. Je crois que les Canadiens dans l'ensemble ont accès au meilleur réseau ferroviaire au monde. Je crois que nous sommes un peu meilleurs que notre principal concurrent, et ils pensent la même chose.
Je crois sincèrement que le gouvernement canadien a trouvé le juste milieu entre la réglementation et le libre marché, en protégeant les expéditeurs et en s'assurant qu'il y aura suffisamment de profits pour réinvestir dans le secteur. Je crois qu'on a trouvé le juste équilibre. J'ai appris que le changement est bon, tout comme l'allégement de la réglementation. Vous savez, il y avait tellement de règlements par le passé, et je crois que nous avons pu démontrer qu'à long terme une réglementation moins stricte a porté fruit.
Je crois que les producteurs sont très bien protégés parce que nous voulons que les céréales soient acheminées. Nous voulons leurs céréales.
Le président : Je tiens à vous remercier au nom de tous les sénateurs, vous, les représentants du Canadien National et du Canadien Pacifique, de cette séance fort enrichissante.
Chers collègues, avant d'ajourner nos travaux, j'aimerais vous rappeler que notre prochaine réunion aura lieu le jeudi 8 décembre de 10 heures à 15 heures; nous étudierons alors à nouveau le projet de loi C-18.
(La séance est levée.)