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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 9 - Témoignages du 9 décembre 2011


OTTAWA, le vendredi 9 décembre 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 h 2, pour examiner le projet de loi C-18, Loi réorganisant la Commission canadienne du blé et apportant des modifications corrélatives et connexes à certaines lois.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte.

[Traduction]

Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Français]

Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité.

[Traduction]

J'inviterais maintenant chacun des sénateurs à se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Mercer : Sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Peterson : Sénateur Bob Peterson, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, agriculteur de Timmins.

Le sénateur Fairbairn : Joyce Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

Le sénateur Plett : Sénateur Don Plett, du Manitoba.

Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.

Le sénateur Manning : Fabian Manning, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.

[Traduction]

Le président : En tant que président du Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier les témoins d'avoir accepté de participer à notre étude sur le projet de loi C-18, Loi réorganisant la Commission canadienne du blé et apportant des modifications corrélatives et connexes à certaines lois.

[Français]

Nous étudions le projet de loi C-18, Loi réorganisant la Commission canadienne du blé.

[Traduction]

Honorables sénateurs, ce matin, nous allons accueillir un premier panel pendant une heure. Nous souhaitons la bienvenue à M. Drew Baker et à M. Andrew Dennis, du Manitoba. Nous recevons, également du Manitoba, M. Brendan Sigurdson, ainsi que M. Kenneth Larsen et M. Laurence Nicholson.

Le greffier m'informe que l'ordre d'intervention sera le suivant : M. Barker prendra la parole en premier, puis il sera suivi de M. Sigurdson, M. Dennis, M. Nicholson et M. Larsen. Les sénateurs pourront ensuite poser des questions aux témoins.

Le sénateur Plett : Honorables sénateurs, je ne sais pas si mon intervention constitue un recours au Règlement ou si elle vise à apporter une précision. Avant de commencer, j'aimerais parler d'un témoin qui a comparu devant le comité le mercredi 7 décembre. Ce témoin, qui, je pense, s'appelle Matthew Gehl, a cité certains chiffres pour lesquels nous avons demandé des précisions. J'ai reçu des éclaircissements et j'aimerais vous en faire part.

M. Gehl a fait allusion aux répercussions qu'aurait ce projet de loi sur l'emploi à la Commission canadienne du blé s'il était adopté. Il a dit qu'environ 12 000 employés à temps plein seraient touchés directement par cette mesure législative. Je l'ai interrogé à ce sujet et je crois qu'il a réitéré ce chiffre. Je pense aussi qu'il a fait allusion à une étude de PricewaterhouseCoopers.

Monsieur le président, j'ai en main cette information. J'aimerais en faire la lecture, si vous le permettez. Je me ferai un plaisir de remettre ce document au président lorsque j'aurai terminé. Le document peut être consulté dans une seule des deux langues officielles.

À la section 5.4, qui porte sur l'emploi, on dit que les effets évalués sur l'emploi et le revenu gagné associés aux 72 millions de dollars en frais administratifs initiaux engagés en 2004...

Le président : Sénateur Plett, un instant, je vous prie. Je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'un recours au Règlement ou d'un rappel à ce qui a été dit, ou encore d'une tentative d'éclaircir les choses. Je vous prierais d'être patient. Le sénateur Robichaud invoque le Règlement. Sénateur Robichaud, pourquoi invoquez-vous le Règlement?

[Français]

Le sénateur Robichaud : Étant donné que le document est dans une seule des deux langues officielles, on pourrait demander qu'il soit déposé et distribué après qu'on en ait fait la traduction.

[Traduction]

Le président : Sénateur Plett, acceptez-vous que le document soit déposé auprès du greffier?

Le sénateur Plett : Bien sûr, monsieur le président. Toutefois, lorsque M. Gehl a fait cette déclaration, il ne l'a fait que dans l'une des deux langues officielles, celle-là même dans laquelle je m'exprime en ce moment. Par conséquent, je ne vois pas ce qui m'empêcherait de lire d'abord le document, puis, avant d'être déposé, il pourrait être distribué dans les deux langues officielles.

Le président : Je vous remercie, sénateur Plett.

Je prierais maintenant M. Baker de prendre la parole.

Drew Baker, à titre personnel : Monsieur le président, mon père, mes deux frères et moi cultivons 4 000 acres au nord de Winnipeg, au Manitoba. Notre ferme a 113 ans, et je suis de la cinquième génération à travailler sur les terres familiales. Je ne suis pas ici aujourd'hui pour vous parler de la situation économique de la Commission canadienne du blé. Je suis sûr que vous avez entendu des gens beaucoup plus qualifiés que moi vous entretenir de cette question. Je suis ici pour vous parler de l'agriculture et de la manière dont le projet de loi C-18 va me toucher personnellement, ainsi que du fait qu'il bafoue notre processus démocratique.

Nous cultivons du blé sur environ la moitié de nos terres agricoles. Inutile de dire qu'il s'agit d'une culture importante pour notre exploitation agricole. Il serait bien farfelu de notre part de prendre une décision qui aurait des répercussions importantes sur la façon dont nous vendons l'un de nos principaux produits agricoles sans d'abord en évaluer les conséquences. Or, c'est exactement ce qu'on nous demande de faire dans le cas du projet de loi C-18. On nous demande de faire confiance au ministre; on nous dit qu'il a analysé la situation et qu'il sait ce qui est dans notre intérêt.

En fait, le gouvernement a très peu analysé les conséquences du projet de loi C-18 et encore moins les avantages de l'actuel guichet unique. Tout ce dont on est sûr, c'est qu'une fois que le guichet unique aura été éliminé, il ne sera plus possible de revenir en arrière. Pour ma part, j'estime qu'il aurait fallu réfléchir à cette question avant que le projet de loi soit adopté.

Le versement de l'argent des agriculteurs dans le fonds de prévoyance est une situation alarmante pour presque tous les intervenants dans ce débat, peu importe de quel côté ils se trouvent. En fait, le gouvernement fédéral est en train d'arracher 200 millions de dollars aux agriculteurs pour assumer les coûts liés à la liquidation de la Commission canadienne du blé actuelle, argent qui servira notamment à payer les indemnités de départ et les sanctions relatives à la résiliation de contrats.

Pour l'instant, personne au gouvernement n'a encore dit clairement aux agriculteurs ce qu'il adviendra de l'argent qui restera, ce qui arrivera au bout de cinq ans et ce qu'il restera si la Commission canadienne du blé est vendue au plus offrant.

En outre, la nouvelle Commission canadienne du blé qui sera administrée par le gouvernement ne fera pas l'objet d'examens de la part du vérificateur général et, au lieu des 10 administrateurs élus par les agriculteurs, il ne restera plus que les 5 administrateurs nommés par le gouvernement. Cela signifie en fait que la nouvelle commission ne pourra pas vraiment protéger les intérêts des agriculteurs ni leur argent.

Soyons clairs : l'abolition du guichet unique de la Commission canadienne du blé ne va pas faire disparaître mon exploitation agricole familiale. Toutefois, cette situation va provoquer plus de risque, plus de travail, moins de contrôle et moins de profits. Si on abolit le guichet unique, il va falloir redoubler d'ardeur pour tenter de commercialiser nos récoltes sur les marchés très instables et de commercialiser notre blé auprès de quelques grandes sociétés. Le marché sera moins contrôlé parce que notre voix la plus puissante, celle de la Commission canadienne du blé, sera réduite au silence. De plus, les agriculteurs qui, autrefois, étaient propriétaires de leur agence de commercialisation, verront leurs profits diminuer.

On n'a pas répondu clairement à bon nombre des questions les plus importantes posées par les agriculteurs, et ce, au niveau le plus fondamental qui soit. Cette situation est attribuable en partie au fait qu'aucune audience n'a été organisée dans l'Ouest canadien pour permettre aux agriculteurs d'exprimer leurs inquiétudes et de poser les questions auxquelles ils ont le droit d'obtenir des réponses. Elle est aussi attribuable au fait que le gouvernement refuse d'écouter les voix dissidentes; il cherche plutôt à nous ridiculiser et à nous qualifier de « types qui portent des chapeaux en aluminium et qui croient aux bagues magiques ». En fait, nous sommes loin de former un petit groupe; nous représentons la majorité des agriculteurs. Peu importe la façon dont le ministre Ritz essaie de déformer les chiffres, il ne peut pas nier que 62 p. 100 des agriculteurs se sont prononcés cet été en faveur du maintien du guichet unique. Il ne peut pas nier non plus que les candidats favorables au guichet unique décrochent régulièrement huit sièges sur 10 ni le fait que nous avons le droit de participer à un plébiscite sur l'avenir de la Commission canadienne du blé.

On ne nous a pas permis de nous prononcer au moyen d'un plébiscite sur l'avenir de la Commission canadienne du blé. Au bout du compte, pourquoi mes frères et moi souhaiterions-nous continuer de travailler dans un secteur où on affiche un mépris aussi flagrant à l'endroit de la volonté démocratique de la majorité des agriculteurs qui souhaitent clairement que l'on maintienne le guichet unique de la Commission canadienne du blé? Le ministre Ritz a décidé de se soustraire à la loi actuelle, empêchant ainsi les agriculteurs d'exercer leur droit de vote sur l'avenir de la commission.

Le 7 décembre, Douglas Campbell, juge de la Cour fédérale, a statué que le ministre Ritz aurait dû tenir un plébiscite avant de présenter le projet de loi C-18. Qui plus est, le juge Campbell a écrit que l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé traite de la situation unique en vertu de laquelle les valeurs démocratiques sont déjà intégrées dans la structure de la Commission canadienne du blé.

Le fait de ne pas respecter ces valeurs est non seulement irrespectueux, mais aussi contraire à la loi. Malgré cette décision, le ministre Ritz a déclaré qu'il avait toujours l'intention de faire adopter le projet de loi, et ce, en dépit de la méthode illégale utilisée pour le présenter. Cette atteinte à la primauté du droit est inacceptable. Le vote sur ce projet de loi aura un effet profond sur mon avenir. Étant donné que le ministre a refusé que mes collègues agriculteurs et moi ayons la chance de nous exprimer à ce sujet, nous devons vous demander de voter en notre nom. Par conséquent, je vous demande de prendre la bonne décision pour les agriculteurs et la primauté du droit au Canada et de voter contre le projet de loi C-18.

Brendan Sigurdson, à titre personnel : Honorables sénateurs, bonjour. Je suis très heureux de pouvoir présenter mon point de vue sur le projet de loi C-18 au Sénat du Canada. J'ai 23 ans et je suis de la quatrième génération d'agriculteurs. Je cultive la terre avec ma famille dans la municipalité rurale de Swan River, au Manitoba. Ma famille a participé à la création de coopératives et appuie activement la CCB depuis plus de 75 ans.

Le plan du gouvernement pour éliminer la Commission canadienne du blé transpire la haine envers cet organisme et la démocratie en général. Faire adopter au Parlement un projet de loi à la hâte, sans débat, sans consultation, sans planification ni étude ne correspond pas du tout aux valeurs canadiennes. Les agriculteurs ont été privés du droit de vote sur le projet de loi que leur accorde l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Cet été, la CCB a tenu un plébiscite parmi les agriculteurs. Le résultat : 62 p. 100 ont voté pour le maintien du guichet unique de commercialisation du blé. Le 11 août 2011, j'ai assisté à une réunion de la CCB à Dauphin, au Manitoba, où se sont réunis plus de 250 agriculteurs. Ces derniers ont voté à l'unanimité pour le guichet unique de la CCB. L'élection de huit défenseurs du guichet unique sur les 10 administrateurs de la CCB montre également à quel point celle-ci bénéficie d'un fort appui.

Je tiens à rappeler au Sénat l'avis du grand Canadien qu'était John Diefenbaker. En 1967, à la troisième lecture du projet de loi qui allait soustraire la CCB à l'examen parlementaire périodique, c'est lui qui a eu le dernier mot. Il a rappelé à ses collègues que le fait de rendre permanent le texte législatif ne signifie pas qu'il est permanent; il peut être modifié par le Parlement à n'importe quel moment. Mais il ne sera pas modifié, a-t-il prédit, tant qu'il y aura des agriculteurs conscients des avantages qui en découlent.

De toute évidence, pour M. Diefenbaker, ce sont les agriculteurs qui dicteraient l'avenir de la CCB et non le gouvernement. En forçant l'adoption de ce projet de loi malgré le désaccord des agriculteurs, les conservateurs de M. Harper manquent de respect envers le conseil et l'héritage de M. Diefenbaker et passent outre à l'intention derrière la Loi sur la Commission canadienne du blé de 1998.

Il n'est pas question de liberté ici, mais bien du contrôle de l'industrie céréalière, qui vaut plusieurs milliards de dollars au Canada. Qui aura le contrôle? Les agriculteurs par la CCB ou les entreprises agroalimentaires? Le Conseil canadien des chefs d'entreprise représente les entreprises agroalimentaires comme Viterra, Agrium et Cargill.

Dans sa lettre de félicitations à M. Harper, à la suite de sa victoire électorale du 2 mai, John Manley, du Conseil canadien des chefs d'entreprise, a écrit : « Pour démontrer l'engagement ferme du Canada en faveur de la libéralisation du commerce, nous appuyons votre plan de réforme des pratiques commerciales de la Commission canadienne du blé. »

Dans cette lettre, il demandait également l'élimination de la gestion de l'offre.

Le 23 mai 2011, un article avait pour titre « Cargill exige une fin ordonnée à la commercialisation ordonnée ». C'est comme si on exigeait une fin ordonnée au contrôle de la circulation aérienne. Selon moi, en éliminant la Commission canadienne du blé, le gouvernement Harper renonce à la souveraineté des agriculteurs et du pays et la livre aux grandes entreprises situées aux États-Unis. Tout cela va à l'encontre des valeurs canadiennes.

J'aimerais parler de l'importance de la CCB pour notre exploitation agricole. Ma famille cultive 2 000 acres de blé et de canola en rotation — 1 000 acres de chacun. Le blé demeure la culture la plus rentable pour nous. En 2011, notre production de blé a été en moyenne de 67 boisseaux l'acre et celle de canola, de 42 boisseaux l'acre. Le blé est de première qualité, avec un taux moyen de protéine de 14,9 p. 100. Le rendement brut par acre est d'environ 470 $ pour le canola ainsi que pour le blé. La culture du canola coûte plus cher, en raison du coût plus élevé des graines, du coût des fongicides et ainsi de suite. Ces coûts sont d'environ 50 à 60 $ l'acre plus élevés pour le canola que pour le blé. Par conséquent, le blé est, de loin, le produit le plus rentable de notre exploitation agricole. Nos dossiers montrent que, ces six dernières années, le blé dépassait le canola pour le revenu net par acre.

Lorsque des politiciens sont intarissables au sujet des agriculteurs qui sont passés à la culture de produits comme l'avoine, les pois, la moutarde et le canola pour augmenter leurs revenus, ils vous induisent en erreur. Dans la région de Swan Valley, la production de moutarde, d'avoine et de pois est pratiquement inexistante en termes d'acres cultivées. L'alternance des cultures concerne surtout le blé et le canola.

Auparavant, nous avions un contrat avec la CCB pour commercialiser notre blé au meunier britannique Warburtons. Selon ce contrat, l'agriculteur recevait une prime de 15 $ la tonne sur le blé roux de printemps de haute qualité. Le programme de transport et d'entreposage de la CCB à Churchill qui payait de 12 à 15 $ la tonne a été éliminé à cause de l'imminence du projet de loi.

L'élimination de la CCB et de ces contrats nous prive de choix. Pour moi, choisir entre Cargill, Viterra, Bunge, Louis Dreyfus et ADM pour acheter mes céréales n'est pas une option. Ces entreprises situées aux États-Unis pourront s'approvisionner partout dans le monde et ne commercialiseront pas les céréales en se souciant de l'intérêt du Canada et des agriculteurs canadiens. L'adoption de ce projet de loi va à l'encontre des valeurs canadiennes.

Le bureau central de la CCB est à Winnipeg et constitue le centre de l'industrie céréalière au Manitoba depuis plus de 75 ans. Quelque 450 emplois disparaîtront, sans compter que les multinationales déménageront leur siège social à Rotterdam, à Singapour ou à Minneapolis.

La CCB est la seule utilisatrice du port de Churchill. C'est donc dire que l'avenir du chemin de fer de Churchill, qui est très important pour l'approvisionnement du Nord, est maintenant incertain. Les wagons de producteurs sur les chemins de fer secondaires et les installations de chargement appartenant aux producteurs seront éliminés. Les producteurs et les gouvernements ont investi des millions de dollars dans ces installations. Tout cet investissement est en péril à cause de l'élimination de la CCB.

Il y a trop de questions sans réponse. Il faut maintenant procéder à un second examen objectif. Le gouvernement n'a fait aucune analyse des conséquences de l'élimination de la CCB. Quelles sont les conséquences pour les agriculteurs et les communautés rurales? Quelles sont les conséquences pour le Manitoba? Quelles sont les conséquences pour Churchill? Quelles sont les conséquences pour les chargeurs de wagons de producteurs et les chemins de fer secondaires? Aucune réponse à ces questions n'a été donnée.

En guise de conclusion, rappelons qu'il n'y a eu aucune consultation, aucune recherche, aucune analyse, aucune étude, rien, sauf ceci : « Le gouvernement, c'est nous, et nous allons vous donner le libre choix. » Cette façon de faire ne correspond pas aux valeurs politiques canadiennes.

Le Sénat devrait réclamer des réponses.

Andrew Dennis, à titre personnel : Je m'appelle Andrew Dennis, et je suis heureux d'avoir été invité à parler de cette question importante devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je cultive du grain — surtout du blé et des oléagineux — au Manitoba, en bordure du delta de l'Assiniboine. L'agriculture est le mode de vie de ma famille et, parmi nos cinq enfants, ma femme et moi croyons que certains d'entre eux sont de futurs agriculteurs.

Je sais que, grâce au pouvoir de commercialisation collective attribuable à son monopole en tant que guichet unique, la Commission canadienne du blé parvient, année après année, à obtenir le plus d'argent possible pour les agriculteurs de l'Ouest canadien. Comme c'est le cas avec les grandes sociétés agricoles qui nous vendent des produits tels que des semences, des produits chimiques liés à l'agriculture et des fertilisants, nous savons sans l'ombre d'un doute que moins il y a de vendeurs, plus il est facile de négocier un prix élevé. Si un gouvernement tentait de supprimer les pouvoirs monopolistiques de ces sociétés, il serait attaqué en justice de toutes parts. Ces sociétés n'abandonneraient certainement pas la partie.

Je crois fermement aux principes démocratiques que nous défendons tous les jours : l'application régulière de la loi, les procédures établies et la primauté du droit. C'est pourquoi je suis ici. Je sais que les agriculteurs ont le droit démocratique de voter en vertu de l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Soit nous exerçons notre droit de vote, soit il ne se passe rien. Il n'existe pas d'autre option sur le plan juridique.

Cet été, deux de mes voisins et moi avons assisté aux sept grandes rencontres organisées par les administrateurs de la Commission canadienne du blé. Elles ont eu lieu à Regina et à Saskatoon, en Saskatchewan, à Oak Bluff, près de Winnipeg, et à Dauphin, au Manitoba, ainsi qu'à Medicine Hat, à Camrose et dans la région de Peace River, en Alberta.

Il y a eu foule à chacune de ces réunions de consultation. J'ai pris des photos du personnel à tous ces endroits en train d'installer des chaises supplémentaires. De 280 à 600 agriculteurs ont assisté à chacune de ces réunions. À titre de comparaison, de nos jours, les sociétés agricoles ont du mal à tenir des réunions où participent une quinzaine d'agriculteurs. Plus de 80 p. 100 des personnes présentes à chacune de ces réunions étaient en faveur du maintien du guichet unique. Lors des deux rencontres tenues dans le Nord, ce taux a même atteint les 90 p. 100. À Dauphin, au Manitoba, on a demandé s'il se trouvait dans la salle des agriculteurs en faveur de l'abolition de la Commission canadienne du blé; pas une seule personne n'a levé la main.

Le projet de loi C-18 s'intitule « Loi sur le libre choix des producteurs de grains en matière de commercialisation ». J'ai relu dernièrement ce projet de loi. J'ai remarqué qu'on y mentionnait le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire une cinquantaine de fois, dans des expressions comme « le ministre recommande », « le ministre consulte le ministre des Finances », « le ministre doit déterminer, peut recommander et peut proposer » et « le ministre peut être d'avis que ». Ce libellé m'inspire bien peu de consultation et une prise de décision arbitraire. Le mot « abrogé » est utilisé 25 fois, « remplacé », 17 fois, « modifié », huit fois. Figurent aussi dans le projet de loi des mots comme « dissolution » et « liquidateur » ainsi que l'expression « liquidation de la Commission », en vue de la remplacer par une nouvelle commission solide, viable et à participation facultative. Cette expression est mentionnée huit fois dans le projet de loi. C'est énorme. Malheureusement, les expressions qui nous sont les plus familières, comme « mise en commun » et « carnet de livraison », ne figurent que deux fois dans le projet de loi. On s'est beaucoup plus attardé aux caisses de retraite des administrateurs nommés et de leurs personnes à charge.

Un autre élément intéressant du projet de loi C-18 est l'article 105.1, qui porte sur l'importation de grain. En cas de violation de cette loi, le gouvernement s'attend à ce que l'agriculteur fautif paie l'amende prévue et qu'il se voie imposer une peine d'emprisonnement maximale de quatre ans, sous réserve du pouvoir discrétionnaire conféré au tribunal. Les partisans de ce projet de loi affirment qu'une fois entrée en vigueur, cette loi devra évidemment être respectée par le gouvernement.

Nous nous sommes déjà trouvés dans une situation semblable par le passé. Il faut bien connaître ceux qui essaient de nous convaincre. C'est très important. Il faut séparer le bon grain de l'ivraie. J'ai en main un dépliant publié en 1990 qui préconisait le versement d'un paiement en échange de la légendaire subvention du Nid-de-Corbeau. On apprenait dans ce dépliant qu'une fois cette subvention abolie, les tarifs de transport seraient réduits. La concurrence et l'efficience seraient accrues. Or, les tarifs de transport que nous devons assumer ont augmenté de 400 p. 100. On disait aussi dans ce dépliant que l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau permettrait de stabiliser le revenu des agriculteurs de l'Ouest et de réduire leur endettement. Or, l'endettement des agriculteurs est passé de 22 milliards de dollars à 67 milliards de dollars. On promettait une économie rurale plus solide. Encore une fois, cela ne s'est pas produit. Plus de 30 p. 100 de nos exploitations agricoles ont disparu. J'ajouterais aussi que près de 65 p. 100 des agriculteurs de moins de 35 ans ont cessé leurs activités. La situation est très grave. La plupart de nos municipalités ont été rayées de la carte ou sont à l'agonie. J'allais oublier : les gens qui ont rédigé ce dépliant affirmaient qu'une fois la subvention du Nid-de-Corbeau abolie, nous ne serions plus vulnérables aux mesures commerciales. Encore une fois, ils se sont trompés. Pourquoi diffuser une telle propagande? Au nombre des contributeurs mentionnés au verso de ce dépliant, on retrouve Cargill Limitée, la Canola and Pulse Grower Association, la Western Barley Growers' Association et la Western Canadian Wheat Growers' Association. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ces gens, mais permettez-moi de vous mettre en garde contre certaines personnes qui pourraient tenter de vous convaincre. Leurs boules de cristal sont un peu embrouillées.

En terminant, je tiens à recommander fortement au Sénat de ne pas favoriser la violation des lois au Canada. Exigez que les agriculteurs puissent exercer leur droit de vote ou laissez les choses telles qu'elles sont.

Laurence Nicholson, à titre personnel : Je suis très heureux de comparaître devant votre comité aujourd'hui pour parler de la Commission canadienne du blé et du projet de loi C-18. J'ai passé toute ma vie à travailler dans l'industrie céréalière. Je compte 30 ans d'expérience au sein de l'Alberta Wheat Pool : 10 en tant que gestionnaire, et 20 en tant que représentant de la région de Peace River et de Medicine Hat. J'ai aussi travaillé au sein d'organisations comme la Commission canadienne du blé, la Commission canadienne des grains, la Bourse des marchandises de Winnipeg et le ministère des Transports. J'ai passé quatre ans comme directeur de l'Alberta Canola Producers' Commission, de la Canola Growers of Canada et du Conseil canadien du canola, ainsi que huit ans en tant que directeur de la Medicine Hat Co-op, doit trois également au poste de président de la coopérative. Je fais de la culture irriguée tout juste à l'extérieur de Medicine Hat.

Je trouve le projet de loi C-18 préoccupant à bien des égards et j'aimerais me concentrer surtout sur la question de la commercialisation mixte. Le concept de la commercialisation mixte est toujours voué à l'échec. Le ministre Strahl et les membres de son groupe de travail personnel ont réalisé une étude à ce sujet. Ils ont conclu que la commercialisation mixte ne marcherait pas. De plus, Murray Fulton a aussi effectué une étude et a formulé des conclusions identiques. Il n'est pas possible de mettre en place un système de commercialisation mixte, qui se compose d'un organe central de vente ainsi que d'autres vendeurs qui s'adressent au marché international.

Je vais m'éloigner de mes notes un instant pour parler d'une question qui n'a pas encore été débattue au sein de ce comité, soit le fait que nos clients sont les 80 pays qui achètent du grain de la Commission canadienne du blé. Quels sont leurs besoins? Quelles sont leurs préoccupations quant à l'approvisionnement constant de grains et d'oléagineux sur une période de 12 mois? Permettez-moi de vous présenter un exemple. Lorsque je faisais partie du Conseil canadien du canola, nous avons tenu des consultations préalables et, chaque année, c'est ce que nous faisons auprès des autorités japonaises. Autour de la table siégeaient 18 utilisateurs de canola, ainsi que le sous-ministre de l'Agriculture du Japon. Par l'entremise d'un interprète, ils nous ont fait savoir tout au long de la réunion, soit de 9 heures à midi, qu'ils souhaitaient d'abord et avant tout que l'approvisionnement en canola soit constant au cours d'une période de 12 mois. À défaut d'avoir une telle garantie — et, évidemment, on pouvait parler des syndicats et de toutes les autres choses connexes —, ils disaient qu'ils étaient prêts à passer au soja et qu'il s'écoulerait au moins cinq ans avant qu'ils envisagent de recommencer à acheter du canola. Pourquoi? À cause des pratiques d'étiquetage alimentaire en vigueur au Japon.

En tant qu'agriculteurs, nous devons examiner nos besoins ainsi que ceux de nos clients sur la scène internationale. S'il n'existe pas de marché, nous n'avons pas besoin de la Commission canadienne du blé. Nous devons soutenir la concurrence à l'échelle mondiale. La Commission canadienne du blé se tire très bien d'affaire dans le marché concurrentiel du blé et du grain. Je n'ai pas réussi à écouler tout mon grain — du blé dur — seulement au cours de deux années sur 19. Surprise, la dernière fois que je n'ai pas écoulé tout mon blé dur, il se vendait à 5,50 $ le boisseau. J'ai fait cela grâce aux bonnes pratiques de commercialisation. Il existe une différence entre la commercialisation et la vente. Les renseignements en matière de commercialisation sont essentiels sur le marché international. Je pourrais approfondir ce sujet avec vous, mais je n'ai certainement pas le temps de le faire.

Il s'agit d'une question complexe. Vous êtes en train d'adopter le projet de loi à toute vapeur. Je suis allé à la Chambre des communes, où j'ai entendu des députés parler du projet de loi sur la criminalité et de l'intimidation à l'école. Or, de toute ma vie, je n'ai jamais été témoin d'autant d'intimidation que dans le cas de l'adoption de ce projet de loi à la Chambre des communes et, maintenant, au Sénat.

J'ai assisté à la réunion organisée à Winnipeg, où le juge a statué que nous avions le droit de nous prononcer au sujet de la façon dont nous souhaitons commercialiser notre grain. Je n'arrive absolument pas à comprendre pourquoi on ne pourrait pas prendre nos distances pendant un an ou deux, puis décider du mode de commercialisation de notre grain. C'est nous qui assumons les coûts, pas le gouvernement. Tout ce que le gouvernement peut faire, c'est de nous offrir des garanties et d'appuyer la Commission canadienne du blé.

Mon père nous a malheureusement quittés. Il a travaillé d'arrache-pied pour mettre sur pied l'Alberta Co-operative Wheat Producers. En 1929, cet organisme a été rebaptisé l'Alberta Wheat Pool. Il se retournerait dans sa tombe aujourd'hui en voyant ce qui est en train de se produire dans cette industrie. Pouvons-nous nous inspirer de l'expérience de nos pères?

Dieu du ciel, il a fallu 75 ans pour créer cette organisation et, depuis 1998, année où les membres du conseil d'administration ont commencé à être élus, nous l'avons modifiée. Dans le contexte de la Commission canadienne du blé, nous disposons bel et bien d'un libre choix en matière de commercialisation. Tout n'est pas parfait, loin de là. Nous ne vivons pas dans un monde parfait, et aucun de nous autour de cette table ne peut affirmer qu'il est parfait. Nos organisations ne sont pas parfaites, mais nous devons évoluer au fil du temps, et c'est ce qu'elles ont fait. Je pense que nous devons leur donner la chance de continuer d'améliorer la qualité de vie des agriculteurs de l'Ouest canadien.

Kenneth Larsen, à titre personnel : Mesdames et messieurs, c'est pour moi un honneur de pendre la parole aujourd'hui devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. La dernière fois que j'ai comparu devant votre comité, c'était en 1996. À cette époque, le comité tenait des audiences sur la modification de la Loi sur la Commission canadienne du blé. Après vous avoir bombardés de documents, je vous trouve très courageux de m'avoir invité quand même. Je vais tenter d'être bref ce matin.

Il règne ici une certaine ambiance irréelle. En ce qui concerne ce projet de loi, je pense qu'il s'agit du fruit de l'arbre empoisonné.

Permettez-moi de citer le juge en chef Fraser. Je ne vais lire qu'un bout de la phrase :

Quand le pouvoir exécutif définit lui-même toute la portée de son autorité, les conséquences peuvent être funestes, comme nous l'apprennent certains des chapitres [...] de l'histoire.

Ce projet de loi est illégal. Je ne sais pas ce qu'il faut faire pour le corriger. Je ne suis pas constitutionnaliste, mais il faut le corriger parce que vous nous privez de notre droit. Ce projet de loi va causer du tort à des gens.

Au cours de ces audiences, des sénateurs ont posé des questions pertinentes. Par exemple : existe-t-il des études qui révèlent que la situation des agriculteurs va s'améliorer si l'on abolit la Commission canadienne du blé? J'ai trouvé que c'était une question pertinente. Et M. Knubley a brandi une série de soi-disant études qui indiquaient que les agriculteurs se porteraient mieux sans cette commission.

Il aurait ensuite été logique de poser la question suivante : dans combien de ces études les auteurs ont-ils eu accès directement aux chiffres d'affaires de la Commission canadienne du blé? La réponse à cette question aurait été : aucune. Il ne s'agissait pas vraiment d'études, du moins pas selon la définition qu'en donne le milieu universitaire. Il existe des études plus fiables. Des universitaires ont eu accès à tous les chiffres de la Commission canadienne du blé. Je pense à Kraft, Tyrchniewicz et Furtan. Ils ont tous déclaré que la commission faisait du meilleur travail pour les agriculteurs que les courtiers privés. Comparativement aux études de deuxième ordre, je préfère celles qui sont conformes aux normes les plus élevées et qui suivent une procédure contradictoire, comme celle que l'on constate dans les commissions de réglementation et les tribunaux, où tous les témoins sont cités à comparaître et où tous les éléments de preuve sont examinés et font l'objet de débats.

La Commission canadienne du blé a fait l'objet de 14 études de ce genre. La plupart ont été réalisées par le département américain du Commerce, en vertu du droit commercial international. Dans chacun des cas, on a procédé à un examen complet des chiffres d'affaires pertinents de la Commission canadienne du blé. Ces données ont été examinées par des détracteurs de la commission, ainsi que par des experts des deux côtés, et elles ont fait l'objet de débats exhaustifs. Tout cela s'est passé derrière des portes closes en raison du caractère confidentiel des renseignements commerciaux. Les 14 études ont toutes révélé que le rendement de la commission était égal ou supérieur à celui du marché libre.

L'étude que je connais le mieux, réalisée en 1999, a montré que la Commission canadienne du blé avait été plus efficace pour les producteurs d'orge que le marché libre au cours de la période visée par l'enquête. Une autre qui est digne de mention est celle qui portait sur le blé dur. Elle a révélé qu'au cours de 59 mois sur 60, la commission avait procuré aux agriculteurs de meilleurs résultats que le marché libre. Il s'agit de faits irréfutables, éprouvés et objectifs. Il y en a 14 en tout. Je les ai joints au document que je vous ai fait parvenir.

Prenez le temps de bien réfléchir avant d'adopter ce projet de loi, car il va causer du tort à des gens.

L'autre jour, un homme affable a déclaré ceci au cours d'une audience du comité : « Et bien, tout le monde s'est bien tiré d'affaire après l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau. » Je ne suis pas d'accord. De 35 à 40 p. 100 des agriculteurs ont cessé leurs activités. Nous avons perdu 40 p. 100 de nos silos-élévateurs. J'ai observé qui allait en subir les contrecoups. En raison de cette décision, les exploitations agricoles ont eu de plus en plus de mal à assurer leur durabilité. Qui en a subi les contrecoups? Cette décision n'a pas touché les petits agriculteurs de longue date; ils étaient implantés solidement. Elle a nui aux jeunes agriculteurs qui sont lourdement endettés, ainsi qu'à une deuxième catégorie d'agriculteurs. Il s'agit des agriculteurs qui ont une production intensive et une approche énergique. Ils sont aussi lourdement endettés, et bon nombre d'entre eux ont dû cesser leurs activités. Je crains que la même chose se produise dans le cas qui nous occupe.

On nous présente aussi beaucoup de vœux pieux. La valeur ajoutée va tout arranger et tout sera merveilleux dans le meilleur des mondes.

Parlons du mythe du canola. Beaucoup de personnes nous ont parlé de la diminution de la superficie des cultures de blé et nous ont dit que la culture du canola était en hausse. Si vous prenez le temps d'examiner les tableaux statistiques établis par Statistique qui accompagnent l'état financier vérifié de la Commission canadienne du blé, vous vous rendrez compte que la superficie des cultures de canola a commencé à augmenter lorsqu'on s'est mis à utiliser du canola qui tolère les herbicides. Je me souviens d'avoir survolé les Prairies vers la fin des années 1980 et d'avoir constaté qu'au moins le tiers des terres étaient complètement noires pendant l'été. Il s'agit de la jachère d'été. Tout cela a maintenant changé. Les terres ont toutes une belle couleur jaune maintenant parce que la culture continue est possible grâce aux plantes qui tolèrent les herbicides.

On parle de valeur ajoutée. À l'heure actuelle, le canola fait l'objet d'un processus de valeur ajoutée. On est en train d'aménager une usine de 110 millions de dollars dans l'État de Washington pour ajouter de la valeur au canola de l'Ouest canadien. La commission n'a rien à voir avec la commercialisation du canola.

Nous avons tous entendu parler de l'Alliance Grain Traders, qui va construire une grande usine de fabrication de pâtes à Regina. J'aimerais citer une phrase de son dépliant. Monsieur le président, je vois qu'il ne me reste presque plus de temps.

Le président : Je vous prierais de conclure votre intervention avec cette phrase.

M. Larsen : Je vais conclure mon intervention là-dessus.

Voici ce que dit cette phrase : « On peut combattre l'érosion des marges bénéficiaires en négociant des prix plus bas avec les producteurs. » L'« érosion des marges bénéficiaires » signifie qu'ils vont faire des profits en négociant des prix plus bas avec les producteurs.

Le sénateur Plett : Les trois témoins du Manitoba ont précisé la taille de leur exploitation agricole. M. Nicholson y a fait un peu allusion. Aux fins du compte rendu, monsieur Nicholson, pourriez-vous nous dire combien d'acres vous cultivez?

M. Nicholson : Une partie de la culture irriguée, qui est à production intensive, produit de 40 000 à 60 000 boisseaux par année. Sur ma terre, une acre de blé produit plus de 120 boisseaux. J'obtiens aussi plus de 60 boisseaux de canola grâce à la culture irriguée.

Le sénateur Plett : Monsieur Larsen, où se trouve votre exploitation agricole et quelle est sa taille?

M. Larsen : Mon exploitation agricole se trouve à l'ouest de Sylvan Lake. Je préférerais ne pas répondre à cette question et voici pourquoi. Monsieur le sénateur, c'est pour moi une question de principe. Je crois que nous sommes tous égaux devant la loi et je ne souhaite donc pas que vous soyez influencé par le fait que mon exploitation agricole est plus importante ou moins importante que celle d'un autre ou que je suis un agriculteur plus vieux ou plus jeune qu'un autre.

Le sénateur Plett : Monsieur le président, je vais me soumettre à votre décision.

Le président : Un instant, je vous prie. Si possible, j'aimerais que le témoin réponde à la question. Vous pouvez refuser d'y répondre, mais, aux fins du compte rendu, vous devez nous faire part de votre décision.

M. Larsen : Je pense vous avoir expliqué pourquoi.

Le président : La présidence respecte la décision du témoin. Vous pouvez poursuivre, sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Je n'ai aucune idée des produits cultivés par M. Larsen ni du nombre d'acres qu'il exploite. Je m'interroge donc à ce sujet. Il dit être ici pour représenter les agriculteurs. Or, je ne vais pas lui poser d'autres questions puisqu'il refuse de donner des précisions sur sa situation.

M. Larsen : J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Le sénateur Plett : Je vais m'adresser aux autres témoins qui, eux, sont bel et bien des agriculteurs.

M. Larsen : J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Le président : Sénateur Plett, la présidence souhaiterait intervenir.

Messieurs les témoins, vous êtes ici pour répondre aux questions. Vous n'avez pas le privilège d'invoquer le Règlement.

M. Larsen : Toutes mes excuses.

Le président : Ensemble, nous devons assurer aux Canadiens que nous allons continuer d'écouter de manière équitable tous les témoins qui sont venus ici aujourd'hui pour répondre aux questions des membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Le projet de loi C-18 est un processus important. Sur ce, je redonne la parole au sénateur Plett pour qu'il continue de poser des questions. Il sera suivi du sénateur Peterson.

Le sénateur Plett : Monsieur Sigurdson, vous avez dit que vos cultures sont réparties à peu près à parts égales entre le canola et le blé. C'est bien cela?

M. Sigurdson : Oui.

Le sénateur Plett : Vous avez dit que vous faisiez plus d'argent avec le blé, et je vous crois. Comment commercialisez-vous le canola? Réussissez-vous à bien vendre le canola et où le vendez-vous?

M. Sigurdson : En gros, je le transporte aux silos et j'accepte le prix qu'on m'en donne. C'est tout.

Le sénateur Plett : Des prix sont-ils publiés? Par exemple, pourriez-vous consulter le prix du canola aujourd'hui et décider s'il vous convient? Comment faites-vous pour déterminer le prix?

M. Sigurdson : Je n'ai qu'à téléphoner et demander le prix. Il n'y a aucune négociation.

Le sénateur Plett : À qui téléphonez-vous?

M. Sigurdson : À Richardson Pioneer, à Swan River, et je peux aussi téléphoner à Cargill.

Le sénateur Plett : Vous ne pouvez pas choisir parmi différents prix publiés. Le prix varie de jour en jour.

M. Sigurdson : Je ne vois pas l'intérêt de faire une telle chose.

Le sénateur Plett : Bien, merci. Je vais poser la question à M. Dennis, alors.

Monsieur, nous avons eu une excellente discussion dans mon bureau il y a quelques semaines. Beaucoup d'agriculteurs comme vous m'ont fait part de leurs préoccupations et de ce qui les justifie. Je crois que vous m'avez également dit que vous cultivez le canola.

M. Dennis : Oui, c'est exact.

Le sénateur Plett : Vous étiez notamment préoccupé par le fait que vous pouviez vendre votre canola à 10 $ le boisseau, alors que l'acheteur pouvait le vendre à 12 $ le boisseau; je crois que ce sont les chiffres que vous m'avez fournis. Cela vous préoccupait, parce que l'acheteur réalisait un profit de 20 p. 100 grâce à votre canola.

J'aimerais que vous m'expliquiez ce qui vous inquiète et comment vous obtenez votre prix pour le canola. D'autres témoins ont affirmé que des prix sont publiés et qu'un agriculteur peut les consulter, puis déterminer s'ils lui conviennent. M. Sigurdson dit que vous devez prendre ce qu'on vous offre. Pourtant, d'autres témoins ont dit que des prix sont publiés. Les agriculteurs peuvent décider de vendre ou de ne pas vendre au prix offert un jour donné.

M. Dennis : Il y a erreur; je ne crois pas être celui qui était préoccupé par le fait que ce sont d'autres personnes qui réalisent des profits une fois que le produit leur est livré.

En ce qui concerne le canola, la situation est devenue intéressante ces derniers temps, parce que le canola disponible peut être intégré à des produits qui peuvent être négociés en ville.

En ce qui concerne la commercialisation du canola disponible, il suffit de faire quelques appels téléphoniques et de choisir, parmi les trois ou quatre acheteurs situés près de l'exploitation, à distance de transport, celui qui offre le prix le plus élevé, ensuite l'agriculteur peut vendre son produit si son institution financière a besoin d'un paiement pendant cette période. On peut conclure un contrat à terme et choisir plein d'autres options, dont certaines sont risquées, et j'ai moi-même déjà pris ce genre de risques. Lorsqu'on a trop de contrats à terme, qu'une catastrophe naturelle se produit et qu'on ne peut pas livrer la marchandise, il faut se retirer du contrat, et ça coûte très cher. Je préférerais que ce genre d'option soit offert par la Commission canadienne dans le cadre du système d'établissement du prix commun, mais c'est probablement impossible aux termes des règles de l'OMC.

Je crois que je n'ai pas clarifié la situation. Je cultive 2 500 acres de terres. Lorsque nous avons assisté à ces réunions, nous recueillions des fonds pour composer avec des difficultés importantes. En ce qui concerne la taille des exploitations, nous avons constaté que nos principaux donateurs étaient de jeunes agriculteurs axés sur le progrès qui avaient de grandes exploitations; certains ont même remporté le prix de l'agriculteur de l'année à l'exposition de la rivière Rouge, à Winnipeg. À long terme, ce sont ces agriculteurs qui exploitent la plus vaste superficie de terres agricoles qui ont le plus à perdre. C'est ce que je voulais clarifier, et je n'ai pas pu le faire pendant mon intervention de cinq minutes.

Pour ce qui est de la commercialisation du canola, on prend ce qu'on nous offre, à moins d'être prêt à garder le produit longtemps; c'est l'un ou l'autre.

Le sénateur Plett : Merci. Je crois que vous m'avez indiqué la superficie de vos terres cultivées lorsque vous étiez dans mon bureau. J'aurais dû vous poser la question officiellement, mais je suis certainement content que vous ayez apporté cette précision.

Étant manitobain, je suis très préoccupé par ce qui se passe dans ma province, et je suis heureux d'entendre aujourd'hui trois Manitobains que je considère comme des agriculteurs prospères.

Évidemment, l'avoine faisait autrefois partie des cultures commercialisées par la Commission canadienne du blé; ce n'est plus le cas. Je crois que le Manitoba produit beaucoup d'orge, même qu'une entreprise très prospère de Portage la Prairie, Can-Oat, emploie 125 personnes. L'un de vous trois peut-il me dire si le secteur de l'avoine a pris plus d'ampleur depuis que la Commission canadienne du blé a arrêté de commercialiser cette céréale? Les agriculteurs manitobains n'ont-ils pas commencé à semer plus d'orge et à profiter davantage de cette culture? On a certainement observé une diminution draconienne de la production de blé, en particulier au Manitoba. Je ne saurais dire si la Commission canadienne du blé en est responsable. Cependant, la production a effectivement baissé. Quel est votre avis sur la production d'avoine?

M. Baker : Lorsque la Commission canadienne du blé a décidé de ne plus commercialiser l'avoine, le prix de l'avoine a immédiatement chuté de façon draconienne, et maintenant, en tenant compte de l'inflation, on se rend compte que le prix commence tout juste à remonter. Le marché de l'avoine est encore très instable. Je crois que le prix a remonté seulement parce que la superficie des terres où on cultive l'avoine a diminué aux États-Unis. Si les agriculteurs américains recommençaient à cultiver autant d'avoine qu'auparavant, je suis persuadé que le prix chuterait de nouveau.

Pour ce qui est de savoir s'il y a eu une augmentation de la production d'avoine au Manitoba, je peux seulement me prononcer sur ma propre exploitation agricole. Nous semons de l'orge seulement parce que cette culture s'intègre bien à notre plan de rotation. Ce n'est certainement pas parce que nous considérons l'orge comme une culture commerciale. Il y a certaines terres où ce produit se cultive mieux que d'autres.

Le président : J'accorde maintenant la parole au sénateur Peterson. Comme il est le porte-parole de l'opposition en matière d'agriculture, il disposera du même temps de parole que le parrain, le sénateur Plett.

Le sénateur Peterson : Merci, messieurs, d'être venus ce matin pour discuter avec nous de ce dossier. Il est décourageant d'entendre de jeunes agriculteurs, MM. Sigurdson et Baker, se dire vivement préoccupés par l'avenir de l'agriculture canadienne, en raison de la perte éventuelle de la Commission canadienne du blé.

Le gouvernement voudrait vous faire croire qu'une fois la Commission canadienne du blé disparue, vos revenus augmenteront, et une ère de prospérité s'ensuivra. Vous avez indiqué que le coût des intrants augmente, alors que vos marges se réduisent. Si la Commission canadienne du blé disparaissait, croyez-vous que vos marges pourraient diminuer encore plus?

M. Baker : Je crois que oui. Aujourd'hui, nous travaillons de plus en plus fort pour tirer tout ce que nous pouvons de chaque acre de terre, juste pour faire nos frais. Nous sommes reconnaissants de toute aide que nous pouvons recevoir. Je ne crois pas du tout que ce projet de loi pourrait nous aider.

M. Sigurdson : La Commission canadienne du blé a indiqué clairement qu'elle ne vend pas de blé génétiquement modifié sur le marché parce que nos clients n'en veulent pas. Si le secteur du blé devient comme celui du canola, cela ne fera qu'augmenter nos coûts. Lorsque la Commission canadienne du blé disparaîtra, les producteurs pourront faire tout ce qu'ils veulent. Les semences de canola coûtent environ 50 $ l'acre; ça correspond à seulement cinq livres de semences. C'est ridicule. Si le secteur du blé devient comme celui du canola, cela augmentera nos coûts, et nous obtiendrons moins d'argent pour nos céréales.

Le sénateur Peterson : Vous ne vous attendez pas à une hausse de revenus?

M. Sigurdson : Non.

Le président : Monsieur Larsen, on a beaucoup parlé de la transparence des prix, de l'affichage et du fait que les agriculteurs pourront faire des comparaisons qui leur permettront d'obtenir un prix nettement avantageux. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Larsen : La prétendue transparence des prix vient des bourses de marchandises. En fait, c'est une question d'information. Cela se résume à la capacité d'obtenir de l'information. Quelles que soient les sources dont ils disposent, les agriculteurs n'ont jamais accès en temps réel à l'information du marché privé.

En outre, le marché est administré par une poignée de sociétés. Il n'y a guère de transparence de prix. Ces dernières semaines au Chicago Mercantile Exchange, 1,2 milliard de dollars en contrats à terme ont disparu. Cet argent s'est volatilisé quand la société MF Global a été mise sous séquestre. On ne peut pas dire qu'il y a là une grande transparence de prix.

La Commission du blé, quant à elle, publie tous ses prix. Je sais donc exactement ce qu'il m'en coûtera pour transporter mon grain de la ferme au port. Dans le cas du canola, je peux regarder le prix au port et le prix aux terminaux intérieurs, mais il n'y a pas nécessairement concordance entre les deux. Je pourrais vous endormir avec tous ces détails, mais je ne le ferai pas.

Le sénateur Peterson : Un prix peut être affiché, mais vous saurez vraiment ce que vous obtiendrez une fois au silo. N'est-ce pas ce qui se passe?

M. Larsen : C'est effectivement le cœur du problème. Le prix affiché peut être un prix d'appel pour vous attirer au silo, on voit cela aux États-Unis. C'est la même chose pour le canola. Un prix est affiché, mais une fois au silo, pour une raison ou une autre, on n'obtient pas exactement ce prix.

Le sénateur Peterson : Comme le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte du jugement de la Cour fédérale, quelles autres options s'offrent maintenant à vous? Ma question ne s'adresse à personne en particulier.

M. Nicholson : Je vais tenter de répondre. Nous n'avons aucune autre option que ce comité sénatorial. Notre avenir est entre vos mains, et je ne m'en réjouis pas.

À mon avis, il faudrait une analyse et une étude agréée sur la Commission canadienne du blé, et j'ajouterais même sur le marché ouvert, pour que les agriculteurs puissent bénéficier d'une comparaison équitable. Cela n'a pas été fait. Je ne sais trop si vous savez ce qu'est une étude agréée. J'ai déjà assisté à des entrevues où des gens offraient leurs services pour faire une étude. La personne retenue demandera immanquablement : que recherchez-vous comme résultat final? Et c'est sur ce résultat qu'elle se concentrera.

Quand un économiste effectue une étude agréée et qu'on soumet cette étude à un autre économiste qui est entièrement indépendant, puis à un autre par la suite, on a alors une étude agréée qui est fondée sur des faits. Certaines des études qui ont été réalisées ne sont pas entièrement factuelles. J'aimerais qu'il y ait une étude agréée sur le système de marché ouvert et sur le système de la Commission canadienne du blé, et ensuite un plébiscite dans le cadre duquel les producteurs pourront se prononcer de façon équitable.

Si je puis me permettre, en 2006, quand cette question a surgi, j'ai pris l'initiative d'organiser 30 réunions dans le Sud de l'Alberta avec des producteurs qui voulaient savoir à quoi s'en tenir. Un représentant de la Commission canadienne du blé que j'avais invité exposait les différentes options de commercialisation qu'offrait la commission, et je prenais ensuite la parole pour poser une question. Nous avons trois clients qui achètent du canola du Canada, à savoir la Chine, le Japon et le Mexique. Ce sont ces pays qui achètent le plus de canola brut du Canada. Comment procèdent-ils? Dans ces 30 réunions, aucun agriculteur n'a été en mesure de me répondre. Un type s'est levé et a dit : « Je pense qu'ils achètent le canola à la Bourse de marchandises de Winnipeg. » Ils n'achètent pas une tonne de canola à la Bourse de marchandises de Winnipeg. Cette bourse ne sert qu'à déterminer les prix et à alléger quelque peu les risques des sociétés céréalières sur le marché.

Si la chose vous intéresse, je peux vous faire une présentation, mais il me faudra plus que cinq minutes.

Le président : Y a-t-il d'autres observations concernant la question du sénateur Peterson?

M. Dennis : Pourriez-vous répéter la prémisse de la question?

Le sénateur Peterson : Le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte du jugement de la cour. Cela dit, quelles options s'offrent maintenant à vous?

M. Dennis : Nous avons bon espoir, je crois. Ce comité sénatorial doit examiner le dossier de façon impartiale. J'espère qu'on ne s'en tiendra pas aux lignes de parti, parce que cela ne devrait pas être ainsi.

Les agriculteurs pourront-ils joindre les deux bouts? Je dirais que la majorité d'entre eux réussiront. Ils n'hésiteront pas à s'approvisionner plus loin pour ce qui est de leurs intrants et même de leur épicerie. Ils feront tout en leur pouvoir pour se serrer un peu plus la ceinture. Cela occasionnera des difficultés dans les collectivités de l'Ouest. C'est ce qui s'est produit avec le tarif du Nid-de-Corbeau; ce tarif a causé beaucoup de difficultés, des villes ont été abandonnées. Nous avons vu toutes sortes de choses.

Si vous pouviez organiser des réunions publiques dans l'Ouest, vous verriez ce que nous avons vu. Nous avons vu des agriculteurs avec leurs fils, leurs filles, leurs grands-pères et leurs grands-mères, ainsi que de jeunes mères avec leur bébé. Ces gens n'assistent pas habituellement à des réunions agricoles. Non, généralement 15 ou 20 personnes se présentent, et c'est pour avoir un chapeau gratuit. Ces réunions étaient bouleversantes. Si vous aviez vu ce que j'ai vu l'été passé, aucun d'entre vous ne permettrait l'adoption de ce projet de loi. J'en suis certain. Je m'arrêterai ici.

Le sénateur Tkachuk : Je tiens à signaler que de jeunes agriculteurs remarquables de la Saskatchewan et de l'Alberta, deux provinces immédiatement à l'ouest du Manitoba, appuient le projet de loi C-18.

J'entends souvent l'expression « culture commerciale ». En fait, je pense que c'est vous, monsieur Sigurdson, qui avez utilisé cette expression. Les agriculteurs utilisent constamment cette expression. Qu'entend-on par « culture commerciale »?

M. Baker : Je vais répondre. On parle souvent de « culture commerciale » quand il est question du canola, car les agriculteurs estiment qu'ils peuvent le vendre dès que la récolte est terminée. Ils touchent immédiatement de l'argent et ils obtiennent un bon montant actuellement. Le canola est souvent vendu à rabais par rapport au soya pour ce qui est de l'huile, mais on n'en parle jamais, et les marchés utilisés pour le canola n'ont rien de transparent. C'est généralement ce qu'on entend par cette expression.

Le sénateur Tkachuk : On l'utilise depuis longtemps pour d'autres cultures, n'est-ce pas?

M. Baker : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Il s'agit essentiellement de cultures qui ne relèvent pas de la Commission du blé, n'est-ce pas? Ai-je plutôt raison?

M. Sigurdson : Eh bien, le blé rapporte plus d'argent sur ma ferme, et c'est commercial.

Le sénateur Tkachuk : Vous ne dites cependant jamais que les cultures qui relèvent de la Commission du blé sont des cultures commerciales. Les cultures commerciales sont les cultures nécessaires pour obtenir de l'argent comptant pour vos activités, c'est bien cela?

M. Baker : Je pense qu'il s'agit là de sémantique.

Le sénateur Tkachuk : Non, ce n'est pas le cas. On entend constamment cette expression. Je dis simplement que vous avez besoin des cultures qui ne relèvent pas de la Commission du blé pour financer votre ferme et avoir les fonds nécessaires pour cultiver votre blé. Il n'y a pas beaucoup d'agriculteurs qui ne cultivent que du blé.

M. Baker : Ce n'est pas uniquement en raison de la Commission du blé. Nous devons faire une rotation.

Le sénateur Tkachuk : Je n'ai pas dit que c'était le seul facteur. Je signale simplement un fait.

M. Baker : Je tiens à préciser qu'il est possible d'obtenir une avance de fonds auprès de la Commission du blé; on peut obtenir jusqu'à 100 000 $ sans intérêt. La Commission du blé offre différentes options à cet égard. Contrairement à ce que certains laissent entendre, nous ne passons pas 18 mois sans le sou.

Je voudrais aussi signaler que ce programme sera transféré aux producteurs de canola et qu'en conséquence, nous n'aurons plus d'avance sans intérêt; un montant de 3 000 $ sera retenu.

M. Dennis : J'aimerais intervenir à ce sujet.

Le sénateur Tkachuk : Allez-y, monsieur Dennis.

M. Dennis : Parce que certains agriculteurs traitent certaines cultures comme des cultures commerciales — nous avons des avances pour notre blé et pour ces cultures aussi, mais parce qu'ils les traitent comme des cultures commerciales —, ils font du dumping. Certains gros agriculteurs qui se croient progressifs font baisser les prix en vendant toutes leurs cultures commerciales à l'automne. Nous perdons probablement 1 $ ou 2 $ par boisseau de canola parce qu'il en arrive trop sur le marché à l'automne.

Voilà ce que je pense des cultures commerciales. Je ne vois pas là quelque chose de positif, mais cela satisfait le banquier. Nous obtenons des fonds, et c'est pourquoi on les appelle ainsi. Je ne crois pas que ce soit une bonne expression.

Le sénateur Tkachuk : Vous pouvez vendre votre récolte sur le marché et toucher de l'argent.

M. Dennis : Oui, nous pouvons obtenir le prix du jour quel qu'il soit, oui.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur Larsen, vous avez parlé des contestations commerciales et des examens dont la Commission canadienne du blé a fait l'objet. Vous avez aussi vanté les vertus de la Commission canadienne du blé en vous basant sur ces études. Cependant, en réalité, ces études ont montré qu'il n'existe aucun avantage commercial, et c'est pourquoi nous avons eu gain de cause.

M. Larsen : Cette interprétation n'est pas tout à fait juste, si je puis dire. Tout dépend de quelle...

Le sénateur Tkachuk : Allez-y, vous pouvez répondre à la question.

M. Larsen : Cela dépend de quelle étude vous parlez. Certaines études étaient équivoques. Dans le cas du blé dur et de l'orge, on a montré que la commission était un avantage.

Le sénateur Tkachuk : On ne peut toutefois pas jouer sur les deux tableaux, n'est-ce pas? On ne peut déterminer qu'il existe un avantage puis tenir une discussion à ce sujet. L'affaire est réglée et nous avons gagné, ce qui prouve que nous n'avons pas d'avantage.

M. Larsen : Dans les études, il n'était pas toujours question des mêmes grades de grain et ce genre de chose. On a examiné différents aspects de nos exportations de grain.

M. Nicholson : J'ai assisté, à Medicine Hat, à une réunion où des représentants de Catelli étaient venus des États- Unis. Catelli est un important fabriquant de pâtes alimentaires qui utilise beaucoup de blé dur. Le PDG et le contrôleur étaient présents, ainsi que le directeur responsable de l'approvisionnement en grain. Dans leur exposé, ils ont expliqué aux producteurs de blé dur de Medicine Hat qu'ils n'utilisent à leur usine que du blé dur canadien de la Commission canadienne du blé. C'était une excellente présentation.

Je savais qui était dans la salle. Je connaissais d'ailleurs la plupart des producteurs parce que je parcours la région depuis 20 ans. Je savais donc qu'une question était sur toutes les lèvres. Durant la période des questions, la première question a été : vous vous approvisionnez uniquement auprès de la Commission canadienne du blé pour votre blé dur. Payez-vous un prix supérieur?

Le représentant a répondu que la Commission canadienne du blé était un négociateur redoutable pour ce qui est des prix. Compte tenu des exigences en matière de qualité et du fait que Catelli s'approvisionne exclusivement auprès de la Commission canadienne du blé, cette société estime qu'elle nous avantage.

La deuxième question ne m'a pas surpris non plus, j'aurais pu la poser moi-même. Si la Commission canadienne du blé disparaissait, continueriez-vous de vous approvisionner exclusivement au Canada?

Le directeur responsable de l'approvisionnement en grain s'est levé et a déclaré que la Commission canadienne du blé pouvait se rendre dans n'importe quelle région désignée pour trouver la qualité de blé recherchée. Lorsque Catelli commande du blé dur contenant 14,2 p. 100 de protéines, c'est ce qu'elle obtient. Elle ne reçoit pas du blé dur dont la teneur protéinique est de 14,3 ou 14,4, mais bien de 14,2. Cela est impossible quand on achète directement des agriculteurs.

À Medicine Hat, où j'habite, il y avait anciennement trois minoteries. Il n'y en a plus qu'une seule. Quatre-vingt-dix- sept pour cent du blé de force roux de printemps livré à cette minoterie provient des silos. Pourquoi? En raison du contrôle de la qualité. Quand la minoterie commande du blé d'une teneur protéinique de 14,2, de 14 ou de 13,5, c'est ce qu'elle obtient. Les exploitants de silos sont en mesure de livrer ce qui est demandé.

On me donne un prix supérieur, en ma qualité de producteur, si je livre mon grain. Chaque année je prélève des échantillons au moment de l'entreposage. Cependant, quand on sort le grain, un chargement a une teneur de 13,7, le suivant, une teneur de 13,5, et ce n'est pas ce que les minoteries veulent. Lorsqu'elles commandent une teneur de 13,5, c'est ce qu'elles veulent et c'est ce qu'elles obtiennent.

Il est clair que le système d'assurance de la qualité de la Commission canadienne des grains et la Commission canadienne du blé met en valeur le blé canadien. La Commission canadienne des grains délivre des certificats attestant de la quantité et de la qualité des cargaisons de grain destinées à l'exportation, et les acheteurs adorent cela.

Le sénateur Tkachuk : J'ai une autre question. On a beaucoup parlé du plébiscite qu'a tenu la Commission canadienne du blé. La validité de la liste et le vote en soi ont suscité bien des débats au comité. Chose certaine, il a souvent été question de démocratie.

Une autre chose qui est certaine, c'est qu'environ 60 p. 100 des gens — on s'adressait aux producteurs de blé, non d'orge —, soit environ la moitié des 68 000 personnes inscrites, ont voté. C'est donc dire qu'environ 34 000 personnes qui ne sont pas nécessairement des agriculteurs ont voté. Ainsi, 60 p. 100 ont voté en faveur du maintien du guichet unique, et 40 p. 100 contre. Il n'y avait aucune question sur l'établissement d'un système de commercialisation mixte.

Selon moi, ce qui manque à ceux qui ont voté en faveur du maintien dans une proportion de 60 p. 100, c'est l'appui de la tranche de 40 p. 100. Autrement dit, 20 400 agriculteurs ont dit qu'ils voulaient un guichet unique et qu'ils étaient prêts à forcer les 13 600 autres qui n'en voulaient pas à faire partie du système. Bien qu'ils aient le droit démocratique d'avoir une ferme et de vendre leurs produits où ils le souhaitent, on veut les forcer à passer par la Commission canadienne du blé pour conserver cette dernière. Comment cela s'inscrit-il dans le discours démocratique que vous tenez aujourd'hui?

Le président : Merci pour votre dernière question, sénateur Tkachuk. M. Nicholson sera suivi par M. Dennis, et nous passerons ensuite au sénateur Mercer.

Monsieur Nicholson, veuillez répondre s'il vous plaît.

M. Nicholson : Vous soulevez une question très intéressante. J'ai piloté un renouvellement stratégique quand j'étais président de la coop de Medicine Hat. La seule façon de régler cette question, c'est d'établir dans le secteur un comité composé de trois représentants de chaque côté. De plus, il doit y avoir des compromis en ce qui concerne le droit de vote.

J'ai beaucoup entendu parler d'agriculture dans les cafés. Est-ce qu'une personne qui loue au comptant une terre devrait pouvoir voter à la Commission canadienne du blé? Les gens s'entendaient pour dire que non, car le grain ne présente pas d'intérêt pour cette personne. Toutefois, qu'en est-il du propriétaire qui conclut un contrat de métayage? Tous convenaient qu'il devait avoir droit de vote, parce que la commercialisation du grain le touche directement, même si c'est le locataire qui fait les démarches. Il obtiendra de l'argent de la vente du grain, que ce soit pour sa pension ou pour autre chose. Il doit donc avoir le droit de voter sur la façon dont le grain est commercialisé. On entre alors dans le vif du débat.

J'habite près d'une colonie huttérite. C'est une grosse colonie qui cultive deux townships. Mike m'a dit avant mon départ la semaine dernière qu'ils ont 1,2 million de boisseaux de blé de force roux de printemps à vendre, sans compter leur blé dur et leurs autres récoltes. Ils ont 10 nouvelles moissonneuses-batteuses John Deere, et ils appuient la Commission canadienne du blé. J'ai demandé à Mike s'il devrait avoir 1,2 million de votes à la Commission canadienne du blé étant donné tout ce grain. Il m'a répondu qu'un seul vote lui suffisait, mais qu'il voulait s'assurer que toutes les voix étaient entendues et qu'on conçoive un système qui sert les intérêts de la majorité des agriculteurs.

Aurons-nous 100 p. 100 des voix? Jamais. On n'obtient jamais 100 p. 100 de quoi que ce soit. Le gouvernement au pouvoir actuellement n'a obtenu que 40 p. 100 des votes.

La démocratie se résume à une personne, un vote, peu importe comment on regarde les choses. C'est le seul système qui est juste. Sans cela, peut-on vraiment parler de démocratie?

Le président : Monsieur Dennis, je vous demanderais de bien vouloir être bref.

M. Dennis : Il est question de choix ici. Je tiens à préciser que le choix et la démocratie sont deux concepts. Certains veulent un marché ouvert, ils veulent faire affaire avec le secteur privé, mais la majorité des gens veulent un guichet unique. Nous savons qu'il n'y a pas de demi-mesures. Chuck Strahl a dit que cela ne fonctionnerait pas.

Le projet de loi C-18 revient huit fois sur cette mesure qui ne fonctionnera pas, nous le savons. Nous savons que le gouvernement est conscient que cela ne fonctionnera pas. Il faut un comité plénier pour prendre ce genre de décisions. Voilà ce qu'il en est. Nous n'établissons pas les limites de vitesse en fonction de la richesse des gens ou de la puissance de leur voiture. Nous ne pouvons faire cela. Nous avons besoin d'un comité plénier. Les joueurs de hockey ne peuvent pas tous être capitaine de leur équipe. C'est dans ces situations qu'on applique la démocratie.

J'aborderai rapidement les défis de la Commission canadienne du blé. La Commission canadienne du blé bénéficie d'une clause d'antériorité et nous donne un avantage, nous le savons. Les contestations commerciales visaient cet avantage; était-il équitable? C'est ce que nous avons obtenu. Nous avons prouvé que c'était équitable. Si nous y renonçons, nous ne pourrons le récupérer, car il faisait l'objet d'une clause d'antériorité. Si nous tentions aujourd'hui de créer un avantage, les mêmes règles commerciales nous empêcheraient de le faire. Voilà la preuve que ce projet de loi ne fera rien de bien pour les agriculteurs.

Le sénateur Mercer : M. Larsen a dit qu'il fallait s'en tenir aux faits. Or, ces derniers temps, les faits sont devenus plutôt secondaires ici. C'est l'idéologie qui prime.

Le comité s'est penché sur la pauvreté en milieu rural il y a quelques années. Nous avons pu constater dans nos déplacements que le taux de suicide, les cas de violence familiale, le nombre de familles éclatées et le nombre de faillites sont à la hausse, en raison de l'incapacité des collectivités rurales de s'adapter au monde d'aujourd'hui.

Dans ce contexte, si le projet de loi C-18 est adopté et qu'il reçoit la sanction royale, pensez-vous que les trois ou quatre problèmes que j'ai mentionnés s'aggraveront dans les régions rurales, notamment dans l'Ouest du Canada?

M. Larsen : L'économie est au cœur de tout. Je ne peux pas vous dire ce qui se produira à l'avenir, mais je sais ce qui s'est produit quand les coûts des agriculteurs ont augmenté à cause du tarif du Nid-de-Corbeau. Il est évident que la réduction du revenu net des agriculteurs aura une incidence considérable sur les exploitations agricoles. J'ai pu le constater chez moi. Nous étions 53 agriculteurs sous le même code postal. Quand le tarif du Nid-de-Corbeau a été aboli et que tout a été réglé, nous n'étions plus que deux, deux sur 53.

J'ai vu des jeunes, des jeunes avec qui j'étais allé à l'école, faire faillite en raison des changements économiques imposés à l'Ouest canadien. Cette mesure constitue un autre changement important qui entraînera l'effondrement du secteur du grain dans l'Ouest canadien et qui aura d'importantes conséquences. Nous ne savons plus vers quoi nous tourner. Les prix du bétail ont augmenté un certain temps. Ces prix sont redevenus intéressants, mais pas comme ils l'étaient auparavant. Il n'y a que deux usines de transformation qui achètent notre bétail maintenant. Il est évident que ces changements entraîneront des perturbations sociales.

Le sénateur Mercer : Monsieur Dennis, vous avez très bien répondu à la question concernant la démocratie. Vous avez insisté à différentes reprises sur les mots qui se trouvent dans la loi, et c'était très utile.

Quand la loi a été modifiée en 1998, le sénateur Gustafson, de la Saskatchewan, pour qui j'ai beaucoup de respect, présidait ce comité. Il avait été secrétaire parlementaire d'un ex-premier ministre et il comptait une longue expérience à titre de député et de sénateur. Il a quitté la présidence le jour où le comité a étudié les modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé qui ont donné lieu au libellé actuel de l'article 47.1. Le sénateur Gustafson a ajouté ces dispositions pour protéger les agriculteurs de manière à ce qu'ils puissent faire entendre leur voix relativement aux éventuels changements apportés à la Commission canadienne du blé.

Cette mesure me choque. En fait, c'est une véritable boîte de Pandore qu'on ne pourra plus refermer après la sanction royale. Nous devrons tout recommencer dans cinq ans parce que le secteur sera en crise à cause de cette mesure législative.

Y a-t-il une façon de déterminer qui devrait voter? Je pose la question parce que les deux côtés ne s'entendent absolument pas sur qui devrait pouvoir voter aux termes de l'article 47.1.

M. Dennis : Je me réjouis que le Sénat ait apporté cette modification pour que les agriculteurs puissent conserver un certain contrôle sur le conseil d'administration composé d'agriculteurs. Je me souviens du regretté Reg Alcock qui était responsable de la Commission canadienne du blé. Je le connaissais très bien. Reg avait proposé durant la campagne électorale de 2006 qu'il y ait 15 administrateurs élus par les agriculteurs. Le gouvernement n'aurait pas nommé d'administrateurs. Les agriculteurs auraient eu davantage de contrôle. En 1998, le Sénat nous a aidés à obtenir un peu de contrôle et c'était très bien. Nous avons eu des résultats positifs grâce aux nombreuses améliorations apportées. Le système est-il parfait? Non. Est-ce ce qu'il y a de mieux actuellement? Oui, et de loin.

Nous devons conserver ce contrôle et adopter d'autres mesures du genre. Nous ne devons pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Tout change trop rapidement, sans consultation et sans aucune preuve qu'il s'agit d'une bonne chose. Étant donné les pratiques commerciales, il est clair que cette mesure est mauvaise. Nous avons besoin de certains de ces contrôles de manière à ne pas répéter les erreurs commises dans le débat sur le tarif du Nid-de-Corbeau. Ce tarif a porté un coup dur à l'Ouest canadien et cette mesure fera de même. Le Sénat doit demeurer impartial dans son examen. Si la ligne de parti s'applique, je serai alors très inquiet, car cela signifiera que cet examen repose sur des considérations partisanes. J'espère que cette mesure fera l'objet d'un examen impartial et je vous implore d'agir en ce sens.

M. Larsen : La question concernait les critères pour voter, je crois. Ces critères existent déjà, il faut être un « producteur-exploitant ». Certains ont fait valoir que les propriétaires qui louent des terres ne devraient pas participer. Karl Marx aurait convenu que les propriétaires devraient être écartés, mais comme on l'a dit, les propriétaires ont aussi un intérêt financier. Les critères sont donc déjà établis.

Le sénateur Mercer : Il est toujours intéressant de recevoir de jeunes témoins dynamiques, comme deux de nos témoins aujourd'hui. J'espère qu'il s'agit là d'un signe précurseur d'un avenir prospère pour l'agriculture.

Le sénateur Tkachuk : Ils sont tous jeunes à nos yeux.

M. Nicholson : La passion ne s'éteint pas avec l'âge.

Le sénateur Eaton : Monsieur Dennis, vous avez dit que vous avez assisté aux sept réunions qui se sont tenues cet été.

M. Dennis : C'est exact.

Le sénateur Eaton : Combien de personnes sont allées aux sept réunions selon vous?

M. Dennis : Il n'y a en pas beaucoup à mon avis. Les participants variaient beaucoup d'une réunion à l'autre. J'ai assisté à toutes les réunions parce que je voulais voir ce qui se passait. Il n'y a que deux ou trois autres personnes qui ont fait de même.

Le sénateur Eaton : Monsieur Sigurdson, avez-vous dit que la plupart de vos clients ne veulent pas de blé génétiquement modifié?

M. Sigurdson : Oui.

Le sénateur Eaton : Qui sont vos clients?

M. Sigurdson : Nous vendons nos produits au Japon et à 70 autres pays par l'entremise de la Commission du blé. La Commission du blé a consulté ces clients et a affirmé qu'ils ne voulaient pas de blé génétiquement modifié et que nous compromettrons nos marchés si nous introduisons ce type de blé.

Le sénateur Eaton : Les pays comme la Chine et l'Inde veulent du blé non génétiquement modifié?

M. Sigurdson : Je suppose que oui.

Le sénateur Eaton : Vous supposez?

M. Sigurdson : La Commission canadienne du blé les a consultés.

Le sénateur Eaton : Vous en êtes certain?

M. Sigurdson : Oui.

Le sénateur Eaton : Nous savons que l'Union européenne ne veut pas de blé génétiquement modifié.

M. Sigurdson : Si nous commençons à perdre des marchés à cause du blé génétiquement modifié, cela nous coûtera de l'argent.

Le sénateur Eaton : Je ne contesterai pas cet argument.

Monsieur Nicholson, si je ne m'abuse, vous avez dit dans votre présentation que vous avez le droit de voter sur la façon dont vous voulez commercialiser votre grain. Nous avons eu la chance cette semaine d'entendre de nombreux témoins. Nous avons reçu deux agriculteurs du Sud de l'Alberta qui sont allés en prison. Ils sont furieux d'avoir été mis à l'amende par la Commission du blé. Ils veulent pouvoir vendre leur propre blé. Vous vous exprimez avec passion et conviction, je n'en doute point. Cependant, j'ai vu deux témoins ici hier qui ont un tout autre point de vue et ce sont deux agriculteurs qui cultivent eux-mêmes leur terre.

M. Nicholson : Je suis content de répondre à cette question. J'ai déjà vu neiger.

Le sénateur Eaton : Eux aussi.

M. Nicholson : Ils avaient essayé de transporter leur grain aux États-Unis sans permis d'exportation.

Le sénateur Eaton : Non, c'était une infraction moins grave que cela.

M. Nicholson : Leurs camions ont été saisis et mis en fourrière, et ils ont essayé de les voler pour les récupérer. C'est la raison pour laquelle ils ont fait de la prison.

Le sénateur Eaton : Selon eux, et selon nos dossiers, ils ont choisi d'aller en prison au lieu de payer une amende, parce qu'ils étaient contre le monopole.

M. Nicholson : Ils auraient pu livrer leur grain en participant au programme de rachat. Ils auraient pu ainsi vendre leur grain à n'importe qui.

Le sénateur Eaton : Beaucoup de témoins nous ont dit que le programme de rachat ne fonctionnait pas parce que les agriculteurs devaient concurrencer la Commission canadienne du blé. Cette dernière devance les agriculteurs et leur coupe l'herbe sous le pied.

M. Nicholson : Je ne dis pas que ce programme est parfait ou qu'on ne peut le modifier pour en améliorer le fonctionnement.

Le sénateur Peterson : Je tiens à préciser une chose. Ce n'est pas la Commission canadienne du blé qui a mis ces agriculteurs à l'amende. Ces amendes ont été imposées en vertu de la Loi sur les douanes.

[Français]

Le président : Le vice-président du comité, l'honorable sénateur Robichaud.

Le sénateur Robichaud : Merci, monsieur le président. J'aurais plutôt un commentaire.

[Traduction]

Je trouve déplorable que les témoins aient à justifier qu'ils ont le droit de répondre à des questions en fonction du nombre d'acres qu'ils cultivent. M. Larsen n'a donc pu répondre. Je ne souscris pas à cette pratique. Dans la nouvelle commission, seulement deux des cinq administrateurs qui ont été nommés sont des agriculteurs. Les témoins pourraient demander aux sénateurs ici présents combien d'acres ils cultivent. Je n'en cultive aucune, mais je veux bien entendre ce que les témoins ont à nous dire au sujet de leur expérience, directe ou indirecte, de l'agriculture et des conséquences de ce projet de loi pour eux.

En outre, monsieur le président, quand je vois tous les documents que reçoivent certains sénateurs, je me demande si les questions qu'ils posent viennent bien d'eux. Toutefois, je n'en dirai pas plus.

Le sénateur Duffy : C'est un recours au Règlement.

Le sénateur Robichaud : Ce n'est pas un recours au Règlement. C'est exactement ce qui se produit.

Le président : Sénateur Robichaud, avez-vous terminé?

Le sénateur Robichaud : Je terminerai en remerciant les témoins d'être venus nous rencontrer. Ils ont clairement exposé leurs points de vue et je n'ai pas d'autres questions à leur poser.

Le président : Je tiens à signaler que nous avons dépassé de 23 minutes le temps prévu pour ces témoins, ce qui est tout à fait raisonnable à mon avis.

Je préciserai également qu'il est parfaitement convenable que les sénateurs des deux côtés reçoivent de l'information de leur personnel.

Le sénateur Plett : Monsieur le président, je crois que le sénateur Robichaud a parlé de ce que j'ai dit plus tôt et je devrais avoir le droit, il me semble, de clarifier mes propos.

Le président : En ce qui concerne ce que vous avez soulevé au début, le greffier vient de m'informer...

Le sénateur Plett : Non, cela concerne l'insinuation selon laquelle on aurait dit que quelqu'un n'avait pas le droit d'être ici ou n'était pas qualifié ou quelque chose du genre.

Le président : Voulez-vous invoquer le Règlement?

Le sénateur Plett : Oui, s'il vous plaît.

Le président : J'entendrai votre recours au Règlement et nous allons clore nos discussions avec ce groupe de témoins.

Le sénateur Plett : Quand M. Larsen a refusé de répondre à ma question, j'ai indiqué que je ne lui poserais plus de questions. J'ai moi aussi ce droit.

Le président : Je vous remercie de cette précision.

Le sénateur Robichaud : Je n'ai nommé personne. J'avais l'impression qu'afin de valider leurs réponses, ils étaient obligés de préciser la superficie de leurs terres agricoles; selon moi, ils ne devraient pas avoir à le faire.

Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation à comparaître.

J'aimerais profiter de l'occasion pour présenter notre prochain groupe de témoins, qui comprend M. Wade Sobkowich, de l'Association des élévateurs à grain de l'Ouest canadien, et M. Phil de Kemp, président de la Malting Industry Association of Canada. Merci d'avoir accepté notre invitation.

J'invite maintenant les témoins à présenter leur exposé.

Wade Sobkowich, directeur exécutif, Association des élévateurs à grain de l'Ouest canadien : Merci d'avoir invité l'Association des élévateurs à grain de l'Ouest canadien, la WGEA, à comparaître devant vous dans le cadre de l'étude du projet de loi C-18. L'Association regroupe sept sociétés céréalières privées cotées en bourse qui appartiennent à des agriculteurs et sont exploitées au Canada. Je pense que tout le monde a reçu une copie de ma présentation. Vous trouverez au bas de la première page la liste des membres.

L'adoption d'un projet de loi libéralisant la commercialisation du blé et de l'orge d'ici le 1er août 2012 aura une incidence considérable sur les opérations des manutentionnaires et des exportateurs de grains. À l'instar du gouvernement, l'industrie souhaite assurer la transition harmonieuse vers un marché ouvert.

Les membres de la WGEA vendent actuellement du blé, de l'orge, du canola, des légumineuses, des cultures spéciales et d'autres grains et oléagineux à près de 100 pays dans le monde. La plupart d'entre nous sont prêts à l'adoption du projet de loi C-18; il nous faut cependant une plus grande certitude afin de préciser nos préparations. Qu'elles travaillent directement pour le compte de la Commission canadienne du blé ou d'autres, ou encore en partenariat direct avec les agriculteurs pour répondre aux besoins des clients, les compagnies céréalières seront prêtes à gérer toute la production des cultivateurs de blé et d'orge au sein d'un marché concurrentiel. Pour assurer la transition harmonieuse vers un marché ouvert, la certitude importe plus que toute autre chose. Tout processus qui exige des intervenants qu'ils devinent ou interprètent leurs droits et obligations avant et après le 1er août 2012 sèmera la confusion dans le marché et nuira aux efforts de transition.

L'article 11 du projet de loi C-18 propose l'ajout d'un nouveau paragraphe 45(2) de manière à leur offrir cette certitude. Il précise très clairement que les compagnies céréalières et les exportateurs et producteurs de céréales peuvent conclure des accords de vente et d'achat anticipés, ce qui est de toute importance. En l'absence de telles assurances, les parties aux accords s'exposeraient inutilement à des risques de perte. Tout doute quant à la force exécutoire d'un contrat ou à la capacité d'une des parties à l'appliquer se reflètera dans le prix du marché, ce qui n'avantagerait aucun des intervenants. Si la mesure est adoptée sous sa forme actuelle, les membres de l'industrie bénéficieront de la certitude nécessaire et pourront consacrer des ressources à la création du cadre final essentiel dans un marché ouvert. Les producteurs pourront également déterminer leurs intentions en matière d'ensemencement et de contrats pour 2012.

À propos de la transformation de la Commission du blé en organisme de commercialisation à participation volontaire, la WGEA est d'avis qu'elle a de bonnes chances de devenir une entreprise viable au sein d'un marché ouvert, si c'est ce qu'elle souhaite. Certains producteurs sont très fidèles à la commission, qui a en outre établi d'étroites relations avec des acheteurs internationaux, auprès de qui a elle a su mettre sa marque en valeur. Selon la WGEA, il n'est pas nécessaire que la commission possède et exploite du matériel de manutention des grains pour demeurer viable après le 1er août 2012. Le réseau actuel de manutention des grains est capable de traiter un volume beaucoup plus grand de grain qu'il traite à l'heure actuelle. Par conséquent, étant donné le niveau élevé des frais d'exploitation fixes, toutes les compagnies céréalières auront tout intérêt à faire concurrence afin de faire passer quelques tonnes de plus de produits dans le réseau de silos. De nombreuses sociétés commerciales très prospères, comme Tafmer Mitsui, Kramer, Gravilon et JKI, font des affaires au Canada depuis des décennies sans posséder aucun établissement de manutention. Ils exportent des millions de tonnes de grains et d'oléagineux canadiens tous les ans, aux termes d'accords de manutention commerciaux négociés avec diverses compagnies de grains. Il n'y a aucune raison pourquoi la nouvelle Commission canadienne du blé ne pourrait négocier des accords semblables, comme elle l'a fait par le passé avec des compagnies de grains. Puisque le réseau de manutention n'est toujours pas saturé à capacité, les compagnies livreront une concurrence acharnée pour faire affaire avec la commission.

En ce qui concerne le service ferroviaire, en mars 2011, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de proposer des modifications à la Loi sur les transports du Canada qui donneraient aux expéditeurs le droit de conclure des accords sur les niveaux de service avec une compagnie de chemin de fer et proposeraient un système d'arbitrage exécutoire pour conclure les dispositions de l'accord en cas d'échec des négociations. La mise en place du processus découlant de l'examen des services de transport ferroviaire des marchandises devrait concorder avec l'abolition du monopole de la Commission du blé et avoir lieu avant le 1er août 2012.

À propos des wagons de producteurs, le droit d'accès des producteurs à ces wagons est assuré en vertu de la Loi sur les grains du Canada et ne dépend absolument pas du monopole de la Commission du blé. Les compagnies de grain continuent d'appuyer le droit des producteurs d'avoir accès aux wagons, et on s'attend à ce que certaines compagnies cherchent à acquérir des wagons à l'avenir et à établir l'infrastructure nécessaire à la gestion et à l'exploitation des wagons de producteurs selon des modalités commerciales.

Sur la question des structures dépendantes, le projet de loi C-18 est l'occasion parfaite d'examiner la structure et le financement d'un certain nombre d'organisations responsables de la recherche, de la commercialisation et de politiques qui, au fil du temps, se sont rangées dans deux catégories distinctes : celles qui sont liées à la Commission canadienne du blé et celles qui ne le sont pas. La WGEA assure une bonne partie du financement des organismes qui ne sont pas associés à la commission, comme le Conseil des grains du Canada, le Conseil canadien du canola et le Conseil canadien du lin; les mandats de ces organisations se chevauchent considérablement, c'est pourquoi il faudrait qu'elles collaborent davantage. Selon la WGEA, le Conseil des grains du Canada affiche un énorme potentiel en tant qu'éventuel conseil principal chargé de régler les questions relatives à l'ensemble des produits de base. Le modèle le plus efficient consisterait à consolider les autres conseils afin d'avoir un conseil des céréales, un conseil des oléagineux, un conseil des légumineuses et un conseil des cultures spéciales. Pulse Canada est déjà responsable des légumineuses et pourrait être chargé des questions en matière de recherche et de développement de marchés propres à certains produits.

En ce qui concerne le port de Churchill, l'aide gouvernementale est généreuse. Le gouvernement offrira 5 millions de dollars par année, pendant les cinq prochaines années, en guise d'incitatifs à l'expédition. Si l'on suppose que 500 000 tonnes de produits passeront par Churchill chaque année, cela revient à environ 10 $ par tonne. Si Churchill demeure une option viable, il sera utilisé, et compte tenu de l'incitatif de 10 $ par tonne, on s'attend à ce qu'il soit une option intéressante pour de nombreux expéditeurs.

La Commission canadienne des grains, la CCG, continuera ses activités pour veiller à ce que les expéditions canadiennes adhèrent aux normes canadiennes en matière de qualité. Cependant, d'autres modifications à la Loi sur les grains du Canada nous permettraient d'effectuer des économies supplémentaires. De nombreux services offerts par la CCG et leurs coûts connexes sont entièrement attribuables au modèle d'exploitation actuel de la Commission canadienne du blé, qui ne sera plus obligatoire dans un marché ouvert. Les économies découlant de la réduction du nombre de services obligatoires et de la présentation de services de rechange concurrentiels seront considérables et bénéficieront aux producteurs, qui assument actuellement les coûts excessifs des services de la CCG.

En conclusion, ma présentation résume brièvement certains des efforts que nous avons consentis pour cerner les éventuels problèmes qui découleront de la transition et certains des scénarios possibles dans un marché ouvert. Les intérêts économiques des agriculteurs et de la WGEA sont les mêmes. Ces deux parties ont pour objectif d'améliorer la rentabilité de l'industrie dans son ensemble. La rentabilité des producteurs est essentielle à la santé et au dynamisme de la chaîne de valeur. Cela a toujours été l'approche préconisée par l'Association des élévateurs à grain de l'Ouest canadien pour régler les problèmes dans le secteur des grains.

Phil de Kemp, président, Malting Industry Association of Canada : Bonjour monsieur le président, messieurs et mesdames du comité.

Au cas où vous ne saisissiez pas l'importante contribution économique de notre industrie pour les agriculteurs et l'économie canadienne, j'aimerais tout d'abord décrire notre association et ses activités, brosser un portrait rapide de l'évolution de notre industrie et expliquer pourquoi, à notre avis, l'adoption du projet de loi C-18 est si essentielle pour l'industrie, nos clients les brasseries et la majorité des agriculteurs avec qui nous faisons affaire, qui appuient tous l'adoption du projet de loi.

L'industrie brassicole canadienne compte quatre compagnies. Elles sont Canada Malting Co., qui exploite des usines à Calgary, à Thunder Bay et à Montréal; Prairie Malt Limited, située dans une petite localité rurale de la Saskatchewan nommée Biggar, environ une heure à l'ouest de Saskatoon; Rahr Malting, située dans une petite localité rurale de l'Alberta nommée Alix, au nord-est de Red Deer; et Malteurop, qui exploite une usine à Winnipeg.

Jusqu'à récemment, l'industrie se classait au deuxième rang mondial au chapitre de l'exportation de malt, l'Union européenne étant au premier rang. Près des deux tiers de notre production à valeur ajoutée est destinée à l'exportation, vendue à des brasseurs dans plus de 20 pays. Nous sommes le plus important acheteur d'orge de brasserie au Canada; nous achetons traditionnellement environ 1,1 million de tonnes métriques de produits des agriculteurs par l'entremise de la Commission canadienne du blé. Jusqu'à récemment, notre industrie représentait près de 60 p. 100 de l'orge de brasserie vendue par la Commission canadienne du blé tous les ans.

Aujourd'hui, de 70 à 75 p. 100 de l'orge cultivé dans l'Ouest du Canada sont des types d'orge de brasserie dont les sélections et les paramètres de qualité varient considérablement en fonction des conditions météorologiques saisonnières.

Nous avons toujours affirmé que l'orge de brasserie est une culture spéciale et nous sommes préoccupés depuis un certain temps par la superficie décroissante de terres consacrées à la culture de l'orge. Cette superficie a diminué de près de 30 p. 100 au cours des quelques dernières années.

De 1985 à 1995, notre industrie a investi plus de 300 millions de dollars dans la construction de deux nouvelles usines et a considérablement augmenté la capacité de plusieurs autres usines. En 10 ans, notre chiffre à l'exportation est passé de seulement 40 000 tonnes à près de 600 000 tonnes par année.

Depuis, la consommation de bière n'a cessé d'augmenter, entraînant la construction de nouvelles malteries dans diverses parties du monde pour répondre à cette augmentation de la demande. Certains de nos membres ont participé à la construction de ces malteries. Malheureusement, depuis le milieu des années 1990, les producteurs de malt n'ont absolument rien investi dans l'expansion des malteries existantes ou dans la construction de nouvelles installations au Canada pour profiter de certains débouchés, préférant investir à l'étranger.

Ce phénomène est attribuable à toutes sortes de raisons, qu'il me fera plaisir d'expliquer en plus grand détail après mon exposé; le projet de loi C-18 nous permettra à tout le moins d'envisager des façons d'inverser cette tendance au cours des 10 prochaines années et plus.

Notre secteur, comme tous les autres, bénéficie d'un milieu commercial dont le fonctionnement est clair est prévisible. Il doit pouvoir réagir rapidement pour s'adapter aux changements dans les marchés et les circonstances du marché. Idéalement, on aimerait avoir l'assurance selon laquelle les règles sont claires et ne changeront pas, afin que les décisions futures en matière de planification, autant au chapitre des opérations que des immobilisations, n'aient pas à toujours être modifiées ou remplacées pour s'adapter aux changements politiques. Les nombreuses initiatives entreprises au cours des 20 dernières années sur la question du droit fondamental des producteurs de vendre leur orge sans avoir à passer par la Commission canadienne du blé ont eu toute une incidence sur notre industrie à valeur ajoutée.

À propos du manque de clarté et de certitude, essayez d'imaginer ce avec quoi notre industrie a dû tenter de composer au cours des 20 dernières années. La fin des années 1980 a vu l'émergence d'un marché continental de l'orge éphémère; ce marché, créé par règlement, a fait l'objet d'une contestation judiciaire et été démantelé par ordonnance. À la fin des années 1990, le projet de loi C-4, venant modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé, a été adopté, mais il n'a proposé aucun poste d'ombudsman ou mécanisme d'arbitrage permettant de répondre aux préoccupations commerciales liées aux pratiques jugées injustes, anticoncurrentielles ou encore pas tellement adaptées aux besoins du marché. Notre industrie n'avait aucun recours pour faire valoir au gouvernement ou aux décideurs les problèmes qui nuisaient à la santé et à la viabilité de notre industrie à valeur ajoutée. Comme certains l'ont dit, on n'avait pas le choix que se plier aux exigences de la commission.

En 2000 et 2001, l'Union européenne a éliminé les subventions à l'exportation pour le malt et l'orge de brasserie. Selon nous, cet événement à lui seul a fait en sorte que le système de mise en commun de l'orge ne pouvait plus répondre aux besoins de la grande majorité autant des agriculteurs que des clients, comme nous et de nombreux brasseurs dans le monde. Il me ferait le plus grand plaisir d'expliquer en plus grand détail en quoi cela touche au projet de loi C-18, notamment aux questions de la transparence des prix et de la sensibilité au marché, questions qui, à notre avis, constituent les plus grands avantages de la mesure pour les agriculteurs et l'industrie canadienne du malt.

Quelques années plus tard, le gouvernement libéral a mis sur pied une table ronde pour chaque produit agricole dans le but de déterminer les changements qui, selon tous les intervenants, s'imposaient afin d'accroître les exportations et de créer de nouveaux débouchés en matière de production à valeur ajoutée. La seule voix dissidente au comité de l'orge était celle de la Commission canadienne du blé, qui s'est opposée aux recommandations formulées par le secrétariat et ses membres. Cependant, aujourd'hui, un certain nombre de tables rondes responsables d'autres produits existent toujours et répondent aux besoins de tous les intervenants et des groupes les représentant. Enfin, il y a quelques années, on a pris un règlement afin d'éliminer le monopole de la Commission du blé sur l'orge, et encore une fois, l'affaire a fait l'objet d'une contestation judiciaire et les tribunaux ont décidé d'invalider la décision réglementaire.

Chacun de ces événements a considérablement perturbé le marché et créé un certain niveau d'incertitude pour nous et nos clients; pire encore, il nous a empêchés de pouvoir gérer nos affaires, planifier nos opérations futures et prévoir de nouveaux investissements en infrastructure. Pour emprunter une comparaison au monde du sport, « les poteaux de but changeaient toujours de place et les règles étaient modifiées sans arrêt. »

À cause des nombreuses circonstances dont je viens de parler, il a été très difficile pour nous, surtout au cours des 10 dernières années, de gérer nos activités commerciales de manière à assurer la prévisibilité et la confiance. Il faut que les circonstances soient claires et prévisibles. Il nous faut un milieu dans lequel nos clients auront confiance en notre capacité de répondre à leurs besoins en tant que fournisseurs de malt fiables, adaptés au marché et capables d'offrir des prix compétitifs. Selon nous, le système de commercialisation actuel de l'orge de brasserie ne peut répondre entièrement à ces besoins.

À notre avis, le projet de loi C-18 nous permettra de surmonter ces obstacles. Son adoption assurera la transparence totale des marchés et des prix au quotidien. Elle assurera enfin la prévisibilité, la clarté et la certitude dans le marché. Nous serons en mesure de gérer nos actifs et de prévoir pour l'avenir sans craindre que les règles ne soient modifiées ou que les poteaux de but ne soient changés de place presque tous les ans. Nous serons en mesure de faire concurrence pour faire affaire avec les agriculteurs, de leur proposer des prix clairs et transparents établis en fonction de signaux clairs du marché qui correspondent véritablement aux réalités du marché au quotidien.

Cela signifie que les agriculteurs qui le voudront pourront décider eux-mêmes chaque jour s'ils veulent nous vendre leur orge. Ils seront pleinement indemnisés le jour de l'expédition — pas de retenue de 30 $ la tonne comme c'est actuellement le cas aux termes du programme CashPlus; pas de paiement initial minimum seulement; pas de décisions de plantage fondées sur les rendements projetés du marché dans 12 ou 18 mois; pas de coûts indirects et de frais d'administration supplémentaires de la CCB à déduire; pas de partage du revenu pour le temps, l'effort et les frais de gestion supplémentaires engagés pour faire pousser les cultures spéciales.

Bref, nous allons être en concurrence pour ces terres. Nos prix seront concurrentiels et pleinement transparents. Nous rétablirons notre réputation sur le marché mondial à titre de fournisseurs de malt concurrentiels et sensibles aux marchés.

Nous exhortons le comité et le Sénat à appuyer le projet de loi C-18 et à l'adopter d'ici la fin de l'année.

Le sénateur Plett : Monsieur Sobkowich, je m'intéresse tout spécialement aux entreprises qui vous soutiennent — les Cargill, Richardson, Viterra et autres. Ce sont de grandes sociétés. Si le projet de loi C-18 était adopté, êtes-vous d'avis qu'un certain nombre de grandes entreprises seront en concurrence pour obtenir les céréales? J'aimerais que vous me donniez quelques explications à cet égard. Ceux qui mènent des campagnes de peur voudraient nous faire croire que ces entreprises vont tout avaler. Richardson sera en compétition contre Cargill et Viterra. Cette concurrence fera grimper et non baisser les prix avec l'élimination du guichet unique, pas de la Commission canadienne du blé, mais bien du guichet unique. Le fait que ces grandes sociétés céréalières soient en compétition les unes contre les autres pour les mêmes céréales devrait améliorer le marché.

Avant que vous ne répondiez, je vais tout de suite poser une question à M. de Kemp et vous pourrez répondre à tour de rôle.

Vous avez parlé d'intermédiaire dans le secteur du maltage. Il me semble que l'intermédiaire se doit de garder un pourcentage de ce qu'il vend. J'aimerais que vous m'expliquiez brièvement pourquoi éliminer l'intermédiaire et permettre aux agriculteurs de vous vendre leur orge de brasserie directement améliorerait leur résultat net.

M. Sobkowich : C'est une bonne question. Vous demandez à quoi ressemblera le degré de concurrence une fois le projet de loi C-18 adopté. C'est un aspect qu'il importe de bien comprendre.

Notre façon de voir les choses, c'est que nous allons passer d'un acheteur unique de blé et d'orge à des acheteurs multiples. Il y aura compétition entre Cargill, Weyburn Inland Terminal, Richardsons, West Central Road and Rail, les agriculteurs qui veulent livrer directement leur orge aux malteries et ceux qui veulent livrer directement aux États- Unis. Il y aura de multiples vecteurs pour les grains. Lorsqu'il y a de multiples vecteurs en compétition les uns contre les autres pour essayer d'obtenir les céréales des agriculteurs, chaque acheteur se doit d'offrir le meilleur prix possible. Les agriculteurs pourront vendre au plus offrant dans le cadre d'un processus transparent, puisque tous les prix offerts seront affichés sur les sites web des entreprises et d'IntercontinentalExchange.

Le sénateur Plett : Les prix seront affichés pour que tout le monde puisse les voir.

M. Sabkowich : L'affichage des prix sera totalement transparent et chaque agriculteur pourra décider s'il livre directement à la minoterie, s'il fait affaire avec une entreprise canadienne de manutention, s'il signe directement un contrat avec un exportateur qui n'a pas d'installation, s'il fait affaire avec la Commission canadienne du blé, s'il veut un wagon de producteur ou d'expéditeur ou encore s'il livre directement aux États-Unis. Il y aura de multiples possibilités et les agriculteurs pourront choisir ce qui leur convient dans un marché concurrentiel. Je pourrai y revenir plus tard, mais notre marché des céréales et oléagineux est vraiment concurrentiel. Compte tenu de cette concurrence et du nombre de possibilités ouvertes aux agriculteurs en tout temps, nous croyons que le résultat net des producteurs sera meilleur.

M. de Kemp : En ce qui concerne l'intermédiaire, ce qui distingue l'orge du blé et les discussions sur le sujet depuis 20 ou 25 ans, c'est que la Commission canadienne du blé ne fait rien pour nous sauf nous donner un prix. C'est différent pour le blé. Nous devons faire affaire directement avec les agriculteurs, dont la vaste majorité appuie le projet de loi. Nous devons trouver notre matière première. Notre mise en marché repose sur la valeur ajoutée. La CCB ne fait aucun développement de marché pour nous. Nous vendons du malt.

Pour ce qui est des coûts indirects, il n'y a qu'à jeter un coup d'œil aux rapports annuels de la Commission du blé. Les coûts administratifs comptent pour 5 à 10 $ la tonne sur deux millions de tonnes. Nous achetons plus de la moitié de ce volume, et la CCB ne fait que nous donner un prix. C'est tout; rien de moins, rien de plus.

Quant à la transparence des prix et à la sensibilité aux marchés, j'ai parlé plus tôt de ce qui s'est passé en 2000 et 2001 avec le retrait des restitutions à l'exportation et des subventions. C'est notre industrie qui, en gros, a accompli cela. Nous avons passé trois ou quatre ans à aller à la Commission européenne et à leur dire qu'ils n'avaient pas besoin de subventionner l'orge de brasserie et le malt. Je n'entrerai pas dans les détails techniques, mais ils ont fini par plier. Cela a fait économiser aux agriculteurs de 20 à 40 $ la tonne sur deux millions de tonnes par année. Nous n'en avons pas profité, mais avant cela, dans le monde entier, l'industrie brassicole établissait le prix de l'orge en six semaines, dès le moment de la récolte. Personne n'avait besoin d'acheter de l'orge d'avance et les brasseurs du monde entier l'achetaient en même temps.

Les choses ont changé. Les brasseurs ont voulu avoir leur prix et les ont établis de 12 à 18 mois d'avance. Le système de mise en commun ne permettait pas cela à cause du risque inhérent. Le programme CashPlus est arrivé au cours des dernières années. Je le répète, actuellement, quand nous faisons affaire avec un agriculteur, la CCB déduit environ 30 $ la tonne. Comme il y a plus d'un demi-million de tonnes vendues, ça pourrait donner une quinzaine de millions de dollars. Est-ce que cet argent retourne aux agriculteurs ou est versé dans le fonds de prévoyance? Ça reste à voir. Le principal, c'est qu'il y a des économies à faire, c'est certain. Comme je l'ai dit, la CCB ne fait rien du tout concernant l'orge de brasserie. C'est vraiment une culture spéciale et nous nous occupons nous-mêmes de la mise en marché.

Le sénateur Peterson : Monsieur Sobkowich, je crois comprendre que les trois grandes céréalières privées comptent pour 80 p. 100 de commerce mondial de céréales.

M. Sobkowich : Le commerce mondial de céréales?

Le sénateur Peterson : Le commerce des céréales. Ce sont ces entreprises qui s'en chargent. Ce sont les trois plus grandes sociétés céréalières. J'aimerais avoir une idée de leur portée.

M. Sobkowich : Je vais consulter mes données. Voici : parmi mes membres, une entreprise compte pour environ 30 à 35 p. 100; une autre, environ 20 p. 100; une autre, environ 10 p. 100; et les autres, quelque chose comme 5 à 6 p. 100. Oui, cela représente les pourcentages pour une année donnée. Cela donne une idée du volume de grain que ces entreprises achètent des producteurs.

Le sénateur Peterson : En ce qui concerne la transition vers un marché ouvert, vous avez parlé d'une transition ordonnée. À compter du 1er janvier, allez-vous commencer à négocier des contrats à terme?

M. Sobkowich : Oui, nous allons commencer à négocier des contrats de ce genre.

Le sénateur Peterson : C'est ce que vous allez faire. Pas de confusion possible, c'est assez clair.

M. Sobkowich : Les entreprises doivent assumer une part de risque parce que nous ne savons pas ce qui va se passer au juste sur le plan juridique.

Vous semblez perplexe.

Le sénateur Peterson : Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « sur le plan juridique ». Vous avez des contrats à terme; pourquoi parlez-vous de « juridique »?

M. Sobkowich : Nous négocions des contrats à terme. C'est pourquoi la certitude est primordiale, comme je l'ai dit plus tôt. Nous devons avoir la certitude que nos contrats à terme pourront être exécutés après le 1er août 2012.

Le sénateur Peterson : On l'a déjà dit, ça.

M. Sobkowich : Les entreprises vont passer des contrats. Elles sont en train d'en rédiger maintenant. Elles vont faire des ventes à terme et passer des contrats avec les agriculteurs qui seront exécutés après le 1er août 2012.

Le sénateur Peterson : Puis arrive le 1er août 2012 et le marché est tout grand ouvert. Pas de problème. Aucune incertitude.

M. Sobkowich : Voilà.

Le sénateur Peterson : Le coût des services ferroviaires semble vous préoccuper. Je crois comprendre que vous ne payez pas le coût du transport ferroviaire. Ce sont les agriculteurs qui le paient, n'est-ce pas?

M. Sobkowich : Il y a deux éléments du transport ferroviaire qu'il faut bien comprendre. Premièrement, les chemins de fer ont deux façons de faire de l'argent : augmenter leurs frais ou diminuer leurs coûts.

Il existe un plafond qui limite le revenu que les chemins de fer peuvent tirer du transport des céréales. Ce qui manque, c'est une exigence quelconque concernant les montants que les chemins de fer sont tenus d'investir pour offrir un bon service.

Notre priorité est d'essayer d'obtenir d'excellents services de la part des chemins de fer, parce qu'on peut voir que les investissements ne sont pas au rendez-vous — l'équipement laisse à désirer, ce genre de choses. Cela touche à l'examen des services de transport ferroviaire qui a été fait et au processus de facilitation sur les accords de niveau de service actuellement mené par Transports Canada. Jim Dinning a été nommé facilitateur et a mis sur pied un comité chargé de se pencher sur ces services.

Les frais sont payés par les agriculteurs. C'est la raison du plafond du revenu. Si on n'obtient pas de bons services et qu'on manque un bateau et qu'on se retrouve à payer des frais de surestaries, ou si on doit verser une indemnité de prolongation de contrat ou encore si on ne respecte pas un contrat, c'est toute l'industrie qui assume les coûts. Quand on parle des coûts du transport ferroviaire, il ne suffit pas de dire que les agriculteurs paient tous les frais. Ils sont répartis dans toute l'industrie, selon les circonstances.

Le sénateur Peterson : Vous voulez un bon service. Les coûts sont secondaires parce que ce n'est pas vous qui les payez. Tout ce que vous voulez, c'est que les chemins de fer vous offrent un bon service, c'est exact?

M. Sobkowich : Oui. Nous voulons assurer l'excellence des services fournis par les compagnies de chemin de fer, car, à notre avis, c'est là que se situent les véritables possibilités de création et de rétention de richesse dans le secteur céréalier.

Le sénateur Peterson : Ma dernière question porte sur la Commission canadienne des grains. Votre plan d'affaires avec vos membres est-il plutôt axé sur la quantité ou la qualité?

M. Sobkowich : Les deux. Toutes les entreprises veulent avoir le maximum de grains dans leur système. C'est comme ça que ça fonctionne. Selon le régime actuel, il faut écouler rapidement les grains de la Commission du blé parce qu'il y a des frais de manutention. Nous avons donc tout intérêt à faire passer le maximum de grains dans notre système.

Nous devons également veiller à ce que le client reçoive bien le produit qu'il a commandé. C'est primordial, tant pour les grains de la commission que pour les autres. La Commission des grains déploie beaucoup d'efforts pour que nous nous conformions aux normes canadiennes de qualité, à la fois pour les grains de la commission que pour les autres types. La pire chose à faire est de livrer à un client un produit qu'il n'a pas commandé. C'est très mauvais pour nous. Au bout du compte, notre rôle au Canada est de faire en sorte que le client reçoive un produit d'une qualité conforme à ce qu'il a commandé.

Le sénateur Peterson : Vous appuyez la Commission canadienne des grains pour ce qui est de l'assurance de la qualité, mais vous aimeriez qu'elle soit moins présente dans d'autres domaines, est-ce exact?

M. Sobkowich : Je vais entrer un peu plus dans les détails. À l'heure actuelle, nous avons un coût supplémentaire dans le système à cause de la pesée et de l'inspection obligatoires à l'arrivage. Par exemple, lorsqu'un wagon arrive au silo terminal de Vancouver, de Prince Rupert, de Churchill ou de Thunder Bay, la Commission des grains est là pour inspecter et peser les céréales qui entrent dans le silo. Nos propres balances sont certifiées par Mesures Canada, alors nous trouvons que la fonction de pesée est redondante puisque nos balances sont conformes aux exigences de Mesures Canada.

Néanmoins, nous devons payer pour cette fonction de la Commission canadienne des grains. La raison pour laquelle il y a une inspection à l'arrivage est que la Commission du blé a besoin de ces données pour s'arranger avec l'entreprise qui a acheminé les grains vers le terminal, puisque c'est la commission qui gère le transport.

Comme la Commission canadienne du blé perdra son monopole et agira comme n'importe quel autre exportateur ou négociant en grains, l'inspection obligatoire à l'arrivage ne serait plus requise. C'est un autre coût qui, à notre avis, pourrait être enlevé du système.

Si quelqu'un tient à cette inspection, la fonction existera encore sur une base volontaire. La Commission canadienne des grains homologue des agences externes et vérifie qu'elles sont qualifiées pour faire les inspections chaque fois qu'il y a une transaction entre un pays expéditeur et un terminal indépendant. Nous croyons tout de même qu'il y a moyen d'alléger les coûts du système à cet égard.

Nous savons que la Commission canadienne des grains vient de faire examiner ses frais de service et qu'elle a reçu la directive de devenir autosuffisante sur le plan financier. Cela signifie qu'elle devra tripler ou quadrupler les frais qu'elle impose pour des services dont nous n'avons pas vraiment besoin. Nous croyons qu'il conviendrait de revoir la Loi sur les grains du Canada avant tout, puis d'appliquer les frais d'utilisation aux services qui sont vraiment nécessaires.

C'était une longue réponse, mais pour résumer, nous pensons que les agriculteurs assujettis à la Commission canadienne des grains pourraient faire des économies une fois le monopole de la Commission canadienne du blé éliminé.

Le sénateur Eaton : Monsieur de Kemp, je dirais que les Canadiens sont reconnus dans le monde pour la qualité de leurs hockeyeurs et celle de leur bière. Êtes-vous de cet avis? J'aime la bière canadienne. Comment, jusqu'à présent, les brasseurs canadiens se sont-ils procuré l'orge dont ils ont besoin?

M. de Kemp : Les brasseurs canadiens s'approvisionnent en orge, c'est-à-dire en malt, surtout auprès de nous. Il y a de l'orge qui arrive directement des États-Unis. Cela arrive à l'occasion. Toutefois, la plupart des années, entre 90 et 100 p. 100 du malt qu'utilisent les brasseries canadiennes provient du secteur canadien du malt.

Le sénateur Eaton : Et il vous est acheminé par le truchement de la Commission canadienne du blé?

M. de Kemp : Oui, lorsque nous l'achetons par l'entremise de la commission.

Le sénateur Eaton : Les producteurs d'orge vont dorénavant s'adresser à vous directement et vous allez transformer l'orge en malt puis le vendre? Comment se déroule le processus?

M. de Kemp : Actuellement, cela fonctionne ainsi. Tout ce que fait la commission, c'est donner le prix. Ce n'est pas comme lorsqu'elle vend du blé en Chine et ailleurs et qu'elle doit faire affaire avec beaucoup d'entreprises pour...

Le sénateur Eaton : Excusez-moi, mais le temps file. Que se passera-t-il si cela devient...

M. de Kemp : Rien. Rien ne change.

Le sénateur Eaton : Est-ce que les producteurs d'orge vont faire affaire directement avec vous? Est-ce que Molson peut faire affaire directement avec eux?

M. de Kemp : Molson ne transforme pas d'orge en malt; nous, oui. Les brasseries doivent s'adresser aux malteries pour obtenir leur malt.

À l'heure actuelle, nous traitons directement avec les agriculteurs. La seule chose qui changera, c'est que nous pourrons leur donner des indications précises chaque jour sur le prix. Nous le faisons déjà parce que c'est nous qui passons les contrats. Nous prenons tous les arrangements avec...

Le sénateur Eaton : Que fait la Commission du blé?

M. de Kemp : Elle ne fait que nous indiquer le prix.

Le sénateur Eaton : Ne demande-t-elle pas d'argent en retour?

M. de Kemp : Nous devons déduire certains frais que nous remettons à la commission lorsque les grains se mettent en branle, si je puis m'exprimer ainsi.

Le sénateur Eaton : Quel pourcentage du prix exige la commission?

M. de Kemp : Actuellement, comme je l'ai dit, en vertu du programme CashPlus, c'est 30 $ la tonne à 5 p. 100. La commission prend jusqu'à 10 p. 100 au départ et en remet une partie par la suite. En ce qui concerne la mise en commun, c'est complètement différent. Pendant des années, l'industrie a dû garantir le prix du...

Le sénateur Eaton : Vous pourrez donc remettre un peu plus d'argent aux agriculteurs parce que vous ne passerez plus par la Commission canadienne du blé, c'est bien cela?

M. de Kemp : Nous le leur remettrons en entier. Cela fera plus d'argent dans leurs poches.

Le sénateur Robichaud : Monsieur Sobkowich, pendant votre exposé, vous avez fait mention de vos préoccupations quant aux services de transport ferroviaire. Le sénateur Peterson vous a posé des questions à ce sujet. Pour ce qui est des wagons de producteurs, vous dites que certaines céréalières vont participer au processus de soumissions et vont créer l'infrastructure pour gérer les wagons de producteurs et les wagons commerciaux. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Sobkowich : Bien sûr. Je vais consulter mes notes puisque je m'attendais à cette question.

Il faut tout d'abord comprendre que la Loi sur les grains du Canada établit le droit d'accès aux wagons de producteurs. C'est très important et nous sommes en faveur de cela, car nous sommes d'ardents défenseurs du principe de concurrence. Augmenter la concurrence pour faire en sorte que tout le monde respecte les règles, comme dans toutes les activités commerciales, est une bonne chose.

Toutefois, ce qui changera, c'est la façon dont les céréalières vont gérer les wagons de producteurs. Voici comment la Commission canadienne du blé gérait les wagons de producteurs : c'était un système fondé sur l'offre. La CCB est la principale responsable de l'affectation de wagons de producteurs. L'agriculteur indique qu'il a besoin d'un wagon et la CCB se charge de lui en trouver un. Le wagon est rempli dans un centre de chargement comme celui de West Central Road & Rail, par exemple, puis est acheminé vers un terminal et reste là en attendant d'être vendu. La commission peut continuer de fonctionner ainsi, si elle le désire. En fait, je crois qu'une bonne partie de ses activités à l'avenir consistera à gérer l'affectation de wagons de producteurs.

Pour les grains qui ne seront plus régis par la commission et pour les entreprises qui manutentionneront du blé et de l'orge à l'avenir, le système d'affectation des wagons de producteurs sera axé sur la demande.

La première question que posera un exploitant de silo terminal sera : « Je vais accepter votre wagon de producteur, mais que contient-il? Où va-t-il? Où la vente aura-t-elle lieu? Que se passe-t-il? » Soit il s'agira d'un exportateur qui a une série de wagons de producteurs remplis de blé et qui a pris des arrangements avec un silo terminal pour recevoir le blé en temps voulu, le charger sur un bateau et l'acheminer à l'acheteur; ou bien il s'agira de l'exploitant du silo terminal lui-même qui prendra les devants. Différentes entreprises occupent différentes places sur le marché. C'est une bonne chose, car ça renforce l'élément de concurrence.

Il y a aussi des entreprises intégrées qui possèdent des silos de collecte et des silos terminaux et qui vont donc préférer expédier leur grain vers leurs silos terminaux d'abord. Or, si la demande de wagons de producteurs est forte, le système possède une capacité excédentaire.

Comme je l'ai dit, le plus important, c'est le roulement. Personne ne va refuser d'ajouter des tonnes de grains disponibles; les entreprises ont donc tout intérêt à traiter les demandes de wagons de producteurs au fur et à mesure pour ne pas être obligées de refuser des clients. Si la demande de wagons de producteurs est au rendez-vous, le système concurrentiel va s'en charger.

Laissez-moi consulter rapidement mes notes. Il faut aussi mentionner qu'il y a un certain nombre de terminaux portuaires, comme Mission Terminal à Thunder Bay et même Churchill, où le sujet est d'actualité. Les activités de ces terminaux reposent énormément sur les wagons de producteurs. Nous pouvons nous attendre à ce que ces terminaux soient très proactifs pour essayer de continuer d'attirer les wagons de producteurs. La Commission canadienne du blé a toujours été la principale gestionnaire de wagons de producteurs et elle peut continuer de jouer ce rôle.

Qui sait ce qui va se passer, mais je reviens toujours au principe de marché concurrentiel. Si la demande de wagons de producteurs et d'exportateurs est forte, un marché ouvert trouvera le moyen de faire fonctionner le système et de l'incorporer aux programmes commerciaux. Si la demande est faible, les agriculteurs seront heureux d'avoir différentes options, comme vendre directement à une entreprise.

Nous avons parlé de concurrence. Pour nous, la concurrence n'est pas du même type. La Commission du blé fixe les prix des grains qui lui sont assujettis et les sociétés céréalières s'occupent de la manutention. L'agriculteur peut éviter de payer pour la mise en silo en expédiant un wagon de producteur. Dans un marché libre du monopole de la commission, la compétition est féroce entre les entreprises pour essayer d'attirer les grains vers leurs installations. Elles préfèrent que les producteurs entreposent leurs grains dans leurs silos et elles vont s'arranger pour que cette option soit attrayante pour les agriculteurs, au lieu qu'ils expédient leurs grains par wagons de producteurs.

Si un producteur juge qu'une entreprise lui fait une bonne offre et qu'il ne vaut pas la peine d'expédier son grain par wagon de producteur, il optera pour cette solution. Ce que je veux dire, c'est que nous ne savons pas s'il y aura plus ou moins de wagons de producteurs, mais s'il y en a moins, ce ne sera pas parce que les wagons de producteurs seront éliminés d'une façon quelconque. Ce sera parce que les producteurs seront satisfaits des autres solutions qui leur sont proposées, comme l'expédition directe à une malterie ou à une minoterie par l'intermédiaire d'une entreprise de manutention. Est-ce que cela répond à votre question?

[Français]

Le sénateur Robichaud : Oui. J'ai seulement une autre question.

[Traduction]

Monsieur de Kemp, vous nous avez donné l'assurance que les brasseries continueront de recevoir les produits qu'elles achètent de vous dans le nouvel environnement et que nous n'avons pas à nous inquiéter que Moosehead ou Alexander Keith's ne puissent plus produire leurs excellentes bières en raison d'une pénurie d'ingrédients.

M. de Kemp : Avez-vous une question?

Le sénateur Robichaud : Rien ne changera lorsque le nouveau régime sera en place? Si je comprends bien, vos activités se poursuivront à peu près de la même façon.

M. de Kemp : N'oubliez pas qu'il y a deux marchés dans notre secteur. Il y a le marché nord-américain et le marché étranger. Comme je l'ai dit pendant ma présentation, plus de 60 p. 100 de ce que nous produisons est destiné à l'exportation. Bien des choses vont changer, et ces changements s'imposent.

Je pense notamment à la transparence des prix et à la prévisibilité du marché, puisque quand les restitutions à l'exportation ont été éliminées en Europe, les brasseries ont voulu établir leurs prix 12 ou 18 mois, voire deux ans d'avance. Impossible de le faire avec la commission ou avec la mise en commun. Le programme CashPlus permet de le faire un petit peu, mais le problème avec ce programme, c'est que parfois on y a accès, parfois on l'enlève, parfois il s'applique au tiers de nos produits, parfois aux deux tiers. Ce qui importe, c'est gérer les prix et les revenus prévus. Il faut trouver l'équilibre entre les mises en commun et le programme CashPlus.

Si nous pouvions faire ce que nous voulons avec le programme Cashplus, il n'y aurait plus rien dans les mises en commun, ce qui signifie que les fermiers ne voudraient eux non plus rien savoir des mises en commun puisqu'ils connaîtraient les prix que nous sommes en mesure d'obtenir grâce au programme Cashplus.

Nous subventionnons indirectement les exportations de malt et d'orge en vrac vers la Chine, la Colombie et l'Afrique du Sud. Actuellement, les prix de l'orge de brasserie en Amérique du Nord sont les plus élevés du monde, aucun doute là-dessus. Toutefois, nous sommes concurrentiels par rapport aux prix de nos propres entreprises qui font aussi affaire au sud de la frontière et qui passent des contrats avec des agriculteurs américains au nom d'Anheuser- Busch, par exemple.

L'orge de brasserie continuera-t-elle d'être produite au Canada? La majorité le sera. Un de nos membres a récemment perdu un client, une brasserie canadienne, parce qu'il ne pouvait pas offrir le prix que ce brasseur demandait à cause de la CCB. La commission ne pouvait rien garantir parce qu'il n'y a pas de mécanisme de couverture.

Un autre membre a réussi à faire quelque chose à cet égard. Il possède aussi des installations aux États-Unis et ses contrats sont différents. Il pourra faire affaire aux États-Unis et au Canada. Avec une seule usine au Canada, il ne pouvait rien faire parce qu'il ne pouvait pas aller ailleurs.

Nous aimerions assumer ce risque et dire aux agriculteurs que nous avons des débouchés, un brasseur japonais ou sud-coréen qui veut assurer son approvisionnement, par exemple.

D'un point de vue global, le prix correspond à 0,025 $ ou 0,03 $ par bouteille de bière. Les taxes fédérale et provinciale correspondent à plus de 0,50 $ sur le prix de chaque bouteille de bière. Cela fait 2 milliards de dollars par année pour environ 100 millions de dollars d'orge. Donc, ça ne va pas faire sauter la banque.

La fiabilité de l'approvisionnement est absolument essentielle. Le prix joue dans une certaine mesure, mais c'est de bière qu'il s'agit. C'est un produit de luxe. Nous allons tous en boire, peu importe si la caisse se vend 28 $ ou 30 $.

Le sénateur Robichaud : Vous pouvez aller en acheter de l'autre côté de la rivière. Vous aurez un bon prix.

M. de Kemp : Je l'ai fait souvent.

Le sénateur Mercer : Augmenter le prix de la bière est une excellente façon de perdre une élection.

Pendant votre présentation, vous avez parlé d'incitatifs pour favoriser l'expédition par le port. J'ai deux questions sur le port de Churchill. Je crois comprendre que l'argent mis de côté pour le port de Churchill doit servir à l'entretien de l'infrastructure ferroviaire, qui traverse la toundra, et peut-être d'entrepôts à Churchill. Vous avez parlé de ces incitatifs, mais je ne crois pas en avoir jamais entendu parler. Peut-être que je n'étais pas attentif. Ne risquons-nous pas de nous attirer une contestation devant l'OMC en subventionnant tout ce qui passe par nos ports, qu'on parle de celui de Churchill ou de Vancouver?

M. Sobkowich : C'est une très bonne question, et nous n'approuvons pas vraiment la décision d'accorder des incitatifs au port de Churchill d'une valeur de 5 millions de dollars par année pendant cinq ans.

Je crois que le but est de permettre au port de Churchill de mettre en place un plan d'affaires et de faire en sorte que sa viabilité ne repose pas entièrement sur le secteur du grain. Ce qui a été promis, c'est 5 millions de dollars par année pendant cinq ans. Ce montant s'ajoute au financement de l'infrastructure dont vous avez parlé, qui totalise 4 millions de dollars. Les 5 millions de dollars constituent des incitatifs à l'expédition par ce port.

Historiquement, quelque 500 000 tonnes de grains passent par le port de Churchill. La saison d'expédition y est plus courte qu'ailleurs et il y a certaines limites. Une partie de ce volume est constitué de grains non assujettis à la commission.

Entre en jeu cet incitatif. Je ne sais pas exactement comment cela va fonctionner, mais on peut présumer que les expéditeurs vont avoir droit, pendant cinq ans, à une dizaine de dollars la tonne pour envoyer leur grain à Churchill plutôt qu'à Vancouver, à Prince Rupert, aux États-Unis ou par la voie maritime du Saint-Laurent. C'est un cadeau très généreux du gouvernement fédéral au port de Churchill.

Nombre d'entreprises ne sont pas propriétaires ou copropriétaires de silos terminaux à Vancouver ou Thunder Bay. C'est ce que j'appelle les entreprises indépendantes. C'est le moment idéal pour elles de trouver une façon d'acheminer leur grain vers le port de Churchill.

Les incitatifs incluent ceux qu'offrent les lignes de chemin de fer aux sociétés céréalières pour l'expédition de blocs de 50 ou 100 wagons. Si vous expédiez 100 wagons à partir d'un silo, vous recevez un incitatif. Une entreprise de surveillance du grain appelée Quorum Corporation mesure comment les incitatifs sont remis aux agriculteurs, car ce sont eux qui paient les frais d'expédition.

Quorum a déterminé que les incitatifs à l'expédition par bateau et par camion versés par les céréalières aux agriculteurs qui leur expédient leur grain ne varient pour ainsi dire jamais. Quorum a conclu que les incitatifs sont habituellement versés aux agriculteurs par le truchement du système de manutention des grains. Dans le cas qui nous occupe, nous croyons que les incitatifs vont plutôt être versés aux expéditeurs. Le port de Churchill se servira de cette subvention de 10 $ la tonne pour essayer d'attirer le grain.

Le sénateur Mercer : Cela nous expose-t-il à des contestations en vertu de l'OMC ou de l'ALENA?

M. Sobkowich : Nous aurions préféré que ce genre de cadeau ne soit pas offert, mais nous avons décidé de ne pas en faire toute une histoire même si cela crée des règles du jeu inégales. Nous reconnaissons l'importance du port de Churchill pour le Canada et le Manitoba, et nous devons accepter que c'est ainsi que les choses se passeront.

Pour conclure, je suis d'avis que l'incitatif va assurer artificiellement la viabilité du port de Churchill pendant cinq ans, ce qui donnera du temps à ce dernier pour définir son orientation future.

Le président : Messieurs, je vous remercie de nous avoir exposé votre point de vue sur le projet de loi C-18.

Le comité entendra maintenant le troisième groupe de témoins. M. Stille est président de l'Administration portuaire de Thunder Bay. Après lui, nous entendrons M. Brad Chase, président d'OmniTRAX.

Honorables sénateurs, M. Stille a transmis un document à la présidence. Il me dit qu'il a manqué de temps pour le faire traduire. Par conséquent, il me faut le consensus pour que le document soit distribué et accepté. Nous l'enverrons aux services du Sénat pour qu'ils le traduisent.

Des voix : D'accord.

Fred Stille, président, Administration portuaire de Thunder Bay : Je suis heureux d'être ici au nom du port de Thunder Bay. Je voudrais juste rectifier quelque chose. On ne prononce pas le E à la fin de mon nom; il est muet. J'ai dû apprendre à composer avec le fait que les gens se trompent en prononçant mon nom.

Le président : Il faut donc le prononcer comme un francophone le ferait.

M. Stille : Le document que vous avez entre les mains montre essentiellement l'importance du transport du grain par le port de Thunder Bay, de même que l'importance du port pour l'économie de Thunder Bay.

La Voie maritime du Saint-Laurent, qui constitue notre point d'accès à la mer, a été ouverte en 1959 et sa construction a coûté 638 millions de dollars, ce qui équivaudrait à environ 5 milliards de dollars aujourd'hui.

Thunder Bay est un port de marchandises en vrac. Très peu arrive en provenance de l'étranger; le gros du volume qui passe par le port vient de l'Ouest du Canada. Par le passé, nous recevions du minerai de fer de la mine de Steep Rock et d'Atikokan, mais désormais les navires arrivent vides. Nous pouvons charger les navires en 18 heures. Ils peuvent repartir le lendemain de leur arrivée, ce qui est très bien.

Cette année, nous aurons traité près 8 millions de tonnes de produits divers. Mon mémoire comprend une ventilation de ce montant par catégorie. Dans les années 1980, quelque 20 millions de tonnes de marchandises passaient par le port annuellement. C'était dans le bon vieux temps, quand nous vendions beaucoup à la Russie, ce qui n'est plus le cas. Les marchés se sont transformés et le tonnage manutentionné au port a diminué, tout comme notre capacité. Il y a 30 ans, nous avions 20 silos-élévateurs en fonction et il n'y en a plus que 8 aujourd'hui. Il n'en demeure pas moins que nous disposons de la plus grande capacité volumétrique en céréales au pays et que nous sommes à même de desservir l'Europe, l'Amérique latine et le Moyen-Orient.

Nous recevons maintenant des navires de haute mer. La majorité des navires qui viennent au port descendent vers l'embouchure du Saint-Laurent, où ils déchargent leurs marchandises dans d'autres élévateurs pour le transbordement.

Nous faisons affaire avec d'importants acteurs. Nous avons une capacité d'environ 1,25 million de tonnes et, au cours de la dernière année, à peu près 25 p. 100 de cette capacité n'a pas été utilisée. Cette année, nous affichons une capacité d'environ 1 million de tonnes. Sans compter la potasse et le charbon, nous manutentionnerons 6,4 millions de tonnes, par opposition à 5,2 millions. Nous pouvons facilement traiter plus de tonnes.

Les céréales commercialisées par la Commission du blé qui passent par Thunder Bay représentent en moyenne 75 p. 100 de notre tonnage. Il est très important que notre tonnage demeure stable. Nous avons un graphique qui montre les hauts et les bas en ce qui concerne les céréales et les produits non céréaliers. Cette année, nous avons manutentionné près de 1,4 million de tonnes de canola ou de cultures non céréalières. Nous avons la capacité de traiter le grain sans la Commission du blé.

Si on examine d'où vient le grain, on peut dire que nous sommes le port de la Saskatchewan. Le Manitoba nous fournit aussi un gros volume, tandis que l'Alberta en envoie relativement peu.

Si vous doutez du phénomène du réchauffement climatique, la prolongation de la saison des expéditions à Thunder Bay devrait réussir à vous convaincre de son existence. Nous expéditions des marchandises jusqu'à 297 jours par année, et la saison n'a pas fini de s'allonger. Nous sommes optimistes. Nous examinons périodiquement des façons d'attirer à notre port des navires chargés au lieu de navires vides qui remontent la voie maritime, prennent des céréales et repartent. Nous avons connu de modestes succès avec les marchandises diverses, les pièces d'éoliennes et les composantes pour les sables bitumineux. Une saison allongée nous permettrait d'envisager le service de ligne. Il y a toujours la possibilité de conteneurs à destination de l'Ouest canadien. Il serait bien plus avantageux de les faire remonter la voie maritime jusqu'à Thunder Bay, puis de les expédier dans l'Ouest par train que de les décharger à Halifax ou à d'autres endroits à l'est de Thunder Bay.

La voie maritime a beaucoup évolué. Au cours de la dernière année, par exemple, le gouvernement nous a considérablement aidés en éliminant le droit de douane de 25 p. 100 sur les navires importés. C'est ainsi que nous avons 12 nouveaux navires qui entreront en service. Ce sont les premiers nouveaux navires qu'accueillera la voie maritime depuis 1985; c'est tout un événement. C'est parfaitement sensé. La voie maritime est viable et nous pouvons favoriser son essor.

À notre avis, l'élimination de la Commission du blé ne posera aucun inconvénient pour le port de Thunder Bay. Nous estimons être concurrentiels et pouvoir traiter plus de céréales. C'est ce qui est ressorti des discussions que nous avons eues avec nos utilisateurs. Nous sommes optimistes face à l'avenir.

Brad Chase, président, OmniTRAX : Bonjour. C'est un honneur pour moi d'être ici. J'ai grandi à Carmen, au Manitoba, en milieu rural. J'ai déjà travaillé dans une exploitation agricole, mais je ne suis pas vraiment en mesure d'évaluer les répercussions qu'aura le projet C-18 sur les producteurs.

Je représente les quelque 300 employés canadiens d'OmniTRAX, qui est propriétaire du chemin fer international Kettle Falls, dont une partie est en Colombie-Britannique et l'autre dans l'État de Washington, du chemin de fer Carlton Trail en Saskatchewan, du port de Churchill et du chemin de fer de la baie d'Hudson. Les deux derniers sont inextricablement liés : l'un n'est pas viable sans l'autre. Je vais axer mon intervention sur le chemin de fer de la baie d'Hudson, qui est moins connu que celui de Churchill.

Notre organisation est unique en ce sens qu'il s'agit d'une société privée qui agit dans l'intérêt public. En effet, nous desservons certaines localités du Nord. Si ce n'était du chemin de fer de la baie d'Hudson, certaines collectivités des Premières nations ainsi que la ville de Churchill n'auraient pas de possibilités de transport terrestre. Pour ceux qui l'ignoreraient, le réseau de VIA Rail se rend jusqu'à Le Pas, au Manitoba, et nous exploitons les lignes de chemin de fer à partir de là pour VIA Rail.

L'incidence qu'aura le projet de loi C-18 sur nous n'est pas sans nous inquiéter. Nous avons parlé un peu de nos préoccupations dans les médias et les instances politiques ont prêté l'oreille. Notre première préoccupation concerne le mouvement du grain. Les gens se demandent ce qui va arriver et craignent que le port de Churchill ne reçoive plus de céréales. Les grandes sociétés céréalières possèdent des ports intérieurs et des ports d'exportation. Si pour elles, utiliser leurs ports ou passer par les nôtres revient au même prix, nous serons perdants. Toutefois, il y aura une période de transition et le marché va se transformer complètement. D'ailleurs, le gouvernement fédéral nous a offert une aide à cet égard. Je pourrai expliquer tout à l'heure les mesures que nous prendrons pour limiter les conséquences.

J'aimerais faire valoir autre chose concernant l'effet sur l'industrie ferroviaire. On a beaucoup parlé des wagons de producteurs et des chemins de fer de classe I. Nous faisons la liaison avec le CN en Saskatchewan sur le chemin de fer Carlton Trail, où il y a beaucoup d'activités liées aux céréales, et sur le chemin de fer de la baie d'Hudson. Tout le monde sait que le CN est une organisation bien administrée qui veut offrir un bon ratio d'exploitation à ses actionnaires. Pour y arriver, il lui faut hausser les prix, accroître la longueur du parcours et mieux utiliser ses actifs. Cela n'est pas sans présenter des risques pour nous et j'expliquerai plus tard ce que nous faisons pour les atténuer. Évidemment, comme vous le savez tous, c'est la Loi sur les grains du Canada qui régit les wagons de producteurs et les services que l'industrie ferroviaire offre aux producteurs.

Nos priorités pour l'avenir sont claires : tout repose sur la diversification et sur les perspectives dans le Nord, qui ont trait au transport de cargaisons et de carburant au Nunavut. L'économie est en plein essor là-bas et nous sommes bien placés pour croître avec elle. Nous plaçons aussi des espoirs dans l'industrie en Saskatchewan, en particulier le secteur de la potasse, qui représente des exportations annuelles d'environ 10 millions de tonnes métriques auxquelles nous ne participons pas du tout. La croissance sera appréciable. D'après ce que nous avons vu et entendu, elle dépassera les 100 p. 100 au cours des quelque cinq prochaines années. Ces activités d'exportation exigeront une capacité ferroviaire et portuaire, et c'est une bonne nouvelle pour nous. Cette perspective nous enthousiasme.

Pour revenir au lien entre le secteur céréalier et nous, il remonte à 1997, année où notre société est devenue propriétaire du port de Churchill et du chemin de fer de la baie d'Hudson. Les activités du secteur céréalier et les nôtres s'entrecroisent, si je puis dire. Nous exploitons un chemin de fer et un port. En amont de la filière, au niveau du producteur, nous n'avons pas vraiment joué de rôle parce que nous n'avions pas à le faire. C'est la même chose en aval. C'est notre problème et notre faute. Au cours des six derniers mois, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour tenter de comprendre le fonctionnement du marché afin de pouvoir faire une proposition valable aux producteurs, surtout dans le Nord de la Saskatchewan et du Manitoba. Nous voulons leur offrir une solution de rechange au fait de transiger avec les grandes sociétés céréalières au sein du nouveau marché. Nous voulons agir en partenariat avec des entreprises — et idéalement une nouvelle commission du blé — et miser sur les relations commerciales internationales et l'expertise qu'elles ont de manière à former une chaîne d'approvisionnement, du producteur au consommateur. Nous pouvons nous entendre et leur offrir nos services ferroviaires et portuaires.

Nous avons beaucoup de pain sur la planche, il n'y a pas de doute. Le changement est toujours synonyme de nervosité et d'incertitude, mais nous voyons clairement le rôle que nous pouvons jouer à long terme compte tenu de la croissance du secteur dans l'Ouest du Canada et des besoins alimentaires mondiaux. D'ailleurs, la demande augmente plus vite que l'offre. Nous pensons pouvoir nous positionner à long terme dans ce marché en aidant le secteur et en offrant aux producteurs une solution de rechange à ce que propose le projet de loi C-18, c'est-à-dire faire affaire avec les grandes sociétés céréalières. Nous sommes aussi désireux de collaborer avec ces dernières.

Le sénateur Plett : Monsieur Chase, je suis ravi de voir que les rumeurs sur votre mort étaient exagérées et que vous vous portez bien. Vous êtes ici et vous continuerez d'œuvrer dans ma belle province, le Manitoba, et dans le port de Churchill.

J'ai quelques questions à vous poser. Nous avons entendu divers témoignages plus tôt aujourd'hui, et je vais vous en lire des extraits, si possible, car j'aimerais avoir votre son de cloche. Vous y avez fait allusion vous aussi. Notre gouvernement accordera un incitatif de 5 millions de dollars par année pendant cinq ans pour encourager l'expédition du grain par le port, en plus de 4 millions de dollars d'incitatifs supplémentaires. Disons qu'approximativement 500 tonnes métriques de grain passeront par le port de Churchill chaque année; cela revient à environ 10 $ la tonne. Avec une longueur d'avance de 10 $ la tonne, on peut certainement s'attendre à ce que le port soit attrayant. J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet. Devrions-nous aller plus loin? Ces incitatifs sont-ils nécessaires? Pouvez-vous répondre à ces questions en premier lieu?

M. Chase : Oui. La raison pour laquelle nous avons besoin de ces incitatifs, c'est que nous sommes dans une situation précaire par rapport aux grandes sociétés céréalières. La population ne saisit peut-être pas bien que bon nombre d'employés viennent à Churchill et repartent. Si le port ne reçoit pas un volume stable de céréales et qu'il faut constamment réembaucher les gens et les former à nouveau, sans compter ceux qui ne reviennent pas, ce sera un dur coup pour la chaîne d'approvisionnement. La Commission du blé a été un partenaire extraordinaire qui comprend comment les échanges commerciaux s'effectuent, sur le marché mondial, par l'entremise du port de Churchill; les futurs acteurs du marché n'ont pas la même compréhension. Il est essentiel de protéger la chaîne d'approvisionnement.

Pour ce qui est de l'incitatif de 5 millions de dollars par année pendant cinq ans, nous sommes en train de régler les détails. On nous a posé un certain nombre de questions sur le fonctionnement et nous avons exprimé pas mal d'idées. L'incitatif pourrait effectivement se traduire par un montant de 10 $ la tonne offert à certains expéditeurs pour les encourager à utiliser le port de Churchill. Si une entreprise — prenons l'exemple de James Richardson — a un coût de renonciation de 5 $ la tonne parce qu'elle n'utilise pas son silo-élévateur ou son silo portuaire et que, soudainement, elle reçoit un incitatif, nous recevrons peut-être plus de céréales. Ces quatre ou cinq dernières années, 82,4 p. 100 du volume qui a passé par notre port venait des trois grandes sociétés céréalières. Cet incitatif réduit l'incidence sur leurs ports et nous aide en période de transition. Toutefois, nous devrons travailler à cette proposition de valeur et faire en sorte qu'au bout de ces cinq ans, nous soyons viables à long terme et bien positionnés pour soutenir le producteur et le consommateur.

Le sénateur Plett : Selon ce que vous avez dit, vous êtes propriétaire de quelques lignes ferroviaires sur courtes distances. Vous avez également mentionné que vous souhaitez qu'une partie de la potasse produite, en majeure partie en Saskatchewan, transite par votre port. Hier, des agriculteurs du Nord de la Saskatchewan qui ont comparu devant le comité ont exprimé leur désir de charger des navires à votre port, mais ont fait état de difficultés logistiques les empêchant d'envoyer leur grain dans le Nord, à Churchill. Si je ne m'abuse, il y a un chemin de fer dans le Nord de la Saskatchewan qui appartient au CN, mais il n'est plus en usage. Il est encore là, mais à chaque bout, que ce soit près de Le Pas ou à l'autre extrémité, une partie du chemin de fer a été enlevée, ce qui rend celui-ci inutilisable. Si vous pouviez conclure une entente avec le CN, est-ce que cela faciliterait le transport de la potasse vers votre port? Seriez-vous en mesure de traiter des marchandises pour le secteur pétrolier en provenance de la Corée, qui est un grand fabricant, et de les expédier en Alberta par ce chemin de fer dans le Nord? Si c'était possible, quels seraient les effets sur votre entreprise?

M. Chase : Cela aurait plusieurs effets. J'ai d'ailleurs une image que je pourrais vous fournir. Je la déposerai tout à l'heure. La partie de chemin de fer que le CN a mise à vendre est fermée depuis un certain temps. Nous sommes propriétaires du chemin de fer de la baie d'Hudson, dont l'extrémité sud est à Le Pas, et du chemin de fer Carlton Trail, qui va de Prince Albert à Saskatoon. Entre les deux, il y a une zone d'attraction commerciale qui nous intéresse vivement, car il y a un grand nombre de producteurs de céréales qui sont trop loin de la frontière des États-Unis pour y expédier leur produit par camion. Ils sont légèrement trop loin. Si on tient compte de Saskatoon seulement, c'est notre port qui est le plus près, à 830 milles. Tout le reste est assez loin. Thunder Bay est le deuxième port pour ce qui est de la distance. Prince Rupert, par exemple, se situe à plus de mille milles.

Dans cette zone d'attraction commerciale, si nous pouvions nous entendre avec les gens du CN, que nous avons rencontrés à plusieurs reprises relativement à ce dossier, et nous occuper de la manœuvre pour eux, nous serions à même de desservir les petits producteurs dans le cadre du programme des wagons de producteurs. Par ailleurs, la Commission du blé possède plus de 3 000 wagons; nous pourrions collaborer avec elle pour offrir le service de manœuvre et tout le service ferroviaire dans la zone. Ce serait une excellente option pour les producteurs du Nord de la Saskatchewan, qui expédieraient leur produit par le port de Churchill.

Pour ce qui est de la potasse, tout près de Saskatoon, il y a important gisement. La mine Jansen de BHP Billiton n'est pas tellement loin non plus. Si nous avions accès à cette zone d'attraction commerciale, nous pourrions offrir un vrai service d'exportation pour appuyer le secteur de la potasse et les producteurs. Quant aux possibilités relatives aux produits importés pour le secteur des sables bitumineux qui arrivent par d'autres ports, si nous pouvions les saisir, nous nous rapprocherions de l'industrie.

Toutes ces possibilités nous intéressent. Pour convaincre le CN, il faudra réduire les coûts d'exploitation. Il faut que l'accord commercial paraisse raisonnable à la compagnie; elle n'embarquera pas si les retombées pour elle ne sont pas positives. Nous en sommes conscients.

Le sénateur Plett : Le transport de carburant vers les Territoires du Nord-Ouest et un peu partout dans le Nord se fait déjà, je crois. Je ne me sens pas mal de vouloir enlever des possibilités d'affaires au port de Montréal; j'en suis même heureux si ça aide ma province. À l'heure actuelle, le gros du carburant est expédié dans le Nord à partir du port de Montréal. Ainsi donc, dans les circonstances, ce sera là un autre marché que vous pourriez pénétrer. Pouvez-vous nous parler?

M. Chase : C'est une excellente question. La croissance est forte au Nunavut. Juste au-dessus de nous se trouve la région de Kivalik et, là-bas, les besoins en carburant du gouvernement du Nunavut et d'entreprises comme Agnico-Eagle sont très grands et ils vont en augmentant. Nous ne voulions plus nous contenter de jouer un rôle de soutien à cet égard et c'est pourquoi nous n'avons pas ménagé nos efforts dernièrement pour rétablir le corridor commercial qui existait autrefois. Nous avons un parc de stockage de 50 millions de litres à Churchill. C'est un des produits que nous expédions par bateau. Pour nous, dans le Nord, le fret et le carburant représentent une occasion de croissance non négligeable. Pour vous donner un exemple, le gouvernement du Nunavut consomme quelque 200 millions de litres et Agnico-Eagle, environ 70 millions de litres. D'autres entreprises sont en train de s'installer dans la région. À nos yeux, c'est un marché en expansion et nous voulons attirer de nouveau les entreprises qui s'appuyaient historiquement sur l'infrastructure portuaire du Manitoba.

Le sénateur Plett : Pourrait-on remettre au greffier le document sur la ligne de chemin de fer pour que nous ayons une copie?

Le président : Monsieur Chase, fournirez-vous le document au greffier?

M. Chase : Oui.

Le sénateur Peterson : Monsieur Stille, vous avez dit que le grain de la Commission canadienne du blé représentait 75 p. 100 de votre volume?

M. Stille : De notre volume de céréales.

Le sénateur Peterson : À mon avis, une commission à participation facultative a peu ou pas de chance de réussir et les grandes sociétés — Cargill, LouisDreyfus, Viterra — vont faire des pieds et des mains pour obtenir la plus grosse part du gâteau. Quelles seront les conséquences pour votre port? Est-ce que cela dépend de la grande société céréalière qui obtient la plus grosse part de marché? Est-ce que les principaux acteurs font affaire avec vous?

M. Stille : Si vous examinez la liste de nos élévateurs, vous verrez que les acteurs importants investissent beaucoup à Thunder Bay. Nous estimons qu'il est dans leur intérêt de continuer à passer par Thunder Bay pour expédier leurs céréales.

Le sénateur Peterson : Ne seraient-ils pas tentés de passer par leurs installations sur la côte au lieu d'utiliser votre port? Est-ce moins long de passer par chez vous?

M. Stille : Soyons réalistes, la réussite de chaque port dépend de l'endroit où sont envoyées les marchandises. Si un navire doit se rendre en Asie, il ne passera pas par Thunder Bay. C'est aussi simple que cela. Nous dépendons de marchés qui sont logiques. Pour notre part, nous lorgnons du côté de marchés émergents au Moyen-Orient et en Afrique du Nord; c'est dans le transport vers ces régions que nous prévoyons une hausse des activités.

Le sénateur Duffy : Monsieur Stille, j'ai été intrigué de vous entendre dire que des navires de haute mer circulant dans la Voie maritime du Saint-Laurent pouvaient transporter leur cargaison en Europe ou vers d'autres ports. Quelle est l'ampleur de ce commerce? Est-ce un secteur en expansion? Est-ce que cela représente une menace pour les ports maritimes? C'est intrigant, car j'ai toujours cru que les laquiers restaient dans les lacs et n'allaient pas dans l'océan.

M. Stille : Les laquiers restent dans les lacs et dans la voie maritime, mais chaque année, 60 ou 65 navires de haute mer viennent à Thunder Bay, ramassent une cargaison de céréales et la transportent vers sa destination finale. J'ai vu des navires cubains et des navires russes. À une époque, un grand nombre de navires russes venaient à notre port.

Ces dernières années, nous nous sommes mis au transport de cargaisons liées à des projets, d'où l'idée d'expédier des cargaisons dans l'Ouest du Canada. Nous avons reçu des composantes d'éoliennes, de grosses pales pour les installations de production d'énergie éolienne, et de grandes pièces d'équipement pour les sables bitumineux. Récemment, nous avons eu une grosse pièce pour une mine de Timmins qui a été fabriquée à l'étranger. Elle a été expédiée par camion de Thunder Bay à Timmins. À première vue, on dirait que c'est insensé qu'elle ait passé par notre port parce que Toronto est à peu près à la même distance que nous de Timmins. Or, la pièce était tellement imposante que passer par la 401 aurait été problématique.

Là où nous avons eu beaucoup de succès, aussi, c'est avec des cargaisons de céréales hors-CCB expédiées comme marchandises de retour. La compagnie de transport était très contente.

Le sénateur Duffy : Combien de temps un navire de haute mer met-il à se rendre à votre port, à Thunder Bay, par opposition à aller à Halifax pour y embarquer les céréales?

M. Stille : Il faudrait que je fasse une estimation à partir d'Halifax. Nous sommes à quatre ou cinq jours de Montréal et, selon la période, j'imagine que ce qui prendrait le plus de temps, c'est de naviguer dans le canal Welland.

Le sénateur Mercer : Je voudrais faire suite aux questions du sénateur Duffy. Bien entendu, je ne souhaite pas voler des occasions d'affaires à Churchill ou Thunder Bay; je me fais le champion de tous les ports du pays. Il va sans dire, toutefois, que le premier sur ma liste est le port d'Halifax, suivi du port de Sydney. Quand la marée monte, tous les bateaux montent en même temps. Nous espérons que tous voient leurs affaires prospérer.

Voici une question que j'ai posée aux autres. Les subventions qu'on se propose de verser au port de Churchill consistent en une somme de 5 millions de dollars pour favoriser l'expédition par ce port et d'autres incitatifs d'une valeur de 4 millions de dollars. À quoi serviront ces autres incitatifs, monsieur Chase?

M. Chase : L'autre somme de 5 millions de dollars vient de Transports Canada et ce financement vise l'infrastructure portuaire.

Le sénateur Mercer : Les fonds sont affectés au port, et non à l'entretien des voies ferrées?

M. Chase : C'est pour le port précisément.

Le sénateur Mercer : Qu'en est-il de l'autre montant?

M. Chase : La somme de 5 millions pour cinq ans vise à encourager l'utilisation du port pour l'expédition de marchandises. Les modalités du financement n'ont pas encore été rendues publiques, mais il vise à favoriser le mouvement du grain et des légumineuses au port de Churchill pendant une période de transition. Nous verrons à quoi ressemble le nouveau marché après cinq ans.

Le sénateur Mercer : L'entretien des voies pose un problème de taille à cause de la toundra, n'est-ce pas?

M. Chase : Effectivement.

Le sénateur Mercer : Pourtant, aucun incitatif ne vise l'entretien des voies; cette responsabilité vous revient donc en tant que propriétaire?

M. Chase : C'est exact. Nous avons des fonds pour la ligne de la baie. C'est nous qui en assumons la gestion et nous nous occupons de l'entretien des voies ferrées. Nous avons conclu un accord avec la province et le fédéral en ce qui concerne la ligne de la baie.

Le sénateur Mercer : Monsieur Stille, j'ai toujours trouvé étonnant que le port de Thunder Bay soit aussi prospère alors qu'il est si loin de l'océan.

Mais il est stimulé par le transport de céréales et l'expédition de produits dans l'Ouest. Vous avez parlé de manutentionner des produits à Thunder Bay en vue du transbordement vers l'Ouest. Faites-vous la promotion de ce service? Faites-vous la promotion du port de Thunder Bay à l'extérieur de l'Ouest du Canada? Que faites-vous pour attirer des clients?

M. Stille : Par exemple, nous avons bâti un partenariat efficace avec le CN pour le chargement de grosses marchandises. Des consultants nous donnent des conseils de marketing. Nous faisons de la promotion à chaque salon commercial dans les divers ports et nous avons travaillé avec notre clientèle.

Le sénateur Mercer : Monsieur Stille, vous avez mentionné la production d'énergie éolienne. Peut-être que le port d'Halifax et le port de Thunder Bay pourraient travailler en partenariat, car il se fabrique des éoliennes à Trenton, en Nouvelle-Écosse. Nous pourrions les expédier du port d'Halifax en passant par le port de Thunder Bay.

M. Stille : Nous en serions ravis.

Le sénateur Robichaud : Dans le Nord, il y a des projets de prospection du diamant et des activités minières. Pourrait-il y avoir une route de glace qui desservirait cette région du pays et qui passerait par le port de Churchill? Est- ce que ça existe?

M. Chase : C'est une autre excellente question. À ma connaissance, le Nunavut, ainsi que la province du Manitoba, a mené une étude sur la faisabilité d'ouvrir une route toutes saisons entre Gillam et Rankin Inlet qui passerait par Arviat. Une étude a également été réalisée sur la construction d'une route de glace les mois d'hiver, qui relierait le port de Churchill et la région de Kivalliq au Nunavut. Je crois que le rapport est sur le point d'être publié. C'est un projet qui permettrait de rétablir le lien entre le corridor commercial du Nunavut et le secteur des affaires du Manitoba.

Le président : Messieurs les témoins, je vous remercie d'avoir pris part à l'étude du Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts sur le projet de loi C-18.

Avant de mettre fin à la comparution du groupe de témoins, honorables sénateurs, j'aurais trois éléments d'information à vous transmettre, si vous me le permettez. Tout d'abord, le sénateur Plett veut citer un document afin d'apporter une précision.

Le sénateur Plett : J'en ai fait mention tout à l'heure. Cet extrait du document a été traduit dans l'autre langue officielle, et le greffier pourra le distribuer. Je veux seulement lire le paragraphe aux fins du compte rendu.

M. Gehl a affirmé qu'environ 12 000 emplois étaient attribuables à la Commission canadienne du blé, emplois qui seraient menacés par l'adoption du projet de loi. Le document de PricewaterhouseCoopers indique plutôt ceci :

Les retombées estimées en matière d'emploi et de revenu de travail associées aux dépenses administratives initiales de 72 millions de dollars effectuées par la CCB en 2004 sont considérables. Comme le montrent les tableaux 5-3 et 5-4, aux quelque 460 emplois directement assurés par la CCB s'ajoutent environ 2 060 emplois à temps plein et permanents attribuables aux dépenses administratives de la CCB. De ce nombre, la vaste majorité (1 951 emplois à temps plein et permanents) sont au Manitoba.

C'est donc 2 060 emplois, pas 12 000. La différence est énorme. Évidemment, le document a été déposé.

Le président : Deuxièmement, honorables sénateurs, avant d'ajourner, je tiens à vous rappeler que le comité siégera en dehors des heures normales le lundi 12 décembre, soit de 16 heures à 20 heures, afin de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-18. En passant, par souci d'efficacité, je demande à tous les sénateurs de bien vouloir faire examiner leurs projets d'amendement par le bureau du légiste et de les faire traduire dans l'autre langue officielle avant de les présenter à la présidence.

Enfin, au nom de tous les sénateurs, je remercie infiniment les greffiers et les membres du personnel, y compris ceux qui travaillent dans l'ombre, pour la qualité du service qu'ils offrent au comité.

Le sénateur Peterson : Vous avez parlé d'éventuels amendements à soumettre à l'examen du légiste. Y a-t-il une heure limite? Nous nous réunissons à 16 heures. Quelle est l'échéance?

Le président : Aucun avis n'est requis.

Le sénateur Peterson : Nous pouvons présenter les amendements à n'importe quel moment.

Le président : En effet. Vous pourrez en discuter avec le greffier.

(La séance est levée.)


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