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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 29 -Témoignages du 12 février 2013


OTTAWA, le mardi 12 février 2013

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 35, pour étudier, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. (sujet : Les retombées des investissements fédéraux sur les acteurs de l'industrie d'un point de vue universitaire.)

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs et aux témoins. Comme le stipule l'ordre de renvoi, les témoins d'aujourd'hui sont ici pour partager leur expérience, leur vision et pour faire des recommandations au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

J'aimerais demander aux sénateurs de se présenter. Je vais commencer. Je m'appelle Percy Mockler, du Nouveau- Brunswick, et je suis le président du comité.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent au Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, sénatrice de la Saskatchewan.

La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, sénatrice de l'Alberta.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je suis Don Plett, et je viens du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Buth : JoAnne Buth, sénatrice du Manitoba.

[Traduction]

La sénatrice Frum : Je suis Linda Frum, sénatrice de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais du Québec.

Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, au Québec.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie d'avoir accepté de venir nous présenter au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts votre vision de l'agriculture et votre opinion sur la question.

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a été autorisé à examiner, pour en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole en particulier. Le comité a pour mandat d'étudier les activités de recherche et de développement entourant l'ouverture de nouveaux marchés au pays et à l'étranger, la mise en valeur de l'agriculture durable et l'amélioration quant à la diversité et la salubrité des aliments. Le comité poursuit donc son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.

[Français]

Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui la Dre Janice Bailey, vice-doyenne à la recherche à la faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation de l'Université Laval.

[Traduction]

Nous recevons également le Dr Grant Vandenberg, membre associé de l'Institut des Nutraceutiques et des Aliments fonctionnels de l'Université Laval.

Je demande donc aux témoins de nous présenter leur exposé, qui sera suivi des questions des sénateurs. La parole est à vous.

[Français]

Dre Janice Bailey, vice-doyenne à la recherche, faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation, Université Laval : Il me fait plaisir de comparaître devant le comité aujourd'hui afin de partager mes pensées et mes opinions au sujet de l'agriculture et la recherche.

Je vous ai fourni un document. J'aurais pu vous parler pendant 45 minutes, mais lorsque nous avons eu une rencontre informelle au printemps dernier, c'est essentiellement ce que j'ai présenté pour vous donner de l'information sur notre faculté et nos expertises. J'inclus une minibiographie de moi par la même occasion.

[Traduction]

Je viens du Manitoba, et j'ai étudié en Ontario et aux États-Unis.

[Français]

J'ai appris le français au cours des 20 dernières années en tant que professeure à l'Université Laval. Je suis vice-doyenne à la recherche et administratrice, mais je suis aussi un vrai chercheur et un vrai professeur. J'ai une équipe et je suis un soldat en recherche.

Je ne vais pas parler de tout ce que fait notre faculté, mais si vous lisez les informations par rapport à notre expertise, peut-être que vous pouvez en savoir davantage. Dans le document que je vous ai présenté, il y a l'ordre de renvoi à la page 23. Je n'ai pas encore décidé dans quelle langue je vais parler.

Des fois je trouve que mon français n'est pas toujours parfait, mais après presque 20 ans au Québec, je cherche mes mots en anglais aussi. Donc, je ne suis parfaite nulle part. J'aimerais présenter un peu les points à améliorer par rapport à la recherche en agriculture. J'essaie toujours de trouver des pistes de solution parce que personne n'apprécie de voir quelqu'un qui se plaint et qui ne trouve pas de solution.

Je fais une critique constructive et j'espère pouvoir discuter avec vous des préoccupations que vous partagez. À la page 24, je parle des défis de la recherche au niveau fédéral.

J'en ai discuté avec plusieurs collègues à l'Université Laval et dans d'autres provinces. Le monde est petit et une des préoccupations qui nous dérangent beaucoup dans le domaine de la recherche, c'est le fait que le secteur de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement n'est plus un point de mire stratégique pour le CRSNG — le Conseil de recherche en sciences naturelles et génie.

J'imagine que vous savez que le CRSNG est l'un des grands organismes subventionnaires du gouvernement fédéral. Je parle ici d'un tri-conseil composé du CRSNG, des Instituts de recherche en santé, et du CRSH, le Conseil de recherche en sciences humaines.

Ce sont les trois conseils qui subventionnent la recherche. Selon moi, c'est important car cela démontre à quel point la recherche qui se fait en agriculture est interdisciplinaire. C'est pourquoi je crois que le le CRSNG, les Instituts de recherche en santé du Canada et le CRSH sont des partenaires au niveau de la recherche en agriculture.

Donc, l'agriculture n'est plus un point de mire stratégique pour le CRSNG, sauf qu'il existe quatre ou cinq domaines de recherche stratégique établis par le gouvernement du Canada, ce qui a pour conséquence de fermer la porte à certains programmes subventionnaires. Il y a des programmes de recherche qui sont carrément éléminer et, au cours des dernières années, cela a eu des effets importants.

À mon avis, la situation a changé depuis quatre ou cinq ans. Je n'ai pas vérifié les dates précises, mais auparavant le secteur agroalimentaire était prioritaire et notre faculté s'occupait de neuf grands projets qui étaient à haut risque mais qui donnaient de bons résultats. Cela pouvait impliquer le secteur privé.

Ce qui est dommage aujourd'hui, je crois, ce sont les préoccupations exprimées dans l'ordre de renvoi, selon lesquelles le monde commence vraiment à se préparer à une crise alimentaire globale. Cette crise sera attribuable à une augmentation importante de la population, aux changements climatiques et aux biodiesels fabriqués à partir de plus en plus de produits céréaliers.

À mon avis, ce sont les trois causes majeures qui contribuent à une crise alimentaire. Au Canada, nous ne sommes pas inquiets par rapport au phénomène; c'est le message que l'on reçoit et c'est en gros ce que je voulais partager avec vous.

Je peux parler des organismes subventionnaires parce que j'ai siégé aux comités d'évaluation des demandes de subvention. Je crois que les propositions en recherche dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire sont beaucoup moins valorisées que celles de d'autres champs de recherche pure. C'est un peu triste. Par exemple, pour un projet très fondamental, on va utiliser les souris comme modèles. Les gens vont disputer l'utilisation d'un porc ou d'un bovin. Pourquoi pas quelque chose de plus classique? Pourquoi utilise-t-on une tomate?

Il y a autre chose qui me dérange et ce sont les compressions budgétaires qui ont été faites à Agriculture et Agroalimentaire Canada et à Pêches et Océans Canada car cela affecte directement la recherche en agriculture.

Par exemple, il y a eu 10 p. 100 de compressions l'année passée, et il y en aura encore 10 p. 100 cette année. Par conséquent, certains secteurs ont été carrément éliminés, dont la recherche sur la production des moutons. Je trouve bizarre que l'ordre de renvoi pose la question de savoir comment améliorer la diversité et la sécurité alimentaire.

Avec l'immigration qui a augmenté au Canada, le secteur le plus en croissance sur le plan de la consommation de viande, c'est celui du mouton. J'ai trouvé difficile de voir que c'est le secteur qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada a décidé de couper. Aussi, Pêches et Océans Canada a carrément éliminé la subvention pour la recherche sur la production de poissons en eau douce.

Donc, comment peut-on améliorer? C'est certain que l'agriculture devrait être un point de mire stratégique pour le CRSNG. C'est une entité fédérale qui doit être changée. Aussi, je crois que le grand public sera quand même inquiet de savoir qu'il y a autant de bon projets de recherche qui ne sont pas appuyés simplement à cause d'un manque de fonds de recherche.

Je peux faire des suggestions, mais une chose est importante et je peux élaborer plus tard sur le sujet. La sénatrice Buth m'a posé la question lorsqu'elle nous a visités en mars.

[Traduction]

Elle a dit : « Vous savez que le financement de la recherche n'augmentera pas. Que devrait-on changer? »

J'y ai réfléchi, et ma principale suggestion, c'est de transférer une large part des fonds destinés à la recherche actuellement versés à Agriculture et Agroalimentaire Canada, et peut-être même à d'autres entités comme Santé Canada et Pêches et Océans Canada, à la catégorie « agriculture » des budgets du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, ou CRSNG, des Instituts de recherche en santé du Canada, ou IRSC, et peut-être même du Conseil de recherches en sciences humaines, ou CRSH.

[Français]

C'est ce que j'aimerais suggérer, qu'une grande partie de ces fonds soient transférés pour être gérés ailleurs. Je vais répondre à vos questions, mais je crois que ce sont des conseils de recherche transparents et qu'ils ont une expertise en gestion de fonds de recherche. L'argent va directement aux universités et non pas à d'autres compagnies, comme cela se fait actuellement.

Les fonds sont très bien comptabilisés. Sur le plan des défis de recherche, je dirais que le Canada a beaucoup de soutien pour la recherche en partenariat avec le secteur privé. Il existe plusieurs programmes de soutien à la recherche, dont un qui m'impressionne beaucoup. C'est un programme de recherche et développement appuyés par le CRSNG.

Bref, avec 1 $ qu'on peut trouver d'un partenaire privé pour faire un vrai projet de recherche, le fédéral est prêt à contribuer jusqu'à 2 $. C'est très intéressant parce que les États-Unis n'ont pas quelque chose comme cela. En Algérie, ils sont très intéressés par ce genre de chose. Les gens de l'international qui viennent nous visiter trouvent que c'est très intéressant.

C'est un programme, mais il y en a plusieurs. Bien que je vienne de faire une plainte auprès d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sur la façon de gérer les fonds de recherche, j'aimerais donner un exemple pour démontrer comment on soutient la recherche en partenariat. La plupart de leurs projets de recherche doivent être financés par un secteur. Leurs fonds de recherche vont à un secteur, le secteur laitier ou le secteur du canola, et ce sont eux qui dirigent les fonds auprès des universités, des chercheurs qui font une demande spécifique.

C'est très intéressant d'une certaine façon parce que le secteur est certain de recevoir un certain type de recherche qu'il souhaite faire. Le problème, c'est qu'on a fait la promotion de ce niveau de recherche en partenariat mais, en même temps, on a trop fait de coupes dans la recherche de base fondamentale.

Pour faire une analogie, si on ne peut semer les graines dans le sol, on n'aura jamais de récolte. C'est comme faire pousser des pommes de terre à grande échelle. Le niveau de subvention auquel on en est rendu maintenant est très inquiétant.

C'est la même chose pour les secteurs appuyés par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Je vais prendre comme exemple le secteur laitier. Les compagnies laitières ne veulent pas nécessairement partager toute l'information qui arrive. C'est vrai surtout des secteurs de transformation alimentaire. Ils ne veulent pas participer à ce genre de programme qui est imposé par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il manque d'une certaine vision, selon moi.

Je vous ai donné beaucoup d'exemples à la page 27 par rapport à différents programme. J'ai tiré cela du budget du gouvernement du Canada. Cela donne l'impression que le gouvernement contribue à énormément de projets, et c'est vrai. Par contre, ce qui n'est pas spécifié, c'est que, dans tous ces projets, un minimum de 20 ou 30 p. 100 du financement doit venir du secteur privé afin que ces projets voient le jour. C'est toujours, d'une certaine façon, dirigé par le secteur privé.

Cela devient un peu dangereux. Dans les nouvelles, l'an dernier, il a été question d'un chercheur de McGill qui travaillait sur la fibre d'amiante. Il avait été fortement critiqué. Selon ses travaux, qu'il a publiés, il n'y avait pas de problèmes de santé associés à l'amiante. Il a dit que les problèmes de santé étaient peut-être moins graves qu'on ne le pensait. Les médias ont alors regardé qui avait subventionné sa recherche. La subvention venait du CRSNG en partenariat avec l'industrie de l'amiante.

J'étais désolée pour cet homme. Il ne s'agit pas nécessairement d'un conflit d'intérêts. Sans le programme ou les fonds qu'il a reçus, il n'aurait jamais pu faire cette recherche. Le programme a pourtant été évalué par les pairs avant qu'il ne reçoive les fonds. Il ne s'agit pas de données sorties du chapeau d'un magicien. Il y a quand même eu une évaluation. Également, ses articles de recherche ont été publiés dans de bonnes revues, à moins qu'il n'ait faussé les données, ce dont je n'ai aucune idée. C'est le risque que l'on court, avoir des conflits d'intérêts.

Une autre chose me dérange, et c'est un problème sérieux et récent au Canada. Le CRSNG a coupé les programmes pour financer l'achat d'équipement. Les instituts de recherche n'ont jamais eu un tel programme depuis je ne sais pas combien d'années. Qu'est-ce qui arrive maintenant? Il y a les gros programmes de la Fondation canadienne pour l'innovation. On parle de millions. C'est là qu'on va lorsqu'on veut acheter une machine de 2 millions de dollars lorsqu'on doit faire de grosses rénovations comme celles d'un hôpital. Notre département a été très privilégié, on en a reçu un. Ce fut une grosse compétition. Cela a coûté 6 millions de dollars.

Cependant, cela n'existe pas pour acheter de petites pièces d'équipement. La dernière fois qu'on a libéré des fonds en ce sens remonte à 2009. Cela prend des années pour préparer une demande, car la compétition est très grande. C'est une brique qu'il faut écrire et il faut que ce soit pour quelque chose de gros.

Si je casse une assiette chez moi ou que des assiettes sont usées ou qu'il en faut d'autres parce que la famille s'agrandit, tout ce que j'ai à faire est d'acheter de nouvelles assiettes. On ne refait pas toute la maison. Pour tout équipement de laboratoire de moins de 100 000 $, ces fonds de recherche n'existent plus à partir de cette année. Dans cinq ans, on va avoir de gros problèmes. Je crois que l'on devrait prendre une partie des fonds du FCI et le transférer au CRSNG et aussi aux IRSC pour offrir de la liquidité aux chercheurs pour remplacer des équipements. Il ne sert à rien de dépenser 6 millions de dollars si on ne peut pas remplacer quelque chose qui, dans quelques années, coûtera 35 000 $ à remplacer.

J'ai aussi une critique à faire par rapport à la diminution du nombre d'étudiants aux niveaux supérieurs et au postdoctorat. Il existe un programme spécial qui leur permet de recevoir une bourse de 70 000 $ par année. Je suis certaine que l'emploi qu'ils obtiennent à la fin de leurs études, souvent dans l'enseignement, ne leur donne pas ce salaire pour leurs premières années de travail. Donc, le montant qu'ils reçoivent dans ce genre de programme est mal équilibré. J'aimerais qu'il y ait deux, voire trois bourses au lieu de cette mégabourse.

Vous parlez également d'internationalisation dans votre ordre de renvoi. Le mécanisme fédéral d'appui à la recherche avec des partenariats internationaux est faible. Il n'y a pas vraiment de bons de programmes pour ce faire. La province de Québec qui, historiquement, appuie fortement ces initiatives, doit aussi trouver d'autres façons d'améliorer cette situation. On pourrait partager des fonds canadiens avec ceux d'autres pays pour créer des partenariats innovateurs.

Le gouvernement devrait donner des fonds au CRSNG afin qu'il soutienne ses propres chercheurs. Les chercheurs de n'importe quel ministère ne peuvent pas aller à l'international, même s'ils sont invités. J'ai organisé un congrès l'année dernière et le chercheur que j'ai invité, de Santé Canada, est venu, toutes dépenses payées, mais pour 24 heures. Le congrès durait trois jours. On veut échanger avec les experts lors de ces congrès.

Une des collaboratrices de notre campus a beaucoup de difficulté à se rendre dans ses propres champs, dans la Beauce, parce que son budget de dépenses est trop serré. Elle habite Sainte-Foy. Cette manière de gérer la recherche est illogique. C'est pour cela que ce serait préférable de transférer le tout aux universités par l'intermédiaire du CRSNG.

Je peux donner toutes sortes d'exemples afin d'illustrer les raisons pour lesquelles on devrait aller à l'international. Le Canada est prêt, il a des connaissances à partager, mais il faut qu'il s'offre les moyens de le faire. Les autres pays ont aussi des ressources que l'on peut utiliser. Il ne s'agit pas d'aide au développement, mais d'un échange intellectuel. Avec nos connaissances, on devrait recruter des gens de l'extérieur, les garder ici avec leur expertise, puis conclure des partenariats ou autres pour améliorer notre propre société.

Une petite chose me dérange : la perception publique de l'agriculture est négative et erronée. Je peux comprendre que c'est parce qu'il y a un gros lobby de l'agriculture en Amérique du Nord, mais cette perception risque de causer des problèmes majeurs. Je trouve cela dommage étant donné l'importance que prend l'alimentation à l'échelle de la planète. Lorsque vous êtes venus nous voir en mars, vous m'avez demandé de vous donner des exemples d'un secteur qui mérite d'être développé, qui serait formateur et innovateur. Pour moi, ce serait l'aquaculture. Mon collègue est un expert en aquaculture qui, à mon avis, est une industrie orpheline. Un autre secteur prometteur serait l'agroforesterie. Ce sont deux secteurs qui ne sont pas parrainés. Ils ne sont appuyés ni par Agriculture et Agroalimentaire Canada ni par Pêches et Océans Canada, qui se préoccupe plutôt des fonds marins.

Concernant l'agroforesterie, ce n'est pas traditionnel. C'est très prometteur, mais ce sont deux domaines qui, je crois, sont orphelins. Je m'excuse si j'ai pris trop de temps, mais je suis professeure et mère.

En conclusion, j'aimerais vous transmettre un message qui me tient vraiment à cœur, à savoir que les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire incluent la santé préventive, et la production durable commence avec nous. On le fait pour protéger l'environnement et ce, toujours dans le respect de la société. Ce sont vraiment quatre petites phrases qui résument la recherche en agriculture dans notre pays.

Le sénateur Maltais : Bienvenue au Dre Bailey et au Dr Vandenberg. Je suis heureux que vous soyez là. Je vais laisser à mes collègues d'en face le soin de discuter du fonctionnement financier et ils ne manqueront pas de nous faire une bonne leçon. Moi, je m'attarderai plutôt à des points particuliers. Nous recevons au Sénat énormément de chercheurs et nous sommes partout au Canada. Vous avez dit que le secteur forestier est un peu orphelin au Québec, mais savez-vous que dans d'autres provinces il est en progression?

Dre Bailey : Oui.

Le sénateur Maltais : Je vais vous donner l'exemple du Nouveau-Brunswick, où l'on voit des chercheurs indépendants provenant d'universités et de l'entreprise privée. Savez-vous que la loi forestière, connue sous le nom de loi 65 au Québec, provient du Nouveau-Brunswick? J'étais député provincial à l'époque et je suis allé faire mes classes au Nouveau- Brunswick. Les fonctionnaires voulaient m'envoyer en Suède et en Norvège, mais, comme je viens de Baie-Comeau, je n'avais qu'à traverser le fleuve. Il faut se servir de la recherche qui se fait dans tout le Canada et c'est une chose que les chercheurs oublient souvent.

Je parlais d'aquaculture avec le Dr Vandenberg. J'en ai visité des installations et je n'ai jamais compris le fait qu'au Québec on ne soit pas capable d'élever une truite, alors qu'on se pense bien intelligent. Pourtant, dans d'autres provinces, on fait de l'aquaculture. Ça ne me rentre pas dans la tête. Il s'agit donc d'un domaine à développer.

Au niveau du financement, je pense que l'industrie privée a sa place parce que, dans d'autres provinces, elle y est très présente. Il y a toujours le problème de la propriété intellectuelle, mais ça, c'est plutôt une question d'avocats.

J'aimerais discuter d'un point particulier avec vous sur quelque chose qui s'en vient, probablement au cours de l'année. Comment voyez-vous l'arrivée du traité de libre-échange Canada-Europe au niveau des sciences de la technologie en agriculture?

Quelle sorte d'entente pouvez-vous faire avec les autres pays européens pour en arriver à une agriculture conforme à l'ensemble des normes du traité?

Dre Bailey : J'aurais d'abord un petit commentaire à formuler concernant les collaborations sur le plan de la recherche dans d'autres provinces. Je suis tout fait d'accord et le CRSNG offre un grand soutien. Le Dr Vandenberg participe dans le cadre d'un organisme interprovincial à des discussions sur les défis en agriculture. L'INAF, que vous connaissez, conclut des partenariats avec toutes les provinces, et notre faculté collabore également avec des chercheurs dans toutes les provinces, donc nous comprenons. Je parlais davantage de l'agroforesterie et du mélange entre les deux et combien c'est difficile.

Par rapport au libre-échange — je ne suis pas économiste du tout —, ce que je peux dire, c'est que cela fait l'objet de nombre d'études au sein de notre faculté; votre analyste a fait sa maîtrise dans ce centre de recherche en économie agroalimentaire. Il y a des gens qui étudient cela en collaboration avec la faculté de l'administration. Il s'agit d'un centre de recherche combinant deux facultés.

Dr Grant Vandenberg, membre associé, Institut des Nutraceutiques et des Aliments fonctionnels, Université Laval : Je ne suis pas économiste non plus, mais bien nutritionniste de poissons. Cependant, on voit quand même la possibilité de collaborer sur le plan de la recherche entre les différents pays. Je pense d'abord à la sécurité alimentaire, entre autres, parce qu'il y a des normes très différentes et qu'il s'agit d'essayer d'aligner différentes normes, tant pour la production que pour la transformation et les indices de sécurité alimentaire. Il y a une intervention au niveau des scientifiques, mais il y a aussi beaucoup à faire en ce qui concerne les organisations du gouvernement. Je pense aux agences d'inspection des aliments, à savoir comment s'alignent les différentes normes. C'est un défi important.

Le sénateur Maltais : Je vous pose la question parce que, dans un traité de libre-échange, il y a toujours un défi de qualité.

Dre Bailey : Je pense que c'est une de nos forces.

Le sénateur Maltais : Dans un défi de qualité, cela vise automatiquement de la recherche plus approfondie. Il faudra être avant-gardistes parce qu'il y aura des produits de l'Europe et nous allons y envoyer des produits également. Le défi de la technologie doit être un pas en avant. Dans le domaine de la recherche, on ne peut demeurer au point mort parce qu'on reculerait automatiquement; il faut avancer à petits pas et ce n'est pas facile. Pour conserver une grande qualité dans nos produits, il faut poursuivre la recherche. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

J'aimerais soulever un dernier petit point. Vous avez parlé d'un regroupement de subventions pour la recherche qui viennent de différents fonds. Vous avez parlé du ministère de l'Agriculture, de Pêches et Océans Canada, et cetera. Pourriez-vous nous envoyer une petite note à ce sujet pour qu'on puisse effectuer le suivi auprès du centre de recherche? On ne peut pas réinventer la roue, mais je comprends que ça devient très difficile pour vous de remplir des demandes pour participer à des programmes, car il y en a toute une variété. Je pense d'ailleurs que c'est le vœu du ministre, alors s'il y a un moyen de les concentrer davantage afin que les chercheurs comme vous perdent moins de temps à courir après les subventions, ce serait bien. Je pense que c'est un pas en avant, car il s'agit d'une perspective qui n'existait pas et qui est maintenant présente.

Dr Vandenberg : Je trouve cette idée très intéressante. Il est certain qu'il existe des scientifiques dans plusieurs organisations, comme aux ministères Pêches et Océans Canada, Agriculture Canada, et Santé Canada. Pourquoi ne pas les incorporer dans les universités? C'est sûr qu'ils vont avoir peur de perdre leur poste, mais de plus en plus, surtout en agriculture et pour Pêches et Océans Canada, on voit de plus en plus ces organisations qui accusent du recul au niveau de la recherche fondamentale principalement. Alors, pourquoi ne pas les incorporer aux universités?

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je vous remercie d'être ici; il est bon de vous revoir.

Vous nous avez donné beaucoup d'information. J'ai du mal à choisir un sujet, mais j'aimerais parler des programmes d'études supérieures de l'Université Laval, c'est-à-dire la maîtrise, le doctorat et le postdoctorat.

Les chiffres à ce sujet se trouvent à la page 7; on constate d'ailleurs une augmentation constante des inscriptions aux programmes de maîtrise et de postdoctorat. En revanche, la participation au programme de doctorat a diminué entre 2005-2006 et 2010-2011. Parallèlement, on apprend à la page 28 que l'aide accordée aux étudiants des cycles supérieurs a chuté considérablement, comme c'est le cas des bourses octroyées par le CRSNG.

L'aide réduite du CRSNG se reflète-t-elle directement dans votre programme? Sinon, la baisse des inscriptions est- elle attribuable à autre chose?

Dre Bailey : Vous voulez savoir si autre chose est responsable de la baisse d'intérêt envers le programme de doctorat? Il peut y avoir plusieurs raisons. Moins d'étudiants s'inscrivent à notre université québécoise. Il y a moins d'étudiants qui fréquentent le cégep et l'université, puis qui poursuivent leurs études.

Parmi les facteurs déterminants des efforts que nous déployons constamment pour recruter des étudiants aux études supérieures, notons que les taux d'acceptation et de placement des programmes en agriculture avoisinent les 100 p. 100. Au Québec, il serait bien que le nombre de travailleurs en agronomie sur le terrain augmente de 10 p 100, assurément. Nous avons du mal à recruter, ce qui explique en partie le déclin des inscriptions au programme de doctorat. Les chiffres baissent. Or, le taux de placement des diplômes de premier cycle est excellent, et celui des maîtrises, encore meilleur. Nous travaillons fort pour redresser la situation.

Il est naturellement difficile pour un étudiant de ne pas avoir de bourse. Ceux qui sont dans cette situation ont accès à nos subventions de recherche, du moins dans notre faculté, et probablement dans la plupart des programmes en agriculture au Canada. Lorsqu'un étudiant a déjà une bourse, j'en suis ravie, car j'aurai un peu plus d'argent pour autre chose.

Le sénateur Mercer : À la page 30, vous dites : « Loin de la ferme et éloigné de la réalité » à propos de la perception négative du public à l'égard de l'agriculture. Cette perception influence probablement le recrutement aussi.

Dre Bailey : Malheureusement, c'est probablement au cœur de certains de nos problèmes de recrutement. L'agriculture n'est pas très accrocheuse en Amérique du Nord. Je me demande constamment quel nom un peu plus vendeur nous pourrions donner aux programmes. Je suis peinée de constater la mauvaise presse de ce domaine qui nous nourrit et qui est à l'origine des concepts de développement durable et de respect de l'environnement. Il est vrai que le problème ne semble pas répandu à l'échelle mondiale. C'est attribuable à un grand cynisme malavisé et peut-être à une méconnaissance profonde aussi, mais c'est un véritable problème.

Le sénateur Mercer : Le Canada a été un chef de file mondial à bien des égards dans le développement des produits agricoles, plus particulièrement grâce au Conseil national de recherches et aux fermes expérimentales partout au pays, entre autres. C'est une honte de perdre cet héritage.

En début d'exposé, vous avez dit quelque chose qui devrait donner la chair de poule à la majorité des gens — à moi, du moins : nous sommes à l'aube d'une crise alimentaire mondiale.

Dre Bailey : C'est ce que je pense.

Le sénateur Mercer : Compte tenu des 9 milliards d'habitants que la terre abritera bientôt, quelle forme prendra la crise, selon vous? Quels en seront les premiers signes, à votre avis?

Dre Bailey : J'aimerais apporter une précision à propos de votre première question. Le genre des étudiants inscrits en agriculture a beaucoup évolué. À mes débuts il y a environ 20 ans, la salle de conférences était remplie de casquettes John Deere et de jeunes hommes. Il y a désormais beaucoup de femmes, et la plupart des étudiants — les hommes aussi — sont très conscients de la dimension environnementale. La mentalité n'est plus la même. Je suis ravie de constater que nos étudiants ont un véritable esprit visionnaire, sans vouloir manquer de respect à John Deere.

Pour ce qui est de la crise alimentaire mondiale, le Canada en ressentira les contrecoups beaucoup plus tard que les autres pays. Les changements climatiques entraîneront probablement des effets bénéfiques dans bien des régions canadiennes. Je trouve que nous n'explorons absolument pas cette voie. La raison pour laquelle le problème nous touche moins, c'est que même si tout le monde se plaint de l'augmentation du prix des aliments, la vérité, c'est que la part du revenu disponible consacré à la nourriture est probablement au plus bas niveau de toute notre histoire. Je crois qu'elle n'atteint pas 10 p. 100 de nos revenus, alors qu'elle avoisine probablement 22 p. 100 en France, et 70 p. 100 en Afrique. Nous sommes nettement privilégiés et ressentirons les effets de la crise bien après les autres pays.

M. Vandenberg a peut-être quelque chose à ajouter. Il pourra vous en dire plus à ce sujet compte tenu de sa vaste expérience en Afrique et en Asie.

Dr Vandenberg : L'an dernier, un économiste d'Ottawa venu s'adresser à nous lors de notre rencontre annuelle sur l'aquaculture a dit quelque chose de bien intéressant. Il semble que la quantité de nourriture que nous devrons produire au cours des 50 prochaines années excède la production depuis les débuts de l'humanité. C'est assez déconcertant si on y pense un instant. La productivité céréalière et animale s'est améliorée prodigieusement. On parle de révolution verte, de l'importance de l'agriculture très intensive et de la façon dont c'est arrivé. Il y a aussi le développement de la biotechnologie et des organismes génétiquement modifiés ainsi que les utilisations extraordinaires qui en découleront. Je crois fermement à tout cela. La recherche sera poussée à l'extrême pour arriver à nourrir tout le monde au cours des 50 prochaines années.

J'ai participé à des projets de développement de l'aquaculture en Afrique occidentale, plus particulièrement au Ghana, au Burkina Faso et au Togo. Dans un des projets en cours, on tente de produire des larves de mouche soldat noire à partir de la biomasse pour nourrir des poissons qui seront consommés par la population à très grande échelle. Ce n'est peut-être pas très intensif, mais il s'agit néanmoins d'une excellente occasion.

La biotechnologie et l'innovation en agriculture devront donner l'exemple comme elles l'ont fait ces 50 dernières années, mais différemment.

Le sénateur Mercer : Docteure Bailey, vous dites que nous n'explorons pas les occasions que le réchauffement de la planète pourrait présenter. Nous n'en profitons pas non plus. C'est une occasion.

Dre Bailey : Exactement.

La sénatrice Buth : Il est bon de vous revoir, docteure Bailey. J'aimerais revenir sur le fait que le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, ou CRSNG, ne considère pas l'agriculture comme une priorité. Je vais encore vous remettre en cause. Dans votre témoignage, vous ne semblez rien dire pour convaincre le gouvernement canadien d'accorder la priorité à l'agriculture.

Dre Bailey : Il faudrait peut-être se demander que faire de l'industrie devant les changements climatiques ou la crise alimentaire mondiale que nous prévoyons. Par ailleurs, le Canada ne pourra pas nourrir la planète comme nous le pensons peut-être, ce qui a été mentionné plus tôt. Quand j'étais petite, je pensais que je vivais sur la terre nourricière du monde entier et que nous subvenions aux besoins de la moitié de la planète, mais ce n'est pas vraiment le cas.

Il faut aussi privilégier la qualité. Si nous voulons être concurrentiels à tous les niveaux, nous devons être chefs de file en matière de la qualité et de production responsable.

Je n'ai pas les chiffres en main, mais je pense qu'un emploi sur huit au Canada est directement lié à l'industrie agroalimentaire. Parlons maintenant des répercussions de l'agriculture sur l'environnement, des crises de viande contaminée que nous avons connues dernièrement et des craintes en matière de santé publique. Je ne dis pas qu'il y a un problème, mais plutôt que nous gérons très bien la situation et que les problèmes de salubrité alimentaire causent certainement moins de décès aujourd'hui qu'à l'époque où nous mangions les fèves en conserves de la ferme de grand- mère. Il y avait alors beaucoup plus de bactéries comme celles à l'origine du botulisme.

La mondialisation et la distribution massive des aliments au Canada posent certains défis. Les obstacles sont nombreux, et l'approvisionnement alimentaire doit demeurer une priorité.

Par ailleurs, la population canadienne vieillit, et il ne faut pas oublier le lien qui existe entre la nutrition, la santé et le vieillissement. Nous pouvons parler de mesures préventives et de consommation d'aliments sains. Tout cela touche l'agriculture et la nutrition, et le gouvernement devra se soucier de ces aspects absolument fondamentaux.

Je trouve que j'ai très mal structuré ma pensée. Si j'étais à l'ordinateur, je réorganiserais mes idées en quelques clics.

La sénatrice Buth : Il y a actuellement un surplus de blé sur le marché, et l'Inde en exporte. La situation peut évoluer très rapidement sur le plan de la production alimentaire. Nous ne sommes touchés par aucune crise alimentaire à l'heure actuelle. À vrai dire, vous ne nous avez toujours pas dit quelle est la proposition de valeur de l'Université Laval. Quels projets novateurs et extraordinaires de votre université pourraient nous convaincre d'inciter le CRSNG à financer davantage le secteur de l'agriculture?

Dre Bailey : Je pense qu'il faut examiner l'ensemble des priorités plutôt qu'uniquement le CRSNG ou l'ensemble des organismes. Tout d'abord, l'aquaculture est un secteur colossal qui a besoin de soutien et de recherche, comme je l'ai dit. Il y a des innovations intéressantes très prometteuses au cœur du Manitoba — on y trouvait une ferme modèle. Le Canada devrait être un chef de file dans ce secteur, mais ce n'est pas le cas.

Le tout nouveau secteur de l'agroforesterie est des plus intéressant. J'en parle sans bien le connaître, mais nous avons des spécialistes en la matière sur le campus. Il s'agit de combiner l'arboriculture et de grandes plantations, par exemple. Cette technique peut être d'une grande efficacité. Des études réalisées aux États-Unis témoignent de l'incroyable productivité qui peut en découler. La méthode ne sera peut-être pas employée dans les champs actuels des Prairies, mais pourrait être des plus intéressante ailleurs au Canada, surtout avec les changements climatiques. Nous pourrons ainsi exploiter des régions qui ne l'avaient peut-être pas été jusqu'à maintenant.

Je pense aussi à la nutrition, qui fait partie de l'agriculture. L'Institut des Nutraceutiques et des Aliments fonctionnels commence d'ailleurs à mener des recherches très novatrices sur la question. Les chercheurs arrivent à trouver des composés bioactifs extrêmement avantageux pour la santé qui ont des propriétés protectrices. Voilà une manière intéressante, prophylactique et peu dispendieuse de demeurer en santé avec l'âge plutôt que de prendre constamment des médicaments. C'est la différence entre soins préventifs et médication, disons. Je pense que l'agriculture joue un rôle déterminant à cet égard. L'Institut possède une vaste expertise sur des sujets comme les neurophénols contenus dans les canneberges. Je pense que cet élément se retrouve en grande concentration dans les canneberges, et les bleuets aussi. Les chercheurs extraient les composantes de ces plantes indigènes remarquables du Québec et essaient d'en comprendre le rôle dans la protection contre la maladie d'Alzheimer. Parlons aussi des produits à base de poisson qui protègent la santé cardiovasculaire. Nous faisons preuve d'innovation et sommes aussi des chefs de file mondiaux dans ce genre de travaux.

Comme le Dr Vandenberg l'a dit, le Canada a besoin de modes de production novateurs, comme l'agriculture urbaine. Certaines idées sont emballantes, comme le fait d'associer la production piscicole à l'horticulture en serre, qui utilise peut-être à son tour certains sous-produits de barrages hydroélectriques. Toutes ces industries pourraient être interreliées de façon à augmenter la productivité de chacune. C'est le genre de projets emballants et novateurs qu'il faut envisager ici afin de nourrir la population touchée, même dans le Grand Nord. Voilà de grandes innovations. J'ignore toutefois si je peux vous convaincre.

Je ne suis pas vraiment spécialisée dans le domaine international, mais nous avons des gens qui étudient les questions liées au libre-échange. Comme l'a mentionné le sénateur Maltais, c'est un secteur où le Canada doit jouer de prudence, ou alors nous allons être écrasés.

Dr Vandenberg : Je voulais aussi aborder la question des liens entre agriculture et énergie, car beaucoup de produits agricoles de base sont maintenant utilisés pour produire de l'énergie. Dans les Prairies, par exemple, on utilise du canola pour produire du biodiésel.

La sénatrice Buth : Connaissez-vous le pourcentage?

Dr Vandenberg : Non.

La sénatrice Buth : C'est moins de 1 p. 100, alors je vous mets en garde contre l'utilisation du mot « beaucoup ».

Dr Vandenberg : Si on regarde ce qui s'est passé aux États-Unis, la production d'éthanol à partir du maïs a augmenté considérablement au cours des dernières années. Il s'agit d'une approche provisoire à mon avis. Ils vont abandonner, car nous sommes en train de mettre au point des façons de produire de l'éthanol à partir des résidus agricoles, comme les tiges de maïs, la paille, et cetera, donc en utilisant les sous-produits plutôt que les produits comme tels qui servent à nourrir les humains.

On doit donc stimuler l'innovation dans ce domaine. L'Université Laval mène actuellement des recherches dans ce domaine en collaboration avec Agriculture Canada et d'autres groupes de chercheurs. On tente activement de trouver des façons d'utiliser les sous-produits agricoles et forestiers pour produire de l'éthanol et des biocarburants.

La sénatrice Buth : J'aimerais que vous réfléchissiez à la question et que vous fassiez parvenir l'information au greffier.

Dr Vandenberg : Oui, bien sûr.

La sénatrice Buth : Je me mets dans la peau d'un producteur laitier du Québec qui pense à produire du canola, par exemple — on en produit de plus en plus dans la province —, et qui veut savoir ce que vous avez fait pour lui dernièrement. C'est le genre d'information que j'aimerais obtenir.

Dr Vandenberg : Je suis spécialisé dans la nutrition du poisson, et nous avons de graves problèmes. L'un des graves problèmes qui empêchent l'industrie de se développer au Québec, c'est celui de la pollution présumée qui est engendrée par la nourriture. Nous avons travaillé d'arrache-pied au cours des dernières années pour mettre au point des aliments peu polluants et à haut rendement. À l'heure actuelle, 80 p. 100 des piscicultures d'eau douce utilisent ces aliments que nous avons mis au point avec nos collaborateurs. C'est un bel exemple de solution qui a été apportée à un problème. Est-ce que cela aura une incidence sur la production de poissons au Québec? Non, malheureusement, car le gouvernement ne joue pas un rôle moteur dans ce dossier, et c'est très décevant.

Dre Bailey : Cela peut aussi servir dans les provinces où le gouvernement joue un rôle moteur. C'est un bon exemple.

Dr. Vandenberg : Bien sûr. Au Manitoba — et je viens tout juste de rencontrer mon collègue d'AFRI ici aujourd'hui —, on s'emploie à trouver une nouvelle façon de produire du poisson. La première expérience a eu lieu dans la région des lacs, près de Morin, au Manitoba.

On peut stimuler grandement l'innovation dans divers secteurs. L'Université Laval est depuis longtemps reconnue pour ses recherches dans le secteur laitier, pas tant du côté de la génétique, mais dans ceux de l'alimentation du bétail, de la gestion, de la transformation du lait, toutes les innovations en aval.

La sénatrice Buth : Vous devez insister davantage sur ces éléments. Pour obtenir du financement, il ne faut pas s'en tenir à des généralités.

Dre Bailey : Je peux donner d'autres exemples précis. Tous les probiotiques et autres éléments qui se trouvent dans nos boissons au yogourt, par exemple, sont le fruit de travaux qui ont été menés à STELA, notre centre de recherche, qui a ouvert la voie dans ce domaine technologique. Pensons aussi au transfert d'embryon chez les bovins laitiers. Le cheptel laitier du Canada est réputé être le meilleur de la planète; tout le monde veut notre génétique. Le transfert d'embryon, la détermination du sexe et les tests sont des techniques qui ont été mises au point à l'Université Laval en collaboration avec l'industrie. Ce sont des retombées directes. Nous avons investi beaucoup d'efforts également dans la restauration des tourbières, qui ont un très grand effet protecteur contre certains gaz à effet de serre. De nombreuses tourbières ont été détruites dans le monde. Nous avons une femme remarquable qui travaille activement à les protéger. Je vous remercie de nous avoir demandé de vous donner des exemples très précis.

La sénatrice Buth : J'ai probablement largement dépassé mon temps, monsieur le président, alors je m'en remets à vous.

Dr Vandenberg : Pourrais-je simplement répondre à l'une de vos questions sur le fait que l'agriculture est en train de disparaître de l'écran radar du gouvernement fédéral. Le programme de projets stratégiques du CRSNG en est un très bon exemple. Il y a environ cinq ou six ans, les aliments nouveaux et les bioproduits étaient un des grands thèmes de ce programme. Il y a seulement une poignée de thèmes pour lesquels on peut présenter une demande. Si on ne travaille pas dans un domaine précis, on ne peut pas présenter une demande. Les subventions sont très intéressantes. C'est très concurrentiel, et les recherches préliminaires mènent à la création de produits.

Je crois que le pays a profité grandement de ces recherches, mais ce n'est plus aujourd'hui un domaine prioritaire. Il a été probablement remplacé par les technologies de l'information. Je ne veux pas dire que ce domaine n'est pas important, bien sûr, mais il est malheureux que cela ne fasse plus partie des domaines stratégiques. Ce n'est qu'un exemple.

Qui plus est, Agriculture Canada et Pêches et Océans se retirent eux aussi de la recherche. Le retrait dans la recherche, le développement et l'innovation dans le secteur agricole est en train de se faire de manière insidieuse. Tout cela se produit en même temps, et cela diminuera progressivement notre capacité d'innover.

La sénatrice Buth : Tout le monde veut obtenir des fonds, et c'est pourquoi je vous mets au défi. Vous devez faire valoir vos points de manière très claire.

Dr Vandenberg : Je vous en sais gré.

La sénatrice Merchant : Vous avez répondu à bon nombre de mes questions. Vous avez peut-être besoin d'améliorer vos relations publiques. Manifestement, vous n'arrivez pas à convaincre le gouvernement, et je crois même que la population ne fait pas le lien avec vous. Il y a beaucoup d'information contradictoire qui circule, et ce qui est bon aujourd'hui peut être différent demain, même pour ce qui est des huiles de poisson, les omégas-3, on peut en prendre trop. Les gens ne savent plus quoi penser.

Pour un chercheur, tous ces travaux sont très intéressants et stimulants, mais je crois que vous devez aussi avoir l'appui de la population ainsi que des gouvernements fédéral et provinciaux. Je ne sais pas trop comment vous pourriez mieux faire connaître ce que vous faites.

Dre Bailey : Je vous remercie sincèrement de poser cette question. J'en ai parlé brièvement dans une diapo. C'est la question que je me pose : qui devrait s'occuper des relations publiques? Agriculture Canada? Les universités? Je ne sais pas. C'est une question que je me pose également. C'est une très bonne question.

Avec tout le respect que je dois aux journalistes, je pense que les médias y sont pour beaucoup. En règle générale, les journalistes ne sont pas très versés en science ou en agriculture, et nous sommes en quelque sorte les esclaves de leurs limites.

Dr Vandenberg : On dit que « le sang fait la une », et c'est très vrai. Les bonnes nouvelles manquent parfois d'intérêt.

La sénatrice Merchant : On n'en parle pas.

Dr Vandenberg : C'est exact.

La sénatrice Merchant : Madame Bailey, au début de votre exposé, vous avez fait une drôle de grimace lorsque vous avez comparé le financement au Canada à celui aux États-Unis. Pouvez-vous me dire ce qu'il en est aux États-Unis? Est-ce qu'ils recrutent de nos chercheurs? C'est une question qui nous inquiète.

Dre Bailey : Il y a un exode des cerveaux. Je pense que la situation n'est pas très bonne aux États-Unis. C'est bien pire qu'au Canada. Ce qui m'inquiète, c'est de voir que nos décideurs sont, je pense, grandement influencés par ce qui se passe aux États-Unis, et je crois qu'on s'engage ainsi sur une pente glissante. Aux États-Unis, le financement et le soutien destinés aux universités offrant des programmes d'agriculture, ce que nous n'avons pas ici, heureusement, sont à leur plus bas. Je n'aime pas ce précédent et où cela peut nous mener. Ces gens en arrachent, et je veux que nous demeurions autonomes.

Dans l'ensemble, le soutien à la recherche est un peu moindre aux États-Unis qu'ici. Si la situation est désastreuse aux États-Unis, le Canada n'a pas à marcher sur leurs pas. J'espère vraiment que nous pourrons éviter cela.

Il faut aussi maintenir un équilibre entre la recherche financée par l'industrie et la recherche fondamentale. Il faut maintenir un équilibre, et la balance penche peut-être un peu. Les États-Unis n'ont pas eu traditionnellement un secteur de la recherche financée par l'industrie, et je crois que c'est notre force.

La sénatrice Merchant : Quels sont les pays qui vous servent de modèle en matière de financement?

Dre Bailey : Le Canada est vraiment un chef de file en matière de collaboration. Nous sommes sans doute un modèle à cet égard. En ce qui a trait à la recherche fondamentale, c'est une excellente question.

Dr Vandenberg : J'ai parlé à une collègue de Norvège en sabbatique, et elle n'en revient pas du montant qui est accordé là-bas à la recherche appliquée et fondamentale. Un grand nombre de ces pays — Finlande, Danemark, Norvège — ont tendance à être très généreux.

Dre Bailey : Les Pays-Bas aussi, sans doute.

Dr Vandenberg : Oui, mais ils en souffrent dans une certaine mesure. En Norvège, par exemple, ils sont très chanceux. Ils ont beaucoup de pétrodollars qu'ils dépensent pour stimuler la recherche et l'innovation.

[Français]

Le sénateur Rivard : J'aurais quelques questions concernant le financement de la recherche 2010-2011. C'est à la page 12 de votre document. Comme vous êtes du Québec, je vais commencer par votre financement provincial. Le gouvernement Marois a annoncé des coupes pour la prochaine année. Pouvez-vous me rappeler s'il s'agit d'une coupe de 10 p. 100 dans les subventions ou de 10 millions, globalement?

Dre Bailey : Le budget pour la recherche du gouvernement provincial est de 63 millions.

Le sénateur Rivard : Donc, c'est 10 p. 100.

Dre Bailey : Et même plus.

Dr Vandenberg : Pour les sciences naturelles, ce sont des compressions de 30 p. 100. Pour le domaine médical, c'est moins.

Le sénateur Rivard : J'aimerais être avisé du montant exact des compressions que vous allez subir au niveau de votre financement pour la recherche de la part du Québec. Avez-vous été mis au courant des détails?

Dr Vandenberg : Ces chiffres sont sûrement disponibles. L'impact sur les différents programmes n'est pas encore connu, je crois.

Dre Bailey : C'est vrai que c'est 63 millions de dollars qui vont être coupés. Comme M. Vandenberg l'a dit, il s'agit du tiers du budget pour les sciences naturelles, qui était déjà hautement compétitif. Pour la médecine, il s'agit de 12 p. 100, je crois, ainsi que pour les sciences sociales. C'est dramatique.

Le sénateur Rivard : Est-ce que cela va remettre en question certains programmes de recherche?

Dre Bailey : Absolument.

Dr Vandenberg : Oui.

Le sénateur Rivard : Ou espérez-vous que le privé pourra en faire plus?

Dre Bailey : Non.

Le sénateur Rivard : Je remarque quand même que 45 p. 100 de votre budget provient du privé, ce qui veut dire qu'un petit effort supplémentaire de leur part pourrait, jusqu'à un certain point, compenser les compressions provinciales.

Dre Bailey : J'aurais dû vous apporter le schéma pour que vous voyiez à quel point la tarte a changé depuis une dizaine d'années. La part du gouvernement fédéral était de plus de 50 p. 100, il y a 10 ans. Cela a vraiment changé. Notre faculté est de loin la plus performante au niveau du financement en partenariat. Probablement que c'est la même chose partout au Canada. C'est ce que j'ose dire. On va recevoir une bonne claque.

Le sénateur Rivard : Je constate, selon le même tableau, que les partenaires privés représentent 45 p. 100 du financement en 2010-2011; j'imagine qu'en 2013, c'est sensiblement la même chose?

Dre Bailey : Probablement.

Le sénateur Rivard : Cela représente probablement 10 millions environ, aujourd'hui. Pourriez-vous citer deux ou trois commanditaires privés dont la contribution est majeure, par exemple 500 000 $ et plus? Y a-t-il des entreprises privées qui contribuent à cette hauteur ou bien il s'agit d'une multitude de petits commanditaires?

Dre Bailey : Il y a de grands projets qui peuvent être discutés. Les chaires de recherche en partenariat sont quand même imposantes. Par exemple, la Fédération des producteurs d'œufs du Québec subventionne de vrais postes; c'est de l'ordre d'un million de dollars sur cinq ans, au minimum. La Fédération des producteurs de lait du Québec subventionne de grands projets à la hauteur de montants très importants. Novalait, un regroupement de trois compagnies privées — Agropur, Parmalat et Saputo—, subventionne au moins deux grands postes et des projets majeurs. On peut aussi parler des producteurs de tourbe également. C'est considérable. Je suis allée visiter Medicago, une industrie très intéressante.

C'est une compagnie qui fabrique des molécules bioactives à partir de plantes modifiées génétiquement. Leur contribution est de l'ordre de près d'un demi-million de dollars en argent et un autre demi-million de dollars en nature.

Le sénateur Rivard : À la page 27 de votre présentation, ce dont je parle n'est pas dans le texte, mais vous avez mentionné que, pour les nouveaux projets de recherche, le gouvernement fédéral exige que vous ayez une contribution de 20 à 30 p. 100 du secteur privé. Toutefois, selon les données qui apparaissent à la page 12, vous disposez déjà de 45 p. 100 du secteur privé. Le problème ne se pose donc pas.

Dre Bailey : Ce que j'ai voulu dire à la page 27, c'est que cela donne l'impression que cet argent est accordé exclusivement pour les académiques. Cependant, d'autres campagnes sont nécessaires pour trouver des partenaires, car sans partenaire on ne peut pas avoir accès à ces fonds.

Le sénateur Rivard : Merci. Continuez votre beau travail. Nous sommes bien fiers de la performance de notre université, l'Université Laval.

Dre Bailey : Lorsque vous viendrez au campus visiter votre petit-fils, venez nous dire bonjour en passant.

Le sénateur Rivard : Avec plaisir.

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé plus tôt des chercheurs à l'emploi des différents ministères. Ai-je compris qu'avec plus de collaboration entre ces chercheurs dans les ministères et les universités, on serait beaucoup plus productif? Évidemment, je ne voudrais pas que les ministères coupent ces chercheurs pour les envoyer dans les universités. Toutefois, est-ce le point que vous désiriez soulever?

Dre Bailey : Je vous ai donné des faits indiquant simplement que des postes de chercheurs avaient fait l'objet de compressions. Je connais des chercheurs qui ont perdu leur emploi. Vous soulevez toutefois un point très intéressant. Une bonne façon dont le gouvernement ou les ministères fédéraux pourraient valoriser la recherche serait d'avoir des chercheurs au sein des universités. Ce genre de collaboration serait très intéressante et productive.

À mon arrivée à la faculté, on retrouvait quatre ou cinq chercheurs d'Agriculture Canada à l'Université Laval. Ceux-ci ont eu le privilège d'encadrer des étudiants diplômés, un privilège d'habitude réservé aux professeurs. Ce genre de collaboration est tout à fait productif sur le plan de la formation de personnel hautement qualifié et de l'utilisation des ressources. Il est possible d'utiliser l'équipement et les services d'Agriculture Canada, et ses chercheurs peuvent utiliser les nôtres. Ce genre d'initiative est très intéressant.

Une autre suggestion que j'aurais pu faire serait d'encourager ce genre de collaboration. Je crois que dans d'autres facultés on retrouve de tels exemples. En agriculture, j'imagine que ce genre d'arrangement pourrait très bien fonctionner.

Je crois également qu'Agriculture Canada a décidé de couper dans certains secteurs. Je préfère ne pas aller plus loin à ce sujet, car je ne comprends pas le rationnel qui explique ces coupures. Malgré leur collaboration avec nous, on n'a pas cru bon de protéger ces chercheurs.

Le sénateur Robichaud : Nous ne comprenons pas non plus, mais nous tentons de comprendre. Monsieur Vandenberg, aimeriez-vous rajouter quelque chose?

Dr Vandenberg : J'aimerais appuyer ce que disait Mme Bailey. On retrouve non seulement des chercheurs parmi nous, mais beaucoup de chercheurs associés font partie de notre département. Grâce à la collaboration existante, on fait la codirection des étudiants diplômés. Cette pratique est répandue. Par exemple, à notre département des sciences animales, on collabore beaucoup avec la station de recherche de Lennoxville, étant donné qu'elle est juste à côté. On voit souvent des échanges d'étudiants et le domaine est très actif.

Le sénateur Robichaud : On entend parler de l'agriculture urbaine, mais c'est à peu près tout. J'ai cru entendre parler d'expériences qui se faisaient à Montréal sur le toit de certains édifices où on récupère l'énergie ou la chaleur pour des serres. Devrait-on porter plus attention à ce genre d'agriculture?

Dre Bailey : C'est une très bonne question. M. Vandenberg fait partie d'un comité d'exploration. Notre faculté vient de lancer un certificat ou un mini-programme sur l'agriculture urbaine. C'est un domaine que nous explorons en ce moment et votre question est pertinente.

Dr Vandenberg : Je crois que cette question est très intéressante pour plusieurs raisons. D'abord, on a dit plus tôt que les gens perdent la notion de l'agriculture d'où viennent leurs aliments. Voilà une façon de concrétiser cet aspect qui est sans doute le plus important. Pour ce qui est de l'apport des nutriments, le domaine est relativement marginal. Ce microprogramme qu'on est en train d'organiser demeure tout à fait intéressant en ce qui a trait aux légumes, bien sûr. Peut-être avez-vous vu l'émission La semaine verte sur la production ou l'élevage de poules en ville. À Vancouver, le phénomène est très intéressant. Le problème est que dans plusieurs villes cette pratique n'est pas permise. Des restrictions dans certaines villes ne permettent pas nécessairement cette production.

La sénatrice Tardif : J'aimerais revenir à toute la question du financement par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Pouvez-vous nous dire quel pourcentage des chercheurs qui font une demande au conseil obtient un financement?

Dre Bailey : Tout dépend du programme et de l'âge du chercheur. Je ne peux pas parler exclusivement d'agriculture. En général, on parle des projets les plus petits mais les plus prestigieux pour un chercheur. Le taux de réussite est tout de même très élevé. On parle probablement de 35 p. 100. Ce sont de petites subventions de 35 000 $ ou 36 000 $ par année. Toutefois, elles ont une grande importance. Je considère que ma subvention est vraiment le cœur de mon programme de recherche.

En agriculture et en sciences des médecines vétérinaires, il y a eu une réforme qui rendait l'évaluation plus multidisciplinaire. Notre taux de réussite a alors glissé d'environ 10 p. 100 et est devenu beaucoup plus faible pour nous. Je crois que cette baisse est attribuable à une mauvaise perception ou à la difficulté des évaluateurs à apprécier pourquoi on étudie certaines questions liées à l'agriculture — mais ce n'est que spéculation.

Pour certains autres programmes, qui sont en partenariat, le taux de réussite peut être d'environ 70 ou 80 p. 100, ce qui est quand même très élevé. Pour d'autres programmes, comme les chaires de recherche, c'est beaucoup plus faible et plus compétitif. Sur papier, les taux semblent très bons. Toutefois, le CRSNG fait un tri et dira que ce n'est pas la peine d'aller plus loin. Si une lettre d'intention est incluse, bien souvent le taux de réussite est plus élevé. Le succès est donc variable. Est- ce que ma réponse vous aide?

La sénatrice Tardif : Oui.

Dre Bailey : Car j'ai été plutôt vague.

La sénatrice Tardif : Je trouve que c'est tout de même relativement élevé. Dans d'autres conseils de recherche, par exemple en sciences humaines, on a un taux de réussite entre 20 et 25 p. 100.

Dre Bailey : En médecine, c'est inférieur à ce taux. J'ai été évaluatrice d'un des programmes à la découverte, qui est très important pour les chercheurs au Canada. Je m'y trouvais aux alentours de 2010.

Madame Fortier, la présidente du CRSNG, travaille très fort pour protéger ce fonds. Il y avait un groupe d'experts international, qui a été mis sur pied pour évaluer ce programme qui a été critiqué parce que le taux de réussite était trop élevé. Ce comité a fortement suggéré que le programme soit protégé. Mme Fortier serait dans une meilleure position que moi pour le défendre, mais j'ai été privilégiée d'être impliquée pendant cette évaluation.

La sénatrice Tardif : Vous avez indiqué que l'agriculture n'était pas un secteur stratégique pour le CRSNG. Est-ce que cela a eu un impact sur le taux de réussite pour les subventions?

Dre Bailey : Je pense que oui. Nous n'avons pas de preuve, mais nous avons observé une diminution flagrante de 10 p. 100 dans notre secteur après ce changement.

La sénatrice Tardif : Vous avez indiqué dans votre présentation que plusieurs excellentes recherches ne sont pas financées. Vous nous en avez donné quelques exemples. Y a-t-il d'autres exemples que vous voudriez nous présenter? S'il y avait un plus grand nombre de projets et si ces 10 p. 100 n'avaient pas été perdus, quel type de recherche aurait pu être financé?

Dre Bailey : Au niveau du CRSNG ou en général, au Canada?

La sénatrice Tardif : Pour vos chercheurs, par exemple, à l'Université Laval?

Dre Bailey : J'essaie de penser à ceux qui ont échoué. Dans les projets qui n'ont pas été subventionnés, il y en a un qui me vient à l'esprit, mais je ne l'ai pas évalué moi-même.

Un projet auquel je peux penser, c'est celui sur les mécanismes d'absorption des nutriments chez les animaux domestiques, pour essayer de mieux développer les stratégies pour diminuer le rejet de phosphore en hydrogène.

Un autre projet qui n'était pas subventionné — encore que je ne peux pas dire qu'il était excellent, puisque je ne l'ai pas évalué, mais je connais le sujet — est un projet sur la bactériologie et la microbiologie des viandes, le comportement des pathogènes, toujours en pensant à la sécurité publique et la salubrité.

Ce sont les deux sujets auxquels je peux penser, rapidement. Encore une fois, je n'ai pas évalué ces projets, mais je sais qu'ils n'ont pas été subventionnés.

Le président : Madame Bailey, comme c'est une question très pertinente, vous serait-il possible de nous faire parvenir ce que vous prévoyez ou ce que vous avez vu. Loin de nous l'idée de vous embrouiller en vous posant une telle question, mais on aimerait connaître exactement l'impact que cela a sur l'industrie.

La sénatrice Tardif : Merci, monsieur le président. Ce serait en effet très bénéfique pour le comité.

Vous avez parlé de la recherche interdisciplinaire et du fait que le terme « agriculture » est peut-être perçu comme étant très limitatif, et vous avez d'ailleurs dit que vous aimeriez qu'un autre nom qu'« agriculture » soit utilisé lors de vos demandes de subventions. Est-ce que la recherche interdisciplinaire est encouragée? Et a-t-elle un taux de financement satisfaisant, selon vous?

Dre Bailey : C'est une excellente question. En tant qu'universitaire, c'est un mot que j'ai utilisé longtemps pendant ma carrière pour dire que la multidisciplinarité ou l'interdisciplinarité est toujours encouragée, qu'il faut faire des projets, et cetera, mais la réalité c'est qu'il n'y a pas vraiment de mécanisme qui peut permettre cette interdisciplinarité.

Je dirais que le CRSNG est l'entité la plus ouverte à cela. On peut faire des choses plus multidisciplinaires, mais pas autant qu'on l'aimerait. Au Québec, nous avons un scientifique en chef depuis plusieurs années, le Dr Rémi Quirion, qui gère les fonds de recherche québécois. Il y a trois conseils, un pour les sciences naturelles, un pour la santé et un pour les sciences humaines. Le Dr Quirion avait lancé un appel pour les projets vraiment multidisciplinaires dans ces trois grands secteurs. Notre faculté en a assumé deux qui étaient bien vus. M. Vandenberg en avait envoyé un qui parlait de l'élevage de poissons en collaboration avec la production en serre, avec la santé et les sciences humaines parce qu'il avait dit que ce genre de technologie peut être faite dans le Grand Nord, dans les populations autochtones. C'était donc dans les sciences humaines.

Il y en avait un autre dans notre faculté — c'était vraiment interdisciplinaire — sur la façon dont l'environnement peut changer notre santé. Ce sont les deux projets qui ont été déposés. Le Dr Quirion a reçu les deux projets avec beaucoup d'enthousiasme. M. Vandenberg a été invité à faire des présentations auprès des provinces. Le problème c'est qu'avec les coupes, il a fallu trouver 10 millions de plus pour financer ce projet. Le problème, c'est qu'on a 63 millions de moins. Je ne sais pas comment on pourra fonctionner avec cela.

Au niveau fédéral, il existe un petit projet collaboratif entre le CRSNG et l'IRSC. C'est un programme quand même intéressant. Nous n'en sommes qu'au début. Cela fait longtemps qu'ils en parlent, mais c'est maintenant seulement qu'ils commencent à faire quelque chose. On parle, mais il est souvent difficile de concrétiser. On peut le faire dans nos centres de recherche à l'Université Laval, nous sommes quand même multidisciplinaires. Je fais partie d'un centre de recherche en biologie de la reproduction, on touche à la médecine, la protection animale ainsi que l'éthique et le droit.

Le sénateur Maltais : On a fait un tour d'horizon important, et les sénateurs avaient des questions bien particulières.

Il faut parler aussi des résultats. Plus tôt, vous avez mentionné que le bœuf canadien est très bien coté au niveau international. Vous avez peut-être oublié le lait. Je sais que vous avez travaillé avec la Fédération des producteurs de lait. Vous avez travaillé avec les autres provinces également. On voit les résultats aujourd'hui. La plus grosse coopérative québécoise a fusionné avec la Coopérative des provinces maritimes. Pourquoi? Parce qu'il y a un marché pour le lait de qualité. C'est pareil dans l'Ouest canadien.

C'est grâce à la recherche si on a atteint cette qualité-là. Parce que si on compare notre lait canadien au lait américain, notre lait est de meilleure qualité au niveau nutritif. Les produits dérivés du lait, comme le yogourt, le sont également.

Tout cela est grâce à la recherche. Vous voyez, vous vous êtes associés, à l'époque, avec les producteurs. Vous en êtes arrivés à une très haute qualité qui est reconnue internationalement. Je vous dis : chapeau! Surtout ne lâchez pas! Les difficultés, on en rencontre toujours dans la vie. L'agriculture, même si elle n'est pas glorifiée aux quatre coins du Canada parce qu'elle ne fait pas la une des journaux. Elle arrive tout de même à assurer l'indépendance nutritionnelle d'un pays comme le Canada, et c'est important. Et nous aide également à nourrir les autres dans le monde.

Le président : Avant de lever la séance, j'aimerais porter à votre attention deux points. Lors d'une visite à la compagnie McCain Foods, le sénateur Mercer avait mentionné ceci, et je cite :

[Traduction]

[...] la compagnie basée à Toronto n'est plus seulement un transformateur de pommes de terre, mais un spécialiste de la commercialisation.

« Nous nous devons de répondre aux besoins des consommateurs pour de nombreuses, nombreuses années à venir... Nous devons tous, plus que jamais, mettre l'accent sur le consommateur. Nous ne saurions compter sur la croissance de la population, et nous ne saurions compter sur la prospérité en tant que telle. »

[Français]

Donc, voilà la modernisation de l'agriculture.

J'aurais deux questions à vous poser. Je ne vous demande pas de répondre maintenant mais de nous faire parvenir une réponse écrite.

D'abord, est-ce que l'aquaculture devrait être directement reliée ou à l'intérieur de la boîte qu'on appelle l'agriculture? J'aimerais connaître votre opinion sur le sujet parce que l'industrie nous a approchés pour nous dire qu'elle préférait appartenir au domaine de l'agriculture plutôt qu'à celui des pêches.

Aussi, vous avez fait un commentaire qui me touche et qui concerne l'agriculture canadienne. C'est ce que vous avez appelé la crise alimentaire globale. Pouvez-vous nous donner les facteurs qui vont contribuer à cette crise alimentaire globale?

Sur ce, je vous remercie de votre présence.

(La séance est levée.)


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