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ANTR - Comité spécial

Antiterrorisme (Spécial)

 

Délibérations du comité sénatorial spécial sur
l'Antiterrorisme

Fascicule 4 - Témoignages du 4 juin 2012


OTTAWA, le lundi 4 juin 2012

Le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme, auquel a été renvoyé le projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel, se réunit aujourd'hui, à 13 h 30, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Hugh Segal (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, il s'agit de la huitième séance du Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme tenue pendant la première session de la 41e législature du Canada.

Pour commencer la séance de cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir Terry Jamieson, vice-président, Direction générale du soutien technique à la Commission canadienne de sûreté nucléaire. M. Jamieson est accompagné de Raoul Awad, directeur général, Direction de la sécurité et des garanties, et de Jason K. Cameron, directeur général, Direction de la planification stratégique.

Nous avons aussi le plaisir d'accueillir Marie-France Dagenais, directrice générale, Transport des marchandises dangereuses à Transports Canada et David Lamarche, chef, conseiller technique.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi S-9, Loi sur le terrorisme nucléaire. Ce projet de loi de 10 articles vise à ajouter quatre nouvelles infractions à la partie 2 du Code criminel. Ces quatre nouvelles infractions interdisent certaines activités liées à des matières ou à des engins nucléaires ou radioactifs conformément aux traités internationaux contre la prolifération et le terrorisme dont nous sommes signataires. Ce projet de loi a été déposé au Sénat le 27 mars 2012.

Monsieur Jamieson, je crois que vous désirez faire une brève déclaration préliminaire. Nous allons commencer par vous, et ce sera ensuite au tour de Mme Dagenais.

Terry Jamieson, vice-président, Direction générale du soutien technique, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Merci, monsieur le président et sénateurs, de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour discuter de certains aspects du projet de loi S-9, le projet de loi sur le terrorisme nucléaire, et de leur incidence sur le mandat de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

[Français]

La CCSN est l'unique organisme de réglementation nucléaire au Canada. À ce titre, elle est responsable du maintien de la santé, de la sûreté et de la sécurité des Canadiens ainsi que de la protection de l'environnement en lien avec notre industrie nucléaire. Elle est également chargée du respect des obligations internationales du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Nous nous acquittons de notre mandat aux termes de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et de ses règlements.

[Traduction]

La CCSN et l'organisme qui l'a précédée réglementent les activités nucléaires depuis plus de 65 ans. Les activités réglementées comprennent l'ensemble du cycle nucléaire, dont l'extraction minière et la concentration de l'uranium, la fabrication du combustible, les installations nucléaires telles que les centrales nucléaires et, ultimement, la gestion des déchets. La surveillance réglementaire porte aussi sur les substances nucléaires et sur les applications commerciales, médicales, universitaires et de recherche.

Durant cette courte allocution, je décrirai la façon dont la CCSN veille à la sécurité des matières et des installations nucléaires.

La prévention du terrorisme nucléaire repose sur plusieurs éléments issus de conventions et de traités internationaux. Au Canada, la CCSN surveille l'application de la protection physique, de l'évaluation des menaces et des mesures de sécurité. Alors que le projet de loi S-9 traite d'infractions au Code criminel lorsque des activités terroristes sont découvertes, le travail de la CCSN a trait à la prévention et vise à ce que le terrorisme nucléaire soit détecté et contrecarré le plus tôt possible.

La CCSN a participé à l'élaboration des modifications à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Ces changements ont été intégrés dans le Règlement sur la sécurité nucléaire de la CCSN, en 2006.

Ce règlement présente des mesures de sécurité détaillées devant être prises par les titulaires de permis. Les exigences liées à la protection physique sont graduelles et correspondent au niveau du risque et à ses conséquences. Par exemple, en ce qui concerne les matières nucléaires de la catégorie I et II, ainsi que les installations où elles se trouvent, les exigences vont des contrôles de l'accès aux sites à la présence sur place d'une force d'intervention armée pour les cas d'intrusion, de vol ou de sabotage. Les employés et les superviseurs doivent répondre à des exigences en matière de sensibilisation et de formation sur les protocoles de sécurité et les travailleurs ayant accès aux matières nucléaires doivent faire vérifier leurs antécédents.

[Français]

Les titulaires de permis doivent élaborer et tenir à jour des plans d'urgence et organiser régulièrement des exercices d'urgence. De fait, l'industrie nucléaire nord-américaine organise chaque année une compétition entre les équipes de maintien de la sécurité nucléaire dans laquelle les habiletés techniques et physiques des participants sont mises en évidence. Les équipes canadiennes sont régulièrement parmi les gagnantes.

[Traduction]

Le transport des matières nucléaires de catégorie I, II et III, dont traite le Règlement sur l'emballage et le transport des substances nucléaires, exige un permis délivré par la CCSN. Pour l'obtenir, un titulaire de permis doit soumettre un plan de sécurité détaillé comprenant une évaluation des menaces, les mesures de sécurité proposées, le parcours et les autres arrangements pris en vue du trajet, en conformité avec le Règlement sur la sécurité nucléaire. Des plans de sécurité sont exigés pour tous les envois, y compris ceux qui ne font que transiter par le Canada.

Le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses de Transports Canada s'applique lui aussi au transport de substances nucléaires. Par conséquent, si le projet de loi S-9 est adopté et que le Canada ratifie la CPPMN et la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, rien de plus ne devra être accompli pour faire appliquer les mesures de protection physique par les exploitants des centres nucléaires au Canada, car ces mesures sont en place depuis des années.

De même, le cadre et la politique du Canada relativement à l'importation, à l'exportation, au contrôle et à la vérification des matières nucléaires sont transparents et exhaustifs, au point où des organismes de réglementation d'autres pays consultent régulièrement la CCSN dans le but d'adopter certains aspects du modèle canadien.

[Français]

La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires contient des dispositions et des pénalités pour les infractions aux règlements. D'ailleurs, un individu a été poursuivi avec succès en 2010 pour avoir tenté d'envoyer en Iran des dispositifs nucléaires à double usage qui auraient pu servir à enrichir de l'uranium. Les dispositions proposées du projet de loi S-9 s'ajouteront à celles de la LSRN pour les infractions majeures et les actes de terrorisme nucléaire.

[Traduction]

En conclusion, la CCSN a été à l'avant-plan dans l'établissement de la sûreté et de la sécurité des matières nucléaires entreposées au Canada ainsi que dans le contrôle de leurs mouvements à l'intérieur du pays et vers l'extérieur. Par conséquent, le cadre de réglementation canadien est déjà prêt à accueillir les dispositions proposées dans le projet de loi S-9.

Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps de parole. Vos questions sont les bienvenues.

[Français]

Marie-France Dagenais, directrice générale, Transport des marchandises dangereuses, Transports Canada : Je suis présente ici avec M. Lamarche en partie pour répondre aux questions.

[Traduction]

Comme l'a mentionné M. Jamieson, la Direction générale du transport des marchandises dangereuses joue un rôle secondaire. Une réglementation est en place. Le principal objectif que nous poursuivons en vertu de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses est la promotion de la sécurité publique. Notre mandat s'étend à toutes les marchandises dangereuses, ce qui comprend les matières nucléaires, mais nous nous occupons de toutes sortes de catégories de marchandises dangereuses. Avant les Jeux olympiques, nous avons adopté des mesures de sécurité pour faire en sorte que le transport de tous les types de marchandises dangereuses ait lieu en toute sécurité.

Je suis ici pour répondre à vos questions.

Le sénateur Joyal : Monsieur Jamieson, vous avez répondu en partie à ma première question à la page 5 de votre mémoire. Cette question est la suivante : Y a-t-il déjà eu des incidents reliés au stockage ou au transport de matières nucléaires? Vous avez mentionné un incident qui s'est produit en 2010. Y en a-t-il eu d'autres dans le passé, surtout au cours des 10 dernières années, depuis le 11 septembre, qui pourraient être en rapport avec l'objet du projet de loi à l'étude aujourd'hui?

M. Jamieson : Il y a eu quelques incidents au Canada, y compris le récent complot des 18 terroristes de Toronto. L'enquête a permis d'établir que ce groupe avait envisagé de faire de la centrale nucléaire de Pickering une cible potentielle. Toutefois, compte tenu des mesures de sécurité que le titulaire de permis avait mises en place pour se conformer à notre réglementation, le groupe a décidé de s'attaquer à d'autres cibles qui poseraient moins de difficulté.

Le sénateur Joyal : Vous avez mentionné le statut des titulaires de permis. Qui supervise ces derniers pour s'assurer qu'ils se conforment aux divers règlements? Qui les surveille? Est-ce la Commission canadienne de sûreté nucléaire ou est-ce fait avec l'aide de Transports Canada? Qui est chargé de la surveillance et du suivi de l'application de la réglementation que les titulaires de permis doivent respecter dans le cadre de leurs activités?

M. Jamieson : Ces exigences font partie des permis d'exploitation que la CCSN accorde aux exploitants. Ces derniers ont l'obligation absolue de se conformer aux mesures que nous prescrivons. Nous veillons à ce que ces mesures soient respectées par l'entremise de nos équipes d'application et d'inspection. Les installations importantes font l'objet d'inspections régulières. Pour les centrales nucléaires et pour Chalk River, nous avons sur place du personnel qui supervise quotidiennement les activités des titulaires de permis.

Le sénateur Joyal : Publiez-vous régulièrement ces rapports? Qui y a accès?

M. Jamieson : Pour les grandes installations comme les centrales nucléaires, les rapports annuels sont présentés au tribunal de la commission. Les délibérations du tribunal sont publiques. Les rapports annuels sont également publiés dans notre site web et les délibérations du tribunal sont diffusées sur le web. Tous ces renseignements peuvent être obtenus, y compris ceux qui concernent la sécurité. Bien entendu, nous ne pouvons pas vraiment entrer dans les détails dans une tribune publique sur certains aspects de la sécurité.

Le sénateur Joyal : J'hésite à employer le mot « violation », et je vais donc utiliser des termes plus neutres. D'après vos souvenirs, quelles sont les principales infractions à la réglementation s'appliquant aux titulaires de permis dont vous ayez eu connaissance au cours des 10 dernières années?

M. Jamieson : Pour ce qui est de nos exigences en matière de sécurité, tous les titulaires de permis les prennent très au sérieux. J'ai le plaisir de pouvoir vous dire qu'il n'y a pas eu de violations importantes de nos exigences en matière de sécurité.

Le sénateur Joyal : Les manquements que vous avez constatés avaient peu d'importance; il n'y a pas eu d'infractions importantes à la réglementation?

M. Jamieson : Absolument. Dans le cas des principaux titulaires de permis, les équipes de sécurité sont généralement constituées d'anciens policiers ou militaires qui sont des professionnels dans leur domaine.

Le sénateur Joyal : Ma prochaine question concerne le fond du projet de loi. À la page 6 de votre mémoire, vous concluez et je cite : « Par conséquent, le cadre de réglementation canadien est déjà prêt à accueillir les dispositions proposées dans le projet de loi S-9. »

Le projet de loi crée deux principales infractions : la possession et l'utilisation d'un dispositif radioactif pour commettre un acte contre une installation nucléaire. Le projet de loi ne prévoit pas de sanctions contre quelqu'un qui tenterait de fabriquer une bombe sale ou une bombe utilisant des matières nucléaires ou capable de causer des dommages à l'aide de matières radioactives.

Ne pensez-vous pas qu'il faudrait reconnaître, dans le projet de loi, que quelqu'un pourrait essayer de mettre au point ce genre de bombe et que cela devrait être puni? Le gouvernement canadien ne devrait-il pas faire comprendre que quiconque essaierait de faire cela serait coupable d'un acte criminel?

M. Jamieson : Les dispositions de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires permettent de poursuivre les infractions à la réglementation. L'une d'elles vise la tentative d'acquisition de matière nucléaire pour fabriquer une bombe ou une autre arme telle qu'une arme sale. Ces infractions sont punissables de diverses peines d'emprisonnement d'une durée pouvant aller jusqu'à 10 ans environ.

Le sénateur Joyal : Cela s'applique aux infractions à la réglementation, mais ce n'est pas dans le Code criminel comme tel, n'est-ce pas?

M. Jamieson : Pour ce qui est du Code criminel, il faudrait que je renvoie ces questions à Justice Canada, mais si vous voulez une réponse immédiate, je peux demander à Mme Lisa Thiele de vous répondre.

Le sénateur Joyal : Vous connaissez le rapport Belfer, que je n'ai pas sous les yeux. Il a été publié en mai 2011 par un groupe d'experts des États-Unis et de la Russie. Ils ont conclu, dans une de leurs analyses approfondies, que c'est un élément important de la prévention du terrorisme nucléaire. Comme la tentative d'exportation vers l'Iran de dispositifs nucléaires se prêtant à un double usage, nous l'a démontré, par exemple, cette possibilité existe. Ce n'est pas un scénario de science-fiction.

Il est très important de reconnaître ce risque dans le Code criminel autant que dans le projet de loi S-9, que j'appuie sans hésiter. Le projet de loi devrait mentionner cet élément précis, car les experts voient là un risque réel au sujet duquel ils ont fait des recommandations énergiques.

Je m'adresse aussi aux représentants de Transports Canada, car cela les intéresse également. Le projet de loi devrait faire clairement et expressément allusion à ce genre d'infractions au même titre que la possession ou l'utilisation de matières nucléaires. La fabrication d'une bombe est un risque dont tout responsable des matières nucléaires devrait se soucier.

M. Jamieson : Le CCSN est certainement d'avis que l'adoption de ces dispositions contribuerait à renforcer le régime international pour la suppression des actes de terrorisme nucléaire. Je suis d'accord avec vous, monsieur.

Le sénateur Joyal : J'ai abordé la question avec des collègues qui m'ont dit que ce n'est pas reconnu comme tel dans la convention que nous mettons en œuvre au moyen de ce projet de loi. Comme je l'ai dit, ce projet de loi est tout à fait le bienvenu et aurait dû être adopté depuis un certain temps.

Toutefois, le danger semble bien réel. Nous savons que quelqu'un a essayé d'exporter des engins vers l'Iran. Un expert aurait pu s'en servir pour fabriquer une bombe avec des matières nucléaires. Vous devez vous en préoccuper étant donné que cela entre dans vos responsabilités. Si quelque chose arrivait, vous seriez certainement la première personne à qui des questions seraient posées. Où ont-ils obtenu les matières? Comment ont-ils pu le faire sans que personne ne s'en aperçoive?

M. Jamieson : C'est certainement une question qui préoccupe la Commission canadienne de sûreté nucléaire. L'organisation mise en place à l'échelle mondiale pour la détection et la prévention de ce genre d'incidents est très importante et très approfondie. Nous travaillons régulièrement avec nos partenaires internationaux et nationaux pour atteindre les objectifs dont vous parlez.

Le sénateur Joyal : Quelles relations entretenez-vous avec les États-Unis pour coordonner vos efforts de façon à ce que le niveau de protection prévu dans nos lois soit comparable au leur?

M. Jamieson : Nous travaillons en collaboration très étroite avec nos partenaires des États-Unis. En raison de la longue frontière que nous partageons, cette coopération revêt une importance vitale pour le Canada comme pour les États-Unis. Nous avons conclu un certain nombre d'ententes bilatérales et multilatérales pour faciliter cette coopération. Nous travaillons quotidiennement avec les autorités de la Commission de réglementation de l'énergie nucléaire des États-Unis, par exemple.

Le sénateur Joyal : Je vais être plus précis. Si un incident se produisait au Canada, les en informeriez-vous, par exemple, si c'est un incident comme celui avec l'Iran? Je suppose que si cela arrive au Canada, cela peut également arriver aux États-Unis. C'est important si la personne en question opère au sein d'un réseau. Les États-Unis pourraient obtenir, de leur côté de la frontière, des renseignements qui pourraient être utiles au Canada pour poursuivre l'intéressé en ayant un tableau complet de la situation.

Avez-vous des protocoles ou des ententes de ce genre? Si c'est le cas, pouvez-vous nous en parler?

M. Jamieson : Oui, il y a effectivement de nombreux protocoles qui permettent et même exigent une notification de la part des États-Unis et de nous-mêmes en cas d'incident touchant la sécurité ou d'accident dans une installation nucléaire.

Vous avez fait allusion à Yadegari, qui a été poursuivi en 2010. Yadegari a cherché, au départ, à se procurer les transducteurs de pression aux États-Unis. Le Canada a été alerté de cette première tentative par l'Agence des services frontaliers du Canada et cela a activé le système international pour empêcher d'autres tentatives de la part de cette personne.

[Français]

Le président : Je passe la parole au sénateur Boisvenu, nous lui souhaitons la bienvenue parmi nous chaleureusement.

Le sénateur Boisvenu : Merci, monsieur le président; merci à nos invités. Un article du projet de loi m'intéresse et j'aimerais avoir des précisions à son sujet; il s'agit de l'article 82.7, où on dit que les articles 82.3 et 82.6 ne s'appliquent pas à l'acte commis au cours d'un conflit armé.

Le Canada et les États-Unis se sont engagés dans un conflit armé en Irak. Nous vivons les suites, en quelque sorte, de ce conflit suite au départ de Saddam Hussein. En quoi l'individu qui a tenté de transférer des produits nucléaires en Iran est-il touché par ce projet de loi si on exclut les conflits armés?

[Traduction]

M. Jamieson : Premièrement, je précise que ce que M. Yadegari a cherché à exporter vers l'Iran n'était pas du matériel nucléaire selon la stricte définition du terme. Les transducteurs à pression entrent dans une catégorie de matériel dit à double usage, car il peut être utilisé de la façon habituelle ou pour l'enrichissement de l'uranium. Le matériel à double usage est donc soumis à un contrôle rigoureux.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je pourrais vous poser la question différemment. Dans le cadre d'un conflit armé, un individu qui se procurerait des produits radioactifs au Canada et qui tenterait de les envoyer dans ce pays où il y a un conflit bénéficierait-il de cette mesure d'exclusion ou non?

Raoul Awad, directeur général, Direction de la sécurité et des garanties, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Tout ce qui est export de sources radioactives ou de matériel nucléaire est sujet à notre approbation par l'octroi d'un permis d'exportation. Quand y a un conflit dans un pays, pour envoyer du matériel, il faut avoir une licence ou un permis d'exportation. Ces permis d'exportation, normalement, sont reliés à l'utilisation; il faut donc des assurances d'utilisation à des fins pacifiques.

Pour exporter du matériel radioactif ou des sources radioactives, il faut une entente, que l'on appelle Nuclear Cooperation Agreement, entre les deux pays; c'est la garantie que c'est uniquement pour une utilisation à des fins pacifiques.

Le sénateur Boisvenu : J'ai une sous-question. L'individu qui ferait transiter ces produits vers un pays en conflit ne serait pas poursuivi en fonction de cette loi-là mais en fonction d'un autre règlement, c'est bien cela?

M. Awad : C'est une question hypothétique parce que l'exportation à partir du Canada ne peut pas se faire dans ce cas.

Le sénateur Boisvenu : Aujourd'hui, est-ce un geste criminel?

M. Awad : Si on n'a pas un arrangement pour les sources radioactives, c'est considéré comme un acte contraire aux règlements du Contrôle à l'exportation.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que c'est un acte de terrorisme?

M. Awad : Non, selon la Loi sur la sûreté nucléaire, c'est un délit ou c'est une non-conformité avec notre règlement.

Le sénateur Boisvenu : Cette exclusion affaiblit-elle, en quelque sorte, le projet de loi?

M. Awad : Vous parlez de l'exclusion miliaire?

Le sénateur Boisvenu : Oui.

M. Awad : Dans les deux conventions, l'exclusion militaire existe; il ne s'agit pas seulement du Canada.

Le sénateur Boisvenu : Le Canada exporte des réacteurs CANDU, comme vous le savez sûrement; dans le cadre de la vente de ces réacteurs dans des pays étrangers, cette loi va-t-elle s'appliquer également? Dans le sens qu'on aura, entre guillemets, les mêmes contrôles si, dans le fond, le réacteur sert à des fins militaires. Est-ce que ma question est assez claire?

M. Awad : Oui. L'exportation de la technologie nucléaire au Canada est sujette aux Accords de coopération nucléaire. Je vous donne l'exemple de la Corée du Sud ou de la Chine, avant l'exportation des réacteurs CANDU, un accord a été conclu entre les deux pays. Il s'agit des Accords de coopération nucléaire. Il s'agit d'un document à trois niveaux. Dans ce document, il y a des assurances pour une utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. On le fait avec l'AIEA qui implante des mesures de garantie dans le pays important la technologie nucléaire du Canada.

Le sénateur Boisvenu : Merci.

Le sénateur Dallaire : Le Pakistan n'a pas respecté les règlements et a utilisé du matériel nucléaire pour fabriquer des armes. De quelle manière nous assurons-nous que les pays acquéreurs ne se servent pas du matériel nucléaire vendu par le Canada pour fabriquer des armes?

M. Awad : Depuis cet incident, la politique d'exportation du Canada a complètement changé. À partir de ce moment, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires au Canada a été implanté par la CCSN. Aucune exportation ne s'effectue sans un accord et des garanties d'utilisation pacifique du matériel nucléaire.

Le sénateur Dallaire : Quelle méthodologie applique-t-on pour faire le suivi?

M. Awad : Il s'agit d'une méthode en deux parties. Premièrement, l'équipement et les installations sont sous la garde de l'Agence internationale de l'énergie atomique. L'AIEA doit faire des inspections. Deuxièmement, nous, nous faisons le suivi de toutes les quantités de matériel nucléaire. Nous faisons une réconciliation annuelle de ce qui a été utilisé, de ce qui a été exporté et ainsi de suite. On fait le suivi au complet.

[Traduction]

Le sénateur Dallaire : L'AIE est-elle chargée de veiller à ce que la matière fissile produite par les réacteurs que nous avons fournis ou vendus à ces pays est également en sécurité?

M. Awad : Exactement. L'AIE se charge de l'inspection et de la vérification des rapports. Pour le combustible épuisé, par exemple, selon le taux de combustion, nous savons exactement quelle quantité de matière nucléaire un pays devrait avoir en sa possession. Nous recevons un rapport de ce pays et nous vérifions s'il concorde avec nos chiffres.

Le sénateur Dallaire : Parlons de l'évaluation de la menace. Vous avez déclaré, avec beaucoup d'assurance, que vous avez la situation en main sur le plan de la sécurité et que ce projet de loi n'exige pas qu'on y consacre des ressources supplémentaires. Les dispositions en place permettent de répondre à la menace actuelle. Cependant, divers groupes, et même certains groupes environnementaux, font entendre un peu partout, et même avec insistance, que l'énergie nucléaire est une énergie propre et que nous devrions construire toute une série de centrales nucléaires. Dans quelle mesure pouvez-vous gérer non seulement un plus grand nombre de centrales, mais une plus grande quantité de matière fissile et assurer leur sécurité à long terme? Si nous assistons à un mouvement contre les centrales nucléaires, dans quelle mesure pourrez-vous faire face à ce genre de menace, qui pourrait même aller jusqu'à une attaque contre une installation?

M. Jamieson : Je crois que votre question comprend deux parties dont l'une porte sur la capacité organisationnelle de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. J'ai le plaisir de dire qu'avec un effectif d'environ 840 employés, nous avons suffisamment de ressources pour nos activités actuelles et pour l'expansion prévue de l'industrie nucléaire au Canada, particulièrement en ce qui concerne notre Direction de la sécurité et des garanties dirigée par M. Awad. Nous avons une soixantaine de professionnels de la sécurité qui travaillent à temps plein et auxquels s'ajoute notre personnel d'inspection qui travaille sur place.

Pour ce qui est de l'élargissement des activités du mouvement écologiste, la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires prévoit un certain nombre de mécanismes. Nous pouvons émettre des ordonnances contre les personnes qui cherchent à barricader l'accès à une centrale ou à nuire au fonctionnement sécuritaire d'une centrale. Nous envoyons simplement la police locale dégager les routes et veiller à ce que toute action du mouvement écologiste ne puisse jamais compromettre le fonctionnement sécuritaire d'une des installations que nous réglementons.

Le sénateur Dallaire : Pour revenir aux matières fissiles, vous avez parlé de forces de sécurité armées, et cetera. Avez- vous une force d'intervention armée à l'intérieur de vos différentes centrales?

M. Jamieson : Oui. Chacune des centrales nucléaires et l'installation de Chalk River ont des forces d'intervention armées. Ce sont des personnes bien entraînées et spécialement équipées, par exemple de carabines, de fusils et d'autres équipements tactiques pour gérer toute menace contre une de ces installations.

Le sénateur Dallaire : Combien en avez-vous?

M. Jamieson : Ils font partie du personnel non pas de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, mais des titulaires de permis. Je vais demander à M. Awad de vous donner un exemple de l'effectif présent dans une installation.

M. Awad : Cela dépend de la façon dont le site est organisé. Il y a suffisamment de gardes de sécurité pour garantir la sécurité du site.

Le sénateur Dallaire : Engagez-vous des entreprises de sécurité armées pour faire ce genre de travail ou est-ce du personnel détaché de la GRC? Comment sélectionne-t-on et forme-t-on ces personnes pour s'assurer qu'elles n'ont pas été infiltrées par une organisation terroriste? Je sais qu'il est dit dans la documentation que vous faites les vérifications de police habituelles, mais les scouts aussi. Ce n'est pas suffisant. Que faites-vous?

M. Jamieson : Les forces d'intervention sur place font partie du personnel du titulaire de permis et non pas d'entreprises de sécurité de l'extérieur, pour répondre à votre question.

Ce sont des personnes bien entraînées. Nous avons des instruments de réglementation tels que le projet de loi S-298 qui régit les exigences auxquelles chacun de ces agents de sécurité nucléaire doit répondre sur le plan médical, psychologique et physique. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, ce sont des personnes bien formées et bien entraînées. Les équipes de Bruce Power ou Hydro-Québec remportent régulièrement les compétitions nord-américaines. C'est du personnel bien formé, très bien équipé et très bien entraîné.

Le sénateur Dallaire : Combien de fois par année ces agents s'entraînent-ils à tirer avec leurs armes?

M. Jamieson : Un calendrier d'exercice est établi pour chacun des sites. Je crois que le personnel doit se requalifier tous les trois à six mois pour les deux types d'armes, les armes d'épaule et les armes de poing.

Le sénateur Dallaire : Pouvez-vous nous le confirmer?

M. Jamieson : Nous nous engageons à vous le confirmer.

Le sénateur Dallaire : Pour ce qui est des matières fissiles, compte tenu de la capacité accrue de nos centrales qui se dirigent de plus en plus dans cette voie, quelle est l'évolution de la sécurité des matières fissiles? Il y a la question environnementale, mais il y a forcément aussi vos installations où vous gardez des matières fissiles. Avez-vous l'intention de construire une capacité de stockage supplémentaire?

M. Jamieson : À l'heure actuelle, le combustible épuisé provenant des réacteurs CANDU est stocké dans des bassins d'eau en dessous du niveau du sol pendant une certaine période de refroidissement, et il est ensuite stocké dans des conteneurs en surface. La capacité de stockage sur place est suffisante pour les prochaines décennies, mais dans le cadre d'une initiative nationale, la Société de gestion des déchets nucléaires est en train d'établir quelles sont les collectivités qui seraient prêtes à accueillir un site de stockage national du combustible nucléaire épuisé.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Mes dernières questions concernent le transport de ces matériaux entre les différentes organisations, les hôpitaux, les centres de recherche, et cetera. Ces instruments de transports sont-ils suivis par des forces armées? Avez-vous une analyse de la menace avant de faire le transport de ces matériaux?

Mme Dagenais : La Loi sur le transport des marchandises dangereuses dit qu'il faut classifier le produit et le mettre dans le bon contenant. Il faut l'étiqueter et c'est transporté de cette façon, mais rien ne fait en sorte que ce soit transporté de façon armée ou d'autres mesures sécuritaires. Peut-être que la CCSN le fait.

Le président : Est-ce que l'itinéraire est planifié à l'avance? Est-ce que les forces policières ou de sécurité de la région en sont averties?

Le sénateur Joyal : Comme c'est arrivé dans le fleuve Saint-Laurent.

Le président : Comme on a fait dans le fleuve Saint-Laurent pour le fameux transport des déchets, par exemple.

[Traduction]

M. Jamieson : Je vais commencer par parler du transport de l'uranium hautement enrichi, qui est la plus protégée de nos expéditions.

Il y a des gardes armées le long de la route. L'itinéraire est planifié à l'avance et les forces de sécurité locales participent à tous les aspects du transport.

Le sénateur Dallaire : C'est bien, mais qui fait l'évaluation de la menace et qui a la responsabilité ultime d'analyser cette évaluation de la menace et de répondre aux besoins en matière de sécurité?

M. Jamieson : J'en reviens à une de vos observations de tout à l'heure au sujet de l'évaluation de la menace. La Commission canadienne de sûreté nucléaire travaille en collaboration avec ses partenaires du SCRS et du Centre intégré d'évaluation des menaces. Notre menace de référence est mise à jour tous les trois à cinq ans en fonction de l'évolution de la menace déterminée par le SCRS. Cela tient compte de l'éventail complet de menaces, y compris les organisations terroristes nationales, la menace dite interne, et cetera.

Le sénateur Tkachuk : Je voudrais faire suite à la question précédente concernant la supervision des installations nucléaires.

Je suppose que vous travaillez avec le SCRS, Sécurité publique Canada, la GRC et peut-être d'autres organismes pour superviser les centrales nucléaires. Avez-vous des protocoles ou des ententes? Tenez-vous des réunions ensemble? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Jamieson : La CCSN travaille avec un certain nombre d'autres organismes gouvernementaux. Sécurité publique Canada en fait partie. Il y a aussi Santé Canada, Environnement Canada, Transports Canada et le ministère des Pêches et des Océans. Nous avons des protocoles d'entente avec la plupart de ces organismes. Nous essayons au maximum d'harmoniser nos activités afin d'éviter le dédoublement des efforts que doivent fournir nos titulaires de permis.

Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il des facteurs qui dissuadent de coopérer, ou avez-vous des problèmes qui ne sont pas encore résolus?

M. Jamieson : Je dirais qu'il n'y a pas de facteurs de dissuasion importants. Nous travaillons en collaboration assez étroite et de façon presque harmonieuse avec nos partenaires fédéraux.

Le président : Je suppose quand dans le cadre de votre coopération avec ces autres organismes, vous faites parfois des exercices de formation pour vous assurer que vos partenaires travaillent avec une rapidité et une intensité correspondant à vos propres normes très élevées.

M. Jamieson : Absolument; la Commission canadienne de sûreté nucléaire participe certainement à tous les exercices au niveau du gouvernement. Nous avons aussi un certain nombre d'exercices propres à certains secteurs. Le plus récent était un exercice RadEx qui a eu lieu à Toronto pour vérifier la capacité des forces locales de Toronto de faire face à un incident radiologique. Santé Canada, la CCSN et nos autres partenaires fédéraux étaient là pour s'assurer de la bonne coordination de tous les aspects des interventions.

Le sénateur Day : Je vais commencer par une question de forme, mais je voudrais souligner que, si j'ai bien compris, le projet de loi S-9 crée surtout quatre nouvelles infractions au Code criminel, à part quelques changements de définitions. C'est souligné à l'article 2 par le titre « Code criminel » et au paragraphe 2(2) qui indique que l'article 2 du Code criminel est modifié.

Tout cela est clair. Nous comprenons où cette loi cherche à diriger celui qui l'interprète et qui la lit. Néanmoins, dans le reste de la version anglaise du projet de loi S-9, comme vous pouvez le voir au paragraphe (2), il est seulement question de la loi. De quelle loi parlons-nous? C'est ce qui m'a inquiété quand j'ai lu le texte. S'il est question du Code criminel au paragraphe 2(1), le paragraphe 2(2) fait allusion à une autre loi que le Code criminel, mais je crois qu'il s'agit bien du Code criminel.

Est-ce également ce que vous comprenez?

M. Jamieson : Je ne suis pas la personne la mieux placée pour en parler. Vous devriez poser cette question au ministère de la Justice.

Le sénateur Day : Pourrions-nous vérifier? Au mieux, cela suscite la confusion, au pire, je ne comprends pas ce que cela veut dire.

Le président : Au pire, c'est vague. Nous allons demander au ministère de la Justice de clarifier cela pour vous, sénateur Day.

Le sénateur Day : Merci. Cela serait utile.

Le sénateur Joyal : Je vais essayer de vous proposer une réponse. Si vous avez la loi sous les yeux et que vous lisez l'article 2, il s'intitule « Code criminel ».

Le sénateur Day : Je le vois.

Le sénateur Joyal : Si c'est le Code criminel, cela se rapporte au Code criminel. L'intention pourrait viser une autre loi, mais le titre est assez clair. Cela figure sous le titre de cet article qui est « Code criminel ». Si le paragraphe 2(2) se rapporte à la même loi, cela veut dire que cette loi est le Code criminel.

Le sénateur Day : J'avais tendance à l'interpréter ainsi, mais j'ai appris que lorsqu'on utilise une terminologie différente, cela désigne des choses différentes. Il est question du « Code criminel » au paragraphe 2(1) et de la loi au paragraphe 2(2).

Le président : Très bien. Nous allons faire préciser cela.

Le sénateur Day : Deuxièmement, monsieur Jamieson, pouvez-vous m'éclairer en ce qui concerne le Bureau de la protection des infrastructures essentielles et le rôle que vous jouez? Cela fait-il double emploi ou coordonnez-vous vos efforts? Prenons une centrale nucléaire qui représente une infrastructure essentielle au Nouveau-Brunswick, celle de Point Lepreau. Quel rôle votre Commission de sûreté nucléaire joue-t-elle en collaboration avec le Bureau de la protection des infrastructures essentielles?

M. Jamieson : Nous travaillons avec Sécurité publique Canada et Ressources naturelles Canada sur le dossier de la protection des infrastructures essentielles. Nous analysons la menace et nous établissons la menace de référence de façon à établir les exigences en ce qui concerne la protection physique de ces installations.

Le sénateur Day : Vous avez décrit les exercices au sénateur Dallaire. Faites-vous ces exercices avec le personnel du Bureau de la protection des infrastructures essentielles? Ce bureau se charge-t-il de ses propres tests, de la protection et de la prévision des problèmes potentiels?

M. Jamieson : Nous faisons des exercices avec nos titulaires de permis pour les installations importantes. Nous participons aussi aux exercices plus vastes qui concernent plus qu'une centrale nucléaire ou une installation nucléaire particulière. Nous travaillons en collaboration étroite avec ce bureau pour tous les exercices relevant de notre mandat.

Le sénateur Day : Cette question est sur le même sujet. Je veux être certain qu'il y a suffisamment de contacts entre les différentes entités chargées d'assurer la sécurité des infrastructures essentielles du point de vue nucléaire et qu'il ne s'agit pas de deux solitudes. Voilà ce que je cherche à établir.

M. Jamieson : Absolument. Il n'y a pas de lacune et pas de cloisonnement. Nous travaillons en collaboration étroite avec nos partenaires, et cela depuis le début de notre programme de protection physique.

Le sénateur Dallaire : J'ai une question supplémentaire. Avez-vous un inspecteur général ayant pleins pouvoirs pour examiner le niveau de capacité des forces de sécurité, qui elles engagent, quelles sont leurs aptitudes, les normes, la formation, et cetera, et qui possède l'autorité suprême? Ces centrales appartiennent aux provinces. Exercez-vous un pouvoir suprême, comme celui qu'aurait un inspecteur général, pour exiger des comptes et insister pour que les changements requis soient apportés, même si c'est avec l'argent de la province et sous sa direction?

M. Jamieson : Nous avons ce pouvoir et il réside à de nombreux niveaux de l'organisation. Notre commission pourrait ordonner la fermeture d'une centrale si nous estimions que les mesures de sécurité en place n'étaient pas suffisantes. Nous avons aussi un chef de la réglementation des opérations qui est notre vice-président exécutif. Il est responsable de toutes les questions de sécurité. Je suis directement chargé de la sécurité avec M. Awad. Notre président, Michael Binder, pourrait prendre des mesures si c'était nécessaire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question va dans le même sens que celle du sénateur Dallaire. La loi a deux volets. Il y a le volet « criminalisation de l'acte terrorisme » mais il y a aussi le volet « environnement ». On sait que l'environnement est principalement de juridiction provinciale. Pour ce qui est du transport, lorsque c'est réglementé, est-ce que ça touche le secteur interprovincial ou interfrontalier avec les États-Unis ou est-ce exclusivement à l'intérieur d'une province?

Mme Dagenais : La loi s'applique entre les provinces.

Le sénateur Boisvenu : Donc dans le cas d'un transport à l'intérieur du Québec ou de l'Ontario, est-ce que c'est de juridiction fédérale ou provinciale?

Mme Dagenais : C'est de juridiction fédérale aux niveaux ferroviaire, aérien et maritime, et c'est en partie de juridiction provinciale au niveau du transport routier, sauf que les provinces et territoires adoptent la Loi sur le transport des marchandises dangereuses fédérale dans leur législation provinciale, avec notre réglementation. C'est donc totalement harmonisé.

Le sénateur Boisvenu : Cela aura donc un impact sur les activités à l'intérieur des provinces. Est-ce qu'il y a une étude sur le coût de l'application du projet de loi?

Mme Dagenais : Je ne suis pas au courant de cela.

[Traduction]

M. Jamieson : Je voudrais demander à M. Jason Cameron de dire quelques mots.

Jason K. Cameron, directeur général, Direction de la planification stratégique, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Au Canada, les activités nucléaires sont du ressort exclusif du gouvernement fédéral. Pour ce qui est des coûts supplémentaires imposés aux provinces, ils ne sont pas décrits dans les dispositions dont nous discutons aujourd'hui.

Comme je l'ai dit, la réglementation du nucléaire est du ressort exclusif du gouvernement fédéral.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Jamieson, j'ai peut-être mal compris la traduction, mais dans votre présentation, à la page 5, troisième paragraphe, vous dites :

Si le projet de loi S-9 est adopté et que le Canada ratifie la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, rien de plus ne devra être accompli pour faire appliquer les mesures.

Vous rajoutez un peu plus loin :

[...] car ces mesures sont en place depuis des années.

J'aimerais que vous nous expliquiez cette phrase « rien de plus ne devra être accompli avec le projet de loi ».

[Traduction]

M. Jamieson : Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le Canada a participé à l'élaboration des modifications à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Nous sommes donc au courant des nouvelles exigences. Depuis 2006, nous les avons intégrées dans notre réglementation de la sûreté nucléaire et nous en avons donc fait des exigences pour nos titulaires de permis. Ces derniers ont déjà mis en place toutes ces mesures de protection physique. Ils n'auront pas à faire d'efforts supplémentaires si le Canada ratifie les deux instruments.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous dites que ces mesures étaient déjà en place depuis des années, mais que vous les avez modifiées quand même?

[Traduction]

M. Jamieson : Certaines mesures physiques sont en place depuis les événements du 11 septembre, depuis plus de 10 ans.

Le sénateur Joyal : Monsieur Jamieson, j'aimerais revenir au rapport Belfer. Je crois que M. Cameron connaît probablement la teneur de ce rapport. Je ne vous cible pas, mais comme vous êtes chargé de la Direction générale de la planification stratégique, je crois que vous devez connaître la teneur de ce document. Je vois qu'on vous le fait passer. Je me reporte à la page 18, monsieur le président, et nous pourrions peut-être faire distribuer un exemplaire de ce rapport aux membres du comité pour une utilisation ultérieure.

[Français]

Le président : Sénateur Joyal, je crois que ces documents ont été distribués dans les deux langues il y a une semaine.

Le sénateur Joyal : Merci.

[Traduction]

Je vais lire ce qui figure à la page 18, car ce sont des renseignements que les membres du comité devraient connaître. Je voudrais savoir ce que vous en pensez, car vous dites que tout va très bien maintenant et que nous sommes bien protégés. Toutefois, je ne suis pas convaincu que nous sommes conscients de ce qui plane au-dessus de nos têtes. Ce paragraphe le résume bien en une courte phrase. On peut lire :

Au total, les stocks mondiaux d'uranium hautement enrichi et de plutonium s'élèvent, séparément du combustible épuisé, à près de 2 000 tonnes métriques. Cette matière nucléaire qui peut servir à fabriquer des armes se trouve dans des centaines de bâtiments répartis dans une trentaine de pays, dans des conditions de sécurité qui vont d'excellentes à pitoyables.

L'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, a enregistré 20 cas de vol ou de perte d'UHE ou de plutonium qui ont été confirmés par les États concernés et on sait qu'il y a eu d'autres cas. Ce qu'on ignore, c'est combien de cas n'ont pas été décelés ou quelle quantité de matière volée se trouve toujours en dehors du contrôle de l'État. Le vol de matière nucléaire utilisable pour fabriquer des armes n'est donc pas une crainte hypothétique, mais une réalité.

Apparemment, les experts russes et américains qui ont étudié la situation au niveau international ont conclu que la plupart de ces 30 États ne prennent pas les mesures voulues pour faire face au fait que ces matières sont entre les mains de pays que nous pouvons pour le moins qualifier de « moyennement fiables ». Il est certain que les groupes terroristes ou ceux qui voudraient voler des matières nucléaires ou radioactives ont un champ d'opération qui n'est pas aussi contrôlé qu'on aimerait le croire.

Selon les experts qui ont examiné la situation, les systèmes sont laxistes dans la plupart des cas. Le rapport demande aux dirigeants internationaux de prendre des mesures pour resserrer leurs systèmes et mieux évaluer les risques. Que fait le Canada pour mieux se protéger dans le genre de situations que les auteurs ont décrit?

M. Jamieson : Je tiens à assurer au comité qu'il n'y a jamais eu de vol de matières fissiles au Canada.

La situation à l'étranger dont vous parlez préoccupe certainement les dirigeants mondiaux. Les États-Unis jouent un rôle de premier plan en essayant de rapatrier l'UHE d'origine américaine. Dans les autres cas, ils prennent d'importantes mesures pour renforcer la sécurité de cette matière.

Il est très peu probable que ces matières pourraient revenir au Canada. Je ne peux pas entrer dans les détails, mais nous avons à nos frontières un dispositif très important pour les empêcher d'entrer au Canada.

Je vais demander à M. Cameron d'ajouter quelques mots à ce sujet.

M. Cameron : En plus de ce qu'a dit M. Jamieson, quand le ministre de la Justice a parlé de ce projet de loi au comité, il a également mentionné la priorité que les dirigeants mondiaux accordaient à la sécurisation des stocks d'uranium hautement enrichi et la discussion qui a eu lieu à Séoul, en Corée du Sud, il y a deux mois à peine.

Grâce au leadership manifesté par les États-Unis ainsi que les chefs d'État du monde entier qui se sont réunis récemment pour renforcer les efforts visant à sécuriser ces stocks, nous portons beaucoup d'attention à ce problème. Ce projet de loi démontre également le leadership du Canada sur ce front.

M. Jamieson : Le Canada joue un rôle de premier plan dans de nombreux domaines. Nous appuyons les tentatives que font les États-Unis pour remplacer le combustible hautement enrichi par du combustible faiblement enrichi dans les réacteurs de recherche. Également, les experts canadiens de la Commission canadienne de sûreté nucléaire font régulièrement partie des groupes du Service consultatif international sur la protection physique que l'Agence internationale de l'énergie atomique envoie dans les pays pour les aider à améliorer la protection physique de toutes leurs matières nucléaires, y compris les matières fissiles.

Le sénateur Joyal : La principale menace que je puisse envisager à l'égard de l'Iran n'est pas que ce pays arrive à un taux d'enrichissement de l'uranium de 90 p. 100, mais qu'il importe des matières lui permettant de fabriquer une bombe nucléaire. Je suis certain que l'Iran a commencé par essayer d'obtenir ces matières là où elles étaient déjà disponibles au lieu d'essayer d'enrichir lui-même de l'uranium pour pouvoir faire une bombe. Il semble que ce soit un élément important de la situation globale d'un pays comme l'Iran qui pose une véritable menace dans cette région du monde.

M. Jamieson : Je suis d'accord. Le fait que l'Iran a dû se résoudre à produire de l'uranium enrichi par ses propres moyens témoigne de l'efficacité du système international.

Le sénateur Joyal : Toutefois, comme l'a mentionné le sénateur Dallaire, nous avons toujours la situation du Pakistan. J'ai l'impression que nous avons eu tendance à nous en tenir au statu quo et à attendre que les problèmes se présentent. Nous cherchons davantage à faire face aux imprévus qu'à prévoir. Je suis sûr que vous pouvez faire la distinction entre ces deux concepts. L'un consiste à appliquer la réglementation telle qu'elle est; l'autre à essayer de prévoir ce qui pourrait se produire.

Il semble que ce soit l'une des principales recommandations du rapport Belfer. En fait, c'est sa dernière recommandation qui est libellée ainsi :

Il faut exploiter ce qu'Exoneration et les autres discours nous apprennent sur la réflexion stratégique et opérationnelle d'Al-Qaïda pour nous préparer aux futures attaques terroristes. Les stratégies antiterroristes dépendent trop souvent des tendances actuelles qui influent sur le statut et les activités d'Al-Qaïda. Cela nous condamne à nous laisser prendre par surprise, une fois de plus.

On nous recommande d'adopter une approche stratégique face à la menace qui plane au-desssus de nos têtes avec ces 30 pays qui possèdent des matières nucléaires, en plus des États-Unis et de la Russie. Certains d'entre eux ne sont peut-être pas aussi fiables que les États-Unis pour ce qui est de gérer le problème.

Quelles améliorations supplémentaires devons-nous apporter au contrôle des matières nucléaires, fissiles et radioactives? Parfois, nous centrons trop notre attention sur les matières nucléaires, et pas assez sur les matières radioactives qui pourraient servir à fabriquer des bombes tout aussi destructives. J'ai l'impression que, dans une certaine mesure, nous ne prenons toujours pas assez au sérieux ce qui sous-tend ce rapport.

M. Jamieson : Je reconnais que la menace évolue constamment, mais c'est pourquoi la CCSN travaille presque quotidiennement avec ses partenaires du renseignement pour être informée de la nature de la menace.

Le sénateur Joyal : Monsieur Awad, désirez-vous ajouter quelque chose?

M. Awad : Nous travaillons avec des comités internationaux, par l'entremise des Affaires étrangères, pour apporter la formation et tout le soutien nécessaires, surtout avec l'Initiative mondiale de lutte contre le terrorisme nucléaire à laquelle participent les États-Unis et la Russie. Ce rapport a été présenté à ce groupe. Nous fournissons beaucoup de soutien technique et de formation à ces pays pour les aider à sécuriser les matières nucléaires.

Le sénateur Day : L'Agence internationale de l'énergie atomique visite les installations pour vérifier l'utilisation et la manutention de ces matières. Quelles relations la commission entretient-elle avec l'Agence internationale de l'énergie atomique? Comment l'agence internationale obtient-elle le droit d'inspecter une installation? Parlons de quelque chose qu'EACL aurait vendu par le passé et que SNC-Lavalin vendra à l'avenir. Y a-t-il la création bilatérale d'un droit que vous pouvez accorder à l'Agence internationale de l'énergie atomique ou tout se fait-il sur la base d'une convention internationale? Avant que la vente n'ait lieu, devez-vous vous assurer que le destinataire de notre réacteur CANDU a signé toutes les conventions internationales nécessaires?

M. Jamieson : Pour ce qui est de nos relations avec l'AIEA, le Canada est un État membre et a été l'un des premiers à ratifier le traité de non-prolifération. Nous siégeons à de nombreux comités à divers niveaux de l'AIEA. Nous aidons à élaborer des normes internationales de sécurité. Nous cherchons également à modeler la politique internationale en participant à l'AIEA.

Quant à la vente de produits ou de technologie nucléaires canadiens à l'étranger, comme M. Awad l'a dit tout à l'heure, aucune vente ne peut avoir lieu tant qu'un accord de coopération nucléaire n'a pas été conclu entre les deux pays. Cet accord précise que la technologie et l'équipement peuvent uniquement servir à des fins pacifiques. Nous exigeons également une entente administrative précisant en détail les mesures qui seront prises pour garantir que les biens et services canadiens seront utilisés uniquement à des fins pacifiques.

M. Awad : En vertu du régime international de non-prolifération, chaque pays conclut une entente avec l'AIEA — que certains appellent un accord de garanties étendues — en vertu duquel toute activité déclarée est inspectée par l'AIEA. Le protocole supplémentaire, que le Canada a signé et que nous invitons les autres pays à signer, permet aux inspecteurs de l'agence d'aller dans n'importe quelle région d'un pays faire une inspection sans préavis. Cela nous garantit que lorsque nous exportons notre matériel, il sert uniquement à des fins pacifiques.

Le sénateur Day : Avez-vous une politique pour vous assurer que tout est en place avant de vendre du matériel à la Chine, au Pakistan ou à la Roumanie?

M. Awad : Absolument. C'est en vertu de la politique de non-prolifération du Canada.

M. Jamieson : Pour répondre à la dernière partie de votre question, une surveillance est exercée, car ces instruments sont des conventions et des traités qui doivent être respectés. L'AIEA interviendra, et cela pourra même aller jusqu'au Conseil de sécurité des Nations Unies, si les conventions et les traités ne sont pas respectés.

Le président : Avant de donner la parole au sénateur Dallaire, pourrais-je demander à M. Awad s'il peut nous envoyer la liste des pays signataires du protocole supplémentaire dont il vient de parler?

M. Awad : Elle se trouve dans le site web de l'AIEA. Je peux vous l'envoyer.

Le président : Si c'est dans le site web, nous pouvons l'obtenir.

Avant de donner la parole au sénateur Dallaire, je voulais soulever deux questions techniques. Nous parlons de la protection physique à l'égard du transport de marchandises. Comme nous l'avons vu pour Stuxnet et à d'autres occasions, nous avons des systèmes informatiques pour protéger l'intégrité de nos centrales et de notre réseau de transport. Je n'ai pas besoin de savoir comment vous protégez ces systèmes, mais je voudrais la certitude que nous assurons activement et énergiquement la protection des systèmes informatiques qui jouent un rôle fondamental pour assurer notre sécurité nucléaire.

Ma deuxième question concerne le laboratoire Livermore, en Californie, que j'ai eu l'occasion de visiter en dehors du contexte du comité. On tenait beaucoup à nous montrer un système de gestion des risques fondé sur une analyse instantanée de ce qui arriverait au cas où une bombe sale exploserait quelque part en Amérique du Nord. Cela tenait compte de tous les facteurs touchant l'environnement, le climat, les vents, la population, la démographie et le transport et leur permettait de fournir immédiatement des conseils à leurs partenaires d'Amérique du Nord pour protéger les populations les plus exposées en cas d'incident de ce genre. Puis-je supposer que nous bénéficions pleinement de ces renseignements et d'autres sources d'information pour pouvoir réagir en cas d'incident catastrophique? C'est une question en deux parties.

M. Jamieson : Je vais commencer par la question de la menace informatique. Le Canada a été l'un des premiers pays à avoir un réacteur entièrement numérique, le réacteur de Darlington. Les mesures contre les menaces informatiques potentielles font depuis longtemps partie de notre arsenal d'outils réglementaires. Je ne peux pas trop entrer dans les détails, mais je peux vous dire que les systèmes de contrôle de ces réacteurs sont isolés d'Internet et que, dans certains cas, il n'y a même pas dans la salle de contrôle un seul ordinateur ayant accès à Internet.

En ce qui concerne la capacité prédictive dont vous parlez, nous avons accès à des outils très similaires dans le cadre d'ententes avec les États-Unis. Nous avons aussi notre propre série d'outils au sein de la CCSN. D'autre part, nous travaillons avec Santé Canada et Environnement Canada pour pouvoir faire ce genre de prédictions. Nous avons utilisé ces mêmes outils lors de l'accident de Fukushima, il y a 14 mois.

Le sénateur Dallaire : En cas de désaccord entre le gouvernement qui veut vendre des CANDU et les pressions exercées en ce sens, et votre évaluation quant au respect du traité, qui joue le rôle d'arbitre?

M. Jamieson : Je regarde du côté de M. Cameron pour voir s'il peut dire quelques mots. Malheureusement, je suis seulement un ingénieur et non pas un avocat.

Le président : Dieu merci. Cela rassure les Canadiens.

M. Cameron : Je pourrais peut-être demander au sénateur de bien vouloir me décrire le scénario une nouvelle fois. J'ai du mal à imaginer ce désaccord. Serait-ce avant une vente ou après?

Le sénateur Dallaire : Il y a beaucoup de pressions en faveur de la vente de réacteurs CANDU et il est donc possible que le gouvernement exerce des pressions sur les institutions participantes. Je tiens pour acquis que vous fournissez au gouvernement une évaluation indépendante à l'égard des traités de non-prolifération. Qui arbitrerait en cas de problème ou dites-vous que cela n'arrivera pas?

M. Cameron : Non. Il est toujours difficile de prédire l'avenir. Il faudrait que le pays en question satisfasse à toutes les exigences pour se conformer aux obligations dont M. Awad a parlé. Si le pays n'est pas en règle, la CCSN se verra peut-être obligée d'interdire l'exportation.

Le sénateur Dallaire : Je n'y vois pas d'objection, mais qu'arrive-t-il si le gouvernement canadien veut vendre le réacteur?

Le président : Il ne peut pas le faire.

Le sénateur Dallaire : Je vais tenir pour acquis qu'il ne peut pas le faire.

Le président : Si aucun permis d'exportation n'est accordé, personne ne peut vendre.

Le sénateur Dallaire : Ma femme est allée à l'hôpital. Quand nous avons traversé la frontière des États-Unis, les Américains se sont beaucoup énervés parce qu'elle portait de la matière nucléaire. Avons-nous les mêmes systèmes pour vérifier si de la matière nucléaire se trouve dans une personne à l'intérieur d'une voiture qui traverse nos frontières?

M. Jamieson : La réponse est oui. Ces systèmes fonctionnent quelle que soit la direction dans laquelle vous traversez la frontière. Comme vous l'avez constaté, ce sont des systèmes très sensibles qui détectent une quantité de rayonnement qui ne suffirait pas à créer une arme radiologique.

Le sénateur Joyal : À la page 8 du rapport, monsieur Cameron ou monsieur Awad, il est question d'un sujet que nous n'avons pas vraiment abordé cet après-midi :

Des sources radioactives qui seraient très dangereuses si elles étaient dispersées sont largement utilisées dans les hôpitaux, l'industrie et l'agriculture. Le contrôle et la comptabilisation de ces sources restent insuffisants dans pratiquement tous les pays. Par conséquent, il serait beaucoup plus facile d'obtenir de la matière radioactive pour fabriquer une bombe sale que d'obtenir l'UHE ou le plutonium nécessaire pour faire une bombe nucléaire et la fabrication de la bombe sale pose également beaucoup moins de problèmes techniques.

N'est-ce pas notre point faible lorsqu'il s'agit de protéger le Canada contre le commerce ou la livraison de matières radioactives, ou même quelqu'un, au Canada, qui fabriquerait ce genre de dispositif capable de causer la pire catastrophe imaginable?

M. Awad : Je répondrais simplement que non. Toutes ces sources radioactives utilisées dans les hôpitaux et dans l'industrie de la construction sont autorisées par la CCSN et nous les suivons à la trace. Nous avons un système national de suivi qui garde la trace de toutes les sources radioactives.

Le sénateur Joyal : Qu'entendez-vous par « garder la trace »? Je peux comprendre qu'une centrale nucléaire et des matières nucléaires peuvent être bien protégées par la police, et cetera, mais quand vous dispersez ces matières dans un grand nombre d'hôpitaux, de sites industriels et de sites agricoles, il faut multiplier les moyens de surveiller simplement que les matières restent bien là et qu'elles sont bien gardées. Je ne vois pas vraiment comment vous pouvez surveiller tout cela, en pratique.

M. Awad : Nous inspectons régulièrement les endroits où se trouvent ces sources radioactives et nous sommes convaincus qu'elles sont entre de bonnes mains. Les exigences relatives à la sécurité de ces sources radioactives sont rigoureuses. Selon le risque qu'elles représentent, cela peut aller d'un cadenas à une entente avec la police locale en passant par un système d'alarme très complexe. Cela dépend du risque; nous inspectons régulièrement tous les endroits où se trouvent ces matières.

M. Jamieson : Nos permis exigent aussi qu'on nous déclare les pertes ou vols de sources radioactives et nous devons les déclarer à notre tour à l'Agence internationale de l'énergie atomique. Le Canada aide aussi à mettre sous clé certaines de ces sources qui sont à l'étranger et à les rapatrier lorsqu'elles deviennent orphelines ou sont retirées du service.

Le sénateur Joyal : Qui surveille les personnes qui ont accès à ces sources, à tous les niveaux?

M. Jamieson : C'est surveillé par notre personnel. Nous inspectons aussi les mesures de sécurité qui ont été mises en place. Pour certaines sources plus petites, mais qui posent quand même un risque important, nous exigeons des cages verrouillées séparées, avec un système d'alarme et une entente pour que la police locale intervienne si l'alarme est déclenchée.

Le sénateur Joyal : Dois-je comprendre que lorsqu'on décide d'embaucher quelqu'un, la personne en question doit se soumettre à une vérification de sécurité que vous faites vous-mêmes?

M. Awad : Nous ne surveillons pas la totalité de nos titulaires de permis, par exemple, les petits titulaires comme les entreprises de construction. Nous faisons quelques inspections et nous vérifions les antécédents. Quiconque peut manipuler des sources radioactives doit faire l'objet d'une vérification de ses antécédents. Nous avons près de 2 500 titulaires de permis pour des petites quantités de sources radioactives ou des sources à faible niveau de risque. Nous faisons des inspections au hasard pour nous assurer du respect des exigences en matière de sécurité pour les sources radioactives à très faible niveau.

Le sénateur Joyal : Je m'inquiète surtout du personnel qui a accès à ces matières. Je ne doute pas que vous exerciez un contrôle serré sur les vérifications de sécurité et pour vous assurer que les mesures de sécurité sont bien prises pour éviter les incidents. Je m'inquiète surtout du personnel. Si quelqu'un voulait utiliser ces matières, ce serait sans doute une personne qui n'éveillerait aucun soupçon. Il n'y aurait pas de vol par effraction. Ce serait probablement fait par quelqu'un qui, en théorie, poserait peu de risque sur le plan de la sécurité. À mon avis, c'est là que se trouve le maillon le plus faible de la gestion de la sécurité de ces matières.

M. Awad : Le personnel qui a accès aux sources radioactives a fait obligatoirement l'objet d'une vérification de ses antécédents et a obtenu une habilitation de sécurité. Notre système d'habilitation de sécurité fonctionne très bien. Nous soumettons tous ces exploitants à des vérifications d'antécédents très approfondies.

Le sénateur Joyal : J'apprécie votre réponse, mais je vous dirai ce qu'on m'a dit un jour à l'église : Vous devez croire aux nombreuses affirmations qui ont été faites autour de cette table cet après-midi pour des raisons de sécurité et de confidentialité. Vous comprendrez que nous devons croire en votre bonne foi, dont je ne doute pas.

Monsieur le président, c'est en partie ce à quoi il faut s'attendre lorsque nous ne siégeons pas dans le contexte d'un comité permanent dont les membres seraient tenus au secret.

M. Jamieson : J'ajouterais que, bien entendu, la menace interne est difficile à évaluer, mais que nous en sommes conscients. Nous avons un grand nombre de mécanismes en place. Nous avons aussi un programme de sensibilisation des superviseurs pour les amener à signaler tout comportement suspect observé chez un employé.

Le président : Merci, chers collègues. Je tiens à remercier nos témoins pour le temps qu'ils nous ont consacré aujourd'hui et pour leurs réponses franches et très utiles à nos questions. Mais surtout, au nom de tous les Canadiens, je tiens à vous remercier pour l'énorme travail que vous accomplissez quotidiennement pour protéger la sécurité nationale.

Honorables sénateurs, pour entamer la deuxième partie de la séance d'aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de Sécurité publique Canada qui sont John Davies, directeur général, Politiques sur la sécurité nationale et Emmanuelle Deault-Bonin, analyste principale des politiques, Division des politiques sur la sécurité nationale.

Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-9, la Loi sur le terrorisme nucléaire. Ce projet de loi de 10 articles vise à ajouter quatre nouvelles infractions à la partie 2 du Code criminel. Ces quatre nouvelles infractions interdisent certaines activités relatives aux matières et aux dispositifs nucléaires ou radioactifs.

[Français]

Monsieur Davies, je comprends que vous avez une déclaration d'ouverture.

[Traduction]

Je vous invite à nous faire votre déclaration préliminaire avant que nous ne vous posions quelques questions.

John Davies, directeur général, Politiques sur la sécurité nationale, Sécurité publique Canada : Je suis heureux de comparaître devant votre comité pour contribuer à votre étude du projet de loi S-9, la Loi sur le terrorisme nucléaire.

Comme la plupart des membres du comité le savent, je crois, en ce qui a trait à la prolifération et au terrorisme, Sécurité publique Canada joue un rôle de coordonnateur et d'appui pour ce qui est des efforts à l'échelon fédéral, et met à profit les connaissances de spécialistes de façon à mieux étudier la menace, identifier les risques auxquels est confronté le Canada et élaborer des conseils stratégiques pour aider à guider le gouvernement.

[Français]

Dans cette optique, le projet de loi S-9 constitue une étape concrète pour renforcer des lois criminelles du Canada portant sur le terrorisme nucléaire. Il permettra aussi au Canada de ratifier et de mettre en œuvre deux importants traités internationaux, ce qui signifiera notre engagement vers la sécurité nucléaire.

[Traduction]

Nous avons eu l'occasion de prendre connaissance des témoignages antérieurs que vous avez entendus au cours de la semaine dernière et des préoccupations du comité. J'ai essayé d'orienter mon propos vers les thèmes communs qui s'en dégagent en ce qui concerne la sécurité publique.

Nous croyons que le projet de loi S-9, s'il est adopté, servirait de complément aux cadres législatif, stratégique et opérationnel présentement en œuvre. J'aimerais donc profiter de cette occasion aujourd'hui pour vous informer sur ce contexte plus large.

Bien que nos partenaires opérationnels soient mieux placés pour vous offrir une présentation détaillée sur ce que comprend chacune de ces activités, j'espère que mon entretien vous sera utile alors que vous poursuivrez votre étude du projet de loi.

Comme vous l'avez sans doute déjà appris au cours de votre examen de cet enjeu, la menace posée par le terrorisme nucléaire et par la prolifération en général continue d'évoluer. Le communiqué découlant du Sommet sur la sécurité nucléaire de 2012 indiquait que le terrorisme nucléaire continue de représenter l'une des menaces les plus rigoureuses pour la sécurité internationale. De plus, le rapport public de 2009-2010 du Service canadien du renseignement de sécurité et la nouvelle Stratégie antiterroriste du Canada font aussi état de ce défi persistant.

Pour contrer cette menace, le Canada dispose de nombreux outils qui tentent d'assurer un continuum de succès. Autrement dit, nous avons recours à une approche multidimensionnelle et fondée sur le risque pour affronter la prolifération. Parmi ces outils, on compte les enquêtes, les vérifications de personnes et de biens qui entrent au Canada et sortent du pays, et d'autres mécanismes opérationnels et législatifs. Grâce à la coopération active de plusieurs partenaires fédéraux, ces outils tentent d'atteindre quatre objectifs. Ce sont la prévention de la prolifération; la détection des menaces au Canada et à l'étranger; l'interdiction de l'accès aux matières à usage restreint ou de leur acquisition; et la répression des activités de prolifération par l'application de la loi ou par d'autres moyens. Je crois utile de décrire chacun de ces piliers de la contre-prolifération.

En premier lieu, nous tentons d'empêcher les États, les acteurs non étatiques et les personnes de se livrer aux activités de prolifération. Cela comprend aider nos partenaires étrangers à bâtir leur capacité, mener des activités de sensibilisation pour enseigner les secteurs canadiens qui pourraient entrer en contact avec ce genre de menaces tels que les secteurs industriel et universitaire et invoquer des sanctions pour appuyer des politiques telles que les résolutions du Conseil de sécurité. En tant qu'exemple concret de notre travail dans le cadre du Programme de partenariat mondial du Canada, au Sommet sur la sécurité nucléaire de Séoul, en 2012, le premier ministre a annoncé 365 millions de dollars sur cinq ans pour poursuivre le financement de ce programme. Le Programme de partenariat mondial du Canada appuie le partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et de matières connexes du G8. Dirigé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ce programme vise, entre autres, à aider à sécuriser les installations nucléaires pour empêcher les activités illicites.

[Français]

En deuxième lieu, nous déployons des efforts pour déceler, à domicile et à l'étranger, les menaces et les activités liées à la prolifération. Dans cette optique, nous avons recours à la collecte des renseignements, aux vérifications des biens exportés pour savoir s'ils sont utilisés à des fins légitimes et à la formation pour les agents de première ligne en vue d'améliorer leur capacité de déceler les activités qui pourraient susciter des préoccupations.

[Traduction]

La collecte de renseignements, une activité clé dans ce domaine, nous permet de surveiller et d'évaluer la menace que posent les programmes d'armes de destruction massive ainsi que les réseaux de prolifération. Ce travail est essentiel étant donné qu'il soutient directement d'autres fonctions réglementaires et d'application de la loi.

Troisièmement, nous visons à priver les entités préoccupantes de leur capacité à acquérir ou transférer des fonds, de l'information ou des biens reliés à la prolifération. Nous utilisons à cette fin des contrôles d'exportation, des outils d'immigration, des stratégies d'accès aux établissements et aux biens, ainsi que les systèmes financiers. Par exemple, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, les visas d'études peuvent être interdits lorsque nous possédons de l'information indiquant des risques de prolifération. Cette autorité contribue à s'assurer que les connaissances hautement spécialisées du Canada dans certains domaines scientifiques ne soient pas transférées à des individus qui pourraient les utiliser à des fins de prolifération ou pour toutes autres activités illégales. Notre cadre juridique pour l'objectif d'interdiction est très robuste. Par exemple, la Loi sur les licences d'exportation et d'importation met en place la fondation législative et réglementaire pour le contrôle des exportations et nous permet donc de s'assurer qu'elles ne soient pas détournées vers une utilisation illicite. Vous venez d'entendre nos collègues du CCSN parler du rôle que joue la commission à l'égard de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.

Quatrièmement, nous cherchons à répondre aux activités de prolifération par l'entremise d'activités robustes d'application de la loi et de poursuites en justice, ainsi que l'application de sanctions visant à punir les contraventions aux règlements de sécurité dans les champs d'activité pouvant susciter des préoccupations alliées à la prolifération. Selon la conceptualisation de Sécurité publique Canada de notre cadre global, les dispositions du projet de loi S-9 seraient complémentaires à l'ensemble déjà robuste d'infractions et de sanctions qui visent les diverses activités illégales qui se rapportent plus généralement à la prolifération. Elles aident également à codifier certaines mesures et à renforcer notre approche.

Dans une perspective globale, un aspect critique des efforts du gouvernement du Canada visant à contrer la prolifération consiste à maintenir la résilience de la société canadienne face à une attaque terroriste potentielle incluant une arme de destruction massive. À cet égard, le Canada est prêt à répondre si une telle attaque est lancée contre nous et le gouvernement continue à travailler afin de surveiller et développer nos plans de réponse pour ce type d'incident. Le Plan fédéral d'intervention d'urgence, publié en 2010, est conçu afin d'harmoniser les efforts fédéraux d'intervention d'urgence avec ceux des gouvernements provinciaux et territoriaux, des organismes non gouvernementaux ainsi que du secteur privé. La Stratégie de résilience aux incidents chimiques, biologiques, radiologiques, nucléaires et à l'explosif pour le Canada de 2011, visant les échelons fédéral, provinciaux et territoriaux, fournit le cadre stratégique qui guidera la création et le maintien de capacités soutenues et de standards communs, et dirigera dans une même direction tout investissement dans les politiques, programmes, équipements et formation du CBRNE.

J'ai mentionné au début de ma présentation que nous pouvons examiner nos activités de contre-prolifération dans l'optique de nos efforts antiterroristes. À cet égard, je voudrais souligner particulièrement la Stratégie antiterroriste du Canada qui a été publiée en février dernier. J'en ai apporté des exemplaires pour ceux qui en voudraient un. Un des points principaux que soulève la stratégie est le fait que les terroristes peuvent chercher à exploiter les vulnérabilités qui résultent des États en déliquescence, des changements technologiques rapides ainsi que de la société de plus en plus réseautée. Tous les gouvernements se doivent de rester à la hauteur des circonstances globales évoluant à un rythme effréné afin de protéger leurs citoyens des menaces allant des incidents cybernétiques à la prolifération d'armes sophistiquées telles que les armes de destruction massive.

Somme toute, les dispositions du projet de loi S-9 viendront s'ajouter à nos réussites en facilitant les enquêtes et les poursuites contre les activités du terrorisme nucléaire.

[Français]

Sur ce, monsieur le président, je tiens à vous remercier de cette occasion de discuter avec vous. J'espère que mes propos vous seront utiles alors que vous continuez l'étude de ce projet de loi. Il me fait plaisir de répondre aux questions des membres du comité.

[Traduction]

Le président : J'ai une question générique au sujet des divers instruments dont nous disposons contre le terrorisme. Le sénateur Dallaire a posé cette question lors d'une réunion antérieure.

Nous avons le projet de loi S-9, que nous sommes en train d'étudier et le projet de loi S-7, que le Sénat a adopté et qui a été renvoyé à l'autre endroit. Nous avons les divers instruments politiques auxquels vous avez fait allusion dans votre déclaration, et les diverses activités auxquelles se livre le témoin précédent, la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Tout cela fait partie de la stratégie globale en matière de sécurité nationale au Canada.

Puis-je supposer qu'étant donné votre titre et vos fonctions, vous assumez une certaine responsabilité à l'égard de tous ces instruments? Je sais que chaque ministère a le rôle que lui confère la loi, mais y a-t-il un centre, à votre niveau ou au niveau du conseiller du premier ministre à la sécurité nationale, au Bureau du Conseil privé, qui travaillerait, je suppose, en collaboration étroite avec votre ministre, où l'on évalue tous les éléments, cadres analytiques et renseignements et idées relatifs à ces instruments? Je suppose qu'on ne travaille pas isolément et que cela fait l'objet d'une coordination et d'une intégration.

Je pose la question, car la plupart d'entre nous autour de cette table savent, et le sénateur Dallaire peut-être encore mieux que les autres, qu'un des grands succès de nos Forces canadiennes en Afghanistan est qu'elles ont pu disposer de sources de renseignement en temps réel provenant de nombreux endroits différents, de nombreux secteurs de notre gouvernement, de nombreuses capacités technologiques, y compris celles de nos alliés, pour faire une bonne planification opérationnelle. Je suppose, de même que les Canadiens, que nous avons le même genre de capacité quelque part. Je n'ai pas vraiment besoin de savoir où elle se trouve et comment elle est gérée. D'autres auront peut- être des questions à poser à ce sujet, mais j'aimerais que vous me disiez si, à votre connaissance, ce genre de cadre analytique intégré en temps réel et de sources multiples existe et si les sujets de Sa Majesté sont protégés grâce au travail de notre fonction publique, de nos services de sécurité et autres.

M. Davies : La réponse est oui. Comme notre ministère, ma direction et mon directeur sont tout à fait au centre de tout ce que vous voyez dans ce comité et ailleurs en ce qui concerne le terrorisme, la contre-prolifération et les questions de sécurité nationale touchant l'admissibilité et l'extrémisme violent, on pourrait notamment parler d'un centre. Les responsabilités sont fonction des différentes lois ou politiques.

Une approche pangouvernementale est essentielle dans ce domaine. Normalement, lorsque nous nous réunissons, il y a 12 à 15 ministères ou organismes dans la salle. Ce sont toujours des grandes réunions. Toutes les politiques auxquelles nous travaillons font l'objet d'une forte poussée horizontale. Le rôle de Sécurité publique a beaucoup évolué ces dernières années. Nous sommes bien mieux placés pour remplir ces fonctions.

La Stratégie de lutte contre le terrorisme établit un plan pangouvernemental. Nous avons débattu de la façon de présenter le projet de loi S-9 au comité, quant à savoir si nous parlerions de contre-terrorisme ou de contre-prolifération. Je crois que nous aurions pu choisir l'un ou l'autre. Les questions du comité semblent un peu plus orientées vers la prolifération, mais j'aurais pu vous présenter notre approche dans l'optique du contre-terrorisme.

Nous allons déployer la stratégie en ayant un plan de mise en œuvre et d'action clair pour permettre aux ministères et organismes compétents de nous aider à établir, par ordre de priorité, quels sont les éléments législatifs et politiques qui manquent dans chacun de ces domaines, de travailler ensemble et d'assurer la responsabilisation.

Comme vous le dites, nous travaillons avec tout le monde. Bien entendu, nous travaillons avec le bureau du CNS, le Bureau du Conseil privé et le portefeuille que nous gérons directement et dont est chargé le ministre, ainsi que le milieu plus vaste de la sécurité et du renseignement.

Le sénateur Dallaire : J'ai une question pratique à vous poser, monsieur le président. Je n'aime pas beaucoup les réunions à huis clos. Néanmoins, dans quelle mesure le huis clos nous permettrait-il d'obtenir davantage de renseignements classifiés et permettrait-il aux bureaucrates de nous fournir plus de précisions, par exemple sur les instructions permanentes d'opération, sans dévoiler de renseignements vraiment délicats ou les sources?

Le président : Je vais consulter les conseillers juridiques du comité, mais même si nous déclarions le huis clos ça ne changera peut-être pas le fait qu'en application de la Loi sur les secrets officiels, il est interdit aux fonctionnaires de révéler des informations aux personnes qui n'ont pas les habilitations de sécurité voulues.

Cela ne signifie pas que nous ne nous déclarerons pas le huis clos, si besoin est ou si on nous le demande, mais je crois que le problème tient au fait que la loi interdit aux fonctionnaires de communiquer certaines informations à des gens qui n'ont pas les habilitations de sécurité appropriées et, ici, nous avons toujours respecté cette contrainte.

Le sénateur Dallaire : Dans ce monde-là, tout est secret. Quand j'étais au Quartier général de la Défense nationale, chaque petite note de service était secrète. La question est de savoir jusqu'où les fonctionnaires peuvent parler du cadre et des structures sans entrer dans les renseignements classifiés. Tout le monde semble être réticent à aborder ce débat.

Vous pourriez même demander une autorisation pour être en mesure de nous fournir les informations.

Le président : Si, à un moment donné, nous avons besoin de renseignements que nous voudrions obtenir sous une autre forme, je serai ravi d'en faire la demande au nom du comité.

Le sénateur Joyal : Le sénateur Dallaire commence à perdre confiance. Comme je l'ai dit, il nous faut travailler avec une certaine dose de confiance autour de cette table.

Bienvenue au club, sénateur Dallaire.

Le président : Il faut être un éminent général à la retraite ayant eu les plus hautes habilitations de sécurité pour comprendre le problème.

Le sénateur Joyal : Pardonnez-moi pour cette remarque, monsieur Davies.

En préambule à ma question, je voudrais citer vos propos. En page deux de votre mémoire, vous dites : « Le terrorisme nucléaire constitue toujours l'une des menaces les plus importantes pour la sécurité internationale. »

Vous étiez certainement présent lorsque nous avons entendu les témoins précédents cet après-midi. J'ai cité le rapport Belfer. Il me semble que Mme Deault-Bonin en a un exemplaire. On peut y lire, à la dernière ligne du deuxième paragraphe de la page 19, que selon Harold Agnew, ancien directeur du laboratoire national de Los Alamos :

dire qu'il est facile de fabriquer une arme nucléaire, c'est se tromper lourdement, mais dire qu'il est très difficile de fabriquer un engin rudimentaire, c'est se tromper davantage.

Je voudrais centrer le débat de cet après-midi sur la question des engins artisanaux en matière de terrorisme.

Les amendements que le projet de loi S-9 apporterait au Code criminel prévoient la création de quatre séries d'infractions. La première série concerne la possession, l'usage, l'importation ou la transformation d'engins nucléaires ou radioactifs et les actes commis contre une installation nucléaire ou les actes qui entravent fortement ou interrompent le fonctionnement d'une installation nucléaire.

La deuxième série d'infractions concerne l'utilisation ou la transformation d'engins contenant des matières radioactives.

Il ne me semble pas que ces nouvelles infractions, que, du reste, je soutiens entièrement, interdisent explicitement la fabrication d'un engin nucléaire ou d'un appareil apparenté. Il m'apparaît très important, surtout sur la base du rapport Belfer, de reconnaître cette réalité. C'est, à vrai dire, l'un des trois risques les plus importants décrits dans le rapport Belfer, et cela devrait se refléter dans le projet de loi S-9. En d'autres termes, nous devrions inscrire très clairement dans le projet de loi S-9 que la fabrication d'un engin nucléaire ou d'un engin artisanal contenant des matières radioactives ou tout autre produit capable de provoquer des destructions massives devrait être formellement mentionnée dans le projet de loi.

Nous avons soumis cette question aux témoins précédents qui nous ont répondu que les traités devant être mis en œuvre par ce projet de loi ne reconnaissent pas formellement cet aspect et que cette mesure se limite au domaine d'application des traités. Il me semble que c'est une occasion en or de reconnaître cela formellement, car nous traitons ici des menaces nucléaires en général ou des menaces liées au nucléaire.

Le ministère de la Sécurité publique est responsable de la mise à disposition des outils. Il me semble que c'est un outil facile à inclure dans ce projet de loi afin de le rendre plus efficace pour aider le gouvernement canadien à garantir la sécurité des Canadiens. Qu'en pensez-vous?

M. Davies : Vous avez raison de dire que le projet de loi est fortement centré sur les deux traités internationaux. Il s'agit de ratifier ces traités, donc d'en tirer la substance.

Je ne suis pas expert en fabrication de bombes, propres ou sales, mais j'imagine que même la construction d'une bombe sale exige qu'on possède ou transforme des matières radioactives d'une manière ou d'une autre; les matières essentielles sont donc prises en compte ici.

Il me semble que vous songez à d'autres aspects de la double technologie, vous pensez qu'il serait possible de fabriquer une bombe sale grâce à des aspects qui ne sont pas visés ici. Je crois qu'ils seraient pris en compte par d'autres formulaires, d'autres listes contrôlées, d'autres dispositions du Code criminel.

Le sénateur Joyal : Pourquoi ne pas l'inscrire formellement dans ces articles du Code criminel? Le titre abrégé de ce projet de loi est « Loi sur le terrorisme nucléaire ». Il me semble donc que, pour s'attaquer au problème, cela devrait être inclus et non pas dispersé dans d'autres articles du code.

Il est important de dire aux Canadiens et au ministère que la fabrication de ce type d'engins constitue une infraction et qu'il ne faut pas le faire. Cela fait partie de l'objectif général de la loi proposée sur le terrorisme nucléaire.

Je comprends votre point de vue, mais puisque cela n'est pas clairement énoncé dans ces deux traités internationaux, rien ne nous empêche de le faire figurer ici étant donné que nous traitons du terrorisme nucléaire dans son ensemble.

M. Davies : Il va falloir que je vous tienne informés sur ce point. Nous verrons avec nos collègues du ministère de la Justice comment on pourrait inclure cette question. D'après ce que j'ai compris, les autres engins sont pris en compte. La transformation ou la possession de matériel nucléaire inclut aussi les bombes sales, alors il faut regarder chaque cas en détail. Nous verrons si le concept d'engin s'applique à ce dont vous parlez, c'est-à-dire une chose restreinte ou hybride.

Le président : Nous essayons de comprendre dans quelle mesure la législation existante est suffisante, sous sa forme actuelle, pour prendre en compte non seulement les engins ou les matières nucléaires, ce qui est son but premier, mais aussi la transmission par courrier ou autre, ou par des moyens illégaux, de pièces qui seraient liées à la fabrication d'un engin nucléaire. Il pourrait s'agir d'un détonateur, d'un téléphone cellulaire ou d'autres pièces comme des transducteurs ou n'importe quel élément nécessaire. Bien que ces éléments ne soient pas intrinsèquement illégaux si, d'après les dispositions de cette loi qui concernent le complot, ils sont considérés comme étant destinés à un complot visant à construire une arme ou à faire mauvais usage de matières nucléaires — comme le précise la loi — alors cela peut constituer une raison suffisante pour justifier l'intervention des autorités de police. Il serait utile au comité que vos collègues du ministère de la Justice émettent un avis disant que les autres lois prennent suffisamment en compte cette question pour que notre protection soit assurée. Sinon, je sais que le comité serait disposé à rechercher des moyens pour renforcer cette législation afin que l'État ait la latitude nécessaire en matière d'enquête et de poursuite discrétionnaire dans les situations traitées dans cette loi. C'est une question précise sur laquelle nous aimerions à un moment donné avoir vos conseils.

M. Davies : Nous transmettrons cela au comité par écrit. Je pense que le personnel du ministère de la Justice va confirmer que ce cas de figure est effectivement pris en compte par d'autres lois, mais il pourrait aussi signaler telle ou telle autre disposition.

Le sénateur Joyal : Si je peux me permettre, serait-il possible que cela soit fait d'ici une semaine à peu près? Je sais que le comité veut avancer sur ce projet de loi. S'il nous faut étudier des amendements au projet de loi, nous aimerions avoir votre courrier avant, donc si possible d'ici une semaine environ.

M. Davies : Nous parlerons aux gens du ministère tout de suite après.

Le sénateur Joyal : La deuxième question concerne le plan mis en place par le ministère en coopération avec d'autres ordres de gouvernement et les forces de police dans le cas de dégâts considérables provoqués, soit par ce type de bombe artisanale, soit par un engin de type nucléaire. Pourriez-vous nous expliquer ce que serait la réponse du ministère dans un tel cas de figure. En d'autres termes, qui est appelé en premier? Quelle initiative est considérée par le ministère comme étant la plus urgente en pareille situation? Nous avons vu ce qui s'est passé au Japon lors du séisme et cet événement nous permet de réfléchir sur ce qui se passerait ici si un tel scénario venait à se produire et sur les dangers que cela représenterait pour les Canadiens en général. Dans quelle mesure peuvent-ils être rassurés quant à l'existence de mesures suffisantes pour contrôler les dégâts et empêcher une aggravation de la situation?

Le président : Nos témoins le savent sans doute, l'analyse a posteriori de nos amis japonais révèle qu'il y avait tout simplement trop d'échelons hiérarchiques à remonter avant qu'une action puisse commencer, et ce particulièrement dans le cas d'une installation nucléaire.

M. Davies : Je dois d'abord dire que je ne suis pas chargé des interventions d'urgence mais de sécurité nationale, y compris en cas d'incident. Il existe, au sein de Sécurité publique Canada, un groupe de gestion des infrastructures essentielles et un groupe de gestion des situations d'urgence qui gère les catastrophes naturelles et qui est responsable du plan fédéral d'intervention en cas d'urgence, un plan fédéral et provincial. Il gère aussi le plan de réponse aux menaces chimiques, biologiques, radiologiques, nucléaires et explosives, le CBRNE, qui est plus récent; c'est encore une fois un plan à strates multiples qui concerne non seulement l'échelon fédéral, mais les provinces, l'industrie et les collectivités. Ces deux plans sont sur notre site internet. Une des choses dont nous débattions tout à l'heure était de savoir à qui nous devions donner la parole aujourd'hui devant le comité et quelles questions pourraient être abordées. Nos responsables de la gestion des situations d'urgence pourraient venir vous faire un compte rendu sur ce sujet en particulier, car il va au-delà des enjeux de sécurité publique. Plusieurs autres organisations seraient plus à même de vous apporter des réponses opérationnelles détaillées sur le déroulement des choses en cas d'évènement catastrophique.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Davies, dans votre stratégie d'application de la loi, est-ce que je dois comprendre que vous travaillez en collaboration avec les autres services de police et de sécurité au Canada et à l'étranger? Je pense que c'est même le sénateur Segal qui l'a mentionné, l'information doit circuler de façon fluide entre les différents corps de police et les différents services de sécurité afin d'être efficace. J'aimerais vous entendre là-dessus. Je comprends que vous ne pouvez pas nous dévoiler des secrets d'État ou d'investigation, mais quelle est la façon de travailler avec les différents corps de police pour que l'information se transmette?

[Traduction]

M. Davies : Dans le cas particulier des États-Unis, nous travaillons beaucoup au niveau fédéral avec le FBI et d'autres corps policiers, qu'il s'agisse de lutte contre la prolifération ou d'anti-terrorisme. L'accord transfrontalier entre les États-Unis et le Canada doit permettre la mise en place de protocole pour améliorer le partage d'informations, les évaluations de la menace et ce genre de choses. Le lien opérationnel avec les États-Unis est d'ores et déjà fort.

Il en va de même pour un certain nombre de pays dans le monde, soit par des accords bilatéraux, soit par des forums multilatéraux. Il y a des forums mondiaux de contre-terrorisme. Il y a des forums des Nations Unies contre le terrorisme. Cela dépend si l'on regarde les choses sous l'angle de la contre-prolifération ou du contre-terrorisme. Il existe de nombreux cercles imbriqués de discussion, de coordination et de coopération.

[Français]

Emmanuelle Deault-Bonin, analyste principale des politiques, Division des politiques sur la sécurité nationale, Sécurité publique Canada : Pour compléter la réponse, le cas de M. Yadegari, qui a été mentionné auparavant, est un exemple de coopération entre les autorités, d'abord entre les autorités américaines et canadiennes, et par la suite entre les divers organismes fédéraux et corps de police qui étaient impliqués dans le cas. C'est une coopération non seulement en termes d'application de la loi, mais également pour ce qui est de faire appel à l'expertise nécessaire pour monter le dossier qui a permis de porter l'affaire devant les tribunaux.

Par exemple, des collègues de la Commission canadienne de sûreté nucléaire ont été impliqués dans les procédures judiciaires afin d'expliquer l'utilité de transducteurs de pression, un terme qui n'est pas nécessairement familier pour tous, et comment ils peuvent être utilisés dans un contexte nucléaire, et cetera. C'est un exemple de collaboration fructueuse entre les diverses agences, et cela continue pour toutes les enquêtes en cours en ce moment.

[Traduction]

Le sénateur D. Smith : Dans la note d'information que le personnel nous a préparée pour la réunion d'aujourd'hui, peut-être ne l'avez-vous pas vue, au paragraphe 13, il est fait référence à Mahmoud Yadegari, jugé coupable par la Cour de justice de l'Ontario pour avoir tenté d'exporter vers l'Iran des articles à double usage dans le domaine nucléaire, sans les autorisations requises. Il a été déclaré coupable à neuf des dix chefs d'inculpation et non coupable de falsification. Je viens d'envoyer un message au personnel pour savoir s'il a fait appel et quelle a été la sentence. On me dit qu'il a été condamné à 51 mois en tout, en comptant le temps qu'il a déjà passé en prison; cette sentence a été confirmée en appel.

Je profite de votre présence pour vous poser une question. Si, à ce moment-là, le projet de loi S-9 avait déjà été en vigueur, pensez-vous qu'il y aurait eu davantage de poursuites? D'après ce qu'on m'a dit, ce cas a été très difficile et je suppose que le projet de loi S-9 est en partie une réponse à cette difficulté. Y aurait-il pu avoir d'autres poursuites si le projet de loi S-9 avait été en vigueur?

M. Davies : Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre directement à votre question. Je dirais qu'une grande partie du projet de loi S-9 contribue à changer les peines liées aux infractions. Il modifie la définition donnée par le Code criminel du mot « terrorisme » afin d'y inclure les traités. Il y a d'autres aspects, mais je crois que l'affaire Yadegari montre la robustesse du système canadien. Comme vous l'avez dit, toutes les inculpations ont été confirmées en appel sauf une inculpation mineure.

Le président : Je sais que nous ne pouvons pas appliquer une loi future à une affaire en particulier pour savoir en quoi les choses auraient été différentes, mais cette nouvelle loi prévoit des peines obligatoires précises qui sont assez substantielles. Bien entendu, l'État aurait, à l'avenir, d'autres possibilités de recommandations concernant les peines une fois que la culpabilité a été établie grâce à un processus basé sur les mesures de cette loi qui n'existaient pas jusqu'ici. Je crois que c'est en partie ce que voudrait savoir notre collègue.

Le sénateur D. Smith : Je me demande, si dans votre situation, vous avez un point de vue sur ce qu'aurait pu être la peine prononcée si le projet de loi C-9 avait été en vigueur.

Mme Deault-Bonin : Il n'est pas possible de dire comment cette loi, si elle avait été adoptée, aurait été appliquée à ce cas précis.

M. Davies a dit au début que ce projet de loi s'ajoute à un régime déjà solide. La cause Yadegari en est un exemple, puisque M. Yadegari a été inculpé aux termes du Code criminel, de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, de la Loi sur les douanes, de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et de la Loi sur les Nations Unies. Ce projet de loi vient en complément d'un régime déjà solide comportant nombre d'activités, y compris, comme dans le cas présent, l'exportation de technologies à double usage vers des pays comme l'Iran.

Le sénateur D. Smith : Nous voyons tous très clairement a posteriori, mais quel mal y a-t-il donc à demander l'avis des parties prenantes au sujet de la peine plus rigoureuse que ce monsieur aurait reçue en l'absence du projet de loi S-9? Y a-t-il consensus ou s'agit-il de points de vue divergents? Croyez-vous que la peine aurait pu dépasser les 51 mois?

M. Davies : J'hésite à spéculer là-dessus. S'il existe des lois différentes prescrivant des peines différentes, ce sont les plus récentes qui priment.

Le sénateur D. Smith : On a manifestement conclu que le cadre juridique comporte des lacunes en ce sens qu'il ne permet pas d'appréhender tout un ensemble de faits, comme dans la cause qui nous occupe, et c'est en partie ce qui justifie l'entrée en scène du projet de loi S-9. Vous voulez peut-être vous abstenir de spéculer là-dessus, mais je crois qu'il est raisonnable de poser la question.

M. Davies : Une fois de plus, il est difficile de spéculer. Je n'ai vu personne s'essayer à déterminer ce qui se serait passé dans une cause comme celle de Yadegari si elle avait été jugée aujourd'hui ou le lendemain de la sanction royale. C'est un sujet que vous pourriez vouloir aborder avec les fonctionnaires de Justice Canada ou les procureurs pour savoir ce qu'ils auraient recommandé.

Le sénateur D. Smith : Si le projet de loi S-9 est adopté, pensez-vous qu'il y aura davantage de poursuites judiciaires du fait que les gens qui hésitaient à les entamer auparavant, changeront d'avis parce qu'ils trouveront le nouveau cadre juridique plus solide, plus clair et concis?

M. Davies : Le message que perçoit le milieu du renseignement de sécurité, c'est que le cadre est devenu plus rigoureux. Les sanctions y sont clairement décrites, ce qui les renforce par la même occasion.

Le sénateur Wallace : Monsieur Davies, ma question s'inscrit dans la même veine que celle du sénateur Smith.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez affirmé que le projet de loi S-9 faciliterait les enquêtes sur les activités du terrorisme nucléaire. Outre les poursuites, les sanctions et les nouvelles infractions qu'il énonce, pouvez-vous nous donner des exemples de la manière dont le projet de loi S-9 faciliterait ces enquêtes?

Je sais, par exemple, que les dispositions relatives à l'interception des communications ont été modifiées, mais il y a sûrement d'autres exemples. Quelles sont les deux ou trois principales modifications apportées par le projet de loi S-9 qui faciliteraient ces enquêtes?

Mme Deault-Bonin : En posant la question, vous y avez répondu en partie. Je vais d'abord rappeler que nous ne sommes pas avocats. Je dirais que l'introduction de nouvelles infractions et la modification des dispositions relatives au terrorisme sont assez conséquentes, notamment pour ce qui est d'inverser le fardeau de la preuve dans les demandes de mise en liberté sous caution. Je m'en remettrai à nos collègues de Justice Canada pour une réponse plus précise.

Comme vous l'avez dit, l'interception des communications fait partie des outils que les autorités policières peuvent utiliser dans leurs enquêtes sur ce genre de délits.

M. Davies : Prenons un peu plus de recul. Pour les gens qui s'occupent de politique comme nous, un des aspects importants du projet de loi S-9 est qu'il attire davantage l'attention du public sur la question de la contre-prolifération. On suit de très près le contre-terrorisme. Il importe de poursuivre nos travaux dans le domaine de la contre- prolifération afin qu'on ne baisse jamais la garde. À mesure que la menace évolue, il nous appartient de demeurer au fait des changements et de ce qui se fait chez nos alliés. C'est également là un aspect important de ce projet de loi.

Le sénateur Wallace : La réaction générale face au terrorisme nucléaire est intéressante, mais j'aimerais savoir ce que le projet de loi S-9 fait à cet égard, ce à quoi nous pouvons nous attendre à ce chapitre. J'en parlerai peut-être avec mes collègues. J'aimerais savoir si le côté enquête s'est vraiment amélioré et, le cas échéant, par quels moyens? Je n'ai pas entendu beaucoup de commentaires à ce propos, mais je m'arrêterai là.

Le président : Un des avantages des projets de loi S-9 et S-7 réside dans des articles vigoureux sur les complots visant à commettre un des nouveaux actes criminels décrits dans la loi, ce qui donne aux autorités policières la capacité de lancer des enquêtes sur le thème du complot, c'est-à-dire d'agir de manière préventive en plus de suivre le mécanisme conventionnel de collecte de preuves pour les besoins d'inculpation et d'un éventuel procès pour déterminer si une peine de prison est justifiée.

Pour la plupart des Canadiens, la prévention est importante, car il faut empêcher que les mauvaises choses se produisent au départ. Lors de la séance d'information que nous ont donnée les fonctionnaires de Justice Canada, on nous a dit que les dispositions de ce projet de loi offriraient des outils supplémentaires aux autorités policières et leur permettraient de prendre des mesures qui, tout en étant conformes à nos obligations internationales, sont conçues en fonction des réalités du terrain, à la façon dont le perçoivent nos fonctionnaires de la sécurité nationale et de la police qui ont sans doute été consultés sur le contenu de ce projet de loi, si je ne m'abuse.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bienvenue à vous deux. Je vais m'attarder à la partie où il est mentionné que les enquêtes et les poursuites seront plus faciles contre ce style de terrorisme. Si j'ai bien compris, cette loi sera d'abord de juridiction fédérale, ce ne sera donc pas une loi qui sera déléguée à l'administration du procureur de la province. Contrairement aux autres articles du Code criminel qui sont administrés par le provincial, cette loi sera administrée par le gouvernement fédéral.

Mme Deault-Bonin : Je me référais à la présentation des fonctionnaires du ministère de la Justice à cet égard, lundi dernier, dans laquelle ils expliquaient que le projet de loi prévoyait une juridiction concurrente, où les autorités fédérales auraient la possibilité de chercher à présenter un cas au niveau fédéral plutôt que ce soit au niveau provincial, mais il y a des mécanismes d'entente entre les différents gouvernements à cet effet.

Le sénateur Boisvenu : Je comprends que l'information qui va mener à une enquête criminelle dans ce cas, c'est de l'information qui sera recueillie par les officiers fédéraux en grande partie. Alors, j'essaie d'imaginer comment des enquêtes de nature fédérale peuvent éventuellement être menées à procès par des agents provinciaux ou par l'administration provinciale, en termes d'efficacité, je parle.

[Traduction]

M. Davies : Une bonne partie de tout cela se résume surtout à la manière dont le groupe de la GRC chargé de la sécurité nationale travaille avec les provinces et les autorités policières locales. Le Québec et l'Ontario ont conclu des modalités différentes de ce qu'on trouve ailleurs. Ces arrangements sont bien ancrés et prennent de plus en plus d'ampleur. Dans toute enquête sur la sécurité nationale en Ontario et au Québec, il y a une coordination très étroite pour le transfert des preuves et autres aspects de la sorte.

[Français]

Le président : Concernant les fameux « 18 de Toronto », je crois qu'il s'agissait d'un groupe intégré : la Gendarmerie royale, la police métropolitaine et la police provinciale ont travaillé de concert, si je me souviens bien.

Le sénateur Boisvenu : L'autre question touche le volet des infractions possibles. On dit ici qu'il y aura inversion du fardeau de la preuve lors des enquêtes sur cautionnement. Donc, on inverse le fardeau, ce qui est une bonne chose à mon avis.

Également, la possibilité d'obtenir de l'écoute électronique sur une plus longue période, un an, mais c'est surtout le cumul des sentences qui est très rarement appliqué au Canada, dans les cas de crimes, souvent, ce sont des sentences concurrentes plutôt que cumulatives; est-ce qu'on va laisser au juge ou à la cour un niveau de discrétion qui fera en sorte que rarement on va appliquer des sentences cumulées? Est-ce que ce serait un cumul automatique ou on va laisser aux juges la discrétion d'appliquer le cumul?

[Traduction]

M. Davies : La question relève en réalité de nos collègues au ministère de la Justice.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : D'accord, excusez-moi. Je ne connais pas vos antécédents professionnels, mais j'imagine que vous étiez policier auparavant. Le succès des enquêtes dans ce type de réseau repose beaucoup sur l'infiltration, sur la qualité des agents qui vont faire de l'infiltration, sur la qualité de gestion des réseaux électroniques parce que, on le sait, les échanges en termes d'informations se passent via Internet. À ce niveau, au-delà du projet de loi S-9, votre ministère a-t-il développé une compétence dans ce domaine et est-ce que le recrutement d'agents d'infiltration est relativement facile pour mener à bien ces enquêtes?

[Traduction]

M. Davies : Une fois de plus, la GRC, l'ASFC ou le SCRS, qui sont chargés du volet opérationnel du portefeuille, sont beaucoup mieux placés que nous pour répondre à ce genre de question. Mme Deault-Bonin veut ajouter quelque chose.

[Français]

Mme Deault-Bonin : Je tiens à vous mentionner un aspect très important : plutôt que d'agir en mode réactif, nous privilégions le mode préventif. Un des aspects qui ont été mentionnés dans l'introduction était les efforts qui sont faits pour discuter avec les interlocuteurs clés, dont des membres de l'industrie, des membres qui travaillent dans des programmes académiques très poussés, pour leur expliquer quelle est la menace et pour qu'ils soient au fait de certaines activités illicites; c'est cette collaboration avec ces partenaires qui fait aussi qu'ils peuvent alerter, que ce soit la GRC ou d'autres autorités, quant à des activités qui pourraient être suspectes.

Comme le mentionnaient nos collègues de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, ils ont une collaboration très étroite avec les gens qui ont des licences et c'est cette collaboration qui fait que justement on peut être mis au fait d'activités qui pourraient mériter une enquête ou certaines mesures d'application de la loi.

Le sénateur Boisvenu : Ce projet de loi fait suite à une entente avec les Américains, je crois, n'est-ce pas?

Le président : Un accord international.

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que les Américains ont la même loi que nous dans ce domaine en termes de rigueur?

[Traduction]

M. Davies : Je crois qu'un projet de loi a été déposé devant le Congrès pour l'entrée en vigueur de ces deux traités.

[Français]

Le président : L'interprétation dans plusieurs pays est presque la même.

Le sénateur Joyal : Le sénateur Boisvenu a soulevé la question de la compétence de la cour. Laquelle des cours serait habilitée à recevoir les plaintes ou les accusations dans le cadre de cette loi? Dans le cas de Yadegari, ce citoyen qui a été trouvé coupable d'avoir tenté de transférer du matériel à l'Iran, lorsqu'il a été trouvé coupable en Ontario, il a été trouvé coupable devant la Cour de justice provinciale de l'Ontario. Il faisait face à cinq accusations portées en vertu de la Loi sur le contrôle et la sécurité du matériel nucléaire. Donc, en pratique, dans le projet de loi, je ne vois rien qui changerait la compétence du tribunal en question.

[Traduction]

Qu'on me corrige si je me trompe.

Le président : Les décisions en vertu du Code criminel sont prises à divers niveaux à des moments différents, suivant le cadre des poursuites.

Le sénateur Dallaire : Revenons-en à la menace; dans le cadre de vos évaluations, avez-vous envisagé ou simulé des manœuvres militaires pour déterminer la puissance de ces engins de dispersion radiologique et de leur impact?

M. Davies : Je ne suis pas au courant. C'est peut-être ce que fait un groupe opérationnel de contre-prolifération qui se réunit chaque mois, à ce qu'il me semble. Les membres se penchent sur divers scénarios et examinent les résultats des analyses spéciales commandées. Cela dit, je ne suis pas vraiment au courant et je n'ai rien vu de tout cela.

Le sénateur Dallaire : Tout le monde s'entend pour dire que la menace est grande, mais j'essaie de me faire une idée de l'échelle dont on parle. L'effondrement des deux tours a semé la panique dans tous les sens du terme parmi les puissances mondiales. Mais une bombe comme celle-là serait une tout autre affaire et serait encore plus effrayante. Pourrions-nous avoir cette information, si elle est disponible et si elle n'est pas classifiée?

M. Davies : Je pourrais m'en occuper. S'agissant de gestion des risques, toutes les parties estiment que la possibilité est peu probable. Toutefois, le fait qu'Al-Qaïda et d'autres groupes aient clairement manifesté le désir d'obtenir cette technologie est un sujet de préoccupation grandissant. La question ici c'est que l'impact sera énorme, quelles que soient les circonstances. Quant à analyser, mesurer et quantifier la menace, ce n'est pas évident. Nous allons regarder ça de plus près et vous tenir au courant.

Le sénateur Dallaire : Vous pouvez certainement établir une échelle des probabilités et des réactions qu'elles peuvent susciter.

M. Davies : Oui.

Le sénateur Dallaire : Si j'ai bien compris, le gouvernement est en train d'investir 327 millions de dollars pour aider les pays à faire face aux problèmes nucléaires. Compte tenu des sommes que nous allons investir, vous a-t-on demandé conseil sur les domaines particulièrement menaçants qu'il s'agirait de cibler avec cet argent, ou n'y a-t-il pas eu de contact direct entre les personnes qui travaillent sur ce dossier et votre organisation?

M. Davies : Mais oui, il y a des liens directs. Il s'agit en fait de 367 millions de dollars sur cinq ans, de 2013 à 2018. Il y a un comité interministériel qui tient des réunions. Il est placé sous la présidence des ministres responsables du MAECI. Ils ont envisagé la possibilité de changer les conditions et modalités.

Il y a bien des années, il s'agissait d'un programme pour l'ancienne Union soviétique, plus précisément pour Tchernobyl. Mais le déclassement des infrastructures et des biens d'équipement a évolué pour faire l'objet d'une approche beaucoup plus axée sur le renforcement des capacités et les services, la formation et la gouvernance, qui s'étend bien au-delà de l'ancienne Union soviétique et de l'Europe de l'Est. Il y a un système de consultation bien établi. Nos points de vue sur les menaces et priorités sont pris très au sérieux.

Le sénateur Dallaire : Il y a une corrélation directe entre ces systèmes là-bas et la menace.

M. Davies : Tout à fait.

Le sénateur Dallaire : Une partie de ce projet de loi est de nature préventive et non pas purement punitive, une partie, oui, mais ce n'est pas assez.

Vous attendez-vous à ce que les organismes qui ont des systèmes d'instrumentation nucléaire aient des moyens de lutter contre l'ingérence parce qu'ils savent qu'ils peuvent être ciblés, et qu'ils surveillent les menaces éventuelles dirigées contre leurs organismes et infrastructures? Est-ce qu'ils vous fournissent ces informations ou êtes-vous le seul organe chargé de ce genre d'évaluation?

M. Davies : Faites-vous allusion aux activités de diffusion dans l'industrie?

Le sénateur Dallaire : Je parle des gens qui sont passés ici avant et de tout le travail de contre-ingérence qu'ils sont en fait en train de faire. Même s'ils affirment être bien protégés, y compris contre les cyberattaques, est-ce qu'ils ont un programme intégré au vôtre en matière d'évaluation des menaces? Sont-ils tenus de déterminer leurs vulnérabilités et leurs besoins locaux, de manière très concrète?

M. Davies : Il y a un certain nombre d'évaluations qui sont faites à un niveau pangouvernemental ou communautaire. Chez tous ces ministères, il existe une stratégie ou un plan d'action visant les infrastructures essentielles que le gouvernement a, je crois, lancé l'an dernier; la Commission de la sûreté nucléaire en ferait partie. Il s'agit également de déterminer quelles sont nos vulnérabilités et en quoi consiste le plan. Ces plans sont de plus en plus intégrés, non seulement avec les États-Unis, mais avec d'autres pays également. Les initiatives multilatérales sont en effet nombreuses.

Tous les organismes, ministères ou agences responsables d'activités ou d'autres organisations ou infrastructures, en font partie.

Le sénateur Dallaire : S'ils ont des infrastructures, est-ce que vous vous attendez à ce qu'ils aient cette capacité et qu'elle soit intégrée à la vôtre?

M. Davies : Oui.

Le sénateur Dallaire : Avez-vous le sentiment d'avoir atteint vos objectifs après les importants investissements que vous faites depuis des années pour regrouper toutes ces données et les diffuser en temps opportun auprès de ceux qui pourraient en avoir besoin? Avez-vous réussi à faire cela? La diffusion comme telle n'est pas vraiment le fort des organisations de renseignement ou de sécurité.

M. Davies : C'est une grande question. Les processus d'élaboration des politiques étant par définition dynamiques, on essaie toujours de mieux faire. De nombreux ministères et organismes font partie de la collectivité du renseignement de sécurité du Canada. Nous dirigeons de grandes initiatives stratégiques en vue de renforcer les assises sur lesquelles reposent nos politiques afin de cerner les lacunes et les faiblesses et déterminer la voie à suivre à l'avenir.

Le gouvernement a également pris des engagements de plus grande envergure, comme le Plan d'action de la Commission d'enquête sur l'affaire Air India, engagements qui devraient contribuer à améliorer la situation, y compris en matière d'échange d'informations entre les ministères fédéraux et les ministères à compétence interne. Il est essentiel que nous respections ces engagements également.

Le sénateur Dallaire : À la lumière de votre réponse, cette mesure législative n'a rien pour nous rassurer en ce qui concerne les mouvements d'engins ou de matériaux nucléaires ni la possibilité qu'ils entrent au Canada, et elle ne garantit nullement que nous ayons comblé toutes les lacunes dans les régions où ce genre de chose pourrait échapper au radar et passer inaperçu.

M. Davies : Je n'ai pas encore lu toutes les transcriptions de vos délibérations sur ce projet de loi, mais dans tout ce que j'ai vu, j'ai constaté qu'un thème revient en leitmotiv : la menace est en train d'évoluer. Il faudra évoluer du côté de la formulation des politiques, des lacunes législatives et des programmes, si l'on veut demeurer au fait de cette question.

J'estime qu'il y a tout lieu d'espérer dès l'année prochaine de nombreuses améliorations au régime politique canadien en termes de contre-prolifération et je crois que de nombreux aspects auxquels nous travaillons en tant que gouvernement sont assurément en train de s'améliorer.

Le sénateur Dallaire : Ce serait très bien de pouvoir évaluer cela au sein d'un comité. Comme nous ne sommes pas la Nouvelle-Zélande, nous laissons des navires à propulsion nucléaire sillonner nos eaux. Avons-nous une idée des risques qu'ils posent pour la sécurité? Il y a des brise-glace à propulsion nucléaire qui naviguent dans le Nord avec des touristes à bord. Cela peut sembler un peu tiré par les cheveux, mais quand on voit ce qu'Al-Qaïda a fait, pourquoi ne pas cibler un navire ayant une capacité nucléaire et s'en emparer, voire le faire exploser?

Savez-vous à peu près combien de bâtiments à propulsion nucléaire voguent sur nos eaux et pouvez-vous affirmer que vous surveillez la situation et informez le MDN et nos alliés des risques éventuels que cela représente sur le plan de la sécurité?

M. Davies : Les services de renseignement du Canada sont parfaitement au courant des navires présents dans les eaux canadiennes et de leur capacité respective. À mon niveau, je le précise, je ne m'occupe pas des aspects opérationnels. Je ne surveille pas personnellement ces questions et je n'y travaille pas non plus; ce sont les entités exploitantes qui sont au courant de ces questions. Il y a diverses strates hiérarchiques en matière d'évaluation des menaces, suivant la nature de l'organisation et du problème. Sur le plan environnemental, je ne suis pas tout à fait sûr de la manière dont cela fonctionne.

Le sénateur Dallaire : Je suis moins préoccupé par l'environnement que par les engins en question. Disposez-vous d'IPO ou instructions permanentes d'opérations, exigeant que le MDN et d'autres organismes soient informés de toute menace pesant contre un bâtiment à propulsion nucléaire — navire ou autre — qui se trouve dans un de nos ports et permettant de déterminer si les niveaux de sécurité sont suffisants ou non pour en fonction des exigences?

M. Davies : J'en parlerai à mon groupe chargé des opérations et j'insérerai cette information également dans la longue lettre qu'il faudra que je vous écrive.

Le sénateur Day : Ma question sera brève. Dans mes lectures, je tombe invariablement sur cette nouvelle infraction. Vous pourriez peut-être me dire s'il y en a d'autres du même ordre. Celle qui m'intéresse se trouve au paragraphe 82.5 du projet de loi. On dirait vraiment une situation de non bis in idem. Je sais qu'il y a un autre article là-dessus. Celui-ci dit que quiconque commet une infraction et a, de plus, l'intention — la notion d'intention est importante ici — d'acquérir des matières nucléaires, commet une deuxième infraction. Je me demande simplement ce que ça va donner en cour. Il faudra d'abord prouver que la première infraction est punissable par mise en accusation avant de passer au deuxième chef d'accusation et ainsi établir le non bis in idem. Cela me semble un peu étrange. On aurait pu se contenter de dire qu'il aura impossibilité de poursuivre deux fois pour la même infraction chaque fois qu'on aura affaire à quelqu'un qui commet une infraction dans le dessein d'obtenir quelque chose de manière illicite ou à quelqu'un qui commet un vol par effraction pour... cherche-t-on simplement à élargir la portée de la mesure autant que faire se peut pour englober tout acte criminel associé à la tentative illicite de mettre la main sur des matières radioactives?

M. Davies : Je suis persuadé que nos collègues du ministère de la Justice décriront cela comme étant « l'approche rédactionnelle privilégiée ».

Le sénateur Day : Êtes-vous au courant d'autres exemples?

Le président : Vous voulez dire ailleurs dans le Code criminel, sénateur?

Le sénateur Day : Oui, ou ailleurs. Cela me semble curieux. C'est peut-être parce que je ne travaille pas en droit pénal et il n'est pas inusité d'avoir des poursuites en deux temps.

Le président : Nous demanderons à notre propre personnel chargé des recherches juridiques de nous répondre à la question également.

Le sénateur Day : Ce serait très utile.

Le sénateur Joyal : Monsieur Davies, j'aimerais revenir sur la question de la fabrication d'un dispositif, que j'ai soulevée plus tôt et que vous aviez promis de passer en revue avec vos collègues au ministère de la Justice.

J'aimerais vous citer l'alinéa 2(1)a) de la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire que ce projet de loi cherche à mettre en œuvre. Il dit :

Commet une infraction au sens de la présente convention toute personne qui, illicitement et intentionnellement :

a) détient des matières radioactives, fabrique ou détient un engin...

C'est assez clairement décrit dans la convention. Comme vous l'avez dit, les Américains ont un projet de loi analogue. Serait-il possible de vérifier ce qu'ils y ont inclus? Autrement dit, est-ce qu'ils ont clairement reproduit le libellé de l'alinéa 2(1)a), puisque la disposition qui modifie le paragraphe 82.3 du Code criminel emploie clairement les expressions « possession, utilisation », mais omet l'expression « fabrication »?

Si nous devons mettre en œuvre la convention, il me semble qu'il s'agit là d'un élément important.

M. Davies : Je crois que les États-Unis cherchent à ratifier la convention de la même manière. Il pourrait s'agir d'une question d'interprétation au niveau de la rédaction.

Le sénateur Joyal : Je crois qu'il serait bon d'examiner la loi des États-Unis sur les questions nucléaires pour savoir si la « fabrication » est couverte dans cette loi alors qu'elle ne l'est pas dans la nôtre. Voilà pourquoi je crois que nous devrions vérifier les deux sources, la loi sur le nucléaire et, bien entendu, le code criminel américain afin de chercher à être sur la même longueur d'onde que les Américains à ce sujet et voir pourquoi nous n'avons pas introduit l'expression « fabrication » au paragraphe 82.3 que j'ai cité, si c'est possible dans vos recherches.

Le sénateur Day : Dans cet article, il est question de « modification », expression qui peut être plus générique que « fabrication ».

Le sénateur Joyal : Nous pourrions débattre cela dans le contexte du mot « fabrication ». Comme le président l'a si bien dit, si quelqu'un cherchait à utiliser certaines pièces ou tentait d'assembler des pièces, il pourrait y avoir infraction, en plus de la possession de matériaux radioactifs nucléaires. Il pourrait s'agir d'un lien pour la fabrication d'une bombe. Voilà pourquoi je crois que la nuance « fabrication » est importante tout comme la définition d'« engin ».

Le président : Comme pour toute autre partie du Code criminel, le fardeau de la preuve exige que l'on prouve que l'acte a été délibéré, faute de quoi le procureur de la couronne aura de la difficulté à obtenir l'inculpation.

S'il n'y a pas d'autres questions, je vais remercier nos témoins pour leur franchise et leur participation constructive, pour le travail qu'ils font pour tous les Canadiens et pour leur engagement à rédiger ce qui pourrait bien être la lettre la plus longue jamais écrite par un fonctionnaire à un comité. Toute l'aide que vous pourrez nous fournir sur ces questions techniques sera vivement appréciée.

La séance est levée. Nous nous donnons rendez-vous lundi prochain.

(La séance est levée.)


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