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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 5 - Témoignages du 2 novembre 2011


OTTAWA, le mercredi 2 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 48 pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : Questions concernant l'éducation des Premières nations).

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'ensemble des sénateurs et aux membres du public qui suivent sur CPAC ou sur Internet les débats du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur et le privilège de présider le comité.

Le comité a pour mandat d'examiner les lois et les questions relatives aux peuples autochtones du Canada. Dans le cadre de ce mandat, le comité a entrepris une étude sur les stratégies possibles de réforme de l'enseignement primaire et secondaire dans les Premières nations en vue d'améliorer les résultats scolaires. L'étude traite — entre autres — des ententes tripartites sur l'éducation, des structures de gouvernance et de prestation des services et des cadres législatifs possibles.

Ce soir, nous allons entendre des témoins qui représentent l'Assemblée des Premières Nations. Nous connaissons très bien, évidemment, l'APN, organisme national qui représente les Premières nations du Canada. On compte au Canada plus de 630 collectivités des Premières nations. Le secrétariat de l'Assemblée des Premières Nations a été créé pour présenter le point de vue des diverses Premières nations, par l'intermédiaire de leurs chefs, dans des domaines tels que les droits ancestraux et les droits issus de traités, le développement économique, l'éducation, les langues et l'alphabétisation, la santé, le logement, le développement social, la justice, la fiscalité, les revendications territoriales et l'environnement.

[Français]

Mais avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont présents ce soir.

[Traduction]

La vice-présidente du comité, le sénateur Lillian Dyck, vient de la Saskatchewan. Le sénateur Sibbeston vient des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Ataullahjan, de l'Ontario, le sénateur Smith, du Québec, le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique et le sénateur Demers, du Québec également.

Chers collègues, veuillez avec moi souhaiter la bienvenue aux témoins, qui représentent l'Assemblée des Premières Nations : Shawn (A-in-chut) Atleo, chef national; Richard Jock, directeur général; Morley Googoo, chef régional du Canada atlantique; et Jennifer Brennan, stratège principale.

Notre comité se considère chanceux de recevoir ici le chef Atleo, qui présentera son point de vue, non seulement à titre de chef national, mais également à titre d'éducateur professionnel.

Chef Atleo, nous sommes prêts à entendre votre exposé qui, vous le savez, sera probablement suivi des questions des sénateurs. Si vous êtes prêt, monsieur, la parole est à vous.

Shawn (A-in-chut) Atleo, chef national, Assemblée des Premières Nations : Merci, monsieur le président. C'est nous qui nous estimons chanceux d'être accueillis ici de nouveau, et je parle au nom des miens. J'aimerais, comme c'est notre coutume...

[M. Atleo s'exprime dans sa langue autochtone.]

Je tiens à exprimer respectueusement mon accord pour cette réunion qui se tient en territoire algonquin.

Vous m'avez déjà présenté. Je m'appelle A-in-chut, ou Shawn Atleo. C'est un grand plaisir pour moi d'être ici avec mes collègues. Je souligne en particulier la présence du chef régional Googoo, qui s'est joint tout récemment à l'exécutif national de l'Assemblée des Premières Nations. Notre organisme compte des chefs régionaux de partout au Canada, d'un océan à l'autre, et les chefs régionaux nous apportent leur expérience appréciable dans le domaine de l'éducation. M. Googoo a accepté de se charger du portefeuille de l'éducation, au sein de l'exécutif national, et c'est pourquoi je suis heureux qu'il ait pu avoir le temps de se joindre à nous ici ce soir.

C'est un privilège d'être ici. Merci du travail que vous faites. Je tiens tout particulièrement à vous remercier, monsieur le président, du leadership que vous exercez sur vos collègues. Je me sens privilégié, car votre tâche consiste en réalité à réfléchir aux témoignages très passionnés et brillants des leaders et des experts des Premières nations de tout le pays que vous avez déjà entendus. Mon rôle ici ce soir, à bien des égards, est non pas nécessairement de fournir de nouvelles informations, mais plutôt de profiter de l'occasion de vous encourager à prendre des mesures énergiques pour donner suite aux propos de ces témoins. Je voudrais vous rappeler, à vous tous, qu'il est vraiment urgent d'agir et qu'en fait, le temps est venu de faire exactement cela — c'est le temps de dire fermement : « Jamais plus. » Dans notre pays, aucun enfant des Premières nations ne sera laissé pour compte.

L'Assemblée des Premières Nations a le privilège de servir l'ensemble des leaders des Premières nations, comme je l'ai déjà dit, de toutes les régions du pays. C'est un immense honneur, en effet, et cela requiert assurément la capacité de maintenir l'équilibre, étant donné la situation très différente des Premières nations des diverses régions.

Notre rôle en est un de coordination, pas de direction. C'est en respectant à la lettre les traités et les droits inhérents des Premières nations et en ouvrant des portes afin de pouvoir appuyer les efforts et les intérêts des gouvernements des Premières nations que nous pouvons réaliser les mandats dont nous sommes investis.

Comme vous le savez tous, j'ai personnellement fait de l'éducation une priorité, et ce, dès le départ. Quand j'ai accepté l'honneur de devenir chef national, nous avons décidé de faire de nos étudiants une priorité et de prendre tous les moyens nécessaires, de manière très dynamique, pour mobiliser la société canadienne dans son ensemble au sujet de la priorité de l'éducation des Premières nations.

Lorsque j'ai présidé ma toute première assemblée à titre de chef national, en décembre 2009, j'ai été très ému par les manifestations de soutien nos leaders à l'égard de ce dossier : ils se sont dressés unis derrière l'objectif de faire de l'éducation la priorité nationale. Cela a lancé à tout le pays un message fort selon lequel nous sommes déterminés, nous sommes prêts et nous ne baisserons pas les bras tant que nos enfants n'auront pas accès à tous les débouchés qu'ils méritent tant. Je suis tellement heureux que nos enfants puissent entendre ce message.

Peu après cela, avec l'aide des leaders des Premières nations de tout le pays, j'ai lancé une invitation à passer à l'action afin d'enrayer la crise du système d'éducation des Premières nations. Je tiens à vous remercier, membres du comité sénatorial, d'avoir entrepris, le 13 avril 2010, cette étude sur l'éducation des Premières nations. J'apprécie vraiment ce que vous avez fait pour mettre en relief cet enjeu fondamental.

Afin de faire avancer le dossier de l'éducation des Premières nations, nous avons demandé que soient conclus des engagements précis concernant entre autres quatre grands aspects, dont le premier est la réconciliation. Le Canada s'est engagé à appuyer la déclaration des Nations Unies, ce qui fournit un cadre approprié pour ce travail. Nous entendons par « réconciliation » le fait de faire cadrer la réalité et les droits des peuples autochtones du pays, y compris par des engagements visant à tenir compte de nos langues, de nos identités et de nos nombreuses contributions au pays, dans le cadre d'un programme pertinent pour l'ensemble des Canadiens, et en particulier pour appuyer nos propres étudiants, de façon qu'ils se voient dans ce reflet.

On trouve partout au pays des exemples de situations où des progrès sont réalisés, comme un programme d'enseignement sur les traités en Saskatchewan et au Manitoba, des manuels d'études autochtones en Alberta et en Ontario et des programmes enrichis de perfectionnement professionnel pour les enseignants dans toutes les provinces, pour ne nommer que ceux-là. Nous devons tirer parti de ces importants fondements et veiller à ce qu'ils prennent dans chaque région du pays.

Le second aspect, c'est celui de l'obtention d'une garantie en matière d'éducation pour les Premières nations, et nous entendons par cela des ressources stables et égales pour les enfants des Premières nations. Tout le monde s'entend sur le fait qu'il faut un cadre budgétaire sûr pour le financement de l'éducation. Vous l'avez déjà entendu dire de nombreuses fois. L'approche actuelle à l'égard du financement des écoles des Premières nations, qui s'appuie sur une formule de financement dépassée et sur des programmes à durée limitée fondés sur des propositions, n'est tout simplement pas une approche acceptable. La limite de 2 p. 100 au chapitre de l'augmentation des dépenses annuelles, qui n'a pas changé depuis 1996, fait en sorte que le financement des écoles des Premières nations n'a pas suivi le rythme de l'inflation ni celui de la croissance de la population. Nous estimons qu'il aurait fallu une augmentation d'au moins 6,3 p. 100, pendant cette période, simplement pour ne pas perdre du terrain.

Cette insuffisance du financement ne tient pas compte des coûts qu'il faudrait engager pour obtenir les outils éducatifs des systèmes scolaires du XXIe siècle, car la formule de financement actuelle des écoles des Premières nations ne les a pas prévus. Il s'agit de services de base, par exemple les bibliothèques, les ordinateurs, les sports et loisirs, la formation professionnelle et les langues des Premières nations, y compris les programmes d'immersion.

Les écoles et les systèmes des provinces sont le point de comparaison de base au chapitre du financement. Plus précisément, les Premières nations ont besoin d'un financement qui couvrirait le coût réel de programmes et de services comparables à ceux qui sont offerts aux étudiants des systèmes provinciaux. Dans les régions éloignées et dans les petites écoles, cela exige un financement d'appoint supplémentaire.

Il faut que le financement soit prévisible, de façon que les écoles et les systèmes des Premières nations puissent faire une planification. Il doit être durable, pour que les Premières nations n'aient pas à constamment rédiger des propositions, à se disputer le maigre financement disponible et à rédiger des dizaines de rapports qui, au bout du compte, ne sont jamais lus.

Le troisième aspect concerne les systèmes grâce auxquels nous pourrons y arriver, grâce auxquels nous pourrons obtenir le financement stable et équitable essentiel pour offrir une éducation de qualité à tous nos étudiants. L'éducation des Premières nations doit pouvoir compter sur des mécanismes institutionnels pouvant offrir des services de soutien de deuxième et troisième niveaux qui sont professionnels et fiables.

Tous les membres de votre comité ont entendu des témoins dire clairement que les systèmes d'éducation des Premières nations doivent obtenir les moyens nécessaires pour bien soutenir leurs écoles et pour faire profiter les systèmes provinciaux de leur expertise. Qui est mieux placé que les Premières nations pour élaborer des programmes adaptés à la culture et former des enseignants relativement à l'intégration de ces aspects culturels?

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, les Micmacs de l'Atlantique se sont déjà penchés sur cette question. Le chef régional Googoo, s'il en a la possibilité, pourra vous parler des expériences qu'il a vécues sur le terrain, dans cette région. Nous pouvons donner d'autres exemples de groupes qui, comme le Comité de coordination de l'éducation des Premières nations de la Colombie-Britannique, ont prouvé que la prise en charge par les Premières nations des systèmes d'éducation leur permet de faire avancer les choses. Vous avez pris connaissance du développement — variable — qui a lieu ailleurs, au Manitoba, en Alberta ou dans le Nord de l'Ontario. Partout au pays, les Premières nations travaillent à la mise en place de systèmes. Elles n'en sont pas toutes rendues à la même étape de leur développement, mais elles ont toutes la même destination, qui a été définie, il y a maintenant des dizaines d'années, dans une déclaration commune où nous exprimions notre désir et notre conviction touchant l'importance des systèmes d'éducation des Premières nations.

Nous reconnaissons qu'il est temps d'agir, de réaliser la vision exposée dans la déclaration de principe de 1972, « La maîtrise indienne de l'éducation indienne » et de travailler avec les Premières nations à l'élaboration d'un cadre qui donnera naissance aux systèmes d'éducation des Premières nations.

Le quatrième aspect est celui du soutien et des partenariats. Notre invitation à passer à l'action s'appuie également sur la nécessité des partenariats et des mesures de soutien, c'est-à-dire qu'il faut recréer un environnement propice à l'apprentissage dans nos collectivités et créer des liens avec différents organismes, avec le public et avec le secteur privé, pour qu'ils investissent dans nos écoles et dans nos enfants.

Nous savons que le défi de l'amélioration de l'éducation des Premières nations va au-delà de la salle de classe et qu'il faut tendre la main aux autres si nous voulons assurer la stabilité et réussir. Nous devons adopter une approche holistique pour veiller à ce que les enfants des Premières nations puissent réussir.

L'éducation de la petite enfance doit être davantage accessible; nous devons aider les enfants et leur famille dès les premières années. Cela exige également la coordination des efforts déployés par les trois ministères fédéraux qui s'occupent actuellement de cette question, par les ministères provinciaux et par les Premières nations, de façon à donner aux Premières nations davantage de chances de réussir.

Le financement de l'éducation postsecondaire doit être une réalité si nous voulons que les diplômés des écoles secondaires aient la possibilité de poursuivre leurs études. C'est une nécessité absolue, une possibilité dont j'ai moi-même profité et dont je suis reconnaissant. Selon nos recherches, il nous faudrait à l'heure où on se parle 65 000 diplômés universitaires de plus — c'est-à-dire en plus de ceux qui fréquentent déjà une université — tout simplement pour réaliser la parité avec le reste du Canada. Un grand nombre d'établissements d'enseignement et de sociétés privées ont pris l'initiative d'apporter une contribution. Nous apprécions leurs efforts, et nous espérons que ce n'est que le commencement.

Comme vous pouvez le voir, notre invitation à passer à l'action se compose de plusieurs éléments, tous interreliés, dont vous ont parlé plus en détail des témoins qui ont déjà comparu devant vous. Le gouvernement fédéral a réagi en collaborant avec nous dans le cadre d'un groupe de travail national sur l'enseignement de la maternelle à la douzième année. C'est une autre initiative importante de mobilisation des Premières nations qui fera l'objet d'un rapport au cours des prochains mois.

Mais le plus important, c'est que nous devons mettre tous ces renseignements à profit pour faire des choix éclairés. Notre défi, aujourd'hui, est d'accélérer la cadence et de nous engager à l'égard des mesures énergiques qui doivent être prises. Voilà le rôle tout à fait crucial que doit jouer votre comité sénatorial.

On vous a dit clairement que le cadre actuel de l'éducation des Premières nations a de graves lacunes. Les dispositions actuelles de la Loi sur les Indiens en matière d'éducation sont à peu de chose près celles qui étaient en vigueur en 1951, lorsque l'éducation des Premières nations était principalement assurée par les pensionnats. Ce cadre est fondé sur la croyance selon laquelle les Premières nations disparaîtraient avec le temps.

La croissance de notre population, l'affirmation de nos droits et notre survie confirment que ce cadre est à la fois dépassé et fondamentalement immoral. La Loi sur les Indiens, en ne reconnaissant pas les droits et les responsabilités des Premières nations, en n'énonçant aucun engagement à assurer la stabilité et à offrir des ressources, ne peut en aucun cas être considérée comme un mécanisme qui appuie l'éducation. Les Premières nations ont besoin d'une éducation de qualité, bien adaptée à leur culture, et elles méritent qu'on leur garantisse une telle éducation.

Dans son rapport daté du 9 juin 2011, la vérificatrice générale cernait quatre grands problèmes touchant l'approche fédérale actuelle à l'égard des programmes des Premières nations en général et de l'éducation en particulier. Vous êtes probablement au courant de ces quatre problèmes : le niveau des services à assurer est mal défini; il n'y a pas de fondement législatif; les mécanismes de financement ne sont pas appropriés; il manque d'organisations capables de veiller à la prestation des services à l'échelon local. Chacun de ces problèmes justifie notre invitation à passer à l'action, et vous avez l'occasion de les aborder directement dans cet important rapport.

Nous devons profiter de l'effet d'entraînement et du consensus qui s'est fait — comme vous l'avez vous aussi entendu et comme l'entendent les membres du groupe de travail —, car c'est non pas une simple réforme, mais bien une transformation profonde qui s'impose. Nos droits, le droit particulier à l'éducation qui nous est conféré par traité et la maîtrise par les Premières nations de l'éducation des Premières nations, qui ont été clairement exprimés la première fois au début des années 1970, sont toujours au cœur de notre position. Nous voulons aujourd'hui exercer pleinement nos droits et, pour cela, nous allons mettre en place des systèmes d'éducation complets qui sont conçus pour aider tous nos enfants et veiller à leur épanouissement de façon qu'ils puissent réaliser leur plein potentiel.

Vous aurez remarqué qu'il existe des différences entre les nations et entre les régions et qu'il faut absolument respecter ces différences; mais vous aurez également remarqué que toutes les Premières nations travaillent à la réalisation d'une vision commune. Vous avez pu vous-mêmes constater les succès obtenus par les Premières nations qui ont travaillé de concert pour préparer le terrain. À la lumière de tout ce qui se fait actuellement au Manitoba, dans le respect de la vision Wahbung, de la réussite des projets des Micmacs de l'Atlantique, dont j'ai déjà parlé, du comité de coordination de l'éducation des Premières nations, en Colombie-Britannique, ou encore du Conseil en éducation des Premières nations du Québec — les exemples sont nombreux —, vous savez que les Premières nations désirent passionnément des changements fondamentaux et qu'elles sont convaincues que c'est à elles de montrer le chemin.

Le tableau qui se dégage devient très clair. Comme les leaders et les experts l'ont tous dit, il est temps d'aller de l'avant, de soutenir et d'habiliter un système d'éducation des Premières nations qui prendra racine d'abord et avant tout à l'échelon de la collectivité et qui, grâce à des mécanismes de soutien au second et au troisième niveaux — éléments essentiels d'un système — pourra s'épanouir.

Ce n'est pas une tâche facile, et elle doit être bien accomplie. Des témoins comme M. McCue, entre autres, qui ont comparu devant vous, nous font comprendre que ces mécanismes de soutien font cruellement défaut.

Laissez-moi vous expliquer clairement la vision que nous voyons émerger; ce n'est pas une vision imposée par les échelons supérieurs. Il s'agit plutôt d'une vision qui vient de la base et qui amène les Premières nations à se mobiliser, comme elles l'entendent, autour de choses comme la géographie, la culture et l'identification à leur grande nation autochtone. Je rappelle encore une fois que l'expérience des Micmacs est à ce titre exemplaire.

Les soutiens de second niveau doivent provenir des nations elles-mêmes, refléter leurs intérêts communs et renforcer leurs langues et leurs cultures. Ce niveau permettra d'offrir les mécanismes clés de soutien tout en assurant la responsabilité en matière d'éducation devant chaque collectivité et chaque famille.

Vous avez également entendu dire qu'il faudra, pour que le système d'éducation fonctionne pleinement, des soutiens au troisième et même au quatrième niveaux. Les détails prendront forme, en grande partie, à mesure que nous passerons aux prochaines étapes, mais nous devons créer un milieu pour des systèmes entièrement fonctionnels qui jouiront d'un soutien général, non pas dans le but de superviser ou de restreindre, mais, je le souligne encore une fois, pour permettre et soutenir cette transformation.

À cet échelon-là, il y aura entre autres fonctions celle de soutenir les Premières nations en ce qui concerne la recherche, les données, l'innovation, la formation des enseignants et l'élaboration des programmes d'enseignement. Il ne doit pas être question de politique, ni de manigances d'organisation pour défendre leurs intérêts. Les systèmes que nous allons mettre sur pied doivent être des organismes de gouvernance tout à fait efficaces, transparents et comptables à toutes les Premières nations qui feront partie de ces structures.

Pour créer un système d'éducation des Premières nations, il faudra un nouveau cadre de travail qui reconnaît nos droits et qui permet la mise en place des systèmes que je viens de décrire. Nous avons vu cela exposé dans de nombreuses études et recommandations antérieures, y compris, en 2002, dans le rapport final du groupe de travail national du ministre sur l'éducation, qui a clairement reconnu la compétence des Premières nations en matière d'éducation. Depuis ce temps, nous avons vu des progrès variables et souvent seulement partiels, et il n'y a pas eu d'effort concerté visant la mise en œuvre complète.

Vous avez entendu d'autres personnes, par exemple Harry Lafond, du Bureau du commissaire aux traités de la Saskatchewan, expliquer que ces cadres et ces mécanismes étaient nécessaires à la reconnaissance des Premières nations. C'est essentiellement ce qu'ont dit bien des témoins, à mon avis : le nouveau cadre doit être habilitant; il doit être non pas imposé, mais défini par les Premières nations. Il doit transformer la relation financière et la faire passer du versement d'allocations dans le cadre des programmes — sources d'instabilité et de vulnérabilité — à un financement garanti, stable, sûr et équitable qui répond à nos besoins et nous permet de donner à nos écoles et à nos enseignants les outils dont ils ont besoin pour aider chaque enfant à réussir.

Le statu quo des provinces et du gouvernement fédéral n'a pas fonctionné. Il est temps de tourner le dos aux politiques et aux approches ratées du passé et de permettre aux Premières nations de prendre les rênes de leur système d'éducation.

Vous avez entendu nos experts des Premières nations de tout le pays dire d'une voix forte que le moment est venu. Les représentants des Premières nations qui ont comparu devant vous ont démontré qu'il est possible de réussir, surtout si elles ont du soutien dans toutes les régions du pays. Toutes les études réalisées sur cette question l'ont démontré.

Dorénavant, nous devons mettre de l'avant une approche holistique de l'éducation et de l'apprentissage permanent. En mettant en place des systèmes d'éducation, nous pourrons entreprendre l'apprentissage dès les premières années, jusqu'à l'âge adulte, et toute la vie.

Cela veut dire que nous devons mobiliser tous les intervenants pour faire en sorte que l'éducation de la petite enfance soit plus facilement accessible à tous les enfants des Premières nations, qu'elle soit davantage adaptée à la culture et à la langue et qu'elle fasse partie intégrante de l'éducation des Premières nations. Il est temps de faire de la place pour les Premières nations, pour nos gouvernements, nos langues et nos cultures et pour nos systèmes.

Nous sommes tous assujettis à des traités. Nos ancêtres respectifs avaient compris cela lorsqu'ils ont conclu des traités axés sur la paix et l'amitié, des traités d'alliance et de soutien mutuel. Nous devons exercer le droit à l'éducation qui nous est conféré par ces traités, voir à l'observation de cette promesse de respect mutuel et de soutien et réaliser l'extraordinaire potentiel commun qui est le nôtre.

Nous pouvons penser à la déclaration de l'ex-juge en chef de la Cour suprême, Antonio Lamer : « Il faut se rendre à l'évidence, nous sommes tous ici pour y rester. »

Il n'est pas possible de tout simplement nous assimiler au moyen d'un système d'éducation imposé. On l'a déjà essayé, et cela s'est révélé un échec lamentable. Nous devons plutôt nous rallier à un autre ancien juge, Sidney Linden, qui, durant l'affaire Ipperwash avait dit que « nous sommes tous visés par des traités ». C'est en effet une vision d'avenir fondée sur le respect mutuel et sur un engagement à s'entraider. C'est en reconnaissant nos compétences et nos obligations respectives que nous pourrons réussir à avancer.

Nous, les chefs des Premières nations, disposons de modèles et de sources d'inspiration extraordinaires — nos nations, formées de braves hommes et femmes qui ont mené le combat et qui ont rendu possible ce qui se passe aujourd'hui.

Je pense à des gens comme le regretté Ernie Benedict d'Akwesasne. Il savait que c'est dans l'esprit des jeunes que se trouve le plus grand potentiel de notre peuple. Il a commencé ses études au North American Indian Travelling College avec une fourgonnette et une pile de livres, il a passé des années à voyager dans l'Est du pays, la plupart du temps seul, animé d'un rêve, du savoir de la nation iroquoise et de l'importance de conserver ses valeurs autochtones grâce à l'éducation. Cette vision a fini par trouver un lieu où se réaliser, et c'est ce qui a mené à la création et à la réussite de la Freedom School des Mohawks.

Je pense à ma propre grand-mère, aujourd'hui décédée, qui a élevé 17 enfants, dont l'aîné était mon père. Avant de mourir, elle m'a dit : « Mon petit-fils, je me suis battue toute ma vie. J'ai élevé mes enfants afin qu'ils deviennent des combattants. Nous ne menons plus nos combats avec nos poings; nous menons nos combats avec l'éducation. »

Des hommes comme Ernie et des femmes comme ma grand-mère sont une source d'inspiration pour nous tous, dans nos foyers respectifs. Il nous revient de les honorer, d'honorer leur vision et leur passion et d'accomplir ce qu'ils voulaient avant toute autre chose — être convaincus que plus jamais nos enfants ne seraient arrachés à leur maison et à leur famille et privés de leur identité et de leur culture au nom et sous le couvert de l'éducation.

Ils peuvent reposer en paix : les Premières nations prennent leur place avec tout le respect qu'on leur doit et en reconnaissant qu'elles doivent voir à l'épanouissement d'une nouvelle génération de jeunes leaders, afin que devant ces derniers se lève un nouveau jour où tous les espoirs sont permis et où toutes les occasions leur seront données, à eux et à l'ensemble du Canada.

Merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous ce soir.

Le président : Merci, chef Atleo, pour cet excellent exposé.

Morley Googoo, chef régional, Assemblée des Premières Nations : Je suis très heureux et privilégié d'avoir la possibilité d'être ici. J'aimerais remercier le chef national de m'avoir invité. C'est un honneur pour moi de me charger d'un dossier d'une telle importance qui vise à améliorer le bien-être et la qualité de vie de nos peuples grâce à l'éducation.

J'aimerais revenir sur l'activité de la Commission de vérité et de réconciliation qui vient de se tenir à Halifax. C'était un événement extraordinaire et excellent. J'admire et je reconnais la force et le courage de tous les gens qui ont pris la parole afin de renseigner les Canadiens, y compris nos gens, sur ce que notre peuple a vécu.

Pendant que nous travaillons à la réforme de l'éducation, nous devons clairement comprendre d'où nous venons, comme peuple. L'événement tenu la semaine dernière, les discussions et les témoignages des survivants des pensionnats m'ont ouvert les yeux sur les épreuves que les Premières nations ont traversées. Il est important pour tous les Canadiens que cela ait été officiellement reconnu de notre vivant, puisque cela nous permet de mieux apprécier et comprendre d'où nous venons et les défis auxquels nous sommes confrontés. Quand les gens nous demandent pourquoi nous ne pouvons pas tout simplement être comme eux, nous pouvons leur répondre que la raison pour laquelle nous ne pouvons pas être tout simplement comme les autres Canadiens est maintenant documentée.

Comme cela a été dit dans de nombreux rapports et dans le discours du Trône, il y a un écart entre la qualité de vie des Canadiens non autochtones et celle des Premières nations. C'est en assurant l'éducation des prochaines générations des Premières nations que nous pourrons améliorer notre qualité de vie.

J'ai eu le privilège de devenir chef de ma collectivité à l'âge de 24 ans; je le suis resté pendant 19 ans, avant de devenir chef régional. Lorsque j'étais chef, j'ai étudié les questions de la gouvernance et les ententes tripartites et législatives. En Nouvelle-Écosse, grâce à une entente sur l'autonomie gouvernementale, nous avons pris en charge le dossier de l'éducation. J'ai été président de cela avant de prendre mon poste actuel.

J'ai eu la possibilité de construire une nouvelle école dans ma collectivité. J'ai suivi ce processus dès le début. Nous avons commencé par en discuter, et il s'agissait tout simplement à ce moment-là de protéger le financement de l'éducation postsecondaire. Les discussions ont ensuite porté sur le transfert des responsabilités, puis sur une meilleure compréhension de la gouvernance et de ce que voulait dire réellement l'exercice du contrôle sur notre propre éducation.

Pendant ce processus, plutôt que de laisser un bureau régional déterminer qui aurait une école, les collectivités des Premières nations ont déterminé elles-mêmes quelle collectivité serait prioritaire. Il est très important pour nous d'exercer un plus grand contrôle sur l'ordre de priorité des grands dossiers qui nous aideront à améliorer nos collectivités. Même s'il est difficile de choisir laquelle des 13 Premières nations de la Nouvelle-Écosse sera la première à avoir une école, cela se fait en fonction des besoins réels.

J'ai été moi-même témoin des problèmes de financement scolaire, dont chacun des témoins qui se sont présentés devant vous ont parlé. Si nous avions bâti une école selon les normes fédérales, elle aurait été beaucoup plus petite qu'elle ne l'est — je parle d'une différence de 10 000 pieds carrés —, et elle n'aurait pas répondu aux besoins de notre collectivité. En ma qualité de chef de ma collectivité et de président de MK et à la lumière des conseils de nos directeurs et administrateurs, je savais qu'il nous fallait une école exigeant un investissement supplémentaire de 1,2 million de dollars. C'est notre collectivité qui a fourni le financement nécessaire pour combler l'écart.

Ce sont là des choses importantes, qui tiennent davantage à des aspects communautaires qu'à des politiques. J'entends habituellement dire que ce sont des exigences ou des limites du Conseil du Trésor qui nous empêchent d'avoir ce dont nous avons besoin. Il faut supprimer ces obstacles, de façon que nous puissions atteindre nos buts.

J'ai le grand plaisir d'annoncer que nous venons de signer notre troisième entente. Cette entente nous permet de bâtir deux autres écoles en Nouvelle-Écosse et d'agrandir enfin le gymnase d'une école de l'une des plus grandes collectivités de la Nouvelle-Écosse, celle de la Première nation Eskasoni. Si nous pouvons réaliser ces trois projets, c'est parce que les Premières nations travaillent de concert. L'entente prévoit des immobilisations de 7,5 millions de dollars seulement, mais notre formule unique de mise en commun des ressources des collectivités permet la réalisation de ces projets, parce que ce sont les Micmacs qui déterminent leurs priorités.

Pour réaliser nos objectifs en matière d'éducation, il nous faut un environnement propice. Il est important que chaque Première nation dispose d'écoles de qualité pour que nous puissions atteindre nos buts.

Nous voulons toujours augmenter le taux d'obtention de diplômes en Nouvelle-Écosse, mais il faut souligner que le taux de réussite dans les écoles relevant de notre compétence est de 72 p. 100, tandis qu'à l'échelle du pays, ce taux est malheureusement inférieur à cela. Nous sommes très fiers des succès que nous avons obtenus, mais nous voulons quand même en obtenir davantage.

En prenant les rênes de l'éducation et en travaillant de concert en tant que Premières nations, nous pouvons aider les collectivités à négocier les droits de scolarité avec les provinces. Au lieu de tenir pour acquis que nos enfants obtiennent des services adéquats en matière d'éducation, nous négocions et nous achetons les services d'éducation de la province. Ces négociations nous permettent de nous assurer que les élèves recevront des services d'éducation adéquats, qu'ils étudient dans la réserve ou à l'extérieur.

Nous avons obtenu l'autonomie gouvernementale en matière d'éducation, et nous avons exercé ces pouvoirs. En tant que président, j'ai eu à régler de nombreux dossiers complexes. Au bout du compte, notre bulletin est très bon, bien meilleur que ce qu'il était lorsque notre éducation relevait du gouvernement fédéral.

En conclusion, j'ai eu la possibilité de passer du statut d'étudiant d'une école fédérale à celui de chef de la collectivité, d'être président de MK et, aujourd'hui, d'être chef régional; je suis responsable du dossier de l'éducation et j'aide le chef national à faire avancer ce dossier. Je vois une grande différence entre l'époque de l'école fédérale, qui n'est pas si lointaine, et le moment où nous avons décidé que la bande prendrait les commandes — et, à titre de chef, c'était la première étape de la prise de contrôle par la bande —, l'employé du gouvernement fédéral est passé à autre chose et est devenu directeur d'une prison. Voilà la réalité; il s'agissait d'employés, et les autres enseignants des écoles fédérales sont devenus des employés du ministère à un moment donné. Aujourd'hui, nous sommes très fiers que deux Micmacs de notre collectivité soient directeur et directeur adjoint, et ils font de l'excellent travail.

Dernier point, mais non le moindre, même si toutes les dispositions de notre entente de financement exigent que nous respections des normes minimales, en tant que membres du conseil d'administration et président de MK, nous nous sommes demandé pourquoi nous devrions viser les normes provinciales, alors que notre province arrive au sixième ou au septième rang, à l'échelle nationale, au chapitre des résultats scolaires? Pourquoi ne pas chercher à savoir qui réussit le mieux au Canada et essayer d'atteindre ces normes? Encore mieux; n'essayons pas seulement d'être les meilleurs au Canada, essayons plutôt d'être les meilleurs en Amérique du Nord.

Je suis fier de voir que, dans notre collectivité, nous mettons en pratique les sept habitudes des gens très efficaces au sein du système scolaire. C'est l'école A.B. Combs de la Caroline du Nord qui a été la première à les intégrer; elle est reconnue internationalement en raison de la réussite des élèves des écoles primaires qui adoptent les sept habitudes enseignées par Stephen Covey. J'ai dit que je voulais aller à l'école A.B. Combs de la Caroline du Nord. Ses vendeurs ont dit qu'il y avait au Canada deux écoles qui avaient commencé à enseigner les sept habitudes dans les écoles primaires. Il s'agit d'écoles de l'Alberta, province où les écoles primaires occupaient le premier rang à l'époque.

Nous sommes allés visiter les écoles de l'Alberta et l'école A.B. Combs de la Caroline du Nord. Je suis très fier que nous ayons réussi, dans ma collectivité, à intégrer ces habitudes et à les intégrer à notre propre système d'enseignement.

Je suis bien sûr au courant de tous les défis qui se présentent à l'échelle du pays, dans chaque région, mais je suis très fier de ma propre collectivité et je m'estime privilégié d'avoir eu l'occasion de participer à un processus d'autonomisation où il s'agit, entre autres, pour les Premières nations de s'assurer qu'elles réussissent dans le domaine de l'éducation.

Sur ces mots, je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter.

Le président : Merci, chef Googoo. Il est à coup sûr encourageant d'entendre quelqu'un nous raconter l'histoire d'une réussite qui peut nous inspirer et dans laquelle nous pouvons trouver les solutions que nous cherchons à obtenir, au moyen de cette étude, afin d'améliorer le sort des enfants qui fréquentent les écoles dans nos réserves des Premières nations.

Chef national Atleo, dans votre document Le contrôle par les Premières nations de l'éducation des Premières nations : C'est notre vision, notre heure est venue, de juillet 2010, vous recommandez que l'on prenne immédiatement des mesures pour élaborer des lois fédérales. À votre avis, quel type de consultation sera nécessaire pour l'élaboration des lois dont vous parlez, et qui devrait être consulté? À votre avis, quels devraient être les éléments clés des lois envisagées? Est-ce que la question est juste?

M. Atleo : C'est une question importante, en partie parce que les lois, comme nous le savons tous et comme nous devons le reconnaître, concernent la façon dont les gouvernements s'organisent et formulent des instructions. J'aimerais attirer votre attention sur une chose, à titre d'exemple des choses que la plupart des Canadiens ignorent à propos des Premières nations, c'est qu'elles sont le seul segment de la société canadienne pour lequel le financement de l'éducation n'est pas garanti par la loi. Cela met en relief le fait qu'il manque quelque chose, du côté gouvernemental, pour amener le gouvernement fédéral à s'acquitter de ses obligations à titre de représentant et dans le cadre de ses relations avec les Premières nations, et pour que soient respectées les obligations découlant des traités.

En outre, nous savons que l'un des défis qui est le nôtre est lié à la tendance à la méfiance entre les Premières nations et les gouvernements — comme le chef régional l'a dit, on a tenu l'événement sur le thème de la vérité et de la réconciliation — qui a creusé un profond fossé entre les Premières nations et le Canada et la société canadienne. Nous sommes donc heureux de cette atmosphère de réconciliation qui semble découler des excuses importantes faites à l'été 2008 par le Canada aux survivants des pensionnats ainsi que de l'événement que le chef régional a aidé à coordonner à Halifax, où des survivants sont venus raconter leur histoire et expliquer les causes de leurs grandes difficultés et de leurs grands traumatismes.

En ce qui concerne notre travail, monsieur le sénateur, nous sommes conscients de ce profond sentiment de méfiance dans nos interactions. Cela se reflète en grande partie dans le processus décisionnel unilatéral du gouvernement, dont la Loi sur les Indiens est un élément parmi d'autres, avec les pensionnats, mais, si c'est le gouvernement qui dit comment il doit recevoir et donner des instructions, par le truchement des lois, l'expérience n'a pas permis de gagner la confiance des Premières nations; elle l'a minée.

Pour que les mesures prises donnent des résultats, pour faire avancer les choses, il faut travailler dans le cadre d'un réel partenariat avec les Premières nations. J'y ai fait allusion dans ma déclaration préliminaire : l'Assemblée des Premières Nations peut jouer un rôle de coordinateur. Ceux qui, au bout du compte, doivent fournir des appuis ou formuler des instructions sont les Premières nations elles-mêmes. Prenons l'exemple des Micmacs, qui se sont organisés, qui ont structuré leur système d'éducation; c'est un excellent exemple de la façon dont les nations peuvent s'organiser et dont elles doivent mener leurs efforts à l'avenir.

Que pouvons-nous faire pour favoriser et assurer le respect du pouvoir des Premières nations de prendre des décisions les concernant et d'appuyer les collectivités des Premières nations à partir de la base — si vous voulez — pour qu'elles puissent gérer à ce niveau-là les solutions nécessaires? Le document auquel vous faites référence est un document de principe qui a été accepté par l'Assemblée des Premières Nations, par les chefs, lors de notre assemblée générale annuelle, qui s'est tenue à Winnipeg, à l'été 2010. Monsieur le président, il y a des exemples dont nous pouvons nous inspirer pour ce qui concerne l'élaboration conjointe de politiques et de lois. Je donnerais en exemple un cas particulier — qui ne répond pas complètement à la question —, mais la Loi sur le Tribunal des revendications particulières est un exercice dans le cadre duquel les Premières nations et le gouvernement ont travaillé de concert afin de trouver une façon d'aller de l'avant.

Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est un parfait exemple. Ce dont il s'agit, c'est d'aider — dans le cas qui nous occupe — les Micmacs, d'aider les Premières nations et toutes les nations visées par un traité, dans leur territoire respectif, et il s'agit aussi de mettre un terme à la tendance d'Ottawa à prendre des décisions unilatérales et de les imposer. Voilà la principale tendance à laquelle nous devons mettre fin.

Il faut une collaboration et un soutien complets à l'égard de nos Premières nations si nous voulons en arriver à une solution. L'Assemblée des Premières Nations, certainement — forte de l'appui et des instructions des chefs —, a été appelée à jouer un rôle de premier plan et à coordonner les démarches

Le sénateur Dyck : Merci pour vos exposés de ce soir, messieurs. Vous avez fait de l'excellent travail en passant en revue les témoignages et en nous rappelant tous les points que nous aurions pu oublier.

Notre président a posé des questions importantes sur l'évolution de la relation au fil du temps, car vous avez laissé entendre que nous avions besoin d'un nouveau cadre de travail qui ne serait pas imposé, mais qui serait élaboré par les Premières nations; vous nous avez donné un premier élément de réponse à ce sujet.

Chef Googoo, notre comité a parcouru votre territoire et a visité Eskasoni. J'essaie de me souvenir du nom de tous les différents lieux que nous avons visités, mais ces noms m'échappent. Je me souviens des structures; les édifices sont magnifiques. On m'a expliqué comment l'école était gérée. Tout cela m'a semblé fantastique.

Ils ont conclu une entente tripartite, et vous m'avez dit qu'elle avait été renouvelée. Une chose a attiré mon attention, c'est la situation du financement, vous y avez fait allusion plusieurs fois dans votre exposé. Ils s'apercevaient que, même avec des écoles, des programmes et des services fantastiques, sans argent pour assurer le fonctionnement, rien ne peut fonctionner. Il m'a semblé qu'ils me disaient qu'il n'y avait pas suffisamment de ressources. Dans une des écoles que nous avons visitées, on m'a dit qu'ils devaient combler le manque à gagner au chapitre du financement lorsque des enfants de leur propre réserve allaient à l'école à la ville. On leur facturait la différence au chapitre du financement, et ils se retrouvaient donc avec un déficit.

Même si on pourrait très bien légiférer à ce chapitre, comment pouvons-nous composer avec les différences au chapitre du financement? En Saskatchewan, ils nous ont dit que l'allocation pour un élève d'une école de réserve était d'environ 6 500 $, alors qu'elle est d'environ 10 500 $ si ce même élève va dans une école de la province, dans la ville voisine. Ils auraient à payer 10 500 $, mais la bande ne verrait pas cet argent. Cela crée des situations où la bande est doublement perdante.

Vous avez également fait allusion à l'obtention d'un financement obligatoire. Je crois que le vérificateur général par intérim a recommandé que l'on étudie cette question, et le financement pourrait provenir du Conseil du Trésor. Je sais que je parle beaucoup, mais pourriez-vous commenter cela?

M. Atleo : Les points que vous avez soulevés sont vraiment cruciaux et, à l'échelle nationale, je trouve qu'ils représentent un défi. Comme je l'ai expliqué dans mon rapport, cela peut créer des conflits inutiles entre les Premières nations et les régions. Il nous faut à l'heure actuelle au moins 40 nouvelles écoles. On ne pourrait en financer que quelques-unes.

Cela n'est pas seulement injuste, c'est indéfendable. Le chef régional vous a décrit le genre d'idées innovatrices que produisent des organisations comme la Mi'kmaq Education Authority. Elle fait tout son possible pour s'assurer que les enfants savent que leurs leaders vont tout faire pour que cela fonctionne.

Monsieur le président, pour en revenir à votre question, un des défis supplémentaires consiste à définir la manière de faire. Les ententes tripartites sont une manière. Ce qui est difficile pour nous, c'est de nous assurer — si nous voulons vraiment que ce soit les Premières nations qui soient à la source — de faire bien attention de ne pas imposer des approches globales, y compris des approches tripartites, et de faire en sorte que la principale relation soit celle qui lie les Premières nations et la Couronne fédérale. C'est là que l'obligation de représentant demeure. Pendant que ce travail se poursuit, nous allons également attendre le rapport du groupe de travail national. Nous allons demander aux leaders des Premières nations quels seront les mandats précis pour les prochaines étapes que nous allons probablement devoir franchir.

C'est un élément important que je voulais présenter aux sénateurs. Le rapport du groupe de travail national, contrairement à d'autres rapports, ne va pas être présenté seulement au gouvernement fédéral. Il sera également présenté aux Premières nations. La raison pour laquelle cela est important, c'est que cela nous donne l'occasion de nous arrêter pour réfléchir. Sur quoi porte le rapport du groupe de travail national? Qu'est-ce que les membres ont entendu? Quels éléments sont différents ou semblables dans les innombrables rapports dont nous avons parlé et dont vous avez parlé? Quelle voie devrait-on emprunter? Une garantie législative est une première chose, il faut aussi assurer l'équité et l'égalité, au moins avec les autres étudiants du système d'éducation canadien.

J'irais même jusqu'à dire que, si les pensionnats étaient — sous le couvert de l'éducation — une tentative d'arracher les élèves des Premières nations à leur culture, à leur langue, aux enseignements de leurs Aînés et à leur territoire, ne devrions-nous pas valoriser le patrimoine culturel de plus de 50 langues autochtones? Dans la même mesure où notre longue histoire devrait être reconnue comme une riche contribution au patrimoine culturel du continent, ne faudrait-il pas nous assurer — c'est ce que la commission royale avait déclaré, à l'époque — que les populations autochtones reçoivent tous les soutiens nécessaires au chapitre de la protection de la langue? Voilà quelque chose qui nous tient à cœur. Les universitaires ont dit clairement qu'une personne qui parle plusieurs langues a de meilleures chances de réussir ses études et sa carrière.

Vous soulevez des points importants. Je me tournerais vers les leaders la population des Premières nations pour leur demander d'autres instructions sur la façon exacte dont nous pourrons mettre en place ces soutiens aux second et troisième niveaux. Comme l'ont fait les Micmacs, ils pourraient décrire les relations à nouer avec les autres autorités — qu'il s'agisse des systèmes d'éducation des provinces, des territoires ou d'autres ordres —, mais il reviendrait aux Premières nations de diriger cette approche. Nous trouverions un moyen de les aider tout en respectant la diversité, l'autonomie, l'autorité et les compétences des Premières nations à l'égard de leurs décisions, comme on l'a fait pour les Micmacs.

Le sénateur Dyck : Vous avez dit que les ententes tripartites étaient une option. Ce que vous essayez de dire, c'est que, peu importe ce que les gens proposent, il devrait peut-être y avoir une option touchant l'inclusion à différents moments ou le travail à faire, en fonction de ce que serait votre cadre? Je crois qu'à un moment donné, il y aura des besoins à court terme très critiques par rapport aux besoins à long terme. Ce que le chef Googoo a décrit, c'est qu'ils se sont chargés de bien des choses dont ils avaient besoin, mais de telles choses peuvent être intégrées dans le modèle à un moment donné. Quelqu'un qui vient de commencer le processus n'y trouverait pas nécessairement sa place. Est-ce que cela a du sens?

M. Atleo : Je crois que oui, si nous pensons par exemple aux ententes tripartites — pas seulement dans le domaine de l'éducation, mais pour l'ensemble des politiques —, que l'on a présentées comme étant un modèle. On les a présentées comme étant un mécanisme en matière de politiques qui permettait de faire avancer le travail. La prise en charge de l'éducation des Premières nations par les Premières nations a toujours été pour les Premières nations une façon de tracer la voie pour l'avenir. Nous devons également, d'abord, définir les relations entre les Premières nations et le gouvernement fédéral.

Tout parent serait intéressé ou préoccupé par cette question — puisque nous avons le droit de choisir d'habiter dans un village ou un autre, une réserve ou une autre, ou une ville — et voudrait s'assurer au moins que les systèmes soient assortis de normes appropriées et de mesures de soutien et qu'ils soient équitables. Il faudra naturellement trouver une façon d'exprimer cela. L'approche tripartite en est un exemple. Si on veut faire les choses dans l'ordre, il faut que le droit à l'éducation, conféré par traité, que les relations entre les Premières nations et la Couronne fédérale et la relation fiduciaire existante soient reconnus comme étant une priorité. Dans certains des exemples que je vous ai présentés, les Premières nations — celles de l'Atlantique et des autres régions — n'en sont pas rendues à la même étape en ce qui concerne leurs relations avec l'autorité provinciale.

En clair, comme le Bureau du vérificateur général l'a signalé à juste titre dans bon nombre de rapports au cours des dix dernières années, on ne sait pas vraiment de quelle façon on pourrait fournir des soutiens efficaces pour l'éducation dans le système actuel. Il faut un nouveau cadre ou de nouveaux mécanismes. Dans le cas qui nous occupe, cela reviendrait aux Micmacs. Si nous voulons commencer de nouveau à construire à partir de la base, il y a peut-être des questions auxquelles seuls les Micmacs et le chef régional pourraient fournir une réponse en ce qui concerne leur expérience, jusqu'ici, de l'exercice des ententes tripartites. Il faudra peut-être aussi que des changements supplémentaires soient apportés, puisque l'on sait que, dans d'autres domaines de politiques, d'autres gouvernements proposeront aussi aux Premières nations des arrangements semblables aux ententes tripartites. Mais soyez certains d'une chose, les Premières nations sont collectivement déterminées à réussir au chapitre de l'éducation.

Il s'agit de trouver, à l'échelon local, à l'échelon de chaque nation, des moyens de nous soutenir et de nous assurer que les diverses approches seront accessibles. Notre pays est diversifié. La diversité existe au Canada, dans les provinces et les territoires et les différents systèmes en place, y compris dans les différentes cultures ou les différents segments de la population canadienne. Nous ne devrions pas nous inquiéter de la diversité linguistique et culturelle des Premières nations, nous devrions lui faire une place et trouver le moyen de la soutenir.

Le sénateur Sibbeston : Comme toujours, j'ai trouvé que votre exposé était clair, convaincant et déterminé et qu'il offrait toutes les solutions. Vous n'avez rien laissé de côté.

Est-ce que j'ai raison de croire que nous arrivons à une étape où la société canadienne est prête à faire quelque chose au sujet de l'éducation des Premières nations? La solution ne viendra pas du ministère des Affaires autochtones. Si l'on écoute les intervenants de ce ministère, nous constatons qu'ils parlent d'un horizon de 25 à 40 ans. Quand on utilise ce système, on n'obtient jamais rien très rapidement. Il me semble que la réponse repose sur une action politique, aux échelons supérieurs du gouvernement — le ministre et le premier ministre.

Notre pays en est arrivé à un moment où les Premières nations de tout le pays ont élaboré des solutions; elles savent ce qu'il faut faire. Elles participent activement à l'éducation. Dans la plupart des cas, il leur faut de l'argent pour réaliser ce qui doit être réalisé.

Vous dites que vous avez pris des mesures — vous avez lancé une invitation à passer à l'action et le gouvernement fédéral y a répondu. Êtes-vous en train de dire que le premier ministre et le ministère offriront une réponse valable aux Premières nations de notre pays? Les Canadiens sont outrés lorsqu'ils apprennent ce qui se passe. Quand nous entendons ce qu'ont à dire les témoins qui comparaissent devant notre comité, les sénateurs sont en général indignés, fâchés et déçus d'apprendre la situation actuelle des Premières nations de notre pays. C'est inacceptable. Je crois que cela signifie que bien des Canadiens, dans notre société, veulent que les Premières nations fassent des progrès. Est-ce que la table est enfin mise pour que quelque chose soit fait?

M. Atleo : Dans une large mesure, le comité a l'occasion de jouer un rôle de premier plan et de dire que le temps est venu, compte tenu de la liste interminable de rapports, des excuses, des mesures prises après ces excuses et de la Commission de vérité et de réconciliation. Jusqu'ici, nous ne nous sommes pas très bien entendus, comme le chef régional l'a dit, sur nos positions et sur les raisons pour lesquelles notre situation est ce qu'elle est. Des efforts importants ont été déployés, malgré le peu de soutien offert, et il y a eu des réussites, par exemple la Mi'kmaq Education Authority. Malcolm Gladwell, le célèbre auteur, dirait que les chefs régionaux sont des aberrations. En effet, le fait qu'ils ont atteint un taux de réussite de plus de 60 p. 100 défie toutes les statistiques. Il faut les féliciter de cela. Le chef régional a précisé qu'ils avaient pu obtenir un transfert des compétences assorti d'une subvention financière, mais pas dans le cadre d'une entente tripartite, comme on l'a laissé entendre. Il est certain que notre invitation à passer à l'action visait tous les Canadiens, des districts scolaires et des associations étudiantes jusqu'à l'industrie, en passant par les sociétés civiles, les ONG, les syndicats et les entreprises. Tout cela me ramène à la petite fille qui est venue à ma rencontre, sur une piste d'atterrissage en terre battue du Nord du Manitoba, tenant une pancarte sur laquelle était écrit « Tout ce que je veux, c'est une école »; cela nous rappelle aussi la regrettée Shannen Kootstachin, d'Attawapiskat, qui est venue à Ottawa pour défendre les intérêts de son école et qui a dit « Tout ce dont j'ai besoin, c'est d'une école ». Voilà ce qui se passe vraiment, aujourd'hui, au Canada, voilà pourquoi nous en sommes arrivés à un moment où tout le monde comprend comment nous pourrions y arriver, mais il y a tout un fossé. Le sénateur Dyck a dit plus tôt que, même si une collectivité obtient une école, elle se retrouve quand même à tirer de l'arrière. Le chef régional a dit que, si une collectivité obtient une école plus petite que ce dont elle a besoin, elle se retrouve dix ans en arrière.

Nous devons nous assurer de tous bien comprendre à quel point le fossé est profond et à quel point le système actuel nous laisse tomber. Nous avons hérité de cela; personne d'entre nous ne l'a créé. Le moment est venu pour le Sénat de déposer un de ses plus importants rapports, à mon avis, afin de mettre en valeur tout le potentiel des jeunes. Si nous sommes d'accord pour combler le fossé au chapitre de l'éducation et du marché du travail, nous pourrions — dans une génération — contribuer 400 milliards de dollars à l'économie du Canada. Pensez-y, au moment où l'une des conjonctures économiques les plus difficiles de l'histoire du Canada touche à sa fin. Pensez aux mesures d'austérité. En comblant le fossé, le gouvernement pourrait réduire ses dépenses de 115 milliards de dollars. Tout cela reflète et respecte la relation prévue dans le traité original, qui est, de nature, une relation non seulement sociale, culturelle et politique, mais également économique.

Nous ne voyons pas le potentiel économique de nos jeunes se réaliser. Une partie de la solution a trait à la réalité économique de notre pays : le segment de la population canadienne qui croît le plus rapidement, c'est celui des jeunes Autochtones de moins de 25 ans. Il est de plus en plus évident que, pour répondre aux besoins pressants du Canada pour ce qui est d'une main-d'œuvre moderne, il faudra aider les Premières nations — et les jeunes en particulier — à réussir leurs études, mais cela doit non pas se faire au détriment de leur identité, de leur langue ou de leurs liens avec leur territoire, mais plutôt reposer sur des assises solides, à savoir la reconnaissance des compétences, des traités, des titres et des droits des Premières nations. Voilà ce que recouvre, depuis le début des années 1970, le concept de la prise en charge de l'éducation des Indiens par les Indiens.

Si vous me le permettez, je parlerai rapidement du rapport Hawthorn, publié au début des années 1960. Il a probablement été porté à votre attention. À l'époque, le taux d'échec des élèves des Premières nations était de 95 p. 100. Au début des années 1970, lorsque l'on a mis de l'avant à l'échelle nationale le concept de prise en charge de l'éducation des Indiens par les Indiens, le taux de réussite a augmenté de façon marquée, de la maternelle à la douzième année, et près de 49 p. 100 des élèves obtenaient leur diplôme. Mesdames et messieurs les sénateurs, nous avons plafonné. Nous nous sommes heurtés à un mur, et la situation commence à dégénérer, car notre population croît de manière phénoménale, mais nous n'avons pas pu nous suivre la cadence de notre évolution démographique. Nous n'avons pas pu suivre le rythme des grands changements que ce travail exige : il faut reconnaître que ce sont les Premières nations qui orientent les changements, et il faut les soutenir.

J'apprécie votre question. Je répondrai, en un mot, que nous demandons à votre comité de faire en sorte que le pays soutienne les changements qui sont nécessaires.

Le sénateur Sibbeston : Je suis touché par votre appel à l'aide de notre comité sénatorial; nous allons bien sûr faire de notre mieux. Nous espérons que le gouvernement fédéral nous écoutera. Il arrive souvent que des rapports rédigés par un comité aussi important que le nôtre soient mis sur une tablette et qu'ils ne reçoivent que peu d'attention. J'espère que dans ce cas-ci, nous allons vraiment changer les choses.

J'aimerais vous poser une question au sujet du groupe de travail national sur l'éducation. Je sais que vous avez recueilli partout au pays des appuis à l'égard de ce groupe de travail sur l'éducation, mais je sais aussi que quelques régions n'y participent pas. Pensez-vous qu'un certain nombre de régions ne vont pas soutenir ce groupe de travail? Comment vous proposez-vous de composer avec cela et de présenter un rapport qui sera soutenu à l'échelle nationale par toutes les Premières nations de notre pays?

M. Atleo : Un aspect important du travail de ce groupe national est le fait que le rapport sera présenté à la fois au gouvernement et aux Premières nations. Cela témoigne de l'importance de progresser ensemble ainsi que de la nature des relations découlant des traités et des relations fiduciaires entre les Premières nations et le Canada.

Si les Premières nations estiment que le travail réalisé dans le but de vraiment faire changer les choses n'est pas fait de bonne foi et avec bonne volonté, elles se réservent le droit de se retirer. Comme je l'ai déjà dit, une fois que le rapport sera déposé, nous consulterons les chefs de tout le pays.

Je crois savoir que les Premières nations de toutes les régions participent aux activités du groupe de travail. Il y a là des chefs et des leaders des Premières nations. Il y a également des gens de la collectivité — des enseignants, des parents, des éducateurs, des experts du domaine de l'enseignement, des membres et des citoyens des collectivités, qui sont tous encouragés à prendre la parole.

Je le dis clairement, toutes les régions participent. Certaines vont également présenter des rapports parallèles, pour s'assurer que toutes voix de leur région pourront se faire entendre très clairement.

Comme je l'ai déjà mentionné, cette invitation à passer à l'action insistait sur le fait qu'il n'y a pas juste une façon de procéder. De la même façon, le Sénat prépare un rapport, et un groupe de travail national a amorcé un travail; il y a donc toutes sortes de façons pour les Premières nations de manifester leur engagement, y compris le fait que des représentants des Premières nations sont venus ici présenter des exposés devant le Sénat.

Je suis vraiment encouragé de voir nos leaders prendre si solidement une position et défendre la déclaration d'unité faite à l'hiver 2009, lorsqu'ils ont dit qu'ils feraient de l'éducation leur grande priorité. Les Premières nations respectent l'autonomie et les différences des uns et des autres, et, de la même façon, il faut qu'il y ait un plein appui à toute la gamme des efforts déployés pour faire avancer ce dossier.

C'est mon rôle, et je soutiens la déclaration du bureau de l'Assemblée des Premières Nations et du chef national, pour aider à ouvrir des portes, pour les abattre s'il le faut, car nous devons nous mettre au travail. C'est aux Premières nations que reviennent le pouvoir et la responsabilité de prendre des décisions les concernant.

L'Assemblée des Premières Nations n'est pas signataire d'un traité, et mon bureau ne détient aucun titre autochtone ni aucun droit. Seules les personnes qui détiennent des droits et qui ont signé ces traités peuvent donner effet aux droits issus des traités et aux titres et droits des Autochtones. Je vais fermement soutenir les Premières nations, je vais faire tout mon possible pour promouvoir le respect de leurs droits et de leurs compétences, en particulier dans le domaine de l'éducation.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Au départ, je voudrais dire que je remplace un collègue. Je ne savais pas si j'avais les qualifications nécessaires, mais j'ai été présidente d'une commission scolaire de 15 000 étudiants, avec 27 écoles du primaire et du secondaire, j'ai eu l'occasion de fréquenter ce milieu et d'avoir eu aussi trois enfants dans le système scolaire. C'est mon expérience dans ce secteur.

Premièrement, je voudrais dire qu'on réfléchit aussi dans l'autre société canadienne, à savoir repenser l'éducation de nos jeunes ou s'inquiéter du décrochage chez les garçons. On a des problèmes. Nous n'avons pas toutes les solutions. Je pense qu'on peut partager nos expériences.

L'autre problème concerne la transférabilité d'une province à l'autre. J'ai des enfants qui ont commencé leurs études au Québec, qui sont allés ensuite en Colombie-Britannique ou ils ont dû recommencer des années complètes de scolarité. On a donc payé deux fois pour leurs études. J'espère que vous ne serez pas confronté aux mêmes problèmes.

Je comprends qu'à l'heure actuelle on parle seulement des écoles sur les territoires que vous contrôlez, que vous ne parlez pas d'écoles qui serait en dehors des réserves. Alors quand vous parlez des écoles et de votre nécessité d'en avoir, s'agit-il d'écoles sur les territoires que vous occupez? Ai-je bien compris?

[Traduction]

M. Atleo : Oui.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Deuxièmement, pour le développement des programmes, les curriculums afin d'être compétitifs internationalement et de mettre les Premières nations sur un pied d'égalité avec toutes les nations de la planète, est-ce que vous envisagez de travailler à développer des programmes autant au primaire qu'au secondaire avec la composante culturelle et linguistique, que ce soit au plan des mathématiques, du français ou autres et peut-être d'avoir une histoire commune, et ce qu'on a jamais eu, aussi, de travailler avec les provinces? Parce que le fédéral au plan de l'éducation n'a pas d'expérience. Est-ce que maintenant vous travaillez déjà avec eux ou si vous êtes en train de développer cela? Avez-vous développé cela totalement en dehors de l'assistance des provinces?

[Traduction]

M. Atleo : Premièrement, au sujet de ce que vous avez dit au début au sujet de l'étudiant qui s'intégrait à un autre système et devait reprendre toute une année, je crois que c'est de cela que parlait le chef régional, lorsqu'il disait vouloir adopter des normes parmi les plus élevées; c'est une valeur importante que nous partageons tous. Nous voulons nous assurer que les systèmes d'éducation seront efficaces.

Les Premières nations veulent également s'assurer que les étudiants seront soutenus s'ils passent d'un système à un autre. Ce sera un aspect important.

Les Premières nations de certaines régions ont déjà entamé des discussions avec le gouvernement provincial, et cela concerne parfois des ententes tripartites. Dans d'autres cas, il s'agit tout simplement de reconnaître qu'il existe des systèmes distincts et qu'ils doivent communiquer les uns avec les autres, d'une façon ou d'une autre, de façon à ce qu'il y ait une reconnaissance réciproque.

De manière plus générale, je voulais mentionner que, lorsque je relatais l'exemple de la Saskatchewan, où un programme d'enseignement a été élaboré, c'était dans le but de s'assurer que tous les étudiants d'une province avaient accès à du soutien tout au long de leur apprentissage — peu importe l'école qu'ils fréquentent, qu'il s'agisse d'une école d'une Première nation dans une réserve, de l'école d'une bande ou d'une école dans une grande ville —, que tout le monde pourrait apprendre l'histoire des relations avec les peuples autochtones du Canada.

Il n'est pas difficile pour la plupart d'entre nous de nous rappeler ce qu'on a appris; au mieux, c'était superficiel, et au pire, cela créait un fossé profond au chapitre de la compréhension entre les Premières nations et l'ensemble des Canadiens.

Le temps que j'ai passé dans l'Est m'a sensibilisé davantage aux mouvements, le long du Saint-Laurent, dans un sens comme dans l'autre, et aux liens entre les premiers explorateurs et les peuples autochtones. Si nous voulons faciliter l'établissement d'une meilleure relation, d'une relation plus durable, entre les Premières nations et les Canadiens, il faut également prêter attention — comme nous l'avons fait, comme je l'ai fait, en particulier, au cours des deux dernières années — au fait que les Canadiens, de manière générale, tiennent à ce que leurs enfants soient soutenus et reçoivent la meilleure éducation possible et suivent les meilleurs programmes d'enseignement, et qu'ils puissent comprendre les Premières nations, leur culture, leur histoire et leur situation actuelle. Ce serait bon pour notre avenir à tous, d'être capables de combler cet écart.

Dans certains cas, les Premières nations ont entamé des discussions avec les gouvernements provinciaux, mais, encore une fois, je vais revenir sur mes commentaires antérieurs, lorsque j'ai dit que nous devrions reconnaître que la principale relation est celle qui noue les Premières nations et la Couronne fédérale. La Couronne fédérale, à l'heure actuelle, a une relation de représentant principal. Si les Premières nations sont capables de travailler dans le cadre de cette relation avec le gouvernement fédéral, c'est à elles qu'il revient de déterminer comment cela doit se faire et s'il convient de poursuivre les discussions avec d'autres administrations, y compris à l'échelon provincial.

Ce que nous avons en commun avec le groupe de travail national, cependant, c'est la conviction que l'éducation, surtout de la maternelle à la douzième année, en particulier, ne doit pas être la responsabilité du ministère fédéral responsable des relations avec les Premières nations. Cela n'a pas aidé notre peuple, et cela n'a pas non plus aidé notre pays.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Premièrement, en ce qui concerne les enseignants, si vous avez une pénurie d'écoles, avez-vous une pénurie d'enseignants? Et vos enseignants sont-ils formés pour répondre à vos attentes?

Deuxièmement, vous voulez une loi-cadre qui vous donne la possibilité de vous organiser selon les différentes nations, mais avec des paramètres qui pourraient être semblables. Et là je reviens à la taille des classes. Dans une province comme au Québec, il y a des standards quant au nombre maximum d'élèves dans une classe, soit de 24. S'il y a des petits ajustements qui feraient monter le nombre à 28 ou 29, le professeur serait mieux payé.

Le fait d'avoir une entente cadre se reflète dans le coût d'opération. Une telle entente vous permettrait, d'une part, d'avoir un programme qui s'adapte mais également qui correspond à des normes nationales. On doit tous travailler à un enseignement de base uniforme.

Avez-vous assez des professeurs? Sont-ils formés adéquatement? Est-ce que je me trompe en pensant que la loi vous permettrait de travailler avec le gouvernement fédéral sans toutefois vous dire comment vous organiser? De toute façon, il n'y a pas d'expertise au gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation. Je ne vois pas comment le gouvernement fédéral pourrait, demain matin, vous dire quoi faire. Il faut toutefois avoir des standards minimums, que ce soit pour les enseignants, la taille des classes ou le nombre d'étudiants. Une fois que vous rencontrez ces objectifs en termes de connaissances pour les enfants, vous allez discuter de détails, par exemple, avec le gouvernement fédéral, ou si vous voulez plutôt vous-même développer ces critères?

[Traduction]

M. Atleo : Nous devons soutenir la formation des professeurs. À l'heure actuelle, les collectivités n'ont pas suffisamment de ressources pour assurer la formation des professeurs. Vous avez abordé là un point très important. Vous avez entendu plus tôt le chef régional dire qu'il était très heureux de voir que le système scolaire comptait maintenant des enseignants et des éducateurs micmacs. J'aimerais qu'il puisse faire d'autres commentaires sur ce sujet en particulier.

Je peux également dire sans équivoque que, dans mon village, mon père a été l'un des premiers enseignants. Il a été mon premier instructeur et mon premier directeur, quand j'ai commencé ma première année, et ma mère était enseignante suppléante. Les gens doivent comprendre que nos écoles n'ont pas les ressources de base nécessaires pour aider les professeurs à suivre la formation dont ils ont besoin.

Cela fait deux ans que je suis chef national; j'ai rencontré plusieurs fois le Conseil de la fédération, et tous les premiers ministres provinciaux étaient d'accord avec nous pour faire de l'éducation la priorité. Nous avons établi un programme, et nous avons lancé aux provinces le défi de se joindre à nous pour nous aider à établir des cibles visant l'amélioration de l'éducation. Elles soutiennent nos efforts, mais ce qui est important, maintenant, c'est que le gouvernement fédéral change de rôle, de façon que nous puissions nouer des relations plus étroites avec les autres ordres de gouvernement.

Le sénateur L. Smith : Messieurs, j'ai quelques réflexions à vous présenter et quelques questions à vous poser, si vous me le permettez.

Il semble que la méfiance du gouvernement fédéral à l'égard de la réconciliation soit un problème de taille. Le sénateur Sibbeston a parlé du temps qu'il faut pour qu'une décision soit prise. Il me semblerait, chef, que vous jonglez avec bien des questions, à l'échelon national, puis à l'échelon des régions et des localités, avec les différentes tribus. Avez-vous les outils nécessaires pour résoudre les enjeux nationaux et les enjeux régionaux? Avez-vous dressé une liste des priorités qui vous aidera à accélérer un processus qui a toujours été lent?

Si je peux poser une autre question, elle s'adresse à M. Googoo et concerne les pratiques exemplaires. J'ai été très impressionné par le fait que vous vous soyez rendu aux États et ayez recueilli des exemples de ce qui se fait ailleurs. À quel point les tribus des autres régions sont-elles ouvertes à l'idée d'accepter les pratiques exemplaires? Est-ce que vous avez créé un groupe de travail sur les enjeux nationaux et un autre sur les enjeux régionaux?

Cette question s'adresse à vous deux. Dans quelle mesure est-ce que les différents groupes sont coordonnés dans le but d'atteindre plus vite le but que vous vous êtes fixé? Il semble y avoir une limite à ce que feront les gouvernements. Vous pourrez en faire beaucoup plus, et il semble que vous en ayez déjà fait beaucoup plus. La réussite de cela, à mon avis, consiste non seulement à faire contribuer le gouvernement fédéral et à nouer des relations avec votre gouvernement provincial, mais aussi — et je crois que c'est la réussite absolue — à habiliter et à mobiliser les gens de votre collectivité. Que pensez-vous de votre situation actuelle? Comment ferez-vous pour accélérer les choses, de façon qu'il ne faille pas attendre 25 ou 30 ans avant que des mesures soient prises pour éliminer ce problème et réussir, comme vous le voulez, à inscrire 65 000 enfants à l'université et à augmenter le taux de réussite, qui est de 57 p. 100 dans la plupart des régions, à des taux supérieurs, à l'école secondaire? Je sais que ma question est longue et compliquée.

Je vous ai écouté, chef Atleo, et j'ai noté neuf points dont vous avez parlé : la réconciliation, le financement, les bibliothèques, les ordinateurs, l'équipement sportif. Vous êtes passé du général au particulier, d'enjeux globaux à des enjeux liés à la vie de tous les jours. Pouvez-vous composer avec l'ampleur de tous ces enjeux? Est-ce que vous avez mis les bonnes personnes aux bons endroits?

À l'échelon régional, chef Googoo, pourriez-vous refaire ce que vous avez fait, mais à l'échelle du pays, ou est-ce qu'il existe des différences culturelles et des écarts trop difficiles à combler?

M. Atleo : Je pourrais peut-être demander à mon collègue de vous donner le point de vue des Micmacs, car il aurait la capacité de le faire, en particulier parce qu'il en est le président.

Je voulais d'abord mentionner que le principe selon lequel l'éducation des Autochtones doit relever des Autochtones a été introduit en 1972, lorsque j'avais cinq ans. Je crois fermement — et je ne veux pas insinuer par là que c'est ce que vous dites — que nous ne pouvons pas continuer d'attendre. Nous ne pouvons tout simplement pas attendre davantage. Nous aurions peur de laisser tomber une autre génération entière de jeunes gens. Nous ne pouvons pas nous laisser décourager par la complexité de cet obstacle. Nous devons le surmonter comme nous le ferions dans le cas de tout autre obstacle de taille. Dès que nous commencerons à creuser et à comprendre la situation, celle-ci deviendra beaucoup plus claire. C'est à ce moment-là que vous pouvez nous aider à tracer la voie. C'est ce qui manque cruellement aux vraies discussions entre les Premières nations et le gouvernement.

J'aurais d'autres commentaires à faire, mais je vais laisser au chef régional le soin de répondre aux questions, car celles-ci se rapportent à des éléments importants qu'il vaut mieux aborder à l'échelon de la nation ou de la région.

M. Googoo : Vous avez posé de très bonnes questions. Il est important de souligner les points positifs. Ce que nous avons créé sur le territoire des Micmacs en Nouvelle-Écosse est très positif. Nous avons privilégié une approche axée sur des principes de leadership pour favoriser l'habilitation à grande échelle. Nous avons habilité les collectivités, qui sont vraiment les premiers intervenants dans le domaine de l'éducation.

Cela fait trop longtemps que nous acceptons le statu quo en ce qui concerne les taux et les modes de financement des gouvernements fédéral et provinciaux. Les provinces ont réduit le financement qu'elles accordaient, elles ont éliminé les conseils scolaires, et cetera, puis elles ont décidé d'augmenter les droits de scolarité, tandis que le gouvernement fédéral maintient ses taux et ne procède à aucune hausse. Nous ne nous sommes donc pas adaptés de façon adéquate au changement, et cela nous empêche de dispenser un enseignement de qualité.

Je crois que nous reconnaissons qu'il y a des mesures préliminaires et des mesures finales. Notre mesure préliminaire, c'est de savoir que le taux de diplomation à l'école secondaire est de 36 p. 100 par rapport à 72 p. 100. Le comité, dans son rapport, et le rapport du groupe de travail sur l'éducation qui s'en vient tiendront également compte du degré de confiance. Plus vous faites participer les gens — je vous renvoie à un ouvrage intitulé Leading Change, qui a été publié par la Harvard School of Business. Cet ouvrage traite exactement de ce dont vous parlez, à savoir la création d'un sentiment d'urgence. Nous ne pouvons pas attendre à la prochaine année scolaire ou à l'année scolaire suivante. Nous laisserons tomber une génération entière.

Nous devons aussi élaborer une vision et une stratégie. Nous espérons que le chef national et toutes les personnes concernées pourront se servir des rapports qui seront bientôt déposés comme d'un outil qui les aidera à élaborer une vision et une stratégie plus claire, puis à communiquer cette vision et cette stratégie aux collectivités partout au pays, dont la collectivité micmaque, qui se démarque et qui est une réussite.

Actuellement, l'information qui est communiquée et celle qui est recueillie par le groupe de travail sur l'éducation — même si certaines collectivités n'aiment peut-être pas son approche —, l'aspect le plus important, c'est que l'information est recueillie avec un sens du devoir et des responsabilités à l'égard des réalités que vivent nos collectivités. Nous avons tous la responsabilité de faire quelque chose si nous pouvons avoir une influence de quelque nature que ce soit pour faire en sorte que l'enseignement contribue à améliorer la qualité de vie par tous les moyens possibles.

Je tiens à mentionner que certaines collectivités veulent participer au groupe de travail sur l'éducation. Si les Micmacs n'avaient pas pris les rênes, le processus n'aurait pas porté ses fruits. Peut-être que l'ensemble du processus revient à examiner encore une fois les pratiques exemplaires. Nous apprenons dès le début de ce rapport que le fait d'accorder du pouvoir aux Premières nations et de veiller à ce qu'elles fassent partie intégrante de la solution correspond à l'étape 2 du processus. Dès que le groupe de travail sur l'éducation aura terminé de rédiger son rapport et de formuler ses recommandations aux ministres et au bureau du chef national, nous devrons alors faire passer la stratégie à l'étape 2, où nous examinerons les pratiques exemplaires et montrerons la nécessité de faire participer tout le monde. Voilà l'information. Évitons de nous disputer au sujet des processus, et mettons l'accent sur la stratégie et l'approche qui nous permettront d'assurer la réussite de cette initiative.

Pour ce qui est de la prise en charge du dossier, j'ai clairement dit au chef national que je ne voulais pas prendre les rênes d'un dossier où la réussite est incertaine. Je dois clairement savoir que nous pouvons aller de l'avant. Je suis très heureux de voir le dévouement et la passion qu'il témoigne à cet égard, et je n'hésiterai pas à l'aider de quelque façon que ce soit pour qu'il parvienne à ses fins, car l'éducation est quelque chose qui me tient beaucoup à cœur, et je crois qu'il en est de même pour toutes les familles.

Lorsque nous atteindrons l'étape 2, nous devrons clarifier, puis communiquer notre stratégie. La deuxième série de communications sur la façon d'atteindre nos buts et de réaliser nos objectifs en vue d'offrir un enseignement de meilleure qualité à tous fait partie intégrante du processus. Je vois que les choses avancent. Les étapes que nous franchirons bientôt seront appuyées par toutes les parties, car il est important d'établir un partenariat dans le cadre de ce processus. Jusqu'à maintenant, le Cabinet du premier ministre, le cabinet du ministre des Affaires autochtones, le bureau du chef national et tous les autres chefs ont collaboré pour accorder la priorité à cette initiative, et cette collaboration s'est révélée essentielle. Je crois que nous sommes sur la bonne voie.

Le sénateur L. Smith : Finalement, chef Atleo, avez-vous mentionné les trois priorités qui devraient retenir notre attention dans le cadre de notre étude? À votre avis, quels seraient les résultats à obtenir?

M. Atleo : Les trois principaux résultats?

Le sénateur L. Smith : Les trois principaux points dans le cadre de la stratégie de planification, surtout lorsque vous essayez de rattraper le temps perdu, combien d'éléments jugez-vous prioritaires? Il y a une limite au nombre de choses qu'on peut faire à la fois. Du point de vue organisationnel, il semble important de simplifier les priorités pour que tout le monde puisse les comprendre et pour que vous puissiez les respecter, ce qui n'est pas possible si vous vous êtes fixé 10 priorités. Les gens deviennent confus s'il y a 10 priorités à respecter, et, alors, vous pourriez même ne pas être capable d'en concrétiser juste trois. Peut-être que vous avez déjà défini vos priorités.

Je vous demande pardon. C'est la première fois que je participe à une réunion du comité, mais, d'après mon expérience, il me semble que cela devrait être important à savoir.

M. Atleo : Voulez-vous dire dans le contexte de l'éducation?

Le sénateur L. Smith : Oui.

M. Atleo : Pour revenir à votre première question concernant l'opportunité et des questions comme la complexité et la façon dont nous allons de l'avant, je crois que l'une des trois priorités serait les systèmes et le soutien aux systèmes qui seront mis au point. Dans certains cas, cela peut prendre du temps, mais nous devons être déterminés à soutenir les systèmes qui seront élaborés. C'est l'objectif que se donnent les Premières nations depuis l'apparition du concept de prise en charge de l'éducation des Indiens par les Indiens.

Ensuite — question de me faire l'écho de certains commentaires faits par des membres du comité —, nous devons nous employer à offrir un enseignement de qualité adapté à la culture.

Enfin, nous devons recevoir un financement stable et équitable.

Je conviens que nous devons raccourcir nos listes. Voilà la courte liste des trois priorités qui, à bien des égards, ne sont pas nouvelles et reflètent certainement mon point de vue. Je crois fortement que nombre d'autres personnes ont, de façons différentes, mentionné les mêmes priorités, tant au Sénat qu'au groupe de travail, mais cela résume probablement les nombreux rapports qui ont été publiés depuis le début des années 1970.

Le sénateur L. Smith : Le financement occupe-t-il la première ou la troisième place?

M. Atleo : Les trois priorités sont inextricablement liées.

Le sénateur L. Smith : Je comprends, mais laquelle occupe le premier rang, le deuxième rang et le troisième rang? Vous avez d'abord parlé de la confiance. La vie m'a appris qu'une relation véritable repose sur la confiance. Vous avez fait allusion à la méfiance historique et à la réconciliation. Je crois que nombre d'entre nous savent, sans connaître tous les détails liés à certaines situations, ce que le gouvernement a essayé de faire. Il est crucial de clarifier les choses si on veut réussir ce que nous entreprenons. C'est juste un commentaire.

M. Atleo : Je respecte et je comprends ce que vous dites. Je vous demande également de comprendre à quel point il est difficile d'isoler l'une ou l'autre de ces priorités. Le système des pensionnats est probablement le meilleur exemple d'un système qui a échoué lamentablement. On alloue actuellement du financement à un système qui ne fonctionne pas, qui ne tient pas compte de la nécessité de mettre fin à l'héritage de souffrance laissé par l'expérience des pensionnats indiens ni de facteurs comme la langue, et c'est la raison pour laquelle elle est très complexe. Cela fait longtemps que nous demandons plus de ressources. Les Premières nations ont très clairement fait savoir, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, que le plafond de 2 p. 100 est imposé depuis 1996, mais, en même temps, il faut élaborer les systèmes dont nous avons besoin.

Je comprends la question et la difficulté de déterminer quel serait l'aspect prioritaire parmi les trois que j'ai mentionnés, et, avec tout le respect que je vous dois, je crois que les trois priorités doivent être parallèlement réalisées pour que nous puissions mener à bien ce projet.

Le sénateur Demers : Chef Atleo, la dernière fois que vous êtes venu ici, j'ai été très impressionné par votre exposé, et je le suis encore plus ce soir parce que vous vous êtes préparé, et vous ne venez pas ici pour nous implorer et nous supplier; vous nous avez présenté des points clairs et précis, et je respecte vraiment cela.

La dernière question sera importante pour vous. Vous avez parlé de la confiance. S'il n'y a aucune confiance dans une relation ou dans un lieu de travail, comme au sein d'une entreprise où les deux propriétaires ne se font pas confiance, les choses ne fonctionneront jamais. Cela m'a frappé lorsque vous avez dit qu'il n'y avait aucune confiance, peu importe les efforts que vous avez déployés, alors pourriez-vous seulement garder en tête cette notion de confiance?

Vous avez dit qu'il fallait « agir maintenant ». Vous avez parlé d'un plan, d'un système et d'un défi. Si vous voulez obtenir beaucoup de succès, vous devrez faire confiance à certaines personnes. Comment pouvons-nous atteindre ce degré de confiance?

Lorsque vous venez ici et que vous vous adressez à nous — aux libéraux, aux conservateurs et, bien sûr, au président —, avez-vous la conviction que nous essayons de faire tout notre possible, en notre qualité de sénateurs, pour tenter d'améliorer la vie de vos gens?

M. Atleo : Monsieur le président, ce que j'apprécie réellement — et j'ai personnellement l'impression d'entendre cela aujourd'hui —, ce sont les témoignages de profonde sincérité et de bonne foi. Je commencerais par vous dire cela.

Le moment est venu de réfléchir à cette situation telle qu'elle a évolué durant l'histoire de notre pays. Nombre de personnes songeraient à ce qui s'est passé et diraient que le système des pensionnats indiens partait aussi d'une bonne intention. Il y en a qui croyaient vraiment que ce système était ce qu'il y avait de mieux, alors nous sommes conscients de cela, et nous vous laissons le soin d'accorder à cette situation l'attention qu'elle mérite. Nous savons toutefois quelle en a été l'issue. Je reviens sur les commentaires du chef régional au sujet de la participation. Je crois qu'il s'agit d'une notion très puissante parce que c'est ce que les traités originaux ont toujours proposé, à savoir que nous tracerions ensemble la voie à suivre, et le Canada a ratifié la déclaration sur les droits des peuples autochtones. Elle suggère une voie à suivre. Cette déclaration dit que les peuples autochtones ont le droit de participer à la création d'un système d'éducation qui répondra à leurs besoins. Et ce n'est que l'un des 42 articles.

Les trois aspects qui contribueront à rétablir la confiance doivent faire fond sur la déclaration — que le Canada a ratifiée —, car c'est un aspect très important. Nous espérons toujours organiser un rassemblement des Premières nations et de la Couronne auquel prendrait part le premier ministre, représentant de la Couronne fédérale, pour que nous puissions prendre le temps de réfléchir à cette situation, faire le bilan de la relation scellée par traité, comprendre toute l'importance de ce que nous avons vécu, reconnaître que nous devons relever des défis et renouveler notre engagement pour tracer la voie à suivre grâce à un partenariat en bonne et due forme.

Nous pouvons commencer à faire des dépôts, si je peux m'exprimer ainsi, dans un compte conjoint de confiance en travaillant ensemble maintenant pour l'avenir de nos enfants, sachant que cette démarche a été entreprise il y a au moins 30 ans, au début des années 1970, mais cela remonte à bien plus loin encore dans le cas de nombre de dirigeants des Premières nations.

Nombre de ceux qui ont pris la parole avant ont fortement recommandé que nous passions à l'action. Le moment est venu de passer à l'action. C'est dans l'action que nous pouvons — dans les relations tant personnelles que d'affaires, et je dirais même dans la relation scellée par traité entre les Premières nations et le Canada — atteindre un nouveau degré de confiance. Nous pouvons raviver la relation de confiance qui existait à l'origine entre les Premières nations et le Canada pour appliquer les principes énoncés dans les traités.

Je crois que, au bout du compte, c'est une question de relations entre les gens. Je parle des nouveaux apprentissages que nous pouvons faire parce que je pense à Samuel de Champlain et aux nouveaux apprentissages qui ont découlé de la relation initiale. La relation initiale reposait sur le respect mutuel, la reconnaissance mutuelle et le soutien apporté aux nouveaux arrivants au cours des premiers rudes hivers qu'ils ont vécus ici. Cette relation a débouché sur le commerce, mais soyons bien clairs : dès le début, on a convenu que les activités commerciales seraient restreintes à certaines portions du fleuve. Le secteur en amont était à l'usage exclusif des Autochtones, qui n'accordaient pas leur entière permission aux colons. Si nous pouvons raviver cette relation initiale et reconnaître les compétences des Premières nations, nous pourrons entreprendre ce travail pour nos enfants dans le domaine de l'éducation — quelque chose qui revêt une valeur humaine incroyablement importante pour nous tous.

Je suis père. Lorsque j'ai rencontré le premier ministre, nous avons échangé en tant que pères. Nous ne voulons que ce qu'il y a de mieux pour nos enfants. Tout père ne souhaite-t-il pas ce qu'il y a de mieux pour ses enfants? C'est une valeur universelle qui devrait nous rapprocher pour que nous commencions à mettre au jour et à comprendre ce qui nous a amenés à nous éloigner les uns des autres et à rétablir cette confiance selon l'ordre que nous proposons, c'est-à- dire que nous devons d'abord prendre connaissance de ces rapports importants, puis nous devons — nous, l'Assemblée des Premières Nations — consulter les dirigeants, pas pour leur imposer quoi que ce soit, mais pour qu'ils nous fournissent des instructions et des directives. Autrement dit, quelle voie voulez-vous suivre? Pouvons-nous progresser aussi rapidement que nous le souhaitons tous pour améliorer la situation pour nos enfants? Avons-nous le soutien et l'encouragement des Canadiens? Voilà pourquoi je souligne de nouveau l'importance du travail du comité sénatorial et du rapport que vous préparez. Vous insistez sur l'un des aspects les plus fondamentaux, à savoir la relation, et pas seulement celle qui existe entre les Premières nations et le Canada, mais permettez-moi de conclure ma réponse par ceci : on a commencé à semer la division au sein de notre peuple le jour où on a retiré un enfant d'une famille. La division règne depuis le jour où des frontières ont été tracées entre le Canada et les États-Unis et entre les provinces et les territoires. Ce type de division nous est imposé, entre autres, par la Loi sur les Indiens, que les Premières nations n'ont, bien entendu, pas rédigée.

On nous demande de mettre fin à toutes sortes de divisions qui nous sont imposées depuis toujours; nous ne sommes pas la source de ces divisions. Nos dirigeants interviennent encore et déclarent que, malgré les énormes défis que nous devons relever, nous devons trouver la voie à suivre. Voilà pourquoi je suis très reconnaissant au comité du temps qu'il prend pour essayer de comprendre cette situation; le Canada doit lui aussi essayer de comprendre ce que nous avons vécu, car cela est à l'origine de la méfiance dont nous faisons preuve, a aggravé le problème et empêche nos jeunes d'exploiter leur plein potentiel. Nous devons tout simplement mettre un terme à tout cela.

Le sénateur Demers : Je vous remercie beaucoup. Vous avez toutes les raisons du monde de vous méfier après ce que vous avez subi par le passé.

Le sénateur Raine : Je dois dire que les membres du comité prennent plaisir à réaliser cette étude parce que nous visitons des régions du pays qui débordent d'énergie. Vous regardez les enfants à l'école et vous commencez vraiment à comprendre la possibilité extraordinaire qui se présente lorsque l'enseignement est bien dispensé dans la Première nation micmaque ou en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique, où chaque collectivité peut améliorer la situation de ses enfants.

Cela dit, d'après l'information que nous avons reçue et les piles de rapports qui ont été produits depuis des années, il est juste de dire que le comité ne tient pas à ce que son rapport dorme sur une étagère quelque part.

Chef Atleo, vous avez encore mentionné que nous devons mener des consultations et que nous ne pouvons pas imposer un cadre, pour ainsi dire. Nous croyons que le comité a procédé à des consultations exhaustives et qu'il a entendu beaucoup de bonnes choses. Nous voudrions présenter un rapport et une proposition. Nous suggérerons un cadre, et nous espérons que les gens y adhéreront et l'adopteront.

Cela serait-il perçu comme quelque chose qui vous est imposé ou qui vous est proposé? Je ne crois pas qu'il soit possible, à partir de la base, de proposer un cadre qui convient à tous. Je ne crois pas qu'il y a un cadre idéal, mais nous devons nous sortir de cette impasse et aller de l'avant. Que pouvons-nous faire pour veiller à ce que notre rapport soit utile?

J'aimerais demander au chef Googoo, parce que nous avons vu ce que vous faites là-bas, de nous décrire comment vous avez réussi à en arriver là? S'agit-il d'une initiative des collectivités et des écoles locales, et la Première nation a ensuite pris le relais? Est-ce une initiative qui est partie de la base, ou est-ce que les esprits les plus brillants de votre collectivité se sont réunis et ont trouvé cette solution?

M. Atleo : Même la langue que nous partageons et que nous utilisons pour décrire notre travail est cruciale. Je ne suis pas un avocat, mais les termes « consultation » et « compromis » sont chargés d'une connotation importante en ce qui concerne les obligations juridiques de la Couronne à l'égard des Premières nations. Les Premières nations et le Canada interprètent bel et bien de façon différente la notion de « consultation ».

Aujourd'hui, j'ai eu une rencontre avec d'autres chefs, ce qu'un certain ministère fédéral considérerait comme des échanges ordinaires. Lorsque vous entreprenez ou même terminez un projet sans avoir une compréhension commune de ce que vous avez entrepris, cela peut susciter davantage de méfiance, ce qui gêne le travail au lieu de le soutenir ou de le faciliter. C'est avec un immense respect que je vous fais cette mise en garde, car, à l'étape où nous en sommes rendus, il est très important de faire les choses comme il faut.

La norme préconisée par la déclaration des Nations Unies — que les peuples autochtones, y compris ceux du Canada, travaillent depuis des décennies à faire enchâsser dans la déclaration internationale — est le droit à un consentement libre, préalable et éclairé. Le chef régional a parlé de la notion de participation. Dans le cadre de cette discussion, nous parlons de faciliter le soutien pour favoriser l'autonomie, comme l'a précisé le chef régional, des nations, et d'élaborer les systèmes nécessaires, de façon à ne pas privilégier une approche prescriptive.

Nous voulons que, dans le domaine de l'enseignement, le gouvernement fédéral joue un rôle différent de celui qui est décrit dans la Loi sur les Indiens. Nous voulons que le gouvernement fédéral délaisse le rôle que lui confère la Loi sur les Indiens et qu'il nous fournisse la garantie législative qu'il aidera les Premières nations à administrer elles-mêmes leur système d'éducation et qu'il établira un système de transferts financiers du gouvernement fédéral aux Premières nations.

Voilà certains des changements fondamentaux que devrait apporter le gouvernement fédéral. Ce que je tiens surtout à souligner, c'est que le gouvernement fédéral devra faire preuve d'audace.

Pour ce qui est du soutien aux Premières nations — et vous avez demandé au chef régional de faire des commentaires sur cet aspect —, j'ai également eu la possibilité d'observer des systèmes d'éducation mis en place par les Premières nations de partout au pays. Il n'y a même pas eu de discussions en ce qui concerne la façon de soutenir la majorité de ces systèmes dans le pays. Dans l'exercice de mes fonctions de chef de la Colombie-Britannique, j'ai vu les membres du comité directeur sur l'éducation des Premières nations commencer à s'organiser en Colombie-Britannique. J'ignore s'ils ont témoigné devant le comité sénatorial, mais ils participaient au groupe de travail, alors ils ont pu profiter d'autres arrangements et se prévaloir de la disposition législative relative à la participation. Toutefois, ils se démènent encore pour faire en sorte que le système provincial obtienne le soutien nécessaire afin qu'ils puissent réaliser les objectifs qu'ils s'étaient fixés. Cela nous montre que, vu les différentes limites du système, nous n'avons toujours pas mis en place un mécanisme permettant de soutenir des régions complètes où 200 Premières nations travaillent ensemble.

Monsieur le président, je voulais ajouter ces commentaires parce que nous devons envisager de déployer tous les efforts possibles pour inciter le gouvernement fédéral à transformer son rôle et pour réorienter le travail vers l'habilitation et le soutien. Je crois sincèrement que les Premières nations peuvent mettre au point leurs propres systèmes. Les Premières nations le font déjà. Nous pouvons certainement attirer l'attention sur les systèmes que nous considérons comme efficaces, mais ces systèmes ne doivent pas nous imposer des restrictions et ne doivent pas constituer un modèle que nous imposerions aux autres. Il s'agirait alors d'une approche prescriptive.

Peut-être pour répondre un peu plus directement à votre question, cette démarche pourrait tout aussi bien être jugée prescriptive. Nous devons faire très attention à la façon dont nous réalisons notre travail, et nous reconnaissons que, tout ce que veulent les Premières nations, c'est de pouvoir décider pour elles-mêmes. Comment pouvons-nous appuyer avec détermination les Premières nations pour qu'elles parviennent à leurs fins? Je crois que c'est le défi que nous devons actuellement relever. Nous demandons au Sénat de nous aider à trouver une façon de concrétiser cela.

M. Googoo : Je veux parler de notre évolution. Après avoir étudié dans un établissement d'enseignement relevant du gouvernement fédéral, je suis devenu chef de ma collectivité à l'âge de 24 ans; nous avons délaissé le système d'éducation fédéral et créé une école administrée par la bande, puis nous avons commencé à participer aux discussions concernant le transfert de compétence.

Il est très important de savoir que, lorsque nous avons procédé au transfert de compétence, cela nous a redonné confiance en nous parce que c'est comme si on nous disait : « Vous pouvez décider du type d'enseignement que vous voulez offrir. Vous n'avez plus besoin de respecter les normes provinciales minimales. Le gouvernement fédéral ne vous imposera plus quoi que ce soit. La décision vous appartient. »

Nous devons aussi reconnaître que notre collectivité compte beaucoup de personnes instruites, pas seulement des enseignants autochtones, mais également des enseignants non autochtones, qui ont consacré leur vie à aider les Autochtones. Ils font partie de notre collectivité. Brian Arbuthnot en est le parfait exemple : c'est un non-Autochtone, mais il a joué un rôle déterminant dans la création de MK. Il était entièrement dévoué à la cause de notre Première nation. Il en a fait beaucoup et aurait pu en faire beaucoup plus encore. Nous avons acquis de la confiance parce que cela nous appartenait et que nous pouvions apporter les changements que nous voulions.

Lorsque nous parlons d'être porteurs de changement et de créer une coalition directrice, la coalition directrice facilite les moyens d'action à grande échelle. Cela fait partie de notre identité. Peut-être que la situation que nous vivons en Nouvelle- Écosse est unique parce que nous appartenons tous à une seule et même tribu; nous sommes tous des Micmacs en Nouvelle-Écosse. La province ne compte pas trois ou quatre tribus; il n'y en a qu'une seule. Je me rappelle que, lorsque je suis devenu chef, l'un des Aînés au Manitoba a dit : « Nous avons perdu notre identité et nous avons beaucoup trop stéréotypé notre propre peuple. » Il a ajouté : « D'abord, ils nous ont appelés des Indiens, puis des sauvages; ensuite, ils sont revenus à Indiens, puis ils ont changé pour Autochtones, puis pour peuples indigènes, pour ensuite revenir à Autochtones, puis tout le monde s'est senti à l'aise avec l'expression Premières nations. Nous ne changerons jamais les choses. » Je ne me souviens jamais de son nom, mais je n'oublierai jamais ses mots. Il a affirmé : « Nous ne changerons jamais les choses si nous ne savons pas qui nous sommes. Je suis Déné; j'appartiens à la Première nation des Dénés. Vous êtes Micmac, de la Première nation des Micmacs. » Nous avons conclu des ententes de nation à nation, et nous croyons que le transfert de compétence en Nouvelle-Écosse doit s'effectuer dans le cadre d'une entente de nation à nation, où la province n'est plus seulement le bénéficiaire d'un mode de financement ou de quoi que ce soit d'autre. La province doit négocier avec les Micmacs en ce qui concerne les services d'enseignement. Nous lui achetons ces services. Cela nous permet d'avoir un plus grand droit de regard sur le type d'enseignement que nous voulons offrir à nos enfants. Il n'appartient plus au bureau régional de décider quelle collectivité disposera d'une école. Ce sont les membres de la Première nation micmaque qui décide où se situera la nouvelle école.

Le succès doit venir de la base. Nous pourrions croire que nous ne sommes pas prêts, mais je crois que les personnes qui choisissent de ne pas participer à l'ensemble du processus — au moment où le groupe de travail sur l'enseignement en est à ses débuts — disent : « Pourquoi ne prenons-nous pas les rênes de notre propre processus? Pourquoi nous impose-t-on encore un groupe qui travaille sur l'enseignement? » Nous sommes méfiants quant à l'issue de ce processus. Quoi qu'il en soit, nous voulons réaliser le même objectif : améliorer la qualité de l'enseignement. Les statistiques sont alarmantes. Si nous nous en tenons seulement aux vrais objectifs et que nous investissons dans une relation de confiance, je crois que nous sommes sur la voie de la réussite.

J'ai déjà dit que ce processus donnait du pouvoir aux Micmacs et que j'y participe depuis le début, c'est-à-dire depuis le jour où tout était sur le point de s'effondrer. Jane Stewart était alors ministre, et, le lendemain, nous allions ou non signer cette entente. J'étais dans la salle de conférence, et j'expliquais aux chefs les avantages de l'autonomie. Il fallait simplement leur faire un peu mieux comprendre en quoi consistait l'entente que nous allions signer. Nous avons finalement signé cette entente. Depuis ce jour, nous avons les pleins pouvoirs. C'est nous qui décidons.

Le sénateur Raine : En quelle année était-ce?

M. Googoo : Je crois que c'était en 1992.

Le sénateur Raine : Ça fait 20 ans. Vous en avez fait du chemin. Je vous félicite.

Merci. Je crois qu'il a été très utile pour nous d'apprendre comment cela fonctionne. Il est important que nous ne parlions pas, par exemple, des provinces. Lorsque nous parlons des Premières nations, nous devrions vraiment les considérer comme une nation à part entière plutôt que de les voir comme le petit regroupement artificiel de collectivités imaginé par les Affaires indiennes il y a bien longtemps. Encore faut-il savoir ce qu'on entend par « nation ».

M. Googoo : Je crois que le fait que nous avons la possibilité de décider si nos recommandations seront imposées ou si elles émaneront de la collectivité constitue une rare occasion dans l'histoire du Canada, où nous avons mis sur pied une commission de vérité et de réconciliation et nous avons une meilleure idée de la façon dont nous devons procéder pour bien faire les choses cette fois-ci. Le moment est bien choisi, si nous abordons cette situation de façon stratégique et adéquate. Je voulais soulever ce point.

Le sénateur Ataullahjan : Chef Googoo, vous avez parlé de la collecte de fonds dans la collectivité. J'ai été très impressionnée par ce que vous avez dit à ce sujet. Vous avez eu beaucoup de succès. Comment avez-vous réussi à faire cela? Comment avez-vous réussi à mobiliser les gens pour qu'ils participent à la collecte de fonds?

M. Googoo : Notre collectivité a déterminé qu'il s'agissait d'une priorité. Nous avions conclu une entente relative au jeu et nous savions qu'il nous manquait 1,2 million de dollars. Le conseil et moi-même avions décidé de ne pas baisser les bras. Nous n'allions pas construire une école selon les taux du gouvernement fédéral. Nous savions que ce type d'école serait inadéquat, alors pourquoi l'aurions-nous construite? C'était inacceptable.

Par conséquent, nous devions emprunter de l'argent. Nous avons emprunté de l'argent en offrant en garantie notre entente relative au jeu, et nous avons utilisé un mode de financement employé par la province — un tiers, un tiers, un tiers. Il faut trouver une solution au lieu de seulement demander plus d'argent. J'ai mis en pratique les sept habitudes de ceux qui prennent l'initiative du changement lorsque j'ai demandé au directeur régional : si je fournis le tiers du financement, seriez-vous prêt à faire de même?

Ensuite, j'ai demandé à la province — en brandissant notre entente relative au jeu — : pourriez-vous nous avancer de l'argent? Vous fournirez le tiers du financement. Nous emprunterons le tiers, et le gouvernement fédéral a accepté d'en assumer l'autre tiers. Voilà comment nous avons réussi à recueillir les 1,2 million de dollars qui nous manquaient.

Au bout du compte, l'idée était que nous ne voulions pas construire une école inadéquate. C'est l'investissement le plus important jamais fait dans notre collectivité. C'était un projet d'une valeur de huit millions de dollars, et nous n'allions pas construire quelque chose qui serait inadéquat. Nous ne nous sommes pas contentés de ce qui était offert, et je suis content que nous ne l'ayons pas fait.

Le président : Les réussites que vous avez connues, qu'il s'agisse du comité directeur sur l'éducation des Premières nations en Colombie-Britannique ou de la consolidation ou du regroupement des Micmacs — peu importe comment vous appelez cela —, semblent jouer un rôle important pour la simple raison que ce genre d'initiative renforce votre capacité. Si une Première nation ne compte que 30 ou 40 membres, il est presque impossible de créer un conseil scolaire ou quel que soit le nom que vous voudriez lui donner — s'il s'agit du deuxième niveau.

Est-ce que vous vous attendez à rencontrer beaucoup de résistance si vous recommandez la consolidation dans le but de faire des économies d'échelle et d'avoir la capacité nécessaire pour mener à bien cette initiative, comme dans le cas des Micmacs, du Comité directeur sur l'éducation des Premières nations ou des Cris du Québec? Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?

Cela représentera certes l'un des défis — et le financement législatif sera du nombre — si nous changeons le mode de financement et que le gouvernement verse l'argent directement à la bande, comme il le fait actuellement pour les écoles administrées par la bande. En ce qui concerne la consolidation, j'aimerais connaître votre point de vue.

M. Atleo : Je conviens que c'est un aspect que nous devons prendre en considération — cela rejoint les commentaires qu'a faits le sénateur Raine au sujet d'une autre réalité imposée de l'extérieur à la structure et aux systèmes des bandes tels qu'ils sont définis dans la Loi sur les Indiens. C'est un excellent point, et c'est un autre exemple qui montre que les Premières nations n'ont pas choisi l'organisation qu'on leur impose.

Cela me fait penser à mon propre village. Mon village, Ahousaht, en est un bon exemple. Pour en revenir au rapport de la commission royale publié en 1996, à l'époque, on utilisait la phrase « construire la nation ». Comme vous l'ont dit les Micmacs, il y a actuellement une revendication. Nous sommes en train de construire une nation, les Premières nations d'un bout à l'autre du pays sont en train de reconstruire une nation.

J'ai assisté à la signature des traités 1 à 11, qui sont très importants. Comme les Premières nations là-bas vous le diront, ce ne sont pas les traités qui font les nations, ce sont les nations qui font les traités.

Encore une fois, les Premières nations sont obligées d'adopter un système qui leur a été imposé et de réexaminer un système que nous avions toujours utilisé jusqu'alors. Nous voulons que les gens reconnaissent que nous n'avons pas créé ce système et que le Sénat ne l'a pas créé non plus; nous avons hérité de ce que nous avons maintenant, mais les Premières nations travaillent à changer la situation.

Cela remonte à l'époque du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Dans son rapport, publié en 1996, la Commission recommandait que cela fasse partie des changements majeurs à apporter — nous devons récupérer notre statut de nation.

Ce qu'on décrirait peut-être comme un processus de consolidation ne serait qu'une façon d'indiquer que, si le système prévu dans la Loi sur les Indiens était imposé, nous devrions être prudents si nous voulons imposer ou même envisager la possibilité d'imposer ce concept de « construction de la nation », car cela doit venir des gens mêmes. Il est clair que c'est ce que font les Micmacs. D'autres Premières nations dans le pays le font également.

Je voulais également revenir, monsieur le président, sur le point qui a été soulevé concernant la possibilité que les Micmacs obtiennent des fonds supplémentaires à partir de leur propre source de revenus. Nombre de Premières nations n'ont pas accès à des ressources supplémentaires. Elles ne disposent pas de leur propre source de revenus ou n'ont pas la possibilité de générer des revenus. Vous avez fait un parallèle très important, car, comme toute école moyenne au Canada pourrait faire une collecte de fonds dans le but d'aménager un nouveau terrain de jeux, ce dont il est question ici est l'écart entre les services et les ressources de base destinés aux écoles et aux systèmes scolaires, mais les Premières nations ne comptent pas de systèmes de deuxième et de troisième niveaux. Elles n'auraient pas accès aux outils systémiques qui leur permettraient de partager leurs revenus. Dans un tel cas, le chef en conseil et son organisation compenseraient à bien des égards l'absence de services de deuxième et de troisième niveaux.

Je voulais aborder de façon plus générale une question essentielle parce que nombre de collectivités accordent tant d'importance à leurs jeunes et à leurs enfants qu'elles trouveront des solutions. Il s'agit de gouvernements autochtones qui sont déjà financés. On exerce donc des pressions indues sur la capacité des gouvernements autochtones de servir adéquatement les membres des Premières nations.

Je trouvais que ce point méritait d'être soulevé. Je suis très enthousiaste de voir que les Premières nations travaillent à construire et à reconstruire leur nation. Je crois donc qu'il est important de respecter et de soutenir la démarche des Premières nations, et cette démarche doit être entreprise par les Premières nations mêmes.

Il existe certainement des modèles dont nous pouvons nous inspirer pour créer les types d'économies d'échelle dont on a fait mention pour mettre en place un système efficace fondé sur la reddition de comptes qui permet d'offrir des services de qualité, peut-être, dans certains cas, à des groupes qui partagent une même langue, comme chez les Micmacs. Quand j'ai visité l'école de la collectivité du chef régional — il m'a invité lorsqu'il était chef — rien ne m'a fait plus chaud au cœur que d'entendre des jeunes parler le micmac, alors que, selon les linguistes, des 52 langues autochtones parlées aujourd'hui, seules trois sont susceptibles d'être parlées couramment dans l'avenir. La mienne ne figure pas parmi ces trois langues.

Nous sommes actuellement très préoccupés par le fait qu'il est temps de veiller à assurer la survie de la langue. Je félicite toutes les collectivités qui ont instauré des systèmes d'éducation semblables à celui des Micmacs. Je tiens également à féliciter les dirigeants pour le travail qu'ils ont accompli depuis 1992, et je vous félicite pour le travail que vous avez fait.

Imaginez ce que nous pourrions faire si nous avions le soutien, le pouvoir et les ressources nécessaires pour mettre en place un système d'éducation adéquat; imaginez à quel point nous pourrions améliorer les taux de réussite dans toutes nos collectivités.

Le président : Je voudrais vous remercier. Les membres du comité accomplissent un travail exempt de toute partisanerie. Je ne fais jamais de liste — la gauche, la droite ou quoi que ce soit d'autre. Le comité est composé d'excellents sénateurs, et je ne m'inclus pas lorsque je dis cela. Je pense plutôt aux membres du comité en général qui font du très bon travail.

Je suis convaincu — comme l'ont affirmé le sénateur Demers et d'autres — que nous ferons de notre mieux pour rédiger un rapport qui ne restera pas lettre morte, car, en ce qui me concerne, l'échec n'est pas une option. Je crois que nous pouvons réussir.

Je crois que le moment est bien choisi. Je remercie les sénateurs de leur participation, mais je vous remercie tous d'avoir été présents ici ce soir, notamment le chef national et le chef régional. Je tiens aussi à remercier M. Jock et Mme Brennan de nous avoir honorés de leur présence.

(La séance est levée.)


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