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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 5 - Témoignages du 1er novembre 2011


OTTAWA, le mardi 1er novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 33 pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'ensemble des sénateurs et des membres du public qui suivent nos débats sur CPAC ou sur Internet. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur et le privilège de présider le comité.

Le comité a pour mandat d'examiner les lois au regard de tout ce qui concerne les Premières nations du Canada, de manière générale. Pour comprendre les préoccupations de nos électeurs, nous invitons régulièrement des représentants des associations autochtones nationales à comparaître devant nous. Plutôt que d'imposer un sujet de discussion, nous leur donnons carte blanche de façon qu'ils puissent nous renseigner sur les enjeux qui importent le plus à leurs membres. Ces séances ont une valeur inestimable, car elles aident le comité à déterminer quels sujets il soumettra à une étude, dans le but de servir le mieux possible la collectivité autochtone.

Ce matin, nous entendrons comme témoin l'Association nationale des centres d'amitié. Depuis de nombreuses années, les centres d'amitié fournissent des services d'orientation et de soutien aux Autochtones vivant en milieu urbain dans des domaines comme la santé, le logement, l'emploi, les loisirs, le développement des ressources humaines et la culture. Organisme sans but lucratif, l'Association nationale des centres d'amitié (ANCA) représente 117 centres d'amitié et 7 associations provinciales-territoriales et gère et administre le budget fédéral de tous les centres d'amitié du pays.

L'organisation est régie par un conseil d'administration composé de 11 représentants régionaux, dont un représentant jeunesse. Son comité exécutif se compose d'un président, d'un vice-président, d'un secrétaire, d'un trésorier et d'un cadre jeunesse.

[Français]

Mais avant d'entendre notre témoin, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont présents ici ce matin.

[Traduction]

La vice-présidente du comité est le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan. Sont également présents le sénateur Ataullahjan, de l'Ontario, le sénateur Greene Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Patterson, du Nunavut, le sénateur Demers, du Québec et le sénateur Meredith, de l'Ontario.

Bonjour mesdames et messieurs les sénateurs et bienvenue.

Je prierais les membres du comité d'accueillir avec moi les témoins, représentant l'Association nationale des centres d'amitié. Nous accueillons M. Jeff Cyr, directeur exécutif, et M. Conrad Saulis, directeur de la politique.

Monsieur Cyr, nous allons écouter avec plaisir votre exposé.

Jeff Cyr, directeur exécutif, Association nationale des centres d'amitié : Bonjour. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, je tiens à souligner que nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire traditionnel de la nation algonquine. Je vais me présenter, puis je parlerai de mon organisation. Je m'appelle Jeff Cyr. Je suis un Métis du Manitoba et je suis également directeur exécutif de l'Association nationale des centres d'amitié, l'ANSC. C'est la première fois que je présente officiellement un exposé devant votre comité, à titre de directeur exécutif de l'Association, et je remercie le comité de m'avoir donné l'occasion de le faire au nom de cette organisation.

Comme vous le savez, la population mondiale s'élève, depuis cette semaine, à sept milliards de personnes. Il faut souligner que, sur sept milliards de personnes, plus de 70 p. 100 habitent dans une région urbaine et que la migration vers ces régions augmente depuis les trois dernières décennies. La population autochtone suit la tendance mondiale, et aujourd'hui, près de 60 p. 100 des Autochtones vivent en milieu urbain. Quand nous parlons des enjeux de la population autochtone, il faut tenir compte du fait qu'ils touchent une population jeune et urbaine.

Pour établir le contexte, je vais faire l'historique de mon organisation — qui nous sommes, ce que nous faisons et les raisons pour lesquelles les centres d'amitié sont des moteurs essentiels des changements sociaux du paysage canadien.

L'Association nationale des centres d'amitié compte aujourd'hui 119 centres d'amitié — des organismes de service communautaire —, situés dans toutes les régions du Canada. Ces centres peuvent compter dans leur travail sur l'aide de six associations provinciales et territoriales et, bien sûr, sur celle de notre bureau national, situé ici, à Ottawa.

Le mouvement des centres d'amitié, qui a pris naissance dans les villes de Toronto, de Winnipeg et de Vancouver pendant les années 1950, a maintenant près de 60 ans. Au fil de son histoire et de son évolution, le mouvement des centres d'amitié n'a cessé de grandir et de s'étendre, mais il s'est toujours efforcé de répondre aux besoins des Premières nations, des Métis et des Inuits qui s'installaient dans des centres urbains du Canada pour tout ce qui concerne la santé, la vie sociale, l'économie, la scolarité, mais, surtout, cette transition. Les centres d'amitié ne se contentent pas de fournir des services inestimables aux Autochtones en milieu urbain qui utilisent leurs programmes, ils leur offrent également des possibilités d'emploi à l'échelon local. Globalement, les centres d'amitié emploient aujourd'hui plus de 2 600 personnes, dont 72 p. 100 sont des femmes.

L'objectif général des centres d'amitié du Canada est de donner à la population des Autochtones en milieu urbain de meilleures chances d'épanouissement. Notre suite de programmes et de services est diversifié : programmes prénataux, programmes des bébés en santé, programme Bon départ, programmes pour les jeunes, programmes axés sur la santé mentale et le bien-être, soins à toutes les époques de la vie, cliniques du diabète, programmes de prévention de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Ce sont tous là des programmes essentiels qui aident à composer avec les coûts sans cesse croissants des soins de santé au Canada. Nous proposons aussi un programme d'éducation, qui comprend des programmes d'apprentissage des compétence de base, des écoles secondaires parallèles et, bien sûr, le programme Bon départ déjà mentionné, qui s'adresse aux jeunes enfants.

Les centres d'amitié proposent également des programmes axés sur l'emploi et la formation, parallèlement à des programmes de soutien au développement économique, qui aident les Autochtones vivant en milieu urbain à établir des assises solides pour assurer l'avenir de leur famille.

Les questions touchant la violence, les jeunes à risque d'être victimes d'exploitation sexuelle ou de tomber dans la criminalité sont considérées comme très importantes, tout comme la protection des femmes et des enfants contre toute forme de préjudice et de violence familiale. Les centres d'amitié, malgré qu'ils offrent depuis longtemps et avec de bons résultats ces services essentiels, font face à de nombreux défis, liés parfois à la réalité démographique, parfois à la capacité organisationnelle.

Comme je l'ai indiqué déjà en parlant de la migration, la population autochtone urbaine du Canada ne cesse de croître. En 1996, 47 p. 100 des Autochtones vivaient en milieu urbain; en 2001, cette proportion était de 49 p. 100, et en 2006, de 54 p. 100. On peut estimer qu'elle est aujourd'hui d'environ 60 p. 100. De plus, notre population est très jeune : 48 p. 100 des Autochtones sont âgés de moins de 25 ans. Cette réalité démographique exerce une forte pression sur les ressources humaines et financières de nos centres; il faut ajouter à cela que, dès 1996, le gouvernement fédéral gelait à 16 millions de dollars le financement de base du Programme des centres d'amitié autochtones. Les centres d'amitié ont toutefois réussi à trouver auprès de sources provinciales, municipales, privées et fédérales un financement de contrepartie de l'ordre de 8,25 $ pour chaque dollar qu'il reçoit.

Tout au long de leur histoire, les centres d'amitié ont été des lieux d'innovation sociale, qui ont exigé de leurs employés qu'ils fassent preuve de créativité et trouvent les ressources nécessaires pour combler l'ensemble des besoins des Autochtones vivant en milieu urbain. Les centres d'amitié ont également joué un rôle central dans l'élaboration d'autres services de soutien en milieu urbain, y compris des centres de santé pour Autochtones, et de possibilités de développement économique en milieu urbain, y compris au chapitre de l'économie sociale.

Les centres d'amitié qui font partie de notre organisation provinciale et territoriale ont également noué des relations productives et solides avec les administrations municipales et les gouvernements provinciaux et territoriaux. Ces relations leur donnent accès à un financement supplémentaire, qui leur sert à offrir l'ensemble des programmes et des services dont j'ai parlé plus tôt.

L'Association nationale des centres d'amitié a établi de très bonnes relations avec le gouvernement fédéral. Elle a notamment travaillé avec l'Agence de la santé publique et Santé Canada à des dossiers concernant entre autres le virus H1N1, le diabète, l'obésité chez les enfants, l'abandon du tabac et les politiques en matière de santé mentale; avec le Service correctionnel Canada et la GRC, elle s'est occupée des services aux victimes; avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada, elle s'est occupée de stratégies en matière d'emploi et d'acquisition de compétences de base. Elle a également collaboré avec le Parlement dans le cadre du caucus multipartite des centres d'amitié, coprésidé par les députés Jean Crowder et Chris Warkentin.

L'Association entretient également des relations étroites avec plusieurs universités canadiennes, par le truchement du Réseau de savoirs sur les Autochtones vivant en milieu urbain. Nos relations avec ces universités sont au centre d'une proposition de recherche que nous avons présentée au CRSH et ont justifié la tenue d'une conférence nationale sur la santé, en février, qui a été très réussie.

Comme vous le voyez, le mouvement des centres d'amitié du Canada est très actif.

Je n'ai pas encore parlé de notre travail sur la scène internationale — je viens de revenir de Chine, lundi soir, à titre d'exemple — et de nos efforts pour travailler en étroite collaboration avec notre partenaire du gouvernement fédéral, le Bureau de l'interlocuteur fédéral.

Nous sommes très actifs, et nous devons l'être. Les Autochtones vivant en milieu urbain forment une population dynamique et jeune, qui est en croissance. Les priorités du mouvement sont multiples : santé, formation et préparation à l'emploi, programmes pour les jeunes, développement économique et économie sociale, prévention de la criminalité, création de collectivités sûres, protection du patrimoine des Premières nations, des Métis et des Inuits, environnements urbains, et Terre Mère. Même si nous sommes au courant de certains aspects des conditions de vie et des défis des Autochtones vivant en milieu urbain, au Canada, il nous reste encore bien des choses à documenter et à explorer. Nous devons également étudier des aspects touchant des questions juridiques, y compris le statut et l'appartenance, la transférabilité des droits des Premières nations et les biens immobiliers matrimoniaux, par exemple.

Je vous recommanderais en particulier, dans le travail qui vous attend, à examiner l'environnement urbain des Autochtones, les structures, programmes et services existants, ainsi que la manière dont on peut le mieux préparer et soutenir cette jeune population en croissance. Toutes les préoccupations sociales et économiques des Autochtones, qu'il s'agisse d'éducation, de soins de santé, de logement, d'emploi, de formation, et ainsi de suite, s'inscrivent dans l'expérience urbaine.

Nous devons également examiner les programmes fédéraux et provinciaux existants, par exemple la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Cette Stratégie a à notre avis un potentiel extraordinaire, mais il faut au minimum doubler son financement — il est actuellement de 13 millions de dollars, pour 13 villes; il faut également qu'elle établisse un partenariat solide avec les centres d'amitié. Nous considérons être nous-mêmes une stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Les centres d'amitié et l'Association nationale forment le plus vaste réseau de prestation de services aux Autochtones, au Canada et dans le monde entier. Nous sommes des mécanismes d'investissement; nous sommes des fournisseurs de services professionnels; et nous prétendons être des moteurs de changement social dans les collectivités urbaines. Nous vous implorons d'étudier cet environnement urbain, qui sera pour bon nombre d'Autochtones la toile de fond de leur expérience, dans les décennies à venir, puisqu'il influera sur la réussite des Autochtones vivant en milieu urbain. Cela ne sera pas bénéfique seulement pour les Autochtones; ce sera aussi profitable pour le Canada, s'il y consacre du temps et de l'argent.

J'attends avec impatience de savoir quel sera le principal point à l'ordre du jour des prochaines séances de votre comité. Je suis convaincu que, quand vous aurez fait votre choix, je comparaîtrai de nouveau devant vous pour en discuter. Merci —Meegwetch, à vous tous de votre bienveillante attention. J'ai hâte de parler davantage avec vous des enjeux qui influent sur la vie des Autochtones vivant en milieu urbain et sur les centres d'amitié.

Le président : Merci, monsieur Cyr.

Vous avez parlé d'une somme de 16 millions de dollars; connaissez-vous le montant total de votre budget d'exploitation?

M. Cyr : Cela dépend de ce dont vous parlez, du bureau national ou de l'ensemble des centres d'amitié.

Le président : De l'ensemble du mouvement.

M. Cyr : Il est d'environ 235 millions de dollars, ce qui comprend le financement de sources provinciales, municipales et privées.

Le président : Mon autre question concerne l'inscription des Indiens. Vous avez la responsabilité de l'appartenance à une bande et de la citoyenneté, dans le cadre du processus exploratoire. Pourriez-vous nous expliquer ce que c'est, l'inscription des Indiens, monsieur Cyr?

M. Cyr : Je ne crois pas qu'il soit juste de dire que nous en sommes responsables. Nous avons conclu un partenariat avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada afin de mener des discussions sur la décision McIvor, sa mise en œuvre et ce que nous appelons le « processus exploratoire ». À nos yeux, tout cela concerne l'identité et le sentiment d'appartenance. Sous la direction de M. Saulis, nous avons élaboré un processus qui débouchera sur la présentation au gouvernement du Canada de rapports sur l'opinion de nos membres sur ces sujets. C'est à cela que nous nous sommes occupés, cette année, et nous avons presque terminé.

Le président : Il y a un sujet sur lequel notre comité ne s'est pas vraiment penché, dans le cadre d'une étude, à tout le moins, et c'est la collectivité métisse. Nous sommes tous les deux pris entre deux feux, disons. Y a-t-il un aspect qui concerne en particulier la collectivité métisse qui, à votre avis, devrait être exploré davantage? Pensez-vous que votre organisation couvre tout le spectre, c'est-à-dire les Premières nations, les Inuits et les Métis?

M. Cyr : Le mouvement des centres d'amitié, par définition, ne tient pas compte du statut. Il s'occupe tout autant des Autochtones et des non-Autochtones qui veulent utiliser les services des centres. Évidemment, on y retrouve une plus grande proportion de Métis parmi la clientèle des centres entre l'Ontario et la Colombie-Britannique. On le voit plus concrètement lorsque des événements culturels et des services axés spécifiquement sur les Métis sont offerts, par eux et pour eux. Statistiquement, les Métis vivent plus souvent en milieu urbain que les membres des Premières nations, et cela est vrai en particulier dans les grandes villes comme Winnipeg, Edmonton et Calgary. Mais, de toute évidence, nous offrons des services à tout le monde.

Comme vous le voyez, je suis Métis, et M. Saulis appartient à la Première nation des Malécites du Nouveau- Brunswick. L'ANCA ne tient aucun compte du statut, et elle ne fait pas de distinction en fonction de la culture.

Le sénateur Dyck : Vous avez dressé une liste des programmes très diversifiés offerts par les centres d'amitié. J'ai plusieurs questions. Je commencerais peut-être par parler des groupes autochtones, puisque notre président a soulevé cette question.

Pensez-vous que, lorsque nous parlons des programmes offerts aux Autochtones vivant en milieu urbain, nous devons maintenir cette distinction entre les Premières nations, les Indiens non inscrits, les Métis et les Inuits? Est-ce que cela constitue un avantage ou un inconvénient pour les personnes qui veulent obtenir des services? Est-ce que le fait pour une personne d'être métisse plutôt que membre d'une Première nation peut l'empêcher à accéder à un programme? Est-ce que les programmes sont offerts à tous et également? Se peut-il que certains programmes soient plus pertinents pour les uns que pour les autres?

M. Cyr : Je vous répondrai tout de suite par la négative. Les programmes sont offerts également à tous, peu importe le groupe, l'origine ethnique, ou le critère ou le mot que vous voulez utiliser. Selon ce que j'en sais, pour le mouvement des centres d'amitié, il n'y a aucun avantage à scinder un programme pour l'axer sur les Premières nations ou les Métis. Il y a bien sûr des événements culturels propres à chaque collectivité, mais les Premières nations peuvent de toute évidence assister aux événements des Métis, et vice versa. En général, les programmes appliquent la politique de la porte ouverte, et nous trouvons que cela est très utile. L'identité pose toutes sortes de problèmes, comme vous le savez très bien. Les Métis auraient pu s'ils l'avaient voulu s'inscrire comme bandes assujetties à la Loi sur les Indiens. À notre avis, il est beaucoup plus utile de laisser le programme ouvert, puisque cela convient au milieu urbain, où les populations se mêlent beaucoup. Il n'y a pas de quartier des Premières nations ou de quartier des Métis. Ils font tous de toute façon partie du milieu.

Le sénateur Dyck : Parlons de vos programmes et des gens à qui ils s'adressent; quel serait selon vous votre taux de réussite? La plupart des Autochtones, aujourd'hui, vivent dans des centres urbains, comme vous l'avez dit. Comment faites-vous pour les joindre? Comment faites-vous pour les attirer? Les gens qui viennent vous voir sont-ils nombreux, est-ce que vous attirez davantage de jeunes ou de gens plus âgés? Quel serait à l'heure actuelle le profil des gens qui viennent vous demander de l'aide?

M. Cyr : Je dirais que les programmes les plus en demande sont ceux qui s'adressent aux jeunes et peut-être aussi aux gens d'âge moyen. Je ne connais pas les statistiques par cœur.

Les centres d'amitié existent depuis si longtemps, et un si grand nombre de gens ont utilisé les services de ce mouvement, que c'est un peu comme un service public pour Autochtones. Les gens participent à ce mouvement depuis si longtemps que, quand on quitte une collectivité rurale ou éloignée ou une réserve, on cherche un endroit où notre culture est vivante, où les gens nous ressemblent et où on peut communiquer par les mêmes moyens. Les gens viennent vers les centres d'amitié. Il ne s'agit pas pour nous de faire de la publicité pour attirer les gens; ils viennent de toute façon.

Je crois surtout que nous n'arrivons pas à bien servir la collectivité, car nous manquons de ressources et de capitaux. Nous pourrions en faire plus. Parlons de la structure; autrefois, il y a bien des années, notre programme s'appelait le Programme des migrants autochtones; il a changé de nom au début des années 1990. Le niveau de financement n'a pratiquement pas changé depuis la date écrite ici, 1996. Il n'a probablement pas augmenté après 1988. Le financement reflétait au départ le nombre d'ETP — vous savez ce que veut dire le sigle ETP —, et ce niveau a été établi dans les années 1980; il n'y a pas eu d'augmentation en fonction du coût de la vie. Vous avez ici des organisations absolument sous- financées, ce que j'appelle des organisations structurellement pauvres. Elles arrivent à en faire beaucoup avec peu, et elles arrivent à trouver du financement de contrepartie. Certains programmes, et je trouve cela fascinant, arrivent à obtenir un financement de contrepartie de l'ordre de deux pour un, voire de trois pour un. Les centres d'amitié arrivent à trouver un financement de contrepartie de l'ordre de 8,5 ou voire plutôt de 9 $ par dollar reçu, et ils arrivent à intéresser réellement les gouvernements provinciaux et les administrations municipales.

Vous me demandez si on pourrait aider davantage de gens? Oui, et nous pourrions en faire beaucoup plus, mais le problème, c'est que nos ressources sont utilisées au maximum. Chaque fois que nous mettons en œuvre quelque chose de nouveau, par exemple le processus exploratoire, nous faisons pression sur la capacité des organisations. C'est parfait de dire : « Voici 500 000 $. Allez consulter. » Le problème, c'est que les gens ne savent déjà plus où donner de la tête, et on ne fait qu'ajouter un programme parmi tant d'autres.

En gros, nos programmes visent principalement la santé, c'est une priorité, puis la famille, la culture et les jeunes. C'est selon cet ordre de priorité que les capacités sont distribuées.

J'ai une donnée statistique à fournir — je m'étends beaucoup trop, ici — : les centres d'amitié reçoivent quelque 2,5 millions de demandes d'information par année, au sujet des programmes. Donc, 2,5 millions d'Autochtones utilisent nos services, au pays, mais ils sont peut-être beaucoup plus nombreux.

Le sénateur Dyck : Vous avez indiqué, en parlant de la population mondiale, que de 50 à 60 p. 100 des gens sont âgés de moins de 25 ans, ce qui est vrai également pour la population des Autochtones. Étant donné la jeunesse relative de cette population — ils sont peut-être encore plus jeunes dans les centres urbains, je ne suis pas sûre —, quels seraient les besoins les plus pressants au chapitre des programmes que vous offrez? Que faut-il faire pour les jeunes?

M. Cyr : Les jeunes ont besoin de toute une gamme de services. L'éducation, bien sûr, est un aspect clé, mais il y a aussi une ou deux autres choses à ajouter, de manière à assurer une bonne éducation. Il faut entre autres assurer le logement des jeunes qui étudient, surtout s'ils viennent d'une autre région, ce qui est souvent le cas. Il faut donc inclure le logement, et le soutien social et les compétences de base sont un enjeu important. Il faut puiser dans toutes sortes de programmes, pour aider les jeunes qui vivent en zone urbaine.

En passant, je n'avais pas de chiffres concernant la population des jeunes à l'échelle mondiale; j'ai simplement dit que, à l'heure actuelle, 70 p. 100 des gens habitaient en milieu urbain sur la planète. Pour aider les jeunes, il faut s'assurer qu'ils sont enracinés dans une culture. Pour les aider à étudier, ce qui est leur meilleur gage de réussite, il ne suffit pas de leur proposer un programme d'études. Il faut également leur fournir toute une série de services, sur lesquels ils pourront s'appuyer au besoin. Les centres d'aide s'adressant aux jeunes sont également utiles. Le mentorat et les liens entre les aînés et les jeunes, dans les collectivités, sont importants, et c'est une façon pour eux de rester connectés à leur culture.

Le sénateur Dyck : J'aimerais éclaircir la question des chiffres que j'ai cités; je croyais que c'est vous qui les aviez donnés, mais je crois les avoir entendus aux actualités, hier. On parlait de la population mondiale et du très grand pourcentage des gens âgés de moins de 25 ans. Bien sûr, j'ai fait le lien avec la population des Autochtones, car leur situation est assez semblable.

Le sénateur Patterson : Monsieur Cyr, vous avez mentionné que le financement des centres d'amitié est gelé, et je crois que vous avez dit qu'il avait été gelé depuis les années 1980. Pourriez-vous me donner un peu plus d'information à ce sujet?

M. Cyr : Je ne travaillais pas encore dans le domaine, en passant. Ce dont je me souviens de cette histoire, c'est que le Programme des migrants autochtones a changé de nom et de structure au début des années 1980. À ce moment-là, le financement a été ramené au niveau d'aujourd'hui, et il est gelé depuis ce temps-là. Nous avons parlé de l'année 1996, car c'est cette année-là que le financement a été transféré à l'Association nationale des centres d'amitié, qui a été chargée de gérer et d'encadrer ce programme de façon autonome. Cet aspect donne d'excellents résultats. Le problème, c'est que la population a crû de manière exponentielle, mais que le financement est resté le même.

Le salaire de notre directeur exécutif est l'un des plus bas du pays. Je crois que la moyenne est de 52 000 $. À notre avis, le financement d'un centre d'amitié exige un financement de base d'environ 230 000 $, et, à l'heure actuelle, le financement moyen est d'environ 131 000 $. Voilà le topo. Il n'y a jamais eu d'augmentation en fonction du coût de la vie. Nous nous appuyons de plus en plus sur ces centres, car les problèmes et les enjeux sociaux qui se présentent sont toujours plus nombreux, plutôt que le contraire, car la population est en croissance et qu'elle est de plus en plus jeune. Nous en faisons davantage, avec moins.

Félicitations à mes collègues des centres d'amitié du pays, à tous les 119. Ils travaillent très dur et de très longues heures, ils ont peu de moyens et ils doivent en faire beaucoup, et ils le font très bien. J'espère que cela répond à votre question.

Le sénateur Patterson : Ce que vous me dites, c'est que le financement est gelé depuis 1996?

M. Cyr : Oui.

Le sénateur Patterson : J'imagine que, à titre de directeur d'une association nationale, vous êtes en contact avec l'interlocuteur fédéral, qui est également le ministre des Affaires autochtones?

M. Cyr : Oui.

Le sénateur Patterson : Lui avez-vous parlé de cette question du gel du financement? Pourriez-vous me dire ce que le ministère répond à ce propos? Vous avez dit que les centres d'amitié arrivaient de manière très efficace à trouver du financement de contrepartie auprès des provinces et des municipalités. Est-ce que le ministère des Affaires autochtones sait que la contribution du gouvernement fédéral est inadéquate? Je suis sûr que oui. Est-ce qu'il prévoit que sa contribution sera doublée ou augmentée par celle des provinces et des municipalités? Quelle approche applique-t-il quand vous lui en parlez? Ce gel, qui n'inclut même pas d'augmentation en fonction de l'inflation, équivaut en réalité à une réduction constante. Que dit le ministère? Que vous dit-il?

M. Cyr : La première chose que je dois préciser, c'est que notre financement nous vient du ministère du Patrimoine canadien, par le truchement du Programme des Autochtones, et cela fait plusieurs années.

Le sénateur Patterson : Je suis désolé, j'avais mal compris.

M. Cyr : Je n'ai pas été clair, dans ma déclaration préliminaire. Mon principal mandat est d'augmenter le financement de base, car c'est sur ce fondement que l'on obtient tout le reste du financement de contrepartie. L'organisation, au fil des ans, a constamment présenté des propositions au gouvernement fédéral. Il y a deux ou trois ans, nous avons élaboré une analyse de rentabilisation, avec un peu d'aide financière du ministère du Patrimoine canadien. Dans cette analyse de rentabilisation, nous avons présenté, essentiellement, les chiffres que je viens juste de vous donner. Nous demandons une augmentation de 10 à 15 millions de dollars du financement de base. Le ministère des Affaires autochtones a répondu, en fait, en se taisant.

Le ministère n'a pas tenté de communiquer avec les membres du Cabinet pour faire augmenter le financement, à ce que je sache. L'une des raisons pour lesquelles nous avons mis en place un Caucus multipartite des centres d'amitié, c'est que nous voulons attirer l'attention de tous sur cette question, afin que quelque chose se passe.

Je crois que c'est là la meilleure façon de nous attaquer aux enjeux sociaux des Autochtones vivant en milieu urbain. C'est quelque chose d'organique, qui existe, qui a été créé par des Autochtones et qui est dirigé par un conseil d'administration bénévole — j'en faisais partie avant de prendre mon nouveau poste —, qui passe beaucoup de temps à essayer d'aider notre peuple. Il réussit à s'occuper des gens, mais il pourrait le faire beaucoup mieux. Pourquoi est-ce que son travail reste sans écho? Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question. Nous continuons à aborder cet enjeu, à chaque réunion, et c'est pour le moment notre tâche principale.

Entre temps, quand même, nous échangeons avec le gouvernement fédéral de toutes sortes d'autres manières, dans un paquet de dossiers, car nous sommes le seul réseau national en place dans les centres urbains qui arrive à toucher les Autochtones. Nous avons participé à la campagne, quand il y a eu la grippe H1N1, et cette campagne a été tout à fait réussie pour ce qui concerne l'information, l'éducation et la distribution de matériel. Le gouvernement fédéral a soutenu la mise en place de ce réseau. Les gouvernements provinciaux s'y sont engagés plusieurs fois, dans diverses mesures. Nous entretenons des relations extrêmement bonnes avec l'Ontario, le Manitoba et, de plus en plus, le Québec. Les choses se présentent bien aussi en Alberta, en Saskatchewan et dans diverses provinces de l'est du Canada, mais un grand nombre de ces organisations n'ont pas la même capacité que nous quand il s'agit de mobiliser le gouvernement. Elles sont occupées à fournir des services aux gens. Le gouvernement n'a pas dit clairement s'il voulait que les gouvernements provinciaux versent un financement de contrepartie. Ce serait acceptable. Je ne crois pas que cela nous poserait problème.

Dans certaines provinces, par exemple en Ontario et en Colombie-Britannique, le financement du gouvernement provincial est supérieur à celui du gouvernement fédéral, de l'ordre de 63 p. 100 en Ontario et d'environ 62 p. 100 pour la Colombie-Britannique. Dans certaines provinces des Prairies, le financement est inférieur, de l'ordre de 40 à 45 p. 100, environ, et il est destiné à des services précis. Ce qu'il nous faut, vraiment, c'est un financement centralisé, qui assure la bonne santé fondamentale de l'organisation.

Conrad Saulis, directeur de la politique, Association nationale des centres d'amitié : Je travaille pour l'Association nationale des centres d'amitié depuis le mois d'avril 2009; à ce moment-là, nous étions en train d'élaborer notre analyse de rentabilisation. En même temps, nous étions en train de planifier une réunion nationale d'une journée et nous comptions y accueillir le plus grand nombre possible de députés et de sénateurs. Nous voulions qu'elle ait lieu en novembre 2009, et c'est bien ce qui s'est passé. Ce jour-là, nous avons présenté notre analyse de rentabilisation à plus de 70 députés et sénateurs.

Cela va faire deux ans, ce mois-ci. Comme M. Cyr l'a dit, il n'y a eu aucune réaction, nous ne savons pas pourquoi; c'est vraiment désappointant après tout le travail que nous avons fait et toute l'énergie que nous y avons mise. Nous avions réuni les présidents et les directeurs exécutifs de nos associations provinciales et territoriales pour porter notre message devant le Parlement. En fait, une bonne partie de mon travail pour l'ANCA vise à faire bien comprendre aux bailleurs de fonds —Patrimoine canadien et les autres — les besoins urgents de nos centres d'amitié. M. Cyr a parlé du salaire de nos directeurs exécutifs. C'est vraiment sur leurs épaules que pèse le fardeau de trouver les ressources supplémentaires dont ils ont besoin.

Je voulais tout simplement attirer l'attention sur toute la volonté et toute l'énergie que nous y consacrons.

Le sénateur Ataullahjan : Je suis ébahie d'entendre que le financement est gelé depuis, en fait, 15 ans. Je suis convaincue que vous avez demandé qu'il soit augmenté. Vous a-t-on dit pour quelle raison le financement n'a jamais été augmenté?

Vous avez également mentionné que vous faisiez du travail à l'étranger. Pourriez-vous m'en dire plus au sujet de ce que vous faites à l'étranger?

M. Cyr : Je vais essayer de répondre à la première question. Je crois que j'ai déjà répondu. Je n'ai eu pour réponse que du silence. En tant qu'ancien bureaucrate du gouvernement du Canada, je sais ce qu'il faut faire quand on veut augmenter les dépenses d'un programme — se présenter devant le Cabinet et le Conseil du Trésor — et je sais tout le travail que cela représente. J'ai analysé la question, et je crois que ce travail n'a pas été fait. Les intervenants du système qui auraient eu l'énergie nécessaire pour faire avancer les choses n'ont pas réagi. Même si c'est le gouvernement fédéral qui a financé cette analyse de rentabilisation, celle-ci est restée lettre morte. Cela dit, nous continuons à faire pression.

Le travail à l'étranger est quelque chose de nouveau, qui a commencé il y a cinq ans. Il n'existe nulle part ailleurs dans le monde un mouvement comme celui des centres d'amitié, un mouvement organique, autonome, créé par et pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Comme la tendance à l'urbanisation s'accentue partout dans le monde, il est de plus en plus nécessaire de savoir comment cela se passe exactement dans les centres urbains. Nos frères et sœurs autochtones du monde entier nous demandent de venir discuter avec eux de notre expérience, de notre fonctionnement, de notre organisation et de notre structure, car ils font face aux mêmes enjeux sociaux. Cela se passe d'une manière semblable en Australie et en Nouvelle-Zélande. J'ai récemment été invité par le gouvernement chinois à me rendre en Chine pour parler de la migration. Ça a été une expérience intéressante, car il y a en Chine 125 millions d'Autochtones. Et il y a un nombre incroyable de migrants, à l'intérieur de la Chine, qui sont forcés à migrer principalement pour le travail. Le gouvernement chinois voulait savoir quels services, exactement, nous fournissons aux peuples autochtones, en particulier au chapitre de la préservation de la culture. Nous participons également à l'Instance permanente sur les questions autochtones des Nations Unies. Cela dépend de la question à l'étude au Conseil des droits de l'homme. Nous sommes également accrédités auprès du Conseil économique et social des Nations Unies.

Tout dépend de l'enjeu à l'étude. Il se tiendra un Forum urbain mondial à Naples, en septembre 2012. Nous avons participé au dernier Forum urbain mondial. Cette fois-ci, nous sommes en train d'établir un partenariat avec les gouvernements du Canada, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis. À titre de représentant de l'Association nationale, je vais diriger une organisation formée de groupes d'Autochtones de ces quatre pays, et nous examinerons les pratiques exemplaires touchant la participation des Autochtones à l'économie. Je parle non pas du développement économique, mais bien de la participation des peuples autochtones à l'économie, dans son sens large, à toute la gamme des activités économiques. Nous sommes reconnus par le gouvernement du Canada en raison de notre expertise des services et du travail que nous faisons. Une foule de ministères voudraient posséder cette expertise, mais il y a encore et toujours cette question de base qui n'est toujours pas réglée. Je déteste revenir là-dessus, mais le fait demeure.

Actuellement, je suis en train d'élaborer une stratégie internationale pour notre organisation. Nous n'avons pas beaucoup de temps ni de ressources à y consacrer, car le travail international n'est pas bien financé. Ce travail concerne la mobilisation internationale et ses répercussions sur notre programme national, également. Il faut revenir à la base, aux centres d'amitié, et sur ce qui est pertinent pour eux.

Le sénateur Meredith : Si vous êtes déjà à court de ressources ici, qui finance le travail international? Évidemment, le personnel représente des coûts importants. Est-ce que vos hôtes des autres pays ramassent la facture et est-ce qu'ils louent votre expertise?

M. Cyr : C'est habituellement ainsi que cela se passe. Cette fois-ci, le gouvernement chinois a versé le financement. Mon président se rend en Argentine, dans quelques semaines, à l'invitation du ministère de l'Éducation argentin, pour prononcer une conférence sur quelques tribunes. C'est l'Argentine qui paie ce voyage. Dans les autres cas, je dois puiser dans mon budget d'administration, mais ce ne sont pas des coûts élevés. Quand je travaille en partenariat avec le gouvernement du Canada, c'est lui qui finance, mais c'est très peu et c'est assez rare.

Le sénateur Campbell : Je suis désolé de mon retard. Je commence à comprendre ce que signifie le mot « minorité ».

Est-ce que vous dirigez le centre d'amitié de la rue Hastings, à Vancouver?

M. Cyr : Le centre d'amitié local a son propre conseil d'administration.

Le sénateur Campbell : Il fait partie de l'ANCA.

M. Cyr : Oui.

Le sénateur Campbell : C'est un endroit extraordinaire, et c'est probablement le centre communautaire le plus fréquenté de la ville de Vancouver. Je ne sais pas combien de fois j'y suis allé pour jouer au basket; j'ai rencontré des aînés, j'ai joué du tambour. Il y a du monde 24 heures sur 24; c'est assez fantastique.

À un certain moment en 2004, les administrations fédérale, provinciale et municipale ont conclu une entente en vue de la construction d'un centre d'amitié pour les jeunes Autochtones à Vancouver. Avez-vous participé à cela?

M. Cyr : Non. Je ne me rappelle pas.

Le sénateur Campbell : Pour diverses raisons, ce projet est soudainement tombé à l'eau, et je me demandais ce qui s'était passé.

Il est intéressant de constater que, plus que toute organisation que je connaisse, les centres d'amitié sont en mesure de tirer parti des ressources financières dont ils disposent. Je n'ai jamais vu une autre organisation optimiser chaque dollar comme le font ces centres. Nous avons tendance à faire de tout cela une responsabilité du gouvernement fédéral, mais y a-t-il des municipalités qui reconnaissent qu'elles ont elles aussi des responsabilités à assumer en ce qui a trait aux peuples autochtones? Par exemple, à Vancouver, on constate que l'administration municipale et le gouvernement provincial participent à un plus grand nombre d'activités.

À votre avis, est-il juste de dire que l'on reconnaît que la responsabilité en ce qui concerne les Autochtones vivant en milieu urbain incombe à la fois aux administrations municipales, provinciales et fédérale?

M. Cyr : Tout à fait. Tous les échelons de gouvernement le reconnaissent de plus en plus. Je crois que cela découle d'une réalité à laquelle on ne peut plus se soustraire — par exemple, il y a 85 000 Autochtones à Winnipeg. Soyons honnêtes : nous nous trouvons au bas de l'échelle sociale sur tous les plans, ou à peu près — il n'y a qu'à constater la surreprésentation des Autochtones au sein du système carcéral, des programmes de protection de l'enfance et des services provinciaux et municipaux. Il est flagrant qu'il s'agit là d'un problème qui concerne tout le monde.

L'Ontario et la Colombie-Britannique se démarquent par leur ouverture — je lève mon chapeau à mes collègues des associations provinciales et territoriales qui ont déployé des efforts pour engager un dialogue important avec ces provinces. Cependant, il a fallu beaucoup de temps avant d'en arriver là. De plus en plus de municipalités se joignent au mouvement — quelque 119 d'entre elles disposent de centres d'amitié. Le centre d'amitié de Prince-George est propriétaire de 13 terrains situés dans les quartiers centraux de cette ville; il est donc difficile pour cette dernière de faire quoi que ce soit sans tenir compte du centre d'amitié. Dans certaines villes, par exemple à Lynn Lake, au Manitoba, on ne trouve rien d'autre qu'un centre d'amitié; l'administration municipale entretient des liens étroits avec le centre d'amitié, qui constitue le plus important employeur de cette communauté éloignée.

Au fil des ans, les gouvernements provinciaux se sont manifestés à diverses occasions, une fois que l'on mettait de côté les questions de compétence, et nous prenons en charge sur le terrain les problèmes sociaux dans les centres urbains.

Le sénateur Campbell : Quelle relation entretenez-vous avec les cinq organisations auxquelles le gouvernement du Canada accorde un caractère national, à savoir l'Assemblée des Premières Nations, l'Inuit Tapiriit Kanatami, le Ralliement national des Métis, le Congrès des peuples Autochtones et l'Association des femmes autochtones du Canada? Quelle est votre relation avec ces organisations? Recevez-vous du financement de ces organisations qui représentent une partie des Premières nations, mais non pas, contrairement à vous, toutes ces Premières nations?

M. Cyr : Je vais vous fournir quelques éclaircissements. Les centres d'amitié ne représentent pas des particuliers sur un plan politique; ils représentent leurs membres, les centres en tant que tels et le mouvement dont ils font partie. Cela dit, nous entretenons une relation extrêmement bonne avec la majeure partie des organisations nationales. Nous avons conclu un protocole d'entente avec l'Assemblée des Premières Nations. Nous élaborons un protocole d'entente plus détaillé qui portera sur les modalités de notre collaboration. Nous entretenons une relation de travail très étroite avec le Ralliement national des Métis, surtout à l'échelon provincial, au Manitoba et en Alberta, où des accords ont été conclus.

Notre relation de travail avec l'Association des femmes autochtones du Canada est très bonne. Au besoin, nous nous fournissons réciproquement du soutien à certains égards. Nos relations avec l'Inuit Tapiriit Kanatami, l'ITK, sont plus limitées, car cette organisation représente une population plus restreinte, et elle n'a donc pas besoin de notre soutien. Toutefois, cela ne signifie pas que je ne connais pas cette organisation et que je n'ai pas de relations avec elle — si cela était nécessaire, nous collaborerions davantage avec elle. Enfin, à ce moment-ci, nous n'entretenons aucune relation avec le Congrès des Peuples Autochtones.

Le sénateur Campbell : Vous connaissez cette organisation?

M. Cyr : Oui, bien sûr.

Le sénateur Meredith : Selon votre exposé, vous avez mentionné les possibilités d'emploi créées grâce aux centres d'amitié, et le fait que 76 p. 100 des personnes employées par ces centres sont des femmes. Qu'en est-il des hommes? S'ils ne postulent pas d'emplois aux centres, est-ce parce que les emplois offerts par ces derniers sont axés davantage sur les femmes? Je crois comprendre que la mission des centres d'amitié consiste à établir le dialogue avec les jeunes hommes davantage enclins à recourir à la violence ou à adopter des comportements problématiques. Au cours des dix dernières années, j'ai travaillé auprès des jeunes dans le cadre de centres que nous commençons à mettre en place dans la région du Grand Toronto. L'objectif consiste à donner à ces jeunes hommes les moyens de trouver leur propre voie. Qu'est-ce que vous faites, à l'interne, pour créer de telles possibilités? En tant qu'homme d'affaires, je crois également qu'il faut transmettre à ces jeunes hommes remplis de talents des compétences en matière d'entrepreneuriat, des compétences en matière d'économie. Comme je le dis toujours, un emploi représente le meilleur programme social que l'on puisse offrir.

M. Cyr : Je suis d'accord avec vous. Votre question comporte deux volets. Tout d'abord, il faut tenter d'analyser pourquoi les centres d'amitié emploient plus de femmes que d'hommes. Je ne saurais répondre de but en blanc à cette question. Cela est probablement attribuable à l'évolution des événements au fil du temps. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas un nombre important d'hommes qui participent aux activités et aux programmes des centres d'amitié, car les hommes sont présents — j'ai fait partie du conseil d'administration et j'ai travaillé avec eux. J'ai deux fils et une fille, et ils fréquentent tous le centre d'amitié et participent à ses activités.

Les choses sont différentes d'une province à l'autre. Les centres créent des programmes pour les jeunes, pour les hommes et pour les femmes. Il arrive que certains programmes visent les jeunes hommes, et d'autres, les jeunes femmes. Tout dépend de la nature du programme. Si je ne m'abuse, quelque 1 700 programmes sont en cours. Il y a énormément de programmes dans toutes les régions du pays que je ne connais pas précisément, mais il existe des programmes en matière d'emploi et de développement des compétences. Il y a eu des programmes d'entrepreneuriat et de mentorat en affaires. M. Saulis peut peut-être fournir des exemples précis, mais je peux dire que des occasions sont offertes aux hommes, et que ceux-ci en profitent. Nous aimerions participer davantage à la Stratégie de formation pour les compétences et l'emploi destinée aux Autochtones, la SFCEA, le programme mis en place par RHDCC, qui s'appelait auparavant la SDRHA. Les centres d'amitié ont été en grande partie laissés de côté — sauf, plus récemment, en Ontario et dans le cadre d'un projet pilote en Colombie-Britannique et à Halifax —, mais, pour une raison ou une autre, nous semblons incapables de mettre fin à ce cycle et d'établir quel est l'objectif de la SFCEA.

Si vous vous rendez dans un centre d'amitié, comme vos collègues l'ont fait, et comme certains d'entre vous l'avez probablement fait dans votre propre région, vous constaterez qu'ils représentent ce que j'aime appeler l'élément moteur du changement social. Une foule de jeunes et de moins jeunes se réunissent dans ces centres. Ils lancent des idées et créent sans cesse des entreprises dérivées. Ils en ont créé au moins quatre ou cinq à Ottawa, dans le cadre du centre d'amitié Odawa. De nombreuses entreprises de ce genre ont été lancées par des Autochtones grâce aux centres d'amitié — bon nombre des chefs des Premières nations et des Métis sont issus de ces centres. C'est là qu'ils se sont fait les dents, en quelque sorte — ils ont acquis de l'expérience en entretenant des relations avec la communauté. Il existe une foule de programmes. Je suis désolé de ne pas pouvoir en nommer à brûle-pourpoint, mais je peux dire que la nature de ces programmes varie selon la capacité des gouvernements provinciaux de participer à ces programmes, car il s'agit de programmes provinciaux.

M. Saulis : En ce qui concerne la dynamique hommes-femmes, je mentionnerai que l'une des autres réalités que l'on a constatées est de nature démographique — dans les centres urbains, la population des femmes est supérieure à celle des hommes. Je n'irai pas jusqu'à soutenir qu'il s'agit là d'un facteur qui explique pourquoi 72 p. 100 des employés du mouvement des centres d'amitié sont des femmes; à mes yeux, les jeunes hommes autochtones sont en proie à un certain nombre d'autres facteurs — de nature familiale ou autre — qui expliquent qu'ils représentent probablement les jeunes les plus à risque au Canada.

J'estime que les efforts déployés par les centres d'amitié — par le truchement des écoles secondaires parallèles et des programmes d'alphabétisation que nous administrons — constituent des façons de tenter d'accroître les possibilités d'épanouissement des jeunes et de leur offrir des compétences de base. Bien entendu, une fois qu'une personne a appris à lire et à écrire, elle peut recevoir une formation. Nous devons fournir ces compétences aux jeunes. Nous devons être en mesure de faire en sorte que nos jeunes soient aptes à recevoir une formation, de manière à ce qu'ils comprennent les documents qui leur tombent sous la main, par exemple le manuel d'instructions d'un quelconque appareil, ou même d'un ordinateur. Il s'agit là de quelques-unes des réalités fondamentales de l'avis d'un bon nombre des jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Nous voulons assurément les rendre aptes à devenir de bons employés ou à envisager de créer eux-mêmes leurs propres possibilités sur le plan économique.

La pauvreté qui règne au sein de la population des Autochtones vivant en milieu urbain est une autre réalité, que M. Cyr et moi n'avons même pas encore évoquée. Bon nombre de nos familles sont des familles monoparentales; ces pères ou mères de familles monoparentales se débrouillent du mieux qu'ils le peuvent. Pour ma part, j'estime que les centres d'amitié fournissent probablement trois millions de services par année à une population qui compte, selon le recensement de 2006, environ 633 000 personnes. Tous ces services sont fournis par seulement 119 ou 117 centres d'amitié. Le fait de combler les besoins de la population urbaine représente une tâche monumentale.

Je crois que les jeunes figurent au premier rang des priorités de tous les centres d'amitié. Ces centres veulent créer un avenir positif pour les jeunes, et j'entends par là non seulement les adolescents, mais aussi les enfants. Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones et d'autres programmes de développement de la petite enfance plaisent énormément aux enfants, et accroissent leurs possibilités d'épanouissement. En grandissant, ils obtiennent de meilleurs résultats à l'école. Ils ne décrochent pas. Comme tout le monde le sait, le taux de décrochage des Autochtones est élevé — c'est pourquoi les écoles parallèles sont devenues si importantes et jouent un rôle indispensable. Je ne veux pas m'appesantir sur le sujet, mais il y a beaucoup de travail à faire.

M. Cyr : J'aimerais ajouter quelque chose à propos des jeunes : les centres d'amitié accordent un degré de priorité très élevé à la mobilisation des jeunes au sein de leur politique et de leur structure internes. Mon conseil d'administration compte, dans ses rangs, un jeune qui est membre exécutif du conseil. Nous avons aussi un conseil de jeunes; ceux-ci se réunissent et examinent les problèmes qui les concernent. Le centre leur prodigue des conseils et les amène à faire des nuances. La plupart, voire la totalité des conseils d'administration des centres d'amitié comptent en leurs rangs un représentant des jeunes. Je pense que c'est le cas dans les conseils d'administration. À titre de membres des conseils d'administration, ils ont voix au chapitre en ce qui concerne les droits et les privilèges. Leur participation est importante à tous les égards. Cela fait aussi partie de la formation de ces jeunes, car ils sont appelés à prendre notre place à la tête des centres lorsque nous quitterons nos postes. Ils auront reçu une formation. Nous demandons aux jeunes de nous accompagner lorsque nous devons rencontrer des sous-ministres ou des ministres. Nous avons récemment eu l'occasion d'envoyer un jeune au siège de l'ONU à l'occasion de la Journée internationale de la paix, et il a eu l'occasion de parler avec Michael Douglas, de poser des questions et de jouer un rôle actif. Nous tentons de faire participer les jeunes à nos activités de manière à les former. Ils pourront ensuite transmettre ce qu'ils ont reçu.

Les jeunes participent également au programme Connexions culturelles pour la jeunesse autochtone. En fait, ils sélectionnent les recommandations formulées dans le cadre de ce programme — ils prennent les décisions en ce qui concerne les sujets qui les touchent. Notre organisation accorde une grande importance à ce type de mobilisation.

Le sénateur Meredith : Je vous félicite de cela, car le mentorat des jeunes est une lacune au sein de bon nombre d'organisations. Quant à vous, vous axez vos services sur les jeunes, et vous les invitez à participer au processus décisionnel. Je vous félicite de cela, car selon les données démographiques, quelque 48 p. 100 de ces jeunes sont âgés de moins de 25 ans.

J'ai une brève question à vous poser concernant les partenariats. Les partenariats sont une chose en laquelle je crois. Dans le cadre du travail que nous faisons à Toronto auprès des gens de diverses confessions, nous croyons aux partenariats. Nous recevons des fonds limités, et nous tentons d'en tirer parti de façon optimale et d'exploiter le plus possible nos ressources. Je sais ce que cela signifie que de trouver des compromis. Avez-vous établi des partenariats en matière de prestation de services avec d'autres organisations afin qu'elles vous aident à atteindre efficacement les membres de la communauté, au moment où ces jeunes et leur famille s'assimilent à la population des centres urbains?

M. Cyr : En un mot, oui. Cela varie d'une province à l'autre, d'un centre d'amitié à l'autre. Dans certaines communautés, le nombre de partenariats est extrêmement élevé, qu'il s'agisse de partenariats avec des conseils scolaires ou des autorités sanitaires.

Le sénateur Meredith : Avez-vous conclu des partenariats avec l'Armée du Salut ou Centraide?

M. Cyr : Tout à fait. Des partenariats ont été conclus en cours de route, et leur nature varie. Même quelques banques nous tendent la main et nous soutiennent. La Banque royale a créé, par le truchement de nos centres d'amitié, un programme destiné aux enfants qui retournent à l'école. De tels partenariats voient le jour, et s'appuient sur notre capacité de mobiliser le secteur du bénévolat, le secteur public et le secteur privé. En ce qui concerne le nombre de partenariats qui voient le jour, le véritable problème tient à l'énergie et au temps que M. Saulis et moi sommes en mesure de consacrer à cela.

De nombreuses occasions s'offrent à nous. Bien souvent, nous devons aller à la rencontre de gens, par exemple les membres du comité, et leur expliquer ce que nous faisons, qui nous sommes — cela fait partie de notre travail. Les partenariats pourraient représenter la solution. Il est intéressant de constater que le gouvernement fédéral prend de plus en plus les devants à cet égard. À un moment où le gouvernement sabre le financement et effectue des coupures budgétaires, il prend contact avec nous et nous demande d'établir un partenariat avec lui en ce qui concerne la fourniture de divers services. Par exemple, le Service correctionnel du Canada veut que les Autochtones participent davantage aux services aux victimes. Il faut établir le contact avec eux pour les amener à s'engager. La relation entre les peuples autochtones et les services correctionnels canadiens a été houleuse dans le passé — il faudra du temps pour que les Autochtones se remettent de cela, bien que le Service correctionnel du Canada offre quelques services précieux.

En outre, nous constatons une mobilisation croissante à l'échelle du gouvernement, de même qu'un accroissement de l'ampleur des partenariats. De plus, des partenariats avec le secteur privé et le secteur sans but lucratif voient le jour. Parfois, ces partenariats sont établis sur le terrain, par tel ou tel centre d'amitié, à Edmonton ou dans toute autre collectivité.

Le sénateur Raine : Je connais le bon travail que font les centres d'amitié dans l'ensemble du pays. Est-ce qu'il y a des centres d'amitié dans chaque province du Canada?

M. Saulis : L'Île-du-Prince-Édouard est la seule province où l'on ne trouve aucun centre d'amitié; autrement, on trouve un centre d'amitié dans chaque province et chaque territoire, y compris le Nunavut.

Le sénateur Raine : Pour obtenir des services, est-ce qu'il faut devenir membre d'un centre d'amitié? Les personnes doivent-elles s'inscrire aux centres?

M. Cyr : Non.

Le sénateur Raine : Disposez-vous de leurs coordonnées? Disposez-vous d'un registre central qui vous permettrait, par exemple, de joindre toutes les personnes qui reçoivent des services des centres d'amitié, ou est-ce que chaque centre possède son propre registre?

M. Cyr : Non, les centres n'ont pas de registre. Il est possible de devenir membre d'un centre, moyennant des frais. Les organisations qui offrent des droits de vote, ce genre de choses, ont des membres. Il en coûte habituellement 10 $ pour devenir membre; un coût assez minime. Cela dit, de façon générale, il n'est pas nécessaire d'être membre d'un centre pour obtenir des services — il y a une distinction à faire entre clients et membres. En outre, nous ne tenons pas de statistiques concernant les clients. Dans le cadre d'un programme de justice réparatrice ou du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, aucune donnée n'est recueillie, par exemple en ce qui a trait à l'itinérance. Il serait possible de joindre une très bonne partie de la clientèle par le truchement de chaque centre d'amitié; cela ne signifie pas qu'il serait possible de joindre tous les clients, mais il est possible de communiquer avec bon nombre d'entre eux.

Le sénateur Raine : D'où proviennent les statistiques que vous fournissez?

M. Cyr : Les personnes qui travaillent en première ligne ou les personnes qui exécutent les programmes tiennent des statistiques. Aujourd'hui, les statistiques mènent le monde. Les centres conservent des statistiques à propos des personnes qu'ils servent, mais pas nécessairement leur nom, car il s'agit là d'un renseignement confidentiel.

Le sénateur Raine : Est-il juste de dire que bon nombre des clients des centres d'amitié ne s'intéressent pas à l'aspect politique de l'organisation?

M. Cyr : Oui, c'est exact.

M. Saulis : Ce qui intéresse ces gens, c'est d'avoir quelque chose à se mettre sous la dent, à offrir quelque chose à manger à leurs enfants ou ce qui les attend demain.

M. Cyr : Envoyer leurs enfants à l'école, ce genre de choses.

M. Saulis : Il s'agit de réalités très fondamentales de la vie quotidienne.

Le sénateur Raine : La valeur essentielle de l'organisation tient à ce qu'elle existe pour fournir des services.

Cela dit, je ne comprends pas quel rôle joue le Congrès des Peuples Autochtones, qui prétend représenter les Autochtones vivant en milieu urbain. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.

M. Cyr : Je ne pense pas que mon rôle consiste à formuler des observations quant au rôle du Congrès des Peuples Autochtones. Je représente une organisation professionnelle de prestation de services axés sur les besoins des Autochtones vivant en milieu urbain. Notre organisation n'est pas de nature politique; des organisations comme le Ralliement national des Métis, l'ITK, l'Assemblée des Premières Nations et, bien sûr, les filiales régionales de chacune de ces organisations, représentent les intérêts politiques des membres de notre organisation — c'est à chacune d'elles qu'il revient d'assumer cette tâche, et non pas à notre organisation.

Le sénateur Raine : Ma prochaine question porte sur un tout autre sujet. Nous sommes en train de mener une étude sur l'éducation de la maternelle à la douzième année dans les réserves. Nous savons que de nombreuses personnes vivant dans les réserves fréquentent les écoles secondaires des villes avoisinantes. Vous avez mentionné les services de soutien qu'offre votre organisation, notamment en matière de logement. En ce qui concerne le logement des jeunes qui vont dans les villes pour fréquenter l'école, quel serait votre scénario idéal?

M. Cyr : J'ai évoqué les lacunes sur le plan du soutien en matière de logement. J'essaie de trouver un exemple de situation où un centre d'amitié offre à des jeunes des possibilités en matière de logement, mais je n'en trouve pas.

M. Saulis : Le soutien en matière de logement, comme tout le reste, est adapté en fonction des priorités de la municipalité ou du gouvernement provincial. Dans de nombreux cas, le soutien en matière de logement est axé sur les situations liées à la violence familiale ou d'autres choses, et non pas nécessairement sur les élèves ou les jeunes. Cela met en évidence le fait que les jeunes ne semblent constituer la priorité d'aucun gouvernement. On met énormément l'accent sur la petite enfance. J'ai travaillé pendant dix ans pour le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones — un programme que j'adore — de Santé Canada, mais je dois souligner que, une fois qu'un jeune atteint un certain âge, tout le monde semble s'en désintéresser. Là où nous sommes en mesure d'agir, c'est en ce qui concerne les fonds qui sont disponibles et les fins auxquelles ils sont destinés. L'utilisation des fonds est toujours assujettie à des modalités, et nous ne pouvons pas les utiliser à des fins non prévues par ces modalités, car cela nous occasionnera des ennuis. Toutefois, la réalité, c'est que l'on utilise les fonds disponibles aux fins prévues. Il existe des lacunes en ce qui concerne la capacité d'offrir un logement aux élèves qui se rendent dans les milieux urbains. Je suis ravi que vous ayez soulevé cette question, car personne n'en parle, et personne ne mentionne cela à titre de problème. De surcroît, il s'agit d'une chose sur laquelle personne ne semble vouloir se pencher.

M. Cyr : Bien souvent, un centre d'amitié constitue un centre d'aiguillage. Même s'ils n'administrent pas le logement — pour autant que je sache, personne ne le fait —, les centres savent ce qui est disponible à ce chapitre dans la communauté. Il existe 119 centres d'amitié, et peut-être que quelques-uns d'entre eux sont responsables du logement, mais je pense que ce nombre n'est pas élevé. Cependant, les centres savent quels logements sont disponibles; ainsi, ils peuvent être en mesure d'aiguiller les gens. Le gouvernement fédéral s'est retiré du secteur du logement il y a bien longtemps.

Le sénateur Raine : La famille d'un jeune élève de 14 à 16 ans qui s'en va s'établir en ville pour fréquenter l'école secondaire voudra que le jeune vive au sein d'une famille et qu'un certain contrôle soit exercé à cet égard.

M. Saulis : Une telle famille voudra probablement que le jeune s'installe dans une famille s'il doit déménager dans une zone urbaine, mais je crois que cela concerne davantage les étudiants du niveau postsecondaire que les jeunes qui quittent les réserves ou une communauté métisse ou inuite pour fréquenter l'école secondaire. De fait, la plupart des jeunes des Premières nations fréquentent soit les écoles situées dans les réserves, soit les écoles situées dans une collectivité avoisinante, de sorte qu'ils sont en mesure de continuer à vivre à la maison.

Il est très inhabituel que des gens envoient leurs enfants poursuivre leurs études secondaires en milieu urbain.

Le sénateur Raine : Les écoles secondaires parallèles que vous avez mentionnées sont des écoles qui servent les jeunes Autochtones en milieu urbain?

M. Cyr : Ces écoles sont situées principalement en Ontario. Dans cette province, il existe un programme grâce auquel des écoles secondaires parallèles pour les Autochtones ont été mises en place. Ici, à Ottawa, Odawa administre l'une de ces écoles. Ces écoles offrent un environnement adapté à la réalité culturelle des Autochtones. Ce qui est bien, c'est que, au sein de l'environnement des centres d'amitié, les jeunes entrent en contact avec les programmes qui leur sont destinés, les programmes d'emploi, les programmes d'éducation et les collèges et les universités.

Le sénateur Raine : Les centres d'amitié créent une synergie considérable.

M. Cyr : Bien souvent, les centres d'amitié offrent des services du berceau au tombeau, si vous me permettez d'employer cette expression consacrée. Nous offrons des cours prénatals, des cours sur le rôle parental — lesquels ouvrent la voie à des bébés sains et une vie saine —, des programmes d'aide préscolaire et une gamme complète de services qui nous permettent de faire tout cela. Cependant, en toute franchise, les centres d'amitié possèdent très peu de financement en ce qui concerne les programmes pour les aînés. Nous avons constaté que nous devions accorder une plus grande attention à ces services, surtout si l'on tient compte du fait que notre population est vieillissante.

Le sénateur Demers : Bonjour, je vous remercie de nous sensibiliser davantage à l'égard du problème. Durant sa déclaration préliminaire, M. Cyr a mentionné l'alphabétisation. M. Saulis en a également parlé. Vous avez dit que 48 p. 100 de la population était âgée de 25 ans ou moins. Vous faites beaucoup de bonnes choses, mais l'éducation que reçoivent ces jeunes n'est pas appropriée. Nous savons tous que le problème découle principalement de la violence familiale, et de la séparation ou du divorce des parents. Quel degré de priorité est accordé à cette question? Durant chaque réunion du comité à laquelle je participe, on semble insister sur l'alphabétisation, car l'analphabétisme est un très grand problème. Est- ce que cela constitue une priorité pour vous? Lorsque l'on ne dispose pas du financement, il devient encore plus difficile d'aider ces jeunes enfants.

M. Cyr : Nous avons participé, en collaboration avec le gouvernement, à une initiative d'une durée de deux ans en matière d'alphabétisation. M. Saulis y a participé pour notre compte et, peut en parler en connaissance de cause. Il s'agit d'une initiative d'une portée limitée, eu égard à l'ampleur du problème. Nous sommes en train d'élaborer des manuels et des documents de formation des formateurs en matière d'alphabétisation afin de régler une partie de nos problèmes à ce chapitre. Cependant, cette initiative est d'une durée limitée. Nous avons reçu du gouvernement fédéral une contribution d'une durée de un an ou deux pour que nous nous penchions sur les problèmes d'alphabétisation. À ma connaissance, au sein du ministère — je pense qu'il s'agit de RHDCC — on n'accorde plus autant d'importance à l'alphabétisation qu'on le faisait auparavant.

M. Saulis : RHDCC finance notre projet d'alphabétisation. En Ontario et en Colombie-Britannique, les gouvernements provinciaux financent de solides programmes d'alphabétisation. Les centres d'amitié de ces provinces participent activement à ces initiatives, principalement par la prestation d'une gamme complète de programmes d'alphabétisation et de soutien aux jeunes.

Sénateur Demers, je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne la nécessité de mettre l'accent sur la question fondamentale de l'alphabétisation, comme je l'ai expliqué au sénateur Meredith. Nous devons offrir une aide et un soutien de base aux gens pour qu'ils améliorent leur capacité de lecture, de manière à ce qu'ils puissent comprendre les manuels d'instructions qu'ils auront à lire dans l'avenir. La pire chose que nous pourrions faire serait de ne pas aider les jeunes à accéder à ces compétences de base. Il faut que nous réussissions cela pour que ces jeunes puissent ensuite accéder aux études collégiales ou universitaires, ou aux programmes d'apprentissage.

L'alphabétisation constitue sans aucun doute une part importante de la solution. Bon nombre de centres d'amitié le savent, mais comme M. Cyr l'a mentionné, ceux-ci disposent malheureusement de ressources pour le moins modiques. Les centres d'amitié se réunissent pour discuter d'alphabétisation, et continuent de se pencher sur la question parce qu'il s'agit d'un élément clé qui permettra à ces jeunes de réussir dans l'avenir et de se sortir des situations problématiques où ils se trouvent. Nous savons qu'il s'agit là de la voie que nos jeunes souhaitent emprunter. Ils ne veulent pas vivre dans la rue, fréquenter des gangs ni tremper dans d'autres sphères abjectes de l'existence — ils souhaitent plutôt aller de l'avant et jeter les fondements d'un avenir positif. Comme M. Cyr l'a dit, ces jeunes sont notre avenir.

J'ai rencontré un certain nombre de personnes qui travaillent au centre d'amitié et qui ont bénéficié de ses services lorsqu'ils étaient enfants. Ils sont demeurés attachés au centre d'amitié, car il a joué un rôle important et significatif pour eux sur le plan éducatif, mais probablement davantage sur le plan culturel. Nous n'avons même pas commencé à parler du volet culturel des programmes au centre d'amitié, et de l'importance qu'il revêt pour les Premières nations et les Métis. Nous avons brièvement discuté de la fourniture de services aux Métis et aux Premières nations. Les centres d'amitié soutiennent le volet culturel de ces services, que ce soit au moyen d'un pow-wow, d'un rassemblement traditionnel métis ou d'autres événements. Les centres d'amitié offrent un très grand soutien en matière culturelle et linguistique, deux aspects très importants. Nos langues sont en train de mourir. Ma langue est le malécite. L'une de mes petites-cousines est sénatrice. Elle sait que la langue est en train de mourir. Il est terrible d'assister à une telle chose.

Le sénateur Patterson : Si je ne m'abuse, il n'y a qu'un seul centre d'amitié qui dessert les Inuits au Canada. Corrigez-moi si je me trompe. Ce centre est situé à Rankin Inlet, au Nunavut. J'ai posé une question à propos du gel du financement, car cela a eu de très graves répercussions sur ce centre, comme me l'ont dit ses représentants la dernière fois que je les ai rencontrés. Pouvez-vous m'indiquer comment se porte ce centre?

M. Cyr : De façon générale, les centres situés dans le Nord éprouvent des difficultés, car comme vous le savez, il en coûte beaucoup plus cher pour mener des activités dans le Nord. Je ne pense pas que le gouvernement territorial ait offert du soutien à ce jour. Le centre d'amitié est quelque chose de nouveau là-bas, et il a donc un peu de difficulté à mobiliser les gens. Cependant, les responsables du centre ont une vision extrêmement rafraîchissante des choses. Ils font partie de mon conseil d'administration à titre de représentants des régions, et ils apportent un point de vue nouveau sur les problèmes auxquels font face les gens du Nord.

Durant notre assemblée générale annuelle, qui s'est tenue cette année à Winnipeg, plusieurs personnes du Nord et une personne travaillant auprès de l'ITK se sont adressées à moi pour me dire qu'elles voulaient ouvrir d'autres centres d'amitié au Nunavut et me demander comment elles devaient s'y prendre. En matière de mobilisation communautaire, l'ANCA dispose d'une structure et d'une liste de critères qui doivent être respectés. Il revient à la collectivité de véritablement déterminer si elle souhaite avoir un centre d'amitié et le soutenir, car les centres sont exploités en grande partie par des bénévoles. Cependant, les gens du Nord et de la région centrale de Terre-Neuve-et-Labrador ont manifesté un vif intérêt quant à l'ouverture d'un troisième centre d'amitié dans la région intérieure éloignée. Ils veulent être partie prenante d'un mouvement qui rassemble les gens afin qu'ils examinent conjointement les problèmes, mettent en commun leurs pratiques exemplaires et puissent faire partie d'une communauté pan-nationale de personnes aux prises avec les mêmes problèmes qu'eux. Nous apprenons beaucoup les uns des autres. Des gens de l'Alberta peuvent faire quelque chose d'utile pour les gens du Québec, et cetera. Il existe un intérêt — il s'agit, pour nous et pour eux, de faire en sorte qu'il se concrétise.

Nous ne disposons pas de financement supplémentaire pour les nouveaux centres d'amitié — ceux qui ouvrent un nouveau centre d'amitié ne disposent d'aucun financement de base. Trois centres d'amitié créés récemment fonctionnent sans qu'ils puissent accéder au financement de base de 16 millions de dollars. Nous tentons sans cesse d'obtenir davantage de financement, mais cela ne fonctionne pas.

Le sénateur Meredith : Vous avez parlé de plusieurs organisations qui font affaire avec les Premières nations. Est-ce que les autorités des Premières nations, y compris les chefs de bande, soutiennent les centres d'amitié?

Vous avez parlé d'éducation, et, comme le sénateur Demers l'a souligné, nous menons une étude sur l'éducation des Premières nations et les problèmes qui existent à cet égard. Vous avez indiqué que vous ne suiviez pas l'évolution des personnes qui reçoivent des services des centres d'amitié; les centres auxquels je collabore le font, car nous voulons que les gens réussissent. Nous effectuons un suivi de manière à nous assurer qu'ils ne tombent pas entre les mailles du filet.

Je vous encouragerais à envisager cela dans le cadre d'une démarche holistique. Je sais que le problème tient aux ressources dont vous disposez, et que vous manquez terriblement de financement. Cependant, j'estime qu'une telle façon d'agir accroît grandement les chances de réussite, et permet d'éviter que les mêmes clients accèdent aux mêmes programmes. Je vous encourage à faire cela.

Est-ce que des dirigeants ont opposé une quelconque résistance au travail que vous faites pour alphabétiser et éduquer les gens, et pour faire progresser votre organisation de manière à ce qu'elle puisse avoir des répercussions positives sur la vie des gens?

M. Cyr : Nous n'avons pas rencontré la moindre résistance. J'ai rencontré le chef national et des grands chefs de toutes les régions du pays à de nombreuses occasions, comme l'a fait le président de notre organisation. Tout le monde poursuit un même objectif, à savoir que les Autochtones, qu'ils vivent en milieu urbain ou non, obtiennent de meilleurs résultats en matière d'éducation. Bien souvent, les problèmes sont extrêmement interreliés, en raison des mouvements de population des réserves vers les centres urbains et de ces derniers vers les réserves. Bien souvent, les gens ramènent dans les réserves ou les régions rurales les problèmes qui existent dans les villes, par exemple, les gangs. Nous comprenons que nous sommes aux prises avec le même ensemble de problèmes. Nous n'avons rencontré aucune résistance à ce chapitre. Les Métis n'ont eux non plus opposé aucune résistance. Nos relations de travail sont extrêmement bonnes.

Nous sommes une organisation de prestation de services, et, dans cette mesure, nous ne nous heurtons à aucune résistance de nature politique. Nous pouvons en faire davantage sur le plan de la collaboration, mais cela relève de notre capacité à tous d'en faire davantage. De toute façon, l'éducation est sous-financée, de sorte qu'il s'agit pour nous d'obtenir les ressources requises pour travailler ensemble et obtenir des résultats communs.

Le sénateur Dyck : Monsieur Cyr, vous avez recommandé au comité d'étudier l'environnement des Autochtones vivant en milieu urbain. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet, et nous donner quelques lignes directrices quant aux éléments sur lesquels nous pourrions nous concentrer? Vous pourriez envisager de nous transmettre un document écrit énonçant les éléments que vous estimez importants, mais vous pourriez dès maintenant mentionner quelques sujets généraux que nous pourrions placer au centre de nos préoccupations.

M. Cyr : Je serais extrêmement heureux de vous fournir un document écrit. Je crois qu'il s'agit de la meilleure façon de procéder.

Une série de problèmes complexes sont présents en milieu urbain. J'espère que le comité se penchera d'abord sur la situation des Autochtones vivant en milieu urbain. Durant la réunion, nous avons beaucoup parlé de statistiques et de données démographiques, et nous devons à présent examiner ce que signifient ces données et ce que nous faisons pour y donner suite.

On a soulevé des éléments intéressants en ce qui concerne les municipalités, les gouvernements provinciaux, les programmes fédéraux et la manière dont tout cela fonctionne. À mon avis, il faudrait peut-être envisager l'élaboration d'une stratégie globale visant les Autochtones. Le gouvernement fédéral a mis en œuvre un programme intitulé Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain; pour une raison ou une autre, la portée de ce programme est très étroite, sur le plan tant financier que stratégique. Le comité représente l'instance appropriée pour procéder à l'examen de cette initiative et mener une discussion en vue de l'élaboration d'une stratégie globale pour les Autochtones vivant en milieu urbain.

Si j'affirme cela, c'est parce qu'il y a encore de nombreuses personnes qui tombent entre les mailles du filet dans les centres urbains, où il n'y a pas suffisamment de services ou de programmes. Une kyrielle de services sont offerts dans les grands centres urbains — à Winnipeg, on en compte probablement 50 ou 60. Les centres d'amitié représentent en quelque sorte le cœur de la stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain, mais nous pourrions améliorer notre collaboration avec bon nombre de fournisseurs de services et de partenaires dans la collectivité. Il y a probablement quelques chevauchements; pas énormément, mais il y en a. Nous devons mettre le doigt sur les lacunes en matière de services.

L'une de ces lacunes concerne probablement le logement. Il arrive que des jeunes veuillent fréquenter l'université en milieu urbain, mais qu'ils n'aient nulle part où vivre là-bas, et que leur communauté ne dispose pas des ressources pour les aider. Nous devons examiner toute la gamme des problèmes existants dans un milieu urbain, et trouver l'endroit qu'il convient le mieux à ces jeunes.

En Colombie-Britannique, il existe à présent un comité du Cabinet sur les problèmes des Autochtones vivant en milieu urbain. Il s'agit d'une instance intéressante pour nous à l'échelle fédérale — elle prendra une forme différente dans chaque province et dans chaque région, de sorte que toute stratégie doit être suffisamment souple pour absorber les disparités entre les provinces.

Ce que je vous dis n'est probablement pas suffisamment précis, mais ce que je veux dire, c'est que nous avons besoin d'une stratégie globale touchant les jeunes Autochtones, car la population ne fera que croître dans les centres urbains. Nous savons que les municipalités sont déjà débordées avec leurs problèmes d'infrastructure — je suis certain que vous avez entendu des exposés à ce sujet. Il s'agit de mettre au point une stratégie qui fonctionne et que le gouvernement fédéral peut utiliser. Nous estimons représenter le partenaire clé d'une telle stratégie, peu importe la forme qu'elle prendra, car nous sommes déjà présents sur le terrain, et nous sommes une organisation autochtone travaillant pour les Autochtones. Il s'agit du meilleur des deux mondes, et, sur le plan technique, le gouvernement fédéral a déjà financé une telle stratégie et contribué à la créer. À présent, nous devons passer à l'étape suivante.

Le comité pourrait se pencher sur un ensemble de problèmes de nature démographique, et éventuellement sur des problèmes en matière de compétence, et examiner l'interdépendance des services destinés aux Autochtones, car vous constaterez qu'ils éprouvent des problèmes sociaux extrêmement graves dans les villes.

Le président : Monsieur Cyr, l'une des lacunes qui m'ont toujours préoccupé concerne le mentorat. Le sénateur Demers et d'autres membres du comité qui sont devenus des personnalités importantes au sein de la collectivité pourraient probablement en parler mieux que je ne saurais le faire. Cependant, je peux affirmer que, à titre de Métis du Manitoba, le mentorat a joué un rôle crucial au moment où je devais imprimer une orientation à ma vie. Est-ce que votre organisation met l'accent sur l'élaboration de programmes de mentorat afin d'inspirer les jeunes, que ce soit dans le domaine sportif, scolaire, militaire ou autre? Avez-vous fait quoi que ce soit de précis dans ce domaine?

M. Cyr : Nous faisons toujours du mentorat. En outre, les centres d'amitié possèdent leur propre sénat.

Le président : Faites-vous l'objet de critiques?

M. Cyr : Eh bien, je ne suis pas sénateur.

Le président : Les sénateurs sont-ils nommés?

M. Cyr : Les sénateurs sont nommés, et doivent avoir œuvré à chaque échelon des centres d'amitié — l'échelon local, provincial et national. C'est l'unique façon de devenir sénateur.

Le sénat fait sans cesse du mentorat auprès de jeunes. Si les programmes de mentorat ne parviennent pas à mobiliser les jeunes, c'est en raison d'un manque de ressources. Des programmes de mentorat sont continuellement mis en œuvre à l'échelle locale. À chaque réunion de mon centre d'amitié, de même qu'à chaque réunion du conseil d'administration, un sénateur et un jeune sont présents — il y a donc déjà des échanges entre les deux.

Au cours de la dernière année, nous avons formulé deux ou trois recommandations au gouvernement afin que nos aînés engagent un dialogue plus direct avec nos jeunes de manière à les faire profiter de la sagesse qu'ils ont acquise au fil des ans et à contribuer à faire avancer les choses.

Le financement dont nous disposons pour effectuer ce genre de travail et pour simplement réunir les gens est ridiculement insuffisant. Hormis un sénat et un conseil des jeunes, nous ne disposons d'aucun programme précis, mais nous faisons en sorte que les deux instances se rencontrent. Ce genre de choses se déroule depuis 30 ou 40 ans.

Bref, si je devais répondre à votre question en un mot, je dirai que nous ne disposons d'aucun programme de mentorat en tant que tel, mais je prends en note la recommandation.

Le président : Le sénateur Raine, le sénateur Demers et d'autres membres du comité ayant été des chefs d'entreprise et je ne sais quoi d'autre — l'ancien maire de Vancouver est assis à ma gauche — voulaient en parler. C'est la raison pour laquelle j'ai soulevé ce point.

Je vous remercie tous deux d'être venus ici ce matin, d'avoir présenté un exposé et d'avoir fourni d'excellentes réponses aux questions des sénateurs. Nous prendrons au sérieux les renseignements que vous nous avez fournis durant votre exposé et dans le cadre de vos réponses au moment d'établir notre programme d'activités pour l'avenir. Comme vous le savez, nous sommes en train de rédiger un rapport sur l'éducation de la maternelle à la douzième année dans les réserves.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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