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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 6 - Témoignages du 16 novembre 2011


OTTAWA, le mercredi 16 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 47, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Chers collègues, mesdames et messieurs, vous qui nous regardez sur CPAC ou sur le Web, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Je m'appelle Gerry St. Germain et je suis sénateur de la Colombie-Britannique. Je préside le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui a pour mandat d'examiner les projets de loi ainsi que toute autre affaire au sujet des peuples autochtones du Canada. Pour comprendre les préoccupations de nos électeurs, nous invitons régulièrement des représentants d'organisations autochtones à venir témoigner.

Ce soir, nous entendrons le Conseil consultatif des terres des Premières nations. En vertu de l'Accord-cadre de 1996 relatif à la gestion des terres des Premières nations, les Premières nations signataires ont créé un Conseil consultatif des terres afin de les aider à mettre en oeuvre leurs propres régimes de gestion foncière. Le Conseil se compose des chefs élus à l'échelle régionale parmi les Premières nations concernées. Il peut proposer au ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord des modifications à l'Accord-cadre et à la Loi sur la gestion des terres des premières nations. En consultation avec les Premières nations, le Conseil négocie avec le ministre des méthodes de financement et s'acquitte d'autres fonctions que lui ont confiées le Conseil et les Premières nations.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais vous présenter les membres du comité présents ici ce soir.

[Traduction]

À ma gauche se trouve le sénateur Larry Campbell de la grande province de Colombie-Britannique. À ma droite, le sénateur Ataullahjan de l'Ontario. À côté d'elle se trouve le sénateur Raine de la Colombie-Britannique. À côté d'elle, le sénateur Demers, du Québec. À côté de lui, le dernier, mais non le moindre, le sénateur Patterson, du Nunavut.

Chers collègues, je vous prie d'accueillir avec moi nos témoins du Conseil consultatif des terres des Premières nations. Ils sont Robert Louie, président, chef de la Première nation de Westbank, Steve Aronson, conseiller juridique. À côté de lui, le directeur Austin Bear, chef de la Première nation Muskoday de Saskatchewan, ainsi que William McCue, directeur. Monsieur, vous nous indiquerez d'où vous venez.

William McCue, directeur, Conseil consultatif des terres : De la Première nation de Georgina Island, en Ontario.

Le président : Merci. Accueillons aussi Jody Wilson-Raybould, directrice.

Bienvenue à tous, nous avons hâte d'entendre votre exposé. Je vous demanderais d'être brefs et concis pour que nous ayons assez de temps pour vous poser des questions afin de mieux comprendre les défis auxquels votre organisation et les parties intéressées font face.

Monsieur Louie, vous parlerez au nom du Conseil consultatif des terres. Vous avez la parole. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui, c'est un honneur de vous avoir parmi nous.

Robert Louie, président, Conseil consultatif des terres : Merci, monsieur le président. C'est pour moi un plaisir d'être ici. Je vous remercie de me permettre de prendre de nouveau la parole devant vous. Cela fait un certain temps que nous n'en avions pas eu l'occasion. C'est un grand honneur, et nous sommes heureux d'être ici.

Comme vous le savez, mon nom est Robert Louie. Mon nom traditionnel est Seemoo, qui signifie, dans notre langue okanagane, « en relation avec la terre ». Je suis le chef de la Première nation de Westbank de la Colombie-Britannique, et je suis aussi président du Conseil consultatif des terres.

Monsieur le président, vous avez nommé les personnes qui m'accompagnent, mais permettez-moi de vous les présenter davantage.

À mon extrême droite se trouve William McCue, conseiller, de la Première nation de Georgina Island. C'est aussi un ancien chef et un membre du Conseil consultatif des terres et du Comité exécutif du Centre de ressources du Conseil.

À ma droite, Jody Wilson-Raybould. Elle est chef régional de l'Assemblée des Premières Nations pour la Colombie- Britannique, membre du Conseil consultatif des terres et conseillère pour sa communauté, We Wai Kai, sur l'île de Vancouver, en Colombie-Britannique. Elle est aussi avocate.

À ma gauche, Austin Bear, chef de la Première nation Muskoday de Saskatchewan. Il est président du Comité des finances et du Comité exécutif du Centre de ressources du Conseil consultatif des terres des Premières nations.

À côté du chef Bear se trouve M. Steve Aronson, conseiller juridique depuis longtemps au service du Conseil consultatif des terres et du Centre de ressources.

Nous sommes ici pour vous présenter un exposé sur l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et pour répondre à vos questions sur la gestion des terres. Je tiens à préciser d'entrée de jeu que l'initiative de gestion des terres est une réussite extraordinaire pour les Premières nations du pays et pour le Canada.

Compte tenu du temps alloué pour notre présentation, je m'en tiendrai aux grandes lignes. Mes collègues et moi pourrons apporter des précisions lorsque nous répondrons à vos questions.

L'Accord-cadre représente l'aboutissement de longues années d'efforts déployés par un groupe national de chefs déterminés à créer, pour leurs Premières nations, la possibilité de régir elles-mêmes les terres et les ressources de leurs réserves en vertu de leurs propres codes fonciers, et de se soustraire ainsi aux contraintes imposées par la Loi sur les Indiens.

L'Accord-cadre est une entente de gouvernement à gouvernement signée en février 1996 par les chefs de 14 Premières nations et par le Canada. En juin 1999, le Canada a adopté la Loi sur la gestion des terres des premières nations dans le but de ratifier et de mettre en vigueur l'Accord-cadre. L'Accord-cadre est un pas indispensable, bien que modeste, vers l'autonomie gouvernementale.

À ce jour, 37 Premières nations ont ratifié un code foncier et sont pleinement opérationnelles. Deux d'entre elles sont passées à l'étape suivante en vue de l'autonomie gouvernementale. Ce sont les Premières nations de Westbank, ma communauté, et de Tsawwassen, en Colombie-Britannique, qui sont à l'étape de la version définitive de leur traité. À l'heure actuelle, sept Premières nations sont à l'étape de développement, et 80 autres souhaitent participer à l'Accord- cadre. Au total, cela représente 124 Premières nations, ou 20 p. 100 de l'ensemble des Premières nations du Canada.

Cette augmentation considérable de l'intérêt pour l'Accord-cadre est attribuable à la détermination des Premières nations d'exercer un contrôle direct sur leurs terres et leurs ressources. Nous croyons que ce succès est dû à deux raisons fondamentales. Premièrement, le processus a été conçu, élaboré et mis en oeuvre par les Premières nations pour leurs propres terres. C'est un processus dont nous sommes extrêmement fiers, qui a été accepté par les collectivités des Premières nations.

Deuxièmement, et c'est peut-être l'aspect le plus important, nos communautés se rendent compte des avantages que la gestion de nos terres a amenés, tant en ce qui concerne la croissance économique que la création d'emplois, la réduction de la dépendance à l'aide sociale ou le renforcement de la gouvernance que nous exerçons en vertu de l'Accord-cadre. Une étude récente de KPMG confirme le succès de l'Accord-cadre. D'après celle-ci, en conséquence de ces pratiques d'affaires plus efficaces, les Premières nations attirent de nouvelles entreprises, créent de l'emploi, réduisent leur dépendance envers les programmes sociaux et renforcent leur capacité de gouvernance.

Un des avantages considérables de l'Accord-cadre sur la gestion des terres est la responsabilité accrue à l'échelle des communautés. En adoptant cette forme d'autonomie gouvernementale, les élus de nos communautés peuvent maintenant intervenir directement dans leur communauté relativement à la gestion des terres, puisque le pouvoir de décision est maintenant local. Nous devons intervenir directement dans nos communautés, puisque ces questions ne relèvent plus du ministre ni de représentants ministériels. Non seulement nous améliorons la qualité de vie au sein de nos communautés, mais nous apportons aussi une contribution considérable à l'économie canadienne.

Bien que ce soit difficile à quantifier, on estime que le rendement financier réinvesti dans l'économie canadienne par les Premières nations opérationnelles correspondrait à environ 10 fois le montant investi en vertu de l'Accord-cadre.

En conclusion, j'aimerais soulever trois points supplémentaires. Premièrement, nous préparons, en collaboration avec le gouvernement du Canada, des modifications à l'Accord-cadre et, par conséquent, des modifications à la Loi sur les Terres des Premières nations. Ces modifications, fondées sur 11 ans d'expérience de gouvernance en vertu de l'Accord-cadre, s'imposent pour rendre le processus plus efficace. Nous espérons que vous les adopterez rapidement lorsqu'elles vous seront présentées par le gouvernement. Les Premières nations ont fait ce qu'elles pouvaient en approuvant la modification de l'Accord-cadre, la balle est maintenant dans le camp des instances législatives.

Deuxièmement, nous avons récemment signé avec le gouvernement du Canada un protocole d'entente relatif au financement de fonctionnement qui sera en vigueur pour quatre ans. Cette entente repose sur les engagements pris par le gouvernement dans le discours du Trône et dans le budget de 2011. Bien que l'entente procurera un financement stable aux communautés opérationnelles, seulement 13 des 80 Premières nations qui figurent sur la liste d'attente pourront en bénéficier.

Comme je viens de mentionner, on estime que le rendement financier réinvesti dans l'économie canadienne par les Premières nations opérationnelles au cours des 10 dernières années a été appréciable. Imaginez les retombées positives que pourrait avoir l'admission de 80 Premières nations supplémentaires. Mais pour admettre toutes ces communautés, des fonds supplémentaires sont nécessaires.

Enfin, nous avons beaucoup entendu parler ces derniers temps de la prétendue « modernisation » du processus de gestion des terres. À ce sujet, j'aimerais attirer votre attention sur les paroles du regretté Joe Mathias, ancien chef héréditaire de la Première nation Squamish, défenseur de longue date des droits des Autochtones et homme reconnu pour avoir consacré beaucoup de temps et d'efforts pour faire reconnaître ces droits. Au moment de l'adoption de la Loi sur la gestion des terres des premières nations, Joe Mathias a déclaré :

Cet accomplissement est peut-être le plus important du siècle pour les membres des Premières nations, qui sont maintenant reconnues en tant que gouvernements munis de leurs propres pouvoirs législatifs et assurant le contrôle de leurs propres terres.

Nous aimerions préciser, pour le compte rendu, que l'Accord-cadre est un exercice historique de modernisation. Il fonctionne bien, il a fait ses preuves, et il reçoit l'appui d'un grand nombre de Premières nations du pays.

Je vous remercie, monsieur le président. Mesdames et messieurs, nous répondrons à vos questions avec plaisir.

Le président : Merci. Je poserai la première question, si je peux me permettre. Vous avez soulevé trois points. Y a-t-il autre chose qui vous préoccupe, votre conseil consultatif et vous, à part ces trois points mentionnés à la fin de votre présentation?

M. Louie : Si vous permettez, le plus important est d'appuyer les Premières nations qui sont prêtes, qui ont la volonté et la capacité de participer. En effet, et je veux que ce soit bien clair, bien que nous disposions des fonds engagés pour les quatre prochaines années, nous n'en avons pas assez pour faire participer toutes ces Premières nations. C'est un problème. Nous sommes d'avis que si le Canada juge bon d'augmenter le montant consenti, nous pourrons obtenir un meilleur rendement pour le Canada et les Premières nations, et la situation sera bien meilleure. Je pense que c'est très important. Nous avons mené quelques recherches à l'interne à ce chapitre. Monsieur le président, je dois dire qu'à l'heure actuelle, 24,1 millions de dollars ont été engagés. Si le Canada acceptait d'ajouter 6 millions de dollars supplémentaires pour les 4e et 5e années à son appui pour cette initiative, selon nos résultats et nos estimations, 20 autres Premières nations pourront être ajoutées à la liste avec celles qui ont déjà été approuvées jusqu'à maintenant. Nous estimons que c'est très important, monsieur le président, et le rendement surpasserait grandement tout investissement consenti par le Canada.

Le président : J'aimerais qu'on se concentre sur l'investissement total dont nous parlons. Il y a 80 Premières nations sur la liste d'attente qui désirent participer.

M. Louie : C'est exact.

Le président : Le protocole d'entente relatif au financement de fonctionnement sur quatre ans que vous avez récemment signé permettra de faire participer 13 Premières nations. Vous disposez de 18,1 millions de dollars, et 6 millions supplémentaires en feraient participer 20 de plus?

M. Louie : Nous disposons de 24,1 millions, qui comprennent 20 millions engagés dans le discours du Trône plus tôt cette année. Les 13 Premières nations seraient comprises dans ce budget, plus les 7 qui sont à l'étape du développement. Donc, ces 13 nouvelles Premières nations, plus les 7 qui sont dans le processus, ça fait 20. Nous pouvons ajouter 20 autres Premières nations avec 6 millions supplémentaires. Si vous arrondissez à 30 millions, nous pourrions faire participer, au total, 40 Premières nations du Canada.

Le président : Ça en laisse 40 sur la liste d'attente?

M. Louie : C'est exact.

Le président : Comment choisir qui passe en premier? Selon le principe du « premier arrivé, premier servi »?

M. Louie : Nous avons étudié la question avec le Canada. Notre centre de ressources a participé activement à l'examen des nouvelles demandes. La question est à l'étude en ce moment. Personne, à cette heure, ne peut dire quelles Premières nations seront admises. Nous savons seulement qu'il y en a 80 sur la liste d'attente. Elles désirent toutes participer. Il s'agit maintenant de déterminer lesquelles peuvent passer en premier.

Le sénateur Patterson : C'est une belle histoire. Nous n'entendons pas toujours des histoires positives au comité, alors c'est encourageant. Je suis bien impressionné par l'ampleur de la possession et de la gestion des terres, au Nunavut. Je pense que les Inuits du Nunavut sont probablement les plus grands propriétaires fonciers de l'Amérique du Nord, et ils en tirent d'importants bénéfices.

Vous demandez notre soutien pour les modifications proposées d'après vos 11 ans d'expérience. Pouvez-vous nous donner une idée de la nature de ces modifications? Sont-elles bien techniques? Sont-elles bien importantes, ou bien s'agit-il de petites retouches?

M. Louie : Steve Aronson, notre conseiller juridique, a joué un rôle direct dans ces modifications. Peut-être pourrait- il répondre à la question.

Steve Aronson, conseiller juridique, Conseil consultatif des terres : Les modifications à l'Accord-cadre, qui sont le cinquième ensemble de modifications, visent grandement à accroître l'efficacité de la gestion des terres. Comme le chef Louie l'a mentionné, après 11 ans, vous remarquez quelques failles dans le système, et vous dites que le Canada et le Conseil consultatif des terres ont tous deux accepté de prendre les dispositions suivantes. Elles sont, jusqu'à une certaine mesure, techniques, comme l'a mentionné le sénateur Patterson, mais je peux vous les présenter brièvement.

La première est la clarification de la mesure dans laquelle les terres des réserves seront gérées et administrées par la Première nation visée par un code foncier, et pour ce faire, il faut exclure les terres dont les frontières sont incertaines à cause de questions de titre foncier ou de problèmes d'arpentage.

La deuxième consiste à s'assurer que lorsqu'un code foncier d'une Première nation est ratifié par la communauté, tant l'entente individuelle sur le financement que le plan des terres qui seront gérées par la communauté sont approuvés et signés. Les ententes individuelles doivent aussi être signées par le ministre et par la Première nation avant que la Première nation ne devienne opérationnelle.

La troisième consiste à permettre aux Premières nations opérationnelles de rédiger et de mettre en vigueur des lois sur la protection de l'environnement et des lois sur l'évaluation environnementale sans que l'entente sur la gestion de l'environnement précisée dans l'Accord-cadre soit nécessaire. Il s'agit d'une entente qui doit intervenir entre le Canada et la Première nation avant que la Première nation puisse créer ces lois sur la protection de l'environnement.

Pour terminer, cela garantit que si une Première nation crée des lois environnementales, elles contiennent des normes et des sanctions égales ou supérieures. Ces sanctions et ces normes devront avoir les mêmes effets que celles déjà créées pour la province dans laquelle la Première nation se trouve. C'est ce qui résume l'objet des six pages d'amendements.

Le sénateur Patterson : Espérons que ces amendements parviendront à notre comité, et que nous pourrons les traiter rapidement, si telle est leur nature.

J'aimerais poser une question au chef Louie, ou à qui que ce soit d'autre, en ce qui a trait au retour sur l'investissement du Canada. Vous estimez un rendement 10 fois supérieur, et je sais que c'est difficile à quantifier. Je suis en train de révéler ma propre ignorance. Les Premières nations peuvent être exemptées d'impôts conformément à des traités ou autres précédents, mais certains des revenus dont vous parlez, ou certains des retours, ne sont-ils pas en fait des recettes fiscales destinées au gouvernement? Quelle est la nature des recettes que vous décrivez?

M. Louie : Nous avons analysé le tout, avec l'aide de KPMG évidemment, et nous en avons tiré quelques chiffres qui, je crois, sont importants. Ils ne sont pas tous d'ordre financier, et je vous expliquerai les deux scénarios, soit celui concernant l'argent et celui relatif à l'emploi et à la formation, par exemple.

Les projections actuelles montrent que nous avons offert des occasions d'emploi à plus de 2 000 membres de bandes, jusqu'à présent, et à plus de 10 000 non-membres. C'est ce qu'on estime actuellement, et cela a permis d'investir des centaines de millions de dollars dans les économies locales.

Nous savons aussi que 53 millions de dollars ont été investis au niveau interne par des entreprises appartenant à des membres. Les investissements externes, faits dans le cadre de partenariats avec des tiers, sont évalués à près de 100 millions de dollars à ce jour.

La qualité des emplois maintenant offerts dans les réserves par les membres des Premières nations participantes requiert et permet de plus hauts niveaux d'éducation, ce qui fait que nous obtenons un rendement à cet égard également.

Nous avons trouvé ces chiffres avec l'aide de KPMG, qui les a vérifiés. Nous constatons une augmentation globale des transactions concernant des terres inscrites au registre de 9 p. 100 par année, alors que chez les Premières nations assujetties au régime prévu dans la Loi sur les Indiens, on remarque une baisse de 1 p. 100. On estime aussi qu'au cours des 10 prochaines années, le nombre global de transactions relatives à des terres inscrites au registre augmentera de 32 p.100, alors que chez les Premières nations qui utilisent le régime prévu dans la Loi sur les Indiens, il diminuera de 5 p. 100.

Les coûts de traitement et d'enregistrement des transactions pour les Premières nations varient de 370 à 1 500 dollars par transaction. Des prévisions montrent que le Canada paye plus de 2 400 dollars par transaction — ce qui représente un écart très important. Ces quelques exemples montrent que les communautés créent des systèmes de gestion des terres beaucoup plus efficaces, qui se traduiront par des millions de dollars.

Par exemple, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous croyons que le rendement d'un investissement de 30 millions de dollars serait d'au moins 300 millions pour le Canada. Cet argent sera injecté dans les économies locales d'un océan à l'autre. Nous croyons que le Canada doit faire cet investissement. Nous avons des chiffres pour appuyer ces prévisions.

Le sénateur Campbell : Merci beaucoup d'être venu ici ce soir.

Chef Bear, votre Première nation se classe parmi les Premières nations opérationnelles, n'est-ce pas?

Austin Bear, directeur, Conseil consultatif des terres : C'est exact.

Le sénateur Campbell : Quelle a été la différence pour votre Première nation?

M. Bear : J'en aurais pour des jours, mais je vais me retenir.

Je vais vous raconter une petite histoire pour illustrer la différence entre les Premières nations qui ont le contrôle de leurs ressources et de leurs terres, et celles qui ne l'ont pas. Vers 1993, avant qu'elle ne devienne opérationnelle, ma Première nation, Muskoday, a été approchée par une entreprise du Kansas qui souhaitait établir une usine de matériel agricole en Saskatchewan. Nous avons rencontré son conseil et son PDG à plusieurs reprises. Lorsque l'entreprise a appris que nous n'avions pas le contrôle de nos terres et que nous devions suivre les dispositions et les politiques du ministère des Affaires indiennes et de la Loi sur les Indiens, elle nous a fait savoir qu'elle n'attendrait ni 18 mois ni 2 ans, qu'une décision devait être prise immédiatement. Malheureusement, ma Première nation n'avait pas le pouvoir de décider. L'entreprise a retiré son offre et installé son usine dans une ville située près de North Battleford. C'était une occasion d'investissement ratée. On aurait pu créer des emplois pour 30 de nos membres, qui n'auraient plus eu besoin de l'aide sociale.

C'est la différence entre les années qui ont précédé le Code foncier et celles qui l'ont suivi. Si cette occasion se présentait demain, nous pourrions prendre une décision rapidement plutôt qu'attendre 18 mois ou 2 ans.

La différence entre la gestion foncière et les codes fonciers, comme le chef Louie l'a mentionné, est la possibilité de croissance. L'année dernière, notre communauté, grâce à son code foncier, et dans le cadre de l'exploitation de ses terres et de ses ressources, a établi un budget basé sur nos revenus autonomes, au profit de nos membres, de près 2 millions de dollars, une somme que nous n'avions pas avant 1999 ou 2000. Dans ce budget, nous avons prévu près de 1,3 million de dollars pour des programmes et des services qui, autrement, n'existeraient pas dans notre communauté. Ils soutiennent les aînés, l'éducation des adultes, la culture et la protection contre les incendies, entre autres. Ce sont, monsieur, les fruits que nous récoltons.

Le sénateur Campbell : Si je ne m'abuse, le vert sur ce tableau indique les Premières nations opérationnelles, celles qui participent. Est-ce exact?

M. Louie : C'est exact.

Le sénateur Campbell : Le rose indique celles qui veulent participer. Pourquoi la Colombie-Britannique compte-t-elle plus de Premières nations opérationnelles que le reste du Canada? La Saskatchewan en compte beaucoup aussi, mais le Manitoba moins. Pourquoi y en a-t-il autant en Colombie-Britannique? Comment expliquer ce phénomène?

M. Louie : Plusieurs raisons peuvent l'expliquer. Bon nombre de Premières nations de la Colombie-Britannique sont près des grands centres, et ont donc accès à des occasions de croissance économique et à plus de demandes. Elles peuvent aussi avoir un plus grand accès aux infrastructures. C'est une des raisons. Je crois qu'il y en aura de plus en plus. Nous recevons des demandes de partout au pays. C'est probablement une des principales raisons.

Bon nombre des Premières nations sont axées sur la croissance. Par exemple, la nation Stó:lo est une grande communauté composée de 20 bandes individuelles. Il y a de cela plusieurs années, nous avons reçu des résolutions du conseil de bande de chacune de ces 20 bandes.

Le sénateur Campbell : Le fait qu'il existe seulement deux traités en Colombie-Britannique pourrait-il y jouer un rôle? Selon moi, ceux qui souhaitent participer doivent d'abord réussir votre test. Croyez-vous que l'absence d'un traité peut faire une différence?

M. Louie : Je m'en remettrai à ma collègue, Mme Wilson-Raybould. Elle est chef régionale et traite les questions à l'échelle nationale.

Jody Wilson-Raybould, directrice, Conseil consultatif des terres : Merci pour cette question, sénateur Campbell, et merci d'avoir participé à la législature de la Première nation de Tsawwassen, une des deux Premières nations avec lesquelles vous affirmez avoir conclu une entente finale.

Le sénateur Campbell : J'ai été honoré de pouvoir le faire.

Mme Wilson-Raybould : Je peux parler au nom de ma communauté, où je siège à titre de membre du conseil, ainsi qu'au nom des 203 Premières nations de la Colombie-Britannique. Je ne cherche pas à exclure le reste du pays, mais la plupart des Premières nations de la Colombie-Britannique n'ont pas encore réglé la question des terres. Nous connaissons une incroyable période de transition, non seulement en Colombie-Britannique, mais partout au pays, en ce qui a trait à la décolonisation, à l'examen des répercussions fâcheuses de la Loi sur les Indiens, et au désir de s'éloigner de ces répercussions et de progresser vers l'autodétermination. La gestion des terres et la réforme sont des aspects très importants de l'autodétermination et de l'autonomie de gouvernance. Près de 70 p. 100 des Premières nations de la Colombie-Britannique visent une réforme de la gouvernance. Elles vont au-delà du statu quo, en reconnaissant que le fait de prendre contrôle des décisions qui ont des répercussions sur les communautés locales a été très avantageux.

Les exemples de leadership au cours des 20 dernières années, exprimés grâce à des initiatives comme la gestion foncière par les Premières nations, ont attiré d'autres Premières nations qui veulent tirer profit du succès des communautés en ce qui a trait à la libération du potentiel économique de nos réserves. Elles veulent surtout faire ce que les Premières nations de Tsawwassen et de Westbank ont fait, c'est-à-dire prendre leurs propres décisions pendant cette période, tout en progressant vers l'autodétermination axée sur la période de développement des Premières nations dans laquelle nous nous trouvons.

Je peux prendre l'exemple de ma propre communauté, comme l'a fait le chef Bear. Elle est aussi opérationnelle. Je suis de la Première nation We Wai Kai. Il y a deux ans, nous avons adopté notre propre code foncier. Personnellement, cela faisait en sorte que la maison dans laquelle j'habitais avait maintenant un intérêt légal, alors que ce n'était pas le cas avant. Elle appartenait au Canada; elle était administrée par mon chef et mon conseil, et régie par la Loi sur les Indiens — il s'agit d'un système de gouvernance inapproprié pour quiconque, y compris les Autochtones.

Pour répondre à votre question, les Premières nations de la Colombie-Britannique tout comme, dans une certaine mesure, les autres Premières nations du pays, participent à un processus visant à établir un cadre législatif et une structure institutionnelle, auxquelles tous les Canadiens ont déjà droit, sauf les Premières nations. Ce que nous faisons est très stimulant. C'est stimulant de voir que ma terre suscite un intérêt légal, mais c'est encore plus stimulant de voir que ma Première nation s'embarque et progresse dans un continuum de gouvernance dans le cadre duquel nous aurons un pouvoir de décision local axé sur nos priorités communautaires, notre culture et nos traditions. En effet, c'est basé sur ce que les membres de la communauté veulent. C'est basé sur ce que nous sommes en tant que Premières nations qui gèrent leurs terres et qui souhaitent contrôler les décisions qui auront des répercussions sur leurs communautés.

Le sénateur Campbell : Merci.

Le sénateur Meredith : J'ai une question supplémentaire en ce qui a trait aux traités. D'autres sont comparus devant nous, madame Wilson-Raybould, et ont affirmé qu'ils aimaient mieux adopter le processus des traités. Vous avez affirmé avoir emprunté une méthode plus proactive pour traiter des questions à l'échelle locale. Félicitations pour votre propriété et le contrôle que vous pouvez exercer sur elle.

En l'absence de traités négociés avec le gouvernement fédéral, certains ont affirmé qu'ils préféraient s'assurer qu'un traité était en cours de rédaction et que nous y adhérions. Vous dites que dans l'intérêt du développement économique — et en tant qu'homme d'affaires, j'y crois aussi —, les ressources et les partenariats doivent être axés sur la croissance. Je crois, tout comme vous, chef, que le meilleur programme social est l'emploi. Monsieur Bear, j'ai entendu votre commentaire lorsque je suis arrivé.

En ce qui a trait à l'offre des mêmes services aux Premières nations que ceux offerts aux Canadiens, que pensez-vous de la façon dont les négociations de traités se déroulent? Encore une fois, je comprends qu'un développement économique doit avoir lieu pour les peuples des Premières nations.

Mme Wilson-Raybould : Merci pour cette question supplémentaire. En tant qu'ancienne commissaire en chef intérimaire du processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique, j'ai une certaine connaissance en la matière. Je reconnais le travail de la commissaire en chef actuelle, Sophie Pierre, et de toutes les Premières nations qui participent toujours au processus et qui tentent de régler la question des terres en Colombie-Britannique. Je reconnais le travail des Premières nations qui y sont presque. Cependant, ce processus dure depuis bientôt 20 ans, et seulement deux ententes finales ont été conclues depuis ce temps.

La majorité des Premières nations sont confrontées à des défis de taille dans le cadre du mandat, imposés par les administrations fédérale et provinciales. S'il est impossible de conclure une entente dans le cadre du processus actuel, les Premières nations doivent trouver des solutions de rechange basées sur l'opinion des membres de la communauté, des solutions locales proposées par les communautés et mises en oeuvre par les Premières nations. Nous connaissons un important succès en Colombie-Britannique. Que ce soit au tribunal ou aux tables de négociation en dehors du processus de traités, le titre autochtone se cristallise dans la province. C'est sans surprise que des ententes sont conclues entre les Premières nations de notre province, où cette cristallisation a lieu, qui profitent des occasions offertes en dehors du processus de traités. Je crois qu'il est dans l'intérêt de tous de s'assurer que les Premières nations concluent des ententes, en dehors du processus de traités ou non.

Selon mon opinion des Premières nations et de la direction prise par la Colombie-Britannique, des occasions ont été saisies en dehors du processus, et ces occasions découlent de ce qui se passe dans nos communautés et de leurs besoins. Ces besoins touchent l'élaboration de nos institutions de gouvernance et la progression au sein du continuum de gouvernance. Cette initiative a eu d'importantes répercussions favorables sur les Premières nations qui se sont défaites de 25 p. 100 de l'emprise de la Loi sur les Indiens en ce qui a trait à la gestion des terres, et aux ressources de nos communautés.

M. Louie : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, environ les deux tiers des Premières nations du Canada ont signé des traités, alors que le tiers restant ne l'a pas fait.

Les Premières nations qui ont signé un traité sont autant intéressées par cette initiative que celles qui ne l'ont pas fait. En effet, un des principes fondamentaux de cette initiative était qu'elle n'aurait aucune répercussion négative sur les traités. Les Premières nations qui ont signé un traité ont clairement dit — et elles participent aujourd'hui — que cela n'a aucune répercussion sur leur traité. La situation a été clarifiée. Cet exercice de compétences par une Première nation qui souhaite prendre les décisions est aussi important pour une Première nation qui a signé un traité que pour une nation qui ne l'a pas fait.

Le sénateur Demers : Avant de commencer ce soir, mon chef m'a dit qu'on aurait droit à une belle histoire, et ce fut le cas. Nous siégeons ici depuis au moins deux ans. Certains soirs ont été plus difficiles que d'autres et pour cela, chef, vous méritez mon respect.

Un des merveilleux avantages de ce régime est la responsabilité accrue au niveau communautaire. Sans responsabilité, il ne se passe rien. Je vous félicite donc pour cela. Le mot « responsabilité » a beaucoup de signification dans la vie de tous les jours. Vous allez certainement dans la bonne direction. C'est plus facile pour les sénateurs de collaborer avec vous lorsque vous avez des responsabilités.

Peut-être ai-je mal compris, mais lorsque vous dites qu'au cours des années 4 et 5, nous aurons besoin de 6 millions de dollars afin d'aider la situation des Premières nations, voulez-vous dire 6 millions par année ou en tout? Est-ce que vous vous en souvenez?

M. Louie : Non, c'est 6 millions de dollars au total, et ça ne serait pas nécessaire avant la quatrième et la cinquième année. En ce moment, nous sommes à la fin de la première année. Il nous restera quatre ans à compter du 1er avril 2012. La quatrième et la cinquième année de cette entente de cinq ans, c'est le moment où nous avons calculé que les 6 millions entreraient en jeu. Ce n'est pas nécessaire immédiatement. Nous pouvons travailler très efficacement.

Le sénateur Demers : C'est trois par année, chef, c'est ça? Vous dites qu'il faudrait 3 millions par année pour la quatrième et la cinquième année? C'est cumulatif, n'est-ce pas?

M. Louie : Oui, c'est exact.

Le sénateur Demers : Je vous remercie infiniment. Je vous félicite pour cette initiative; ça se passe très bien. Vous pourriez encore l'améliorer, mais c'est un bon départ.

Le sénateur Ataullahjan : Parmi les Premières nations qui ont adopté des codes fonciers, combien se sont dotées de règles et de procédures régissant les biens matrimoniaux?

M. Bear : Je ne connais pas les chiffres exacts, mais je crois que M. Aronson les a. Je sais que la Première nation Muskoday est l'une des premières à avoir adopté les dispositions et satisfait aux exigences de l'Accord-cadre, et elle s'est dotée d'une loi sur les biens immobiliers matrimoniaux. Nous l'exerçons le cas échéant.

M. Louie : Si vous me permettez, monsieur le président, j'ai la liste devant moi. Au Canada, à ce jour, 17 Premières nations ont des lois en vigueur découlant de l'Accord-cadre avec les Premières nations. Plusieurs sur cette liste en sont à l'étape de l'élaboration de ces lois matrimoniales. Selon les exigences, chaque collectivité qui adopte un code foncier doit se doter de lois matrimoniales.

Le sénateur Campbell : Les histoires de réussite que vous nous avez racontées ici sont absolument extraordinaires. Je sais que dans notre cas — du moins dans le mien —, nous avons besoin d'entendre davantage de ces histoires. Quand on me pose des questions sur ce qu'on fait ici, qu'on me dit qu'on ne sait pas vraiment ce qui se passe, je peux leur dire que de grandes réussites ont été accomplies. C'est tout simplement fantastique.

Bien entendu, nous en parlerons, et je ne veux pas sembler trop désinvolte, mais trois millions de dollars, ça me semble bien peu pour ce que je considère être des avantages extraordinaires. Si vous pouviez atteindre 8 p. 100 de rendement, nous serions très satisfaits. Dans le contexte actuel, j'hypothéquerais tout, j'achèterais tout. Quand vous dites 10 fois le rendement, même si ce n'est pas 10 fois pour tout le monde, même si c'était seulement deux fois plus d'argent. Imaginez ça!

Je pense que c'est important, quand on constate que des gens ont réussi, de les aider et de les encourager à continuer. Je tiens à vous remercier. Je suis prêt à parier qu'il y a des réussites pareilles dans chacune des 37 nations. Tout le monde doit être comme le chef Bear. Ils savent comment les choses étaient avant, et ce qu'elles peuvent devenir. Je vous remercie infiniment.

Le sénateur Raine : Je vous remercie de nous avoir présenté cette information. Nous étudions à l'heure actuelle l'éducation dans les réserves, de la maternelle à la 12e année, afin de trouver le cadre approprié pour la prestation des services éducatifs aux enfants des collectivités, par les collectivités. Je me demandais, par l'expérience acquise dans l'élaboration de ce cadre, si vous auriez quelques conseils à nous donner.

Je pense que nous sommes très conscients du fait que le cadre doit venir des gens. Au Canada, les situations varient énormément, et pourtant vous avez réussi à mettre en place un cadre qui fonctionne pour tout le monde. J'aimerais connaître vos impressions là-dessus.

M. McCue : C'est une question intéressante. L'éducation est très importante pour notre Première nation. Nous sommes la première collectivité à avoir adopté un code foncier au Canada. Le principe moteur était que sa gestion était faite par la collectivité. Quand on parle de croissance, c'est essentiel que la collectivité soit d'accord avec ce que vous développez.

Je pense que c'est sur ce point qu'on constate des ressemblances partout au Canada. L'appui de la collectivité, même si les codes diffèrent quelque peu, fait ressortir nos ressemblances à nos amis de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan. Après avoir trouvé un modèle pour nos codes fonciers, d'autres collectivités se sont concentrées sur les principaux aspects, comme la croissance économique et les biens matrimoniaux.

Notre comité se compose d'aînés et de jeunes. Comme nous sommes une collectivité insulaire, la majorité de nos membres ne réside pas dans la réserve, mais hors de la réserve. Notre comité représente fidèlement tous ses membres.

Cela dit, je crois que c'est important de connaître l'opinion de tous les membres de la collectivité, qu'ils soient d'accord ou non. Sinon, il faut trouver un moyen de recueillir leurs impressions et en tenir compte. Le principe moteur, c'est l'imputabilité. C'est comme ça qu'on définit un cadre.

Le sénateur Raine : Dans votre collectivité, avez-vous conçu votre cadre à partir de zéro ou vous êtes-vous inspiré d'un modèle? Avez-vous suivi les conseils d'autres personnes? Combien de temps est-ce que ça vous a pris?

M. McCue : Nous étions la première collectivité au Canada à adopter un code foncier, et nous sommes partis de zéro. Nous avions des conseillers de notre centre des ressources, mais, en gros, nous étions les premiers à définir notre propre code foncier, ainsi que les mesures législatives entourant le cadre. Notre code foncier a été créé à partir de rien. On savait qu'on ne voulait plus vivre selon la Loi sur les Indiens. Ça ne pouvait plus durer. On n'avait aucun contrôle sur nos terres ni sur notre avenir.

Ce que nous avons fait durant nos réunions, c'est de nous demander s'il existait un meilleur moyen de gérer nos terres et nos vies. Ce que nous avons créé, avec l'aide de la collectivité et de ses membres, c'est le premier code foncier.

Le sénateur Raine : Il existait déjà un cadre, mais le code c'est votre idée?

M. McCue : En fait, il fallait créer un code foncier et le faire adopter avant de pouvoir définir les mesures législatives qui régiraient le cadre. Pour que le gouvernement au pouvoir puisse adopter les mesures législatives, il fallait que deux collectivités se dotent d'un code foncier avant même de pouvoir adopter les mesures. Notre code a été instauré et mis aux voix avant même que les mesures du cadre ne soient adoptées.

Le sénateur Raine : C'est fantastique.

M. McCue : En passant, plus de 96 p. 100 des membres de notre collectivité a voté en faveur de notre code foncier. C'est parce qu'ils ont pris part au processus.

Le sénateur Raine : Félicitations. Vous devez êtes un conseiller très demandé.

Le sénateur Demers : Je vais déménager chez vous. Tout le monde semble si bien organisé.

Le président : Vous êtes devenu très populaire, monsieur McCue.

Le sénateur Sibbeston : Il existe quelque 600 bandes dans notre pays. Je pense, sur une note un peu philosophique, que chaque bande dans notre pays, j'en suis certain, souhaite avoir plus de contrôle sur ses terres.

Selon vous, si on prend le nombre de bandes qui ont signé l'Accord-cadre, et qui ont adopté leurs propres codes fonciers, quels sont les éléments, les facteurs et les qualités qui font que ces gens adhèrent à ce régime? Quelle est la différence entre vous et ceux qui n'adhèrent pas à ce cadre, qui ont leur propre code foncier?

En général, tout le monde aimerait avoir le contrôle, et il y a maintenant un processus en place qui le permet, mais la plupart des bandes n'ont pas le contrôle. Quels éléments, quelles qualités permettent à certaines bandes d'intégrer ce système, de s'organiser et de croître? Vous êtes-vous posé la question?

M. Louie : Oui, sénateur Sibbeston. Je vous remercie beaucoup de votre question. Nous l'avons fait, bien évidemment. Nous avons regardé partout au pays, et nous avons entendu les chefs, les conseils et les gestionnaires de terres. Nous savons que quand ils nous disent qu'ils veulent devenir les décideurs à part entière, qu'ils veulent des pouvoirs, c'est qu'ils savent que grâce à ces pouvoirs, ils peuvent accroître les occasions de croissance économique et améliorer la gouvernance de leurs terres et de leurs ressources. C'est cette volonté d'avancer et d'être reconnu comme gouvernement qui constitue un élément ou un facteur très important.

Nous sommes conscients que ce ne sont pas toutes les Premières nations du Canada qui sont prêtes, qui ont envie ou qui sont en mesure de s'attaquer à la gestion des terres, mais plusieurs le sont. Ce sont celles qui veulent un pouvoir décisionnel, celles qui peuvent profiter des ouvertures et qui ont la maturité économique nécessaire, qui savent qu'en prenant leurs propres décisions, elles pourront surmonter toutes les formalités qui ont freiné leur croissance — et nous savons que la Loi sur les Indiens comporte toutes sortes de contraintes touchant la croissance. Nous savons qu'à cause du rôle que jouent les ministères au régional ou à Ottawa, ils n'ont pas les ressources pour régler les problèmes de façon efficace, c'est pourquoi il faut simplifier les formalités.

Par expérience, nous savons que si les Premières nations obtiennent le pouvoir décisionnel, les décisions seront prises beaucoup plus rapidement et plus efficacement pour rattraper le rythme des affaires. Je crois que cet élément et cette demande sont bien réels et font partie des facteurs précités.

D'autres reconnaissent pleinement le fait qu'ils sont responsables envers les citoyens, et ils veulent s'assurer de faire preuve de bonne gouvernance. Cette obligation de rendre des comptes est très importante. Le fait de relever directement de leurs citoyens et d'avoir des lois qui évitent tout conflit d'intérêts avec les dirigeants élus, ce sont des choses que les collectivités, que les membres eux-mêmes revendiquent. C'est un autre élément, je crois, qui renforce ce point. C'est une revendication qui est exprimée partout au pays.

Le fait que les investisseurs et l'industrie bancaire appuient tous cette initiative vient souligner son importance. Et ce ne sont que quelques exemples. Je crois que ma collègue, Mme Wilson-Raybould, aimerait commenter là-dessus.

Mme Wilson-Raybould : J'aimerais ajouter quelque chose aux commentaires du chef Louie. Je vous remercie pour votre question. Pour être franche, il y a encore de nombreuses Premières nations au pays qui ont peur du changement, de se défaire du statu quo.

Cela dit, je crois qu'avec la situation actuelle, maintenant, le moment est opportun. Le chef national et les autres dirigeants ont revendiqué un changement allant au-delà de la Loi sur les Indiens, mais ce n'était pas nécessairement le cas il y a 20 ans. En fait, la majorité des Premières nations de la Colombie-Britannique et au moins le tiers des Premières nations du Canada sont engagés dans une sorte de réforme en matière de gouvernance.

À quoi ressemble ce cadre? Selon moi, il ressemble à un cadre d'édification de la nation dans lequel nous aidons les Premières nations, celles qui sont prêtes, qui le veulent et qui en sont capables, à se soustraire à la Loi sur les Indiens, et à le faire sans que le gouvernement canadien ait un rôle de contrôleur.

Je sais que certains sénateurs examinent la question de la gouvernance, de la réforme de la gouvernance et de la reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des Premières nations depuis beaucoup plus longtemps que moi, mais je crois sincèrement que nous sommes dans une période qui nous permettrait d'appuyer les Premières nations, en nous assurant qu'aucune collectivité ne soit mise de côté ni oubliée, mais en continuant d'aller de l'avant, et d'aider les Premières nations, quand elles seront prêtes, à mettre en place leurs propres institutions gouvernementales sans que le gouvernement du Canada leur mette de bâtons dans les roues.

Le sénateur Sibbeston : De ce que je connais, et par expérience, je peux vous dire qu'il y a beaucoup de crainte. Dans les Territoires du Nord-Ouest, territoires et modes de vie que nous avons quittés beaucoup plus récemment que d'autres Premières nation au Canada, les gens sont à l'aise avec le mode de vie traditionnel. C'est presque comme s'ils ne voulaient pas devenir des Blancs, comme s'ils ne voulaient pas se renouveler. Ils préfèrent que les choses restent comme elles sont. Être riche ou être en affaires, ce n'est pas considéré comme quelque chose de bien, de positif. C'est comme être coopté dans le système. C'est une question d'idéologie, comme une résistance au risque, à l'idée de vouloir intégrer la société canadienne.

Il y a certains groupes du Nord, comme les Inuvialuit de la région du delta, qui ont réussi. Ils ont accueilli et embrassé la croissance économique. Ils ont très bien réussi. Par contre, il y a d'autres groupes qui sont restés sur la réserve, qui n'étaient pas certains. Ils n'ont pas la confiance ni l'assurance pour prendre des initiatives audacieuses.

Je pense que c'est à cause de cette idéologie. Évidemment, ceux qui ont réussi sont ceux qui se sont renouvelés et qui avaient l'expérience et l'assurance nécessaires pour foncer et faire toutes ces choses que les autres Canadiens font pour réussir en affaires, pour devenir riches, pour pouvoir porter un veston et une cravate et se promener fièrement avec une mallette, pour atteindre cet autre monde. C'est le monde des affaires dont on parle, le monde que les Autochtones commencent à intégrer. Est-ce que j'ai raison?

M. Louie : Oui, sénateur, je crois que vous avez raison. J'aimerais clarifier quelque chose, si vous me permettez, sur ce qui vient d'être dit. En fait, les Premières nations n'ont pas nécessairement besoin d'être près d'une municipalité pour tirer avantage de ce qui est proposé ici, concernant la gestion des terres.

Par exemple, l'une de nos collectivités, deux heures au nord de Prince George, la Première nation de McLeod Lake, est assez isolée, mais c'est une Première nation opérationnelle. Pourquoi? Parce qu'elle a répondu à une nécessité, et elle voulait avoir le contrôle de ses terres forestières. Ses terres forestières sont de grande valeur, c'est pourquoi la gestion des ressources était un élément important.

Les Pas représentent une collectivité dans le Nord du Manitoba qui est plus isolée que de nombreuses autres, mais ils ont des ressources. Ils font face à des problèmes touchant l'eau et l'environnement, et pour préserver ces ressources fragiles, ils ont décidé qu'il était tout à leur avantage de prendre eux-mêmes les décisions et d'avoir le contrôle. C'est très important.

Je sais que, partout au Canada — je l'entends chaque jour, et j'y suis exposé chaque jour dans ma collectivité —, les attitudes entrepreneuriales ont certainement évolué. Les besoins en investissements commerciaux et les connaissances que les affaires permettent d'acquérir sont certainement une motivation.

L'éducation est essentielle. Nous constatons qu'à mesure que les Premières nations renforcent leurs capacités en gestion des terres et en gestion, qu'elles acquièrent de l'expérience et que des emplois sont créés, la demande en éducation augmente de façon extrême, une demande qui n'existait pas avant; les gens veulent poursuivre leurs études et veulent maintenant atteindre un niveau de scolarité plus élevé. Je sais que nous l'avons constaté dans ma collectivité, et que les niveaux de scolarité ont augmenté de façon radicale.

Nous avons calculé que la prochaine génération pourrait plus que dépasser les niveaux habituels de scolarité de la population non autochtone. C'est ce que nous cherchons à atteindre. Nous allons réussir. J'ai constaté que le besoin et la demande étaient réels. C'est ce qui crée des occasions d'atteindre les niveaux de scolarité plus élevés et qui crée le besoin d'entrer dans le milieu des affaires. On peut en voir les signes partout au Canada. Je pense que c'est extrêmement important.

Sénateur Raine, pour répondre à votre question sur l'éducation, je dirai que l'Accord-cadre fait partie de ce que vous avez mentionné. L'Accord-cadre prévoit les mêmes exigences en matière d'éducation. La réforme de la gouvernance est une tâche contraignante, et nous nous sommes associés à des experts des domaines de la recherche et du développement des programmes éducatifs, de qui nous obtenons du soutien. Nous avons dressé la liste de certains besoins éducatifs pour y arriver. Nous savons que ça doit être fait. Nous savons que l'éducation est absolument nécessaire si nous voulons nous doter de gestionnaire des terres, d'administrateurs et d'agents de développement économique expérimentés et qualifiés. Le besoin existe, et la demande est très grande d'un bout à l'autre du pays.

Si vous le permettez, il y a un point que j'aimerais clarifier pour le compte rendu. Il est possible que je vous aie induit en erreur en ce qui concerne les 6 millions de dollars supplémentaires, et je m'en excuse. Mes collègues ici présents m'ont informé de l'erreur. Il s'agit de 6 millions de dollars par année. J'ai confondu les besoins en matière de développement avec les besoins opérationnels. Le gouvernement fédéral a approuvé un montant de 24,1 millions de dollars par année pour les Premières nations. Là où je veux en venir, c'est qu'avec 6 millions supplémentaires, donc avec un total d'environ 30 millions par année, on pourrait subvenir aussi bien aux besoins en développement qu'aux besoins opérationnels. C'est ce que je voulais préciser pour le compte rendu. Je suis désolé d'avoir induit le comité en erreur sur ce point. J'étais dans l'erreur.

M. Bear : Mme le sénateur Raine a posé une question concernant l'éducation et l'étude menée par le comité sur l'éducation des Premières nations en général. Je ne crois pas que votre question ait obtenu réponse. Vous avez suggéré le recours à un cadre, similaire à ce nous avons réalisé avec l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations. Je sais que l'Assemblée des Premières Nations et les divers OPT du pays travaillent très fort sur le dossier de l'éducation des Premières nations et sur certaines des exigences.

Si je peux faire une suggestion, pendant que vous menez votre étude et que vous en apprenez plus sur — je pèse mes mots — l'état critique de l'éducation des Premières nations, je crois que vous devriez considérer les disparités entre l'éducation des Premières nations et celle offerte dans le reste du Canada, et vous pencher sur la situation d'injustice dont elles témoignent. Je crois, comme la plupart des Canadiens, que chaque enfant a droit à une éducation de qualité dans notre pays. Les Premières nations ont, plus particulièrement, d'autres droits, qui sont énoncés dans les traités; je pense plus spécifiquement aux traités numérotés. C'est clair. Concernant l'injustice en éducation, je pourrais parler d'une école communautaire de la Première nation Muskoday, et aussi des montants destinés à l'éducation par les gouvernements. Selon nous, aux termes des traités, ces montants diffèrent radicalement de ceux versés aux écoles publiques par les gouvernements et d'autres sources. Par exemple, les droits de scolarité de notre école communautaire, où on enseigne de la maternelle à la neuvième année, sont d'un peu plus de 2 000 $ annuellement par élève. Certains enfants vont à l'école dans des villes voisines, et les droits de scolarité des écoles publiques et des écoles séparées y sont de plus de 6 000 $ par année. Si on pense au soutien à l'éducation, quel système scolaire a, selon vous, les ressources qui permettent d'offrir la meilleure éducation? C'est un sujet sur lequel votre étude devrait se pencher.

Le sénateur Meredith : Merci beaucoup d'être venu témoigner devant nous ce soir. Je ne vous ai pas entendu le présenter, mais j'ai parcouru rapidement votre exposé. Ce que j'entends m'encourage. Monsieur Bear, vous avez mentionné que le moment est venu. Je suis de votre avis pour dire qu'il est temps de voir au développement de l'éducation et de l'économie, au logement et à la santé des Premières nations du pays. C'est le moment. Vous avez mon soutien pour ce qui est de notre ressort, et surtout en ce qui a trait aux jeunes, qui me tiennent particulièrement à coeur. J'ai été dans les affaires pendant plus de 20 ans, je sais donc ce que c'est que de diriger une entreprise et de donner le goût et les moyens aux gens de démarrer leur propre entreprise et de saisir les rênes de leur destinée.

Cela dit, chef, l'éducation fait partie de la solution. C'est le sujet de notre étude. Ce que vous dites à propos de la qualité de l'éducation est tout à fait exact. Chaque enfant et chaque jeune, au Canada, a droit à une bonne éducation. Il faut tenir compte, comme vous disiez, chef, de la nécessité de former la prochaine génération et de lui donner les moyens de reprendre le flambeau. Il faut des mentors pour ça, c'est bien ce que je crois.

Concernant tous les projets actuels d'aménagement du territoire, que faites-vous pour assurer la préservation de votre patrimoine linguistique et culturel et sa transmission à la prochaine génération?

Ma deuxième question concerne votre exploitation des énergies éolienne et solaire dans le Nord de l'Ontario. Est-ce rentable, et croyez-vous que d'autres bandes suivront votre exemple?

Troisièmement, j'ai une question concernant les six ou sept communautés qu'il reste à inclure. À quelle vitesse croyez-vous que ça pourra être fait? Est-ce que tout ça dépend des 30 millions de dollars dont vous avez dit avoir besoin pour poursuivre le programme?

M. Louie : Je vais tenter de répondre à deux des questions et laisser mon collègue, M. McCue, répondre à celle sur les énergies éolienne et solaire, puisque sa Première nation oeuvre à des projets connexes.

En ce qui a trait à la culture et au patrimoine, je parlerai du point de vue de ma propre communauté de Westbank. On constate aujourd'hui, en poursuivant notre route dans le monde moderne et, si je peux m'exprimer ainsi, en nous urbanisant toujours davantage, que nous retournons également de plus en plus à nos racines culturelles. On remarque une fierté croissante chez nos enfants et dans notre communauté tout entière. La persistance de la langue est une de nos priorités. L'importance de la préservation de notre culture, de ce que nous sommes, est de plus en plus reconnue. C'est ce que nous constatons. Ça peut paraître étrange pour une Première nation en développement dans le monde moderne, mais on remarque que lorsque nous consacrons l'argent généré par les activités de développement économique à l'embauche d'enseignants et de linguistes qualifiés, et que nous réservons des sommes pour tenir certains pow-wow et d'autres évènements, notre communauté se régénère, et sa croissance en est renouvelée. Je suis très content de vous entendre poser cette question, parce que c'est exactement ce qui se passe dans ma communauté et, je crois, ailleurs au pays. Je trouve que la fierté de notre peuple est aujourd'hui plus grande. Le besoin est urgent d'accroître le niveau d'instruction, le développement et le financement qui permettrait de faire avancer ces programmes et certaines autres questions. C'est ce que je constate dans ces domaines, en fait.

Sept ou huit Premières nations en développement ont entamé le processus. Certaines de ces communautés doivent se prononcer bientôt sur les codes fonciers. J'ai espoir qu'un vote ait lieu dès le mois prochain, c'est-à-dire en décembre, en Colombie-Britannique. Il y a les Premières nations qui font maintenant partie des sept. Elles sont déjà bien engagées dans la phase de développement. Nous espérons que les sept nations se seront prononcées sur la question d'ici la fin de l'année, ou du moins quelque part en 2012. On espère vivement que tous voteront en faveur. Le processus est en cours.

En ce qui concerne les énergies éolienne et solaire, j'ai eu l'occasion le mois dernier à New York de participer au World Indigenous Business Forum. Pendant le forum, j'ai parlé des questions d'actualité pour les Premières nations du Canada, dont plusieurs participent à des projets éoliens et solaires. Peut-être mon collègue M. McCue pourra-t-il répondre à la question, puisque sa communauté est directement liée à ces efforts.

M. McCue : Merci de votre question et de vos commentaires sur l'énergie éolienne. Notre communauté a vu dans cette énergie une occasion de croissance économique. Grâce aux études que nous avons réalisées, nous avons constaté que le projet était tout à fait viable et économique. Il s'inscrit aussi dans notre relation avec la terre et le territoire, et notre communauté l'a appuyé sans réserve. Nous avons tenu un référendum et récolté plus de deux votes en faveur de l'initiative pour chaque vote contre.

Le sénateur Meredith : Existe-t-il des données préliminaires sur les montants générés? Je sais que ça a été signé l'an passé, en 2010. Est-ce que le projet a été mis en oeuvre, ou en est-il toujours à ses débuts?

M. McCue : Il en est toujours à ses débuts. Nous sommes actuellement en train de restructurer le projet et d'étudier les prévisions. Nous avons mené des études sur les vents pendant plusieurs années. Si vous veniez sur notre territoire en janvier ou en février et que vous observiez le vent froid qui souffle vers le nord, vous vous diriez que ces études sont inutiles; il faut toutefois faire preuve de diligence raisonnable.

Le sénateur Meredith : Le vent n'est pas un problème.

M. McCue : Il faut le faire pour nos partenaires. Nous avons un partenariat avec des investisseurs. Ça montre que le projet sera rentable pour notre Première nation.

Deux autres Premières nations mentionnées dans notre rapport, comme la Première nation de Henvey Inlet, font la même chose que nous avec l'énergie éolienne, mais à une échelle encore plus grande. La Première nation d'Alderville, près de Peterborough, en Ontario, aménage quant à elle une centrale solaire. C'est une très bonne chose que nos Premières nations lancent des initiatives de développement économique et resserrent nos liens avec la terre et l'énergie verte.

Le sénateur Meredith : Excellent. Merci beaucoup.

Le sénateur Patterson : J'ai quelques questions très précises. Vous avez eu l'honneur de faire l'objet d'une vérification par le Bureau du vérificateur général du Canada en 2005 et en 2009, je crois. La vérification de 2009 a soulevé des préoccupations concernant le soutien à la formation et au renforcement des capacités en matière de gestion des terres. Je sais que vous avez un centre de ressources, et qu'il a eu des problèmes de financement dans le passé.

Est-ce que la nouvelle entente que vous avez signée récemment avec le gouvernement fédéral tient compte des problèmes de financement du centre de ressources? Est-ce qu'ils seront résolus grâce à l'entente?

M. Louie : Oui, elle en tient compte, en partie. La nécessité existe d'améliorer la formation offerte en ce moment. Nous avons eu le malheur ces dernières années de ne pas avoir assez d'argent pour répondre aux besoins en formation et en renforcement des capacités. Le centre a survécu et il continue son essor, mais il peut encore se développer bien davantage.

Aux termes de l'accord de financement, qui prendra effet le 1er avril 2012, certaines sommes peuvent être allouées à la formation et au renforcement des capacités. Ce sera certainement d'une grande aide pour résoudre ce problème. En ce moment, nous n'avons pas les moyens.

J'aimerais préciser que nous n'avons jamais reçu 24,1 millions de dollars, même si ce montant a été approuvé par le gouvernement il y a bien des années. Nous avons fait avec les moyens du bord.

Par ce nouvel accord avec le Canada, le ministre s'est engagé à verser les 24,1 millions de dollars à partir du 1er avril 2012, ce qui a été approuvé par nos chefs et devrait beaucoup aider à résoudre la situation que vous avez soulevée. Nous le souhaitons vivement.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie.

Je ne veux pas critiquer, mais, d'après ce que je comprends, vous rencontrez certaines difficultés dans l'élaboration des lois sur la protection de l'environnement que vous devez mettre en place dans un certain délai après que le code foncier ait pris effet, je crois. Et si je comprends bien, il n'y a eu aucun accord jusqu'ici. Je me trompe peut-être.

Je crois que vous avez parlé d'une modification législative recommandée qui vous aiderait avec les lois sur la protection de l'environnement. Est-ce qu'elle serait utile à l'élaboration de ces lois, ou y a-t-il autre chose qui vous empêche d'avancer dont nous devrions être au courant?

M. Louie : Tout d'abord, à la question de savoir si des accords environnementaux ont été conclus avec des Premières nations, la réponse est non. Vous avez raison, il n'y en a pas. Toutefois, en vertu de l'Accord-cadre et de la loi elle- même, le Canada a l'obligation d'aider les Premières nations à élaborer des lois environnementales.

Nous avons réalisé le travail de préparation nécessaire. Nous savons que c'est en branle. Les modifications vont certainement donner un coup de pouce. Les lois environnementales seront ainsi du ressort des Premières nations. L'engagement est pris, et des fonds sont requis. Ces fonds, on nous dit — et c'est aussi dans l'entente que nous avons conclue avec le ministre — doivent nous aider à lancer ce processus dès le 1er avril 2012.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup. Ma question a été répondue en partie. Dites-moi si je fais fausse route en affirmant que le financement que vous obtenez du gouvernement fédéral est un financement de base; ces fonds sont redirigés vers les différentes communautés et sont administrés par elles en vertu du cadre, du code foncier qu'elles ont mis en place. Elles n'ont pas à revenir constamment, chapeau bas, quémander ces fonds à AADNC. Le financement de base passe directement aux bandes et est aujourd'hui géré par les Premières nations.

M. Louie : Oui, c'est le cas pour les Premières nations opérationnelles. Chaque région fonctionne d'une manière un peu différente, mais l'objectif est de canaliser directement l'argent vers les Premières nations opérationnelles. Pour les Premières nations en développement, la situation est différente. Dans ce cas, les dépenses sont remboursées à mesure, selon des limites assez strictes.

Le président : Merci, chers collègues.

J'aimerais remercier le comité. Il y a 15 ans — vous en souvenez-vous, chef Louie, chef Bear? —, j'ai eu l'honneur et le privilège de travailler avec vous à l'élaboration du projet de loi C-49. Vous aviez alors pris des engagements, et vous les avez tenus. Vous disiez que ce serait un moteur économique pour les Premières nations du pays, et c'est ce qui est arrivé.

Vous avez raison, chef régional Wilson; nous avions en effet élaboré un projet de loi sur l'autonomie gouvernementale qui prévoyait des mesures habilitantes qui auraient facilité l'atteinte de cet objectif, si la loi avait été adoptée.

En bout de compte, nous progressons, même si ça pourrait aller plus vite. Je m'engage — et je crois bien parler pour l'ensemble des membres du comité — à travailler en collaboration et avec diligence, comme nous le faisons toujours au sein de notre comité, c'est-à-dire tant que possible sans partisanerie, à accélérer le processus une fois que les modifications nous seront présentées, afin que vous puissiez continuer votre route pavée de réussites.

Le sénateur Patterson : Bravo!

Le président : Merci de vos exposés et de vos réponses franches aux questions des sénateurs.

Chers collègues, s'il n'y a pas d'autres questions, je lève la séance.

(La séance est levée.)


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