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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 12 - Témoignages du 28 février 2012


OTTAWA, le mardi 28 février 2012

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines Premières nations et la composition de leurs conseils respectifs, se réunit aujourd'hui, à 9 h 33, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public qui suivent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur les ondes de CPAC ou sur Internet.

Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider le comité. Notre comité a pour mandat d'examiner les projets de loi et les questions qui touchent les peuples autochtones du Canada en général. Aujourd'hui, nous poursuivons notre examen du projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines Premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.

Nous accueillons aujourd'hui des représentants du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique et de l'Assemblée des Premières Nations.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais vous présenter les membres du comité qui sont présents ici ce matin.

[Traduction]

Voici le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, qui est la vice-présidente du comité, le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Greene Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Brazeau, du Québec, et le sénateur Demers, du Québec.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir accueillir avec moi nos témoins.

Le sénateur Campbell : J'ai une question de privilège. Pardonnez-moi de vous interrompre, mais je crois qu'il faut attirer l'attention de tous ceux qui nous écoutent sur le fait que vendredi dernier un prix d'excellence a été remis au sénateur St. Germain pour l'ensemble de ses réalisations lors du 19e gala de la Fondation nationale des réalisations autochtones. Je ne lirai pas les 40 pages dans lesquelles sont énumérées ses réalisations, mais je tiens à le souligner. Des membres du comité ainsi que le chef Wilson-Raybould étaient dans l'assistance. Je voulais le mentionner à l'intention de tous ceux qui nous écoutent. C'est un prix très prestigieux, et il est certainement bien mérité.

Des voix : Bravo!

Le président : Merci. C'était une très grande leçon d'humilité. Je crois que cet honneur reflète l'excellent travail du comité et rejaillit sur tous les sénateurs, quel que soit leur parti, qui collaborent avec les peuples autochtones dans tout le pays. Le chef Jody Wilson-Raybould était là, et d'autres aussi. C'était une belle soirée pour la communauté autochtone et pour nos jeunes. Si cela les inspire, le but est atteint.

Merci, sénateur Campbell. Mesdames et messieurs les sénateurs, accueillez maintenant avec moi les représentants du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique, le chef Candice Paul et le chef Lawrence Paul, qui sont coprésidents. Ils ont des exposés à nous présenter.

Pour l'Assemblée des Premières Nations, nous entendrons le chef Jody Wilson-Raybould, chef régionale de l'APN pour la Colombie-Britannique. Elle est accompagnée de son analyste principale, Karen Campbell.

Mesdames et messieurs les témoins, je crois qu'il a été décidé que le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique commencerait.

Candice Paul, coprésidente, chef, Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique : Merci et bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs, et toutes mes félicitations pour ce prix. Je suis le chef Candice Paul. Je suis chef de la Première nation de St. Mary's à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et je suis également coprésidente du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique. J'ai l'honneur de servir ma communauté depuis huit ans à titre de chef et depuis deux ans à titre de coprésidente du CCPNA. Je suis accompagnée du chef Lawrence Paul, qui est chef de la Première nation de Millbrook et coprésident du CCPNA. Nous avons également avec nous le directeur exécutif, John G. Paul, et Krista Brookes, notre analyste principale et conseillère juridique.

Nous sommes ici aujourd'hui pour parler, au nom des chefs de l'Atlantique, de l'appui que nous accordons au projet de loi S-6.

Les membres de notre association appuient le projet de loi S-6 sous sa forme actuelle. Nous croyons qu'il reflète les recommandations contenues dans une résolution que nous avons adoptée en janvier 2011 pour demander au ministre de rédiger une loi qui offrirait une solution de rechange valable au régime électoral défini dans la Loi sur les Indiens.

Nous avons préconisé une réforme électorale notamment parce que le Canada atlantique a le plus fort pourcentage de Premières nations qui tiennent des élections en vertu de la Loi sur les Indiens, soit 75 p. 100. Nous croyons qu'un meilleur régime électoral donnerait des avantages immédiats à nos Premières nations.

Nous nous sommes intéressés à la réforme électorale en octobre 2008, quand nous avons adopté une résolution pour demander au ministre de modifier la durée du mandat prévu dans le régime électoral de la Loi sur les Indiens pour le porter de deux à quatre ans.

Lors de discussions relatives à ce changement, entre nous et avec le ministère des Affaires autochtones, nous avons constaté que le régime électoral de la Loi sur les Indiens avait d'autres faiblesses fondamentales qu'il fallait corriger. Le ministère était disposé à discuter plus à fond de la question, ce qui a donné l'occasion d'élaborer une réforme de plus grande envergure.

Pour l'instant, environ 40 p. 100 des Premières nations du Canada tiennent leurs élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Ces dispositions électorales sont désuètes et inadaptées. C'est ce qu'on nous a dit lorsque nous avons discuté de cette question avec nos électeurs, mais aussi quand nous avons parlé de nos recommandations avec des groupes de Premières nations d'autres régions du pays.

Les aspects suivants sont les plus problématiques : le mandat des conseils de bande élus en vertu de la Loi sur les Indiens est de deux ans. Les collectivités des Premières nations sont donc pratiquement toujours en campagne électorale, ce qui a nui à la stabilité des conseils de bande ainsi qu'à leurs efforts pour élaborer des projets à long terme. La faiblesse du processus de mise en candidature peut entraîner la désignation de nombreux candidats, parfois même plus de 100 pour une élection. Le système de scrutin postal peut être touché par la fraude. Le processus d'appel au ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord est paternaliste, complexe et souvent trop long pour déboucher sur des conclusions et une décision sans appel. L'absence d'infractions précises aux élections et de peines connexes dans la Loi sur les Indiens laisse la porte ouverte à la fraude et d'autres activités illicites, par exemple la vente et l'achat de votes.

Comme je l'ai dit précédemment, le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique veut vraiment trouver des moyens de stabiliser et d'améliorer la gouvernance des Premières nations grâce à un système électoral plus robuste et plus moderne. Avec l'appui d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, le CCPNA a réalisé des études sur les problèmes liés à l'élection des conseils de bande. À la suite des commentaires de chefs des Premières nations, de spécialistes de la gouvernance et de membres des collectivités dans leurs régions respectives, nous avons formulé des recommandations. J'aimerais vous expliquer comment nous avons procédé.

Nous avons formé un groupe de travail pour étudier et définir des options. Nous avons publié des articles dans des magazines à grande diffusion des Premières nations et créé une page Facebook pour inviter les membres des Premières nations de toute la région à s'exprimer et à remplir un questionnaire. Le groupe de travail a présenté ses options de recherche et toute la rétroaction au groupe de spécialistes de la gouvernance et de présidents d'élection et, évidemment, aux chefs eux-mêmes. En nous fondant sur les discussions et les commentaires, nous avons formulé les recommandations que nous avons transmises au ministre.

Le CCPNA a recommandé l'instauration d'une nouvelle loi électorale des Premières nations, une loi qui serait d'application facultative, et il a formulé des recommandations concernant ce qu'elle devrait contenir. En règle générale, le projet de loi S-6 reflète ces recommandations. Il contient certaines des règles du régime électoral de la Loi sur les Indiens, mais présente quelques différences notables qui touchent les aspects suivants : le mandat est de quatre ans plutôt que de deux, comme c'est le cas actuellement; des qualités bien définies sont exigées des candidats au poste de chef et des règles claires régissent le processus de mise en candidature; des infractions ont été clairement définies ainsi que des peines connexes, pour décourager les activités électorales douteuses et en particulier celles qui entourent le scrutin postal; le ministre n'a plus de rôle à jouer dans les appels consécutifs à une élection.

Quoique le CCPNA n'ait pas recommandé que le nouveau régime électoral autorise que les élections de plusieurs Premières nations aient lieu le même jour, il semble que la disposition du projet de loi qui permet à un minimum de six Premières nations de synchroniser leur mandat suscite un intérêt croissant chez les Premières nations du Nouveau- Brunswick.

Je veux maintenant décrire plus en détail les éléments clés du projet de loi S-6 et vous expliquer les raisons pour lesquelles nous avons formulé les recommandations que reflètent ces éléments.

Premièrement, la nouvelle loi est d'application facultative, sur résolution du conseil de bande. Le CCPNA recommandait que les Premières nations, si elles voulaient se prévaloir des dispositions de la loi, puissent le faire sur résolution du conseil de bande. La possibilité de tenir un référendum comme mécanisme d'adhésion a fait l'objet de nombreuses discussions. Nous avons conclu que même si cette façon de procéder est certainement efficace pour déterminer la volonté d'une collectivité, il est trop coûteux de consulter ainsi la collectivité dans tous les dossiers. En outre, d'après notre expérience des scrutins communautaires, nous savons que les électeurs des Premières nations préfèrent généralement le statu quo. Donc, le fait d'exiger la tenue d'un référendum pour modifier le régime électoral constituerait, en fait, un énorme obstacle qui empêcherait les Premières nations de profiter des avantages d'un mandat de quatre ans, ce qui était notre objectif.

Même si aucun référendum n'est exigé, nos chefs nous ont dit qu'ils ne prendraient pas ce genre de décision sans consulter largement les membres de la collectivité. Le CCPNA recommandait que la nouvelle loi électorale prévoie un mandat de quatre ans, soit un mandat comparable à ceux de la plupart des autres gouvernements au Canada. La Loi sur les Indiens, parce qu'elle exige la tenue d'élections tous les deux ans, a créé des conditions d'instabilité qui favorisent les divisions au sein des collectivités des Premières nations. En général, le mandat de deux ans ne produit pas la stabilité politique nécessaire pour que les gouvernements des Premières nations puissent planifier et mettre en oeuvre des initiatives à long terme et jeter les bases du développement communautaire avant une nouvelle élection. Le mandat de deux ans est particulièrement difficile pour les élus qui en sont à leur premier mandat. Les nouveaux conseillers ont besoin de temps pour se familiariser avec leurs responsabilités et les divers projets qu'ils doivent superviser. Les projets sont souvent menacés par ce cycle électoral de deux ans et le fort taux de roulement des élus.

Dans le régime électoral de la Loi sur les Indiens, il faut pour pouvoir voter être membre inscrit de la bande et avoir au moins 18 ans. Pour être candidat et pour proposer ou appuyer une candidature à un poste de conseiller, il faut être un électeur admissible. Nous n'avons pas senti le besoin de recommander des changements à ce sujet, et le projet de loi S-6 importe intégralement ces exigences. Toutefois, la mise en candidature et l'admissibilité des candidats en vertu de la Loi sur les Indiens soulèvent des problèmes auxquels nous croyons qu'il faut remédier. Dans les dispositions de la Loi sur les Indiens, les qualités exigées des candidats aux postes de conseillers ne sont pas exigées des candidats au poste de chef. De fait, il n'y en a pas. En outre, il est possible d'être nommé candidat au poste de chef et à des postes de conseiller, et il n'y a pas de limite au nombre de candidats qu'une personne peut présenter.

Les candidatures frivoles, celles de personnes qui ne veulent pas vraiment le poste, peuvent aussi créer des difficultés. Les personnes désignées candidates mais que la chose n'intéresse pas ne sont pas encouragées à retirer leur nom du bulletin. De fait, les noms figurent automatiquement sur les bulletins à moins qu'une demande de retrait ne soit présentée par écrit. Parfois, la personne dont le nom figure sur le bulletin ne le sait même pas.

Pour régler ces problèmes, et d'après notre examen d'autres systèmes électoraux, notamment ceux des Premières nations, nous avons recommandé que les mêmes qualités soient exigées des candidats à des postes de conseiller que des candidats au poste de chef ainsi que des personnes qui proposent ces candidats. Autrement dit, seuls des membres des Premières nations âgés de 18 ans ou plus peuvent proposer des candidatures ou être candidats au poste de chef. Nous recommandons également que personne ne puisse être candidat au poste de chef et à des postes de conseiller lors d'une même élection et que personne ne puisse proposer plus de candidats qu'il n'y a de postes à combler dans le cadre de l'élection.

Quant au processus de mise en candidature proprement dit, nous recommandons que les candidats proposés soient tenus d'accepter leur candidature par écrit, sinon leur nom ne figurera pas sur le bulletin, et que les Premières nations puissent exiger de chaque candidat des frais de 250 $.

Il semble que le projet de loi S-6 reprenne toutes ces recommandations. Je laisse maintenant la parole au coprésident, le chef Lawrence Paul.

Lawrence Paul, coprésident, chef, Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique : Je m'appelle Lawrence Paul, je suis de la Première nation de Millbrook, en Nouvelle-Écosse. Bonjour mesdames et messieurs, sénateurs et employés du gouvernement. C'est un honneur d'être ici aujourd'hui pour exprimer nos opinions sur les nouvelles procédures électorales proposées.

J'aimerais commencer par le point 4, les bulletins de vote postal et le vote par anticipation. Les études et les discussions ont révélé que le système de vote postal avait été utilisé à mauvais escient. Comme personne ne voit l'électeur déposer son bulletin de vote postal, il est souvent difficile de vérifier si la personne est habilitée à voter. Un certain nombre d'électeurs hors réserve qui s'intéressent peu au processus électoral des Premières nations mais qui ont reçu un bulletin de vote parce que la Première nation a conservé leur nom et leur adresse auraient parfois vendu leur bulletin à d'autres. Ce genre d'abus pourrait être réduit si la nouvelle loi permettait plus de contrôle de la distribution et de la remise des bulletins de vote postal. Les règles pourraient aussi exiger que les électeurs intéressés communiquent avec le président d'élection pour obtenir des bulletins de vote postal. De la sorte, ces bulletins seraient envoyés uniquement aux électeurs intéressés. Pour réduire le nombre d'électeurs qui doivent voter par la poste, nous recommandons également d'autoriser le vote par anticipation.

Même si le vote postal et le vote par anticipation ne sont pas mentionnés dans le projet de loi S-6, un pouvoir de réglementation est prévu, et nous espérons que notre suggestion sera sérieusement envisagée au moment de rédiger le règlement.

Il y a aussi les appels consécutifs à l'élection d'un membre du conseil. En vertu de la Loi sur les Indiens, ces appels sont reçus, examinés, étudiés et réglés par le ministre et le ministère. D'après les chiffres du ministère, 30 p. 100 des résultats de toutes les élections organisées en vertu de la Loi sur les Indiens font l'objet d'un appel, ce qui correspond à environ 40 élections par année. Chaque année, un maximum de cinq appels donne lieu à l'annulation de l'élection, mais très rarement dans la région de l'Atlantique. Ce chiffre révèle un problème fondamental dans la formule actuelle de traitement des appels.

Dans près de 90 p. 100 des appels, les allégations d'irrégularité sont soit non fondées, soit considérées comme n'ayant pas modifié le résultat de l'élection. Le problème, c'est qu'il faut généralement des mois, sinon plus d'un an, pour arriver à ces conclusions. En attendant l'issue de l'appel, le conseil de bande dont l'élection est contestée a beaucoup de difficultés à gouverner efficacement, à dresser des plans à long terme et à prendre des décisions importantes ainsi qu'à lancer des projets. Nous pensons que le problème découle de ce que le processus d'appel est trop facile à déclencher pour les membres de la collectivité qui ont des motifs discutables. Parmi les autres problèmes liés au processus d'appel de la Loi sur les Indiens, je mentionnerai le manque de rigueur, de transparence et d'équité procédurale. Le rôle du ministre dans le cadre de l'enquête et de la décision est paternaliste et constitue une intervention inappropriée dans les affaires internes d'une Première nation.

Le CCPNA a d'abord recommandé que le rôle du ministre et de son ministère dans les appels consécutifs à des élections soit confié à un nouveau tribunal indépendant qui serait habilité par la loi à faire enquête et régler les appels. Le CCPNA a aussi recommandé que les délais d'enquête et de décisions des appels soient fixés et que les personnes qui veulent interjeter appel soient tenues de payer des droits qui pourraient s'élever jusqu'à 250 $.

Toutefois, nous avons récemment appris que les tribunaux électoraux fédéraux, provinciaux et municipaux traitent ces appels et ont le pouvoir d'imposer des peines et d'annuler des résultats d'élection. Le CCPNA accepterait cette solution pour les appels consécutifs à des élections.

Pour ce qui est des infractions et des pénalités électorales, comme mentionné précédemment, le régime électoral de la Loi sur les Indiens ne prévoit pas d'infractions électorales ni de peines connexes. C'est une grave lacune, car les personnes qui se livrent à des manoeuvres électorales ne sont pas tenues de rendre des comptes. Nous recommandons que cette nouvelle loi électorale définisse des infractions — par exemple, l'achat et la vente de bulletins postaux et le recours aux cadeaux et privilèges en échange de votes — et lie des peines aux infractions définies. Cette entente existe dans les lois électorales fédérales, provinciales et municipales et permet même les poursuites externes au processus d'appel consécutif à une élection. Nous sommes heureux de voir que le projet de loi S-6 crée des infractions et des peines similaires à celles définies dans la Loi électorale du Canada relativement à l'achat de vote, à l'intimidation et à l'ingérence. Finalement, les élections des Premières nations auront autant d'importance dans la loi canadienne que les élections fédérales, provinciales et municipales.

Quant à la révocation des membres élus du conseil, la Loi sur les Indiens et le règlement afférent ne contiennent aucune disposition qui permettrait aux électeurs des Premières nations qui n'ont plus confiance dans leurs dirigeants de prendre des mesures pour les destituer. En Colombie-Britannique, toutefois, et en vertu de nombreux régimes communautaires ou coutumiers, les électeurs peuvent destituer leurs élus.

Le CCPNA a recommandé que la nouvelle loi électorale des Premières nations prévoie, au cours d'un mandat de quatre ans, la possibilité de destituer un ou plusieurs membres élus du conseil à la demande d'une majorité des électeurs de la Première nation, pour des raisons comme un absentéisme excessif aux réunions, le mauvais rendement, un conflit d'intérêts ou un comportement répréhensible. Nous recommandions d'autoriser une pétition pour la révocation et le retrait d'un élu uniquement pendant une période de 30 jours au milieu du mandat de quatre ans. De la sorte, la stabilité assurée par les mandats de quatre ans ne serait pas minée par la menace constante de révocation des élus. La majorité des régimes électoraux municipaux, provinciaux ou fédéraux ne prévoient pas de tels mécanismes, mais cela semblait une solution pour calmer les préoccupations de certains, qui croient qu'un mandat de quatre ans est bien long quand les dirigeants ne font pas leur travail.

Le projet de loi ne contient pas de mécanisme de révocation proprement dit, mais l'article 41 proposé accorde au gouverneur en conseil un pouvoir de réglementation en matière de révocation.

Le mémoire concernant le projet de loi S-6 que nous avons remis au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones s'appuie sur notre analyse de la correspondance entre le projet de loi S-6 et les recommandations présentées par notre organisation à la suite de discussions avec nos membres au sujet du régime électoral. Nous avons demandé qu'une loi électorale des Premières nations, d'application facultative et assortie d'un règlement, soit élaborée et mise en oeuvre pour instaurer un régime électoral moderne qui régirait les élections des Premières nations qui le désirent. Comme le montrent nos recommandations, les Premières nations veulent élire leurs conseils de bande de façon libre et équitable, pour avoir des gouvernements stables, efficaces et responsables ainsi que pour protéger les droits individuels de leurs membres.

Merci de nous avoir donné cette occasion d'exposer les motifs pour lesquels nous appuyons le projet de loi. Nous vous demandons de l'appuyer également. Nous croyons fermement que toutes les Premières nations du Canada ont besoin d'options pour régler ces questions importantes et urgentes en matière de gouvernance.

Jody Wilson-Raybould, chef régionale, Colombie-Britannique, Assemblée des Premières Nations : Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Je suis heureuse de témoigner à nouveau, cette fois-ci au sujet du projet de loi S-6. Avant de commencer, je tiens mois aussi à féliciter le sénateur de son prix. J'étais heureuse de pouvoir assister en personne à la remise de ce prix, monsieur le sénateur. C'était une excellente soirée.

Je parle au nom de l'Assemblée des Premières Nations, à titre de présidente du portefeuille de la gouvernance ainsi que de chef régionale pour la Colombie-Britannique, et je peux répondre aux questions sur la situation des 203 Premières nations de la Colombie-Britannique. Je suis en outre membre du conseil de ma propre collectivité, un conseil élu en vertu d'un code électoral coutumier.

Lorsque des Premières nations ou des groupes de Premières nations pilotent des initiatives législatives fédérales facultatives pour les Premières nations, comme c'est le cas du projet de loi S-6, le projet de loi sur les élections au sein des Premières nations, il est opportun que l'APN les appuie. Je veux souligner l'approche concrète que le CCPNA a adoptée pour l'élaboration de ce projet de loi et reconnaître les exposés présentés aujourd'hui. Je mentionne également que l'Assemblée des chefs du Manitoba n'accepte pas entièrement le projet de loi, mais elle viendra présenter elle-même son point de vue d'ici quelques jours.

Nous appuyons donc le projet de loi S-6 et les Premières nations qui veulent adopter ce régime, mais nous demandons qu'un amendement soit apporté à l'article 3, où les alinéas 3(1)b) et c) autorisent le ministre des Affaires autochtones à ajouter le nom d'une Première nation à l'annexe sans son consentement. Cela ne convient pas. Les Premières nations sont en transition et elles progressent vers l'autonomie gouvernementale. Notre approche en matière de réforme de la gouvernance, notre stratégie collective, consiste à jeter les bases d'une saine gouvernance pour faciliter la transition de nos nations qui veulent, essentiellement, cesser d'administrer des programmes et services fédéraux au nom du Canada ou de s'autoadministrer en vertu de la Loi sur les Indiens pour accéder à l'autonomie gouvernementale et rendre compte directement à leurs citoyens, comme il se doit.

Au cours de la rencontre Canada-Première nation, le mois dernier, on a beaucoup parlé d'éliminer la Loi sur les Indiens et des difficultés que ce projet soulève. Ces difficultés ont été exprimées par diverses métaphores — le premier ministre a parlé d'un arbre avec des racines profondes et le chef national, d'un rocher à écarter du chemin. Dans ma province, le chef Geronimo Squinas, de la Première nation de Red Bluff, a utilisé une autre métaphore lors d'une récente réunion des Premières nations de la Colombie-Britannique. Nous discutions du continuum des options de gouvernance dont disposent les Premières nations qui veulent se libérer de la Loi sur les Indiens, et le chef Squinas, qui commentait les craintes qui existent dans nos collectivités, a comparé la Loi sur les Indiens à un gros ballon. Si vous le percez d'une épingle, il éclate et qu'est-ce qui vous reste? Il n'y a plus de Loi sur les Indiens, mais rien ne la remplace.

La solution, et c'est le projet auquel nous travaillons tous — pour poursuivre la métaphore —, consiste à détacher le ballon de la Loi sur les Indiens pour en laisser lentement échapper l'air, au rythme qui convient à la nation, en fonction de ses priorités et des instructions de ses citoyens, pour que lorsque le ballon sera vide, il y ait à sa place l'autonomie gouvernementale.

Pendant que l'air s'échappe, diverses options ou mesures progressives qui mènent à la gouvernance peuvent être prises. Elles s'inscrivent sur un continuum. Ces options élargissent — et le projet de loi S-6 est un exemple — un aspect précis de la gouvernance, soit la sélection de l'organe directeur. Jusqu'à maintenant, chaque Première nation qui a parcouru le continuum de la gouvernance et qui est devenue autonome a fini par assumer le plein contrôle de ses élections et élaborer un code électoral ou une loi électorale. Les lois électorales sont très variées.

Il y a évidemment de nombreuses façons de concevoir un gouvernement. Les études et les spécialistes nous disent que la qualité de la gouvernance a beaucoup plus d'importance que sa forme pour la réussite d'une société. Finalement, quand toutes les Premières nations seront redevenues autonomes, elles adopteront des règles électorales dans le cadre de leur entente d'autonomie gouvernementale. Certaines utiliseront les règles définies dans des codes électoraux coutumiers, d'autres pourraient appliquer les règles du projet de loi S-6 et d'autres encore suivront des règles entièrement différentes.

Indépendamment du contenu, ces règles électorales seront consacrées dans la constitution de la nation ou dans une loi électorale instaurée conformément à cette constitution et au pouvoir inhérent de gouverner.

Je le dis parce qu'il est très important pour le comité de bien comprendre comment une loi comme le projet de loi S-6 que vous examinez actuellement et qui porte sur certains aspects des gouvernements des Premières nations s'inscrit dans la vision d'un cheminement sur un continuum de gouvernance et appuie cette vision, pour que — et je reprends notre métaphore — tout l'air s'échappe du ballon de la Loi sur les Indiens et que nous ayons des Premières nations fortes et autonomes.

Malheureusement, le pouvoir prévu aux alinéas 3(1)b) et c) du projet de loi n'appuie pas le concept de continuum et illustre plutôt une utilisation inopportune de la loi fédérale, une utilisation malheureuse de la loi fédérale que j'ai mentionnée lors de la rencontre Canada-Premières nations.

Ces alinéas permettent au ministre d'imposer à une Première nation les règles électorales définies dans le projet de loi en cas de conflit prolongé de leadership ou si le gouverneur en conseil a annulé une élection tenue en vertu de la Loi sur les Indiens pour cause de corruption.

Essentiellement, ces dispositions donnent au ministre le pouvoir d'imposer à une Première nation des règles de gouvernance fondamentales que la Première nation risque de détester et de juger illégitimes, ce qui jettera sans doute de l'huile sur un feu déjà vif.

En fin de compte, chaque nation doit assumer la responsabilité de sa propre gouvernance, y compris les élections, et elle le fera.

Maintenant, j'aimerais faire valoir que le projet de loi peut avoir des conséquences fortuites susceptibles de créer des difficultés politiques et peut-être juridiques pour une Première nation et pour le Canada. En effet, le projet de loi S-6 n'établit aucune distinction entre une Première nation qui, au moment de son inscription à l'annexe, suit les règles électorales de la Loi sur les Indiens et une Première nation qui a adopté un code électoral coutumier. Cela pourrait signifier qu'un chef et son conseil sont en mesure d'annuler au moyen d'une résolution le code électoral coutumier approuvé par la collectivité. Cela est un peu inquiétant et peut apparaître comme un recul sur le continuum de la gouvernance pour ce qui est de l'habilitation de la collectivité.

Il y aura certainement des questions dans nos collectivités. On se demandera s'il ne vaudrait pas mieux tenir un référendum local pour modifier les règles électorales, qu'elles relèvent de la Loi sur les Indiens ou de la coutume, et il ne serait pas étonnant que certaines collectivités, même le projet de loi S-6 ne les y oblige pas, organisent des référendums.

Revenons à l'article 3 et au pouvoir du ministre d'inscrire à l'annexe le nom d'une Première nation sans le consentement de cette Première nation. Il ne s'agit pas simplement d'un problème politique. S'il existe un aspect du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale sur lequel nous pouvons tous nous entendre et qui, selon moi, doit absolument être protégé par l'article 35 de la Loi constitutionnelle, c'est bien la capacité de nos nations à déterminer leur propre mode de sélection des dirigeants. Sinon, l'article 35 perd tout son sens. Si les Premières nations ont ce droit, c'est-à-dire la capacité de légiférer sur cette question, nous devons nous demander si le Canada peut, si pures soient ses intentions, légiférer dans ce domaine et risquer d'empiéter sur ce droit.

Même si certaines nations veulent une telle loi, il faut que cette loi s'inscrive sur un continuum qui mène à une autonomie gouvernementale pleine et entière.

Nous devons tous minimiser les risques qu'une contestation de la loi puisse être accueillie. D'abord et avant tout, la loi doit être appuyée par les Premières nations à titre de loi provisoire qui ne s'appliquera pas indéfiniment sur le droit de gouverner mais qui doit plutôt servir à mettre en oeuvre certains aspects de ce droit. Deuxièmement, la loi doit être d'application facultative.

Je crois que le projet de loi S-6 répond à ce critère, à l'exception des alinéas 3(1)b) et c) qui, selon moi, pourraient faire l'objet d'une contestation réussie parce qu'elles empiètent de façon injustifiable sur le droit d'une nation à se gouverner.

Revenons à la métaphore du ballon que proposait le chef Squinas. Poussons-la plus loin. Nous devons veiller à ce que le Canada, en vertu d'une loi ou d'une politique, ne soit pas habilité à regonfler le ballon de la Loi sur les Indiens. S'il se peut que certaines Premières nations voient effectivement leurs élections contestées et connaissent des conflits électoraux prolongés, ce n'est pas simplement par la faute de lacunes du processus électoral, c'est plutôt un symptôme de problèmes de gouvernance plus profonds attribuables à la Loi sur les Indiens. Le choix de l'organe dirigeant, les élections, est seulement un aspect de la gouvernance fondamentale.

Pour nous libérer de la Loi sur les Indiens, nous devrons surmonter des obstacles et, en premier lieu, reconstruire la gouvernance de base de nos nations. Cela englobe non seulement les règles de sélection des organes de gouvernance, c'est- à-dire les règles électorales, mais aussi les modalités selon lesquelles ces organes de gouvernance pourront étudier et produire des lois, et notamment déterminer qui sont nos citoyens et quels sont leurs droits et, tout aussi important, leurs responsabilités; la responsabilité des organes de gouvernance, quelle que soit leur forme, envers les citoyens; la responsabilité politique et financière; certains principes fondamentaux concernant notre vision du monde et notre approche de gouvernance, compte tenu de la diversité des cultures et des traditions.

Pour nos nations, trouver les réponses à nombre de questions concernant la gouvernance élémentaire s'inscrit dans le processus de décolonisation que doivent mener nos collectivités. Ce qui manque dans notre boîte d'outils pour aller au-delà de la Loi sur les Indiens, c'est un mécanisme simple et efficace qui permette à une Première nation de soustraire sa gouvernance fondamentale au cadre de la Loi sur les Indiens, au moment où elle est prête, disposée et capable de le faire. Nombre de nos nations, en particulier dans ma région, ont envisagé d'élaborer une constitution communautaire pour assurer la gouvernance élémentaire. Ce processus comprend le choix de l'organe directeur, la responsabilité politique et financière, la définition de citoyenneté et d'autres questions fondamentales pour former un gouvernement fort, adapté et responsable. Toutefois, à moins de négocier l'autonomie gouvernementale avec le Canada ou de s'adresser aux tribunaux, il n'existe aucune façon concrète de mettre une constitution en oeuvre.

Il nous faut un bloc élémentaire, peut-être le premier bloc pour de nombreuses nations sur le continuum menant à l'autodétermination, et ce bloc serait une loi habilitante ou de reconnaissance de la gouvernance stipulant que lorsqu'une Première nation a élaboré et ratifié sa propre constitution, elle peut se soustraire à l'application d'une grande partie de la Loi sur les Indiens. Ce n'est évidemment pas un nouveau concept pour les gens, ici, car une telle loi a déjà été présentée au Sénat auparavant. Nous attendons avec impatience qu'une autre soit présentée prochainement.

Pour conclure, je veux dire que pour les nations qui veulent les utiliser, les règles électorales définies dans le projet de loi S-6 et qui seront précisées dans le règlement sont incontestablement supérieures à celles de la Loi sur les Indiens, et plus pertinentes. Je tiens à souligner l'importance que revêt pour nos nations le travail que nous accomplissons collectivement en matière de gouvernance. C'est une condition essentielle de notre réussite culturelle et économique. Un jour, nos peuples seront à nouveau autonomes. D'ici là, votre rôle de législateur pendant cette période de transition demeure vital. Merci de m'avoir invitée. Mes collègues et moi-même répondrons à vos questions avec plaisir.

Le président : Merci. Vous le savez, madame Wilson-Raybould, la question de l'autonomie gouvernementale ne date pas d'hier. En 1985, j'étais député. Je me trouvais dans le bureau du premier ministre, et celui-ci m'a dit : « Gerry, vous êtes un Autochtone. Je dois vous dire que j'ai été horriblement déçu. » Il m'a raconté qu'il avait offert l'autonomie gouvernementale aux Premières nations et qu'elles l'avaient refusée.

Puis notre collègue au Sénat, le chef Walter Twinn, qui voulait assurer la réussite de son peuple grâce au développement économique et à divers autres aspects, est arrivé. Il a proposé une loi qu'il a pilotée, puis le sénateur Tkachuk et ensuite moi-même avons pris le relais.

Ce que je dis, c'est qu'à l'époque, les Premières nations du pays avaient peur de toucher au ballon. Elles avaient peur de s'en approcher, apparemment. C'est mon interprétation, car j'ai travaillé à ce projet de loi. Malheureusement, nous avons perdu Walter Twinn. Il est mort assez jeune, avant de prendre sa retraite. Il y croyait fermement, et on l'a accusé d'y trouver un intérêt personnel.

Pensez-vous que les Premières nations du pays sont maintenant prêtes à accepter que nous devons faire quelque chose de ce ballon, tôt ou tard?

Mme Wilson-Raybould : Merci de cette question. Je reconnais que d'immenses efforts sont déployés depuis 20 ou 30 ans dans ce domaine. Selon moi, nous sommes arrivés à un point où nous, les Premières nations, de notre façon et avec plus ou moins d'intensité, poursuivons la réforme de la gouvernance dans nos collectivités. Cette réforme de la gouvernance porte sur les institutions élémentaires des gouvernements des Premières nations et, selon ses priorités et de la façon et au rythme qui lui conviennent, chaque collectivité effectue diverses réformes de la gouvernance, que ce soit en utilisant les dispositions de la Loi sur les Indiens ou en profitant d'initiatives sectorielles de gouvernance, dans le domaine de la gestion foncière ou ailleurs, et jusqu'à la négociation d'ententes détaillées sur l'autonomie gouvernementale.

Dans ma province, environ 70 p. 100 des Premières nations procèdent à une quelconque réforme de la gouvernance. Ce pourcentage diminue à mesure que vous vous rapprochez de l'est. Toutefois, la discussion des chefs, à l'Assemblée des Premières Nations, concerne de nouvelles façons d'abandonner le statu quo. C'est vrai, l'idée d'abandonner le statu quo suscite encore des craintes dans nos collectivités, mais le statu quo ne suffit plus. Sous la gouverne des collectivités, je crois que nous progressons dans cette direction, et les choses ont changé depuis 20 ans. Nous avons acquis beaucoup d'expérience dans nos collectivités; nous partageons les réussites des réformes de la gouvernance et nous nous appuyons mutuellement pour progresser sur le continuum de la gouvernance, pas pour faire éclater le ballon, mais pour réaliser une solide réforme de la gouvernance et avec le soutien légitime des citoyens de nos collectivités, pour que tout l'air puisse s'échapper du ballon.

Le sénateur Ataullahjan : Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à Mme Paul. Nous savons qu'il y a eu un processus intensif d'engagement national avec le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique et l'Assemblée des chefs du Manitoba.

Je me demande quel niveau de rétroaction ont fourni les Premières nations de l'Ontario et du Québec. Quel type de rétroaction avez-vous reçue de ces régions? Pensez-vous qu'il y a eu une mobilisation importante des Premières nations dans ces provinces?

John Paul, directeur général, Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique : Je peux vous répondre parce que j'ai présenté le projet de loi et les propositions à l'assemblée des chefs de l'Ontario, l'hiver dernier, quand nous avons mené le processus d'engagement. Selon les disponibilités, le personnel de l'Assemblée des chefs du Manitoba et moi-même et mon personnel avons parcouru le pays pour assister à diverses manifestations auxquelles nous étions invités. Les chefs du Manitoba et nous-mêmes nous sommes divisé le pays.

Le président : Pourriez-vous vous identifier?

M. J. Paul : Je m'appelle John Paul. Nous ne sommes pas allés au Québec.

Le président : Chef Paul, si quelqu'un veut commenter, nous aimerions qu'il vienne au micro pour que son intervention soit captée pour la télévision. Les caméras ne peuvent pas vous trouver.

Le sénateur Ataullahjan : Avez-vous dit que vous aviez mené des consultations au Québec?

M. J. Paul : Non.

Le sénateur Sibbeston : Ma première question s'adresse à Mme Wilson-Raybould et elle porte sur l'article 3, dont elle a parlé. J'ai participé à des élections comme député provincial, parfois j'ai obtenu 85 p. 100 des voix, et parfois 17 p. 100. Des gens normalement très sensés peuvent devenir parfaitement irrationnels en période électorale. C'est un processus émotif. Il me semble que ces dispositions permettent au ministre d'intervenir quand il y a un conflit prolongé. Je sais que cela peut durer des années. Des avocats qui ont comparu devant nous et qui ont de l'expérience dans ce domaine affirment que tout conflit découlant des élections entre les membres d'une bande est très coûteux. Je suis plutôt attiré par un processus qui permet de mettre fin à un conflit prolongé. L'autre solution consiste à faire appel à un tribunal.

Avez-vous une réponse, compte tenu du fait qu'ici, dans ce contexte, nous sommes rationnels, mais qu'en période électorale les émotions l'emportent souvent sur la raison? C'est un effort pour calmer le jeu.

Mme Wilson-Raybould : Merci de cette question, et félicitations pour avoir obtenu 85 p. 100 des voix. C'est excellent.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, évidemment, nous reconnaissons qu'en vertu de l'article 3, une Première nation n'est pas tenue d'adopter une résolution du conseil pour se prévaloir des dispositions du projet de loi S-6. Nos réserves concernent les alinéas 3(1)b) et c). L'alinéa b), en particulier, élimine le caractère facultatif puisque le ministre peut ordonner à une Première nation d'adhérer à ce régime.

Selon moi, et vraiment peu importe que la situation soit difficile ou émotive, c'est quelque chose que les Premières nations doivent régler elles-mêmes. Actuellement, le ministre peut intervenir dans ces dossiers en vertu de la Loi sur les Indiens, mais nous refusons qu'il puisse intervenir pour imposer quelque chose aux Premières nations.

Le sénateur Sibbeston : Mon autre question porte sur ce que disait la chef Candice Paul au sujet des tribunaux. Notre comité sénatorial, suite à l'étude du système électoral des Premières nations, a recommandé dans son rapport qu'un tribunal quelconque soit institué pour régler les questions relatives aux élections, les appels, et cetera. C'est certainement une solution que me plaît. Quand le ministre est venu, il y a quelques semaines, j'en ai discuté avec lui, mais il n'a pas répondu de façon vraiment positive.

Êtes-vous convaincue que c'est encore quelque chose qu'il faudrait faire, peut-être au moyen d'un amendement futur, quelque chose de ce genre? Si ce n'est pas dans la loi, est-ce qu'il faudrait l'y intégrer ultérieurement?

Mme Paul : Oui. Selon nous, un tribunal est certainement un élément important. À l'heure actuelle, le processus d'appel est très lent, et pour que les collectivités se rétablissent il serait bon d'avoir un tribunal qui serait composé de gens qui connaissent la culture des Premières nations et qui réglerait les choses rapidement.

Le sénateur Patterson : Je remercie les deux personnes qui ont présenté les exposés. Je crois que le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique a formulé des conseils et des recommandations clairs.

J'aimerais demander au chef Wilson-Raybould de développer ses commentaires bien sentis au sujet de l'article 3. Je ne veux pas promouvoir le colonialisme — nous en avons eu suffisamment, y compris dans le Nord —, mais je vais poser deux ou trois questions précises.

Au paragraphe 3(1), vous dites que là où le bât blesse, c'est que quand le ministre ajoute le nom d'une Première nation à l'annexe, dans certains cas, il le fait sans le consentement de cette Première nation. Avez-vous songé qu'en vertu de l'alinéa 3(1)a), le conseil de la Première nation doit avoir présenté au ministre une résolution demandant que la Première nation soit inscrite à l'annexe? Est-ce que la Première nation ne consent pas ainsi à l'intervention du ministre?

Mme Wilson-Raybould : Merci de cette précision. Certes, à l'alinéa 3(1)a), une Première nation peut adopter une résolution pour s'inscrire à l'annexe. L'alinéa 3(1)b) est différent. Dans ce cas, c'est le ministre qui intervient dans un conflit prolongé, et cette expression n'est pas définie dans la loi. Le ministre a donc beaucoup de latitude pour inscrire la Première nation sans son consentement en vertu de cette clause particulière du projet de loi S-6.

Selon moi, et je reviens à la question précédente, cela va à l'encontre de la notion de consentement de la Première nation. Bien sûr, relever les défis auxquels nous sommes confrontés dans un petit nombre de collectivités en offrant une autre option ne règle pas nécessairement le problème; cela pourrait même en créer d'autres.

Le sénateur Patterson : Je vous ai peut-être mal comprise, mais est-ce que vous nous avez dit que l'alinéa 3(1)a) était acceptable, alors que les alinéas 3(1)b) et c) ne l'étaient pas?

Mme Wilson-Raybould : C'est exactement ce que je dis pour les alinéas 3(1)b) et c). Nous voudrions que le projet de loi soit amendé de façon à éliminer ces alinéas.

Dans le témoignage qu'il a livré au comité, le ministre Duncan a indiqué qu'il n'invoquerait jamais ces alinéas à moins d'une situation vraiment insoluble, et il a répété qu'il ne le ferait jamais. Nous voulons bien sûr qu'il soit impossible pour un autre ministre de le faire.

Le sénateur Patterson : J'ai une dernière question. Merci de cette réponse. Vous avez répondu à une question que j'allais poser, à savoir quelle était votre recommandation. Vous recommandez donc d'éliminer les alinéas b) et c).

Un de vos commentaires m'a intrigué. Si je vous ai bien comprise — et je n'essaie pas de vous faire la vie dure —, vous dites que la Loi sur les Indiens contient des options qui permettent au ministre de régler ces situations. Je ne sais pas à quoi vous faites allusion; je ne connais pas assez bien la Loi sur les Indiens.

Je suis curieux. Vous avez parlé avec éloquence contre la colonisation et en faveur d'un cheminement vers la gouvernance, mais il y a des dispositions dans la Loi sur les Indiens qui pourraient être utilisées pour régler des problèmes comme les conflits de leadership prolongés ou la corruption. Est-ce qu'ils sont de nature moins coloniale que ce qui est proposé aux alinéas (3)(1)b) et c)? Est-ce que le ministre n'agit pas en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens avec le même genre d'approche colonialiste que vous critiquez ouvertement?

Mme Wilson-Raybould : Merci de cette question supplémentaire. La Loi sur les Indiens est une loi qui a créé d'énormes difficultés au sein de nos Premières nations.

En travaillant pour se libérer de la Loi sur les Indiens, les Premières nations cherchent des solutions de rechange pour élaborer leurs propres codes électoraux coutumiers, des codes qui nécessitent une longue réflexion dans les collectivités et qui sont légitimés par les citoyens, ou des solutions pour améliorer certaines dispositions du régime de la Loi sur les Indiens. Cela est reflété dans les exposés que le CCPNA a présentés ici, aujourd'hui, lorsque nous parlons de prolonger le mandat des élus pour le porter à quatre ans, de fixer des dates d'élection communes, de définir des processus de mise en candidature et de scrutin postal.

Pour répondre à votre question au sujet du colonialisme et du ministre qui intervient ou impose des choses aux Premières nations, nous voulons nous éloigner de cela. Nous voulons qu'il soit impossible pour le ministre d'imposer quoi que ce soit dans nos vies, et qu'il aide plutôt les Premières nations à renforcer leur capacité. Évidemment, nous comptons sur nos partenaires étatiques pour appuyer les Premières nations dans cette démarche et les aider à élaborer ce qui leur convient en matière de processus électoraux et même, au-delà des élections, à développer leurs institutions élémentaires. Nous comptons sur les Premières nations — et c'est une tâche qui incombe à tous les gouvernements — pour élaborer des règles nécessaires au règlement approprié des conflits qui pourraient survenir dans nos collectivités. Il pourrait s'agir, comme le suggèrent le rapport sénatorial ainsi que l'ACM et le CCPNA, d'examiner des méthodes traditionnelles ou des mécanismes de règlement des différends pour régler les problèmes qui surviennent dans un contexte électoral, qu'il s'agisse d'un tribunal appuyé et créé par les Premières nations, de commissions ou d'autres solutions. Quoi qu'il en soit, nous cherchons à éliminer le rôle ministériel qui consiste à imposer des régimes à nos collectivités.

Le sénateur Dyck : Vous avez très clairement présenté les avantages du projet de loi S-6. J'ai particulièrement aimé l'analogie de la Loi sur les Indiens avec un ballon. Je crois que ce ballon est peut-être trop gonflé et même déformé. Vous savez, ces ballons dont on peut modifier la forme. Cette loi n'est plus vraiment adaptée à notre époque.

J'étais curieuse de connaître les dispositions relatives aux processus d'appel, je me demandais s'il valait mieux avoir un tribunal ou le système judiciaire décrit dans le projet de loi. Quand le ministre est venu, je crois qu'il a indiqué que, de toute façon, si jamais il intervenait dans la décision définitive, cette décision pourrait encore être contestée devant les tribunaux.

En vertu de la Loi sur les Indiens, le processus d'appel est apparemment très long, et le ministre est responsable, alors le conflit traîne en longueur. Pensez-vous qu'il serait plus rapide de s'adresser directement aux tribunaux? Pour ce qui est des délais, la disposition du projet de loi S-6 est-elle préférable à un recours au ministre ou au tribunal? Est-ce qu'une décision judiciaire peut également faire l'objet d'un appel? Le système judiciaire est-il vraiment la dernière option?

Mme Wilson-Raybould : Je crois qu'effectivement le tribunal est le dernier recours pour obtenir des précisions ou une déclaration, alors il y a toujours cette option de s'adresser au tribunal. Pour ce qui est des appels, je peux parler pour ma propre collectivité. Nous avons notre propre code coutumier, et en cas de conflit concernant les élections — ce qui ne s'est jamais produit — nous nous adressons au conseil des aînés. Les procédures de notre conseil des aînés sont énoncées dans le code électoral.

J'ai entendu des membres des Premières nations, au Manitoba ou à l'occasion de discussions avec mes amis les sénateurs et dans les témoignages, dire que l'on pourrait examiner d'autres options que le recours direct aux tribunaux, envisager des solutions définies par les Premières nations pour créer un intermédiaire, un tribunal ou une commission par exemple, afin de réunir les Premières nations, si possible, et d'examiner les questions relatives aux élections, de renforcer la capacité et de considérer les conflits éventuels. Les Premières nations devraient pouvoir procéder ainsi de leur plein gré, chercher à régler les conflits électoraux tout comme l'ont fait les Premières nations qui ont adopté des codes électoraux coutumiers. Elles ont adopté des dispositions fondées sur la culture, les traditions et les priorités, et les tribunaux constituent un dernier recours.

M. J. Paul : Notre objectif est d'améliorer le processus électoral, y compris la procédure d'appel. Au bout du compte, indépendamment du régime, quelqu'un peut toujours intenter des poursuites en s'adressant au mécanisme prévu par la loi ou, s'ils ne sont pas d'accord avec le tribunal, en se tournant à nouveau vers le système judiciaire. Nous, nous cherchons à respecter nos collectivités, leurs besoins et leurs aspirations pour mettre sur pied un processus électoral et une procédure d'appel qui nous conviennent. Nous savons maintenant que ce qui existe en vertu de la Loi sur les Indiens ne fonctionne pas et nous essayons de corriger le tir.

Comme elle a dit au sujet des approches coutumières, ces processus d'appel coutumiers prévoient des mécanismes, notamment pour le règlement des différends, mais il est quand même possible de se retrouver devant les tribunaux si la question n'est pas réglée. Si quelqu'un n'est toujours pas satisfait, il peut se tourner vers les tribunaux.

Le sénateur Dyck : Chef Wilson-Raybould, vous avez dit que le projet de loi S-6 ne faisait pas de distinction entre les Premières nations qui tiennent des élections en vertu de la Loi sur les Indiens et celles qui ont des codes électoraux coutumiers. Pourquoi est-ce un problème?

Mme Wilson-Raybould : J'y ai fait allusion dans ma déclaration préliminaire. D'après ce que je vois et compte tenu de toute l'information qui circule au sujet du projet de loi, une Première nation peut, sur résolution du conseil de bande, demander d'être inscrite à l'annexe de la loi. Il n'y a pas de distinction entre les nations régies par la Loi sur les Indiens et celles qui ont des codes coutumiers. Selon moi, et je viens d'une collectivité dotée d'un code électoral coutumier, notre code coutumier et l'engagement communautaire ont fait l'objet de discussions pendant des années. Finalement, notre code a été entériné par nos citoyens lors d'un référendum.

À la lecture de la loi, je me suis dit que, par exemple — et j'ai énormément de respect pour notre chef — un chef et un conseil qui voudraient inscrire leur collectivité à l'annexe de la loi pourraient le faire au moyen d'une résolution du conseil de bande, ce qui est beaucoup plus simple qu'un référendum. Je crois que notre code coutumier comprend des dispositions qui empêchent notre Première nation de procéder ainsi, mais il est toujours possible que, quelque part, une résolution du conseil l'emporte sur un référendum.

C'est peut-être une conséquence fortuite du projet de loi, mais je voulais simplement faire valoir cette préoccupation.

Le sénateur Dyck : Chef Paul, pourquoi préférez-vous le projet de loi S-6 au code coutumier? Vous nous avez très bien expliqué que le projet de loi était supérieur aux dispositions de la Loi sur les Indiens, mais pourquoi ne pas choisir plutôt un code coutumier?

M. J. Paul : Nous avons parlé des codes coutumiers dans notre région, où environ 25 p. 100 des collectivités en ont un, ainsi qu'à d'autres collectivités qui ont des codes coutumiers. Lorsqu'elles ont créé leurs codes coutumiers, elles ont suivi un processus rigoureux. Le problème que nous percevons ou qui nous a été souligné dans certains cas, c'est que ces codes, dans une certaine mesure, n'ont pas été modernisés depuis leur création et qu'ils accusent maintenant du retard, car la loi a évolué.

Un des principaux problèmes que nous avons constatés est que les codes coutumiers et les collectivités s'efforcent de traiter de tous les aspects possibles pendant la rédaction. Ils couvrent tous les aspects possibles. Toutefois, dans notre région, depuis l'adoption des premiers codes coutumiers, personne n'a suivi. Nous essayons de comprendre ce qui se passe et pourquoi le mouvement s'est arrêté. Il est difficile de mettre un code coutumier au point, et les conseils et les collectivités doivent s'engager, parce qu'il faut des mois et des années de travail pour mener le processus à terme. Il faut une mobilisation complète et une participation pleine et entière. Tous doivent participer pour comprendre le code coutumier.

Je crois que, finalement, nous devons respecter ces choses, mais les collectivités qui ont un code coutumier nous disent que la Charte et les changements de la loi les inquiètent, ils craignent que les codes coutumiers puissent faire l'objet de contestations fondées sur une loi qui a évolué. Cette situation menace certains codes coutumiers que les collectivités n'ont peut-être pas modernisés de façon systématique.

Mme Paul : La participation est très faible dans les collectivités, les gens ne parlent pas de ces choses et le travail ne se fait pas. C'est un sérieux problème.

Le sénateur Raine : Merci de l'appui que vous accordez à l'esprit de la loi. Nous croyons nous aussi que la prolongation du mandat de deux à quatre ans fera une énorme différence.

Je m'adresse aux représentants du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique. Pensez-vous que l'adoption d'un mandat de quatre ans aidera les Premières nations à passer à la prochaine étape et à adopter un code, compte tenu de certains avantages du code coutumier et notamment du processus d'appel et de l'établissement d'un conseil des aînés pour entendre les appels? Croyez-vous que le mandat de quatre ans est une mesure transitoire qui mènera à l'adoption de codes coutumiers?

M. J. Paul : Nous voulons tous la même chose, nous voulons progresser sur le continuum de l'autonomie gouvernementale et de l'auto-détermination. Nous voyons là une mesure transitoire. Je crois que la possibilité de porter de deux à quatre ans la durée du cycle électoral modifiera fondamentalement la façon dont les collectivités travaillent. Les changements qui surviendront grâce à cette mesure sont plutôt fondamentaux, et nous les constaterons dans les collectivités. Quand nous parlions de certains des éléments proposés dans le projet de loi, nos dirigeants et nos membres étaient renversés d'apprendre qu'il n'y avait pas de pénalités prévues dans le régime électoral de la Loi sur les Indiens pour les infractions électorales. Les gens étaient scandalisés. Je crois que les mandats de quatre ans aideront les collectivités à renforcer leurs capacités et, si elles le désirent, à développer les connaissances, le savoir-faire et la capacité nécessaires à l'élaboration d'un code coutumier. Si c'est là l'objectif de la collectivité, elle y parviendra. Nous essayons d'appuyer des mesures progressives pour les aider à cet égard. Le projet de loi nous aidera pour tout un éventail d'aspects et, je l'espère, il incitera nos jeunes à penser à long terme, à penser à un avenir qui s'étend sur plus de 730 jours, ce qui est la durée actuelle du cycle électoral.

Le sénateur Raine : Est-ce que les alinéas 3(1)b) et c) vous inquiètent? Personnellement, je pense qu'un très petit groupe de Premières nations connaîtraient ces situations extrêmes. Je pense que personne n'est entièrement confortable à l'idée de confier la décision au ministre. Toutefois, est-ce qu'il y a un autre mécanisme qu'on pourrait adopter? Avec le mandat de deux ans, les problèmes sont probablement plus fréquents, alors serait-il acceptable d'obliger les gens de passer à un mandat de quatre ans?

M. J. Paul : Je crois qu'imposer une volonté extérieure à la collectivité a toujours des conséquences. Nous savons d'expérience que si quelqu'un impose sa volonté aux collectivités, celles-ci réagissent très mal. Il faut vraiment obtenir le soutien et la mobilisation de tous nos citoyens pour effectuer ces changements, pour améliorer la collectivité à long terme.

Le sénateur Raine : Pensez-vous qu'il serait possible de reformuler les alinéas b) et c) pour que le ministre puisse demander la tenue d'un référendum, pour instaurer un mécanisme qui permettrait aux membres de la collectivité de s'exprimer autrement que par la décision de leur conseil? Est-ce une option?

M. J. Paul : Je crois que cela appartient aux collectivités elles-mêmes. Dans ce genre de situation, la volonté de la population est primordiale. S'il y avait un mécanisme logique, je suis certain que les gens l'envisageraient.

Mme Wilson-Raybould : Pour rester dans la même veine, je dirai que j'y ai fait allusion dans mes commentaires au sujet d'un autre mécanisme et de la façon dont ceux qui sont ici et le gouvernement du Canada peuvent appuyer les Premières nations pour les aider à progresser sur ce continuum. Il faut appuyer l'édification des nations, appuyer les Premières nations pour qu'elles renforcent leur capacité de gouvernance, appuyer les Premières nations pour qu'elles établissent leurs propres institutions fondamentales, y compris les élections. Toute imposition par le ministre, que ce soit à la suite d'un référendum ou autrement, est perçue comme une entrave à l'édification des nations et à la capacité de gouvernance des Premières nations.

Les Premières nations, comme d'autres gouvernements, doivent être responsables de leurs gouvernements. En vérité, je le répète, les Premières nations doivent régler ces questions et relever ces défis elles-mêmes, qu'il s'agisse d'élections ou d'autre chose. Ce n'est pas seulement la question des élections. En règle générale, il faut appuyer les progrès des Premières nations sur le continuum et les aider à élaborer leurs institutions fondamentales sans ingérence du ministre ni du gouvernement du Canada, mais avec leur appui.

Le sénateur Raine : J'imagine que l'Assemblée des Premières Nations sait quelles Premières nations ont des problèmes de gouvernance et que l'Assemblée des Premières Nations a un programme pour les aider à apprendre de celles qui ont réussi à instaurer leur modèle de gouvernance. Est-ce que c'est juste?

Mme Wilson-Raybould : Oui. Le chef national et l'Assemblée des Premières Nations, dans tout le pays, collaborent avec les collectivités pour qu'elles s'appuient les unes les autres, qu'elles partagent leurs expériences et leurs réussites ainsi que leurs difficultés et qu'elles en tirent les leçons qui s'imposent. Moi, à titre de chef régionale de la Colombie- Britannique, je peux vous affirmer que nous avons essayé de partager ces expériences et vous expliquer ce que font nos collectivités en matière de gouvernance en publiant un rapport sur la gouvernance qui reflète la situation de nos 203 collectivités.

Dans ma région, 109 Premières nations ont des codes d'élection coutumiers, 77 sont encore assujetties à la Loi sur les Indiens et 13 ont des lois électorales généralement consacrées par des constitutions. Ces Premières nations sont toutes autonomes.

Il y a des leçons à tirer de toutes les Premières nations, où qu'elles se trouvent sur le continuum de la gouvernance. Au pays, nous appuyons cet échange d'information, mais nous attendons aussi de nos partenaires étatiques qu'ils favorisent le renforcement des capacités dans nos collectivités et qu'ils aident les Premières nations qui définissent leurs propres institutions fondamentales.

Le sénateur Meredith : Merci beaucoup de ces exposés. Pardonnez-moi mon retard.

Chef Wilson-Raybould, je suis ravi de vous revoir. J'ai entendu la fin de votre exposé. Je me trompe peut-être, mais je crois que vous avez dit que ce projet de loi n'était pas nécessaire lorsque les bandes élaborent leurs propres codes électoraux ou déterminent leur processus électoral. Est-ce que vous recommandez des amendements à ce projet de loi que vous appuyez de façon générale? Pourriez-vous préciser cela?

Mme Wilson-Raybould : Merci. Je suis moi aussi heureuse de vous revoir.

Pour ce qui est du projet de loi, S-6, nous appuyons évidemment la position du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique et nous appuyons l'élaboration d'outils sous la direction des Premières nations pour leur permettre d'améliorer leurs systèmes électoraux. Comme mes amis l'ont indiqué, et à la lecture du projet de loi, je constate qu'elle améliore considérablement certaines dispositions de la Loi sur les Indiens.

Quant à ce je disais au sujet des recommandations ou des amendements à apporter au projet de loi, je recommande au comité d'envisager l'élimination des alinéas 3(1)b) et c), qui autorisent le ministre à inscrire des Premières nations à l'annexe de la loi.

Je crois que cela répond à votre question, sénateur, à moins que vous ayez une question de suivi?

Le sénateur Meredith : Oui. Vous avez aussi parlé du processus d'appel. Ne pensez-vous pas que le projet de loi répond aux préoccupations relatives aux délais, à la fréquence des appels et à la transparence du processus?

Mme Wilson-Raybould : Pour ce qui est des appels, il est certainement possible de confier la responsabilité du mécanisme d'appel non plus au ministre, mais aux tribunaux. C'est une option que certaines Premières nations de ma province ont adoptée, compte tenu du fait que c'est probablement moins coûteux.

Cela dit, je sais qu'il y a au pays des Premières nations qui envisagent un autre mécanisme, s'il est appuyé par les Premières nations ou si les Premières nations décident de se réunir pour créer une institution qui facilitera la tenue des élections en renforçant la capacité d'élaborer des codes électoraux, en désignant une seule et même personne pour surveiller le déroulement des élections ou en autorisant le recours aux tribunaux, pour pouvoir établir des mécanismes appropriés pour régler les éventuels différends relatifs aux élections. Les Premières nations pourraient alors s'adresser à un organe qu'elles ont contribué à définir, ce qui est plus approprié pour le règlement des différends.

J'ai mentionné que dans ma propre collectivité le mécanisme de règlement des différends était le conseil des aînés, qui détermine, d'après des dispositions strictes exposées dans notre code, s'il convient ou non d'annuler une élection dans la collectivité.

Le sénateur Meredith : Je ramène toujours cela au développement économique. Je pense que M. John Paul a mentionné que nos jeunes verraient des mandats de quatre ans plutôt que de deux ans. Je ramène toujours cela, chef Wilson- Raybould, au fait que les Premières nations ont besoin de s'appuyer sur le développement économique pour pouvoir progresser.

Quant aux conflits prolongés dans le système judiciaire, comment pensez-vous que cela se répercute sur les décisions d'aménagement territorial et la création d'emplois, si les décideurs ne sont pas en mesure de prendre des décisions? Croyez-vous que cela a des répercussions sur la collectivité?

Mme Wilson-Raybould : Il est certain que tout gouvernement engagé dans un conflit prolongé au sujet de son élection ne fonctionne pas aussi bien, et cela crée de l'incertitude et peut freiner le développement économique.

Je reviens à ce que j'ai dit au sujet des conflits prolongés, qui sont très rares, si j'ai bien compris et d'après ce que je sais de la situation en Colombie-Britannique. Ils ne se produisent pas souvent. On ne peut pas affirmer qu'il y a des conflits de leadership prolongés dans les collectivités des Premières nations de tout le pays, c'est tout simplement inexact.

Toutefois, quand il y en a — et cela peut se produire —, c'est la Première nation qui doit utiliser les recours ou fournir des solutions pour régler ces conflits. L'imposition de solutions par un organisme externe à la Première nation a des effets négatifs et débilitants sur la capacité d'autonomie gouvernementale de cette Première nation et freine son progrès sur le continuum de la réforme gouvernementale.

Le sénateur Meredith : Chef Paul, je n'ai pas entendu votre exposé, mais j'ai lu rapidement le passage où vous dites croire que si un meilleur système électoral était instauré, la majorité des Premières nations en profiterait immédiatement.

Pourriez-vous m'expliquer les avantages immédiats que vous envisagez, les cinq, sept ou 10 premiers, tous ceux que vous voudrez mentionner, en termes de réforme de cette loi?

Mme Paul : Certainement. Vous l'avez vous-même dit, le développement économique en est un. Vous avez aussi parlé de stabilité dans les collectivités. Il y a l'adoption de codes de leadership et de codes de gouvernance. Le mandat de quatre ans nous permettrait d'y arriver. Il est important d'assurer le développement économique dans nos collectivités. Vous attireriez de meilleurs partenaires et de meilleurs contrats avec un mandat de quatre ans, et la stabilité s'en trouverait améliorée.

Le sénateur Meredith : Que disent les jeunes de ce processus?

Mme Paul : Je crois que les jeunes l'appuient. Ils ne reconnaissent pas les problèmes que le mandat de deux ans entraîne, mais je crois qu'ils sont d'accord.

Le sénateur Meredith : Merci.

Le sénateur Brazeau : Bonjour à tous. J'ai une question de procédure, et n'importe qui peut y répondre.

Essentiellement, pourriez-vous décrire le processus de consultation du ministère d'une part et celui qui a été mené au nom de votre organisation auprès des membres des diverses collectivités? Par exemple, est-ce qu'il y a eu des séances d'information ou des réunions? Qui a été consulté? Est-ce que les membres qui habitent dans la réserve et ceux de l'extérieur ont été consultés? Vous n'avez peut-être pas ici les chiffres pour ce qui est du nombre de personnes qui ont assisté à ces séances, mais je suis certain que vous pouvez les fournir à la greffière pour que nous sachions qui exactement a été consulté dans vos collectivités et quel est le niveau d'adhésion.

M. J. Paul : Je peux vous donner notre perspective. Je crois qu'il ne faut pas oublier que lorsque nous avons lancé le processus, notre coprésident précédent est venu au Sénat, il y a deux ou trois ans, pour demander que le mandat soit porté à quatre ans.

La décision initiale, prise il y a près de trois ans, a lancé la discussion sur le processus électoral dans les collectivités. Cela a donné l'élan nécessaire. Nos chefs ont accepté de collaborer étroitement avec le ministère, et le ministère a accepté de dégager les problèmes relatifs au processus électoral dans l'ensemble du pays. Nous avons produit un document de travail et un site Facebook et nous avons organisé des réunions avec tous les chefs et conseils intéressés de la région. Nous avons mené un sondage en ligne auquel tous ceux qui le désiraient pouvaient participer. Il est resté sur notre site web pendant tout le processus. Notre page Facebook permettait à tous ceux qui le voulaient, les Autochtones comme les non-Autochtones, de donner leur opinion sur nos travaux. Nous sommes allés partout où l'on nous a invités pour en parler, nous en avons parlé à des jeunes, à des réunions communautaires, à des réunions des chefs et des conseils et à des réunions régionales ou provinciales.

Une fois terminé ce travail, nous avons produit et remis au gouvernement un document de travail qui exposait certaines de nos constatations. Nous avons rencontré les chefs du Manitoba, qui avaient effectué simultanément le même type de processus auprès de leurs collectivités et de leurs membres. Nous avons rencontré le ministère à Ottawa et nous avons décidé de parler à d'autres personnes au pays au sujet de ce que nous faisions, pour faire connaître à d'autres régions et à l'Assemblée des Premières Nations nos constatations et les propositions que nous avions élaborées à partir de la rétroaction reçue.

Les données sur la consultation et la participation ainsi que le texte du rapport sont affichés sur notre site web, et toute l'information a été communiquée à tous les intéressés.

Après avoir tenu des rencontres avec l'Assemblée des chefs du Manitoba à Ottawa et avec AADNC, nous avons sillonné tout le pays, pour présenter nos idées à des tribunes régionales et provinciales, poser des questions et recueillir de l'information auprès de tous ceux qui voulaient bien participer. Je ne sais plus pendant combien de mois nous avons fait cela. À la fin, nous avons remis un rapport final au gouvernement du Manitoba et au CCPNA. Nous avons parlé à nos chefs, adopté une résolution et présenté un rapport à AADNC.

Dans de nombreux cas, nous avons collaboré étroitement avec le gouvernement pour comprendre certains des problèmes, mais les discussions étaient vraiment menées du point de vue des Premières nations. Le ministère assurait simplement un soutien. Il a attendu que nous présentions nos propositions. Dans le cadre de cette discussion sur le régime électoral, il était essentiel que nous présentions et que nous expliquions nos problèmes et nos préoccupations relativement au processus électoral. Qu'il s'agisse des femmes, des jeunes ou des aînés, tous ont des préoccupations distinctes. Nous avons dit à chacun, avec l'accord des chefs, qu'indépendamment du résultat de notre travail, nous veillerions à ce que les collectivités soient libres de participer ou non.

C'est une loi autonome. Il n'est pas nécessaire d'adhérer à la Loi sur les élections au sein des Premières nations. C'est un principe fondamental que nous avons exposé pendant toutes les consultations menées auprès des Premières nations. Chacun a ses propres idées sur ce qu'il faut faire, nous le savions, et nous avons simplement lancé cette idée pour tenter de formuler des solutions à divers problèmes définis par tous ceux avec qui nous avons discuté, et c'est le résultat de ce que nous avons présenté.

Le sénateur Brazeau : Je suis heureux que le CCPNA appuie ce projet de loi. J'aimerais comprendre en quoi le processus consultatif mené par le ministère avec le CCPNA différait des consultations relatives à d'autres projets législatifs pour permettre d'obtenir un niveau d'acceptation plus élevé à l'égard du projet de loi.

Vous avez dit que vous aviez assisté à des réunions quand vous étiez invités. Avez-vous une idée du nombre de rencontres en personne auxquelles vous avez participé? Est-ce que ces réunions étaient avec les chefs et les conseillers de collectivités dans les Maritimes ou est-ce que les membres des collectivités assistaient aux séances d'information et ont fourni de la rétroaction?

M. J. Paul : Nous avons fait tout cela. Nous étions très ouverts. Dans notre région, en particulier, nous avons invité aux discussions tous les groupes de toutes les provinces.

Quand nous avons parcouru le pays, nous avons travaillé avec les organisations régionales d'autres parties du Canada. Par respect pour nos collègues du pays, moi-même ou un représentant de l'Assemblée des chefs du Manitoba avons fait des exposés sur les aspects qui les intéressaient.

Le sénateur Brazeau : Je ne veux pas vous faire la vie dure, mais j'essaie de comprendre le processus. Est-ce qu'il s'agissait de réunions en personne entre les conseillers et les chefs ou avec des membres de la collectivité? Si vous avez une idée du nombre de réunions dans les Maritimes, j'aimerais que vous nous en fassiez part. Si vous n'avez pas ces chiffres ici, je vous serais reconnaissant de les faire parvenir au comité.

M. J. Paul : Nous pouvons fournir les détails de toutes les séances. Je suis certain que lorsque nos collègues du Manitoba viendront, ils pourront vous indiquer le nombre de séances qu'ils ont tenues. Nous avons produit un rapport avec tous ces détails et nous le transmettrons avec plaisir au comité.

Le sénateur Brazeau : Cela nous sera utile.

Est-ce que les séances étaient menées par le chef et le conseil ou avec des membres?

M. J. Paul : Les deux.

Le sénateur Ataullahjan : Pour faire suite à ma question précédente, monsieur John Paul, s'il n'y a pas eu de consultations au Québec, pensez-vous qu'il y a un engagement national suffisant à l'égard de ce projet de loi?

M. J. Paul : Comme je l'ai dit, nous ne sommes pas allés au Québec parce que notre organisation compte dans cette province trois collectivités micmaques et une collectivité malécite et que nous avons constaté que la majorité de ces collectivités utilisaient un code électoral coutumier. Il était donc peu probable qu'elles passent de la Loi sur les Indiens à cette loi.

Mme Wilson-Raybould : J'ajouterai quelque chose et je répondrai aussi à la question du sénateur Brazeau. À l'APN, nous avons eu une réunion avec le ministère à l'automne pour discuter de ce projet de loi. Nous avons organisé un forum national et un dialogue sur la politique et nous y avons invité les membres du CCPNA et ceux de l'Assemblée des chefs du Manitoba pour parler du projet de loi proposé. En Colombie-Britannique, des représentants de l'ACM sont venus faire des exposés aux réunions de nos chefs.

Malgré ce qu'a affirmé mon collègue, je crois qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une loi autonome, et comme je l'ai fait valoir dans le cas des alinéas 3(1)b) et c), ces dispositions ne sont pas facultatives. Si la loi était entièrement facultative, ces dispositions seraient éliminées.

Quant aux consultations, au Québec ou ailleurs, il n'y en a pas eu en Colombie-Britannique, sauf dans le cadre de deux ou trois réunions des chefs. En effet, c'est seulement un outil parmi d'autres dans une boîte à outils que les Premières nations peuvent utiliser. En Colombie-Britannique, essentiellement, nos collectivités ont choisi de rédiger et de ratifier des codes électoraux coutumiers ou de conclure des ententes sur l'autonomie gouvernementale, à l'intérieur ou à l'extérieur du processus de traité. Je ne parle pas du Québec, mais cette initiative était dirigée par le CCPNA et, dans une certaine mesure, par l'ACM. Dans ma région — et c'est la seule dont je peux parler avec autorité —, ce n'est pas quelque chose qui nous intéresse parce que nous utilisons d'autres outils que nous avons à notre disposition pour réformer le système électoral. Cela dit, nous appuyons l'élaboration de cet outil particulier qui réglera bon nombre des difficultés que présente le régime électoral et nous appuyons nos collègues de la région Atlantique qui veulent avoir un autre outil à leur disposition.

Le sénateur Ataullahjan : Malgré l'absence de consultations, avez-vous reçu une rétroaction du Québec?

M. J. Paul : Nous avons reçu une rétroaction des collectivités membres de l'organisation. Elles ont participé à notre processus. Je crois que deux ou trois ont un régime électoral coutumier, mais nous avions dit que même celles qui avaient un code coutumier pouvaient commenter nos travaux. Nous étions disposés à écouter toutes les idées. Nous avons procédé ainsi par souci d'ouverture et de transparence avec tous les participants. Nous voulions recueillir de bonnes idées et les mettre de l'avant. Nous avons accepté les critiques, les appuis et les idées de divers intervenants et de diverses collectivités, qu'elles fonctionnent selon un régime coutumier ou en vertu d'une entente d'autonomie gouvernementale. Cela nous était indifférent. Nous voulions améliorer notre processus.

Le sénateur Ataullahjan : Merci.

Le sénateur Demers : Bonjour, merci beaucoup. Les exposés et les questions des deux côtés m'ont semblé très opportuns.

Les mesures législatives ne seront d'aucune utilité. Ce qu'il faut savoir, c'est comment vous allez vous y prendre pour que cela soit aussi honnête et équitable que possible. Nous parlons depuis une heure et demie, vous avez fait mention des grands problèmes, de la corruption et des conflits. Comment pourrez-vous exiger des comptes pour tenir une élection et élire les bonnes personnes afin d'améliorer les capacités de vos membres?

Je n'essaie pas d'embarrasser qui que ce soit. Je respecte énormément ce que vous avez dit aujourd'hui.

Mme Wilson-Raybould : Je vais essayer d'être brève, probablement en reprenant autrement les commentaires que j'ai déjà formulés aujourd'hui. Pour ce qui est de notre façon de travailler afin que le processus soit aussi honnête et équitable que possible, nos Premières nations s'engagent dans ces activités et définissent leurs institutions de gouvernance. Concrètement, elles relèvent les défis relatifs à la responsabilisation, à la transparence, au choix de nos dirigeants et à l'élaboration des règles à utiliser pour prendre des décisions et formuler des lois.

Les difficultés en matière de transparence ou de responsabilisation sont, selon moi, fort exagérées. Les collectivités des Premières nations élaborent des lois et des règles. Elles demandent l'appui de nos partenaires étatiques pour effectuer ce travail, pour pouvoir progresser sur le continuum et développer la capacité — lorsque nous aurons notre constitution et nos institutions gouvernementales fondamentales —, à titre de Premières nations, de mettre tout cela en pratique, de nous libérer de la Loi sur les Indiens lorsque nous serons prêts, disposés et capables de le faire en fonction de nos propres lois et de réfléchir à ces questions.

Actuellement, comme je l'ai dit, nous n'avons pas de mécanisme concret pour appuyer les Premières nations qui veulent se soustraire à la Loi sur les Indiens après avoir élaboré leurs propres lois et les avoir consacrées dans une constitution ou d'autre façon. Il n'y a pas de mécanisme, sauf un tribunal qui déclarerait que la Loi sur les Indiens ne s'applique pas, ou encore de longues négociations avec le gouvernement du Canada pour conclure des ententes d'autonomie gouvernementale. Nous cherchons un mécanisme pour que, lorsqu'une Première nation est prête, le gouvernement puisse s'écarter et permettre à la collectivité de progresser.

Les lois en matière de responsabilisation et les activités de nos collectivités en matière de réforme de la gouvernance reconnaissent que la reddition de comptes et la transparence sont des obligations envers nos citoyens plutôt qu'envers un autre gouvernement. C'est la principale mesure de responsabilisation, et ces mécanismes que nous élaborons seront légitimés par nos citoyens. Les gouvernements des Premières nations rendront des comptes à leurs citoyens.

Mme Paul : Le régime électoral actuel de la Loi sur les Indiens a créé de nombreux problèmes, en particulier en ce qui concerne le vote postal. Je suis d'accord avec Mme Wilson-Raybould, il faut que les solutions viennent des Premières nations. Elles doivent élaborer les règles et les mécanismes nécessaires pour corriger ces irrégularités.

Ce n'est pas une épidémie, mais lorsqu'elles produisent, il faut s'en occuper.

C'est le régime électoral actuel défini dans la Loi sur les Indiens qui crée ce problème. Dans la région atlantique, nous avons jugé nécessaire de faire quelque chose pour y remédier, intervenir, contrôler ce qui se passe et rendre compte à nos peuples.

Le sénateur Demers : Merci beaucoup. Je crois ce que vous dites, et vous avez ma confiance.

Le sénateur Dyck : J'aimerais revenir au commentaire de Mme Wilson-Raybould concernant les conséquences fortuites de l'alinéa 3(1)a), le risque qu'une Première nation qui utilise un code coutumier puisse être inscrite. J'examinais les notes que le ministre Duncan a lues lors de sa comparution. En général, il renvoyait aux Premières nations en vertu de la Loi sur les Indiens et il disait que le projet de loi S-6 constituait une amélioration.

Je crois que l'existence d'un code coutumier permet à une Première nation de se soustraire à la Loi sur les Indiens.

Toutefois, le ministre a affirmé que le projet de loi S-6 constituait une nette amélioration et que les Premières nations décideraient d'elles-mêmes si le système qu'il propose est préférable au régime électoral actuel de la Loi sur les Indiens ou à leur propre code électoral coutumier pour élire leurs dirigeants.

Quelque chose ne va pas. Si vous regardez le paragraphe 42(1) du projet de loi, qui porte sur le retrait d'une Première nation, vous constatez que pour se retirer du projet de loi S-6, il faut avoir élaboré son propre code coutumier.

Le projet de loi ne respecte pas ses propres dispositions. Je me demande donc si vous voulez recommander que l'alinéa 3(1)a) soit modifié pour préciser que pour être inscrite, une Première nation doit être assujettie aux dispositions électorales de la Loi sur les Indiens. Cela exclurait les Premières nations qui utilisent un code coutumier, celles qui sont autonomes et celles qui se fondent sur leur propre mode traditionnel ou héréditaire pour désigner le chef et les conseillers. Cela serait parfaitement clair.

Mme Wilson-Raybould : Merci de cette question, je reconnais la difficulté pour les rédacteurs. Mon commentaire sur les conséquences fortuites ne visait pas à exclure les Premières nations qui décident de s'inscrire à l'annexe du projet de loi S-6.

Il reflétait la possibilité que le seuil fixé pour l'approbation d'un code électoral coutumier en fonction de l'engagement communautaire puisse être menacé si l'on ne fait pas de distinction entre les chefs élus en vertu de la Loi sur les Indiens qui choisissent d'adopter une résolution et les conseils élus suivant un code coutumier qui adoptent une résolution. Je voulais être certaine que le seuil n'était pas menacé ni modifié et qu'il ne serait pas abaissé au risque de modifier quelque chose de bien établi dans la collectivité.

Cela dit, les codes coutumiers comprennent des dispositions exigeant qu'une modification respecte certains critères et, évidemment, sur le plan politique, le chef et les conseillers des Premières nations qui adopteraient une résolution pour abolir un code communautaire devraient en accepter les conséquences lors des élections suivantes.

Le projet de loi pourrait préciser les choses en autorisant toutes les Premières nations à s'inscrire à l'annexe de la loi, mais il devrait également reconnaître qu'il existe divers types de Premières nations, qu'elles fonctionnent en vertu d'une entente d'autonomie gouvernementale ou d'un code électoral coutumier. Vous avez bien raison.

Le sénateur Brazeau : Ma question s'adresse au chef Wilson-Raybould. Vous avez beaucoup parlé des alinéas 3(1)b) et c), et je crois que vous avez raison, je le répète, le ministre aurait trop de pouvoir pour décider des questions de gouvernance dans les réserves ou les collectivités des Premières nations.

Diriez-vous également qu'avec le projet de loi dans sa version actuelle, qui ne prévoit pas un référendum pour demander à la collectivité si elle veut se prévaloir de ce régime et qui se contente plutôt d'une résolution du conseil de bande — et je me fais l'avocat du diable ici —, il se pourrait que dans une petite collectivité avec un petit nombre de conseillers et un chef, une résolution du conseil de bande soit adoptée et le conseil a peut-être intérêt à porter son mandat de deux à quatre ans? Parce que ce conseil de bande adopte une résolution, cela équivaut pratiquement — et je dis bien « pratiquement » — à une adhésion automatique à cette loi. Diriez-vous que, peut-être, les chefs et les conseils de bande auraient plus de pouvoir si la loi était adoptée?

Mme Wilson-Raybould : Je réfléchis à votre question. Elle est longue. Elle nous ramène aux commentaires que vous avez faits quand vous avez parlé des consultations. En ce qui concerne les alinéas 3(1)b) et c), je crois que s'ils sont maintenus dans le projet de loi, la consultation dont vous parliez en termes de clarté et l'ampleur des consultations que vous souhaitez seraient certainement mieux assurées si ces dispositions étaient conservées, l'obligation sera plus forte si ces dispositions demeurent. Si elles sont éliminées, les choses sont plus simples. Le projet de loi est simplifié, aucune consultation n'est exigée parce qu'il s'agit d'une initiative dirigée par les Premières nations et le projet de loi devient entièrement facultatif, ce qu'il n'est pas à l'heure actuelle.

Quant à la dernière partie de vos commentaires, je le répète, je crois que cela se ramène à ce que j'ai dit au sénateur Dyck à ce sujet. Je dois souligner que ce n'est pas une situation endémique chez nous. J'ai un immense respect à l'endroit des dirigeants des Premières nations dans tout le pays. Ils font ce qui doit être fait dans leurs collectivités. Si une Première nation devait adopter une résolution pour s'inscrire à l'annexe de la loi et que la collectivité ou les citoyens n'étaient pas d'accord, il y aurait certainement des conséquences lors des élections suivantes.

Je dirai, d'après ma propre expérience dans ma collectivité et parce que je viens d'une région où il y a un grand nombre de codes électoraux coutumiers, que la base sur laquelle les collectivités de la Colombie-Britannique progressent avec constance est l'engagement communautaire. Nos collectivités ont appuyé les avancées dans le cadre d'élections ou d'autre façon, essentiellement pour légitimer les décisions prises dans les collectivités.

J'appuie entièrement le CCPNA qui veut corriger ou améliorer sans délai les dispositions de la Loi sur les Indiens pour aider les collectivités à progresser. Il peut s'agir des aspects procéduraux des élections, par exemple pour éliminer l'incertitude entourant l'envoi de bulletins de vote postal aux membres hors réserve, accroître la certitude du processus de mise en candidature, prolonger le mandat ou fixer des dates d'élection communes, le projet de loi améliore nettement ces aspects procéduraux. Nous appuyons cet effort. Je ne suis pas certaine que cela répond à votre question.

Le sénateur Brazeau : Merci de votre réponse. Je sais bien qu'il existe de nombreuses pratiques de saine gouvernance dans les collectivités de tout le pays, mais malheureusement il y a aussi une poignée de collectivités, peut-être deux ou trois, qui ne sont pas gouvernées comme elles le devraient. Certainement, un de mes rôles consiste à protéger les intérêts des membres de ces collectivités qui, malheureusement, n'ont pas les dirigeants dont ils ont besoin.

J'espère que vous en conviendrez, en ce qui concerne vos commentaires. En théorie — et il s'agit toujours d'hypothèses —, si une collectivité ou un conseil de bande décidait d'adopter une résolution pour se prévaloir de cette loi, vous avez dit qu'ils en subiraient les conséquences à l'élection suivante. Je suis certain que vous en conviendrez, plutôt que d'attendre deux ans pour cela, les membres de cette collectivité devraient maintenant attendre quatre ans.

Mme Wilson-Raybould : Pour répondre aux commentaires du sénateur Brazeau, je répète que les problèmes de corruption et d'irresponsabilité dans les collectivités des Premières nations ne sont certainement pas aussi prononcés qu'on le dit. Sans vouloir vous manquer de respect, je crois qu'il est erroné de penser que l'imposition d'une loi par un gouvernement de l'extérieur réglera ces difficultés.

Pour progresser de façon positive et constructive, les Premières nations doivent habiliter leurs citoyens et les faire participer à la prise des décisions fondamentales concernant les progrès de leurs collectivités. Ce n'est plus une question de leadership ni de chef et de conseils élus. Le ministre des Affaires autochtones n'y arrivera pas simplement en imposant sa volonté. Cela doit s'inscrire dans le prolongement du travail de développement communautaire auquel se livrent actuellement nos collectivités et pour lequel elles ont besoin d'appui.

Merci de ces questions.

Le sénateur Brazeau : Est-ce que vous appuieriez aussi un amendement qui permettrait aux membres de la collectivité de décider de tenir un vote pour se prévaloir de cette loi? Je crois que cela habiliterait la collectivité à prendre des décisions concernant de meilleures pratiques de gouvernance.

Mme Wilson-Raybould : Je ne suis pas certaine que cela soit vraiment nécessaire. Les Premières nations qui veulent élaborer des codes électoraux coutumiers ont déjà un outil à leur disposition, et c'est un élément fondamental : l'engagement et l'habilitation communautaires et, au bout du compte, la consécration de la légitimité des codes coutumiers. Nous ne voulons pas déployer un nouvel outil proposé par le CCPNA et qui reflète quelque chose qui existe déjà.

Le président : J'écoute les dernières questions et cela me fait penser que si nous habilitons les citoyens, nous devons le faire par un processus d'autonomie gouvernementale. Je souhaite que le Congrès le reconnaisse parce que je sais que le chef Wilson-Raybould est certainement une tenante de cette solution.

J'aimerais vous remercier tous de vos excellents exposés.

Mme Paul : Puisque nous soulignons les réalisations de certaines personnes, et je pense que c'est excellent pour promouvoir nos membres, j'aimerais mentionner le chef Lawrence Paul. Après avoir dirigé sa collectivité pendant 27 ans, le chef Lawrence a récemment perdu les élections. Il a longtemps assuré le leadership des Premières nations au Canada atlantique et il était également coprésident. Sa collectivité, la Première nation de Millbrook, est bien connue au Canada atlantique, et c'est la marque d'un bon leadership.

Je voulais simplement rendre hommage au chef Lawrence Paul.

Des voix : Bravo!

Le président : Nous sommes certainement au courant de son travail, parce que nombre des membres du comité ont visité les collectivités et vu les projets de développement économique qu'il a dirigé. Je le félicite pour ses longs services et son dévouement envers son peuple et tout le Canada. De nombreux habitants de la Nouvelle-Écosse et du Canada ont profité de ce qu'il a fait dans sa collectivité.

Mesdames et messieurs les sénateurs, merci. Sur ce, rien ne presse. Nous ajournons jusqu'à demain.

(La séance est levée.)


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