Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 13 - Témoignages du 7 mars 2012
OTTAWA, le mercredi 7 mars 2012
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : ajouts aux réserves); et pour l'étude article par article du projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs et aux membres du public qui assistent à la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur Internet.
Je m'appelle Gerry St. Germain, je viens de la Colombie-Britannique et j'ai l'honneur d'être le président du comité.
Notre mandat est d'examiner le projet de loi ainsi que toute autre question concernant les peuples autochtones du Canada. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur les ajouts aux réserves. L'expression « ajout aux réserves » renvoie à l'ajout de terres aux réserves existantes ou à la création de nouvelles réserves.
En juin 2011, le Canada, représenté par le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord, et les Premières nations, représentées par le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, ont convenu d'un plan d'action conjoint pour améliorer la prospérité à long terme des peuples des Premières nations et de tous les Canadiens. Le Plan d'action conjoint Canada-Premières nations contient un engagement à explorer des initiatives concrètes visant à permettre aux Premières nations de réaliser leur potentiel économique, y compris les améliorations à apporter à la politique sur les ajouts aux réserves.
On demande aux témoins qui nous aident dans cette étude de donner leur avis et de formuler des observations sur la politique d'AR actuelle, c'est-à-dire la politique d'ajouts aux réserves, et sur ses processus. On les encourage aussi à suggérer des façons de corriger les diverses lacunes de la politique actuelle et de son processus.
Aujourd'hui, nous avons l'honneur d'accueillir des témoins du Bureau du vérificateur général du Canada.
[Français]
Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais vous présenter les membres du comité qui sont présents ce soir.
[Traduction]
À ma gauche, il y a le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest. À ses côtés se trouve le sénateur Lillian Dyck, vice-présidente du comité; elle vient de la Saskatchewan. Il y a ensuite le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick, et le sénateur Charlie Watt, du Québec. À ma droite, il y a le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut. À ses côtés se trouve le sénateur Dagenais, de la province de Québec, ensuite le sénateur Greene Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Vernon White, de l'Ontario, et le sénateur Jacques Demers, du Québec. Enfin, de l'Ontario, nous avons le sénateur Don Meredith.
Mesdames et messieurs les membres du comité, veuillez accueillir nos témoins du Bureau du vérificateur général du Canada. Nous recevons M. Jerome Berthelette, vérificateur général adjoint, et M. Frank Barrett, directeur principal.
Messieurs, comme d'habitude, nous avons hâte d'entendre vos exposés, car ce n'est pas la première fois que nous accueillons des témoins de votre organisme. Comme vous le savez, vos exposés seront suivis de questions.
Jerome Berthelette, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter du chapitre sur les obligations liées aux droits fonciers issus de traités de notre rapport de mars 2009. Je suis accompagné de Frank Barrett, le directeur principal chargé de la vérification.
Une terre peut être ajoutée à une réserve pour diverses raisons. Selon la politique sur les ajouts aux réserves et les nouvelles réserves d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, une terre peut être ajoutée à une réserve afin de remplir une obligation légale comme un accord de règlement, en vue de favoriser la croissance de la collectivité ou la création d'une nouvelle réserve. Une réserve peut être agrandie notamment à la suite du règlement des demandes liées aux droits fonciers issus de traités. Lorsque les traités ont été signés, à l'origine, la superficie appropriée de terres pour les réserves n'a pas toujours été mise de côté.
[Français]
Le Canada a admis qu'il n'avait pas respecté ce type d'obligation prévu par les traités et, au cours des années 1990, a signé des accords sur les droits fonciers issus de traités avec de nombreuses Premières nations de la Saskatchewan et du Manitoba. Les Premières nations qui n'ont pas reçu la superficie appropriée de terre en vertu des traités originaux peuvent donc obtenir des terres additionnelles et les convertir en réserves.
Certaines des Premières nations les plus pauvres du Canada se trouvent au Manitoba et en Saskatchewan. Les terres acquises par ces Premières nations en vertu des accords sur les droits fonciers et sur des traités peuvent avoir une incidence considérable sur leur situation sociale et leur possibilité de développement économique. Ces accords précisent les responsabilités du ministère, des provinces et des Premières nations, notamment en ce qui concerne l'achèvement du processus.
Notre bureau a examiné pour la première fois en 2005 le respect des obligations du gouvernement à l'égard des accords sur les droits fonciers issus des traités. Notre rapport d'audit de novembre 2005 portait expressément sur les progrès réalisés par le ministère dans la conversion en réserve des terres sélectionnées en vertu de ces accords en Saskatchewan et au Manitoba. On a examiné également si le ministère gérait le mécanisme de conversion en conformité avec ses obligations légales envers les Premières nations. Ces obligations comprenaient la conversion en réserves de plus de 1,4 million d'acres au Manitoba et de plus de 2,7 millions d'acres en Saskatchewan, une fois les terres sélectionnées en vue de leur conversion.
Dans le cadre de notre audit de novembre 2005, nous avons constaté un certain nombre de lacunes dans les pratiques de gestion du ministère en ce qui concerne le respect de ses obligations, notamment une planification inadéquate et l'absence de cibles pour la conversion des terres. Nous avons constaté aussi que ces lacunes limitaient le progrès de la conversion des terres en réserves, particulièrement au Manitoba. Nous avons également constaté qu'environ 58 p. 100 des terres sélectionnées par les Premières nations en Saskatchewan avaient été converties en réserves, contre seulement 12 p. 100 au Manitoba. Nous avons alors formulé huit recommandations, la plupart portant sur la nécessité pour le ministère d'améliorer ses pratiques de gestion. Le ministère a accepté nos recommandations et, en 2006, le ministre des Affaires indiennes avait engagé le ministère à convertir en réserve 150 000 acres de terres au Manitoba, annuellement, au cours des quatre années suivantes.
[Traduction]
Lors de notre vérification de mars 2009, nous avons examiné les progrès du ministère dans la conversion de terres en réserves et la mise en oeuvre des recommandations formulées en novembre 2005. Nous avons constaté que le ministère avait réalisé des progrès substantiels en ce qui a trait à la conversion de terres en réserves.
Nous avons constaté que depuis 2005, le ministère avait converti en réserves plus de 315 000 acres en Saskatchewan et au Manitoba. Cela représentait, en seulement trois ans, une augmentation de 42 p. 100 des terres converties. Au Manitoba seulement, plus de 227 000 acres avaient été convertis en réserves depuis la vérification précédente.
La vérification de suivi que nous avons effectuée en 2009 a également permis de constater que le ministère s'était efforcé d'améliorer ses communications avec les Premières nations et de planifier les conversions en plus étroite collaboration avec elles. Cependant, au cours de notre vérification de 2009, nous avons également constaté que le ministère n'avait pas réalisé de progrès satisfaisants en ce qui concerne la mise en oeuvre de plusieurs de nos recommandations visant à améliorer ses pratiques de gestion pour remplir ses obligations à l'égard des Premières nations.
Au Manitoba, par exemple, le ministère n'avait pas établi de plan indiquant comment il allait gérer ses activités pour traiter dans un délai raisonnable les cas de terres sélectionnées non encore converties. En outre, il n'avait pas effectué un suivi des délais de traitement et n'avait pas pu démontrer que ces délais s'étaient améliorés au cours des trois années précédentes.
Les lacunes persistantes en matière de gestion relevées au cours de la vérification de suivi de 2009 étaient particulièrement préoccupantes, puisqu'elles concernaient des obligations découlant de traités que le Canada a conclus il y a plus d'un siècle. Nous avons constaté qu'au Manitoba, il restait plus de 430 terres sélectionnées à convertir en réserves, soit près de 650 000 acres. En Saskatchewan, plus de 700 terres sélectionnées, soit 451 000 acres, n'avaient pas encore été converties. Nous avons conclu que si le ministère n'accordait pas une attention soutenue à la correction des lacunes que nous avions relevées, il risquait de ne plus pouvoir maintenir ses progrès dans la conversion des terres en réserves.
Je me permets de mentionner que la vérification, dont le rapport a été déposé en mars 2009, était pour l'essentiel terminée en septembre 2008. Nous n'avons pas réalisé de travaux de suivi sur cette question au cours des trois ans et demi qui viennent de s'écouler. Le ministère nous a fait savoir qu'en réponse à nos recommandations, il avait mis en oeuvre un système national de suivi des ajouts aux réserves. Il nous a aussi indiqué que l'utilisation de ce système de suivi était maintenant obligatoire dans le processus d'ajouts aux réserves et qu'il entendait effectuer un suivi des progrès de la conversion des terres en réserves. Nous n'avons pas vérifié ce système de suivi.
Voilà qui conclut mon exposé. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Je vais poser la première question. Quand allez-vous effectuer une autre vérification, monsieur Berthelette? Avez-vous planifié une vérification, ou devrais-je m'abstenir de poser la question?
M. Berthelette : Pas du tout, monsieur le président. Nous n'avons pas prévu d'effectuer une autre vérification de suivi sur les ajouts aux réserves.
Le président : Puis-je demander quand vous le ferez, ou cela dépend-il de la charge de travail?
M. Berthelette : Nous n'avons rien de prévu à ce sujet pour le moment.
Le président : Oh! Vous m'en voyez désolé. Comment pourrions-nous vous encourager à le faire?
M. Berthelette : Monsieur le président, nous comprenons l'importance des ajouts aux réserves pour les Premières nations. Nous sommes conscients des répercussions économiques et sociales qui y sont associées. Dans notre planification, nous essayons de coordonner nos ressources avec le nombre de dossiers que nous devons étudier. Je peux vous dire, monsieur le président et membres du comité, que nous allons y réfléchir pendant notre planification, mais en ce moment — et pour les prochaines années —, je ne crois pas que nous nous pencherons sur les ajouts aux réserves.
Le président : Est-il possible d'envoyer seulement une personne pour effectuer une vérification rapide, ou devez-vous suivre tout le processus, monsieur?
M. Berthelette : Si nous devions y jeter un coup d'oeil à nouveau, nous ferions une vérification d'assurance, ce qui exigerait quelques ressources et une certaine planification.
Le sénateur Patterson : J'ai un peu d'expérience du travail du vérificateur général au gouvernement. Traditionnellement, on demande aux ministères de répondre aux recommandations du vérificateur général et souvent, ils mettent au point un plan d'action. Dans votre dernier rapport concernant le processus d'AR, en 2008 et en 2009, avez-vous formulé des recommandations, et expliquez-vous comment obtenir une réponse du ministère à l'égard de ces recommandations?
M. Berthelette : Je vais commencer à répondre, et M. Barrett pourra continuer. La vérification initiale de 2005 offrait huit recommandations. La présente vérification a fait le suivi de ces huit recommandations; vous pouvez consulter, à ce sujet, la page 24 de la vérification de 2009. Je ne sais pas si vous avez ce document, mais lorsque vous vous le trouverez sur notre site web, vous constaterez qu'au paragraphe 4.58, nous faisons une recommandation que je vais lire pour le compte rendu. Nous avons recommandé en 2009 que :
Affaires indiennes et du Nord Canada devrait établir et mette en œuvre un plan d'action indiquant la manière dont il prévoit convertir les terres en réserves. Ce plan doit clairement décrire les prochaines étapes que le Ministère entend suivre pour chaque terre sélectionnée devant être convertie en réserve ainsi que les responsabilités qu'il devra assumer et l'échéancier auquel il devra se soumettre. Le plan d'action devrait faire mention entre autres :
- de l'engagement du Ministère à aider les Premières nations à résoudre les questions concernant les intérêts des tiers;
- de la façon dont les questions visant l'intégrité des données seront résolues;
- des mesures qu'entend prendre le Ministère pour créer une structure de dossiers cohérente en vue de mieux surveiller l'état des terres sélectionnées relativement aux droits fonciers issus de traités.
Le ministère a répondu et a déclaré qu'il était résolu à honorer ses obligations légales et s'est engagé à établir un plan d'action qui détermine les prochaines étapes, les responsabilités et les échéanciers du processus par lequel les terres sélectionnées seront converties en réserves. Le ministère s'est engagé à élaborer un plan d'action, et nous en avons un exemplaire.
Le sénateur Patterson : Qu'avez-vous pensé du plan d'action du ministère?
M. Berthelette : Nous avons un exemplaire du plan, mais nous n'avons pas effectué de vérification à son sujet. Je ne suis pas en mesure de vous en dire beaucoup plus.
Frank Barrett, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Je peux ajouter que, comme M. Berthelette l'a expliqué, nous n'avons pas effectué de vérification sur le plan d'action, alors nous préférerions ne pas parler d'un sujet sur lequel nous ne pouvons pas nous prononcer avec assurance.
Au cours de discussions informelles avec des fonctionnaires du ministère — et non pendant une vérification —, ils nous ont dit que ce processus leur avait été utile pour conclure des ententes avec les chefs du Manitoba, par exemple, sur divers dossiers. Toutefois, je ne sais pas exactement quelle différence cela a fait au cours des trois dernières années. Il faudrait probablement poser la question au ministère.
Le sénateur Dyck : Merci de votre exposé. J'étais en train d'examiner les données et les renseignements que vous avez présentés; on dit notamment que les accords liés aux droits fonciers issus de traités ont été conclus dans les années 1990 dans les Prairies, avec le Manitoba et la Saskatchewan.
Je viens de la Saskatchewan. Vous avez dit que 58 p. 100 des terres sélectionnées dans la province avaient été converties en réserves; cette proportion est beaucoup moins élevée au Manitoba, où seulement 12 p. 100 l'ont été.
De plus, vous avez dit que la plupart de vos recommandations concernaient le fait que le ministère devait améliorer ses pratiques de gestion. La différence dans le taux de conversion entre le Manitoba et la Saskatchewan est-elle imputable aux pratiques de gestion, ou quelque chose d'autre a-t-il facilité le processus en Saskatchewan?
M. Barrett : Je serais heureux de répondre à la question. Nous avons trouvé, dans notre vérification de 2009, quelques points qui concernent directement cette question. Nous avons conclu qu'en Saskatchewan, le bureau régional collaborait beaucoup plus étroitement avec les Premières nations, et que son système de classement était beaucoup plus efficace. En fait, à mon avis, on effectuait les conversions de façon beaucoup plus systémique.
En toute franchise, les 12 p. 100 que nous avions indiqués venaient de la vérification de 2005, et nous avons remarqué, dans la vérification de 2009, que ce chiffre avait augmenté de façon substantielle; en effet, on avait converti beaucoup plus de terres au Manitoba. Le nombre de parcelles converties était plus petit, mais leur superficie était plus grande. En Saskatchewan, on achetait plus souvent des terres privées et des plus petites parcelles de terre pour ensuite les convertir en réserves, alors qu'au Manitoba, les parcelles avaient une superficie plus importante; c'est pourquoi chaque conversion signifiait un plus grand nombre d'acres.
Le sénateur Dyck : Il s'agit donc de comparer le nombre de parcelles de terre et leur superficie.
M. Barrett : En général, en 2009, la Saskatchewan se trouve dans une meilleure situation que ne l'est le Manitoba à ce sujet.
Le sénateur Dyck : Il y a un certain temps, nous avons accueilli des témoins de la National Aboriginal Land Managers' Association, et ils nous ont présenté le processus sous forme de graphique. Ce graphique faisait presque toute la longueur de la table du fond; il aurait certainement pu ralentir le processus de conversion.
À votre avis, est-il suffisant d'apporter des ajustements dans la gestion pour faire une grande différence, ou y a-t-il un élément du processus qui engendrera de plus grandes répercussions?
M. Barrett : Je répondrai avec plaisir. Tout d'abord, je pense qu'il y a un grand nombre de raisons pour lesquelles le processus est complexe. De plus, lorsque nous produisons un rapport de vérification, nous mettons tout en oeuvre pour simplifier le processus et rendre les choses aussi accessibles que possible, afin d'éviter de nous empêtrer dans les fleurs du tapis.
À la pièce 4.1, il y a un graphique extrêmement simplifié qui décrit tout le processus. C'est à peu près la chose la plus complexe que vous allez voir dans l'un de nos rapports de vérification. Nous essayons de le rendre aussi simple que possible, mais il y a trop d'éléments. Je ne dirais pas qu'il s'agit d'un problème de gestion, car il y a aussi des conséquences juridiques. Il faut également tenir compte de l'achat auprès de tiers, et de la propriété de terres privées. La Première nation a un rôle à jouer et ensuite, lorsque le ministère intervient, il doit suivre un grand nombre d'étapes. Il est important de reconnaître qu'il faut franchir toutes ces étapes, et qu'il faut un bon système de gestion pour y parvenir dans un délai raisonnable.
Le sénateur Meredith : Merci de votre exposé. À la page 3 de votre mémoire, vous dites : « Nous avons également constaté que le ministère n'avait pas réalisé de progrès satisfaisants en ce qui concerne la mise en oeuvre de plusieurs de nos recommandations visant à améliorer ses pratiques de gestion pour remplir ses obligations à l'égard des Premières nations. » Dans votre quatrième point, vous avez soulevé le fait que, vraisemblablement, ces délais avaient des effets importants sur les plans social et économique.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les répercussions sociales que vous avez cernées au cours de votre vérification? Nous avons aussi entendu parler des perspectives économiques qui se présentent pour les Premières nations lorsque les ajouts aux réserves sont réalisés et du fait que ces délais les empêchent donc de participer au développement économique du Canada. Pouvez-vous approfondir ces deux points, s'il vous plaît?
M. Barrett : Tout d'abord, à la pièce 4.6, à la page 21 de notre rapport, nous avons présenté deux exemples, c'est-à- dire celui de la Première nation de Rolling River, au Manitoba, et celui de la Première nation d'Onion Lake, en Saskatchewan. Nous avons visité ces Premières nations lors de notre vérification, et nous avons constaté que les parcelles de terre — surtout en Saskatchewan, si ma mémoire est bonne — avaient déjà été achetées, mais n'avaient pas encore été converties en réserves. Souvent, les Premières nations peuvent profiter de retombées économiques — c'est-à- dire si elles mettent en valeur la terre qui fait partie de la réserve. L'ensemble de la collectivité en profite, mais souvent, il y a des problèmes fiscaux, et cetera.
Si la Première nation a acheté une parcelle de terre dans une ville ou à proximité, par exemple, elle peut vouloir la mettre en valeur sur le plan commercial, et si la terre jouit d'un statut de réserve, il y a des avantages associés à sa mise en valeur. Ainsi, si la terre n'est pas encore une réserve, la Première nation peut vouloir attendre pour la mettre en valeur et profiter de ces avantages. La terre demeure donc en suspens, car la Première nation attend qu'elle soit convertie en réserve avant de l'utiliser. Ce genre de situation est souvent à l'origine de difficultés économiques.
Parfois, si la parcelle de terre était destinée au logement, par exemple, d'autres problèmes surgissent; elle est simplement détenue en fief simple, ce qui arrive lorsque n'importe lequel d'entre nous achète une terre pour y construire une maison. La Première nation ne peut pas, dans ce cas, faire ce qu'elle avait planifié, alors encore une fois, étant donné qu'elle n'est toujours pas convertie en réserve, la parcelle de terre demeure en suspens jusqu'à ce que le processus soit terminé.
Le sénateur Meredith : Dans votre rapport, vous avez expliqué les processus utilisés. D'autres ont comparu devant nous et ont utilisé une bannière plus longue que ces deux bureaux mis ensemble pour nous présenter leur processus. À votre avis, comment pouvons-nous vraiment simplifier les choses pour examiner les répercussions sur les plans économique et social sur les peuples des Premières nations? Comment pouvons-nous minimiser ces répercussions et veiller à ce que les Premières nations aient accès à ces terres aussi rapidement que possible sans s'engager dans des conflits juridiques dans lesquels des avocats tirent profit du fait qu'elles amènent les municipalités ou le gouvernement fédéral devant les tribunaux pour avoir accès à ces terres? Comment nous recommanderiez-vous de simplifier le processus?
M. Barrett : En ma qualité de vérificateur, j'ai des réserves à laisser entendre qu'une certaine partie du processus n'est pas nécessaire, et cetera.
J'aimerais attirer votre attention sur des choses très simples que nous avons examinées pendant notre vérification, par exemple, la façon dont les dossiers sont tenus. Comment faut-il organiser le système de classement afin de savoir quelles terres font l'objet d'une sélection? Eh bien, au Manitoba en particulier, ces dossiers n'étaient pas bien tenus. Si vous ne pouvez pas trouver les dossiers et que vous n'avez pas un compte rendu des demandes de la Première nation, ou vous l'avez, mais vous ne pouvez pas le retrouver rapidement, cela va prendre du temps.
Le sénateur Meredith : Cela concerne-t-il les municipalités?
M. Barrett : Non, cela concerne les bureaux régionaux d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, qui reçoivent ces demandes.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'on n'a pas tenu compte de certains principes élémentaires de gestion, et à notre avis, c'est ce qui ralentit le processus. Il est vrai qu'il s'agit d'un processus complexe, mais à notre avis, c'est une raison de plus pour se doter d'un système de gestion adéquat.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup.
Monsieur Berthelette, avez-vous un commentaire?
M. Berthelette : J'aimerais seulement ajouter, pour faire suite aux commentaires de M. Barrett, que le dossier doit faire l'objet d'une attention soutenue de la part de la direction. C'est absolument essentiel. Lors de notre vérification de 2009, nous avons relevé de nombreuses sélections qui étaient toujours en suspens et qui nécessitaient un suivi. Comme nous l'avons dit dans la vérification, la direction doit accorder une attention soutenue à la situation, aux dossiers et aux problèmes qui peuvent ralentir le processus de sélection. Par exemple, le ministère a reconnu, à juste titre, que les évaluations environnementales commençaient à être périmées. En 2005, on les avait déclarées valides pour deux ans. En 2009, le ministère a prolongé leur durée de validité à cinq ans, ce qui lui a permis d'obtenir plus facilement des évaluations environnementales et des levés valides qui coïncidaient. Ainsi, on pouvait obtenir le décret ou l'arrêté ministériel qui permettait de convertir ces terres en réserves.
C'est en se penchant sur ces détails, comme il l'a fait dans cet exemple, que le ministère parviendra à trouver des solutions pour éliminer les obstacles qui freinent le processus.
Le sénateur White : Je m'excuse, car étant donné que je remplace quelqu'un, on a peut-être déjà répondu à ces questions.
Je fais référence au numéro 13. Étant donné que j'ai participé à des vérifications du vérificateur général avant qu'on recommande un système de suivi et qu'on le mette en place, je sais qu'habituellement, on aurait effectué un suivi pour savoir si le système de suivi fonctionnait et s'il avait engendré des effets quelconques. Le système de suivi a probablement été mis en place au printemps de 2009, c'est-à-dire il y a trois ans. N'avons-nous aucune donnée sur sa performance des trois dernières années?
M. Berthelette : Nous n'avons pas effectué de suivi sur ce système, alors nous ne sommes pas en mesure de le commenter.
Le sénateur White : Je pense que nous devrions demander à un fonctionnaire d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada de nous renseigner au sujet des données relatives aux trois années manquantes, afin que nous puissions savoir si le système de suivi fonctionne et s'il a des effets importants.
Le président : Il est très possible, si les membres du comité le souhaitent, que nous invitions des représentants du ministère à comparaître à nouveau pour leur demander comment fonctionne le système national de suivi des ajouts aux réserves.
Le sénateur White : Ils pourraient nous répondre par écrit. Je serais satisfait dans les deux cas. Il s'agit d'un écart de trois ans.
Le président : Nous pourrions leur demander de répondre par écrit si cela convient aux membres du comité.
M. Berthelette : J'aimerais demander à M. Barrett de parler des renseignements que le ministère est en mesure de fournir.
M. Barrett : Permettez-moi de clarifier un point : nous n'avons aucun renseignement sur leur système de suivi. Toutefois, afin de nous préparer pour la discussion d'aujourd'hui, nous avons demandé au ministère de nous fournir quelques données ou de nous donner une idée des progrès qui ont été accomplis. On nous a très rapidement fourni ces données. Encore une fois, nous ne les avons pas vérifiées, mais on dit, par exemple, que depuis 2005, le ministère a converti presque 474 000 acres au Manitoba et 228 000 acres en Saskatchewan. C'est depuis le début de 2005, et à mon avis — en présumant que ces données sont exactes —, cela laisse croire qu'il a changé quelque chose dans sa façon de procéder.
Le sénateur White : J'aimerais souligner que c'est formidable et qu'il est bon de savoir que le système de suivi est en place et qu'il fonctionne peut-être, mais au moins cela nous laisserait savoir si la conversion des terres se produit ou non. Si, dans un système de suivi, les données entrées sont inexactes, les résultats sont forcément erronés, les données n'ont toujours pas de valeur; alors, il serait bien de savoir ce qui s'est passé depuis 2009.
Je suis heureux de savoir que le système est en place, mais si les données entrées sont inexactes, les résultats sont erronés et n'ont aucun effet, nous devrions être mis au courant. Ils ont eu trois ans pour faire le ménage dans leurs pratiques, et je sais, étant donné que j'ai travaillé pour un organisme fédéral qui faisait régulièrement l'objet d'une vérification, que lorsque nous avions des recommandations et que nous les mettions en oeuvre, les vérifications de suivi étaient prises au sérieux. Je pense que ces renseignements nous seraient utiles.
Le président : Nous allons tenter d'obtenir plus de renseignements.
Le sénateur Raine : Nous sommes heureux que vous ayez accepté de comparaître. Dans votre exposé, vous avez parlé de vos recommandations et du fait que le ministère s'est engagé à convertir 150 000 acres de terre au Manitoba par année. Toutefois, il me semble qu'il en a converti seulement 227 000 acres, ce qui est moins de la moitié de ce qu'il s'était engagé à convertir. C'est le signe qu'il y a un problème grave.
Savez-vous si des considérations liées aux tierces parties ralentissent le processus? Je peux imaginer qu'on travaille sur un grand nombre de dossiers et qu'on a à faire face à une question liée à une tierce partie qui est difficile à résoudre, alors cela peut paralyser le processus. Avez-vous des raisons de penser que c'est le cas?
M. Barrett : Les intérêts de tierces parties ont parfois représenté un problème, et nous l'avons indiqué. Nous n'étions pas satisfaits des progrès accomplis. Je me souviens qu'au Manitoba, les câbles électriques posaient parfois un problème, par exemple, lorsque Manitoba Hydro et d'autres tierces parties avaient des droits de passage, et cetera. Ils avaient donc des intérêts directs, et ces intérêts concernaient parfois des terres adjacentes, par exemple. Dans certains cas, au Manitoba, les superficies importantes étaient souvent des terres publiques, et les problèmes n'étaient pas toujours limités aux intérêts des tierces parties, mais c'était l'un des facteurs.
Le sénateur Raine : Vous n'êtes probablement pas les personnes à qui il faut demander de commenter la façon de mettre en place un meilleur processus, mais il pourrait être utile d'effectuer une autre vérification pour renforcer l'idée que le processus doit changer s'il n'y a pas de progrès substantiels. Ces dernières années, ces progrès n'ont pas eu lieu.
En examinant les données que j'ai sous la main, je constate qu'il y a un grand nombre de projets actifs et qu'on a écrit beaucoup de choses, mais on ne semble pas être sur le point d'avoir effectué toutes les conversions.
M. Barrett : J'ai deux brefs commentaires à ce sujet. Vous avez absolument raison quand vous dites que le ministre s'est engagé à convertir 150 000 acres par année. La première année, nous avons souligné dans le rapport qu'il avait converti 159 000 acres, ce qui signifie qu'il a atteint son quota pour la première année. La deuxième année, comme nous l'avons souligné, il a converti 43 000 acres, je pense. Je me souviens qu'il pensait être en mesure de convertir un grand nombre de terres et qu'il planifiait le faire pendant cette deuxième année, mais le processus a été interrompu. Comme nous l'avons dit plus tôt, le processus est tellement long que le ministère n'a pas réussi à atteindre son quota la deuxième année.
Il y a un autre point intéressant en ce qui concerne ces renseignements. Encore une fois, je dois préciser qu'ils n'ont pas été vérifiés, mais ils portent à croire qu'en 2012, les 600 000 acres n'ont toujours pas été convertis au complet.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, messieurs. Peut-être que ma question va ressembler un peu à la question du sénateur Raine, mais je vais la poser quand même. J'ai l'impression que plusieurs personnes travaillent sur ces dossiers d'inclusion territoriale. La question vous a peut-être déjà été posée, mais je la repose : qu'est-ce qui occasionne les délais? Est-ce la bureaucratie, le manque de compréhension, la complexité du projet comme tel? Je vois qu'il y a beaucoup de délais.
[Traduction]
M. Barrett : Toutes ces réponses sont bonnes. En toute franchise, même s'il s'agit d'un très long processus, nous l'avons divisé en trois parties. Dans la première partie, la Première nation doit décider quelle parcelle de terre elle souhaite acquérir et s'engager dans le processus de sélection de la terre. Dans certains cas, elle doit acquérir la terre ou demander au gouvernement provincial de la lui accorder, car il possède les terres publiques.
Lorsque nous avons examiné les délais et la moyenne de sept ans, nous avons étudié les phases deux et trois, qui relèvent toutes les deux du ministère. La Première nation a fait ce qu'elle devait faire et ensuite, le reste doit être accompli par les bureaux régionaux et par l'administration centrale. C'est à cette étape que le processus devient très long.
Oui, il est long, et à mon avis, cela signifie qu'on a besoin d'un bon cadre de gestion et d'un bon processus pour faire progresser la sélection des terres.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Certaines Premières nations doivent-elles acheter une partie des terres pour les acquérir?
M. Berthelette : C'est surtout le cas en Saskatchewan, car il y a très peu de terres publiques disponibles là-bas. Les Premières nations de la Saskatchewan doivent acheter la plus grande partie de leurs terres. Au Manitoba, la situation est différente, car il y a plus de terres publiques, alors elles sont en mesure d'obtenir ces terres sans avoir à les acheter. Toutefois, on a prévu de l'argent pour que les Premières nations puissent acheter certaines terres privées au Manitoba.
M. Barrett : De plus, lorsque les ententes sur les droits fonciers issus de traités ont été signées, elles prévoyaient des fonds pour aider les Premières nations à acheter les terres dont elles auraient vraisemblablement besoin.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Des témoins précédents ont mentionné que les terres qu'ils voulaient acheter coûtaient un certain prix, mais que lorsqu'on a découvert que les Premières nations voulaient les acheter, leur prix a monté. Si ce n'était de cette situation, le processus pourrait progresser plus rapidement.
M. Barrett : Oui. Je me souviens avoir aussi entendu cela.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vous avez mentionné qu'il y a quand même un choix de terre qui se fait. Est-ce que c'est un choix logique? Comment se fait le choix des terres?
[Traduction]
M. Barrett : Les Premières nations sélectionnent les terres.
Le sénateur Demers : Personnellement, je considère que le rapport du vérificateur général est extrêmement important. Je ne le lirai pas au complet, mais dans le document que vous nous avez remis, on dit que le ministère n'a pas réalisé de progrès satisfaisants en ce qui concerne la mise en oeuvre de plusieurs de vos recommandations.
Nous allons revenir au point 13, et j'espère qu'on n'a pas déjà posé ma question, car j'essaie de suivre attentivement. On dit que cela fait trois ans et demi. N'êtes-vous pas préoccupés à l'idée que dans les cas où vos recommandations n'ont pas été suivies, on vous réserve des surprises? Cela fait maintenant trois ans et demi que vous avez effectué une vérification. Il s'agit d'une longue période pour les Premières nations. Elles vivent beaucoup de choses, et maintenant, nous constatons qu'il s'est écoulé trois ans et demi. Vous possédez une très grande expérience; n'êtes-vous pas inquiet à l'idée d'être pris par surprise? Peut-être ne voyez-vous pas les choses de cette façon.
M. Berthelette : Nous espérons toujours que le ministère mettra nos recommandations en oeuvre, et nous sommes assez optimistes à ce sujet. Dans le cas qui nous occupe, le ministère a un plan d'action, et il essaie de le suivre. Lorsque nous avons effectué la vérification, nous avons vu plusieurs cas dans lesquels le ministère avait accompli des progrès en ce qui concerne les conversions. Pour être justes avec le ministère et avec tous les participants, nous devons leur donner assez de temps pour qu'ils soient en mesure d'effectuer les changements exigés et que leurs efforts puissent faire une différence.
Nous devons avoir recours à notre bon jugement pour décider quand nous reviendrons jeter un coup d'oeil et effectuer un autre suivi. Nous évaluons constamment si nous devons le faire, c'est-à-dire que nous entretenons des liens étroits avec le ministère, et que nous communiquons régulièrement avec les Premières nations. Nous pourrions retourner examiner la situation à un moment donné, mais je ne peux pas m'engager à le faire, car cela dépend aussi des ressources disponibles et des autres priorités que nous pourrions avoir au cours des prochaines années.
Le sénateur Meredith : Cela revient à la frustration grandissante chez les peuples des Premières nations. Le sénateur Lovelace Nicholas a soulevé le problème lié à l'acquisition des terres et vous l'avez mentionné aussi, monsieur Barrett, lorsque vous avez parlé du processus. Quand allons-nous obliger le ministère à rendre des comptes et qui lui demandera des comptes au sujet de vos recommandations? On produit ces rapports et on formule ces recommandations avec l'argent des contribuables, et pourtant, on n'en tient pas compte. C'est pourquoi la frustration s'installe. Comment pouvons-nous obliger le ministère à rendre des comptes?
M. Berthelette : Monsieur le président, j'espère que nous aidons le Parlement et le Sénat à obliger le ministère à rendre des comptes. Nous espérons que nos vérifications sont utiles au Sénat et au Parlement, ainsi qu'à votre comité, et que vous êtes en mesure d'utiliser la dernière vérification et toutes ses précédentes pour poser des questions au ministère, pour lui demander quel est son plan d'action et pour en assurer le suivi de temps à autre.
De notre côté, étant donné que vous êtes nos patrons, nous nous engageons à faire le suivi au besoin, selon nos ressources et nos priorités, pour vous aider à vous acquitter de votre tâche. En conjuguant nos efforts, et en travaillant en partenariat avec les Premières nations, je pense que nous parvenons à obliger le ministère à rendre des comptes.
D'après ce que je comprends, des représentants du ministère ont comparu devant vous à quelques reprises pour parler du processus d'AR, et je crois qu'il est essentiel et démocratique d'obliger le ministère à rendre des comptes.
Le sénateur Watt : Encore une fois, soyez les bienvenus. Le fait d'entendre tout le monde exprimer ses inquiétudes me pousse à vouloir aller encore plus loin, et à demander s'il y a une négociation tripartite en cours, ou s'il s'agit seulement d'une négociation bipartite. Lorsque je parle d'une négociation tripartite, je veux savoir si le gouvernement provincial — qui subira les répercussions engendrées par les éventuels ajouts aux réserves — y participe. Y a-t-il des négociations tripartites en cours?
Vous avez aussi mentionné, en réponse à une question précédente, que cela dépendait de la disponibilité des terres publiques. Donnez-moi des précisions. Il me semble que si le gouvernement fédéral parle au nom des parties originales, s'il tente d'acquérir les terres, il serait obligé de compenser les provinces afin d'obtenir cette parcelle de terre qui est demandée par le groupe d'Autochtones. Est-ce le cas?
M. Barrett : D'après ce que je comprends, lorsque la Saskatchewan et le Manitoba sont devenus des provinces, une disposition permettait à la Couronne, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, de se réapproprier une certaine partie des terres, si c'était nécessaire, pour des règlements avec les Premières nations. La province participe au processus, mais de façon limitée. C'est son rôle, et c'est plus un problème au Manitoba et en Saskatchewan; lorsqu'une Première nation sélectionne une terre publique à laquelle elle a droit pour ajouter à une réserve, la province doit céder cette terre au gouvernement fédéral pour qu'il puisse la convertir en réserve. En gros, c'est le rôle de la province, mais il s'agit surtout d'un processus fédéral.
Le sénateur Watt : C'est un processus en grande partie fédéral, mais la province doit toujours donner son consentement afin d'obtenir une compensation et de céder la terre au gouvernement fédéral.
J'ai participé au processus, et c'est pourquoi je demande s'il y a des négociations tripartites ou seulement des négociations bipartites. Vous m'avez donné une réponse qui se situe entre les deux. Oui, il y a des négociations tripartites, mais c'est l'initiative du gouvernement fédéral d'en venir à une résolution à ce sujet. Comment le consentement des provinces est-il obtenu et comment le transfert de l'argent du gouvernement fédéral aux provinces est-il effectué? À mon avis, c'est le problème avec lequel nous sommes aux prises aujourd'hui, et ce qui retarde probablement tout le processus.
M. Barrett : D'après ce que je comprends, cela fait essentiellement partie du règlement ou, en fait, de la création des provinces de la Saskatchewan et du Manitoba. Je crois qu'il existe une disposition précise. Je ne suis pas avocat; un grand nombre d'entre vous pourraient probablement mieux répondre à la question.
Lorsque la terre a été sélectionnée, la province a l'obligation de la céder au gouvernement fédéral lorsqu'il en fait la demande, surtout si c'est pour régler des questions liées aux revendications territoriales de Premières nations.
Toutefois, cela ne se passe pas toujours sans difficulté. En effet, il peut y avoir des intérêts de tierces parties en jeu. Je me souviens de discussions au sujet des lignes électriques d'Hydro-Manitoba qui traversaient des réserves ou qui traversaient une parcelle de terre qu'on souhaitait ajouter à une réserve. Cela représentait un intérêt d'un tiers, ce qui, dans certains cas, peut ralentir tout le processus car, en théorie, il incombe à la Première nation de régler les intérêts des tierces parties avant que la province procède à la cession.
M. Berthelette : J'aimerais vous renvoyer aux paragraphes 7.9 et 7.10 de notre rapport de 2005. Comme nous l'avons souligné plus tôt, ce ne sont pas les terres publiques qui posent problème en Saskatchewan. Au Manitoba, il n'y a pas suffisamment de terres publiques accessibles aux Premières nations. Ce qu'elles font, c'est qu'elles ont les fonds nécessaires pour acheter des terres appartenant à des intérêts privés.
Le président : Vous voulez dire en Saskatchewan?
M. Berthelette : En Saskatchewan, oui. Le Manitoba — vous trouverez cela au paragraphe 7.10 du rapport de 2005 — n'est pas indemnisé par le gouvernement fédéral pour des terres publiques provinciales sélectionnées pour les Premières nations. Ces terres sont données, ce qui fait que 90 p. 100 des terres sélectionnées au Manitoba doivent être des terres publiques.
Le sénateur Watt : J'aimerais qu'on nous envoie les documents relatifs à l'entente qui a été conclue avec la Première nation — je devrais dire l'entente potentielle. J'imagine que ces documents remontent à bien des années. S'agit-il vraiment d'une entente écrite si la province était en création à l'époque de l'entente provisoire, mais qu'il ne s'agissait pas encore d'une entente? C'est ce que je comprends ici.
M. Barrett : Des ententes ont été signées avec chaque province.
Le sénateur Watt : Ces documents sont-ils disponibles?
M. Barrett : Je pense que vous pourriez les obtenir auprès du ministère.
Le sénateur Watt : Nous devrions les demander au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien?
M. Barrett : Il faut s'adresser au ministère, oui.
Le sénateur Watt : J'imagine que ce que nous examinons aujourd'hui pourrait aussi s'appliquer aux terres qui sont détenues en fief simple, par exemple, le Nunavut et le Nunavik — y compris le Labrador. Ce type de critère auquel vous avez affaire dans votre examen s'applique-t-il aussi aux Inuits? Pourrait-il s'appliquer?
M. Barrett : Les ententes sur les droits fonciers issus de traités ont été signées, je pense, dans le Sud de l'Ontario, mais surtout au Manitoba et en Saskatchewan.
Le sénateur Watt : C'est l'une des raisons pour lesquelles vous travaillez seulement avec deux provinces en ce moment?
M. Barrett : C'est exact.
Le sénateur Patterson : Nous effectuons notre étude avec la bénédiction du ministre, car le processus doit être amélioré. Je pense que tout le monde convient qu'il s'agit d'une bonne chose, et que cela favorise le développement économique et crée d'autres occasions, mais les choses ne semblent pas fonctionner aussi bien qu'elles le devraient.
J'aimerais obtenir l'avis des représentants du Bureau du vérificateur général sur une idée qui a été proposée par la Commission de la fiscalité des Premières nations. En 2006, elle a publié un rapport que vous avez peut-être consulté et qui a été produit par Fiscal Realities, dans lequel on comparaît la politique d'ajouts aux réserves et le processus d'expansion des limites municipales. Une évaluation interne d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada a aussi été effectuée en 2010, mais vous ne devriez pas être au courant. Dans les deux rapports, on parlait de ces améliorations et on recommandait d'envisager la mise en oeuvre d'une loi sur les AR. Apparemment, des lois spéciales relatives aux AR adoptées dans les provinces des Prairies ont permis d'améliorer l'efficacité du processus. Je pense qu'on parlait d'élargir la portée de la loi à l'échelle nationale.
Je n'aime pas croire que tout peut être résolu par l'adoption de lois, mais avez-vous des commentaires à ce sujet? En avez-vous pris connaissance au cours de votre examen?
M. Berthelette : Nous n'avons vraiment aucun commentaire à ce sujet. Nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner les deux rapports mentionnés par l'honorable sénateur.
Le sénateur White : J'ai une brève question. Je présume que le gouvernement fédéral ne passe pas par l'expropriation des terres et ensuite à la cession aux Premières nations. Il achète plutôt les terres à la valeur du marché, ce qui répondrait à la question du sénateur Lovelace Nicholas concernant l'augmentation du prix.
Qu'est-ce qui empêcherait le gouvernement fédéral d'avoir recours à l'achat par expropriation et d'obtenir un prix reflétant la valeur du marché plutôt que de l'acheter au prix à venir?
M. Berthelette : C'est une question intéressante; nous ne l'avons pas abordée, car il s'agit d'une décision stratégique, et nous ne nous occupons pas vraiment de ce type de décision. Nous nous sommes servis de ce qui était déjà en place.
Le sénateur White : Je connaissais la réponse, mais je voulais l'entendre. Il ne me semble pas logique d'acheter une terre au prix gonflé pour que le gouvernement la cède à une Première nation. À mon avis, ce n'est pas logique, à moins de procéder à une expropriation. Cela épargnerait de l'argent non seulement au gouvernement fédéral, mais aussi à la Première nation. Il s'agit d'un autre point.
Je ne suis qu'un visiteur. Je suis désolé, monsieur le président.
Le président : Vous n'avez pas à vous excuser. Nous sommes heureux de vous avoir avec nous. En fait, vous amenez la bonne humeur au comité.
Le sénateur Raine : J'aimerais revenir à la différence entre la façon de gérer les dossiers en Saskatchewan comparativement au Manitoba. Avez-vous d'autres observations à ce sujet? Je remarque que lors de la sélection des terres par les Premières nations en Saskatchewan, par exemple, le ministère les appuie en réglant les revendications des tierces parties. Ce n'est pas le cas au Manitoba.
Utilise-t-on, au Manitoba, un mode de gestion qui ne fonctionnera pas? Les deux provinces ne peuvent-elles pas se servir du même mode de gestion?
M. Barrett : C'est une question intéressante. Nous ne voyons pas pourquoi cela ne fonctionnerait pas aussi bien dans une province que dans l'autre. Cela nous ramène à la vérification de 2009 et explique peut-être la grande différence que nous avons constatée lors des entrevues que nous avons menées dans nos deux bureaux régionaux, lors de nos visites aux Premières nations et lorsque nous avons examiné les dossiers.
Lorsque nous sommes dans une réserve, nous vérifions souvent si les gens connaissent les personnes-ressources de leur bureau régional. En Saskatchewan, on savait qui étaient ces personnes-ressources et qui était responsable de chaque dossier. On connaissait les priorités du bureau régional et où en était la sélection de terres. Je ne me souviens pas que les relations étaient aussi amicales au bureau du Manitoba. Les diverses parties ne communiquaient pas autant.
Souvent, lorsqu'on travaille avec d'autres personnes, il faut décider de la façon de procéder. À l'époque, nous avons constaté que dans le cas du bureau régional du Manitoba, on n'entretenait pas d'aussi bonnes relations de travail avec les Premières nations. De plus, les processus n'étaient pas aussi rigoureux au sein du bureau. Le ministère s'est penché sur ce problème, et depuis ce temps, une autre vérification a été effectuée et des mesures ont été prises à ce sujet.
Le sénateur Dyck : J'aimerais revenir à l'importance des processus de gestion. Dans votre exposé, vous avez dit que les lacunes en matière de gestion vous inquiétaient particulièrement, car elles étaient liées aux obligations issues des traités que le Canada a contractées il y a plus d'un siècle. Par exemple, en 1874, en Saskatchewan, on a signé le traité no 4. Je suis membre de la Première nation de Gordon, mais je ne vis pas dans la réserve. Ma Première nation a intenté une poursuite de 10 milliards de dollars contre le gouvernement de la Saskatchewan et le gouvernement fédéral, car elle prétend avoir été flouée et privée d'une terre qui entoure la réserve et qui est riche en potasse et en pétrole. Ce processus, c'est-à-dire les ajouts aux réserves, est très important sur le plan financier. La terre que ma Première nation voulait acquérir — et l'entente sur le règlement des droits fonciers issus de traités a été signée en 2008, il y a quatre ans — a été vendue avant qu'elle puisse l'acheter.
Un défaut dans le processus a-t-il permis que cela se produise avant que la Première nation puisse l'acheter?
M. Berthelette : Je suis désolé, monsieur le président et honorable sénateur, mais je ne connais pas les faits concernant cette affaire, alors je ne suis pas en mesure de répondre à la question.
Le président : Chers collègues, il y a 19 ans que je fais partie du comité; j'ai une grande expérience avec les Premières nations. À mon avis, M. Barrett a visé juste lorsqu'il a dit que les renseignements devaient être classés et être accessibles à tout moment, car ils concernent un si grand nombre de gens.
Je connais l'histoire d'une bande des Premières nations qui a procédé à un ajout à une réserve à Winnipeg, et elle a dû négocier avec la Ville de Winnipeg et le gouvernement du Manitoba. Des problèmes fiscaux, et bien d'autres, ont été soulevés. La Première nation vient tout juste d'ouvrir un collège sur le terrain de 2,5 acres, mais elle a dû non seulement faire affaire avec la municipalité et la Ville, mais aussi avec le propriétaire d'une propriété adjacente, et elle a dû acheter une autre parcelle de terre pour faciliter le processus. Comme l'a souligné M. Barrett, en raison de sa complexité et du nombre d'intervenants, le système comporte des retards naturels. En effet, il n'y a pas seulement des tierces parties, mais aussi des quatrièmes parties. Ce qu'il faut souhaiter, c'est que lorsqu'on accède aux renseignements, ils sont à portée de main.
J'aimerais vous remercier d'être venus. Je me rends compte que nous vous avons peut-être posé des questions que nous aurions dû poser au ministère de la Justice ou au ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada, mais nous vous remercions d'avoir répondu de manière franche et ouverte et nous vous remercions de votre exposé.
Chers collègues, nous allons maintenant suspendre les travaux et poursuivre la réunion à huis clos pendant un moment. Nous reprendrons ensuite la séance.
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
Nous allons maintenant passer à l'étude article par article du projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines Premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.
Est-il convenu de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines Premières nations et la composition de leurs conseils respectifs?
Des voix : D'accord.
Le président : L'étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'étude de l'article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Chers collègues, il se peut qu'on propose un amendement à l'article 3. Je pose la question : l'article 3 est-il adopté?
Le sénateur Sibbeston : J'ai un amendement à proposer.
Le président : Un amendement a été proposé. En amendement à la motion d'adoption de l'article 3, il est proposé par l'honorable sénateur Sibbeston
Que le projet de loi S-6 soit modifié, à l'article 3, à la page 3, par substitution, aux lignes 1 à 3, de ce qui suit :
« a) s'agissant d'une Première nation dont le conseil a été élu conformément aux dispositions de la Loi sur les Indiens, le conseil a fourni au ministre une résolution dans laquelle il demande que le nom de la Première nation soit ajouté à l'annexe;
a.1) s'agissant d'une Première nation dont le conseil a été choisi ou élu conformément aux dispositions de son code électoral communautaire ou coutumier :
(i) le conseil a demandé au ministre que le nom de la Première nation soit ajouté à l'annexe,
(ii) la demande a été approuvée conformément à la procédure de modification prévue par le code ou, en l'absence d'une telle procédure, par la majorité des voix exprimées lors d'un vote secret auquel la majorité des électeurs de la Première nation ont participé; »
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion modifiée?
Des voix : Non.
Le sénateur Sibbeston : Puis-je expliquer le motif de l'amendement?
Le président : Oui, allez-y.
Le sénateur Sibbeston : Le paragraphe 3(1) prévoit que : « le ministre peut, par arrêté, ajouter le nom d'une Première nation à l'annexe dans les cas suivants », et je pense qu'on parle, en général, des Premières nations visées par les dispositions de Loi sur les Indiens. Cet amendement vise une Première nation dont la situation est plus complexe. Elle a fait l'effort d'organiser sa propre communauté et de se doter d'un code électoral coutumier, alors certains de ses règlements justifient des amendements. Tout ce que vise cet amendement, c'est que les dispositions et codes électoraux coutumiers de ces Premières nations soient reconnus, et habituellement, on exigera de consulter les aînés, ou de voter sur la question, ou autre chose. La motion vise seulement à reconnaître cela.
C'est le principe qui sous-tend cet amendement.
Je sais qu'au début, je n'étais pas tellement pour cela, mais le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique a soutenu qu'il était très difficile d'obtenir de l'appui pour effectuer des changements au Canada atlantique, étant donné que les taux de participation aux élections sont très bas et que les gens sont réfractaires au changement. J'ai compris cela lorsque M. John a comparu. Toutefois, j'ai appris que l'organisme du Canada atlantique compte seulement deux Premières nations qui fonctionnent selon un code électoral coutumier, et que la plupart sont des Premières nations visées par la Loi sur les Indiens.
Cet amendement, à mon avis, est un signe de respect, c'est-à-dire qu'on reconnaît que les Premières nations ont leur propre code électoral coutumier. Il est juste de reconnaître cela, et pour un conseil de bande, ramasser toutes ses dispositions et proposer seulement une motion pour demander au ministre de l'ajouter à la liste constitue, à mon avis, une façon de court-circuiter le système, ce qui pourrait semer le chaos dans la communauté.
Si le gouvernement adoptait des mesures semblables, il s'exposerait à des contestations en créant un système en vertu duquel un conseil de bande n'aurait qu'à adopter une résolution pour que son nom soit ajouté à la liste. Ainsi, on ne tiendrait pas compte du fait que certains conseils ont leur propre système et leurs propres procédures de modification auxquelles ils devraient s'en tenir.
Cet amendement vise donc à corriger la situation en reconnaissant le fait que certaines Premières nations ont leur propre régime électoral suivant un code coutumier.
Dans cet esprit, il s'agit donc d'un effort sincère pour améliorer le libellé actuel du paragraphe 3(1).
Le sénateur Dyck : J'ajouterais que le chef Tammy Cook-Searson ainsi que les représentants de l'Association du Barreau canadien ont trouvé un peu étrange que l'adhésion n'exige qu'une résolution du conseil de bande alors qu'un référendum à double majorité est nécessaire pour le retrait.
Il y a aussi la possibilité que certaines des Premières nations suivant le code coutumier choisissent d'adhérer au régime. Comme l'adoption de leur code coutumier a déjà été assujettie à un référendum à double majorité, il apparaît raisonnable qu'une exigence du même ordre s'applique pour adhérer au régime prévu dans le projet de loi S-6. Si elles ont dû tenir un référendum à double majorité pour leur code coutumier, nous devrions donc respecter leur processus démographique en leur permettant d'appliquer les mêmes critères pour l'adhésion au projet de loi S-6, si c'est l'option retenue.
Il s'agit simplement de reconnaître le fait que ces Premières nations ont déjà établi leur propre processus démocratique et que ce dernier devrait être appliqué, plutôt que de se contenter d'une simple résolution du conseil de bande.
Le sénateur Patterson : J'ai quelques observations au sujet du projet de loi en général. Je pense qu'il a été rédigé par le ministère à la suite de la recommandation de notre comité dans le but premier de régler les problèmes découlant des limites du processus électoral prévu dans la Loi sur les Indiens. Je crois que nous convenons tous que la période de deux ans prévue dans cette loi était trop restrictive et ne laissait pas suffisamment de temps aux conseils qui souhaitaient appliquer un plan à long terme. Il leur était impossible de se concerter à l'échelle régionale lorsqu'ils choisissaient de travailler à un projet commun assorti des mêmes échéanciers électoraux. Il y avait aussi un manque de protection en matière de gouvernance. Aucune sanction n'était prévue en cas de corruption; il y avait de nombreuses lacunes. Une personne peut être nommée sans son consentement ou poser sa candidature comme chef et conseiller en vertu de ce processus établi par la Loi sur les Indiens.
Le projet de loi vise à encourager les Premières nations à s'affranchir de la Loi sur les Indiens si c'est ce qu'elles décident de faire. Je donne toutes ces précisions car je ne crois pas vraiment que le projet de loi visait les communautés qui s'étaient donné leur propre code coutumier. Le chef de Lac La Ronge nous a d'ailleurs expliqué tout le travail que cela exige, ce que j'ai trouvé fort impressionnant. J'estime que nous devrions respecter le fait que les conseils de bande peuvent établir des codes correspondant aux pratiques et traditions qui leur sont propres, lesquelles pouvant inclure un régime héréditaire s'éloignant considérablement des traditions juridiques anglo-américaines. C'est tout à fait acceptable.
Si j'en fais mention, c'est parce que le ministère a aussi appuyé les communautés ayant adopté un code coutumier et qu'il ne me semble pas que le ministre se soit opposé à l'établissement de codes semblables. À vrai dire, si le gouvernement devait examiner ces codes, il y trouverait des éléments qui vont à l'encontre de la Charte canadienne des droits de la personne, laquelle s'appuie sur des traditions et des bases historiques différentes. Je sais que le vote à mains levées est une tradition pour certaines communautés du Nord et je pense que nous devrions respecter cette pratique, même si elle peut paraître étrange pour certains.
Toute cette mise en contexte visait à exposer les raisons pour lesquelles je recommande l'adoption de cet amendement. Le ministre et le ministère se sont abstenus de toucher au régime de code coutumier; le ministre ne peut y avoir accès et n'est aucunement habilité à évaluer la validité de ces codes, et je crois que c'est une bonne chose.
Cet amendement semble poser problème du fait qu'il permet au ministre d'intégrer au nouveau régime prévu dans le projet de loi S-6 une communauté ayant adopté un code coutumier, sous réserve de deux conditions. Le conseil de bande doit d'abord en avoir fait la demande au ministre. Rien de compliqué, il lui suffit d'adopter une résolution en ce sens. C'est la deuxième condition qui m'apparaît problématique. Elle se lit comme suit : « (ii) la demande a été approuvée conformément à la procédure de modification prévue par le code ou, en l'absence d'une telle procédure, par la majorité des voix exprimées lors d'un vote secret... »
Comment le ministre pourra-t-il s'assurer que la demande a été approuvée conformément à la procédure de modification prévue par le code coutumier? Le pire c'est que le ministre et ses fonctionnaires devront examiner la procédure prévue par le code coutumier afin de déterminer si la demande y est conforme. C'est ce que prévoit l'amendement.
On confère ainsi au ministre un rôle qui ne lui incombe pas dans la loi actuelle en plus d'imposer aux Premières nations un fardeau additionnel en matière de reddition de comptes. Je comprends bien les motifs invoqués par le proposant et le sénateur Dyck, mais il faut également avouer que cette mesure aurait pour effet de créer un système à d eux niveaux au sein des Premières nations. Pour celles qui sont assujetties à la Loi sur les Indiens et auxquelles nous voulons offrir la possibilité de s'en affranchir, en les encourageant même à le faire pour les raisons que j'ai mentionnées, il suffira d'une résolution du conseil de bande. Par contre, non seulement les Premières nations ayant établi leur propre code coutumier verront-elles cet amendement fournir au ministre ou à ses fonctionnaires un prétexte pour examiner leur code, alors que cela ne les regarde aucunement à mon avis, mais elles devront aussi se prêter à une démarche complexe pour obtenir une majorité de suffrages dans le cadre d'un vote secret. Il ne faut pas perdre de vue les risques de scission au sein de la communauté dans certaines de ces situations. Il y aura certes des tensions. On se querellera à propos des élections. L'obstacle pourrait être difficile à franchir.
Je sais que les proposants de cet amendement souhaitent respecter les codes coutumiers et compliquer un peu la tâche aux communautés qui veulent renoncer à ces codes en faveur du processus plus conventionnel prévu dans le projet de loi S- 6, mais la recherche de ce résultat souhaitable les expose au risque que le ministre mette son nez dans les affaires de ces communautés, tout en créant peut-être l'impression que les conseils de bande sont traités différemment selon qu'ils ont adopté un code coutumier pour leurs élections ou qu'ils s'en remettent à la Loi sur les Indiens. En principe, nous devrions traiter sur le même pied toutes les communautés quel que soit le mode électoral qu'elles ont choisi de se donner.
Le président : Il va de soi que ces mesures seront plus intrusives pour les conseils de bande qui appliquent un code coutumier. Je crois que nous cherchons d'abord et avant tout à affranchir les Premières nations du joug de la Loi sur les Indiens et de l'approche paternaliste qui prévaut depuis bien des années. Je serais donc prêt à...
Le sénateur Dyck : Pouvons-nous encore discuter de l'amendement?
Le président : Oui, si vous voulez; je suis désolé.
Le sénateur Dyck : Je suis un peu étonné. L'une de nos premières options consistait à limiter l'application de ce projet de loi aux Premières nations qui tiennent des élections en vertu de la Loi sur les Indiens, car cela semblait être l'intention visée par le ministre. À la lumière de témoignages subséquents, il est toutefois apparu évident que ce projet de loi touchera non seulement ces Premières nations-là, mais aussi celles qui ont un code électoral coutumier ou qui appliquent le régime héréditaire ou traditionnel. Elles seraient donc toutes concernées, peu importe le mode électoral choisi.
Si nous avions pensé que les choses se passeraient ainsi, nous aurions sans doute choisi l'autre option en limitant l'application de ce projet de loi aux Premières nations tenant des élections en vertu de la Loi sur les Indiens, mais comme nous croyions être tous sur la même longueur d'onde, nous avons renoncé à cette option et, en toute franchise, ce n'est pas nécessairement la position la plus agréable pour nous.
Le président : Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?
Le sénateur Watt : Vous avez travaillé d'arrache-pied, et je ne veux pas faire obstacle à vos efforts. Je crois cependant être en droit de poser une question. Pourquoi abordons-nous le tout au cas par cas au lieu de mettre l'accent sur l'ensemble de la Loi sur les Indiens pour régler cette question définitivement?
Le président : C'est un peu hors sujet, mais c'est une excellente proposition.
Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Je n'ai nullement l'intention de freiner le débat.
Personne d'autre ne souhaitant intervenir, l'article 3 sera mis aux voix à main levée.
Vous plaît-il, mesdames et messieurs les sénateurs, d'adopter cet article? Quels sont ceux qui sont en faveur?
Le sénateur Sibbeston : S'agit-il de l'amendement?
Le président : Oui.
Quels sont ceux qui sont contre?
Des abstentions?
Le sénateur Watt : Le vote ne porte que sur l'amendement, n'est-ce pas?
Le président : Effectivement.
Le sénateur Watt : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce qui est proposé.
Le président : Vous voterez donc en conséquence?
Le sénateur Watt : Oui.
Le président : Quels sont ceux qui sont contre? Veuillez lever la main une fois de plus pour que la greffière puisse faire le décompte.
Cinq sont pour et sept sont contre. Il s'agit de l'article 3.
Reprenons le débat sur l'article 3. Si l'un ou l'une d'entre vous souhaite proposer des amendements à cet article, c'est le temps de le faire.
Aucun amendement n'étant proposé, l'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
Le président : Quels sont ceux qui sont pour?
Quels sont ceux qui sont contre?
L'article 3 est adopté.
L'article 4 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Quels sont ceux qui sont contre?
L'article 4 est adopté.
L'article 5 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Quels sont ceux qui sont contre?
L'article 5 est adopté.
L'article 6 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Quels sont ceux qui sont pour?
Quels sont ceux qui sont contre?
L'article 6 est adopté.
L'article 7 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Quels sont ceux qui sont contre?
L'article 7 est adopté.
L'article 8 est-il adopté? Quels sont ceux qui son pour?
Quels sont ceux qui sont contre?
L'article 8 est adopté.
Le sénateur Sibbeston : Pourquoi ne pas mettre fin à cette énumération, comme il est évident qu'aucun autre amendement ne sera présenté?
Le président : Si mes collègues sont d'accord, nous allons regrouper les articles 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, et cetera jusqu'à l'article 44. Ces articles sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Quels sont ceux qui sont pour?
Quels sont ceux qui sont contre?
Les articles sont adoptés.
L'annexe est-il adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : Quels sont ceux qui son pour?
Quels sont ceux qui sont contre?
L'annexe est adoptée.
L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Quels sont ceux qui sont pour?
Quels sont ceux qui sont contre?
L'article 1 est adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Sibbeston : Je voudrais signaler que vous avez déployé des efforts pour tenir compte de l'avis du plus grand nombre. Initialement, certains d'entre nous étaient convaincus qu'il faudrait plusieurs amendements pour les alinéas 3(1)b) et c), ainsi que pour le choix entre le tribunal ou une commission. Au cours du débat, nous avons convenu de laisser le tout en plan, pour que le sénateur Patterson vérifie si l'on peut donner suite à ces amendements. Nous estimons avoir été trahis parce que le sénateur Patterson ne semble pas avoir fait la moindre tentative en ce sens. Il a simplement énoncé les raisons pour lesquelles il était contre les amendements dont nous avions tous convenu cet après- midi. Nous estimons avoir été trahis.
Si un tel scénario doit se répéter lorsque nous serons saisis d'un autre projet de loi, quelle est donc l'utilité de tenir un débat si aucun amendement ne peut être proposé? Quel rôle les sénateurs et les sénatrices devront-ils jouer dorénavant s'il leur est impossible d'améliorer un projet de loi en y apportant des amendements? Cela me laisse un goût amer.
Le président : Puis-je formuler une observation sur votre commentaire?
Le sénateur Sibbeston : Certainement.
Le président : Sénateur Sibbeston, je suis au courant des efforts déployés par le sénateur Patterson. Il n'en a ménagé aucun. Les alinéas b) et c) ont fait l'objet de longs échanges. Je vous ai dit que je ne voulais pas que les choses s'éternisent lorsque nous avons abordé ces dispositions parce qu'il s'agissait d'un choix. Cependant, pour en revenir à vos propos l'égard du sénateur Patterson, je suis au courant de tous les efforts qu'il a déployés et des nombreuses fois où il a consulté le ministère pour donner suite à certains de ces amendements.
Le sénateur Sibbeston : Ce soir, le sénateur Patterson ne nous a jamais parlé de ses tentatives de donner suite à ce qui avait été décidé par nous d'une façon consensuelle.
Le président : C'est plus facile pour moi de parler en son nom.
Le sénateur Sibbeston : Il a simplement fait valoir les arguments du ministère.
Sénateur Patterson, si un tel scénario se répétait à l'avenir, pourquoi un comité sénatorial devrait-il tenir une séance pour examiner un autre projet de loi? Ne devrions-nous pas plutôt vous laisser l'examiner seul, compte tenu du fait que nous savons qu'aucun amendement ne sera possible? Le projet de loi a été adopté tel qu'il a été présenté par le ministre. Quel rôle les sénateurs et les sénatrices devront-ils jouer à l'avenir lorsqu'un projet de loi leur sera soumis? Devrions-nous essayer de l'améliorer ou devrions-nous en arriver à la conclusion que cela sera impossible?
Mettons fin à tout cela. C'est une perte de temps. Nous leurrons les Canadiens en leur faisant croire que notre rôle consiste à examiner un projet de loi afin de l'améliorer.
Le Sénat jouit d'une certaine réputation. Il amende 25 p. 100 des projets de loi dont il est saisi. Cependant, en vertu d'une nouvelle règle, aucun projet de loi ne peut faire l'objet d'un amendement, n'est-ce pas? C'est la réalité. Sachons-le, de sorte que nous ne perdrons pas notre temps à essayer en vain d'améliorer les choses pour le compte des Premières nations du Canada.
Sénateur Patterson, qu'avez-vous à dire?
Le sénateur Patterson : Tout d'abord, monsieur le président, j'ai déjà dit dans cette enceinte et devant notre comité que je suis ravi de faire partie d'un comité qui fonctionne et a fonctionné d'une façon non partisane, même si mes collègues estiment que ce n'est pas le cas ce soir. Jamais je n'oserais dire qu'il ne faudrait pas amender un projet de loi dont notre comité est saisi. En fait, lorsque nous avons examiné la première version du projet de loi sur la salubrité de l'eau potable, le sénateur Sibbeston se souviendra que j'ai été sans pitié pour les représentants du ministère à l'égard des fortes lacunes des dispositions relatives à la non-dérogation au règlement éventuel. En toute franchise, j'ai été ravi que le projet de loi meure au Feuilleton.
Il comportait trop de lacunes, selon moi. J'espère que la nouvelle version du projet de loi, c'est-à-dire la prochaine que nous examinerons, contiendra les améliorations nécessaires, y compris en ce qui concerne les dispositions relatives à la non-dérogation. Je me considère un sénateur indépendant. Je n'hésiterais à appuyer un amendement si j'estime qu'il est sensé.
Que s'est-il passé aujourd'hui? Je pense que mes collègues reconnaîtront que nous disposions d'un très court délai pour aborder cette question en trois séances. Je tiens à ce que mon collègue sache que, à titre du parrain du projet de loi, j'ai consulté le ministère en toute bonne foi immédiatement après la fin de notre réunion, ce midi. J'ai reconnu que les amendements étaient sensés. Je vous ai indiqué ce matin que je croyais vos propositions raisonnables et que j'en saisirais la haute direction du ministère, ce que j'ai fait.
J'ai signalé que cette question soulevait de graves problèmes et que vos propositions étaient raisonnables. J'ai soumis l'amendement à l'examen du ministère en expliquant les raisons le justifiant. Sans entrer dans les détails, j'ai abordé la question avec les cadres supérieurs du ministère au cours de l'après-midi. On m'a persuadé en me faisant valoir les motifs que je vous ai expliqués ce soir. J'aurais peut-être dû insister sur le fait que je ne lisais pas nécessairement la réponse du ministère. On m'a persuadé en m'expliquant l'intention générale du projet de loi et la position du ministère qui n'était pas disposé à empiéter sur le code coutumier. J'abonde également dans ce sens. Après mûre réflexion, j'ai estimé que l'amendement allait dans ce sens en mettant à contribution le ministre pour des questions ne relevant pas de son mandat.
Je sais qu'on l'a communiqué à votre adjoint, probablement tard dans l'après-midi, mais cela s'adressait à vous. J'ai été de bonne foi. Il ne s'agissait certainement pas d'un piège. J'avais vraiment espéré pouvoir vous dire ce soir que c'est un amendement utile, qui améliorera le projet de loi, mais je n'ai pas été convaincu et maintenant, nous en sommes là.
Le sénateur Munson : La question est de savoir qui énonce les politiques publiques dans ce pays? Les bureaucrates ou les politiciens?
Le sénateur Patterson : Laissez-moi vous dire que le ministre des Affaires autochtones a participé aux discussions. Je vous répondrais, monsieur le sénateur, que non, ce ne sont pas les bureaucrates qui énoncent les politiques, mais les représentants élus.
En ce qui me concerne, j'en prends la responsabilité. J'aurais pu dire au ministère que nous avions cet amendement. Nous devrons rester en paix au sein du comité. Ce comité a une longue tradition de consensus, ce que je respecte énormément. Même si je suis nouveau, je respecte cela, mais j'étais convaincu que l'amendement n'était pas approprié. J'en ai donné les raisons ce soir. J'en assume les conséquences. Vous pouvez en discuter à la Chambre, si vous le souhaitez.
Le sénateur Sibbeston : Il me semble...
Le président : Le sénateur Patterson a la parole.
Le sénateur Sibbeston : Avez-vous fini?
Le sénateur Patterson : Oui.
Le sénateur Sibbeston : Il me semble que le sénateur Patterson aurait dû consulter le ministre ou ses collaborateurs. Il faut en effet reconnaître que ce ne sont probablement pas les fonctionnaires qui insisteront pour procéder à un changement. Ils gagnent leur vie en appuyant le statu quo. Ils gagnent leur vie en maintenant les choses telles qu'elles sont. Ce ne sont pas à eux qu'il faut s'adresser en la matière.
Je pense que vous auriez dû consulter le ministre. Nous vous avions dit que vous alliez devoir vous battre, monsieur le sénateur. Nous nous attendions à voir sur vous des traces de cette bataille, et je n'en vois aucune.
Le sénateur White : Regardez de plus près, il en est tout couvert.
Le sénateur Dyck : Je crois qu'il y a eu un grave problème de communication. Si vous aviez su ce que vous alliez dire ce soir, j'aurais dû en prendre connaissance avant le début de la séance. Nous avons eu toutes ces conversations bien longtemps à l'avance, et je ne savais pas que vous alliez changer d'avis. C'est une énorme différence par rapport à ce que nous nous sommes dits à midi.
Le président : Vous n'en étiez pas avisée?
Le sénateur Dyck : Non, pas personnellement. Je pense que le sénateur Patterson ou vous-même auriez dû m'en parler directement, si vous le saviez.
Le président : Il ne fait aucun doute que vous auriez dû en être avisée. J'avais l'impression que vous l'aviez été. Je regrette ce qui s'est passé.
Le sénateur Dyck : Non, je n'en ai pas pris connaissance directement. Nous n'avions probablement plus de temps pour faire quoi que ce soit, mais c'est une grave erreur que je n'oublierai pas.
Le président : Nous avons accompli beaucoup de travail. Le sénateur Watt a déjà collaboré avec nous. Je trouverais dommage que tout ce travail soit sapé par une mesure législative volontaire. Toutes les lois sont importantes, mais ce n'est pas quelque chose qui est imposé aux gens. Je trouve un peu problématiques les alinéas 3(1)b) et c), mais si l'on considère l'ensemble de la loi, ce n'est pas coûteux. C'est quelque chose de facultatif pour les Premières nations de notre pays. Je vous prie de m'excuser, madame le sénateur, que l'on ne vous ait pas tenue au courant. J'ai eu l'impression que vous étiez partie prenante à tout cela et que vous saviez ce qui allait arriver.
Le sénateur Meredith : Je comprends le sentiment de mes collègues et je crois qu'il faut en tirer une leçon. Je comprends que le sénateur Patterson est intervenu et que le ministre a participé au processus. Il est évident que ce côté a fait preuve d'un grave manque de communication. Pour l'avenir, je pense que l'on peut maintenir l'intégrité du comité en ouvrant davantage les voies de communication lorsque des amendements sont proposés et qu'il y a des compromis à faire. De son côté, le ministère aurait pu faire des concessions et voir de quelle façon l'amendement aurait pu être proposé autrement et accepté. Mais puisque nous en sommes à la toute dernière minute — et par souci de faire avancer le projet de loi —, on pourra peut-être faire d'autres amendements ailleurs.
Le président : Il est toujours possible de faire des amendements à l'étape de la troisième lecture. En tout cas, je peux vous dire qu'en 29 ans d'exercice, je n'ai jamais vu de séance comme celle que vous et moi avons eue avec les sénateurs Dyck et Sibbeston. Je n'ai jamais vu cela. On peut me critiquer de n'avoir pas tenu le sénateur Dyck au courant. Toutefois, je peux vous dire que depuis 29 ans que je suis ici, je n'ai jamais vu, sous des gouvernements précédents et même celui-ci, des gens essayer de trouver une solution à un problème de cette façon-là.
Ce serait malheureux de ne pas pouvoir poursuivre de cette manière qui a été si productive. Il ne s'agit pas ici de nous et de notre petit orgueil, il s'agit des peuples des Premières nations. Il faut le dire, c'est de cela qu'il s'agit.
Le sénateur Sibbeston : Exactement, et nous devrions reprendre comme avant. La prochaine fois que nous sommes saisis d'un projet de loi, nous devrions indiquer très clairement que le Sénat est capable de remplir son rôle et de l'amender au besoin. Si nous l'estimons tous nécessaire, nous devrions pouvoir amender un projet de loi plutôt que de nous retrouver dans la situation dans laquelle nous ne pouvons y apporter aucun amendement. Même si les trois amendements que nous avions proposés étaient très raisonnables, ils n'ont pas pu être adoptés. Comme je l'ai dit, je vous sais gré des efforts que vous déployez pour traiter la question de façon consensuelle. Nous avons dit au sénateur Patterson de rencontrer les représentants officiels et de se battre, et même de revenir tout meurtri s'il le faut, mais de montrer qu'il s'est battu.
Le président : Je pense que la discussion est close.
Le sénateur White : Je crois que l'on en a assez parlé.
Le sénateur Patterson : J'aimerais dire que les communications n'ont pas été aussi respectueuses qu'elles auraient dû l'être. J'ai fait l'erreur de croire qu'une communication avec le personnel était suffisante. J'en tire une leçon et prie les sénateurs Dyck et Sibbeston de m'excuser. Par respect pour eux, j'aurais dû leur faire rapport de ma mission auprès du ministère et du ministre. J'ai peut-être hésité à le faire parce que je n'avais pas de bonnes nouvelles à leur apporter. Je les prie de m'excuser.
Je tiens à rappeler que je ne veux pas faire partie d'un Sénat ou même d'un gouvernement qui estime que les projets de loi sont rédigés à la perfection. J'ai assez d'expérience pour savoir que ce n'est pas le cas. À l'avenir, je serai ouvert aux amendements, qu'ils s'appliquent à un projet de loi gouvernemental ou, si la question est suffisamment importante, qu'ils aillent à l'encontre de l'avis du ministre concerné. Je crois en l'indépendance du Sénat.
Le président : Il y a deux sénateurs qui veulent monopoliser la conversation, mais j'aimerais poursuivre. Il n'y a pas lieu de continuer cette discussion — nous pourrions y passer la nuit.
Le titre est-il adopté?
Le sénateur Sibbeston : Je pense que nous approchons d'une entente et que nous préparons le terrain pour l'avenir. Ce que les sénateurs ont à dire à ce sujet m'intéresse, car ce sera utile pour l'avenir.
Le sénateur Watt : Comme je ne suis pas membre du comité et que je n'ai pas passé beaucoup de temps sur la question, j'aurai une question à poser à mes collègues. Lorsque vous avez rédigé l'amendement — celui que nous avons traité et qui a été rejeté —, j'imagine que vous envisagiez la portée générale de la loi. Pour cette raison, vous l'avez assorti de deux autres amendements.
Qu'arrivera-t-il maintenant, à votre avis, étant donné vos connaissances et le fait que vous êtes plus que n'importe qui en contact régulier avec les collectivités concernées? Un amendement proposé a été rejeté et vous n'avez pas réussi à présenter les deux autres parce que vous avez conclu une entente avec l'autre côté. Vous espériez qu'ils rapporteraient une entente positive et pouvoir au moins faire passer un amendement.
D'après ce que je comprends, c'est ce que vous étiez en train de m'expliquer. Est-ce que le fait que ces autres amendements ne soient pas traités aura une influence sur votre esprit?
Le sénateur Dyck : Influence sur notre esprit? Que voulez-vous dire?
Le sénateur Watt : Oui, c'est dans votre esprit parce que vous êtes ceux qui le comprennent et l'adoptent. La collectivité aura à l'accepter.
Le sénateur Sibbeston : Le sénateur Watt fait, je crois, allusion à l'approche consensuelle que nous avons prise. Nous l'avons essayé, et je crois en cette approche parce que c'est elle qui est utilisée dans les Territoires du Nord-Ouest où nous n'avons pas de partis politiques et où les dossiers sont traités selon leur mérite.
En dépit de la situation qui s'est présentée ce soir, je n'ai pas renoncé à faire preuve de bonne volonté et à l'approche utilisée; j'accepte vos déclarations, monsieur le sénateur, et je me réjouis à la perspective de continuer de travailler avec vous.
Cette situation me convient.
Le président : Nous allons donc poursuivre.
Le sénateur Dyck : Cela ne convient pas, mais tant pis. Vous pouvez être vice-président.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Le titre est adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est adopté.
Le comité souhaite-t-il envisager d'annexer des observations au rapport?
Des voix : Oui.
Le sénateur Sibbeston : Nous voulons faire des observations, nous avons un projet d'amendement...
Le président : Nous avons des observations.
Voulez-vous discuter des observations en comité plénier ou à huis clos? Nous avons le choix.
Le sénateur Sibbeston : Ce serait bien en public.
Le président : D'accord, cela nous convient en public. Nous avons un exemplaire des observations, que je vais lire pour qu'elles figurent dans le compte rendu. Est-ce que tout le monde à son exemplaire?
Des voix : Oui.
Le président : Est-ce que tout le monde est satisfait de son exemplaire?
Le comité souhaite-t-il en prendre connaissance, ou veut-il que je les lise afin qu'elles figurent dans le compte rendu? Que décidez-vous?
Le sénateur Patterson : Lisez-les afin qu'elles figurent au compte rendu.
Le président :
Observations
1. Au cours des dernières années, on a créé de nombreuses institutions dirigées par les Premières nations avec pour but de renforcer la capacité de ces dernières d'exercer leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Ces institutions volontaires exercent leurs activités dans certains domaines comme la gestion des terres, l'imposition et l'éducation. Elles se sont révélé des plus efficaces, et les Premières nations les utilisent de plus en plus.
Le projet de loi S-6 n'aborde pas cette question. Aux termes de cette mesure législative, le ministre et les agents de son ministère ne s'occuperont plus des appels, une mesure positive de l'avis du comité. Au lieu de cela, ce sont les tribunaux qui rendront les décisions relatives aux appels. D'abord, nous concluons que l'approche définie dans le projet de loi S-6 pourrait empêcher les citoyens des Premières nations de présenter des demandes légitimes, car les frais qu'ils devraient engager pourraient être assez prohibitifs. Cela réduirait le service juridique pour les gens qui ne peuvent s'en prévaloir, faute d'argent. Nous sommes donc inquiets de voir que les coûts engagés pour interjeter appel, que le ministère assume actuellement, accableront les personnes qui peuvent le moins se le permettre. Ensuite, nous notons que l'approche proposée ne répond peut-être pas en pratique à la nécessité de se doter d'un processus d'appel rapide et approprié sur le plan culturel.
De nombreux juristes, la plupart des Premières nations et le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones recommandent tous la création d'une autre institution de même nature, volontaire et dirigée par les Premières nations, qui serait chargée de régir les élections chez ces dernières, quel que soit le système qu'utilise la Première nation pour choisir ses dirigeants, et de mettre sur pied un centre d'expertise qui pourra s'occuper de manière efficace et efficiente des conflits sur les élections.
Nous avons examiné l'argumentation selon laquelle il faudrait consacrer beaucoup de ressources à la création d'une commission électorale indépendante, ce qu'il serait difficile de justifier pour un cadre législatif optionnel, mais nous ne sommes pas convaincus du fait que le coût additionnel est nécessairement plus grand que celui qu'assume déjà le gouvernement pour faire enquête et traiter les appels. Le gouvernement fédéral devrait examiner de plus près ce qu'il lui en coûte actuellement pour faire enquête sur les appels, les coûts entourant l'établissement d'un mécanisme d'appel indépendant ainsi que tous les coûts supplémentaires qu'il pourrait devoir engager pour la mise en place de ce processus pour toutes les Premières nations, quelle que soit la façon dont celles-ci tiennent leurs élections.
Le projet de loi S-6 vise à donner suite aux recommandations formulées par l'Assemblée des chefs du Manitoba et l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs, dont, notamment, l'établissement d'un organe d'appel indépendant et impartial.
Par conséquent, nous sommes d'avis que la création d'une institution électorale autochtone représente quelque chose d'inachevé que le Canada devrait poursuivre avec les Premières nations qui sont intéressées et leurs organisations.
2. Le projet de loi S-6 constitue une amélioration notable par rapport au système électoral prévu par l'actuelle Loi sur les Indiens. Cependant, il n'est qu'une nouvelle étape de l'expression totale du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Les Premières nations dont les élections relèvent de la Loi sur les Indiens devraient être encouragées à franchir cette étape. On devrait quand même reconnaître que leur but ultime est d'établir leur propre droit coutumier en matière d'élections ou d'autres formules de gouvernement autonome reflétant leur propre histoire et leurs propres traditions, et le ministre devrait encourager et appuyer cette tentative lorsque les Premières nations démontrent leur volonté de le faire.
3. Certains observateurs s'inquiètent du fait que les alinéas 3(1)b) et 3(1)c) du projet de loi S-6 donnent des pouvoirs supplémentaires au ministre. Le ministre et ses fonctionnaires soutiennent qu'ils restreignent au contraire les pouvoirs qu'il possède déjà en vertu de la Loi sur les Indiens. Quoi qu'il en soit, nous sommes d'avis que ces pouvoirs, qu'ils s'exercent en vertu de la Loi sur les Indiens ou en vertu du projet de loi S-6, perpétuent une attitude coloniale et paternaliste à l'égard de la gouvernance des Premières nations. Les alinéas 3(1)b) et 3(1)c) ne devraient être invoqués que dans de rares cas, après que tous les autres mécanismes de résolution des différends ou de réforme démocratique au niveau des Premières nations auront été mis en place et auront échoué.
Y a-t-il des commentaires au sujet du document? Je me rends compte qu'il a été publié bien tard.
Le sénateur Sibbeston : Je propose que ces observations soient intégrées dans le projet de loi.
Le président : La proposition est faite par le sénateur Sibbeston. Êtes-vous d'accord pour que les observations soient annexées au rapport?
Le sénateur Patterson : J'appuie la proposition.
Le président : La proposition est appuyée par le sénateur Patterson. Des questions?
Le sénateur Patterson : À la première ligne, il devrait y avoir un tiret dans l'expression anglaise « First Nations-led institutions ».
Le président : Nous ferons autre chose qui rendra la situation immédiatement claire.
Je demande un vote sur la motion du sénateur Sibbeston, qui est appuyée par le sénateur Patterson. Quels sont ceux qui sont pour?
Les honorables sénateurs : D'accord.
Le président : Y en a-t-il qui sont contre? Y a-t-il des abstentions? Aucune. La motion est adoptée.
Seulement si le comité le souhaite, je propose que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à approuver la version finale. Est-il convenu d'autoriser l'approbation de la version finale des observations annexées au présent rapport, en tenant compte de la discussion d'aujourd'hui et de tout changement de forme, de grammaire ou de traduction nécessaire? Êtes-vous d'accord?
Les honorables sénateurs : D'accord.
Le président : Adopté.
Est-il convenu, honorables sénateurs, que je fasse rapport du projet de loi au Sénat, avec des observations?
Les honorables sénateurs : Oui.
Le président : Y a-t-il des contre? Non, adopté.
Merci, chers collègues.
Le sénateur Watt : Votons-nous sur le projet de loi principal?
Le président : C'est ce que nous venons de faire. J'ai demandé s'il était convenu que nous fassions rapport du projet de loi.
D'autres points? Laissons-nous donc dans un esprit d'ouverture et de conciliation. Bonne nuit.
(La séance est levée.)