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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 16 - Témoignages du 1er mai 2012


OTTAWA, le mardi 1er mai 2012

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à, 9 h 33, pour étudier le projet de loi S-8, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations.

[Français]

Marcy Zlotnick, greffière du comité : En tant que greffière du comité, il est de mon devoir de vous informer de l'absence inévitable du président et de la vice-présidente et de présider à l'élection d'un président suppléant.

[Traduction]

Je suis prête à recevoir une motion proposant un président suppléant. Y a-t-il des candidatures?

Le sénateur Meredith : Je propose le sénateur Patterson.

Mme Zlotnick : L'honorable sénateur Meredith propose que l'honorable sénateur Patterson préside le comité.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Mme Zlotnick : Je déclare la motion adoptée, et j'invite le sénateur Patterson à prendre le fauteuil.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Merci. Lourde succession à assumer.

Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur le web.

Je m'appelle Dennis Patterson. Je suis un sénateur du Nunavut, et j'ai l'honneur de présider le comité pour la séance d'aujourd'hui.

Le mandat du comité consiste à étudier des mesures législatives et d'autres questions qui se rapportent aux peuples autochtones du Canada en général. Aujourd'hui, nous entendrons des témoignages qui portent sur le projet de loi S-8, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations.

Bien que, de façon générale, les systèmes de distribution d'eau et de traitement des eaux usées et leur fonctionnement relèvent des gouvernements provinciaux et territoriaux, la responsabilité à l'égard de l'eau potable dans les réserves est partagée entre le gouvernement fédéral et les Premières nations. Au niveau fédéral, l'approvisionnement des réserves en eau potable salubre relève principalement de trois ministères : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Santé Canada et Environnement Canada. Les collectivités des Premières nations, par l'intermédiaire de leurs chefs et de leurs conseils, sont chargées de concevoir, d'exploiter et d'entretenir leurs systèmes d'alimentation en eau, dont elles assument 20 p. 100 des coûts.

Nous entendrons des témoins d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, du ministère de la Justice et de Santé Canada, qui nous livreront une vue d'ensemble sur le dispositif législatif qui régit l'approvisionnement en eau potable.

Je signale aux membres du comité que la coutume veut que le ministre responsable, dans ce cas-ci l'honorable John Duncan, comparaisse devant le comité. Le comité de direction a accepté d'entendre les fonctionnaires, étant donné que le ministre est retenu ce matin au Comité des priorités et de la planification du Cabinet. Nous trouverons un autre moment pour la comparution du ministre, peut-être vers la fin des audiences.

Avant l'audition des témoins, je voudrais toutefois présenter les membres du comité qui sont présents : le sénateur Larry Campbell, de la Colombie-Britannique; le sénateur Jim Munson, de l'Ontario; le sénateur Salma Ataullahjan, de l'Ontario; le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique; le sénateur Patrick Brazeau, du Québec; le sénateur Don Meredith, de l'Ontario; enfin, et ce n'est pas le moindre, le sénateur Jacques Demers, du Québec.

Nous attendons les exposés des témoins, après quoi les sénateurs poseront des questions. Je vous en prie.

Gail Mitchell, directrice générale, Direction générale des infrastructures communautaires, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Monsieur le président, merci de l'occasion qui nous est offerte de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones qui amorce son étude du projet de loi S-8, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations.

Je souligne d'emblée le fait que, en partenariat avec Santé Canada, le ministère demeure résolu à travailler avec les Premières nations afin de résoudre les problèmes d'eau et d'eaux usées sur les terres des Premières nations. Le budget de 2012 a annoncé des fonds de 330,8 millions de dollars sur deux ans, dans le cadre du Plan d'action économique, pour la construction et la rénovation d'infrastructures dans les services d'eau et afin de soutenir l'élaboration d'une stratégie à long terme en vue d'améliorer la qualité de l'eau dans les collectivités des Premières nations. En réalité, de 2006-2007 à 2013-2014, le gouvernement aura investi environ 3 milliards de dollars dans les infrastructures d'alimentation en eau potable et de traitement des eaux usées dans les collectivités des Premières nations. Ces investissements s'inscrivent dans une approche ciblée qui est axée sur les investissements dans les infrastructures, l'élaboration de normes exécutoires et la capacité et la formation des opérateurs.

[Français]

Le ministère et les Premières nations partagent le même objectif d'assurer aux Premières nations un accès à de l'eau potable sécuritaire, propre et fiable. L'élaboration de normes et de règlements fédéraux sera une étape majeure en vue d'assurer que l'eau sur les terres des Premières nations respecte les normes élevées auxquelles s'attendent et que méritent tous les Canadiens.

Voilà près de cinq ans que le comité a déposé son rapport intitulé L'approvisionnement en eau potable sécuritaire pour les Premières nations. La recherche effectuée par le comité sur ce sujet a permis aux membres de déterminer les nombreuses menaces à la qualité de l'eau sur les terres des Premières nations et aussi les mesures précises qui doivent être apportées pour remédier à ces problèmes.

Le projet de loi qu'examine actuellement le Sénat donne suite directement à une des recommandations contenues dans ce rapport.

[Traduction]

Votre rapport ainsi que celui du Bureau du vérificateur général et celui du Groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations ont amené le gouvernement à présenter le projet de loi S-11 au cours de la législature précédente, en mai 2010. Ce projet de loi devait faire en sorte que soient mises en place des normes exécutoires afin de protéger la santé et la sécurité des habitants des terres des Premières nations. Le comité a beaucoup travaillé au projet de loi, qui est resté en plan au Feuilleton à cause de la dissolution du Parlement, en mars 2011. Auparavant, vous aviez entendu un large échantillon de témoins qui étaient d'accord pour dire qu'il fallait améliorer la qualité de l'eau potable sur les terres des Premières nations. Le ministère est d'accord, monsieur le président. Il y a eu des progrès et des améliorations en ce qui concerne l'accès à des sources fiables d'eau potable salubre et propre.

Il faut aussi des protections exécutoires sur les terres des Premières nations. Ces normes exécutoires auront un effet favorable sur la santé en faisant progresser régulièrement l'efficacité des services d'eau dans les collectivités des Premières nations pour qu'ils deviennent comparables à ce qu'on trouve à l'extérieur des terres des Premières nations. Voilà pourquoi vous êtes aujourd'hui saisis du projet de loi S-8. Il permettra d'élaborer des règlements. Mais les règlements ne suffisent pas.

Donnant suite à l'engagement du gouvernement à améliorer la qualité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations, le ministère a entrepris une évaluation nationale indépendante des systèmes d'alimentation en eau et de traitement des eaux usées sur les terres des Premières nations, comme le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones l'a recommandé dans son rapport de 2007, L'approvisionnement en eau potable sécuritaire pour les Premières nations. Cette évaluation a été la plus rigoureuse jamais entreprise au sujet de ces systèmes sur les terres des Premières nations. Nous reconnaissons la nécessité d'un point de repère solide pour la myriade de systèmes et de niveaux de risque. Le ministre Duncan a rendu publics les résultats de cette évaluation en juillet dernier. Comme on s'y attendait, l'évaluation a montré qu'il fallait poursuivre le travail non seulement en faisant une planification à moyen et à long terme des besoins en infrastructures, mais aussi en élaborant des normes exécutoires.

[Français]

On peut dire honnêtement qu'en raison des travaux de ce comité et de l'importante contribution des Premières nations partout au pays, le projet de loi S-8 a beaucoup changé par rapport au projet de loi que vous aviez étudié auparavant. En effet, ce projet de loi et les importantes modifications apportées découlent de discussions intenses menées auprès des représentants des Premières nations, y compris l'Assembly of Treaty Chiefs of Alberta et le Congrès des chefs de l'Atlantique. De plus, il prend en compte bon nombre de leurs préoccupations. La collaboration avec les Premières nations continuera comme elle l'a fait au cours des six dernières années à élaborer les règlements découlant de ce projet de loi en plus de s'attaquer aux défis sérieux en matière d'infrastructure et de fonctionnement qui auraient lieu en raison de l'entretien pendant le cycle de vie des infrastructures.

[Traduction]

Nous reconnaissons que des investissements importants s'imposent. Les quelque 3 milliards de dollars que le gouvernement aura débloqués entre 2006 et 2014 financent des dizaines de projets comme la construction d'usines de traitement de l'eau potable et la réparation de réseaux de distribution. En 2012, les travaux étaient déjà en cours sur 47 systèmes de traitement de l'eau potable qui présentaient des risques élevés sur le plan de la conception et sur le plan général, d'après l'évaluation nationale.

Comme les membres du comité le savent, l'évaluation et l'investissement ne peuvent à eux seuls assurer un approvisionnement régulier en eau potable salubre aux collectivités des Premières nations. Une réussite durable exige des règlements et des normes exécutoires, qui permettent d'assurer la responsabilisation. Ils aident à préciser qui est responsable des nombreuses activités que suppose l'approvisionnement en eau potable salubre, notamment la protection des sources, les tests réguliers, la tenue cohérente de documents et une formation et agrément rigoureux des opérateurs.

Les règlements d'application du projet de loi S-8 doivent être adaptés aux régions et les Premières nations doivent participer directement à leur élaboration. Le projet de loi S-8 propose un mécanisme de collaboration qui permettrait d'élaborer des règlements adaptés à chaque région du pays. Les préoccupations des Premières nations au sujet de leur rôle dans l'élaboration de ces règlements ont été entendues. Le gouvernement s'engage à collaborer avec elles dans ce dossier, et le préambule du projet de loi S-8 le dit explicitement. Les règlements seront élaborés région par région. Cette approche est souple, conciliante, responsable et appropriée. Des entretiens exploratoires sont déjà en cours avec certaines organisations des Premières nations; il s'agit de voir comment nous pouvons nous préparer à l'élaboration des textes réglementaires et au partenariat.

Des préoccupations se sont fait entendre également au sujet de l'incorporation par renvoi de normes et de règlements provinciaux et territoriaux. Cela ne conférerait aucune compétence aux provinces et aux territoires à l'égard des terres des Premières nations. Cela permettrait plutôt de prendre des règlements fédéraux comparables à ceux des provinces et territoires et donnerait aux collectivités des Premières nations et des municipalités avoisinantes la possibilité de travailler ensemble dans des domaines comme la formation et les nouvelles technologies. Vous remarquerez néanmoins que les modifications prévues dans le projet de loi S-8 font en sorte que les règlements pris sous l'empire du projet de loi à l'égard des sources d'eau visent seulement la protection contre la contamination.

Le ministère travaillera avec les Premières nations afin d'examiner les règlements provinciaux et territoriaux existants pour s'assurer que les circonstances locales orientent chaque ensemble de règlements. À cause de cette approche, il y aura peut-être de légères différences dans la réglementation d'une région à l'autre. Dans tous les cas, la protection de la santé publique sera le principal objectif des règlements. Au bout du compte, tous les Canadiens doivent avoir accès à une source fiable d'eau potable salubre et propre.

À la conférence de presse de février 2012 où a été annoncée la présentation de la loi proposée, le chef Charles Weasel Head a parlé de l'importance de la collaboration pour l'application du projet de loi. Il a dit que « les dirigeants autochtones ont de grandes attentes et beaucoup d'espoir » à l'égard de cette collaboration qui repose sur « le véritable esprit de nos traités, l'intention qu'ils traduisent et les droits inhérents ». Il a dit que la Couronne « donne suite à son engagement d'aller de l'avant » avec les Premières nations « pour commencer à établir les relations essentielles à la réédification de nos nations. Il ne s'agit pas seulement de réformer le statu quo, mais d'apporter des transformations profondes. »

Du travail s'est fait pour répondre non seulement aux préoccupations soulevées au cours des discussions, mais aussi à celles des membres du comité, des organisations des Premières nations, de particuliers et d'organisations non gouvernementales qui ont participé aux audiences sur le projet de loi S-11. Sur la base de ces réactions, beaucoup de préoccupations ont été prises en compte dans le projet de loi S-8. Par exemple, un passage a été ajouté au préambule pour préciser l'intention du gouvernement d'améliorer la santé et la sécurité des habitants des réserves et de travailler avec les Premières nations à l'élaboration des règlements fédéraux découlant du projet de loi.

Une disposition de non-dérogation a été ajoutée. Il a été précisé que tout règlement sur la protection des sources d'eau des terres des Premières nations serait limité à la prévention de la contamination et que les règlements pourraient faire en sorte que les Premières nations ne puissent être tenues responsables de systèmes situés sur leurs terres qui appartiennent à des tiers. On a bien dit aussi que les règlements d'application du projet de loi ne traiteraient pas des questions de répartition de l'eau et que l'autorité des règlements de conférer des pouvoirs judiciaires, législatifs et administratifs serait limitée à ce qui est nécessaire pour réglementer efficacement les systèmes d'eau.

[Français]

L'objectif de ce projet de loi reste le même : élaborer, en collaboration avec les Premières nations, des règlements qui veillent à la sécurité de l'eau potable. C'est une question de santé et de sécurité pour les communautés des Premières nations.

[Traduction]

Là-dessus, je vous remercie de votre temps et je vais céder la place à ma collègue de Santé Canada, qui voudrait vous adresser quelques mots. Ensuite, je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Shelagh Jane Woods, directrice générale, Direction des soins de santé primaires et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada : Bonjour, je suis Shelagh Jane Woods, directrice générale à Santé Canada.

[Traduction]

Je voudrais moi aussi remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de parler, au nom de Santé Canada, de la loi proposée sur la salubrité de l'eau potable des Premières nations.

[Français]

L'adoption de cette loi permettra à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada qu'ainsi qu'à Santé Canada de travailler de concert avec les Premières nations en vue d'élaborer, pour chaque sphère de compétence applicable, une réglementation spécifiant les exigences concernant la qualité de l'eau, la surveillance et la déclaration, ainsi que les autres mesures de protection touchant la santé publique adaptées aux réalités des Premières nations, contribuant ainsi à réduire le fossé entre les Premières nations et les autres communautés canadiennes.

[Traduction]

La gestion de l'eau potable et des eaux usées est essentielle à la santé des personnes et à la santé publique. Les avantages des fonds injectés pour assurer la salubrité de l'eau vont de l'économie de temps réalisée grâce à la facilité d'accès, à la diminution de l'absentéisme à l'école et au travail et à la baisse du taux de morbidité, en passant par l'augmentation de l'espérance de vie et la hausse de la productivité.

Par ailleurs, il existe des liens clairs et directs entre la mauvaise qualité de l'eau et les préjudices à la santé humaine, par exemple les maladies et les épidémies d'origine hydrique. En outre, en l'absence d'une bonne gestion des eaux usées, des contaminants dangereux et des bactéries et virus pathogènes peuvent se retrouver dans les sources d'eau et l'environnement.

Comme l'honorable sénateur Patterson l'a dit en début de séance, la responsabilité de la qualité de l'eau potable et de la gestion des eaux usées selon des modalités acceptables au sud du 60e parallèle est partagée entre les Premières nations, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Santé Canada et Environnement Canada.

Notre rôle, à Santé Canada, est d'aider à contrôler la qualité de l'eau et d'autres activités de santé publique. Entre autres, nous aidons les collectivités à vérifier la qualité globale de l'eau potable au robinet et nous examinons, interprétons et diffusons les résultats avec elles; nous donnons des conseils, des indications et des recommandations aux collectivités des Premières nations au sujet de la sécurité de l'eau potable et de l'élimination sans danger sur place des eaux usées domestiques; nous examinons les propositions de projets d'infrastructures d'alimentation en eau et de traitement des eaux usées du point de vue très précis de la santé publique. Nous fournissons des programmes de formation et préparons des documents de sensibilisation de l'opinion et de la documentation.

Nous avons collaboré avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada pendant l'élaboration du projet de loi, dispensant des conseils sur des questions de santé publique et veillant à ce que les considérations de cet ordre soient intégrées au projet de loi. Celui-ci prévoit les pouvoirs qui permettraient au ministre de la Santé d'élaborer des règlements sur la qualité de l'eau potable et des pouvoirs permettant aux deux ministres d'élaborer des règlements sur la surveillance, les rapports, les mesures correctives et les mesures d'urgence.

Le Plan d'action économique du Canada de 2012 a prolongé de deux ans les fonds accordés aux Premières nations pour l'alimentation en eau et le traitement des eaux usées, permettant de tabler sur les investissements antérieurs en appuyant la formulation d'une stratégie à long terme pour améliorer la qualité de l'eau dans les collectivités des Premières nations et concevoir un cadre législatif, comme mon collègue l'a dit.

Les investissements dans l'infrastructure et les opérations d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada ont été jumelés à des investissements dans le contrôle de la qualité de l'eau potable et les activités connexes de la santé publique. En réalité, entre 2003 et 2013, Santé Canada aura consacré plus de 270 millions de dollars aux Premières nations pour le contrôle de l'eau potable et des eaux usées, la formation, la diffusion d'information auprès du public et les conseils aux Premières nations.

Au cours de cette période, il y a eu un certain nombre de réussites, dont bon nombre grâce aux Premières nations elles-mêmes. Quelques exemples seulement : toutes les installations des collectivités des Premières nations ont maintenant accès à un contrôleur de la qualité de l'eau sur place qui a reçu une formation ou à un agent de la santé environnementale pour recueillir et tester des échantillons d'eau potable prélevés au robinet. En 2010-2011, 58 p. 100 des systèmes de conduites respectaient les recommandations de contrôle hebdomadaire des paramètres bactériologiques, contre 36 p. 100 en 2006.

Dans l'ensemble, les membres des Premières nations ont à l'égard de la sécurité de leur approvisionnement en eau une meilleure impression; les opinions favorables sont passées de 62 p. 100 en 2007 à 71 p. 100 en 2011. Nous sommes conscients, bien entendu, qu'il reste d'importantes difficultés à surmonter.

[Français]

Au 31 mars 2012, on dénombrait dans 121 communautés des Premières nations au Canada plus de 160 systèmes faisant l'objet d'un avis concernant la qualité de l'eau potable. Par contre, il est important de noter que les avis concernant la qualité de l'eau potable sont présents dans n'importe quel système peu importe la juridiction. Dans les communautés, comme il y a beaucoup de micro-systèmes, de tels avis concernant la qualité de l'eau potable peuvent toucher un seul bâtiment.

Bien que les lois provinciales d'application générale soient habituellement appliquées dans les réserves, celles qui régissent l'eau potable et les eaux usées ne sont pas applicables. Il n'existe en ce moment aucun cadre législatif fédéral qui peut combler ce vide réglementaire au sujet des communautés des Premières nations, ce qui est le sujet de ce projet de loi.

[Traduction]

La législation fédérale est également une étape importante si nous voulons que la qualité de l'eau potable des collectivités autochtones soit à la hauteur de ce que tous les Canadiens attendent et méritent.

Encore une fois, merci au comité de m'avoir donné l'occasion de parler de cette question essentielle au nom de Santé Canada.

Le président suppléant : Merci, madame Woods.

Monsieur Salembier, souhaitez-vous présenter un exposé?

Paul Salembier, avocat général, Opérations et programmes, ministère de la Justice Canada : Non, je n'ai pas prévu le faire.

Le président suppléant : Merci beaucoup. Je souhaite la bienvenue à cette séance au sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

Je vais invoquer la prérogative de la présidence et prendre la liberté de poser la première question.

Le sénateur Dyck a prononcé un discours au Sénat à l'étape de la deuxième lecture, la semaine dernière, et il a soulevé des questions importantes dont certaines ont été abordées ce matin. Toutefois, je m'intéresserai surtout à ce qui sera probablement l'une des questions les plus importantes pour le comité, c'est-à-dire à la disposition de non- dérogation prévue dans le projet de loi, qui marque un changement par rapport au projet de loi dont le comité a été saisi plus tôt. Cette disposition prévoit que la loi et les règlements ne portent pas atteinte aux droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, sauf dans la mesure nécessaire pour assurer la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières nations. J'ai une ou deux questions à poser à ce sujet.

Premièrement, dans son intervention, le sénateur Dyck a avancé que la disposition de non-dérogation devrait être générale et sans réserve ni exception. Pourquoi la disposition a-t-elle été ainsi rédigée, avec cette exception qui concerne la salubrité de l'eau potable?

M. Salembier : Je vais répondre, dans la mesure où je le peux.

Nous avons discuté de l'ajout d'une disposition de non-dérogation avec les partisans autochtones du projet de loi. La disposition qui figure maintenant dans le projet de loi a été proposée par les chefs de traité de l'Alberta. Le fait que le champ d'application de l'exception soit restreint, puisqu'il est dit que la disposition s'applique sauf dans la mesure où il est nécessaire d'y déroger pour assurer la salubrité de l'eau potable, tient à l'importance des objectifs du projet de loi. En fait, la disposition reprend ce que la Cour suprême du Canada a dit des droits autochtones et des droits issus de traités, soit que ces droits ne sont pas absolus et que, s'il existe un problème national pressant, on peut y déroger pourvu que cette dérogation ne soit pas plus importante que ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de la loi.

Le libellé de la disposition, qui est, je le répète, le résultat d'un compromis entre le Canada et les intervenants des Premières nations, est conçu pour refléter l'état actuel du droit, en ce qui concerne les droits autochtones, et il confirme en fait l'importance qu'on accorde à la salubrité de l'eau potable dans les réserves.

Le président suppléant : Pourriez-vous donner l'exemple d'un cas où l'exception peut être nécessaire?

M. Salembier : Oui. Il est reconnu qu'un élément indispensable à la salubrité de l'eau potable est ce qu'on appelle la protection de l'eau à la source. Cela veut dire au fond que certaines utilisations des sols, dans ce cas-ci les terres des réserves, doivent être limitées de façon à éviter de contaminer les sources d'eau. Par exemple, il peut s'agir simplement d'exclure la possibilité de faire paître le bétail à proximité d'une source d'eau ou près d'un puits. Voilà un exemple.

En ce qui concerne les restrictions imposées à l'utilisation des terres des réserves, tous conviendront que, si on exclut ces restrictions nécessaires, les Premières nations ont et doivent avoir le droit d'utiliser leurs terres comme bon leur semble dans la mesure où ils détiennent ces terres au nom d'un droit issu de traités et probablement d'un droit ancestral. Toutefois, il peut être nécessaire, pour protéger la sécurité des citoyens, d'imposer des restrictions mineures à l'utilisation des terres qui se situent près des sources d'eau.

Le sénateur Munson : Une ou deux questions rapides pour commencer, avant d'en aborder de plus substantielles. Merci de votre présence.

Vous avez dit que toutes les installations des collectivités des Premières nations ont maintenant accès à un contrôleur de la qualité de l'eau sur place qui a reçu une formation ou à un agent de la santé environnementale pour prélever et tester des échantillons d'eau. Qu'est-ce que cela veut dire, « avoir accès »? Si on fait appel à eux, ils se présentent immédiatement, de façon qu'on puisse éviter les drames comme ceux que nous avons vus par le passé?

Mme Woods : Les contrôleurs de la qualité habitent sur place. Nous avons consacré beaucoup de temps et d'efforts à l'élaboration d'un programme de formation adapté aux besoins.

Les contrôleurs sont toujours surveillés par un agent de la santé environnementale. Ces agents ne sont pas assez nombreux pour qu'il y en ait dans toutes les localités. Du reste, ce n'est pas nécessaire. Ils ont un travail de surveillance à faire, mais lorsque le contrôleur local quitte son travail ou est absent, un agent de la santé environnementale intervient et il fait des inspections régulières. Il assure aussi les autres services qui sont nécessaires si on veut garantir la salubrité de l'eau.

Le sénateur Munson : Vous avez dit également que, le 31 mars dernier, il y avait plus de 160 systèmes et 121 Premières nations visés par un avis concernant la qualité de l'eau potable. En pourcentage, comment cela se compare-t- il avec le reste du pays? C'est élevé?

Mme Woods : Très difficile à dire. Il n'est pas facile de dresser des comparaisons. Les modalités de rapport varient d'un endroit à l'autre. Nous examinons et vérifions constamment la situation. Tous les petits systèmes d'approvisionnement sont exposés à des problèmes. Dans notre cas, certains systèmes sont minuscules. Un système peut avoir cinq branchements, et c'est un système complet. Ailleurs, le seuil correspond d'habitude à des milliers de ménages.

Au fil des ans, nous avons beaucoup travaillé avec l'Organisation mondiale de la Santé. Nous nous sommes comparés non seulement aux différentes administrations au Canada, mais aussi à d'autres pays où les très petits systèmes prédominent. Nous retrouvons les mêmes difficultés. C'est toujours excessivement difficile. Il y a toujours des avis sur la qualité de l'eau, lorsqu'on a affaire à des petits systèmes, comme c'est aussi le cas avec les grands systèmes. Nous essayons de suivre l'évolution de la situation et nous nous efforçons constamment d'obtenir des résultats comparables à ce qu'on trouve en dehors des réserves.

Le sénateur Munson : Je crois savoir que les Premières nations en Alberta, au Québec, en Ontario et en Nouvelle- Écosse critiquent l'ensemble de cette approche et refusent de participer à toutes les discussions. À votre avis, comment s'insèrent-elles dans ce débat?

Mme Mitchell : Situons le contexte. Nous avons beaucoup discuté avec les chefs de traité en Alberta ainsi qu'avec l'Atlantic Policy Congress, qui représente des collectivités en Nouvelle-Écosse. Le dialogue a été fructueux en ce qui concerne le projet de loi.

À l'avenir, nous allons également chercher avec ces groupes comment élaborer des règlements en partenariat. Je dirais que les relations ont été très favorables et constructives.

Le sénateur Munson : J'ai beaucoup de questions à poser, mais d'autres sénateurs en ont aussi beaucoup. J'en ai deux autres à poser à ce tour-ci.

Dans quelle mesure les Premières nations ont-elles les ressources voulues pour assumer 20 p. 100 des coûts, sauf erreur, de l'entretien des systèmes d'alimentation en eau? Sont-elles conscientes des défis que cela représente? Par ailleurs, le ministère a-t-il trouvé une stratégie de financement — vous en avez dit un mot — qui accompagnerait le projet de loi, pour faire en sorte que toutes les installations des systèmes d'alimentation en eau des Premières nations puissent se conformer aux normes fixées par la loi? Sinon, pourquoi?

Mme Mitchell : Bien entendu, il y a déjà des systèmes d'alimentation en eau dans les collectivités des Premières nations, à qui nous accordons un soutien pour l'exploitation et l'entretien des systèmes et la construction de nouveaux systèmes. Environ 400 millions de dollars par année sont dépensés dans les collectivités des Premières nations pour assurer des services d'alimentation en eau et de traitement des eaux usées. Il y a déjà des investissements non négligeables. Dans ce cadre, les Premières nations assument déjà une partie des coûts d'exploitation et d'entretien des systèmes. Le ministère apporte un soutien de 80 p. 100 alors que le reste est à la charge des Premières nations, qui imposent des frais aux usagers ou font appel à d'autres sources de revenus. L'approche proposée n'est pas nouvelle; elle correspond à ce qui se fait déjà.

Au moment d'entrer dans un monde de réglementation, nous sommes très conscients de la nécessité que les systèmes soient conformes aux règlements. Nous avons accordé beaucoup d'attention aux secteurs où il y a des risques et où des mesures d'atténuation s'imposent, qu'il s'agisse de nouveaux systèmes, d'une meilleure formation, d'un meilleur agrément des opérateurs ou encore d'une utilisation plus ciblée des budgets d'exploitation ou d'entretien afin que les systèmes puissent aller au bout de leur cycle de vie.

Le sénateur Munson : Vous avez parlé de frais aux usagers. Une question se pose : les collectivités autochtones ont- elles la capacité de trouver l'argent nécessaire? Peuvent-elles trouver chez elles l'argent pour assumer leurs 20 p. 100?

Mme Mitchell : À l'heure actuelle, certaines n'imposent pas de frais aux usagers. Il se peut qu'elles puisent à d'autres sources de revenus pour financer leur participation. C'est déjà ce qui se fait en ce moment.

Le sénateur Munson : Je reviendrai à la charge au deuxième tour. J'ai bien d'autres questions.

Le président suppléant : Merci, sénateur Munson.

Le sénateur Ataullahjan : Pourriez-vous décrire votre démarche dans vos contacts avec les collectivités des Premières nations? Estimez-vous que les consultations suffisent et que vous avez établi des contacts avec toutes les régions et provinces?

Pourriez-vous aussi m'expliquer comment les collectivités autochtones en régime d'autonomie gouvernementale s'y prendront pour adhérer aux règlements?

Karl Carisse, directeur principal, Direction de l'innovation et des transformations politiques majeures, Direction générale des infrastructures communautaires, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Le processus de consultation a été long. Il a débuté en 2006, au moment où le gouvernement d'alors a décidé de mettre sur pied un groupe d'experts qui parcourrait tout le pays. Mme Mitchell en a déjà parlé. Il y a un rapport du Bureau du vérificateur général; le commissaire à l'environnement et au développement durable a produit un rapport disant qu'il fallait légiférer pour combler un vide réglementaire chez les Premières nations.

Dans les provinces et les territoires, les services d'alimentation en eau et de traitement des eaux usées sont réglementés. Cette protection par voie réglementaire n'existe pas dans les réserves. Pour commencer, le groupe d'experts a parcouru tout le pays, sous la direction du sous-ministre des Affaires indiennes à ce moment-là. Il y a eu environ 110 témoins, et le groupe a recueilli le point de vue des gens. Des idées et des propositions ont surgi au sujet de la façon de progresser. Il y a eu une première réunion avec l'APN et d'autres organisations des Premières nations. À l'été 2008, nous avons parcouru tout le pays. Dans toutes les provinces et tous les territoires, il y a une importante organisation politique des Premières nations. Nous nous sommes adressés à elles. Nous sommes allés à leurs assemblées annuelles pour discuter de la possibilité d'une réglementation de l'eau et des moyens de progresser. Nous avons abordé les gouvernements provinciaux et territoriaux pour voir quelle était leur réaction et leur demander s'ils pouvaient jouer un rôle ou non. Ces contacts ont mené à des rencontres plus structurées, en février et mars 2009. Nous avons lancé des invitations à tous les chefs et conseils au Canada. Nous leur avons procuré des fonds pour qu'ils envoient des représentants politiques et techniques à ces séances. Nous avons aussi lancé des invitations aux conseils tribaux, aux organisations techniques des Premières nations et aux représentants provinciaux. Il y a eu en tout 13 séances d'un bout à l'autre du Canada, avec environ 700 participants, dont environ 550 étaient des dirigeants ou techniciens des Premières nations.

Nous avons aussi versé des fonds à ces organisations pour qu'elles fassent leurs propres analyses d'impact des dispositions réglementaires ou législatives, leurs analyses de l'impact sur leur collectivité, leur province ou leur territoire. Nous sommes restés à l'écart. Nous voulions vraiment entendre leur point de vue, entendre ce qu'ils avaient à dire. Nous nous sommes engagés à faire parvenir le rapport jusqu'au ministre et à lui faire connaître les résultats des séances.

Après ces séances, il subsistait des problèmes dans les collectivités. Nous avons reçu de la correspondance et nous avons entretenu un dialogue ouvert — c'est probablement la meilleure façon de le décrire — avec les différentes organisations. Nous leur avons fait des invitations et nous leur avons demandé si elles voulaient que nous allions sur place. Nous nous sommes déplacés de nouveau dans l'ensemble du Canada et nous avons rencontré les dirigeants de ces organisations pour discuter des séances de consultation et des résultats des analyses d'impact.

Tout cela s'est conjugué et nous avons poursuivi les contacts jusqu'à parvenir au premier projet de loi, le S-11, qui a été présenté en mai 2010. Jusque-là, il y a eu beaucoup de contacts. Le projet de loi s'inspirait de ce que nous avions entendu aux séances de consultation et lu dans les analyses d'impact et la correspondance. Nous avons présenté le projet de loi qui, à ce moment-là, nous semblait refléter le mieux possible ce que nous avions entendu.

Comme les sénateurs le savent, de nombreux témoins ont participé aux séances du comité, et des problèmes ont surgi à propos de certaines dispositions du projet de loi. Le comité a recommandé de poursuivre les consultations auprès des Premières nations pour voir s'il n'y avait pas moyen de régler certains de ces problèmes. Comme vous le savez, à la dissolution du Parlement, le projet de loi est resté en plan au Feuilleton, en mars.

Sous la direction du cabinet du ministre, nous avons eu des entretiens et des communications avec diverses organisations des Premières nations. Toutes ces organisations ont été invitées aux discussions. J'estime que nous avons établi de bons rapports avec les chefs de traité albertains des zones 6, 7 et 8, ainsi qu'avec l'Atlantic Policy Congress. Comme Mme Mitchell l'a dit, cette organisation représente 33 collectivités des Premières nations dans le Canada atlantique. Nous avons travaillé avec tout ce monde pour trouver d'autres solutions et accords afin de continuer de progresser.

Deux des grandes questions, qui se retrouvent dans le nouveau projet de loi, le S-8, découlent de ces discussions, soit la disposition de non-dérogation et le libellé du préambule qui précisent que le ministère et le gouvernement travailleront en partenariat avec les Premières nations afin d'élaborer les règlements. Telle a toujours été l'intention du gouvernement. J'ai fait des exposés et le ministre a pris des engagements, mais les chefs brandissaient le S-11, signalant qu'ils n'y trouvaient rien qui le confirme. Ils voulaient vraiment que le projet de loi confirme le fait. Le préambule du projet de loi S-8 dit maintenant que nous agirons en partenariat.

À compter de 2006, il y a eu près de six ans de bonnes communications. Il y a eu des problèmes. Au cours de certaines séances, les échanges ont été difficiles, je ne vous mentirai pas, mais la plupart du temps, ces rencontres ont été productives. Comme le projet de loi a été présenté en février, les chefs de l'Alberta et ceux de l'Atlantique lui donnent leur appui. Je crois que les choses se sont bien passées.

Le sénateur Ataullahjan : Cela amènera-t-il des progrès appréciables en ce qui concerne la santé de la mère et de l'enfant dans les collectivités autochtones?

Mme Woods : Bonne question. Nous l'espérons certainement. Il est absolument essentiel au développement sain des enfants, dès la période prénatale, d'avoir accès à de l'eau salubre et propre. Je crois qu'une des choses qui préoccupent le plus les infirmières des dispensaires, c'est l'accès à de l'eau potable salubre pour les femmes enceintes. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous insistons tant sur l'eau potable. C'est effectivement un des facteurs très importants pour assurer un meilleur état de santé à la mère et à l'enfant.

Le président suppléant : Le sénateur Ataullahjan a demandé si les chefs et conseils de bande pouvaient choisir d'adhérer aux règlements. Auriez-vous l'obligeance de répondre à cette partie de sa question?

M. Carisse : Le projet de loi, dans son libellé actuel, s'appliquera à toutes les collectivités des Premières nations dans les réserves ou sur les terres des Premières nations, puisqu'il arrive parfois au Yukon qu'il ne s'agisse pas exactement de réserves, mais que ce soient plutôt de terres des Premières nations.

Le projet de loi ne s'applique pas aux Premières nations qui ont signé des accords d'autonomie gouvernementale ou de règlement des revendications territoriales. Il en existe environ 24 dans tout le Canada, sans compter le Nunavut, dont la situation est différente. Ces Premières nations en régime d'autonomie gouvernementale ont la possibilité d'adhérer aux règlements si elles le souhaitent. C'est ce qui explique l'article 14 du projet de loi. Il faudra étudier la question au cas par cas. Tous les accords d'autonomie gouvernementale sont différents. Si on considère les Premières nations qui ont opté pour l'autonomie gouvernementale, on constate que même certaines parcelles de leurs terres ont un statut juridique différent, mais la possibilité demeure.

Le problème, c'est que, entre les Premières nations en régime d'autonomie gouvernementale et les autres, nous essayons d'éviter un vide réglementaire. Pour celles qui sont sur des terres des Premières nations, il existe un vide réglementaire à combler. Ce vide n'existe plus pour les collectivités qui ont signé des accords d'autonomie gouvernementale. Elles ont adopté leurs propres lois ou bien les lois provinciales ou territoriales s'appliquent à elles en ce qui concerne l'eau potable. Elles peuvent choisir de se soustraire à ces lois provinciales pour adopter les leurs; elles peuvent aussi considérer le projet de loi S-8, s'il reçoit la sanction royale, et son règlement d'application et décider de s'y soumettre. Il reviendra au gouvernement en question de prendre la décision, et nous allons certainement travailler avec les intéressés pour assurer la cohérence.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup de vos excellents exposés. Certaines de mes questions ont déjà été posées, mais je voudrais que Mme Woods me donne quelques précisions. Nous avons entendu dire qu'il était difficile d'avoir des inspecteurs ou techniciens en traitement de l'eau compétents. Si on en forme un, il arrive bientôt qu'une localité voisine, non autochtone, lui offre plus d'argent, et il s'en va. Il y a donc un important roulement. L'un des problèmes, semble-t- il, c'est que, dans certaines provinces, pour devenir un technicien de l'eau reconnu, il faut avoir un diplôme de 12e année. Il arrive souvent que des gens qui vivent dans les réserves et qui sont très intelligents et aptes n'aient pas fait beaucoup d'études. Y a-t-il une évaluation à laquelle pourraient se soumettre ces gens qui veulent sincèrement prendre une formation de technicien et à qui s'appliquerait un nouveau régime?

Mme Woods : Excellente question. Subdivisons-la dans ses divers éléments. Vous avez parlé des contrôleurs locaux de l'eau et des agents de santé environnementale, qui sont du ressort de Santé Canada. J'inviterai ensuite Mme Mitchell à donner une réponse du point de vue des Affaires autochtones.

Le rôle de Santé Canada n'intervient pas au niveau de l'usine de traitement de l'eau, mais à la sortie de l'usine et du réseau de distribution, et soit dans les citernes, soit au foyer. Voilà ce qui est de notre ressort.

Le sénateur Raine : Vous avez dit que la formation relevait aussi de votre régime.

Mme Woods : Oui. Nous formons les contrôleurs locaux de l'eau. Ils reçoivent leur formation chez eux. C'est d'habitude un agent de la santé environnementale qui assure la formation. Ce sont les agents de la santé environnementale qui doivent avoir une 12e année. Beaucoup sont issus des collectivités, mais beaucoup d'autres ne le sont pas. Ce sont eux qui font l'objet de la concurrence la plus féroce, car toutes les administrations veulent les engager. Nos plus gros problèmes de capacité se situent au niveau local. Je ne minimise pas pour autant ces problèmes en ce qui concerne les agents de santé environnementale. Ils sont de précieux atouts. Ils se font acheter, vendre, échanger, et nous continuons de les engager. Nous essayons constamment de bonifier les conditions de travail et les responsabilités des agents de santé environnementale.

Ce qui attire le plus notre attention, c'est notamment le niveau local, car nous essayons de renforcer les capacités locales de gestion de l'approvisionnement en eau en formant des gens. Ce n'est pas une formation très longue. Pas nécessairement besoin d'une 12e année. L'an dernier, nous avons amélioré le programme national de formation en essayant d'avoir plus de cohérence dans l'ensemble du pays et de donner davantage de conseils aux contrôleurs locaux de la qualité de l'eau. Comme je l'ai dit au début, ils travaillent sous la surveillance des agents de santé environnementale, qui sont des inspecteurs de la santé publique formés et agréés. C'est un beau système très net. Je ne sous-estimerais pas la difficulté de garder en poste des contrôleurs locaux de l'eau. Ils ont de petits emplois à temps partiel. Nous cherchons dans d'autres domaines le moyen de mieux associer ces modestes emplois à temps partiel pour créer des postes à temps plein de meilleure qualité et plus stables. J'invite Mme Mitchell à intervenir.

Mme Mitchell : Il y a quelques points très importants à faire ressortir au sujet des opérateurs des systèmes. J'ai assisté récemment à un atelier parrainé par la Fédération canadienne des municipalités qui a rassemblé des représentants de petites municipalités et d'organisations des Premières nations de tout le Canada. La question du roulement des opérateurs est familière aux petites collectivités. C'est là une difficulté qu'elles éprouvent, même si elle peut présenter des aspects différents dans les collectivités des Premières nations.

Nous essayons de donner aux collectivités des Premières nations les moyens de gérer ce problème sous quelques angles. L'un d'eux est la formation, pour revenir au point que vous avez soulevé au sujet du niveau des études et à propos des exigences. Nous travaillons avec les gouvernements provinciaux en cause, qui se chargent de l'agrément, pour essayer d'adapter leurs programmes de formation pour résoudre ce problème particulier. Je crois que c'est là une avenue très prometteuse, pour ce qui est de l'augmentation du nombre d'opérateurs agréés.

Lorsque nous avons discuté avec les Premières nations, l'automne dernier, au sujet de l'évaluation nationale, on nous a dit que la rémunération des opérateurs des installations d'alimentation en eau faisait problème. Nous sommes en train d'étudier les types de soutien que nous pouvons fournir aux conseils de bande pour qu'ils puissent offrir à leurs opérateurs une rémunération plus alléchante, de voir quelle formule envisager, quels autres incitatifs mettre en place pour aider au maintien en poste des opérateurs.

Nous cherchons aussi comment tirer parti de la formation qui a déjà été donnée en répondant aux besoins de plusieurs collectivités. Il est possible que toutes les collectivités n'aient pas toutes les compétences sur place, mais on peut délimiter des zones raisonnables et créer des centres de services. C'est une chose que les municipalités envisagent à divers endroits au Canada.

Nous essayons de trouver les moyens de combler les lacunes au moyen d'approches plus originales, plus innovatrices, car nous admettons qu'un opérateur bien formé est un rouage essentiel à la prestation de services d'eau sûrs, prévisibles et fiables.

Le sénateur Raine : Une précision : vous parlez d'« opérateur bien formé », mais s'agit-il d'un technicien des services d'eau ou d'un agent de la santé environnementale?

Mme Mitchell : Je veux parler précisément de la personne qui fait fonctionner les installations de traitement de l'eau. C'est un modèle qui s'applique dans toute la chaîne de l'approvisionnement en eau salubre.

Le sénateur Raine : Ces personnes doivent être agréées?

Mme Mitchell : Effectivement.

Le sénateur Raine : Pour obtenir l'agrément, ont-elles besoin de la 12e année?

Mme Mitchell : Comme je l'ai dit, nous essayons d'adapter les outils pour les cas où l'exigence de la 12e année est une entrave. Il y a des provinces ou des territoires, comme l'Ontario, où nous avons beaucoup travaillé avec les organismes provinciaux d'agrément pour trouver des équivalents à la 12e année.

Le sénateur Raine : Pour faire une évaluation de l'apprentissage antérieur?

Mme Mitchell : C'est exact.

Le sénateur Raine : Merci beaucoup. Je peux poser une autre question? C'est à peu près sur le même sujet. Je suis très curieuse de savoir comment les choses se passent lorsqu'une Première nation a besoin d'une nouvelle installation de traitement de l'eau? Est-ce à Ottawa qu'on décide du type d'installation qu'elle obtiendra? Les installations sont-elles conçues au niveau local en fonction des besoins de la collectivité et de sa capacité de faire fonctionner les installations? Il y a de très belles usines de traitement de l'eau qui sont d'une grande technicité, mais c'est un peu comme une voiture de haute technicité : si quelque chose se détraque, on ne peut pas la réparer soi-même comme on le faisait autrefois.

Je me demande quelle est la démarche suivie. Est-ce que nous fournissons le système qui convient, compte tenu de la taille de la collectivité et de ses problèmes particuliers?

Mme Mitchell : Excellentes questions. Une ou deux choses à propos de la planification : le ministère travaille avec les collectivités des Premières nations à l'élaboration de plans quinquennaux des infrastructures. Ces plans portent sur un large éventail de besoins en infrastructure, notamment l'approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées. Sur un horizon de cinq ans, le ministère considère le niveau de risque de collectivités particulières. Et les collectivités exercent une surveillance et observent le rendement général. À partir de cela et d'une évaluation des risques, on commence à définir les priorités dans les investissements à faire.

Pour ce qui est de la collectivité et des types de systèmes, le ministère a en place des protocoles, des normes de niveau de service et toute une série de documents d'orientation que les collectivités doivent consulter et prendre en considération pour choisir les types de systèmes qu'elles veulent adopter. Nous avons des modèles décentralisés et d'autres qui ne le sont pas. Il s'agit au fond de parcourir les étapes et de répondre aux questions. Tel système est-il le bon pour telle collectivité? Est-il possible d'en assumer les coûts? Est-il adapté à la source d'eau? Les collectivités travaillent avec des techniciens. Nous collaborons avec elles, par l'entremise d'équipes de projet, pour examiner la question. Au cours de l'étude de la faisabilité de projets particuliers, nous avons un certain nombre de points où des décisions doivent se prendre en cours de route. Nous travaillons en étroite collaboration avec la collectivité. Ottawa n'impose pas un système, et ce n'est pas non plus une solution conçue entièrement par la Première nation qui travaillerait seule de son côté; il y a vraiment une collaboration.

Le sénateur Raine : Est-ce qu'on fait appel au bon sens?

Mme Mitchell : Je l'espère.

Le sénateur Raine : Merci.

Le sénateur Sibbeston : Le projet de loi est semblable au projet de loi S-11 dont nous avons été saisis il y a environ un an. Si ma mémoire est fidèle, le comité avait un certain nombre de sujets de préoccupation. Le ministre a dit que c'était un excellent projet de loi, mais la plupart des Autochtones qui ont comparu devant le comité ont exprimé de réelles inquiétudes. Shawn Atleo est venu nous faire part de ses préoccupations. Vers la fin, nous l'avons entendu de nouveau par vidéoconférence.

De toute manière, le projet de loi a été simplement retiré, et je crois que les élections ont eu lieu ensuite. Il y a un moment que nous n'avions plus vu le projet de loi. Je crois que la grande préoccupation, à l'époque, c'est qu'il fallait vraiment amender le projet de loi. Il a alors été question d'une disposition de non-dérogation, de l'accès assuré à des fonds et du rôle des Premières nations dans l'élaboration des règlements. Des recommandations sont venues de nombreuses sources, dont le comité, disant que l'élaboration des règlements devrait attendre le renforcement des capacités. Puis, il y a eu les questions de cohérence des règlements entre les provinces et les Premières nations et la possibilité que la responsabilité à l'égard des Premières nations soit transférée au gouvernement fédéral. Voilà quelles étaient certaines des grandes préoccupations qui existaient alors.

Comme M. Carisse l'a expliqué, il y a eu beaucoup de consultations depuis. J'espère donc qu'on a pu dissiper certaines de ces préoccupations.

A-t-on apporté des changements au projet de loi au sujet de certaines de ces préoccupations? A-t-il de bonnes chances d'être appuyé cette fois-ci par un plus grand nombre d'Autochtones et par des gens comme Shawn Atleo?

M. Carisse : Oui. Comme je l'ai déjà dit, le projet de loi initial ne recueillait pas beaucoup d'appuis, et vous savez que j'ai comparu devant le comité. Lorsque le projet de loi a été présenté, le ministre se trouvait à Calgary et il avait les trois chefs de traité avec lui pour appuyer le projet de loi. De plus l'Atlantic Policy Congress a publié un communiqué appuyant le projet de loi. Il y a donc déjà des appuis, grâce à ces deux organisations relativement importantes qui représentent un bon nombre de collectivités, soit 44 en Alberta et 33 dans la région de l'Atlantique. D'autres collectivités examinent encore la question. Elles constatent que le projet de loi est meilleur. Je suis persuadé que certaines organisations voient encore des problèmes, mais je crois que nous avons fait un bon bout de chemin pour dissiper certaines des préoccupations dont vous avez parlé.

En ce qui concerne par exemple la non-dérogation et la disposition ajoutée à l'article 3, certains trouveront peut-être encore à redire contre la réserve ajoutée à la fin, « sauf dans la mesure nécessaire pour assurer la salubrité de l'eau potable ». Toutefois, comme on l'a expliqué, si ce passage n'est pas là, on risque d'avoir un projet de loi qui n'assurera pas la salubrité de l'eau potable. Si on ne peut pas empêcher le bétail de paître près du puits d'une collectivité, la salubrité de l'eau potable de cette collectivité sera menacée. On peut interdire certaines utilisations des sols, mais c'est dans l'intérêt de toute la collectivité. Bien que cela soit encore difficile à accepter pour certains, c'est certainement un progrès, une garantie qui n'était pas là. La participation à l'élaboration des règlements est maintenant assurée en préambule, comme je l'ai dit. Quant à la cohérence entre les provinces et les Premières nations, je crois que les choses se passeront ainsi : comme nous l'avons dit dès le départ, nous prendrons en considération l'expérience provinciale et territoriale de la réglementation pour voir ce qui existe et bâtir quelque chose à partir de là.

Lorsque nous discutons avec les provinces, nous nous faisons dire que beaucoup de règlements provinciaux ne conviendraient pas aux Premières nations dans leur libellé actuel parce qu'ils ne s'appliquent pas à la réalité de petites localités éloignées. Par exemple, il n'y a pas beaucoup de règlements provinciaux qui parlent de transport par camion ni de citernes. Il faudra donc qu'il en soit tenu compte dans les règlements destinés aux Premières nations. Nous allons passer en revue chaque province et territoire à tour de rôle pour tenir compte de cette réalité et de la source d'eau à chaque endroit. Ce travail se fera de concert avec les Premières nations en cause, de façon à s'attaquer aux problèmes qui préoccupent les collectivités.

Quant à la responsabilité, il y en a probablement davantage pour tout le monde maintenant parce qu'on ne sait pas au juste à quoi s'en tenir. Personne ne sait au juste, sur le plan juridique, quels sont ses rôles et responsabilités, ni comment les règlements tireront au clair les rôles et responsabilités du chef et du conseil, de l'opérateur des systèmes d'eau et des eaux usées, et du gouvernement. Je crois que cela sera utile.

Il y avait une question précise de responsabilité dans le projet de loi, par exemple. Il disait que les Premières nations étaient les propriétaires des installations de traitement de l'eau dans les réserves. Pendant les séances du comité, on a fait remarquer que certains bâtiments dans la collectivité ou certains systèmes n'appartiennent pas à la collectivité, par exemple lorsqu'il s'agit d'une entreprise commerciale comme un hôtel. Les chefs ont fait ressortir un point valable à propos du libellé de cette disposition. Nous avons apporté un amendement pour préciser que les propriétaires ne sont pas uniquement les Premières nations, mais peuvent aussi être un tiers qui est propriétaire d'installations de traitement. Par conséquent, la responsabilité reviendrait au tiers en cause plutôt qu'au chef et au conseil.

Avons-nous réglé tous les problèmes? Nous verrons au fur et à mesure que nous progresserons au niveau des collectivités. Nous avons parcouru un bon bout de chemin, et c'est pourquoi l'appui de certaines organisations politiques se manifeste.

Le sénateur Campbell : Ma question est relativement simple : quand le travail se fera-t-il? Quand aurons-nous de l'eau potable salubre dans les réserves? Il semble que les discussions soient interminables? Quand va-t-on agir?

Mme Mitchell : Pour relever le défi de l'alimentation en eau salubre où qu'on se trouve, il faut tenir compte d'éléments clés. Dans le contexte des collectivités des Premières nations, certains de ces éléments gravitent autour de la réglementation. Nous devons mettre en place notre cadre réglementaire et les capacités voulues. Tout cela fait partie de la solution. Tant que les règlements ne seront pas en place, il y aura de plus grands risques dans les collectivités des Premières nations en ce qui concerne l'accès à des sources fiables d'eau potable salubre.

Le sénateur Campbell : Quand je considère la réglementation et les désaccords à son sujet, je me dis qu'il doit sûrement y avoir un moyen de parvenir à une conclusion. Quelqu'un doit céder, mais personne ne le fait. Tant que l'impasse durera, il y aura des gens qui tomberont malades ou mourront et d'autres qui seront privés d'eau. Ce genre de situation est inadmissible au Canada.

Je ne rejette pas le blâme sur le gouvernement, mais sur toutes les parties en cause parce qu'elles n'ont pas su dépasser les limites étroites d'une position alors qu'il faudrait parvenir à s'entendre. Nous pouvons avoir ce genre de réunion n'importe quand. Nous pouvons rester là à vous écouter et à écouter les Premières nations, mais tant qu'il n'y aura pas de percée dans cette relation de confiance et cet accord, rien ne se fera. Pour les Canadiens, c'est inacceptable. Je ne sais pas trop depuis combien d'années nous étudions la question. Deux ou trois peut-être. À ce que je vois, nous ne sommes pas plus près d'une solution. Chaque fois qu'une solution est en vue, quelqu'un met des bâtons dans les roues. Il faut dépasser ce stade. Quelqu'un doit comprendre comment négocier et comment sortir de l'impasse. Les deux parties sont en cause. Il y a longtemps que j'ai renoncé à vous blâmer, les gars, et décidé de répartir le blâme.

Que peut faire un comité pour faire avancer le dossier? Faut-il brandir des menaces? Je l'ignore, mais cela me rend fou de constater que nous avons ce problème, alors qu'il n'a pas de raison d'être.

Mme Mitchell : Ces points de vue sont valables. Le comité a beaucoup fait grâce à son rapport de 2007, qui a indiqué l'orientation à suivre. Ce fut un long cheminement. Ce nouveau projet de loi marque un progrès. Nous avons sur le terrain l'appui d'instances très solides, et je crois que cela nous aidera à élaborer des règlements dans deux régions. Nous sommes très bien placés pour le faire. J'espère que cela suscitera un peu plus d'enthousiasme et d'engagement pour faire avancer le dossier. Toutefois, ce n'est pas notre seule façon d'intervenir. Nous travaillons sur le terrain avec les opérateurs et les collectivités pour assurer l'approvisionnement en eau de façon à pouvoir améliorer les statistiques.

Le sénateur Campbell : Pourriez-vous dresser une liste de réussites?

Mme Mitchell : Oui, c'est possible.

Le sénateur Campbell : Cela nous donnerait une idée des progrès accomplis. Peut-être que, à l'étude de ces réussites, nous pourrons comprendre comment d'autres groupes perçoivent la situation et les aider à avancer.

Une grande partie du problème tient d'abord au fait qu'on ne comprend pas tout l'aspect technique; deuxièmement, à la crainte d'être coincé avec un système qu'il faut entretenir, ce que les Premières nations doivent faire, d'après moi; troisièmement, à l'incertitude quant aux moyens financiers d'assurer l'entretien. Ce sont autant de difficultés à surmonter. Chose certaine, si on veut avoir sa propre gouvernance, cela suppose qu'on prend en charge des questions comme l'approvisionnement en eau. Cela va de pair avec l'autonomie gouvernementale d'une Première nation.

Cela me dépasse que tous ceux qui comparaissent ici semblent comprendre le problème et vouloir faire leur part, et cela vaut pour toutes les parties. C'est à croire que nous discutons sans nous entendre. S'il y a eu des réussites, peut-être pourrions-nous les étudier pour voir comment elles ont été possibles. Pourquoi ces types-là sont-ils arrivés à quelque chose alors que nous sommes réduits à l'impuissance?

Le président suppléant : Les témoins se sont engagés à produire cette information.

Mme Mitchell : Effectivement.

Le sénateur Meredith : J'ai bien aimé vos exposés d'aujourd'hui. Le sénateur Campbell a en fait posé certaines de mes questions au sujet du rythme auquel nous progressons ou pas et du temps infini qu'il nous faut.

Je voudrais savoir ce qu'on a fait pour assurer la bonne santé des personnes et ce qui se fait maintenant. Je serais heureux de voir cette liste de réussites, moi aussi. En l'absence de dispositions législatives et de gouvernance pour approvisionner les Premières nations en eau potable, que fait le gouvernement pour atténuer les problèmes? Je viens de boire de l'eau et je n'ai eu aucune crainte, mais pourrais-je faire la même chose chez les Premières nations si le gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires? Qu'en pensez-vous?

Mon autre question concerne les consultations avec les praticiens de la santé à qui vous avez peut-être parlé. Que disent- ils de l'état de santé actuel des membres des Premières nations? Quelles sont les prévisions en matière de santé si nous n'agissons pas rapidement pour leur garantir de bons systèmes d'alimentation en eau? De jeunes Autochtones ont comparu devant nous. Je m'inquiète toujours de leur état de santé, puisque je me préoccupe beaucoup d'eux depuis plusieurs années. Je m'inquiète, mais poursuivez et j'aurai une ou deux autres questions à poser.

Mme Woods : Commençons par la question de la santé. Je suis heureuse que vous ayez posé la question, car j'étais tentée de l'aborder. La situation n'est pas aussi sombre qu'on serait porté à le croire. En réalité, nous avons un régime plutôt bon. Il s'améliorera énormément si nous avons un cadre réglementaire pour le soutenir, avec des normes exécutoires, comme Mme Mitchell l'a dit; les relations seront profondément transformées.

Sauf erreur, c'est ici même que j'ai dit, il y a un certain temps, qu'il ne faut pas oublier que les Premières nations prennent très au sérieux elles aussi la question de la qualité de l'eau. Je travaille à Santé Canada depuis fort longtemps, et je n'ai jamais entendu parler d'une collectivité des Premières nations qui aurait dit à un agent de santé environnementale qu'elle croyait inutile de lancer un avis sur la qualité de l'eau. Les Premières nations prennent la question très au sérieux.

Je suis bien consciente du fait que notre régime, qui n'a pas de normes exécutoires et de réglementation pour l'appuyer, se fonde sur les lignes directrices canadiennes relatives à l'eau potable qui s'appliquent dans l'ensemble des provinces et territoires. Nous n'avons pas de lignes directrices parallèles de deuxième qualité qui sont « assez bonnes pour eux ». Nous fixons les mêmes normes exigeantes et, en général, nous parvenons à les respecter. Nous n'avons pas passé assez de temps à parler des réussites. Il sera extrêmement utile de parler de ces réussites puisque, de façon générale, l'eau est salubre. Il est vrai qu'il y a des avis sur la qualité de l'eau. La dernière fois, j'ai dit qu'il y en avait environ 160. Nous vérifions régulièrement.

Parfois, il s'agit de mesures préventives que le chef et le conseil mettent en place. Par exemple, dans une petite localité qui a de petites installations, si le contrôleur local de la qualité de l'eau s'absente de façon prolongée, les autorités lancent un avis par précaution, pour dire quelles ne sont pas pleinement rassurées et qu'il faudrait peut-être faire bouillir l'eau ou faire un peu plus attention que d'habitude.

Ce n'est pas ce qui se passe tout le temps pour tout le monde et partout. Comme je l'ai dit au début, certains des 160 systèmes visés par des avis sont des systèmes minuscules, ou ce sont des systèmes qui servent peut-être une fois par année. Il peut s'agir d'un système public sur un champ de foire. On lance donc un avis parce que ce système ne sert qu'une fois par année et qu'il n'y a pas de contrôles réguliers. Il y a une foule de raisons.

Il est important de dire qu'il n'y a pas de décès. Je n'ai pas entendu parler d'un seul cas de décès directement lié à l'eau, et je travaille depuis près de neuf ans à Santé Canada. Les infirmières des dispensaires sont vigilantes. Elles essaient de communiquer avec les agents de santé environnementale chaque fois qu'elles soupçonnent une maladie ou une épidémie d'origine hydrique. Il y a donc des normes de sécurité qui sont en place.

Mme Mitchell : Pour étoffer un peu plus le contexte, disons qu'il y a plus de 800 systèmes au service des collectivités des Premières nations. S'il y a environ 160 avis qui visent 160 systèmes, il faut se dire qu'il y a environ 800 de ces systèmes en tout. Je le répète, certains de ces systèmes sont au service d'une petite population, d'une population non permanente ou encore ils sont utilisés de façon saisonnière. Les difficultés résident dans les détails, à certains égards, lorsqu'il est question des risques, par exemple.

Pour en revenir aux réussites, il faut dire que, même en l'absence de cadre réglementaire, nous avons réalisé des progrès au cours des dernières années en augmentant le nombre des opérateurs agréés et les investissements dans l'ensemble du système. Nous avons pu compter sur des fonds additionnels ces dernières années, et ils ont été consacrés à l'amélioration d'installations existantes ou à la construction de nouvelles installations pour que les collectivités aient accès à des systèmes sûrs et fiables, et à de l'eau salubre.

L'accent qui est mis sur la formation a été très important également. Les soutiens apportés aux opérateurs, dont notre programme de formation itinérante et d'autres mécanismes qui ont été utilisés dans le cadre de nos programmes d'opérateurs pour une eau salubre, font en sorte que, dans les installations de traitement des collectivités, il y ait du renfort. Il existe des mesures de soutien qui permettent d'intervenir au besoin, et il y a un système global de surveillance.

L'évaluation nationale des systèmes d'eau et d'eaux usées a livré un instantané des systèmes, dans chacune des collectivités, et nous a donné un compte rendu très détaillé de l'état des systèmes et des modalités de leur gestion. Chaque année, nous appuyons aussi des collectivités et faisons inspecter les systèmes de façon à voir comment les choses se passent, en ce qui concerne le risque global du système. Nous pouvons alors aider les collectivités à cibler les investissements pour atténuer les risques grâce à une meilleure formation, à l'agrément d'un plus grand nombre d'opérateurs, et ainsi de suite.

Le sénateur Meredith : Vous donnez la priorité aux systèmes qui sont dans un état déplorable, au fond. Vous vous attaquez aux problèmes de ces systèmes en priorité.

Le problème, c'est que le monde regarde ce qui se passe au Canada, qui éprouve ce genre de problème chez lui. Il y a bureaucratie par-dessus bureaucratie. Il ne se fait rien pour préserver la vie et veiller à ce que tous les Canadiens jouissent d'une certaine qualité de vie et aient accès à de l'eau potable. Ma collègue, le sénateur Ataullahjan, a parlé de la santé de l'enfant. Il est donc important de continuer à agir rapidement dans ce dossier.

Je suis curieux de savoir ce qu'ont dit les médecins des quatre coins du Canada avec qui vous avez discuté, j'en suis sûr, au cours de vos consultations. Quel est leur avis?

M. Carisse : Au cours des séances de consultation, nous avions des représentants de Santé Canada. Et nous avons eu des agents de la santé environnementale aux séances officielles d'échanges. Cela allait plutôt dans le sens indiqué par Mme Woods.

Il a beaucoup été question des avis sur la qualité de l'eau potable. Ce n'est pas nécessairement mauvais. La publication d'un avis veut dire que le système d'intervention fonctionne pour atténuer les risques. On empêche les gens de consommer de l'eau contaminée. Cela peut sembler étrange, mais c'est une façon d'envisager les choses. Nous sommes les seuls à contrôler ainsi les avis au sujet de la qualité de l'eau. Les provinces et les territoires ne le font pas de façon aussi systématique.

Remontons dans le passé. Il n'y a pas si longtemps, à Vancouver, en 2006 je crois, lors du passage du groupe d'experts, un million de personnes ont été sous le coup d'un avis pendant deux semaines. Il y a à peine quelques semaines, à Prince George, un autre avis sur la qualité de l'eau a touché 40 000 personnes. Toujours il y a quelques semaines, à Gatineau, à cause de travaux de construction, près de 30 000 personnes ont été touchées par un avis sur la qualité de l'eau.

Ce sont les incidents hors des réserves dont nous entendons parler parce que le nombre de personnes touchées est très élevé, mais il y aussi des petits systèmes dans les municipalités rurales où les avis sur l'eau potable sont fréquents. Nous n'en entendons pas parler, et personne ne les comptabilise. Ce ne serait que justice, me semble-t-il, que de faire une étude sur ce qui se passe dans tout le Canada, par rapport à ce qui arrive chez les Premières nations, de façon à déterminer quand il faut lancer un avis, en collaborant avec les agents de la santé. L'essentiel, c'est de lancer l'avis le plus tôt possible, de façon à prévenir les gens, après quoi l'avis est retiré. C'est la solution, si on veut protéger la santé des membres de la collectivité.

Le sénateur Meredith : L'alinéa 5(1)f) du projet de loi traite de la nécessité de se conformer à la loi lorsqu'elle sera en vigueur. Si on juge qu'il y a dérogation, qui est accusé, et qui est tenu responsable? Qui paie l'amende?

Mme Mitchell : Le projet de loi établit le cadre des règlements, qui préciseront ces détails. Le principe général veut que les opérateurs et les propriétaires du système soient ceux qui doivent se conformer. Quant au régime des amendes et à tout le reste, il s'agit d'une question qu'il reste à débattre et à élucider à la faveur des processus régionaux d'élaboration des règlements. Les modèles provinciaux peuvent constituer un point de départ utile pour ces discussions.

Le sénateur Meredith : Mais cela ne provoquera pas un enlisement qui nous empêchera d'avancer?

Mme Mitchell : Non.

Le sénateur Demers : Merci de vos exposés excellents.

J'en reviens aux préoccupations du sénateur Campbell au sujet du temps nécessaire pour aboutir à quelque chose. Lorsque les choses ne se font pas, est-ce que c'est à cause d'un problème de méfiance ou d'un manque de communications et d'engagement à agir? Nous avons beaucoup parlé des jeunes, mais il y aussi les aînés. Nous avons tendance à les oublier. Voilà la première question.

Comment le projet de loi aiderait-il à protéger l'important investissement du Canada, soit 275 millions de dollars entre 2003 et 2013, dans les systèmes d'alimentation en eau et de traitement des eaux usées des Premières nations?

Mme Mitchell : Je vais commencer par la deuxième question, celle de l'interaction entre les règlements et la poursuite des investissements dans les infrastructures.

Premièrement, les règlements définiront clairement les rôles et les responsabilités, ce qui fait défaut pour l'instant. Les règlements diront clairement qui est responsable de quoi et pendant combien de temps. Cela attirera davantage l'attention sur l'exploitation et l'entretien des systèmes, et les conseils de bande, les opérateurs et les ministères fédéraux se feront une idée nette de la façon de s'y prendre.

En ce moment, nous avons des protocoles en place, les lignes directrices sur l'eau potable et des cadres. La rigueur associée au cadre réglementaire imposera selon moi un plus grand effort de concentration à tous les participants. Lorsque le ministre a comparu devant le comité l'an dernier au sujet du projet de loi S-11, il a dit explicitement que les investissements courants nécessaires dans les systèmes des Premières nations devaient aller de pair avec le cadre réglementaire. Il a été très ferme à ce sujet.

Quant à votre question sur les retards dans la mise en place des mesures législatives, qui auraient des conséquences pour la santé des enfants et des aînés, si je comprends bien votre question, je vais adopter une perspective plus large.

En l'absence de cadre réglementaire, nous avons fait ce que nous pouvions, grâce à un modèle d'application facultative, en appliquant des protocoles. Avons-nous réussi sur toute la ligne? Pas encore. Y parviendrons-nous jamais? Voilà pourquoi nous voulons prendre des règlements. Nous avons apporté des améliorations. Nous avons un plus grand nombre de personnes qui ont reçu de la formation pour faire des contrôles de sorte que, comme M. Carisse l'a dit, nous pouvons déceler les risques pour éviter la consommation d'eau non potable. Nous avons fait de grands progrès sur ce plan. Nous voulons prévenir les risques au lieu de réparer les pots cassés.

Nous avons essayé de comprendre comment fonctionne le système d'approvisionnement en eau salubre et de voir les nombreuses étapes et interventions nécessaires, depuis la source d'eau, le type de système à concevoir, le niveau de formation et d'agrément exigé des opérateurs, les modalités de distribution dans la collectivité et les soutiens à accorder dans chacune des collectivités pour les aider à faire le travail. Dans notre monde, il est très complexe de fournir de l'eau salubre, car il y a beaucoup de facteurs qui influent sur la qualité de l'eau. Il ne s'agit pas simplement de la filtrer avant de la distribuer. Nous avons essayé de prendre des mesures pour aider les collectivités pour tout un éventail d'activités. Nous avons remporté des succès, mais nous avons encore beaucoup à faire.

Le sénateur Munson : D'abord, le ministère peut-il fournir une liste des Premières nations qui imposent des frais aux usagers ou puisent à d'autres sources de revenus pour apporter leur participation de 20 p. 100 dont il a été question tout à l'heure pour que nous ayons une idée de la proportion? Est-ce possible?

Mme Mitchell : C'est possible.

Le sénateur Munson : Je vous en sais gré.

Il est ici question de l'eau. Selon un reportage de ce matin, Environnement Canada a trouvé au moins un endroit où pratiquer des coupes, pour donner suite aux mesures d'austérité annoncées dans le budget de 2012. Nous commençons à peine à entendre parler de l'application des règlements de cet énorme document de 400 pages. Selon un courriel du ministère qui a fait l'objet d'une fuite, plusieurs programmes qui concernent l'eau seront éliminés, et d'autres subiront des coupes sombres. Le plus notable est le programme WaterSense, qui assure une coordination nationale pour garantir des programmes efficaces dans le domaine de l'eau. Ce programme sera privé de tout soutien financier. L'Enquête sur l'eau potable et les eaux usées des municipalités, seule enquête nationale sur les habitudes de consommation d'eau des Canadiens, disparaîtra également, si on en croit ce courriel.

Je suis curieux, car le projet de loi S-8 exige qu'une évaluation des effets sur l'environnement des systèmes d'alimentation en eau et de traitement des eaux usées soit entreprise là où la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'applique pas. Vous avez parlé dans votre déclaration d'introduction du montant qui a été dépensé et qui sera dépensé pour les Premières nations afin de leur assurer une alimentation en eau potable salubre.

Pouvez-vous nous donner aujourd'hui l'assurance que ce programme ne sera pas touché par les coupes? Avez-vous vu quoi que ce soit dans ce règlement dont le Sénat sera saisi bien assez tôt qui vous permette de dire que vous aurez toujours les fonds voulus? Nous sommes en période d'austérité, mais nous ne devrions nous imposer aucune mesure d'austérité lorsqu'il s'agit de la salubrité de l'eau potable des Premières nations.

Mme Mitchell : Je suis désolée, mais je ne peux rien dire des décisions d'Environnement sur l'application des plans de réduction du déficit.

Le sénateur Munson : De votre côté, à Santé Canada, avez-vous espoir que vous aurez toujours l'argent nécessaire? Personne n'est venu vous voir pour vous dire que vous devez faire des coupes ici ou là parce qu'on manque d'argent? Pouvez-vous nous assurer que vos ministères ont toujours cet argent? Il est important de le savoir.

Mme Mitchell : Le budget de 2012 a dit explicitement qu'il fallait faire des coupes de 330 millions de dollars sur deux ans.

Le sénateur Munson : Le budget, c'est une chose, mais il y a autre chose que les politiques, les journalistes et d'autres oublient, c'est qu'il fut une époque où les règlements et leur application faisaient l'objet d'un examen minutieux. Comme M. Andrew Coyne l'a dit dans sa rubrique aujourd'hui, les gens font attention à ce genre de choses. À une époque, les parlementaires se sont mis en colère et ils ont refusé de se présenter pour voter parce qu'ils étaient suffisamment indignés du traitement qui a été réservé par la suite au secteur canadien de l'énergie.

Je voudrais avoir l'assurance que, d'après ce que vous savez jusqu'à maintenant, vous ne voyez pas se profiler à l'horizon des coupes dans ce programme.

Mme Mitchell : Je peux vous dire que nous prévoyons des investissements réguliers dans les services d'eau et d'eaux usées dans les réserves. Il s'agira des fonds ciblés annoncés dans le budget ainsi que des fonds des services votés du ministère.

Le sénateur Munson : Je vous remercie de cette assurance.

Mme Woods : C'est la même chose pour Santé Canada. Lorsque nous avons fait notre travail de réduction du déficit, nous avons décidé que la prestation des services de santé publique au niveau local ne serait pas touchée. Il n'y aura donc pas de coupes au niveau des collectivités.

Le sénateur Munson : Je vous en remercie.

Le sénateur Brazeau : Bienvenue à vous tous.

Nous savons tous qu'il y a beaucoup de collectivités des Premières nations qui n'ont pas de système d'alimentation qui leur apporte de l'eau potable propre et salubre ni de système de traitement des eaux usées. Par contre, il est vrai aussi que beaucoup de ces collectivités reçoivent de l'eau par camion ou ont des contrats avec des entreprises pour faire livrer de l'eau embouteillée dans les différentes réserves.

Savez-vous combien de collectivités des Premières nations ont des dispositions semblables?

Mme Mitchell : Je vais devoir vous communiquer ce renseignement plus tard. Je n'ai pas les chiffres sous la main.

Le sénateur Meredith : En réponse à une question du sénateur Munson, madame Mitchell, vous avez donné des chiffres qui portent sur une période allant jusqu'en 2014.

Le chef du traité 7, Weasel Head, a dit que, à moins d'un financement durable, ce projet de loi sera à peu près sans effet.

Pour ce qui est de l'avenir, vous avez dit que votre ministère ne couperait pas les fonds. Si nous devons faire des coupes quelque part, il ne faut pas les pratiquer dans des secteurs où la vie des gens est en cause. Au-delà de 2014, connaissez-vous les montants qui seront consacrés à l'infrastructure, à la formation et au personnel pour assurer la conformité aux règlements et faire respecter des normes qui nous mettront au même niveau que les autres Canadiens.

Mme Mitchell : Oui, je peux vous communiquer des projections.

Normalement, nous avons puisé les fonds dans le budget des services votés du ministère. Sur ce milliard de dollars, environ 200 millions sont réservés expressément aux systèmes d'eau et d'eaux usées.

Les fonds additionnels que nous avons reçus ces dernières années grâce au Plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières nations, au Plan d'action économique du Canada et à la stratégie des eaux nous ont aidés à en faire plus.

Les Premières nations continuent de nous dire exactement la même chose : nous voulons un financement prévisible. C'est un message que nous transmettons régulièrement à notre ministre, et il le transmet à ses collègues du Cabinet.

Le signal me semble important : pendant la période d'austérité annoncée dans le dernier budget, le gouvernement injecte des montants supplémentaires pour appuyer la suite des investissements. Je vois là un très solide engagement à fournir les fonds nécessaires pour que les Premières nations améliorent leurs systèmes et puissent un jour se conformer entièrement à la réglementation.

Le sénateur Meredith : Merci.

Le sénateur Raine : Je regardais les questions qui ont été posées lorsque le comité a étudié le projet de loi précédent. En ce qui concerne l'évaluation nationale qui a été faite, nous avons vu que, selon les principales constatations, 807 systèmes d'alimentation en eau ont été inspectés, 314 ont été considérés comme présentant un haut niveau de risque global, 278 un niveau moyen et 215 un faible niveau. Pourriez-vous nous communiquer une actualisation de ces risques, pour peu que vous les ayez mis à jour, pour que nous puissions constater les progrès qui ont été accomplis?

Mme Mitchell : Nous sommes en train de mettre ces chiffres à jour. Nous faisons des inspections annuelles. Nous venons de terminer notre cycle annuel, et nous allons mettre les chiffres à jour dans les semaines et les mois à venir. Une fois que nous les aurons, nous pourrons certainement nous donner la peine de vous les communiquer.

Le sénateur Raine : Merci. Il sera intéressant de voir quels sont les progrès accomplis.

Selon l'évaluation nationale, le système de traitement de l'eau à Attawapiskat a été coté à 7,7, soit un risque élevé, et le système de traitement des eaux usées à 6,4, soit un risque moyen. Les problèmes signalés étaient une capacité insuffisante, la formation des opérateurs, une tenue et une présentation des documents qui laissaient à désirer et l'absence de plan d'intervention d'urgence.

Compte tenu de ce qui s'est passé par la suite, avec tous les problèmes de logement à Attawapiskat, et je suis persuadée que cette collectivité n'est pas la seule au Canada qui a un fort taux de natalité et une population qui explose, tenez-vous compte, sous l'angle des besoins courants, de ces Premières nations à forte croissance démographique? Comme vous avez parlé d'un plan quinquennal, je présume que cela doit être pris en considération.

Mme Mitchell : Oui. La population est l'un des facteurs dont nous tenons compte pour évaluer les besoins d'une collectivité donnée. La règle générale veut que la population des réserves augmente beaucoup plus rapidement que celle qui vit en dehors des réserves. Nous ne cherchons pas à faire une analyse démographique dans chaque collectivité; nous appliquons plutôt une règle générale selon laquelle le taux de croissance y est supérieur. La population, la croissance démographique, est donc l'un des facteurs pris en considération lorsque nous planifions les investissements.

Le sénateur Raine : Dans le rapport sur l'état des systèmes dont nous prendrons connaissance lorsqu'il sera prêt, y aura- t-il une certaine ventilation? Il serait agréable de pouvoir saisir les différences entre les systèmes très petits qui alimentent de cinq à dix maisons et les collectivités où la population est concentrée et où le problème est beaucoup plus important si quelque chose tourne mal. Si nous pouvions avoir une ventilation, ce serait très utile.

Mme Mitchell : Certainement.

Le sénateur Raine : Merci.

Le président suppléant : Je remercie les témoins. J'ai dressé rapidement une liste des demandes. Elles portent sur les frais aux usagers, le nombre de services d'eau par camion-citerne et d'eau embouteillée et la communication de l'évaluation actualisée des systèmes d'eau et de traitement des eaux usées. Et puis il y a la demande que le sénateur Raine vient de formuler. Je crois que vous en avez pris note. Le comité serait heureux d'obtenir ces renseignements plus détaillés.

Comme je l'ai dit, je crois que le ministre est disposé à comparaître devant le comité un peu plus tard. Je sais qu'il y a des questions sur les engagements financiers à venir, et il vaut probablement mieux les poser au ministre.

Voilà qui met fin à la séance. Nous avons eu droit à une introduction utile à cet important projet de loi. Je remercie les témoins et les honorables sénateurs. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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