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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 17 - Témoignages du 9 mai 2012


OTTAWA, le mercredi 9 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour poursuivre son examen du projet de loi S-8, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui suivent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la chaîne CPAC ou sur le web. Je suis le sénateur Gerry St. Germain, je viens de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider le comité.

Notre mandat consiste à étudier les mesures législatives et d'autres questions qui se rapportent aux peuples autochtones du Canada en général. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude en écoutant des témoignages sur le sujet du projet de loi S-8, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières nations.

Bien que les réseaux d'eau et d'eaux usées ainsi que leur gestion relèvent généralement des gouvernements provinciaux et territoriaux, l'approvisionnement des réserves en eau potable relève du gouvernement fédéral et des Premières nations. Au gouvernement fédéral, l'approvisionnement des réserves en eau potable salubre relève principalement de trois ministères : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Santé Canada et Environnement Canada. Les collectivités des Premières nations, par l'intermédiaire de leurs chefs et leurs conseils, sont chargées de concevoir, de construire, d'exploiter et d'entretenir leurs réseaux d'alimentation en eau, dont elles assument 20 p. 100 des coûts.

Ce soir, nous entendrons des témoins de l'Union of British Columbia Indian Chiefs et du Conseil des Mohawks d'Akwesasne.

[Français]

Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité présents ce soir.

[Traduction]

À ma gauche, le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan, vice-présidente du comité. À côté du sénateur Dyck se trouve le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick. À côté d'elle se trouve le sénateur Hubley, de l'Île-du- Prince-Édouard. À ma droite se trouvent le sénateur Tkachuk, de la Saskatchewan, le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Raine, de la Colombie-Britannique, le sénateur Demers, puis, le dernier, mais certainement pas le moindre, le sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

Chers collègues, veuillez vous joindre à moi pour accueillir nos témoins : le chef Robert Chamberlin, vice-président de l'Union of British Columbia Indian Chiefs, et, du Conseil des Mohawks d'Akwesasne, le grand chef Michael Mitchell, le chef John Adams et James Ransom, directeur.

Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous sommes impatients d'entendre vos exposés. Nous vous demandons d'être aussi concis et précis que possible, de sorte que les sénateurs puissent avoir le temps de vous poser des questions se rapportant à vos exposés et au sujet que nous examinons aujourd'hui.

Commençons sans plus tarder. J'ai un certain penchant vers l'Ouest, même si je vous ai toujours apprécié, grand chef Mitchell. Avez-vous décidé entre vous qui commence? C'est Robert Chamberlin qui commence? Eh bien, allez-y, monsieur.

Chef Robert Chamberlin, vice-président, Union of British Columbia Indian Chiefs : J'aimerais commencer par une prière chantée. Avec cette prière, on implore l'autre côté, le monde spirituel, de nous venir en aide afin que nos vies aient un meilleur sens et que nos enfants aient un meilleur avenir. Je crois que, dans tous nos efforts de leadership pour les Premières nations et dans votre rôle de sénateurs, c'est l'essence même de ce que nous tentons de faire, ce que nous visons : voir ce qu'il y a de mieux pour l'avenir.

Je vais, par magie, transformer ceci en un tambour.

[Le témoin chante dans une langue autochtone.]

Je suis le chef élu de la Première nation Kwicksutaineuk-ah-kwaw-ah-mish de l'île Gilford. Je suis ici en ma qualité de vice-président de l'Union of British Columbia Indian Chiefs. J'ai demandé à ce que vous entendiez tous les mots qui me viennent du coeur et que je prononce au nom de mon peuple, et de toutes les Premières nations de la Colombie- Britannique. L'Union of British Columbia Indian Chiefs a été créée en 1969. Nous avons été au premier rang de la lutte pour le règlement juste et équitable de la question des terres en Colombie-Britannique.

Aujourd'hui, nous avons 104 Premières nations membres. Je crois que ce nombre est appréciable pour la Colombie- Britannique et appréciable aussi pour l'ensemble du pays. Nous avons témoigné auparavant. J'ai déjà été ici, et je parlerai essentiellement des mêmes sujets. Je vous préviens que nous parlerons de la Constitution du Canada. Nous parlerons de la Cour suprême du Canada et de ses décisions. Nous ferons également allusion à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Je le précise dès le départ pour que nous puissions établir le caractère sérieux de ce sur quoi nous, les Premières nations, fondons nos discussions. Ce ne sont pas de simples politiques; ce sont des choses qui définissent notre pays et, dans ce contexte, définissent votre rôle de sénateurs au sein d'un Canada démocratique. Je vous supplie d'aller au plus profond de vous pour vous assurer que vous vous acquittez de votre rôle dans son sens le plus large, et entendez ce que les Premières nations vous disent aujourd'hui.

Je parlerai aussi du groupe d'experts qui a fait le tour du Canada il y a un certain nombre d'années, un effort auquel le gouvernement fédéral a consacré bien des ressources pour recueillir des renseignements sur la qualité de l'eau et obtenir le point de vue des Premières nations sur la voie à suivre. Je parlerai des conditions préalables. Je parlerai aussi du Groupe consultatif technique sur l'eau, de l'Assemblée des Premières Nations, auquel j'ai participé pendant à peu près trois ans au nom de l'APN de la Colombie-Britannique. Je parlerai aussi de ce qu'a vécu le peuple Kwicksutaineuk-ah-kwaw-ah-mish de l'île de Gilford et des difficultés que nous avons eues à obtenir de l'eau potable. Nous avons vécu 10 ans d'ordonnance de non-consommation. Au Canada, de nos jours, c'est une honte. L'Union of British Columbia Indian Chiefs a une résolution qui m'amène devant vous aujourd'hui, la résolution 2010-36 qui réclame l'abandon du projet de loi S-11 sous sa forme actuelle. Je sais que nous sommes ici pour parler du projet de loi S-8, mais, à de très petites différences près, les questions abordées dans ces deux textes de loi sont essentiellement les mêmes. Comme l'union l'a déclaré à plusieurs reprises, le projet de loi doit être considérablement modifié de sorte qu'il n'empiète pas sur les titres et les droits ancestraux des Premières nations de la Colombie-Britannique et du Canada dans son ensemble. Il laisse tellement à désirer qu'à notre avis, il doit être annulé et réécrit entièrement. Avec son gouvernement majoritaire, le premier ministre Stephen Harper a la possibilité de faire ce qui est juste, et je vous implore de l'aider à invalider ce projet de loi.

Le projet de loi a été déposé le 29 février, et nous espérions qu'il incorporerait les recommandations qui ont découlé du projet de loi S-11. Hélas, elles ne s'y trouvent pas.

Je veux vous signifier clairement que nous n'allons pas du tout dans le bon sens avec le projet de loi S-8, et que nous devons absolument tout recommencer. Vous devez vous rendre compte qu'il n'est pas du tout garanti que les Premières nations puissent respecter des règlements élaborés en vertu du projet de loi sans une garantie de capacités adéquates. Cela est clairement dit dans le rapport du groupe d'experts. De plus, le projet de loi empiète sur les titres et les droits ancestraux, et les droits issus de traités, qui sont protégés par la Constitution; il ne reconnaît pas l'autorité et la compétence des Premières nations et ne prévoit pas l'obligation de rendre des comptes aux Premières nations, justement les personnes que ce projet de loi est censé aider. Les problèmes d'eau potable au Canada ne sont pas causés par l'absence de lois; ils sont dus au fait que le gouvernement fédéral ne consacre pas les ressources nécessaires aux changements que requiert l'approvisionnement en eau potable salubre. En 2012, l'approvisionnement des Premières nations en eau potable salubre ne devrait pas être un problème.

Nous avons bien peur que si ce projet de loi est adopté, nous serons voués à l'échec. La formule actuelle de financement 80-20 ne nous procure pas les ressources nécessaires. On sait trop bien que de nombreuses Premières nations qui vivent dans la pauvreté ne seront pas en mesure de produire le reste de l'argent. Le financement doit être entier. Nous devons avoir les ressources qui nous permettent de veiller à ce que l'infrastructure soit adéquate. Nous avons besoin des ressources qui nous permettent de répondre aux besoins en capacité et de nous assurer que nous établissons pour nos gens une solution à long terme, et que nous incluons efficacement et sans équivoque les Premières nations, en nous fondant sur les décisions de la Cour Suprême du Canada au sujet des consultations par lesquelles le gouvernement fédéral est censé défendre l'honneur de la Couronne.

Le groupe d'experts a indiqué clairement que le Canada doit combler l'écart de ressources; or, nous n'avons vu aucune mesure prise à cet effet. On a attribué, il y a plusieurs années, quelques montants d'argent dans le cadre de mesures de relance dont un certain aspect visait les Premières nations. Si j'ai bien compris, le dernier budget prévoyait certains montants d'aide. Cependant, ils sont très loin du niveau de ressources que le groupe d'experts a qualifié de nécessaire. Par comparaison aux milliards de dollars que ce groupe a recommandés, la contribution de plus de 100 millions de dollars du gouvernement fédéral est encore nettement insuffisante. Se décharger de la responsabilité sur le dos des Premières nations sans voir à ce que celles-ci disposent de l'équipement et de la capacité nécessaires est loin d'être dans l'intérêt du Canada.

Nous respectons le fait que certaines Premières nations du Canada ont collaboré avec le gouvernement fédéral à l'élaboration de ceci. Nous ne mettons pas en doute leur autorité ou leur opinion, ni ne jugeons celles-ci. Je viens ici vous déclarer qu'en Colombie-Britannique, nous rejetons le projet de loi S-8, tout comme nous avons rejeté le projet de loi S-11. L'Union of British Columbia Indian Chiefs a adressé au gouvernement de nombreuses lettres qui présentent clairement et catégoriquement nos objections. En n'incorporant aucune modification importante qui tienne compte de nos recommandations et demandes, le projet de loi S-8 déposé va à l'encontre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Canada a déclaré à l'ONU qu'il appuyait cette déclaration. Cependant, les mesures que prend le gouvernement n'appuient pas son propos. À mon sens, cela souligne la vacuité des gestes que le Canada continue de poser en approuvant la déclaration des Nations Unies tout en s'abstenant d'en appliquer l'esprit de sorte que les Premières nations puissent agir, prendre soin de leurs gens, de leurs enfants et des générations futures. Ce ne sont pas de grandes idées, mais des choses que nous souhaitons tous ardemment pour nos enfants et nos petits-enfants. En notre qualité de dirigeants de Premières nations, nous devons nous dresser chaque fois que nous le pouvons et expliquer que les propos du gouvernement, s'ils sont vides, doivent être exposés aux Canadiens et au reste du monde.

Le projet de loi S-8 a été rédigé sans consultation de l'ensemble des Premières nations du Canada. Il ne reconnaît pas l'autorité et la compétence des Premières nations sur leurs terres. Il ne garantit pas l'approvisionnement des Premières nations en eau potable salubre. Il n'avance aucune certitude que les Premières nations participeront à l'élaboration des règlements. Le projet de loi S-8 stipule que les règlements l'emporteront sur les textes législatifs des Premières nations, sauf quand il y a une entente d'autonomie gouvernementale au titre d'une loi fédérale. Étant donné que de nombreuses Premières nations n'ont pas une telle entente, le projet de loi S-8 sape l'autodétermination et l'autorité des Premières nations.

Bien qu'il y ait dans le préambule du projet de loi un vague engagement à l'endroit de la participation des Premières nations dans l'élaboration des règlements, aucune capacité n'est encore offerte à cet effet. Qui plus est, cet engagement va du haut vers le bas et ne coordonne pas activement l'autorité. Le projet de loi S-8 comprend une clause de non- dérogation ou d'abrogation extrêmement faible et inacceptable qui permet encore l'atteinte aux droits des Autochtones protégés par la Constitution. C'est inacceptable. Dans notre pays, la Constitution est le fondement de la démocratie, et adopter un projet de loi qui y contrevient est clairement inacceptable. À mon humble avis, c'est une chose que tous les Canadiens et tous les sénateurs présents ici aujourd'hui devraient trouver inacceptable.

J'aimerais parler maintenant de l'île Gilford et de nos 10 ans d'ordonnance de non-consommation. Cependant, dès que nous avons eu accès aux médias nationaux et que le feu a touché vos pieds, les choses ont commencé à bouger pour notre village. En cours de route, il y a eu un projet pilote au cours duquel nous avons exploité de front trois installations d'osmose inverse qui n'avaient pas été conçues pour fonctionner ensemble. Il y a eu des conflits de logiciels et des problèmes de commandes, et le seul puits que nous avions s'est vidé. Il a fallu assumer le coût additionnel de creuser deux autres puits et d'installer une connexion Internet à large bande. Nous avons demandé au gouvernement de tenir sa parole, car on nous avait dit qu'après un an d'essai le projet passerait à sa phase finale. Trois ans plus tard, nous entrevoyons maintenant la possibilité d'obtenir le financement de notre proposition, grâce à la bonne volonté d'AADNC. Nous avons transformé un essai pilote en une solution intérimaire, ce qui n'était pas l'intention initiale.

Voilà ce qu'une petite Première nation dans une collectivité isolée de Colombie-Britannique a vécu, et c'est ce à quoi de nombreuses Premières nations dans des endroits isolés semblables devront très probablement s'attendre; je trouve ça inacceptable. Je pense aux collectivités comme Kashechewan, l'île Gilford et Attawapiskat. Elles démontrent clairement les lacunes que présente la démarche du gouvernement canadien quand il s'agit de répondre aux besoins des Premières nations et de s'acquitter de ses obligations fiduciaires selon la Cour suprême du Canada, la Constitution du Canada et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Il est inacceptable que le Canada continue de suivre une démarche de haut en bas et de tenter d'agir dans l'intérêt des Premières nations sans notre apport. L'époque du colonialisme est passée depuis longtemps; pourtant, il est encore très évident dans bien des comportements du gouvernement fédéral. Il faut dire les choses comme elles sont : c'est encore un déni des droits des Premières nations en tant que peuple, et une perpétuation de la doctrine de la découverte. La façon dont le gouvernement agit à la cour démontre que nous devons encore prouver à la cour que nous sommes un peuple. Les Canadiens et le merveilleux pays qu'est le Canada méritent mieux de la part du gouvernement fédéral. Ce gouvernement doit respecter les normes applicables aux droits de la personne qu'il préconise sur la scène internationale, les appliquer dans son propre pays et s'assurer que tout est beau dans sa cour avant de montrer du doigt les autres pays et de dénoncer leur violation des droits de la personne.

Je voudrais parler de ce qu'AADNC appelle la démarche « de la source au robinet »; la protection des sources d'eau. À mon avis, le gouvernement fédéral ferait mieux de prendre les ressources qui sont actuellement consacrées aux projets de loi S-8 et S-11 et de les rediriger vers la conception d'un dispositif quelconque, un moyen utile de collaborer avec les gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral prétend s'occuper de la protection des sources d'eau, mais les bassins hydrographiques ou les nappes que nous avons en Colombie-Britannique ne relèvent pas de sa compétence. Ils relèvent de la compétence provinciale. Rien que là, on peut voir que le gouvernement n'est même pas capable de respecter son engagement et de se conformer à l'image progressiste qu'il cherche à projeter.

Comment donc le gouvernement fédéral peut-il garantir une protection quelconque de l'eau des Premières nations quand nos territoires, que la Couronne a si généreusement pris de notre peuple, ne relèvent pas de sa compétence?

En conclusion, je répète que l'UBCIC s'oppose au projet de loi S-8 sous sa forme actuelle pour les raisons que j'ai présentées aujourd'hui. Une fois de plus, nous recommandons que le projet de loi actuel soit annulé et qu'on entreprenne une nouvelle démarche qui comprend les étapes appropriées de consultation et d'accommodement de toutes les Premières nations, qui comble l'écart de capacité, qui progresse vers un régime de réglementation qui respecte les titres et les droits ancestraux des Autochtones, les droits issus de traités et notre compétence, et qui garantit l'approvisionnement en eau potable salubre. Le gouvernement se doit de définir ce régime aux Canadiens de sorte que ceux-ci puissent avoir confiance en sa capacité de combler les besoins des Premières nations. Le régime réglementaire doit prévoir des ressources adéquates et un engagement à long terme à l'endroit de la capacité; il ne doit pas menotter les Premières nations ni leur tirer dans les pattes. Ce n'est pas une solution. Il est temps que nous suivions l'esprit de la déclaration des Nations Unies.

Je suis le chef élu du peuple Kwicksutaineuk-ah-kwaw-ah-mish et je suis aussi citoyen canadien, ce qui me dit que chacun d'entre vous est mon sénateur. Je vous supplie de faire ce qui est juste. Je vous supplie de mettre fin à la mauvaise plaisanterie qu'est le projet de loi S-8 et de vous acquitter de vos responsabilités de sénateurs en refusant ce projet de loi et en signifiant au gouvernement majoritaire qu'il est inacceptable. Vous entendez les Premières nations vous demander d'accepter l'ampleur des responsabilités qui vous sont conférées en votre qualité de sénateurs, et d'être fermes. Je serai debout à vos côtés pour vous encourager quand vous le ferez, sénateur St. Germain; je sais que vous en êtes capable.

[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]

Michael Mitchell, grand chef, Conseil des Mohawks d'Akwesasne :

[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]

Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous parler dans votre demeure. Nous vous transmettons les salutations de notre peuple à Akwesasne, des plus âgés aux plus jeunes de notre collectivité.

Nous sommes ici pour parler d'une question qui préoccupe grandement notre peuple, car nous vivons dans la vallée du Saint-Laurent. Nous vivons le long du fleuve Saint-Laurent. L'eau fait partie intégrante de notre vie. Nous vivons sur les rives du fleuve, nous respirons, nous rendons hommage à la Terre mère, à l'eau, aux terres et à l'air que nous respirons. Ces traditions sont encore très fortes chez nous. Voilà pourquoi nos peuples nous ont demandé de nous faire entendre.

Nous avons apporté avec nous un document que nous vous laisserons à la fin de notre exposé pour que vous vous rappeliez nos paroles. Je voudrais vous en citer quelques passages pour que vous sachiez ce que nous avons à l'esprit.

Le Conseil des Mohawks d'Akwesasne appuie l'eau potable et la nécessité d'élaborer des règlements régissant l'eau potable, la qualité de l'eau et l'élimination des eaux usées sur les réserves des Premières nations. Cependant, nous sommes grandement préoccupés par le projet de loi S-8, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières nations. Il ne reflète pas la discussion qui s'est déroulée à son appui, et nous croyons que des améliorations substantielles sont nécessaires afin qu'il réponde aux besoins de toutes les Premières nations. Le plus gros problème que présente le projet de loi est la possibilité manquée d'aider les Premières nations et les peuples autochtones à grandir et à gérer plus efficacement leur eau potable et leurs eaux usées.

Malgré son intention déclarée, tel qu'il est actuellement formulé, le projet de loi ne permet pas la croissance chez les Premières nations, ne permet pas une maturation de leur capacité à gérer leurs propres affaires et ne promeut pas le développement des capacités à l'échelle de la collectivité. Nous serons toujours assujettis au contrôle de quelqu'un d'autre, les gouvernements provinciaux ou des tiers.

Depuis les années 1950, le début de l'industrialisation de la vallée du Saint-Laurent, Akwesasne est devenue une des réserves du Canada les plus polluées. La pollution industrielle a touché l'eau que nous buvons et l'air que nous respirons depuis 60 ans. Nous sommes situés dans l'un des 43 secteurs problèmes identifiés dans le bassin des Grands Lacs. Par nécessité, nous avons développé les compétences de notre personnel responsable de l'environnement pour répondre efficacement à ces questions environnementales. Au fil du temps, nous avons réussi à intégrer nos connaissances écologiques traditionnelles à la science occidentale afin de mieux protéger l'environnement de notre collectivité. En conséquence, notre personnel est l'un des plus qualifiés et expérimentés qui soit en matière d'environnement dans une réserve au Canada.

Akwesasne est l'une des plus grandes Premières nations au Canada avec une population de plus de 11 000 habitants. C'est une collectivité internationale qui se trouve au Canada et aux États-Unis. Du côté américain, il y a une collectivité de 6 000 à 7 000 Mohawks. Nous avons un État, deux provinces et deux pays. Notre situation géographique unique nous a contraints à développer notre capacité à traiter quotidiennement avec plusieurs compétences.

Nous appuyons fortement le développement et l'exécution des lois de la collectivité. Nous avons un système de cours et un département de la justice. Nous avons un règlement sur l'eau potable, depuis 1964, qui prévoit des règles pour la construction et l'entretien d'un réseau d'aqueducs et régule l'approvisionnement en eau. Nous avons également une loi sur la conservation de la faune; c'est indispensable pour les régions dans lesquelles nous vivons, car on y trouve de l'eau, des îles, des animaux sauvages et des poissons. Ce sont nos frères et soeurs, et nous avons l'obligation d'en prendre soin.

Nous avons assemblé tout le personnel nécessaire pour gérer correctement la sécurité de l'eau potable. Notre département de santé est l'un des plus grands dans notre gouvernement, et nous avons un directeur de la santé, l'équivalent d'un ministre de la santé au niveau des Premières nations. Nous avons formé des professionnels, un agent de la santé environnementale et des infirmières communautaires chargés de prélever des échantillons d'eau. Nous avons un département des services techniques qui supervise le fonctionnement de nos deux usines de traitement de l'eau de classe 3, notre usine de traitement de l'eau de classe 1 et deux usines de classe 2. Nous avons également une usine de traitement des eaux usées de classe 2 et quatre usines de traitement de l'eau de classe 1. Nous avons neuf opérateurs d'usines de traitement de l'eau et de traitement des eaux usées qui détiennent une accréditation provinciale.

Graduellement, nos gens ont été à l'école et ont obtenu les accréditations nécessaires pour protéger la santé de notre peuple et de notre collectivité. Nous mettons notre expérience à votre disposition. Vous n'avez pas besoin de nous convaincre de nous préoccuper de la santé et de l'eau dans nos collectivités parce que nous le faisons déjà. Parfois, nous devons créer des lois en dépit des lois et règlements fédéraux et provinciaux. Graduellement, nous sommes arrivés à nous faire accepter dans des partenariats avec les provinces, le gouvernement fédéral et les Affaires autochtones quand ils ont vu les buts et objectifs que nous avons fixés. Nous souhaitons vous faire bénéficier de l'expérience que nous avons acquise et des moyens de renforcer les capacités que nos peuples ont apprises avec le temps.

Les droits ancestraux et les droits issus des traités sont protégés par la Constitution et doivent être maintenus. Les droits ancestraux découlent de notre relation de longue date avec nos terres, et les eaux du monde font partie intégrante de cette relation. C'est ce que nous appelons les lignées de notre mère, la Terre. Dans notre action de grâce, nous reconnaissons la responsabilité d'étancher la soif de toute vie. Nos droits ancestraux nous attribuent la responsabilité inhérente de protéger les eaux.

Les traités ont été une partie importante de notre histoire. Le traité du wampum à deux rangs et le pacte d'amitié de la chaîne d'argent sont deux de nos plus anciens traités et ont servi à établir notre relation avec les Européens, il y a des centaines d'années. Ils reposent sur les principes de paix, de sagesse et de force, et encouragent à s'assurer que nos paroles et nos actions concordent.

Au XVIIe siècle, dans la vallée du Saint-Laurent, notre peuple a conclu le traité d'Oswegatchie et le traité de Kahnawake. Ces traités nous ont garanti nos droits autochtones dans la vallée du Saint-Laurent, où nous vivons. Depuis la nuit des temps, notre peuple a établi notre statut de nation.

Nous sommes actuellement à la dernière étape de négociations avec le Canada pour l'autonomie gouvernementale, et nous avons établi et articulé notre position. Ces négociations durent depuis 1988, et se sont intensifiées au cours des cinq dernières années.

Dans l'avenir, nous avons pour mission de protéger notre peuple, nos terres et nos eaux. Nos droits ancestraux et nos droits issus des traités protègent le monde naturel, y compris les eaux. Il s'agit de droits des Premières nations qui sont reconnus à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous ne pouvons pas imaginer l'adoption d'une loi fédérale sur l'eau potable des Premières nations qui nous retirerait nos droits ancestraux ou issus de traités, protégés par la Constitution, et qu'une telle action serait considérée comme une étape positive.

Au lieu de cela, la loi fédérale proposée doit contenir une clause de non-dérogation indiquant que la législation ne devrait pas être interprétée comme une abrogation des droits ancestraux ou issus de traités, ou une dérogation à ceux- ci.

La dernière partie de l'article 3 du projet de loi S-8 porte atteinte à des droits des Premières nations qui sont garantis par la Constitution. Bien que certains pensent que ce projet de loi est une amélioration par rapport à la formulation du projet de loi S-11, il ne suffit pas à limiter les probabilités que la loi portera atteinte à nos droits ancestraux ou issus de traités. L'intention de protéger les droits autochtones doit être clairement déclarée, et Akwesasne recommande fortement la suppression de la dernière partie. L'article 3 doit se lire comme suit :

Pour plus de certitude, rien dans la présente loi ou son règlement ne doit être interprété comme une abrogation des droits ancestraux ou des droits issus des traités, dont jouissent actuellement les peuples autochtones du Canada en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Je demanderais maintenant au chef John Adams de parler de la nécessité d'adopter des démarches axées sur les Premières nations.

John Adams, chef, Conseil des Mohawks d'Akwesasne : Merci de me céder la parole. À l'heure actuelle, Akwesasne ne peut pas du tout appuyer le projet de loi S-8. Nous reconnaissons la nécessité d'une loi qui régisse l'eau, mais sa forme actuelle est une « taille unique ». Pour Akwesasne particulièrement, le grand chef a dit que nous avons la capacité. Nous le faisons depuis 1964, mais en forçant Akwesasne à accepter le projet de loi S-8, à mon avis, vous ne nous causerez que du tort. Au lieu de nous aider, vous nous contraignez.

Comme l'a dit mon grand chef, nous sommes la deuxième plus grande Première nation vivant dans des réserves. Nous sommes à 40 minutes d'Ottawa. Nous n'avons pas été consultés. Je ne sais pas pourquoi.

En ce qui concerne la Loi sur les Indiens, elle nous permet de prendre des règlements administratifs. Nous avons actuellement un règlement. Le projet de loi S-8 l'emportera sur notre propre règlement. Nous pouvons prendre nos propres règlements, ce que nous avons fait, mais s'il y a quelque chose qui contrevient à la loi, la loi l'emportera. Comment pouvons-nous grandir si vous nous imposez des lois?

Comme le grand chef l'a dit, nous sommes d'accord en principe en ce qui concerne l'accord sectoriel sur les terres fédérales et l'édification d'une nation. Nous sommes d'accord, en principe. Cependant, selon la formulation actuelle de la loi, cela n'a aucune importance; il faut faire partie d'un accord. Nous passons par ce processus maintenant, il n'y a donc aucune marge de manoeuvre.

Dans la loi qui porte sur les biens matrimoniaux, le projet de loi S-2, il y a une disposition qui prévoit une période de transition pour les collectivités de Premières nations qui ont une entente d'autonomie gouvernementale. Comme nous n'avons pas encore signé officiellement l'entente, mais avons une entente de principe, le projet de loi S-8 nous tombera sur la tête et contrôlera tout. Comment cela nous permet-il de grandir?

Nous avons entrepris des pourparlers avec le gouvernement provincial sur la possibilité que nous assumions la responsabilité de l'eau potable et des eaux usées. Les réactions à cet égard sont favorables. À l'heure actuelle, dans le projet de loi S-8, le ministre peut attribuer cette responsabilité à des régimes provinciaux. Comment cela fonctionnera- t-il pour Akwesasne? Dites-nous comment. Nous avons deux provinces à l'intérieur d'une réserve. Nous ne savons pas quoi faire. Akwesasne a toujours dit que nous assumerions nous-mêmes cette responsabilité.

Si nous ne pouvons pas arrêter le projet de loi S-8, nous demandons une exemption. Nous avons l'appui de nos collectivités iroquoises tout le long de la vallée du Saint-Laurent, et ce, jusqu'aux Six-Nations. C'est ce que nous appelons le caucus iroquois. Nous prenons soin d'eux et ils prennent soin de nous. Cela représente un nombre important de gens dans des réserves qui ont des installations d'alimentation en eau potable et des usines de traitement des eaux usées.

À l'heure actuelle, le projet de loi S-8 ne nous permettra pas d'aller de l'avant à l'échelle de la collectivité ni même à celle du caucus iroquois. Je vous en supplie, mesdames et messieurs, n'adoptez pas le projet de loi S-8. Vous ne faites qu'entraver le progrès des collectivités.

En ce qui concerne le chef Chamberlin, il est vrai que certaines collectivités peuvent avoir besoin d'aide pour ce qui est des usines de traitement des eaux usées. Akwesasne a présentement 1 000 logements dans son réseau et 27 kilomètres d'eau potable propre et salubre. C'est avec l'aide d'AADNC que nous avons réussi à faire cela. Il nous reste encore 20 p. 100 de ce projet d'eau salubre à réaliser. Si vous voulez voir un projet difficile, venez à Akwesasne. Nous ne sommes qu'à 40 minutes d'ici. Vous verrez que nous avons dû traverser des voies navigables, le Saint-Laurent, pour amener de l'eau propre, salubre et potable d'une maison à l'autre. Nous l'avons fait avec l'aide d'AADNC. À Akwesasne, nous faisons ce genre de choses, des partenariats en collaboration, des initiatives novatrices. Avec le projet de loi S-8, la loi sur l'eau, nous ne pourrons plus le faire.

Sur ce, je cède la parole à notre technicien, M. Ransom, qui a davantage de renseignements sur l'environnement.

James Ransom, directeur, Conseil des Mohawks d'Akwesasne : Merci, mesdames et messieurs. J'aimerais vous parler de deux ou trois choses. La première concerne l'alinéa 5(1)q) du projet de loi S-8, selon lequel les Premières nations sont les propriétaires de l'eau potable et des systèmes de traitement des eaux usées dans leurs collectivités. Cet alinéa, cependant, ne reconnaît pas notre capacité, à titre de propriétaires, de les gérer efficacement. Akwesasne et les Premières nations ont de tout temps trouvé des solutions aux problèmes de l'eau, et le projet de loi ne le reconnaît pas.

J'aimerais vous citer un exemple. Au cours des années 1990, je travaillais à l'Assemblée des Premières Nations, dans leur service de l'environnement. Un problème est survenu au niveau des opérateurs des systèmes d'alimentation en eau potable et des systèmes de traitement des eaux usées dans la réserve. Nous avons constaté que les programmes de formation provinciaux ne fonctionnaient pas pour ces opérateurs. En effet, on sortait ces opérateurs de leur collectivité et on les parachutait, en Ontario, à Toronto, pour qu'ils soient formés à l'emploi d'un équipement et de procédés qu'ils ne reverraient jamais plus. En conséquence, les systèmes qu'ils faisaient fonctionner et qu'ils entretenaient tombaient en panne bien avant la fin de leur cycle de vie.

Nous avons mis à l'essai, en Ontario et au Manitoba, un programme de formation itinérante dans le cadre duquel des opérateurs d'expérience étaient les formateurs. Au lieu de faire sortir les opérateurs de la collectivité, nous avons amené le formateur dans la collectivité; ils ont pu alors être formés sur le tas au fonctionnement de l'équipement qu'ils connaissaient et allaient utiliser, et cela a fait toute la différence.

En fin de compte, ce projet pilote est devenu le Programme de formation itinérante d'Affaires autochtones et Développement du Nord. Ce sont les Premières nations elles-mêmes qui l'ont inventé, et non pas les provinces. À mon avis, c'est la preuve que nous pouvons faire partie de la solution si on nous en donne l'occasion.

Par ailleurs, il y a le problème de la formulation du projet de loi S-8 qui, comme l'a mentionné le chef Adams, relègue nos règlements administratifs au second plan tout en donnant carte blanche à toutes les lois provinciales concernant l'eau, et en les reconnaissant. C'est tout à fait injuste. Il n'y a aucune raison que nos règlements qui assurent la même protection que ceux des provinces ne soient pas reconnus par cette loi.

Nous savons que toutes les provinces ne font pas les choses de la même façon; nous sommes au Québec et en Ontario, et le Québec n'a pas les mêmes normes que l'Ontario. De fait, celles de l'Ontario sont meilleures. Comme nous suivons les pratiques exemplaires, nous exploitons les usines de traitement des eaux que nous avons au Québec selon les normes de l'Ontario. C'est tout simplement logique. C'est là le genre de solutions que nous mettons en oeuvre.

Le dernier point que je voudrais soulever est le suivant : la loi proposée doit tenir compte des restrictions budgétaires qui existent. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral réduit les coûts dans un effort de réduction du déficit fédéral. Environnement Canada est un des organismes qui est le plus touché; or, Environnement Canada réglemente l'évacuation des eaux usées dans les collectivités des Premières nations. En plus de la LCPE, et compte tenu des coupures qu'il subit, il sera très difficile à ce ministère d'avoir un rôle appréciable dans l'exécution de cette loi.

Aussi, le paragraphe 5(3) du projet de loi S-8 ne tient pas compte de la réalité politique qui existe dans les provinces. Celles-ci, l'Ontario en particulier, cherchent à diminuer les coûts, à réduire la taille de la fonction publique, à améliorer les résultats en matière réglementaire et à augmenter les efficiences.

Le paragraphe 5(3) va contre les mesures d'économie que prennent actuellement les provinces. Rien que dans le cas de l'Ontario, le paragraphe 5(3) augmentera les responsabilités de réglementation de la province. Celle-ci se trouvera brusquement responsable des systèmes d'alimentation en eau potable et des systèmes de traitement des eaux usées de 133 Premières nations; elle n'a tout simplement pas la capacité de s'acquitter de cette responsabilité.

Les coûts de réglementation provinciaux augmenteront en une période de réduction des coûts et de compressions budgétaires. À notre avis, nous laisser assumer un rôle plus actif dans la réglementation de nos systèmes d'alimentation en eau potable est la solution. Akwesasne a l'expérience de l'établissement de relations. Comme l'a dit le chef Mitchell, nous savons comment établir des relations avec d'autres — d'autres gouvernements et organismes — en ce qui concerne des intérêts communs. Nous en avons déjà pris l'initiative. Nous avons rencontré le ministre de l'Environnement de l'Ontario, Jim Bradley, et entrepris une discussion sur la façon dont nous pourrions établir un partenariat dans le cadre duquel la province reconnaîtrait notre capacité de produire nos propres règlements; nous parlons également de la façon dont nous pourrions établir une relation d'échange d'information, d'aide technique et de formation, selon les besoins, dans un esprit de collaboration. L'initiative vient de nous, et personne ne nous l'impose. C'est une distinction importante.

À notre avis, le projet de loi S-8 doit encourager, promouvoir et favoriser les partenariats entre le gouvernement fédéral, les provinces et les Premières nations sur le plan de l'intérêt commun qu'est l'alimentation en eau potable salubre pour tous, comme nous essayons de le faire. Nous croyons qu'il faudrait ajouter une disposition qui dirait, essentiellement : Le ministre doit exempter des mesures de cette loi les Premières nations qui signent une entente avec leurs provinces respectives au sujet de l'administration et de l'exécution des règlements pris au titre du paragraphe 4(1). Ainsi, nous faisons partie du processus.

Voilà ce que j'avais à dire. Je passe la parole de nouveau au chef Mitchell.

M. Mitchell : Merci.

En ces quelques dernières minutes pendant lesquelles je vous communique mes pensées, j'aimerais vous poser la question suivante en guise de conclusion : Dans l'optique du gouvernement fédéral, que signifie autonomie gouvernementale? De quelles façons accorderiez-vous l'autonomie gouvernementale aux Premières Nations qui ont manifesté le désir d'aller dans cette direction? À un moment donné, il va bien falloir que le Canada nous dise ce que l'autonomie gouvernementale signifie. Il va falloir que vous admettiez, à un moment donné, qu'elle s'accompagne de la compétence législative; c'est une responsabilité qui fait partie intégrante de l'autonomie gouvernementale. À Akwesasne, dans nos échanges avec le gouvernement du Canada au sujet de la gouvernance, de la compétence et des pouvoirs, il nous a fallu beaucoup de temps pour les convaincre que nous en sommes capables. Maintenant, il reconnaît que nous sommes une des Premières nations les plus progressives, et que nous avons démontré notre capacité de faire ce qu'il faut.

Nous parlons ici de partenariat, de moyens de réparer les choses et de les renforcer. Nous vous implorons de nous entendre. Maintenant, voici la partie qui concerne l'exemption :

Si un organisme autochtone est aux dernières étapes de la négociation d'une entente d'autonomie gouvernementale avec le gouvernement du Canada, conforme à l'intention exprimée dans 14(1), le gouverneur en conseil peut, par règlement, soustraire ce corps autochtone de règlement pour une période n'excédant pas trois ans.

Il y a un précédent dans le cas de la Loi des Premières nations sur les biens matrimoniaux. Nous ne vous demandons pas de réinventer quoi que ce soit. Nous vous demandons de nous accorder la même considération parce que, si nous sommes menottés, notre collectivité y verra un message. Nous cherchons à maintenir notre élan sur cette voie et à encourager la fierté et le sens des réalisations dans notre peuple, et pas seulement dans notre collectivité. De nombreuses Premières nations du Canada viennent à Akwesasne et nous demandent comment nous avons fait : « Comment avez-vous mis au point ce système? Comment avez-vous formé vos gens? Comment les avez-vous amenés à s'intéresser à ça et à persister? » Le renforcement de la confiance; voilà quelle peut être notre contribution.

Merci.

Le président : Merci, chefs.

Sans vouloir argumenter, chef Chamberlin, je vous demande comment réglons-nous cela? Nous avons eu ici, l'autre jour, le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique, et il est en faveur du projet de loi. Nous leur avons posé la question spécifiquement. Puis, nous avons eu l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador. La chef Madeleine Paul était ici avec un conseiller, et ils acceptent le projet de loi. Je sais que vous avez exprimé une réserve avant de déclarer que vous êtes contre le projet de loi. Vous avez clairement dit que vous ne parliez qu'au nom de l'Union of British Columbia Indian Chiefs. À un moment donné, on se trouve à essayer de faire l'impossible. Si je comprends bien, nous avons aussi une approbation catégorique des traités 6 et 8 en Alberta. Nous n'avons pas encore entendu leurs témoignages, et je ne voudrais pas leur mettre des mots dans la bouche.

Je note vos préoccupations, mais pouvez-vous comprendre notre dilemme? Je crois que le chef Mitchell, ou le chef Adams, a fait allusion au fait que la taille unique ne convient pas à tous. Nous écoutons les gens qui viennent des quatre coins du pays. Je ne suis pas là à vous dire que nous avons absolument raison. Cependant, voici le dilemme. Il y a ceux qui le veulent tel quel — ils nous l'ont clairement dit ici —, et maintenant, il y en a d'autres qui s'y opposent fortement. Je ne doute nullement de la légitimité de vos arguments. Je vous demande de réagir à la situation qui se présente au comité.

Je voudrais aussi répondre à votre question, chef Mitchell. Qu'est-ce que l'autonomie gouvernementale? Je crois que nous avons 22 traités modernes — je ne parle pas au nom du gouvernement fédéral — et j'ai participé à ceux-ci pendant 19 ans, en commençant par celui des Nisga'a et des Sechelt quand j'étais à la Chambre des Communes. Nous avons des traités modernes qui accordent l'autonomie gouvernementale. Je suis partisan de l'autonomie gouvernementale et j'ai déjà présenté un projet de loi sur le sujet, et j'ai l'intention de le présenter à nouveau avant de quitter mon poste ici en novembre. Pour en revenir au chef Chamberlin, puis-je vous demander votre opinion sur le sujet?

M. Chamberlin : Quand vous parlez, comme vous venez de le faire, des Premières nations et des groupes qui ont participé jusqu'à présent, ma première réaction est de vous demander pourquoi on n'a pas fait la même chose pour toutes les Premières nations du Canada? Si toutes les Premières nations, en leur qualité de citoyens canadiens, sont égales les unes aux autres — si aucun droit autochtone n'est plus grand ni moins grand que celui du voisin —, il doit y avoir un processus selon lequel les Premières nations de la Colombie-Britannique peuvent interagir avec le gouvernement fédéral autant et aussi intensément, peut-être, que celles de l'Atlantique ou d'autres régions du Canada. Pourtant, je peux vous affirmer qu'il n'en est rien.

Le président : Avez-vous fait l'objet d'une consultation quelconque?

M. Chamberlin : Non, pas vraiment.

Le président : Ni le sommet ni l'union?

M. Chamberlin : Le sommet et l'union ne représentent pas les tribus membres pour la consultation. Il faut respecter les démarches de nos Premières nations propres aux collectivités et axées sur la nation.

Si j'en juge d'après ma famille étendue, les différences que nous vous présentons reflètent la diversité des problèmes auxquels nous sommes confrontés au Canada, les populations urbaines, ou celles qui sont entourées d'une zone largement peuplée, ont des circonstances et des possibilités différentes.

Quand vous venez à l'île Gilford, sautez dans l'avion et venez dans notre collectivité, vous ne trouverez pas une municipalité avec laquelle prendre des dispositions. Par conséquent, nous sommes devenus très indépendants, et avec nous, il faut une autre démarche que celles adoptées avec les autres Premières nations.

J'apprécie le défi auquel le Canada est confronté, mais je peux dire aussi que si vous aviez écouté les recommandations du groupe d'experts, nous ne serions pas ici en train de débattre du problème. Les recommandations étaient claires, et des fonds importants ont été investis au nom des Canadiens en vue d'en arriver à ce qui était censé être une orientation que le gouvernement suivrait. En vous éloignant du fondement de ces recommandations, et en particulier des conditions préalables, vous venez de gaspiller des millions de dollars. C'est un capital précieux qui aurait pu être utilisé pour aider une Première nation qui n'a pas d'eau potable ou d'usine de traitement des eaux usées.

Le sénateur Tkachuk : J'essaie de bien comprendre, parce que la question soulevée par le chef Chamberlin n'est pas claire pour moi. Est-ce que le chef Chamberlin parle au nom de toutes les 104 réserves, ou simplement de la sienne? Ou encore, dit-il que le gouvernement fédéral aurait dû consulter toutes les 104 réserves?

Je ne vois pas exactement de quel processus vous parlez, chef.

M. Chamberlin : J'ai l'honneur aujourd'hui de porter deux chapeaux. Je représente l'Union of British Columbia Indian Chiefs. Nous avons des résolutions adoptées par les chefs et l'assemblée de nos 104 Premières nations qui ont demandé au conseil exécutif de l'union, dont je fais partie, de venir exposer les failles que nous trouvons dans ce projet de loi.

Je représente aussi ma tribu, celle des Kwikwasut'inuxw Haxwa'mis. En son nom, je vous présente tous les défis que nous avons sur le plan de la capacité, ainsi que de l'infrastructure et des ressources requises, et je vous expose la démarche décousue que le gouvernement a adoptée pour répondre aux besoins de notre collectivité isolée.

Nous sommes chanceux par rapport à d'autres collectivités, parce que nous avons fait un certain progrès, mais il est encore très faible.

Le sénateur Tkachuk : Afin de mieux comprendre, une fois de plus, la question du processus de consultation : y a-t-il quelqu'un ou une réserve quelconque qui a été consultée en Colombie-Britannique? Ou bien est-ce seulement votre réserve qui n'a pas été consultée?

M. Chamberlin : Je sais que le groupe d'experts a tenu un certain nombre de séances régionales pour que les Premières nations...

Le sénateur Tkachuk : Je ne parle pas du processus de consultation.

M. Chamberlin : Pas à ma connaissance.

Le sénateur Tkachuk : Ils n'ont parlé à personne?

M. Chamberlin : Non. J'ai entendu dire aussi par les autres provinces qu'il n'y a pas eu de diligence raisonnable, ni de consultation adéquate.

Le président : Je crois que c'est une chose à confirmer. Je ne mets pas en doute ce que vous dites, mais il serait intéressant de savoir s'il n'y a pas eu du tout de consultation en Colombie-Britannique.

M. Chamberlin : Je peux vous dire que, quand il a été question du règlement d'Environnement Canada sur les eaux usées, j'ai contribué à l'établissement du modèle de consultation pour la Colombie-Britannique. À cette époque, ils voulaient tenir une seule séance pour 203 Premières nations de la Colombie-Britannique. J'ai demandé ce qu'il en était d'une autre province, et on m'a répondu qu'elle avait un nombre différent de bandes ou de Premières nations, et qu'elle aussi n'aurait droit qu'à une seule séance. Compte tenu de la différence des nombres, nous avons demandé d'avoir plus de séances. Nous avons fini par avoir trois séances régionales, et ce n'est pas de la consultation. C'est un rassemblement et un échange de renseignements, mais lorsqu'il est question de l'élaboration de perspectives pour les Premières nations, il doit y avoir une consultation approfondie et exhaustive.

Le sénateur Hubley : Je vous remercie de vos exposés ce soir. Quel a été le rôle du groupe d'experts en Colombie- Britannique? Vous avez mentionné que leurs constatations ont été importantes pour vous. Quel a été son rôle en Colombie-Britannique, et avez-vous eu l'occasion d'avoir un apport?

M. Chamberlin : Merci de votre question. Le groupe d'experts est effectivement venu en Colombie-Britannique à plusieurs endroits. Je ne me souviens pas du nombre exact. Je sais que j'ai été devant lui et j'ai exposé les pensées et les désirs de notre Première nation.

J'attire votre attention sur la page 49 du rapport du groupe d'experts. Au bas de la page, il faut préalablement fournir des ressources, discuter et tenir compte des risques élevés, par exemple. Il est clairement dit que le premier élément, et le plus critique, est de combler les lacunes en matière de ressources en ce qui concerne l'infrastructure.

Nous avons participé en comprenant, et en partageant notre sagesse et notre savoir écologique traditionnel, comme l'ont mentionné mes amis, mais ce rapport récapitulatif est ce dont je parle quand je dis que le Canada en a même oublié l'existence et trace un parcours qui fait fi de ses recommandations.

Le sénateur Meredith : Merci de vos exposés. J'ai toujours plaisir à entendre la passion qu'apportent à ce comité les divers témoins qui viennent nous parler.

Je suis un peu confus, comme le sénateur Tkachuk, en ce qui concerne le processus de consultation. Nous avons eu des témoins du ministère et, en 2009, ils ont eu 13 séances d'une journée. En 2010-2011, ils ont eu d'autres séances encore. Monsieur Chamberlin, je m'inquiète un peu que nous semblions recevoir des renseignements contradictoires, à savoir si les renseignements étaient disponibles ou pas, ou si les parties ont choisi de ne pas participer parce qu'elles pensaient que le processus était défectueux.

Pouvez-vous nous dire si l'information a atteint d'une façon quelconque vos membres et ceux-ci ont choisi de ne pas participer, ou s'il n'y a eu strictement aucune communication du processus au sujet du projet de loi S-8?

M. Chamberlin : Je n'ai entendu parler d'aucune consultation sur le projet de loi S-8. Je sais qu'il est dérivé du projet de loi S-11 et les modifications qu'on y a apportées, je suppose que le gouvernement dit qu'elles sont le fruit de consultations. C'est ainsi que le gouvernement le décrira, mais nous ne parlons pas de la Première nation Kwikwasut'inuxw Haxwa'mis ou de la Première nation Squamish, nous parlons d'un ensemble.

Le gouvernement définit ce qui constitue une consultation pour satisfaire à ses besoins au lieu de consulter vraiment les collectivités. Si vous avez une Première nation qui peut conclure un accord avec la municipalité aux fins de la distribution d'eau potable, la consultation entre les parties ne sera pas du même ordre que si vous venez à l'île Gilford pour nous parler des défis auxquels nous faisons face.

Une séance régionale, c'est lorsqu'on réunit plusieurs Premières nations afin qu'on inscrive le nom de leurs représentants sur la fiche de présence et qu'on puisse dire qu'il s'agit d'une consultation. C'est ce que le gouvernement fédéral choisit de faire. C'est insuffisant. Cette façon de faire ne respecte pas l'honneur de la Couronne comme la Cour suprême du Canada l'a dit dans une de ses décisions.

Le sénateur Meredith : Chef Mitchell, j'applaudis aux efforts de votre collectivité. Vous avez dit que le projet de loi à l'étude ici va sans nul doute anéantir presque tous les progrès que vous avez accomplis dans votre démarche visant à assurer un approvisionnement sûr d'eau potable et la saine gestion de vos eaux usées.

Pouvez-vous élaborer un peu plus sur les raisons pour lesquelles vous estimez que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, anéantira les progrès que vous avez accomplis et le fait que vous ayez pris en charge la formation de votre personnel? En tant qu'homme d'affaires, j'aime voir quelqu'un prendre l'initiative et agir pour améliorer sa collectivité et, en particulier, la formation de nos jeunes dans la collectivité. Je vous applaudis.

Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous estimez que ce projet de loi sera un recul pour vous? Chef Adams, vous avez dit que ce scénario n'est pas une panacée. Voudriez-vous élaborer pour moi, s'il vous plaît?

M. Mitchell : Bien sûr. En 1964, lorsqu'ils ont présenté pour la première fois à la collectivité le désir du comité d'établir des règles que le comité pourrait élaborer, à l'époque, ce n'était pas une façon de faire que le ministère des Affaires indiennes voulait envisager. Néanmoins, ils l'ont fait et c'était très rudimentaire. On parlait d'un règlement administratif et cela semblait suffisamment innocent au ministre de l'époque pour qu'il dise : voyons ce qu'ils peuvent faire avec cela. Ce dont je parle est arrivé plus tard. La possibilité de mener un projet de bout en bout a renforcé la confiance au sein de la collectivité, en commençant par ses dirigeants jusqu'aux familles qui en font partie. C'est ce qui est arrivé à Akwesasne quand je disais qu'à une époque, nous étions la Première nation la plus polluée au Canada. Petit à petit, les gens ont commencé à apprendre. Nous nous sommes adressés aux Anciens et nous leur avons dit : « Nous avons besoin de votre connaissance de la nature, de vos réflexions sur la science, dans une perspective traditionnelle. » Nous avons dit à ceux qui avaient terminé leurs études et qui revenaient à la maison : « Nous avons besoin de votre aide dans ce dossier. » Petit à petit, la combinaison des deux nous a donné confiance et nous avons commencé à faire des règlements, des codes et des lois.

Pour la formation, le processus a été le même. Il faut renforcer la confiance. Sans crier gare, vous transférez les pouvoirs à la province, mais vous ne reconnaissez aucun pouvoir des Premières nations. C'est le principe fondamental et notre objection fondamentale, c'est que comme Première nation, vous devez jouir de ce pouvoir de faire des lois afin de renforcer les capacités, de continuer à bâtir et à développer. Nous devons désormais traiter avec la province plutôt qu'avec le ministère des Affaires autochtones. Notre problème, c'est que nous devons le faire avec deux provinces dont les lois, les codes et les politiques ne sont pas les mêmes. Nous avons appris de notre expérience dans le domaine de la santé et de tout ce qui s'y rattache que les provinces ne sont pas toujours au même niveau.

Le fleuve Saint-Laurent coule entre les deux, mais il ne coule pas en ligne droite. Il zigzague autour des îles. Lorsque vous descendez le Saint-Laurent, un instant vous êtes au Canada, l'instant d'après vous êtes aux États-Unis. Vous êtes dans l'état de New York. Vous êtes au Québec. Vous êtes en Ontario un peu plus loin. C'est probablement une bonne illustration de la situation géographique et je voulais vraiment profiter de l'occasion pour vous inviter à venir visiter Akwesasne pour que vous puissiez voir ce que la collectivité a fait en dépit de tous les obstacles.

Aujourd'hui, comme je l'ai dit l'an dernier, nous avons un problème avec l'ASFC. Ils sont maintenant à Cornwall et toutes les fois que je rentre du travail, je dois traverser, faire une déclaration puis revenir. Nous engorgeons le pont, 80 p. 100 de notre population. Même si ça dure depuis deux ans et ils croyaient qu'ils étoufferaient notre esprit de combativité, le peuple mohawk a dit : « Malgré tout, nous continuerons de vivre et de respecter les lois que notre collectivité édictera. » Quand j'ai dit que nous avons nos propres tribunaux, notre propre justice, c'est une chose que les gens respecteront et reconnaîtront et c'est conforme aux lois du Canada et de ses provinces.

Ce que je veux dire, c'est que si vous leur enlevez cela — si vous enlevez la confiance —, nous régresserons au niveau où d'autres peuples se situent, faute de possibilités. Ce n'est pas tant à cause de l'argent investi, c'est que nous devons développer la confiance des membres de la nation pour qu'ils rentrent à la maison et qu'ils mettent leurs compétences à contribution. Nous aurons alors le leadership et la confiance nécessaires pour faire des lois bonnes pour la collectivité, et probablement bonnes pour les provinces et le pays.

C'est notre contribution. Je vais laisser le chef Adams répondre à l'autre question que vous avez posée.

Le président : Chers collègues, comme nous devons passer au travers de notre série de questions, je vous demanderai donc de resserrer un peu vos réponses. Auriez-vous la générosité de le faire?

M. Mitchell : Sans problème.

M. Adams : D'accord. En 2004, nous avons ouvert notre usine d'épuration de catégorie 2. L'OFNTSC demeure vigilante pour vérifier que tout est impeccable, mais il ya des besoins dans le Nord — à Kashechewan. Il n'y a pas de solution universelle. Nous sommes assez chanceux de ne pas avoir des besoins aussi aigus qu'à Kashechewan. Nous avons des ressources, donc, quand je dis qu'il n'y a pas de solution universelle, nous aimerions que vous ne nous mettiez pas tous dans le même panier. Nous avons la chance d'être progressifs, et c'est ce que je veux dire quand je dis qu'il n'y a pas de solution universelle. C'est tout.

M. Mitchell : Concrètement, nous disons : « Ne faites pas un projet de loi comme s'il s'agissait d'une panacée. Le projet de loi devrait renfermer des dispositions qui reconnaissent qu'il y a des Premières nations de toutes les tailles, grandes, moyennes et petites. Quelque part là-dedans se trouve la possibilité pour les Premières nations de remplir les espaces vierges. C'est ce que nous essayons de dire.

Le sénateur Meredith : Merci messieurs.

Monsieur le président, j'ai quelques autres questions, mais je les poserai dans la deuxième série.

Le président : Bien, c'est excellent. Je vous remercie.

Le sénateur Tkachuk : Bienvenue. Nous sommes unanimes sur un point : nous convenons tous que nous avons besoin d'eau potable. Le principe du projet de loi fait l'unanimité mais, manifestement, vous avez certains problèmes avec le contenu.

Chef Chamberlin, pour que je comprenne bien, parce que je veux fouiller encore les pistes d'investigation précédentes, si je comprends bien ce que vous avez dit, il y a 203 Premières nations en Colombie-Britannique, dont 104 appartiennent à l'association que vous prétendez représenter.

M. Chamberlin : Je ne le prétends pas. Je représente l'Union of British Columbia Indian Chiefs et nous avons 104 membres.

Le sénateur Tkachuk : Je comprends. Parce que vous avez parlé de votre réserve et des problèmes que le projet de loi crée pour votre organisation, je voulais simplement départager les choses. L'organisation que vous représentez s'oppose-t-elle au projet de loi ou à certains éléments du projet de loi?

M. Chamberlin : Je crois avoir dit assez clairement que nous rejetons le projet de loi dans sa forme actuelle, parce qu'il faut l'abandonner et le refaire au terme de consultations convenables et approfondies avec les Premières nations de la Colombie-Britannique et les Premières nations du Canada. C'est la résolution que les chefs et l'assemblée ont adoptée.

Le sénateur Tkachuk : Les 104 membres?

M. Chamberlin : Les 104.

Le sénateur Tkachuk : Savez-vous si les 100 autres ont été consultées?

M. Chamberlin : Pas à ma connaissance. Ce dossier est passé un peu inaperçu et je crois...

Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il eu des consultations sur le projet de loi précédent?

M. Chamberlin : Non. Je crois que ce que vous devez retenir de notre discussion, c'est que la position de l'Union of British Columbia Indian Chiefs sur le projet de loi S-11 et sur le projet de loi S-8 est cohérente. Elle n'a pas changé et c'est la voix de 104 Premières nations de la Colombie-Britannique. Cela répond à votre question sur le degré de consultation et le degré de satisfaction en Colombie-Britannique à l'égard des efforts déployés par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Tkachuk : Sur les 104 Premières nations, combien ont un problème d'eau potable?

M. Chamberlin : Je n'ai pas ces chiffres de mémoire.

Le sénateur Tkachuk : Avez-vous une idée?

M. Chamberlin : Il faudrait que je me renseigne. Je n'ai pas de réponse pour vous, monsieur le sénateur.

Le sénateur Tkachuk : Il doit y avoir des Premières nations qui n'ont pas de problème d'eau potable.

M. Chamberlin : Je sais que dans le canyon du Fraser, où nous avons plusieurs de nos tribus membres du Conseil tribal de la nation Nlaka'pamux, vous constaterez qu'en général, l'infrastructure disponible pour satisfaire à leurs besoins a vieilli. Elle doit être remplacée. Elle peut fournir une certaine quantité d'eau, mais elle est sur ses derniers milles.

Le sénateur Tkachuk : Cette collectivité a des problèmes d'infrastructure, comme beaucoup d'autres en dehors des réserves et elles modernisent leurs systèmes d'épuration de l'eau et de traitement des eaux usées et tout le reste.

M. Chamberlin : J'en conviens, mais je sais aussi que le gouvernement fédéral a une relation différente avec les Premières nations qu'avec d'autres Canadiens. Cette obligation fiduciaire est bien définie et elle engendre une certaine mesure de responsabilité. Nous constatons que le gouvernement fédéral ne se montre pas à la hauteur de la description globale de cette responsabilité fiduciaire, que cela soit dû à des compressions budgétaires ou à un manque de ressources.

Le sénateur Tkachuk : Parlons-en un moment. Quelle est votre responsabilité?

M. Chamberlin : Notre responsabilité consiste à faire en sorte que la machinerie ou l'équipement que nous recevons demeure en bon état de marche et que lorsque nous le pouvons, si nous sommes à même de contribuer à la satisfaction de nos propres besoins, nous le faisons. Je peux vous dire que lorsque notre village sur l'île Gilford s'est mis en frais de rebâtir les 26 maisons, nous avons versé plus de 1 million de dollars à notre projet de logement. Nous sommes l'une de ces Premières nations qui font face à d'énormes défis en matière de développement économique et, pourtant, nous avons payé notre part. Nous avons participé et nous avons assumé la part de responsabilité que nous jugeons devoir assumer par rapport à la reconstruction de notre village. Notre Première nation a dû faire beaucoup de sacrifices pour y parvenir et les Premières nations ne sont pas toutes à même de le faire. Si vous êtes dans un contexte plus gros, plus urbain, vous êtes peut-être dans une fourchette financière différente ou vous avez peut-être différents moyens de combler vos besoins d'immobilisations et d'infrastructure.

Le sénateur Dyck : Merci, messieurs, de vos déclarations. Votre évaluation du projet de loi était très claire. Je crois qu'il est assez intéressant de voir que non seulement vous venez de régions différentes du pays, mais on dirait que l'infrastructure d'approvisionnement en eau que vous avez dans vos régions sont à des niveaux très différents. En Colombie-Britannique, vous parliez d'une solution provisoire et on dirait qu'à Akwesasne, vous avez probablement une bonne infrastructure et pourtant vous vous opposez tous deux au projet de loi.

Si je me souviens bien, le projet de loi S-11 a été retiré et des communiqués de presse disaient que le ministère allait retravailler le projet de loi en consultant activement les Premières nations. À ce jour, je ne crois pas que cela se soit produit dans une mesure qui satisferait les témoins que nous avons entendus. La consultation est de toute évidence une grande part de ce qui aurait dû se produire, mais si le projet de loi devait être adopté, elle sera très importante en vue de l'élaboration des règlements d'application.

Ma première question est celle-ci : si le projet de loi est adopté et que des règlements sont élaborés, à quoi vous attendez-vous? Comment ferez-vous pour garantir que les Premières nations sont vraiment considérées, consultées et que votre contribution est vraiment prise en compte? Je crois que c'est l'expression que vous avez utilisée, chef Chamberlin. Le gouvernement va-t-il vraiment écouter les Premières nations lors de l'élaboration des règlements? Qu'allez-vous faire pour garantir que ce sera le cas?

M. Chamberlin : Pour que ce soit clair, je dirai que nous, l'Union of British Columbia Indian Chiefs, serons extrêmement déçus si ce projet de loi devait être adopté. Nous avons été très clairs et détaillés dans les mémoires et les réponses que nous avons présentés au gouvernement du Canada : le degré de satisfaction par rapport à la consultation qui a eu lieu n'est pas là. Je suis le chef d'une petite Première nation, à ma connaissance, il n'y a pas eu de possibilité de consultation sur le projet de loi S-8.

J'ai vu les communiqués de presse dont vous parlez. Nous les avons probablement interprétés un peu différemment, mais au terme des travaux que nous avons faits à l'union pour évaluer et analyser les différences entre les projets de loi S-8 et S-11, nous avons conclu qu'il n'y a pas beaucoup de différences. Les changements sont très mineurs et ce ne sont pas ceux que l'Union of British Columbia Indian Chiefs avait proposés.

Il n'y a là rien de rassurant en vue de consultations ultérieures et des chances que nos besoins soient bien pris en compte.

M. Adams : Si vous me le permettez, j'aimerais expliquer un point. Il n'y a pas eu de consultation. Il faut définir ce qu'est une consultation. C'est ce que les Premières nations à la grandeur du Canada veulent savoir. Est-ce que prendre un café avec un représentant d'AINC ou d'AADNC constitue une consultation? J'ai vu des situations où nous avions un numéro à composer pour participer à une téléconférence, ou il y avait une webconférence, ou nous devions nous rendre à l'Assemblée des Premières Nations. Laquelle est une consultation? Si vous définissez clairement ce qu'est une consultation, vous aurez alors une véritable consultation.

Nous avons eu une réunion sur le projet de loi S-8, mais pas à la demande d'AADNC; nous l'avons demandée. Je me suis rendu en Alberta à leur recherche. J'ai rebroussé chemin et je suis allé à Niagara Falls le lendemain. Je les suivais. Dites-moi, est-ce que je dois me mettre en chasse pour avoir une consultation ou AADNC n'est-il pas censé être le maître d'oeuvre, n'est-il pas censé nous inviter? C'est à vous de me le dire.

Le sénateur Dyck : Merci. Vous avez soulevé de bons points. Je crois qu'il est clair que nous devons définir ce que le mot veut dire.

Deuxièmement, je crois que le comité d'experts a recommandé qu'une commission de l'eau fasse partie du processus de réglementation. Nous avons eu des témoins de l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs et ils ont aussi recommandé la création d'une autorité régionale de l'eau. On dirait qu'à leur avis, une collaboration de cette nature dans leur région était une façon de garantir que toutes les Premières nations de la région participent activement à l'élaboration d'une solution pour leur région.

Si quelque chose comme une autorité régionale de l'eau était incorporée dans le projet de loi, cela aiderait-il à le rendre plus acceptable?

Le président : Aimeriez-vous répondre, grand chef Mitchell?

M. Mitchell : Je vais répondre. Premièrement, la Commission des Grands Lacs est en place. Les Premières nations, les Amérindiens du côté des États-Unis et du côté canadien en font partie intégrante. Henry Lickers, entre autres, y occupe un poste prestigieux, ainsi que d'autres Amérindiens et la commission me servira d'exemple. Du côté américain, la reconnaissance accordée aux Premières nations en fait de pouvoirs et de compétences est égale à celle accordée à l'état. Ces pouvoirs leur sont conférés et des partenariats sont formés à partir de là. Du côté canadien, Akwesasne souhaite qu'on lui accorde cette possibilité et elle veut en faire un but et un objectif.

Le sénateur Dyck : En bref, si un arrangement de cette nature devait faire partie du projet de loi, cela le rendrait plus acceptable?

M. Mitchell : Sans aucun doute.

Le sénateur Dyck : Chef Chamberlin?

M. Chamberlin : En ce qui concerne une autorité de l'eau régionale, je ne peux me prononcer sur la marche à suivre que les provinces de l'Atlantique ont retenue, mais ma première hypothèse serait qu'elle était fondée sur la situation qui existe dans le Canada atlantique, qu'elle soit déterminée par des facteurs géographiques, par la proximité à des milieux urbains ou peu importe.

En Colombie-Britannique, il y a une énorme différence entre les régions de la province, du nord-est de la Colombie- Britannique aux régions côtières du Nord ou dans la partie nord de l'île de Vancouver d'où je viens. J'aimerais bien vous répondre, mais c'est le genre de dialogue et de consultation que nous devons entreprendre pour en arriver à une réponse convenable.

Le président : Compte tenu de l'urgence de la situation — l'eau potable doit être l'un des dossiers les plus urgents au pays; si vous n'avez pas d'eau potable, vous êtes mal pris —, comment établiriez-vous un processus de regroupement? Si nous sommes réalistes, nous devons admettre qu'il est impossible de consulter 630 Premières nations, voire 203 comme en Colombie-Britannique. De dire qu'il faudrait consulter chacune d'entre elles pose problème. Je siège ici depuis 19 ans et le fait d'entendre dire qu'il n'y a pas d'accommodement ni de consultation me préoccupe.

Vous êtes le vice-président de l'union. Convenez-vous qu'il serait illusoire de s'attendre que le gouvernement consulte les quelque 630 bandes? Il doit y avoir un processus de regroupement ou quelque chose qui faciliterait la consultation, mais pas forcément avec chaque bande.

Je n'essaie pas de minimiser l'importance de qui que ce soit, mais j'essaie de prendre en compte l'aspect pratique.

M. Chamberlin : Merci de votre question, sénateur St. Germain.

Si j'osais vous décrire un regroupement possible aux fins de la consultation, j'encouragerais le gouvernement du Canada à s'adresser peut-être aux différents conseils tribaux en Colombie-Britannique. Que ce soit le conseil de district Kwakiutl, constitué d'un grand nombre de nations, que ce soit le Conseil tribal de la nation Nlaka'pamux ou le Conseil tribal Stl'atl'imx ou Tsawataineuk, vous constaterez que des groupes de Premières nations s'identifient à l'un et à l'autre et se trouvent dans une situation géographique similaire. Ce serait peut-être une façon de fonctionner s'il n'y a aucune envie de consulter vraiment toutes les Premières nations.

Le sénateur Sibbeston : Les affirmations du représentant d'Akwesasne m'ont beaucoup préoccupé, lorsqu'il a dit qu'ils craignent que ce projet de loi, d'une quelconque façon, leur enlève des acquis.

Je viens de parcourir le règlement pour voir si c'est le cas. Je constate que le ministre peut prendre des règlements par rapport aux systèmes d'alimentation en eau potable et de traitement des eaux usées, mais aux termes de l'article 5, les règlements peuvent aussi conférer à toute personne ou à tout organisme le pouvoir de réglementer l'eau potable. Les règlements peuvent conférer à toute personne ou à tout organisme les pouvoirs législatifs, administratifs ou judiciaires que le gouverneur en conseil juge nécessaires afin de régir efficacement ces systèmes.

J'ai donc l'impression que le gouvernement peut très bien conférer le pouvoir, pour ainsi dire, à une Première nation pour qu'elle exploite son propre système. Je me demande si ce ne serait pas là une façon de prévoir une exception ou une reconnaissance spéciale pour les progrès que le peuple akwesasne a faits de sorte que ce projet de loi ne retarde ou ne diminue d'aucune façon son développement.

Est-ce que les représentants ont vu cette disposition? Croyez-vous que le gouvernement pourrait reconnaître de cette façon le travail que vous avez fait et le système que vous avez mis en oeuvre et ne rien vous enlever de ce que vous avez déjà?

M. Adams : Le projet de loi renferme aussi l'article 7 par rapport aux lois édictées par les Premières nations. Depuis 1964, nous avons pris l'initiative. En adoptant la Loi sur les Indiens, ils nous ont permis d'établir des règlements administratifs avec l'approbation du ministre.

L'article 7 dit que si notre règlement administratif est incompatible avec le règlement fédéral, ce dernier a préséance sur nos lois. Quelle est l'utilité pour nous de prendre des règlements si le projet de loi S-8 sera plus fort qu'eux?

L'article 5 dit « les règlements peuvent incorporer par renvoi tout texte législatif d'une province ». Pourquoi pas aussi les lois d'une Première nation? Nous avons notre droit coutumier. Comment pouvons-nous voir à notre développement si Affaires autochtones et Développement du Nord Canada ne reconnaît pas non plus notre droit coutumier?

Nous essayons de faire des progrès à Akwesasne, mais il me semble que le projet de loi S-8 mettra un frein à notre développement et c'est pourquoi nous ne pouvons appuyer ce projet de loi dans sa forme actuelle. Nous aimerions une exemption. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur le président, nous devons manifestement nous pencher sur le sujet. C'est un point de désaccord sérieux si les représentants disent qu'ils craignent que ce projet de loi freine d'une quelconque façon leur développement et ne reconnaisse pas les progrès qu'ils ont accomplis. C'est un point important. Nous devrions peut- être demander à nos recherchistes et à nos conseillers juridiques d'étudier la question pour déterminer si c'est le cas. Si nous croyons que le problème est suffisamment important, nous pouvons envisager de proposer un amendement, comme ils l'ont suggéré, pour prévoir des exemptions ou la reconnaissance des lois des Premières nations qui régissent ce domaine.

Le président : Autrement dit, vous craignez que ce projet de loi supplante les règlements administratifs entourant l'infrastructure qu'ils ont déjà?

Le sénateur Sibbeston : Oui. Réagissons à leur préoccupation d'une façon très concrète. Si c'est le cas, dans notre rôle au Sénat, agissons et modifions le projet de loi pour prendre en compte des situations comme celle d'Akwesasne. Ils sont probablement à l'avant-plan des systèmes d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées au pays. Nous devrions nous assurer que ce projet de loi n'enlève rien à ce qu'ils ont accompli. Ce n'est qu'une idée. Je propose que nous poussions plus loin l'analyse et que nous obtenions une opinion juridique sur ce point. Si c'est le cas, nous devrions tenter de modifier le projet de loi de façon à les satisfaire.

Le président : Nous demanderons une opinion juridique.

Le sénateur Sibbeston : Les représentants d'Akwesasne nous ont invités à visiter leur nation pour voir leur système. Je serais très intéressé à le faire, surtout que ce n'est qu'à 40 minutes d'ici. Où je vis, nous puisons notre eau dans le fleuve Mackenzie, un très grand cours d'eau dont l'eau est encore très pure. L'eau est pompée dans un gros réservoir. Je suppose qu'après avoir laissé l'eau reposer, on saupoudre du chlore ou du fluor ou peu importe afin de rendre l'eau salubre. C'est l'image que j'ai d'un système d'approvisionnement en eau, mais je suis sûr que c'est plus sophistiqué et plus compliqué.

Nous parlons de ce genre de systèmes. Pourquoi ne pas profiter de la possibilité qui nous est offerte de voir à quoi ressemble un système d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées? Nous pourrions visiter la réserve au cours des prochaines semaines et le voir de nos propres yeux. Si les sénateurs sont d'accord, je suis sûr que la chose peut se faire.

N'est-ce pas vrai, monsieur le président?

Le président : Nous pouvons en discuter.

M. Chamberlin : J'aimerais vous lancer une invitation similaire de venir à l'île Gilford.

Le sénateur Meredith : Nous ne voulons pas vous négliger!

M. Chamberlin : Nous serions heureux de vous accueillir. Nous serions heureux que vous preniez l'avion pour venir nous voir et constater qu'il n'y a pas de route pour vous rendre à notre village, qu'il n'y a pas de municipalité avec laquelle nous pourrions conclure des accords créatifs. Vous pouvez vous tenir dans la petite remorque où il y a trois systèmes de purification d'eau à osmose inversée qui sont en conflit les uns avec les autres et qui ne fonctionnent pas comme AINC l'avait prévu. Vous pouvez constater vous-mêmes concrètement la situation avec laquelle une collectivité isolée doit composer avec la demi-mesure que nous avons.

Le président : Merci à nos experts.

Le sénateur Meredith : Grand chef Mitchell, je note que vous aimeriez que l'article 5 soit modifié de façon à protéger les droits issus de traités et d'autres droits. Quelles recommandations feriez-vous qui vous permettraient d'appuyer le projet de loi?

M. Mitchell : Je vais vous lire le paragraphe 5(3) proposé que nous avons rédigé à votre attention :

Le règlement pris en vertu de l'article 4 peut incorporer les lois d'une province ou d'une Première nation, telles que modifiées de temps à autre, avec les adaptations que le gouverneur en conseil estime nécessaires.

Lorsque vous reconnaissez qu'une Première nation peut être dynamique et posséder la capacité de réaliser l'objectif visé, donnez-lui cette possibilité. Incorporez ces dispositions dans le projet de loi.

Le sénateur Meredith : Merci.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Grand chef Mitchell, vous dites que les grandes industries polluent vos terres et votre eau. Ce texte législatif n'aurait-il pas pour effet de mettre fin un jour à la pollution?

M. Mitchell : Ces dernières années, ce ne sont pas les lois qui ont freiné la pollution. Pour une raison ou pour une autre, tant aux États-Unis qu'au Canada, ces industries ont cessé leurs activités. Il y avait une grosse usine de pâte et papier juste à l'ouest d'Akwesasne, du côté canadien. Il y avait une usine d'aluminium Reynolds et une usine Chevrolet. Elles étaient tout autour de nous et pour des raisons économiques, elles ne sont plus là. C'est la même situation en amont. Les choses ont changé. À cause de cela, ils nous ont permis de faire entendre notre voix, à la Commission de l'eau des Grands Lacs et à d'autres occasions, en vue de garder le fleuve Saint-Laurent propre.

En ce qui concerne l'eau dans la réserve, les Premières nations ont participé davantage à la mise en oeuvre de bon nombre des concepts liés à l'élaboration de lois et à l'exercice de pouvoirs.

M. Adams : J'ai une question supplémentaire. Un des sénateurs a dit que l'eau du fleuve Mackenzie est propre. Notre eau vient du fleuve Saint-Laurent et notre prise d'eau est à moins d'un kilomètre de deux ou trois sites déclarés contaminés par l'Agence de protection de l'environnement.

Par rapport à la protection de l'eau à la source, j'aimerais savoir comment AADNC nous permettra de mettre en oeuvre un processus international de protection de l'eau à la source? C'est une question que nous aimerions poser aux sénateurs.

M. Mitchell : C'est la situation que nous vivons.

M. Chamberlin : J'aimerais ajouter un mot sur le sujet également.

Quand je pense aux répercussions des activités industrielles en Colombie-Britannique, je pense à la nation Okanagan. Elle s'est adressée à la cour pour faire cesser les activités d'une exploitation forestière dans une vallée intacte où elle puisait son eau potable. Puis je pense aux différentes exploitations minières en cours en Colombie-Britannique et à leurs répercussions sur les sources d'approvisionnement en eau.

Je l'ai mentionné plus tôt : lorsque le gouvernement parle de protection des sources d'approvisionnement en eau, il doit donner la priorité au développement d'infrastructure ou s'entendre avec la province qui collabore avec les Premières nations afin de déterminer la marche à suivre pour protéger les sources d'approvisionnement en eau. Quand vous parlez de modifier l'industrie forestière et l'exploitation minière, vous frappez au coeur de l'administration publique provinciale, c'est-à-dire les revenus qu'elle tire de l'exploitation des ressources premières.

Le sénateur Lovelace Nicholas : De nombreuses Premières nations rejettent ce texte législatif. Concrètement, qu'arrive-t-il si le projet de loi est adopté et les Premières nations le rejettent? Quelles en seraient les conséquences, si conséquences il y a?

M. Mitchell : Nous continuerions de faire des revendications pour l'eau potable, comme nous l'avons toujours fait. Les lois qui nous touchent sont éphémères. Nous connaissons l'objet de certaines d'entre elles.

Nous sommes ici pour vous dire : vous avez le temps d'en faire une bonne loi, une loi encore meilleure. C'est pourquoi nous sommes ici. Nous ne pouvons pas vous forcer à dire : « Faites-le de cette façon. » Nous espérons que lorsque vous entendez nos réflexions et nos idées sur ce qui permet de réaliser cet objectif et sur la façon dont nous nous y sommes pris, cela pourra vous convaincre de déterminer les points qui devraient être modifiés. C'est notre objectif.

M. Chamberlin : Votre question me semble être une question de gestion du risque. Comment pouvons-nous honnêtement y répondre au nom de toutes les Premières nations au Canada? Je suis curieux de voir ce qui arrivera au sein des Premières nations à la grandeur du Canada dans les années à venir, quand nous voyons ce que ce gouvernement fait par rapport à la Loi sur les pêches, par rapport à l'évaluation environnementale et à l'eau, quand nous voyons comment la volonté d'aider les Premières nations à se reconnaître disparaît graduellement de son discours.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci beaucoup.

Le sénateur Ataullahjan : Merci d'être ici ce soir. Ma question s'adresse au grand chef Mitchell et au chef Adams.

Que pouvons-nous faire pour renforcer les capacités de développement à l'échelon local, comme vous l'avez mentionné? Quelles mesures concrètes faut-il prendre pour devenir une nation progressiste comme la vôtre?

M. Mitchell : Au cours des dernières années, nous avons reçu de nombreuses visites d'autres Premières nations et, parfois, on nous demande simplement : « Comment avez-vous fait? Qu'est-ce qui vous a donné la confiance de prendre ce dossier en charge? » Nous pensons que ces Premières nations pourraient faire la même chose elles aussi si elles avaient la possibilité et la confiance d'aller de l'avant et de construire quelque chose et si elles avaient l'idée qu'elles pourraient mettre en oeuvre quelque chose que les gens accepteraient, sachant que c'est bon pour eux.

Nous donnons beaucoup de conseils. Nous communiquons les succès que nous avons eus à d'autres Premières nations qui nous le demandent. Nous sommes en communication avec l'association des chefs de l'Ontario qui sert 133 collectivités des Premières nations et avec les chefs du Québec, et même à l'échelon national quand nous déléguons des gens d'Akwesasne pour aider à élaborer des lois, des concepts et des moyens d'assurer l'approvisionnement en eau potable dans d'autres collectivités. Nous apportons notre contribution et nous essayons d'être aussi utiles que nous le pouvons.

Je ne peux que vous dire, d'après mon expérience, que les gens sont prêts à essayer et que notre capacité à diffuser ces connaissances témoigne de notre détermination.

M. Adams : La capacité de développement n'est pas gratuite. Nous utilisons une partie de nos propres revenus autonomes. Lorsqu'AADNC dit qu'il s'occupera de 80 p. 100 du traitement des eaux usées et que la Première nation doit en faire 20 p. 100, nous sommes ici pour vous dire que ce n'est pas 80/20; c'est un partage à 50/50. Notre budget d'exploitation de nos usines d'épuration de l'eau et de traitement des eaux usées est sous-financé de 30 p. 100. Nous avons les chiffres pour le prouver. Ne vous laissez pas induire en erreur : le financement n'est pas là. Nous sommes toutefois assez chanceux d'avoir l'expérience et l'éducation nécessaires, en ce sens que nous pouvons prévoir ce dont nous avons besoin pour les 25 prochaines années. Cela se ramène toujours à une question de capital.

Nous devons appuyer la collectivité nordique du chef Chamberlin pour renforcer ses capacités, pour l'aider. Nous pouvons faire le maximum pour échanger nos idées, mais c'est à AADNC qu'incombe au bout du compte la responsabilité de renforcer les capacités.

Le sénateur Ataullahjan : Je vous remercie.

M. Chamberlin : Quand on parle de la nécessité de renforcer les capacités, on doit aussi parler de la nécessité de garder des gens en poste. À cause du mode de financement actuel, il n'y a pas de travail à temps plein pour un membre de notre collectivité. Pourtant, si nous voulons vraiment être sincères au sujet du renforcement des capacités, nous parlons de quelqu'un qui doit atteindre un niveau 3, ce qui prendra six ou sept ans, puis de lui offrir un emploi à temps partiel dans une collectivité isolée où l'industrie peut venir le cueillir et lui proposer un emploi ailleurs et nous recommençons le tout en fait de renforcement des capacités.

Plusieurs études à la grandeur du Canada ont montré que différentes industries convoitent nos talents. Nous devons en être conscients. Nous devons faire en sorte que lorsque nous construisons une usine de traitement de l'eau dans une collectivité isolée, tout comme lorsque vous construisez une école dans une collectivité isolée, le projet prévoit des ressources afin de construire un logement destiné au technicien qui veillera au fonctionnement de l'usine. Je crois que cet élément n'apparaît pas dans les formules que le gouvernement utilise. Le besoin de logement est une dure réalité et ce logement sera l'une des choses qu'il faudra mettre en place pour garder les personnes qui vous permettent de renforcer vos capacités.

Le sénateur Demers : Chef Chamberlin, vous avez dit au début qu'il n'y avait pas assez d'argent. Je sais que ce n'est pas entièrement une question d'argent, mais cela semble un point important.

En 2003, il y avait 600 millions de dollars et aujourd'hui, il y en a 1,9 milliard. Est-ce que quelque chose m'échappe? Y a-t-il un manque de communication, à cause du nombre de tribus et de groupes, ou est-ce que l'argent n'est pas investi au bon endroit?

Je ne dis pas qu'il y en a assez, comprenez-moi bien. Je respecte ce qui a été dit ce soir, mais il semble y avoir un manque de comptes à rendre par rapport à tout l'argent qui a été octroyé.

Est-ce que ce que je dis se défend?

M. Chamberlin : Oui, cela se défend. Je serais d'accord avec vous. C'est le gouvernement qui ne rend pas entièrement compte de la somme d'argent que vous venez de mentionner. J'aimerais voir une ventilation du montant d'argent qui est sorti de cette vallée et qui s'est rendu aux collectivités. Je le dis, sachant trop bien qu'avec la bureaucratie et les sommes allouées aux Premières nations, nous pouvons bien parler du chiffre de départ autant que nous le voudrons. Si nous voulons nous livrer à cet exercice, nous devons reconnaître ce qu'il faut pour gérer cet argent au sein d'AADNC ou de tout autre ministère et voir ce que touchent vraiment les collectivités.

De la somme que vous avez mentionnée, je ne peux que relater l'expérience de notre collectivité. Il s'agissait d'un projet de 5,5 millions de dollars parce que les exigences ne cessaient d'augmenter pour garantir qu'il était opérationnel. Au bout du compte, le plan qu'AADNC a approuvé était vicié. Je pense à ce qui se passait dans notre collectivité et aux environs lorsque l'eau est devenue insalubre : il y avait du dynamitage sur une route forestière au sommet de la montagne juste derrière notre village. Les deux événements sont-ils liés? Je ne sais pas, mais c'est ce qui s'est passé. Je suis curieux de savoir quelle part de ce 1,9 milliard de dollars a réussi à sortir d'Ottawa. Je crois que nous serions tous un peu déçus.

Le sénateur Raine : C'est intéressant d'entendre vos témoignages. Je félicite Akwesasne pour le travail que vous faites et les suggestions d'amendements que vous avez formulées. Nous allons assurément les étudier avec attention.

Je crois que le projet de loi est une proposition de loi-cadre et qu'il ne se veut pas une panacée. On indique dans le résumé que les règlements pourraient être pris province par province pour se calquer sur les régimes réglementaires provinciaux en vigueur en les adaptant aux situations des Premières nations qui vivent sur ces terres. Même à l'intérieur d'une province qui a sa réglementation, il faudrait en discuter au niveau local de la Première nation. Je conçois que nous avons besoin de la loi-cadre pour aller plus loin, mais vous ne pouvez pas réglementer des gens qui n'acceptent pas les règlements. Nous sommes tous ici pour essayer d'améliorer la situation afin d'assurer un approvisionnement d'eau potable salubre et propre et protéger les terres des Premières nations.

Cela m'attriste de voir l'absence en apparence totale de confiance. Quand la confiance disparaît, les gens doivent s'unir et se tendre la main.

Chef Chamberlin, dans votre Première nation et à l'Union of B.C. Indian Chiefs, êtes-vous prêts à tendre la main au gouvernement du Canada pour essayer de trouver une solution, même si ce projet de loi devait être adopté, au plan réglementaire? Ne pouvons-nous pas travailler ensemble?

Le sénateur Meredith : Ne pouvons-nous pas nous entendre?

M. Chamberlin : Notre Première nation serait disposée à participer à l'élaboration d'une solution avant l'adoption du projet de loi — si c'est une véritable possibilité. Vous avez dit que la confiance est le problème principal. Je repense à ce journaliste qui m'a demandé qui, du parti libéral ou le NPD, j'espérais voir remporter les élections en Colombie- Britannique. J'ai dit que ni l'un ni l'autre n'avait fait un bon travail pour les Premières nations, point à la ligne. Je peux dire, et je crois que le sentiment est partagé à la grandeur du Canada, que nous attendons toujours que le gouvernement respecte ce que ses tribunaux ont dit au sujet de la conduite qu'il doit tenir.

Nous venons d'obtenir une décision judiciaire dans une affaire où le gouvernement du Canada a caractérisé les séances régionales auxquelles j'ai participé avec le conseil des pêches de consultation avec nos Premières nations. C'était hier. C'est avec ça que nous devons composer. La conduite du gouvernement du Canada est le boulet à notre pied parce qu'elle n'a pas été honorable. Si elle l'avait été, il n'y aurait pas eu autant de décisions de la Cour suprême du Canada qui disent le contraire.

J'aimerais que le gouvernement bouge et fasse quelque chose d'utile. J'aimerais que le gouvernement définisse ce qu'est une consultation, comme mes amis d'Akwesasne l'ont dit plus tôt. Nous avons besoin d'une définition acceptée. Je crois que l'étape suivante serait de fournir les ressources nécessaires pour que nous puissions participer de façon active. Le gouvernement du Canada aura un terrain de jeu qui penche beaucoup en sa faveur face à une Première nation comme la nôtre qui devra se déplacer puis essayer de présenter sa cause. La réalité d'une petite bande comme la nôtre, c'est que nous venons tout juste de réduire de deux jours par période de paie le temps de travail de notre personnel de bureau au grand complet parce que les ressources que nous obtenons du gouvernement ne sont pas suffisantes. Il faudrait ensuite ajouter à cela notre participation à l'élaboration de règlements. Cela prendra beaucoup d'expertise, de temps et d'énergie et nous n'avons pas les ressources pour le faire. Ce n'est pas une tâche que nous pouvons accomplir sur le coin de notre bureau parmi tout le reste.

Le sénateur Raine : Je comprends. Vous avez demandé : qu'est-ce qu'une consultation? Qui, à votre avis, devrait répondre à cette question?

M. Adams : Le sénateur a dit qu'il valait la peine d'examiner ce que les représentants d'Akwesasne avaient dit. J'ai trouvé curieux qu'il vous regarde, et pas nous, alors que nous sommes en cause. De quel genre de consultation s'agit-il quand vous ne reconnaissez pas que nous sommes assis ici et que vous ne dites pas : « Permettez-nous de travailler avec vous »? Non, il s'est retourné et il a dit : « Adressons-nous au ministère de la Justice pour voir ce que nous devons faire, pas aux Premières nations. »

Le président : Je pense qu'il réagissait à votre demande et qu'il voulait que nous réagissions à titre de comité.

M. Adams : Je comprends.

Le président : Il regardait peut-être du mauvais côté, et je ne sais pas pourquoi. Pour être juste, je connais très bien le sénateur Sibbeston, j'ai travaillé avec lui ici pendant 19 ans. Je ne peux que supposer qu'il essayait de nous convaincre d'obtenir une opinion juridique sur le point que vous aviez si bien soulevé.

M. Adams : Une opinion juridique élaborée par votre service juridique et notre Première nation, voilà qui serait une consultation en vue de travailler sur une disposition législative.

Le sénateur Tkachuk : Pourquoi n'en ferions-nous pas 600?

M. Adams : Nous sommes ici pour représenter Akwesasne.

Le sénateur Tkachuk : Exactement, mais j'essaie de vous demander sérieusement : comment pourrions-nous faire 600 consultations de cette nature?

M. Adams : Je comprends votre frustration. Je vais évoquer votre cadre et le comparer à une maison. C'est exactement comme une maison. Vous devez bâtir une structure pour la maison, et nous devons vivre dans la structure. Le reste du Canada ne vivra pas dans la structure, nous devons vivre dans la structure et composer avec la qualité de la construction. Nous préférerions nous assurer aujourd'hui que la structure est de meilleure qualité avant que nous commencions à y ajouter les murs.

Le sénateur Dyck : Je crois que c'est M. Chamberlin qui a parlé de la gestion du risque. L'eau potable est l'une de nos préoccupations, et la préoccupation de tous. À votre avis, si nous retardions l'adoption de ce projet de loi, aggraverions-nous le risque pour les différentes Premières nations? Ce projet de loi aurait-il une quelconque utilité pour assurer la salubrité de l'eau? Si nous le retardons, augmentons-nous le risque? On nous dit que si nous retardons son adoption, des gens vont mourir ou tomberont malades.

M. Chamberlin : Je suggérerais de nous en remettre à la recommandation du comité d'experts. Il a parlé de la nécessité de prévoir des ressources suffisantes pour mettre tout le monde au même niveau. Si nous ne le faisons pas, la vie de certaines personnes sera menacée.

Ce projet de loi ne donne pas suite à cette recommandation, donc nous pouvons adopter le projet de loi demain mais nous aurons encore besoin de beaucoup de ressources pour assurer un approvisionnement en eau potable salubre. Les règlements sont-ils vraiment utiles sur le terrain? Je suggérerais au gouvernement qu'il examine sérieusement son engagement envers les peuples des Premières nations et qu'il respecte ce que les tribunaux ont dit sur la consultation et la nécessité absolue de mettre à niveau les systèmes d'approvisionnement en eau. Ce serait ma première étape. Je veux rappeler une remarque formulée au cours de la consultation : l'histoire récente montre que lorsque le Canada tient des consultations sans la participation des Premières nations, les résultats ne sont pas bien accueillis. Tirons-en une leçon. Élaborons et définissons un processus de consultation auquel nous pouvons participer sur un pied d'égalité, par définition. Sans écart de la norme, le progrès est impossible.

Le président : Voulez-vous réagir, chef Mitchell ou chef Adams?

M. Adams : Pour notre part, nous sommes d'accord. J'aimerais dire : idem. Nous pourrions être assis ici et discuter pendant deux ans de plus, mais est-ce que cela va régler le problème de l'eau? Non. Il faut régler d'abord les problèmes de l'eau et en même temps, travailler à renforcer le projet de loi.

Le sénateur Dyck : Je vous remercie. C'est clair.

Le président : Je souhaiterais à tous un traité moderne et je crois que vous avez soulevé ce point. C'est pourquoi je suis inquiet, dans ma province d'origine, la Colombie-Britannique. Je suis inquiet parce que nos progrès sont trop lents. Je vois les problèmes du point de vue de l'État et je vois aussi les difficultés du point de vue des Premières nations.

Je veux vous remercier tous d'être venus témoigner et d'avoir été aussi francs et directs que vous l'avez été dans vos réponses. Nous ne nous entendons peut-être pas sur tout, mais si nous nous entendons au moins sur quelques points, nous avons fait des progrès.

(La séance est levée.)


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