Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 19 - Témoignages du 30 mai 2012
OTTAWA, le mercredi 30 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à, 18 h 46, pour examiner, en vue d'en faire rapport, la reconnaissance juridique et politique de l'identité des Métis au Canada.
Le sénateur Lillian Eva Dyck (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et au public qui regarde cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur le Web. Je m'appelle Lillian Dyck. Je suis vice-présidente du comité et je suis originaire de la Saskatchewan. En l'absence de notre président, le sénateur St. Germain, je vais présider cette séance.
Le mandat de notre comité consiste à examiner les lois et toutes questions concernant les peuples autochtones du Canada en général. En outre, nous avons reçu un ordre de renvoi nous autorisant à explorer les questions touchant les Métis, particulièrement celles qui concernent l'évolution de la reconnaissance juridique et politique de l'identité collective et des droits des Métis au Canada.
Les premières réunions tenues dans le cadre de cette étude étaient des séances d'information au cours desquelles divers ministères nous ont fourni de l'information, y compris des données sur les programmes et services fédéraux actuels, l'état des relations entre l'État et les Métis, de l'information statistique générale, ainsi que des renseignements sur les questions juridiques courantes, parmi d'autres choses. Nous avons entendu deux experts juridiques sur les questions touchant les Métis qui nous ont fourni le contexte juridique des décisions. Ensuite, nous avons commencé à entendre les organismes nationaux qui représentent un groupe métis. Ce soir, nous accueillons le représentant du Congrès des peuples autochtones.
Cependant, avant d'entendre notre témoin, j'aimerais profiter de l'occasion pour présenter les membres du comité présents ce soir.
Le sénateur Sibbeston : Je suis Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur Campbell : Je suis Larry Campbell, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Ataullahjan : Je m'appelle Salma Ataullahjan, de Toronto, Ontario.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.
Le sénateur Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Housakos : Leo Housakos, de Montréal, Québec.
La vice-présidente : Je demanderais aux membres du comité de se joindre à moi pour souhaiter la bienvenue aux représentants du Congrès des peuples autochtones, Dwight Dorey, chef adjoint national, et Julian Morelli, conseiller.
Monsieur le chef adjoint, veuillez faire votre exposé. Les membres du comité vous poseront ensuite des questions.
Dwight Dorey, chef adjoint national, Congrès des peuples autochtones : Merci et bonsoir.
C'est pour moi un honneur et un privilège d'être ici sur le territoire traditionnel des peuples algonquins pour m'adresser à vous. Je suis le chef adjoint national du Congrès des peuples autochtones, anciennement le Conseil national des Autochtones du Canada, l'une des cinq associations autochtones nationales. Depuis 41 ans, le congrès représente les droits et les intérêts des Indiens inscrits et non inscrits vivant hors réserve et des Métis de l'ensemble du Canada.
Au XVIIe siècle, Samuel de Champlain a utilisé le terme « Métis ». Il encourageait activement les unions entre Français et Indiens et de nombreux enfants sont nés de ces mariages. Du vivant de Champlain, on a commencé à appeler « Métis » les enfants de ces unions mixtes.
Au cours des années suivantes, plus de 70 termes différents ont été utilisés pour décrire les personnes de sang mêlé, par exemple, métis et hommes libres. En reconnaissance de ce fait, dans le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, paru en 1996, on a utilisé le terme « cultures » pour parler des divers peuples métis au Canada.
En tant que membres du comité, vous avez la difficile tâche de séparer les faits historiques de la fiction et la vérité de la propagande politique lorsque vous réfléchissez aux témoignages que vous avez entendus. Je crois pouvoir dire qu'aucun membre de votre comité ne souhaite que les injustices et la discrimination de la Loi sur les Indiens soient répétées dans un processus de recensement des Métis.
C'est un fait historique que les Métis étaient des peuples nomades; or, l'arrêt Powley exige qu'une personne qui s'identifie comme Métis prouve qu'elle est membre d'une collectivité métisse contemporaine liée à une collectivité métisse historique. Le terme « collectivité » doit être interprété de manière libérale, pour tenir compte du nomadisme des Métis.
Le congrès s'est toujours opposé au fait que le Ralliement national des Métis se soit approprié le terme constitutionnel « Métis » pour ses propres fins politiques et financières. Leurs efforts pour obtenir que le terme Métis au paragraphe 35(2) s'applique uniquement à leur propre groupe se sont soldés par un échec et ni le gouvernement fédéral ni les provinces ne lui ont jamais donné raison sur ce point.
Lorsque Harry Daniels était président de notre association, il a négocié la reconnaissance constitutionnelle des peuples métis dans la Loi constitutionnelle de 1982. Grâce à ses efforts, la Constitution inclut les Métis dans la définition des peuples autochtones du Canada et reconnaît et confirme nos droits existants — ancestraux ou issus de traités. Cela a été le couronnement de la carrière de Harry et une réalisation majeure pour le congrès.
La vision de Harry et sa définition des Métis n'étaient pas étroites et exclusives comme celles proposées par le Ralliement national des Métis. Nous ne souhaitons pas répéter les pratiques discriminatoires de la Loi sur les Indiens dans le cadre d'un recensement métis. Nous rejetons le témoignage présenté au début du mois au sujet du paragraphe 35(2) et l'opinion selon laquelle les personnes d'ascendance mixte ne sont pas incluses. Cette interprétation discriminatoire de l'article 35 n'est certainement pas ce que Harry Daniels négociait.
En 2003, la Cour suprême du Canada a reconnu que les Métis ont le droit ancestral de chasser pour se nourrir et que ce droit est garanti par la Constitution. Dans l'arrêt Powley, la cour dit que le terme Métis à l'article 35 désigne les peuples distincts qui, en plus de leur ascendance mixte, possèdent leurs propres coutumes et identité collective reconnaissables et distinctes de celles de leurs ancêtres indiens ou inuits, d'une part, et de leurs ancêtres européens, d'autre part. Cet élément de l'arrêt reflète la position défendue par le RNM depuis 1985. Je n'ai jamais vu une seule ligne dans un document qui justifie l'hypothèse selon laquelle les rédacteurs de la Constitution pensaient de cette façon. Il y a une chose que nous savons avec certitude : cela contredit l'intention documentée de Harry Daniels, qui était responsable de la négociation du terme « Métis » dans la Loi constitutionnelle.
Harry Daniels a laissé un autre cadeau aux Métis et aux Indiens non inscrits, dont il faudra encore quelques années à réaliser. En 1998, pendant son deuxième mandat à la présidence du congrès, il a intenté la poursuite Daniels c. La Reine. Son objectif était de réparer un grief de longue date des Métis et des Indiens non inscrits. Le gouvernement fédéral nie être responsable des Métis et des Indiens non inscrits en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et a toujours maintenu que les Métis relèvent de la compétence des gouvernements provinciaux. Les provinces affirment le contraire, c'est-à-dire que les Indiens non inscrits et les Métis relèvent de la compétence fédérale.
Par conséquent, nous sommes pris dans un vide juridique où il y a peu de programmes ou d'initiatives gouvernementaux pour répondre aux besoins des Indiens non inscrits et des Métis. Permettez-moi de vous donner une idée de ce que cela représente sur le plan financier. Chaque année, le gouvernement fédéral investit 10 milliards de dollars dans des programmes pour les Autochtones, de ce montant, près de 90 p. 100 visent à aider les Indiens inscrits dans les réserves qui représentent moins du tiers de la population autochtone totale. C'est pourquoi les Métis et les Indiens non inscrits continuent à être insuffisamment servis par les gouvernements et c'est pourquoi nous n'avons pu réaliser notre plein potentiel dans la société canadienne.
Le CPA poursuit ses négociations avec le gouvernement fédéral au sujet des droits, intérêts et besoins des Métis et Indiens non inscrits. Cependant, ces négociations ont été et sont encore frustrées et ralenties par le gouvernement fédéral qui nie avoir une responsabilité fiduciaire envers les Métis et les Indiens non inscrits en vertu de l'article 35.
Les catégories de peuples autochtones ne sont pas des compartiments étanches. De nos jours, en milieu urbain, la plupart des familles autochtones ont des identités mêlées. La position du congrès a toujours été que les droits des Métis découlent de notre ascendance autochtone et non pas du fait que nous avons une généalogie mixte.
À l'heure actuelle, le congrès ne reçoit aucun financement pour travailler aux systèmes de registre sur les Métis, ni pour évaluer les systèmes de registre qui existent déjà. En outre, je ne connais aucun organisme affilié au CPA qui reçoive des fonds pour appuyer son travail de recensement ou d'inscription des Métis. Nous ne participons pas avec l'Association canadienne des normes à l'élaboration d'une méthodologie pour vérifier la qualité et l'intégrité des systèmes d'appartenance aux peuples métis.
Alors que l'arrêt Powley a été un rayon d'espoir pour les droits de récolte des Métis, les critères établis par la Cour suprême posent des problèmes. Des experts nous ont prévenus que les Métis qui ne correspondraient pas à une interprétation aussi étroite du terme Métis deviendraient vraisemblablement le nouveau peuple oublié.
Nous savons tous que les questions entourant l'inscription, l'appartenance et la citoyenneté sont complexes et qu'une réforme en profondeur ne peut se faire du jour au lendemain, ni de manière isolée. La question que vous devez poser consiste à savoir pourquoi l'appartenance serait définie par l'État plutôt que par les Métis eux-mêmes?
Nous sommes d'accord avec la Cour suprême lorsque celle-ci indique que la difficulté d'identifier les membres de la collectivité métisse ne devrait pas être exagérée au point d'annuler leurs droits constitutionnels. Si vous ne pouvez pas prouver que vous êtes admissible en vertu des règles Powley, cela ne veut pas dire que vous n'êtes pas Métis, ni que vous n'avez pas de droits en tant que Métis. Ces règles peuvent être modifiées par de futures décisions des tribunaux ou par des ententes politiques.
On vous a dit que les Métis étaient un peuple distinct. Il y a une longue histoire de discrimination et de racisme à l'encontre des Métis et, malheureusement, une approche fondée sur la distinction garantirait que l'acrimonie continuerait ainsi que la discrimination entre Métis.
Pendant notre travail d'exploration sur l'inscription des Indiens, l'appartenance à une bande et la citoyenneté, la vaste majorité des Métis souhaitaient qu'une personne puisse s'identifier à la fois comme Métis et comme Indien. Lorsque des personnes d'ascendance mixte sont forcées de choisir entre une identité et l'autre, cela engendre la discrimination et ne reflète pas le fait que la plupart des Autochtones vivent dans des familles d'identité mixte.
Le congrès est d'accord avec le sous-ministre adjoint, M. Tromp, pour dire que le gouvernement fédéral n'offre guère de programmes à l'intention expresse des Métis. Il y a des programmes et des initiatives pour les Indiens non inscrits et les Métis, et il ne fait aucun doute que la prestation de ces programmes sans critère de statut dans les milieux urbains donne les meilleurs résultats et constitue l'utilisation la plus efficace des ressources, tout en évitant le doublement des services.
Le congrès et le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord ont convenu de se donner pour objectif de renforcer la relation entre le congrès et le Bureau de l'interlocuteur fédéral. Le premier ministre Harper a pris d'importants engagements envers nous, y compris d'assumer les frais juridiques de l'affaire Daniels c. Canada. En outre, le premier ministre a reconnu que le congrès jouera un rôle essentiel dans l'avenir du Canada et que les peuples oubliés ne doivent plus être ignorés ni oubliés.
Lorsque l'arrêt Powley a été rendu, il était difficile d'en mesurer les conséquences pour les chasseurs et les pêcheurs métis. Nous savons maintenant que les chasseurs et les pêcheurs métis qui veulent affirmer leurs droits ancestraux sont forcés de documenter leur ascendance au moyen d'un processus difficile et coûteux, ce qui fait que pour bon nombre d'entre eux, il est impossible d'exercer leurs droits. En outre, les gouvernements provinciaux adoptent une interprétation très étroite de la terminologie utilisée dans l'arrêt Powley. Il n'existe toujours pas de régime pratique pour les chasseurs et pêcheurs métis dotés de droits, et j'espère sincèrement que mon exposé vous aidera à cibler plus clairement les questions centrales. Merci.
La vice-présidente : Merci de votre exposé. Nous allons maintenant engager la discussion et les membres du comité vont vous poser des questions.
Le sénateur Patterson : Merci beaucoup de votre exposé. Il y a une ou deux questions que j'aimerais vous poser.
Vous avez été très critique à l'égard du RNM et vous savez que nous avons reçu ces représentants. Ils nous ont dit que pour eux, le terme Métis désigne une personne qui s'identifie comme Métis, qui est d'ascendance métisse, qui est distinct des autres peuples autochtones et qui est accepté par la nation métisse. Je pense que cette définition se retrouve dans les statuts du RNM et dans ceux de ses organismes provinciaux.
Je ne crois pas que vous soyez d'accord avec cette définition, mais j'aimerais vous demander si vous l'êtes ou pas et, dans la négative, pourquoi, et si le Congrès des peuples autochtones a sa propre définition des peuples métis du Canada.
M. Dorey : En réponse à la première question, monsieur le sénateur, vous avez raison. Nous ne sommes pas d'accord avec la définition de Métis utilisée par le RNM. Les dirigeants du Ralliement national des Métis ont indiqué clairement que leur définition de l'identité métisse ou de la nation métisse est fondée sur une distinction et qu'elle est exclusive. De plus, leur définition comporte un critère géographique, et nous croyons, tout comme les personnes que nous représentons et qui sont de sang mêlé, que cette définition exclut des milliers — non pas des centaines, mais bien des milliers — de Métis de la nation métisse telle qu'ils la définissent.
Nous disons qu'il y a des milliers d'autres Métis à part ceux que le Ralliement national des Métis est censé représenter ou qui sont membres de la soi-disant nation métisse.
Le sénateur Patterson : Si vous me le permettez, il y avait une deuxième partie à ma question, c'est-à-dire, est-ce que le CPA a sa propre définition du peuple métis du Canada?
M. Dorey : Nous n'avons pas de définition précise. Comme je le disais dans mon exposé, notre définition inclut les personnes d'ascendance autochtone et européenne mixte.
Lorsque M. Daniels négociait pour faire inclure les Métis dans la Constitution, le Conseil national des Autochtones du Canada, les membres de son conseil et les fonctionnaires qui ont participé à ce processus constitutionnel ont été informés clairement que la définition de Métis est panautochtone.
La vice-présidente : Vous dites que c'est M. Daniels qui a négocié la reconnaissance du peuple métis dans la Constitution, et je pense que vous venez tout juste de mentionner également le RNM. Est-ce que le Ralliement national des Métis existait à l'époque et est-ce que ses représentants ont participé aux efforts de M. Daniels pour faire reconnaître les Métis dans la Constitution?
M. Dorey : Non, le Rassemblement national des Métis n'existait pas encore.
La vice-présidente : C'est intéressant. Vous avez dit également que vous avez des documents qui témoignent de l'intention de M. Daniels. Quel genre de document est-ce? Est-ce que ce document indique que sa façon de définir ou de voir les Métis était fondée sur une approche panautochtone?
M. Dorey : C'est exact. Je n'ai pas ces documents avec moi, mais nous les avons dans nos dossiers, dans les dossiers publics sur la Constitution.
La vice-présidente : Pourriez-vous les fournir au comité afin que nous puissions voir ce qu'ils disent?
M. Dorey : Oui.
La vice-présidente : Je suppose qu'il avait établi des paramètres pour définir un Métis?
M. Dorey : Oui.
Le sénateur Patterson : Je n'essaie pas de vous faire la vie dure, mais ce que nous avons appris jusqu'à présent, c'est que le gouvernement fédéral a du mal à décider de quelle manière offrir les programmes et services destinés aux Autochtones aux Métis.
Certains témoins nous ont dit qu'ils se fiaient en quelque sorte aux organismes métis pour remplir ces tâches et qu'on était en train d'établir un registre.
À la lumière de ce témoignage, est-ce que vous comprenez qu'une définition aussi large que celle que vous venez de donner, c'est-à-dire toute personne d'ascendance autochtone et européenne mixte, pourrait poser un problème aux gouvernements? La population desservie pourrait augmenter — et nous avons même eu la preuve que c'était déjà le cas. Les témoins ont employé un terme, j'oublie lequel, mais qui voulait dire que cette population augmente.
Est-ce que vous comprenez que les gouvernements — et je ne vous demande pas de compatir — pourraient souhaiter une définition plus claire que la définition libérale que vous utilisez afin d'établir leur budget et de déterminer l'admissibilité aux programmes? Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Dorey : Oui, sénateur. C'est une bonne question.
Pour en revenir à mon exposé et à l'historique de la question de compétence en vertu du paragraphe 91(24), cela fait 35 ans que je travaille comme dirigeant au Congrès des peuples autochtones, auparavant le Conseil national des Autochtones du Canada. Je m'occupe de cette question pratiquement depuis le début. Pendant toutes ces années, et jusqu'à aujourd'hui, alors que je suis assis ici devant vous, cette question de compétence n'a jamais cessé d'être un problème pour nous. Je crois que la vraie raison se trouve dans votre question : C'est une affaire de coût. C'est M. Daniels, dans sa sagesse, qui a porté cette affaire devant la Cour fédérale pendant son dernier mandat, il y a 13 ans. La cause n'a toujours pas été entendue; ou plutôt la cause a été entendue, mais la décision n'a pas encore été rendue.
Il ne fait aucun doute qu'il sera difficile d'identifier qui est Métis, qui a le droit de bénéficier des avantages associés au statut de Métis, qui a des droits ancestraux ou issus de traité et qui n'en a pas, tout comme l'indique l'arrêt Powley. Nous comprenons, et c'est aussi notre avis, qu'il devrait y avoir des critères. L'auto-identification ne suffit pas, bien que nous croyions que c'en est un aspect important. Les personnes doivent d'abord s'auto-identifier, et identifier une collectivité et être reconnues par elle, et cetera.
J'aimerais vous amener à la situation moderne. La Fédération des Indiens de Terre-Neuve est affiliée au congrès et a récemment fait l'expérience d'un processus de reconnaissance du statut. D'après ce que j'en sais, il y a maintenant environ 30 000 Indiens inscrits. C'est la plus importante bande indienne qu'on ait probablement rêvé d'avoir dans ce pays il y a 10 ans. Le fait est qu'ils ont vécu ce processus. Ils ont trouvé une façon de faire. Il y aura toujours des personnes qui ne respecteront pas les critères pour être reconnues — quels que soient les critères établis pour ce processus d'inscription.
Ce n'est pas un défi insurmontable. Oui, ce sera difficile. L'une des choses que je voudrais vous faire comprendre au nom du Congrès des peuples autochtones, qui compte parmi ses membres un grand nombre de Métis, c'est que nous ne voulons pas être perdus dans la mêlée ni écartés. C'est ça qui compte. Je ne crois pas que l'argent soit une raison valable pour nous exclure.
Le sénateur Campbell : Merci d'être venu aujourd'hui. J'ai trois questions. Voici la première : d'après le CPA, le sort des Métis est-il lié au sort des peuples autochtones hors réserve?
M. Dorey : Pouvez-vous m'expliquer ce que vous entendez par « le sort »?
Le sénateur Campbell : Vous dites que vous représentez les Métis et les Autochtones hors réserve. À l'heure actuelle, aucun gouvernement ne reconnaît l'un ou l'autre de ces groupes. Sont-ils entremêlés? Sont-ils liés? Si l'on reconnaît les Premières nations hors réserve, doit-on alors nécessairement reconnaître les Métis, de quelque façon que ce soit?
M. Dorey : Je pense qu'il y a des exceptions, comme je le disais. Par exemple, en vertu de l'arrêt Powley, il y a des Métis dont le droit de chasse est maintenant reconnu.
Dans mon territoire d'origine, c'est-à-dire la côte Est et le territoire des Micmacs — j'appartiens à une Première nation micmaque — nous avons des droits de chasse, de pêche et de cueillette qui datent d'avant la Confédération et qui ne sont pas liés à un statut. Il y a des personnes de sang mêlé. À la condition de pouvoir prouver son ascendance micmaque, nous croyons fermement qu'une personne bénéficie de ces droits de chasse, de pêche et de cueillette. Cependant, je dois dire que le gouvernement fédéral — mais également le gouvernement provincial peu après avoir gagné à la Cour suprême sur la question du traité de 1752, donc avant la Confédération —a fait de gros efforts pour que seuls les Indiens inscrits soient bénéficiaires de ce traité.
Le Native Council of Nova Scotia est affilié au congrès, et il se trouve que j'étais le chef et président de cet organisme lorsque cette décision a été rendue. Avec les 13 chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse — qui ont appuyé ma position, tout comme le Grand Conseil des Micmacs —, j'ai dit que le statut en vertu de la Loi sur les Indiens ne peut pas être le facteur qui détermine les droits des Micmacs garantis dans un traité; que ce serait à notre peuple, à la collectivité, d'accepter la preuve d'ascendance, et c'est toujours le cas.
Le sénateur Campbell : Deuxièmement, aurais-je raison de dire que vous croyez que le gouvernement a une responsabilité à l'égard des personnes d'ascendance autochtone?
M. Dorey : C'est exact. Cependant, il faut aussi que la personne s'identifie comme telle. Il ne suffit pas de dire que vous êtes Autochtone.
Le sénateur Campbell : Non?
M. Dorey : Non, pas si vous ne vous identifiez pas comme Autochtone.
Le sénateur Campbell : Qu'arrive-t-il si une personne ne le savait pas?
M. Dorey : Si vous ne le savez pas, alors...
Le sénateur Campbell : Qu'arrive-t-il si je vais sur le site Ancestry.ca et que je découvre que mon arrière arrière-grand-père était Cri et que sa fille a épousé un homme qui travaillait dans une usine de la baie? Si je découvre ça de cette façon, est-ce que j'ai maintenant des droits?
M. Dorey : Et moi je vous demanderais ceci : y a-t-il une collectivité contemporaine ou une collectivité historique à laquelle vous vous identifiez? Êtes-vous accepté par cette collectivité? Ce sont d'autres critères.
Le sénateur Campbell : Je viens de le découvrir; je vis à Vancouver, en Colombie-Britannique, et je suis convaincu que je suis à tout le moins Métis, mais d'après vous, je pourrais être un membre non inscrit d'une Première nation. Je décide de m'identifier auprès d'elle et je commence à participer à la vie communautaire et j'en suis fier. Est-ce qu'alors j'aurais tous les droits ancestraux en raison de mon ascendance autochtone?
M. Dorey : Nous avons commencé ce processus avec les Métis reconnus, ceux qui ont accepté le certificat des Métis. Ils ont pris cette décision ou ont décidé qu'ils étaient Indiens et par la suite ont décidé qu'ils étaient Métis et, dans certains cas, ils voulaient retrouver leur statut d'Indien. C'est une question d'identité. Il faut qu'il y ait un lien quelconque. Cependant, ce n'est pas simplement un choix ou une décision bien tranchée; il y a un certain nombre d'autres facteurs. C'est justement la position du congrès. C'est également ce que disent les tribunaux.
Le sénateur Campbell : Quelle est la relation actuelle entre le CPA, la MMF et l'APN? On nous a dit que la relation entre la MMF et l'APN est continue mais instable. Quelle est la relation du CPA avec ces autres grandes organisations?
M. Dorey : Je dirais que, depuis quelques années, la situation varie. La relation dépend complètement des dirigeants et de leur personnalité.
À titre d'exemple, hormis les réunions gouvernementales, comme les réunions avec les premiers ministres provinciaux et les ministres des Affaires autochtones auxquelles les cinq chefs autochtones nationaux sont invités, nous n'avons pas souvent l'occasion de nous réunir et de travailler ensemble à des problèmes, stratégies ou autres questions. Cela dit, d'ordinaire, quand nous nous réunissons, nous discutons. Un lien de cordialité et d'amitié nous unit. Depuis mon élection à titre de chef adjoint du congrès en octobre, j'ai eu de nombreuses conversations avec le chef national Atleo et David Chartrand, mais jamais dans un contexte officiel d'affaires. Il ne faut pas croire que nous n'échangeons pas; c'est plutôt l'inverse.
Dans le cas de l'Assemblée des Premières Nations en particulier, le problème réside dans le fait de discuter publiquement ou de façon officielle. Cela s'applique à ma propre région de la Nouvelle-Écosse, puisque les chefs micmacs croient qu'ils sont les porte-parole officiels du peuple micmac. D'un côté, ils disent : « Référons-nous à la Loi sur les Indiens pour déterminer qui est chef et qui ne l'est pas. » D'un autre côté, ils disent : « Notre nation est composée d'un peuple ayant des droits inhérents et nous avons un grand conseil », mais ils n'acceptent ni ne reconnaissent l'autorité du grand conseil. C'est une question d'opportunisme et bien souvent, malheureusement, de sous, puisque l'argent découle de ce statut, de la structure en vertu de la Loi sur les Indiens dont j'ai parlé dans ma déclaration.
Le sénateur Campbell : Merci beaucoup d'être venu.
Le sénateur Raine : Merci de vous être déplacé. Nous sommes heureux d'entendre votre perspective. J'ai quelques questions. La décision de la Cour suprême indique qu'une personne doit s'auto-identifier en tant que Métis, doit être un membre d'une collectivité métisse moderne et doit avoir des liens avec une collectivité métisse historique. Comment ces concepts sont-ils définis? En quoi consistent une collectivité métisse moderne et une collectivité métisse historique?
M. Dorey : C'est une question pertinente et importante. Je ne peux y répondre.
Je crois que le Ralliement national des Métis a son opinion là-dessus, mais, comme je l'ai indiqué, rien ne l'indique clairement. Certains peuples ont été exclus dans la résolution de cette question. Le congrès voudrait faire participer ses membres à cette discussion. Nous croyons que, et c'est notre intention, nous participerons à ce genre de processus parce que le gouvernement nous le permettra, en particulier quand la cour tranchera dans l'affaire Daniels, soit la compétence en vertu du paragraphe 91(24) pour tous les peuples autochtones.
Par rapport à la question d'identité et d'appartenance au peuple métis, j'aimerais vous parler en quelques mots de ma propre expérience. J'ai des origines mixtes. Ma mère était micmaque et, selon ses dires, elle avait un peu de sang français. Mon père était complètement non autochtone avec des racines néerlandaises, anglaises et d'autres origines. Il a eu neuf enfants. J'ai huit frères et sœurs. Chacun d'entre nous avions du sang mêlé micmac. Petit, je me souviens avoir vécu différentes étapes d'auto-identification — parce que je me suis conscientisé à cette réalité — en tant que Métis, parce que je ne savais pas ce qu'était un Indien. Je ne me percevais pas comme étant un Micmac parce que mon propre peuple, les Micmacs de la réserve, ne me reconnaissait pas comme étant l'un des leurs. Puis, j'ai appris le terme « non inscrit ». Comme nous étions des Indiens qui n'étaient pas inscrits, nous devions donc être des Indiens non inscrits. À une certaine époque, j'ai été Métis avant de devenir Indien non inscrit. Par la suite, en 1985, quand la Loi sur les Indiens a été modifiée, ma mère qui avait 72 ans à l'époque et qui n'avait jamais été inscrite parce qu'elle n'habitait pas la réserve quand l'inscription a eu lieu dans les années 1950 s'est vu accorder son statut et est devenue Indienne selon la disposition 6(1)a) à l'âge de 72 ans. Un an plus tard — j'étais dans la trentaine — on m'a inscrit selon la disposition 6(2). Je suis passé de Métis à Indien non inscrit pour finalement devenir Indien inscrit. Deux ans plus tard seulement, le peuple micmac a eu gain de cause dans sa bataille sur ses droits issus de traité d'avant la Confédération, et cela m'a rendu admissible aux droits issus de traité. Auparavant, j'étais un Indien non soumis au traité. J'ai été Métis, Indien non inscrit, Indien inscrit, Indien non soumis au traité, puis Indien soumis au traité. Je peux vous dire en toute franchise qu'il m'arrive d'avoir l'impression d'être davantage Blanc qu'Indien, et je m'habille alors en conséquence. Parfois, je suis si fier de mon héritage micmac que j'arbore mes habits traditionnels. Je n'ai aucun contrôle sur cela. De nombreuses autres personnes m'ont dit vivre le même phénomène. Ça se passe ici. C'est une question de sentiment; c'est dans notre sang. Ça se rapporte aux liens que nous avons avec les autres. La triste réalité est que, encore aujourd'hui, je trouve que je suis parfois victime de discrimination par les Blancs parce que je suis Autochtone, ou parce qu'ils pensent que je le suis, et je me sens victime de discrimination par les Autochtones dans les réserves parce qu'ils ne pensent pas que je suis Autochtone. C'est la réalité à laquelle des centaines de milliers des nôtres, y compris des enfants, doivent faire face.
Voici le revers de la médaille, ce qu'a causé la Loi sur les Indiens. Jusqu'à présent, je suis le seul de neuf enfants qui a pu transmettre mon statut à mes enfants parce que j'étais un Indien non inscrit ayant marié une Indienne non inscrite, et parce que les modifications à la Loi sur les Indiens nous ont accordé notre statut. Aucun de mes frères et sœurs n'a épousé de membres des Micmacs ou de toute autre Première nation; ils ont épousé des non-Autochtones et n'ont donc pas pu transmettre leur statut à leurs enfants. Mais vous savez ce qui s'est passé? Quelqu'un a décidé que c'était injuste et toujours discriminatoire, et la Loi sur les Indiens a été de nouveau modifiée. Tous ces enfants, mes neveux et mes nièces, sont présentement en voie, quelque 15 à 20 ans plus tard, de devenir des Indiens inscrits.
La réalité se poursuit, et c'est ce avec quoi les membres de notre peuple ont dû composer toute leur vie. Ce qui n'est pas acceptable l'était il y a 50 ou 100 ans. Puis, la loi est modifiée et ça devient acceptable, et ça revient à toute la question de savoir que si vous vous auto-identifiez à titre de Métis, que vous avez des liens avec la collectivité et que vous avez des ancêtres, vous êtes ce que vous prétendez être. Voilà.
Le sénateur Raine : Vous n'avez pas répondu à ma question, mais je comprends pourquoi. Quand je lis cette description, je me rends compte qu'elle est très compliquée. C'est une question très complexe.
J'aimerais vous poser une question dans un autre ordre d'idée. Il y a quelques mois, le peuple autochtone Sami de la Norvège est venu nous parler.
M. Dorey : Nous connaissons certains de ses membres.
Le sénateur Raine : Je leur ai demandé à quels droits ils s'attendent quand ils s'auto-déclarent à titre de Sami.
Ils m'ont fixée, éberlués, et ils m'ont répondu : « Que voulez-vous dire? Nous sommes norvégiens. Nous avons les mêmes droits que tout autre Norvégien : droits aux programmes sociaux, aux soins médicaux, à la santé, à tout. Les Sami du Grand Nord ont des droits spéciaux quant aux rennes et à la pêche, mais nous n'y habitons pas. Nous vivons en ville, alors nous ne sommes pas admissibles à ces droits. Ce qui nous importe, c'est d'être fiers de nos ancêtres. »
La possibilité de s'auto-identifier à titre de Sami était très importante pour eux pour préserver et promouvoir leur culture et ce qu'ils conservent dans leur cœur.
Je ne peux m'empêcher de penser que nous adoptons peut-être la mauvaise approche. La plupart des Canadiens croient que l'auto-identification à titre de Métis est liée aux droits et non pas à ce qui se trouve dans le cœur des gens.
Qu'avez-vous à dire là-dessus?
M. Dorey : Je crois que mon exposé a répondu à votre question avant même que vous ne me la posiez. Vous avez tout à fait raison. Je crois que la grande majorité des gens pensent la même chose. C'est une question d'identité, mais aussi d'acceptation par rapport à cette identité, et c'est une question de fierté. En parallèle, il y a d'autres problèmes, comme en font foi les chiffres alarmants quant aux conditions déplorables des peuples autochtones : les taux élevés de mortalité infantile, le diabète, les problèmes sociaux et de santé, et cetera.
Au cours des dernières années, les chiffres de Statistique Canada et d'autres enquêtes ont clairement démontré que tous les répondants qui s'identifient en tant qu'Autochtones vivent dans les mêmes conditions, peu importe leur lieu de résidence. Peu importe leur statut ou leur lieu de résidence, les conditions sont les mêmes, que l'on pense au taux élevé de diabète ou au faible niveau d'éducation.
Dans nos efforts pour remédier à ces problèmes qui, selon nous, doivent être résolus, il faut se rappeler l'importance de l'identité, de l'acceptation et de la reconnaissance. Ces concepts donnent droit à l'admissibilité à certains programmes et services qui peuvent répondre aux besoins particuliers de cette population.
Le sénateur Sibbeston : Monsieur Dorey, merci d'être venu.
J'allais vous demander de nous décrire les difficultés que vous avez eues pour être reconnu par le gouvernement, mais aussi pour conserver vos membres. Je crois savoir que votre organisme est très inclusif des peuples autochtones hors réserve et comprend même, comme je l'ai remarqué, des Inuits. Je constate que certains de vos membres se décrivent en des termes vagues et nébuleux, préférant le terme « Autochtone » au terme « Première nation » ou « Métis ». Ils emploient tous les termes flous associés aux Indiens non inscrits; par exemple, la Coalition des affaires autochtones et la Coalition ontarienne des peuples autochtones. Je trouve qu'il s'agit d'une vague description des peuples autochtones.
J'aimerais savoir ce que vous avez à dire sur la question de vos membres, mais aussi sur les difficultés que vous avez peut-être connues pour faire reconnaître votre organisme par le gouvernement fédéral.
M. Dorey : Comme je l'ai dit dans mon exposé, le Congrès des peuples autochtones est un des cinq organismes nationaux autochtones. Quand les gouvernements fédéral et provinciaux organisent des réunions pour traiter des questions autochtones, nous y sommes invités. Nous sommes donc reconnus à cet égard.
Nous recevons différents types de financement, tant au niveau fédéral que provincial : du financement pour le développement des ressources humaines, l'éducation, la formation et d'autres types de mesures. Nous avons parfois des programmes de santé. Ces programmes auxquels nous sommes admissibles sont ponctuels; ils ne sont pas permanents.
Par le passé, nous avons eu des programmes de logement, comme le Programme de logement pour les ruraux et les Autochtones, dont de nombreux de nos membres ont bénéficié. La donne a changé puisque le gouvernement fédéral a cru bon de transférer le champ de compétence du logement aux provinces.
Dans certains cas, les provinces viennent en aide aux peuples autochtones, mais l'inverse est aussi vrai. Il n'y a aucun programme ou service permanent pour ces peuples comme c'est le cas des Indiens inscrits vivant en réserve ou de l'Assemblée des Premières Nations qui représente surtout ces groupes, puisque personne ne doute de leur identité et de leur statut de Premières nations, qui relèvent du ministère fédéral des Affaires indiennes et de la disposition 91(24). D'ordinaire, ces groupes ont des programmes et services permanents en santé, en éducation ou autre. C'est la réalité depuis la création de l'organisme et de ses liens avec les bandes. Il s'agit de la plus grande différence entre notre organisme et le leur.
Le Ralliement national des Métis est bien conscient de la situation puisque, comme je l'ai dit plus tôt, les organismes qui sont membres du Ralliement national des Métis ont été jadis membres du congrès, ou du Conseil national des Autochtones du Canada, pour reprendre le nom employé à l'époque. Depuis la création du Ralliement, l'organisme a eu la prestation de programmes et de services de façon intermittente et à des degrés divers. Certains programmes sont créés puis disparaissent. C'est la plus grande différence entre nos deux organismes.
C'est une des questions que Harry Daniels a soulevées par rapport au champ de compétence fédéral. Il faut être cohérent et inclure tous les peuples autochtones pour que non seulement les gouvernements sachent à qui ils ont affaire, mais pour que les peuples sachent qui ils sont et à quoi ils ont droit. C'est la grande question.
Le sénateur Sibbeston : Selon vous, qu'est-ce qui vous unit? J'ai l'impression que beaucoup d'incertitude entoure votre identité. Qu'est-ce qui unit vos membres? Vous n'êtes pas des Premières nations. Vous n'êtes pas des Métis. Vous n'êtes pas des Inuits. Vous vous trouvez entre ces groupes et les Blancs. Vous êtes dans un entre-deux, surtout dans les centres urbains.
Selon vous, qu'est-ce qui vous unit? Quelle force ou motivation vous anime chaque jour et vous habite de fierté et de dignité?
M. Dorey : La clé, c'est le large éventail auquel vous avez fait allusion. Certains de nos membres sont des Premières nations, d'autres des Métis, d'autres encore des Inuits, ou appartiennent à tout groupe impliqué auprès de nos organismes. Ce qui nous unit, c'est le fait d'être autochtone. Certains groupes autochtones préfèrent avoir une identité distincte unique, par exemple les Premières nations ou, comme le Ralliement national des Métis veut être défini, les nations métisses ou inuites. Cependant, comme je l'ai dit dans mon exposé, il existe d'autres peuples autochtones. C'est ce qui représente notre identité.
En toute franchise, ce qui nous unit, c'est que dans bien des cas nous luttons toujours, et nous récitons le slogan « Nous sommes le peuple oublié », tout simplement, nous sommes unis parce que nous luttons toujours pour cette reconnaissance et pour l'accès aux services et programmes auxquels notre peuple croit avoir droit. C'est ce qui nous unit et nous motive, et c'est ce qui va continuer à nous motiver pendant de nombreuses années, tant et aussi longtemps que des groupes comme le congrès, les membres que nous représentons, seront exclus.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup de votre exposé. Vos derniers propos cadrent avec ma question qui porte sur l'identité.
Certains ont demandé la création d'un registre et l'aide du gouvernement pour aider les Métis à établir ce registre qui mènerait à des services et programmes. Afin d'assurer que ces programmes en éducation, en santé ou en logement voient le jour — et vous y avez fait allusion un peu plus tôt —, je crois qu'il faut établir une uniformité pour tous les Canadiens partout au pays. Êtes-vous en faveur de la création d'un registre de Métis unique? Oui ou non? Veuillez justifier votre réponse.
Deuxièmement, quels avantages comporterait un registre qui reconnaîtrait le peuple métis partout au pays?
M. Dorey : Vous soulevez d'excellents arguments et questions. En réponse à votre première question, à savoir si j'appuie un registre de Métis, je ne peux pas vous donner de réponse claire puisqu'il n'est pas de mon devoir de le faire.
Le sénateur Meredith : Qu'est-ce que vos membres diraient à propos des pourparlers qui ont eu lieu sur cette question? Vous représentez vos membres, et il ne fait aucun doute que ceux-ci vous ont indiqué la marche à suivre qu'ils aimeraient vous voir entamer.
M. Dorey : J'ai dit dans mon exposé qu'on ne nous a jamais consultés à cet égard. Nous venons d'apprendre que le Ralliement national des Métis envisage la création d'un système d'inscription. On n'a jamais demandé au congrès de réagir à cette idée ou de déterminer si nous serions intéressés par ce genre de système. Ça n'a jamais été porté à notre attention.
Tout ce que je peux vous dire en ma qualité de dirigeant de l'organisation, c'est que, oui, nous aimerions avoir un tel système d'inscription. Mais je ne saurais vous dire de façon définitive si c'est ce que les Métis que le congrès représente veulent. Il faudrait les consulter pour déterminer ce qu'ils souhaitent avoir.
Le sénateur Meredith : Voici la deuxième partie de ma question : s'il y avait un registre, quels en seraient les avantages d'après vous?
M. Dorey : Dans une large mesure, l'avantage serait de clarifier, jusqu'à un certain point, qui sont les Métis au Canada. Ne sachant pas en quoi consisterait ce système d'inscription, je ne peux pas en dire plus. Nous savons qu'il y a toujours des problèmes avec la Loi sur les Indiens et son système d'inscription, et j'y ai fait référence en parlant de ma situation personnelle.
Il y a des membres du congrès qui sont des Indiens non inscrits qui, il y a quelques mois ou années, ne jouissaient pas des mêmes droits. Certains sont des aînés et jamais auparavant dans leur vie n'ont-ils pu s'inscrire, mais maintenant ils le peuvent, alors les choses changent.
Lorsqu'il y a un processus d'inscription, étant donné qu'on ne connaît pas les critères pour l'inscription, il y a toujours des gens laissés pour compte.
La position du congrès est que notre peuple a le droit de participer à ce dialogue, à cette discussion, pour décider de sa position sur ces points que vous soulevez. Il s'agit de questions très importantes.
Le sénateur Patterson : J'avais compris, et c'est l'impression que nous a laissée le ministère des Affaires autochtones, qu'à la suite de la décision Powley, le Bureau de l'interlocuteur fédéral a donné depuis 2003 au CPA et ses membres du financement pour mettre en place un registre de chasseurs et pêcheurs et un registre des membres au Québec, en Ontario et au Labrador. C'est ce qu'on nous a dit. Je me demandais si vous pouviez nous dire si c'est vrai et comment les choses se passent, s'il vous plaît.
M. Dorey : Oui, il semble que, juste avant mon retour récent, certaines ressources aient été mises à notre disposition, et je pense que c'était seulement au cours de la dernière année financière, mais le congrès ne s'est pas encore occupé de ce processus. On devait faire des consultations dans ces deux régions, ces deux provinces, afin que les gens participent à ce genre de dialogue, mais cela n'a pas eu lieu. C'est prévu pour l'année qui vient.
Le sénateur Ataullahjan : Lorsque Santé Canada et l'Agence de santé publique du Canada ont comparu à notre comité, ils ont parlé de la forte prévalence du diabète dans la communauté métisse. Ils ont dit qu'il était nécessaire que la communauté se mobilise à ce sujet afin de sensibiliser les gens et faire la promotion d'un mode de vie sain. Quel est l'état de santé de la communauté métisse? Est-ce qu'on s'en occupe bien? La communauté doit-elle agir dans le dossier du diabète et d'autres problèmes de santé?
M. Dorey : Oui, je suis complètement d'accord. Comme je l'ai dit plus tôt, les statistiques démontrent qu'il y a des problèmes majeurs. Nous sommes au courant; nous sommes au courant des problèmes dans la communauté; mais présentement, il n'y a pas de programme pour notre organisation, que ce soit pour les Métis ou les Indiens non inscrits. Tout récemment, on a sabré le financement pour la santé autochtone, le programme lui-même, alors nous ne savons pas où en sont les choses. Il n'y a pas de programme.
Le sénateur Ataullahjan : Il n'y a rien qui est fait pour sensibiliser les gens?
M. Dorey : Non.
Le sénateur Housakos : J'ai une question qui fait suite à celle du sénateur Patterson concernant l'initiative Powley en vertu de laquelle l'interlocuteur fédéral a donné du financement depuis 2003 au CPA et ses membres. Ai-je bien compris votre réponse lorsque vous avez dit que vous n'avez pas créé le registre dans le cadre de ce programme? Ai-je bien compris?
M. Dorey : Oui, c'est exact.
Le sénateur Housakos : Tout de même, depuis 2003, vous avez reçu du financement pour cela?
M. Dorey : Il y a eu du financement pour des discussions dans la communauté à ce sujet. Je crois qu'il y a eu des discussions préliminaires.
Le sénateur Housakos : Si je comprends bien, le programme existe, vous avez reçu le financement, mais les registres n'ont pas encore été mis en place, exact?
M. Dorey : Oui, mais seulement une petite partie du travail prévu pour ce processus a été lancée. Très peu a été fait jusqu'à maintenant.
Le sénateur Housakos : Je comprends, mais voici ce que j'essaie de saisir. Vous avez reçu les fonds pour le travail d'après ce qui a été alloué?
M. Dorey : Non. Cela a été alloué pour l'an dernier. Le travail n'a pas été fait, alors cela sera transféré à la nouvelle année financière.
Le sénateur Housakos : Je voulais seulement clarifier ce point.
La vice-présidente : Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais remercier nos témoins de la soirée : le chef adjoint national du Congrès des peuples autochtones, Dwight Dorey, et son conseiller Julian Morelli.
Merci beaucoup.
(La séance se poursuit à huis clos.)