Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 21 - Témoignages du 13 juin 2012
OTTAWA, le mercredi 13 juin 2012
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 50 pour examiner, pour en faire rapport, la reconnaissance juridique et politique de l'identité des Métis au Canada, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.
Sujet : ajouts aux réserves.
[Français]
Marcy Zlotnick, greffière du comité : Honorables sénateurs, en tant que greffière de votre comité, il est de mon devoir de vous informer de l'absence inévitable du président et de la vice-présidente, et de présider à l'élection d'un président suppléant.
[Traduction]
Je suis maintenant prête à recevoir des motions pour l'élection du président suppléant. Y a-t-il des motions à cet effet?
Le sénateur Ataullahjan : Je propose le sénateur Patterson.
Le sénateur Watt : J'appuie la motion.
Mme Zlotnick : L'honorable sénateur Ataullahjan propose que le sénateur Patterson soit élu président suppléant du comité. Y a-t-il d'autres nominations?
Le sénateur Watt : La période de mise en candidature est close.
Mme Zlotnick : Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Mme Zlotnick : La motion est adoptée. J'invite le sénateur Patterson à prendre le fauteuil.
Le sénateur Dennis Glen Patterson (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant : Merci, chers collègues. C'est avec humilité que j'accepte et vous remercie pour ce vote de confiance.
Le sénateur White : Attendez que la séance soit terminée pour dire cela.
Le président suppléant : Bonsoir. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux sénateurs ainsi qu'aux membres du public qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur le web.
Mon nom est Dennis Patterson, du Nunavut. Je suis heureux d'agir en tant que président suppléant en l'absence du président et de la vice-présidente. Le comité a pour mandat d'examiner les lois et les questions relatives à l'ensemble des peuples autochtones du Canada. De plus, nous avons un ordre de renvoi qui nous autorise à examiner des questions liées aux Métis, notamment celles concernant la reconnaissance juridique et politique de l'identité et des droits des Métis au Canada.
Lors des premières séances relatives à cette étude, nous avons entendu le témoignage de représentants de divers ministères. Ceux-ci nous ont permis de recueillir des informations, dont certains faits concernant les programmes et services fédéraux actuels, l'état des relations entre le gouvernement et les Métis et les problèmes juridiques actuels, ainsi que des données statistiques générales.
Nous avons également entendu le témoignage de deux avocats spécialistes des questions métisses et d'organisations représentant un groupe métis. Ce soir, nous accueillons une représentante de la collectivité métisse historique de Saugeen. Bienvenue.
[Français]
Avant d'entendre les témoignages, j'aimerais présenter les membres du comité présents ici ce soir.
[Traduction]
À mon extrême gauche, on retrouve le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Charlie Watt, du Nunavik, et le sénateur Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick. À mon extrême droite, on retrouve les sénateurs Vern White et Salma Ataullahjan, de l'Ontario.
Sénateurs, veuillez accueillir avec moi notre témoin, Patsy L. McArthur, secrétaire-trésorière, Historic Saugeen Métis.
Madame McArthur, vous pouvez nous faire votre exposé. Nous passerons ensuite à la période des questions.
Patsy L. McArthur, secrétaire-trésoriere, Historic Saugeen Métis : Honorables sénateurs, merci de m'avoir invitée. Je suis Métisse, descendante des voyageurs de la Compagnie du Nord-Ouest et de leurs femmes cries et métisses, née à Saugeen, à Southampton, Ontario. Je suis heureuse de pouvoir vous exposer le point de vue de la collectivité métisse historique de Saugeen sur certaines des questions que le comité a déjà abordées.
J'aimerais d'abord vous parler un peu de notre collectivité. Les Métis de Saugeen, une collectivité distincte, habitent le long de la rive est du lac Huron et des rives des lacs et des cours d'eau intérieurs de la région. Comme nos ancêtres, nous habitons la péninsule Bruce et la rive du lac Huron. C'est également sur ce territoire traditionnel métis que nous pêchons, chassons, piégeons et cultivons la terre.
Ce territoire, sur lequel nous pratiquons nos activités métisses traditionnelles de pêche et de chasse, englobe les comtés actuels de Grey, de Bruce et d'Huron, ainsi qu'une partie des comtés de Lambton Nord, de Dufferin et de Wellington. On y retrouve des lacs et des cours d'eau, plus particulièrement le lac Huron et les rivières avoisinantes, notamment la Saugeen et la Menesetung, connue également sous le nom de rivière Rouge ou Maitland, et des lacs intérieurs.
Notre collectivité, distincte et diversifiée, trouve ses racines dans la traite des fourrures. Fait particulier, les familles métisses de Goderich et de Saugeen portaient la ceinture wampum, qui fait référence au concept du « bol à une seule cuillère », échangée en 1818 par le peuple Ojibway de Saugeen à Pierre Piché, le premier commerçant de fourrures dont le nom figure dans les archives. Ce wampum qu'ont échangé les peuples Métis et Ojibway était un symbole de paix et confirmait un accord de partage du territoire Ojibway entre les deux peuples.
Lorsque les familles métisses du nord-ouest de la rivière Saugeen sont arrivées sur le territoire métis de la Saugeen, avant la conclusion de traités et l'établissement de colonies, de vieilles familles commerçantes métisses du Michigan s'y trouvaient déjà. Ensemble, les familles ont créé un réseau régional cohérent de traite de fourrure s'étendant sur un axe nord-sud de la région de Killarney jusqu'à la rive nord du lac Huron. Goderich et Saugeen sont devenus les premiers postes de traite, puis les premières colonies, de l'époque de la traite de fourrure sur ce territoire traditionnel. La collectivité métisse historique de Saugeen existe depuis ce temps.
En 2001, notre collectivité s'est restructurée et a réclamé ses droits ancestraux en vertu de l'article 35 de la Constitution, droits confirmés par la Cour suprême dans l'affaire Powley, en 2003. Malheureusement, en 2008, la collectivité a dû se dissocier de l'organisme Métis Nation of Ontario, la MNO, afin de protéger son histoire et son identité vieilles de près de 200 ans. Nous avons refusé de signer un protocole donnant à la MNO le pouvoir de modifier notre identité selon une nouvelle définition régionale qui aurait transféré à l'organisme toutes les compétences en matière de consultation sur les terres et l'utilisation des ressources. À cet égard, nous n'avons pas respecté leurs politiques.
Après avoir vu la MNO suspendre ses droits, la collectivité métisse historique de Saugeen a quitté l'organisme et est devenue une collectivité métisse indépendante.
Le message que nous voulons transmettre au comité, c'est que les Métis du Canada considèrent qu'il est important de respecter l'identité des Métis et les collectivités historiques métisses. Nous sommes attachés à nos terres, lacs et rivières. À notre avis, les droits autochtones ne sont pas transférables. L'identité politique moderne des collectivités métisses titulaires de droits, aussi vastes et étendues que les Prairies, ne s'appuie pas sur des faits dans la région des Grands Lacs. C'est la raison pour laquelle nous demandons aux honorables sénateurs de tenir compte, dans leurs délibérations, de l'expérience diversifiée des Métis et de l'importance d'inclure la diversité lorsqu'ils formuleront leurs recommandations sur l'identité des Métis.
De plus, la collectivité métisse historique de Saugeen soulève les problèmes suivants relativement à l'identité des Métis et demande au comité d'en tenir compte. Premièrement, nous croyons que les Métis devraient avoir le droit de se déclarer Métis. Deuxièmement, les collectivités historiques métisses indépendantes titulaires de droits ont le pouvoir de définir qui sont leurs citoyens et de maintenir leurs propres registres. Troisièmement, il faut encourager les gouvernements à fournir des ressources aux collectivités métisses indépendantes, comme ils le font avec d'autres collectivités autochtones indépendantes, afin qu'elles puissent identifier qui, parmi leurs membres, sont titulaires de droits. Quatrièmement, une définition de ce qui constitue une collectivité métisse titulaire de droits doit respecter la diversité des collectivités métisses du pays et non tenir compte des divers programmes politiques.
La collectivité métisse historique de Saugeen vous est reconnaissante de l'occasion qui lui est donnée de participer à ce processus. Je serai heureuse maintenant de répondre à vos questions. Merci.
Le président suppléant : Merci beaucoup, madame McArthur. Nous allons donc amorcer la première série de questions.
Le sénateur Ataullahjan : Merci de votre présence et pour cet exposé. J'aime ce que vous portez — j'ignore comment vous appelez cette écharpe.
Mme McArthur : Nous en sommes très fiers.
Le sénateur Ataullahjan : C'est très joli.
Eu égard au critère juridique adopté par la Cour suprême, pour être considéré Métis en vertu de l'article 35 de la Constitution, une personne doit s'identifier comme étant membre d'une collectivité métisse, démontrer un lien ancestral avec celle-ci et être acceptée au sein d'une collectivité métisse contemporaine ayant un lien avec une collectivité historique titulaire de droits. Quels sont les critères utilisés pour déterminer si quelqu'un fait partie de la collectivité métisse historique de Saugeen? Puisqu'il s'agit d'une collectivité distincte, vous appuyez-vous uniquement sur le lien ancestral?
Mme McArthur : Pour le moment, oui. Nous représentons les descendants de familles métisses ayant habité ce territoire régional jusqu'à aujourd'hui. Depuis maintenant quatre ans, nous travaillons à une politique visant à définir les critères de citoyenneté métisse. Ce sont les citoyens qui décideront de ces critères.
Tout ce que je peux dire pour l'instant, c'est qu'il s'agira d'une politique inclusive.
Le sénateur Ataullahjan : Je pose la question, car on s'est déjà demandé si le simple fait d'avoir grandi dans une collectivité métisse et d'avoir un sentiment d'appartenance à celle-ci était suffisant pour qu'une personne soit acceptée au sein de cette collectivité, même si un de ses grands-parents ou un de ses parents n'était pas un Métis pure laine.
Mme McArthur : Si l'ancêtre de la personne habitait sur le territoire avant l'établissement des colonies et s'il faisait partie d'une des familles historiques, le descendant doit prouver son lien généalogique avec ledit ancêtre s'il veut exercer ses droits ancestraux.
Le sénateur Sibbeston : Je trouve intéressant de discuter avec une Métisse d'une autre région du Canada. Je suis originaire des Territoires du Nord-Ouest. Je suis descendant d'une famille métisse de la région de la rivière Rouge. Notre identité n'a jamais été mise en doute. Nous avons reçu un certificat de Métis pour notre famille, tout comme mon grand-père pour la sienne. Voilà mes antécédents.
Je crois que, de façon générale, les habitants de l'Ouest étaient plus conscients de la présence des Métis. Ces derniers ont joué un rôle considérable dans le développement du pays — ils ont notamment été guides, pilotes sur les bateaux de rivière ou interprètes — et servaient en quelque sorte d'intermédiaires entre les Blancs et les Premières nations.
Je trouve intéressant que vos ancêtres remontent à si loin dans l'est du pays. Vous dites que vous descendez de voyageurs et de coureurs des bois, des gens qui faisaient la traite de fourrures. Vous faites référence à vos origines? Vous dites que des familles venaient des États-Unis. Elles étaient comparables aux familles du Canada, c'est-à-dire qu'elles étaient distinctes et qu'elles avaient de l'expérience dans la traite de fourrures.
Mme McArthur : En effet. Je dirais que, vers la fin des années 1700, une collectivité métisse identifiable a commencé à voir le jour et à afficher un sentiment d'appartenance. On s'est beaucoup demandé si ce sentiment d'appartenance s'était manifesté aussi dans l'Ouest du pays, par exemple au sein de sous-groupes. Nous occupions ce territoire avant même que la rivière Rouge ne porte ce nom. Certains de nos ancêtres proviennent de familles ayant fait la traite de fourrures dans cette région pendant au moins un siècle.
Les familles des Territoires du Nord-Ouest qui se sont jointes à notre collectivité — elles étaient au moins une demi- douzaine — avaient d'abord voyagé avec la Compagnie du Nord-Ouest pendant une vingtaine d'années. Ce que nous disons, c'est que nos familles partageaient cette identité, et ce sentiment d'appartenance et qu'elles affectionnaient un style de vie métis. Nous en sommes convaincus.
Les ancêtres de ces familles qui faisaient la traite de fourrures au Michigan sont nés à Mackinac. Il y avait à l'époque deux centres d'activité où des postes de traite ont été établis : un à Mackinac et l'autre à Detroit. Au début des années 1800, il y avait beaucoup de tensions au Michigan concernant la perte de territoire, entre autres. On sait qu'en 1821, la Compagnie du Nord-Ouest et la Compagnie de la Baie d'Hudson ont fusionné. Dans tout cela, beaucoup de Français ont été laissés pour compte.
Les gens se sont mis à chercher un endroit où ils pouvaient mener le même style de vie et conserver leurs traditions. Ils ont découvert le bassin du lac Huron. Oui, nous croyons que nos ancêtres partageaient ce sentiment d'appartenance.
Le sénateur Sibbeston : Combien de membres votre collectivité compte-t-elle?
Mme McArthur : Nous avons moins de 200 membres inscrits, puisque nous n'inscrivons que les adultes. En tenant compte des enfants, nous serions environ 500.
Le sénateur Sibbeston : Je sais que les Métis ont toujours eu la capacité de rire d'eux-mêmes en raison de leur unicité : nous sommes indépendants, et nous aimons boire et flirter, entre autres. Les hommes et les femmes de votre collectivité présentent-ils ce genre de caractéristiques — des choses qui les distinguent des autres peuples? Prenons, par exemple, les Anglais. Ils sont différents. Ils se présentent toujours bien, avec leurs uniformes et leurs épées, même lorsqu'ils voyagent dans l'Arctique.
Les peuples sont tous différents. J'aimerais savoir si les membres de votre collectivité partagent la même unicité métisse que l'on retrouve dans l'Ouest et dans le Nord?
Mme McArthur : Monsieur le sénateur, nous n'avons jamais utilisé ce genre de caractéristiques pour nous définir. C'est donc difficile pour moi de vous répondre. Bien entendu, nous présentons des caractéristiques utilisées pour décrire les Métis. Compte tenu de la décision que nous avons dû prendre et de la pression que nous avons subie pour nous redéfinir selon des critères qui ne correspondaient ni à notre identité, ni à notre expérience, je dirais que nous sommes un peuple libre et indépendant prêt à défendre les droits acquis par nos ancêtres en raison de leur contribution avant la conclusion des différents traités.
Le sénateur Sibbeston : J'ignore si vous avez déjà entendu parler du livre Buffalo Days and Nights. Cet excellent livre raconte l'histoire de Peter Erasmus, un Métis ayant vécu dans la région de Fort Edmonton vers la fin des années 1800. C'était un Métis type : il était toujours parti pour chasser le bison ou servir de guide. Il s'est rendu dans la petite collectivité du Lac Ste. Anne où il est tombé amoureux d'une jeune fille. Il a voulu l'épouser, mais elle a refusé, parce qu'il n'avait pas une vie stable. Elle lui a dit de revenir une fois qu'il était prêt à s'installer pour de bon. Il est donc parti. Mais lorsqu'il est revenu, plusieurs années plus tard, la jeune fille avait épousé un autre homme.
C'est un bon exemple du style de vie d'un Métis. Il n'était pas du genre à rester au même endroit. Il me rappelle mon oncle. Lui aussi était tombé amoureux d'une jeune fille dans la région de Fort Nelson. Ils se sont fiancés et devaient se marier l'été suivant, puis il est parti. L'été en question, il est revenu pour épouser sa fiancée, mais celle-ci avait épousé quelqu'un d'autre. La leçon qu'il a retenue de cette aventure, c'est qu'il ne faut jamais tenter d'épouser une belle femme, car elle ne sera jamais entièrement vôtre.
Un jour, M. Erasmus s'est rendu dans une autre petite collectivité où, chez une connaissance, il a rencontré une jolie jeune fille, plus jeune. Ce soir-là, après seulement quelques heures, il l'a demandé en mariage et l'a finalement épousée. C'était le genre de vie que menaient les Métis.
Mme McArthur : Certainement. Nos familles faisaient partie du réseau nord-sud de la traite. Elles se sont établies sur les rives du lac Huron, et certains de leurs membres se sont mariés dans certaines des très anciennes familles de Detroit. D'autres se sont mariés dans d'anciennes familles du Michigan. Comme la traite se pratiquait vers le nord jusqu'à la rive nord, deux de nos filles se sont mariées dans la réserve de Wikwemikong et y sont restées.
D'autres Métis de nos familles se sont mariés dans d'autres familles de Métis, les anciennes familles de traiteurs du Michigan. Une de nos filles s'est mariée à Wikwemikong et elle a été impliquée dans la seule dispute attestée entre des Métis et une Première nation de l'Ontario au sujet de la pêche sur l'île Lonely. Elle était mariée à un Proulx, neveu du premier prêtre arrivé dans la région, et elle s'est établie dans la communauté de Killarney où elle a élevé une famille de Métis très nombreuse. Ses enfants, bien sûr, se sont mariés dans d'autres familles de Métis et ils ont tissé des liens très nombreux dans la région.
Les communautés nomadisaient. Après la fin de la traite, les Métis sont devenus pêcheurs, ce qui exigeait de fréquents déplacements. M. Shute, qui a interrogé certains de nos anciens dans les années 1930, en parle. Il a décrit leur mode de vie, le chargement de leurs canots et de leurs embarcations avec toutes leurs possessions — la volaille et tout — et leur départ pour des mois, à dates fixes, au cours des saisons. Les familles possédaient des cabanes de pêcheurs dans les îles et elles pratiquaient beaucoup la pêche, dans laquelle les Métis se sont orientés, dans les premiers temps, pour ensuite se convertir à la construction d'embarcations. Ils sont devenus les tout premiers mariniers, puis capitaines de goélettes et d'autres bateaux.
Nous avions le mode de vie que vous avez décrit, toujours en déplacement, et nous nous mariions entre nous. Je suis sûre qu'ils possédaient certaines des qualités ou certains des attributs que vous avez mentionnés. Nous étions une communauté typique séparée des deux autres communautés.
Les catholiques francophones, quand ils sont sortis de la forêt, ont aimé leur église, et les Métis ont signé la toute première pétition, à Goderich, pour la construction de l'église St. Peter, qui a précédé celle de toutes les autres, sauf de l'église de Sault Ste. Marie. Elle a précédé celle de St. Ann, à Penetang et celle de Wikwemikong. Cette pétition a été signée séparément par les Métis, ce qui montre qu'ils étaient conscients de leur identité.
Les premiers confirmés à l'église de Southampton étaient tous Métis, sauf un, et ils provenaient tous de ce groupe de familles qui pratiquaient la traite sur les rives.
Oui, je comprends maintenant que vous parlez du mode de vie traditionnel des Métis et, comme je l'ai dit, ils buvaient un peu, comme tout le monde, ils adoraient le violon et ils aimaient s'amuser.
Le sénateur Sibbeston : Merci.
Le président suppléant : Vous avez très bien répondu à une question difficile.
Mme McArthur : Merci.
Le président suppléant : Madame McArthur, vous avez parlé de M. Shute. Avez-vous des documents écrits à nous communiquer?
Mme McArthur : Les documents se trouvent dans les archives et au musée du comté de Bruce. Je peux les faire copier et les communiquer au comité. Nous rassemblons des documents sur notre communauté depuis 40 ans et nous sommes très heureux et très reconnaissants de l'activisme de nos prédécesseurs, comme M. Belcourt et le Congrès des peuples autochtones, comme on l'appelait alors, le premier groupe à se mobiliser pour les droits des Métis. Nous avons collaboré avec la fondation du patrimoine, en Ontario, qui a dévoilé une plaque, à Saugeen, sur la traite des fourrures. Ç'a été notre toute première réalisation pour la documentation et l'information sur notre communauté.
En 2005, nous avons rédigé un livre, publié sous ma direction, qui s'est très bien vendu, à plus de 1 000 exemplaires. Nous avons produit une étude sur l'utilisation des terres avec le concours de la filiale canadienne d'une firme américaine qui a interrogé nos gens et qui a enregistré toutes leurs réponses. Nous avons fait faire une autre étude, de plus grande envergure, sur l'utilisation des terres, par M. McNab, historien métis de l'Université York.
Dans l'immédiat, nous publierons, en octobre, un atlas historique dont l'un des auteurs est M. McNab. Il décrira notre histoire dans le contexte de celle de l'Ontario. La communauté rédige les biographies de ses familles anciennes reconnues. Je me suis chargée d'une grande partie de ce travail qui concernera trois ou quatre générations. Cette partie sera publiée. Les autres documents ne l'ont pas été.
Le président suppléant : Quel est le titre?
Mme McArthur : C'est Historic Saugeen & Its Metis Peoples.
Le président suppléant : Merci beaucoup.
Sénateur Ataullahjan, avez-vous une question supplémentaire?
Le sénateur Ataullahjan : J'en avais une, mais j'ai comme perdu le fil après toutes ces histoires d'amour.
Vous avez cité des chiffres. Je désire connaître la ventilation. Quel est le pourcentage de jeunes, de personnes âgées, d'hommes et de femmes? Avez-vous ces chiffres?
Mme McArthur : Non, mais je ne pourrais probablement pas vous renseigner sur les enfants, parce qu'ils ne sont pas tous inscrits avant l'âge de 16 ans. Cependant, nos liens avec les familles sont très étroits, et nous savons qui ils sont.
Le sénateur White : Merci beaucoup de votre exposé. En fait, je voulais ensuite questionner le sénateur Sibbeston.
Je voulais savoir si, dans votre communauté, certains ne sont pas d'accord sur le statut de Métis et préféreraient être reconnus comme membres des Premières nations.
Mme McArthur : Personne ne voudrait cela.
Le sénateur White : Personne?
Mme McArthur : Personne. Comme j'ai dit, nous n'inscrivons pas n'importe qui, et nos longues études généalogiques me permettent d'affirmer que personne n'est de cet avis. Cependant, des gens viennent nous consulter à notre bureau, pour inscrire leurs enfants ou petits enfants dépouillés de leur statut.
Le sénateur White : Leur statut de membres d'une Première nation?
Mme McArthur : Oui, et qui, si j'ai bien compris, ont grandi dans les réserves. S'ils peuvent prouver une ascendance métisse dans la communauté — parce que tout est lié au sol, à l'eau, à l'espace et au temps : quel territoire et quelles eaux tel ancêtre utilisait-il à tel moment? — elle doit remonter avant la prise de contrôle de la région par la Couronne.
Si ces personnes, à un moment donné, ont acquis un statut, pour le perdre à cause de la Loi sur les Indiens, elles doivent, pour être inscrites, prouver qu'elles descendent d'un Métis qui s'est trouvé dans le territoire que nous revendiquons.
Le sénateur White : Elles ne pourraient pas avoir le statut de membres d'une Première nation et tout en étant métisses?
Mme McArthur : Non, absolument pas, parce qu'il faut appartenir à l'une des trois communautés.
Le sénateur White : Pour obtenir le statut d'appartenance à un groupe, il faut abandonner ses prétentions à l'autre.
Mme McArthur : Il faut être Inuit, Métis ou Autochtone. On ne peut pas s'inscrire plusieurs fois dans des groupes différents.
Le sénateur White : Merci beaucoup de votre réponse. Elle m'éclaire beaucoup.
Le sénateur Meredith : L'identification est l'une des notions qui revient souvent sur le tapis. La race est l'un des éléments auxquels les Métis doivent s'identifier. Vous existez, d'après la documentation, depuis les années 1820. Je m'interroge notamment sur la langue, la culture et leur préservation. Je sais que votre communauté y tient. Je vais donc vous interroger sur la langue. Continuez-vous de la parler? Pour les besoins de l'auto-identification, faut-il prouver qu'on parle la langue ou qu'on vit dans la culture?
Mme McArthur : Malheureusement, comme beaucoup de communautés métisses du Canada, nous avons presque perdu, à l'intérieur de notre culture, l'usage de notre langue. Je me souviens que mon grand-père pouvait parler sa langue maternelle et il parlait français, mais, actuellement, je dirais que nous avons perdu l'usage de notre langue.
Le sénateur Meredith : En vue de l'identification de la prochaine génération de Métis ou chez ceux qui s'adressent à vous, s'auto-identifient et étudient les revendications des terres ancestrales et le droit d'usage de ces terres, est-ce qu'on essaie, avec le concours de certaines organisations, de ressusciter cette culture et la langue? Je sais que, dans les Premières nations — encore une fois, vous ne vous identifiez pas à une Première nation — on cherche à ressusciter la langue, la culture et tout ce qui entre dans cette catégorie.
Mme McArthur : Il est certain que nous aimerions, à un certain moment, réintroduire la langue. Actuellement, nous travaillons avec nos anciens. Nous organisons des déjeuners de travail et des ateliers avec eux et nous avons invité des conférenciers à venir parler de culture et à les remettre en contact avec elle. Cette méthode a eu beaucoup de succès.
La langue, c'est différent, parce que peu de communautés comptent encore des locuteurs, particulièrement en Ontario. Dans l'extrême Nord, peut-être, et je sais que la collectivité y consacre des efforts. Il est certain que, à un certain moment, nous nous attaquerons également à cet aspect. Nous n'existons que depuis quatre ans, et nous avons été très occupés. Toutefois, la culture représente beaucoup pour nous.
Le sénateur Meredith : Parlant d'anciens, quels sont les défis qu'affrontent vos jeunes? Est-ce qu'ils ressemblent à ceux qui se posent dans les autres Premières nations?
Mme McArthur : Oui et non. Certaines de nos familles ne sont pas aussi riches que les autres et sont désavantagées pour diverses raisons. Mais nous vivons dans une région assez riche, grâce à l'industrie nucléaire et à d'autres grosses industries. Nous ne souffrons pas du chômage comme, par exemple, les autres communautés plus au nord. Cependant, nous devons nous assurer de donner à nos élèves toutes les chances nécessaires pour s'instruire et nous avons mis sur pied un programme d'éducation. La première année, nous étions indépendants. C'est la communauté qui a accordé une bourse à six étudiants, sans les soumettre à une enquête sur leurs revenus. Nous voulons aider et encourager tout le monde, parce que nous comprenons que, aujourd'hui, beaucoup de familles peuvent être recomposées, et cetera.
Ces deux dernières années, nous avons financé les études universitaires et collégiales de 10 étudiants. Cette année, en plus des étudiants, nous aidons une mère seule à retourner au collège. L'éducation est l'un de nos quatre principaux objectifs, et nous devons prendre soin des jeunes et veiller à ce que tous profitent du maximum de chances possible.
Un autre de nos objectifs est de nous occuper des personnes âgées et de répondre à leurs besoins. Je dirais que, à cet égard, nos objectifs sont semblables à ceux de tous les Métis du Canada. Nous ne différons pas des autres communautés métisses. Nous nous identifions si fortement à Saugeen et nous partageons avec elle tant d'histoire — notre foyer, notre territoire et notre peuple. Certains préconisent la fusion de notre communauté dans la région ou ils prétendent que notre apport ne s'est pas vraiment fait dans ce territoire, que nous sommes seulement des nomades toujours en mouvement, mais c'est faux.
Je crois que nous sommes, en Ontario, l'une des rares communautés qui peut satisfaire au critère Powley. Nous nous sommes développés grâce à la traite des fourrures. Nous avons exploité un réseau régional de traite dont les acteurs étaient identifiables. Nous étions unis. Nos liens étaient économiques, et, entre les gens d'aujourd'hui et ceux de l'époque, la continuité est ininterrompue. Nous élisons un conseil qui représente les droits collectifs que les anciens nous ont transmis.
Le sénateur Meredith : J'ai une petite question sur les difficultés que présentent, pour les jeunes, les études collégiales et universitaires. D'après certains rapports, des jeunes ne se débrouillent pas si bien. De quels mécanismes disposez- vous pour soutenir ceux qui entreprennent ces études?
Mme McArthur : Nous veillons à ce qu'ils s'inscrivent dans un collège doté d'un programme de soutien et nous essayons de rester en contact avec eux. Ils reviennent et font du bénévolat au Saugeen Rendezvous, et cetera. À Southampton, nous avons un bureau qui a pignon sur rue. C'est la meilleure idée que nous ayons eue. Nous disons à nos Métis que c'est leur bureau. Nous avons commencé à tisser des liens véritables avec les gens qui s'y arrêtent pour diverses raisons, certains avec leurs familles, et cetera. Nous appuyons ceux qui nous confient leurs problèmes. Nous sommes en mesure de le faire parce que nous établissons des liens personnels.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup.
Le président suppléant : Vous avez mentionné que les Historic Saugeen Métis avaient enfreint des politiques de la Métis Nation of Ontario relatives aux terres et aux ressources. Pouvez-vous nous éclairer un peu?
Mme McArthur : Je vous remercie de la question. Je l'espérais.
La politique de la Métis Nation of Ontario, la MNO, est de n'inclure que les personnes qui acceptent de se plier à ses politiques. Nous étions d'accord. Un de ses processus est le processus des communautés à charte, et, en 2001, nous étions très heureux de nous joindre à elle. Nous sommes férus de notre histoire et nous possédons un sens aigu de notre identité. Nous avions et nous avons toujours de très bons rapports avec les gens.
J'ai dit que nous avons déjà enfreint la politique parce que l'organisation a modifié la définition de « communauté titulaire de droits » par rapport à ce que nous considérions être la définition de Powley de l'appartenance à un réseau régional de traite. Nous considérions que nous correspondions à la définition de Powley, mais cette définition ne précisait pas la grandeur de la région. Cela a suscité des problèmes.
Au début de 2008, la MNO a modifié la définition de « communauté titulaire de droits » pour en faire une région beaucoup plus grande, qui s'étendait de Goderich jusqu'à proximité de Peterborough et jusqu'au sud de la rivière des Français. Cela changeait notre identité. D'après Powley, nous nous identifiions à la communauté des Historic Saugeen Métis qui y avait vécu, et nous possédions les documents historiques pour le prouver. Nous croyons que nous répondons au critère Powley. Pour une raison que nous ignorons, la MNO a adopté l'idée selon laquelle toutes les communautés titulaires de droits sont étendues et expansives, comme dans l'Ouest. Cela contredisait notre vécu.
En conséquence, la communauté titulaire de droits aurait été régionale. Elle aurait été gérée par un comité des terres et des ressources. Tout cela touchait les consultations sur les terres et les ressources. Il était question de lui confier la politique régionale; désormais, nous devons nous rendre à Penetang. Notre histoire est quantité négligeable, parce que, désormais, c'est cette nation métisse qui occupe toute la région et c'est elle la titulaire des droits, mais nous continuons de nous réclamer de Powley.
Tout cela concernait les consultations sur les terres. Les consultations et les rapports que nous aurions eus avec la Couronne, le gouvernement, tout cela nous aurait été retiré et confié au comité régional. Un service des terres et des ressources a ensuite été créé à Toronto. C'est lui qui ferait toutes les consultations sur les terres et les ressources pour le comité régional, où nous n'avions qu'une seule voix, à Penetang. Cela changeait notre identité et, aussi, la nature des rapports directs que nous aurions eus avec la Couronne et la communauté, parce que la consultation sur les terres et les ressources concerne la consultation municipale, tout ce qui va des gîtes touristiques jusqu'aux projets de collecteur d'égouts ou ce genre de choses, tandis que la Couronne est tenue de consulter la communauté titulaire de droits dans ce domaine. C'est la consultation avec l'Ontario sur les projets de la province dans la région; la consultation sur les projets nucléaires fédéraux dans la région, il y en a deux importants. Nous avions des rapports avec des municipalités. Tout cela, désormais, aurait été confié à un comité régional, et la nouvelle formule, sans nous priver de la voix au chapitre, changeait radicalement les rapports que nous voulions établir avec notre communauté, avec la Couronne, et ainsi de suite, parce qu'elle les régionalisait. C'est ce que nous avons rejeté.
Lorsque nous sommes devenus indépendants, nous avons décidé de faire les choses différemment; nous allions nous rendre dans la collectivité et communiquer avec les municipalités et la province, tout en continuant d'entretenir nos relations et les ententes conclues avec les promoteurs d'installations nucléaires, car notre communauté profite de ces projets. Nous avons dû être fermes. Si nous voulions perdre tout cela, nous n'avions qu'à signer un nouveau protocole — en plus de notre protocole d'entente de collectivité à charte — par lequel nous aurions cédé nos droits de consultation à la MNO. C'est ce que nous avons rejeté.
Nous avons commencé en février ou en mai — je pense que c'était en mai. On a introduit le concept régional sur notre territoire le 9 février 2008. Nous voulions participer au système si nous le pouvions, mais nous étions très inquiets à ce sujet. Nous avons essayé d'obtenir un protocole. Nous avons rédigé six ébauches, en tentant d'obtenir un protocole qui nous permettrait de conserver une certaine indépendance et d'avoir notre mot à dire sur nos affaires, mais cela n'a pas fonctionné. Au bout du compte, c'est l'entente-cadre qui a prévalu. Nous étions un peu préoccupés par la façon dont les choses se déroulaient.
Enfin, je présume qu'ils en ont eu assez et qu'ils nous ont exclus, car c'est la façon de se débarrasser de quelqu'un qui pose un problème. Ils nous ont exclus, en pensant que nous allions nous éloigner, mais qu'ils allaient garder la charte et inclure d'autres gens. Nous étions ces gens. Nous avons seulement pris du recul et dit non. Nous avons dû démissionner. Nous avons dû renoncer à nos droits d'exploitation, et on ne nous les a pas encore rendus. Nous savions que nous devions avoir un bureau, car pendant toutes ces années, nous avions travaillé chez nos membres. Nous sommes simplement partis, nous avons ouvert notre propre bureau et nous avons poursuivi nos activités.
Nous avons été chanceux, car certains des promoteurs avec lesquels nous entretenions des liens nous ont appuyés, ainsi que le gouvernement fédéral. Nous obtenions du financement de participation à un projet nucléaire. Un an auparavant, nous avions eu la chance d'obtenir un nouveau financement de la province, et nous profitons maintenant d'une nouvelle relation de financement. Depuis trois ans, un employé s'occupe des terres et des ressources.
Nous voulions transformer notre relation. Nous avons délibérément tenté de transformer notre relation avec les municipalités et nous avons fait appel à un consultant. Nous avons communiqué avec les municipalités. Nous avons rencontré les responsables de la planification, et cetera. Je dois dire qu'avec l'aide que nous recevons de notre service des terres et des ressources, c'est-à-dire de la personne que nous avons été en mesure d'embaucher, nous avons réussi. Notre bureau compte quatre employés, mais nous arrivons à accomplir beaucoup de choses. Il faudrait probablement à la MNO de Toronto 15 ou 20 employés pour s'occuper des affaires des collectivités des Premières nations de notre territoire.
Maintenant, les promoteurs souhaitant exercer leurs activités sur le territoire doivent consulter deux communautés métisses : la nôtre et la MNO.
Le président suppléant : Merci beaucoup de votre réponse très complète. Si je comprends bien, les membres des Métis de Saugeen ne sont pas en mesure d'obtenir des certificats d'exploitant métis.
Mme McArthur : Les droits d'exploitation des Métis sont négociés avec le MRN, et il s'agit d'un protocole distinct. Nous avons tenu des réunions et nous espérons récupérer nos droits d'exploitation, mais c'est par ce sacrifice temporaire que nous avons réussi à conserver notre identité. Lorsque la collectivité communique avec les municipalités et vice-versa, cela crée naturellement une collectivité plus sécuritaire.
Le sénateur Ataullahjan : En mai 2012, vous avez annoncé votre participation à un projet de recherche de trois ans sur les droits des Autochtones handicapés. Pourriez-vous décrire votre rôle dans ce projet et les raisons qui vous ont poussés à y participer? Connaissez-vous le pourcentage de personnes handicapées dans votre collectivité?
Mme McArthur : Nous avons participé à ce projet en raison de nos liens avec l'Université York, qui cherchait des partenaires. Certains des gens avec qui nous travaillons — c'est-à-dire des historiens — sont professeurs dans cette université. Nous en avons donc entendu parler. C'est la deuxième fois que nous participons à un projet de ce genre — nous avons déjà collaboré avec un collège communautaire — et ces établissements cherchent à obtenir l'appui des Autochtones pour leurs projets. Nous n'avons pas tenu de réunion, étant donné que les projets étaient seulement attribués, et cetera. Le rôle de notre collectivité sera déterminé plus tard. Cela dépend de l'Université York. Nous voulons certainement participer à ce projet.
Nous avons quelques personnes handicapées dans notre collectivité.
Le sénateur Sibbeston : J'allais poser une question à Mme McArthur au sujet de la chasse et de la pêche. Vous en avez parlé dans votre exposé. À quel point ces activités sont-elles importantes pour votre collectivité aujourd'hui? Dans le Nord, la chasse et la pêche étaient un mode de vie; il était impossible de vivre autrement. Avec le temps, les choses ont changé, et ces activités ne sont plus aussi importantes ou nécessaires. Par exemple, si une personne a un emploi, elle peut vivre sans chasser ou pêcher.
À quel point la chasse et la pêche sont-elles des activités importantes pour votre peuple?
Mme McArthur : Le plus important, pour un Métis, ce sont les liens avec la terre. Traditionnellement, nos familles étaient composées de chasseurs et de pêcheurs. Tout comme c'est le cas dans la communauté en général, il y a moins de gens qui chassent et qui pêchent. Toutefois, on trouve toujours, dans notre peuple, des chasseurs et des pêcheurs passionnés — leurs parents l'étaient aussi — et ils continuent de se livrer à ces activités.
Lorsque nous faisions partie de la MNO, nous avions deux droits d'exploitation communautaire, car la pêche au corégone est importante. Nous avions un membre de notre collectivité qui pêchait avec un bateau de pêche et il était membre de la MNO. Le MRN n'a porté aucune accusation, mais c'était en vertu de la politique en matière d'exploitation des ressources de la MNO.
C'est important. Nous pêchons à l'automne. La chasse au chevreuil est très importante dans notre région, tout comme la pêche. Un grand nombre d'hommes chassent l'orignal, ce qui n'est pas une activité traditionnelle de notre région, mais ils chassent. Ils échangent leurs poissons contre des orignaux ou leurs orignaux contre du gibier.
Je pêche depuis que je suis enfant. Je vais dans les îles et je cueille des baies pendant l'été. Traditionnellement, nous exploitions la même chose que d'autres peuples. Un grand nombre de familles métisses avaient des campements de pêche.
Dans l'histoire locale, c'est-à-dire dans tous les écrits du comté et dans les livres d'histoire des trois comtés qui bordent le lac Huron, on dit que le peuple métis — notre peuple — est le premier arrivé dans la région, et que ses membres ont des liens très étroits avec la terre.
Le sénateur Meredith : Vous avez déjà répondu à mes questions sur les droits d'exploitation et les retombées économiques. Lorsqu'on parle de la collectivité et des activités qui la bâtissent, on envisage que les jeunes entreprendront peut-être seulement des activités d'exploitation pour survivre et nourrir leur famille. Ma question concernait ce sujet, mais vous y avez déjà répondu.
L'une des choses que vous avez mentionnées concernait le fait que la MNO veut adopter une approche à l'échelle régionale. Vous avez l'impression que ce projet vous ferait perdre votre identité. Comment la MNO justifiait-elle l'adoption de cette approche régionale qui vous privait de votre identité? Selon vos membres, cette approche élargie — c'est-à-dire l'agrandissement de votre territoire et de la région — vous ferait-elle perdre votre caractère distinctif? Était- ce l'avis de vos membres, ou est-ce parce que la MNO voulait vous imposer quelque chose?
Mme McArthur : Notre caractère distinctif serait perdu. Nous savions qui nous étions. Un grand nombre de communautés métisses n'ont pas les connaissances historiques que nous avons, ou elles cherchent leur collectivité, car les droits y sont liés. Nous savions qui nous étions.
Lorsque le collectif nous a accordé notre statut, nous n'avons pas eu à chercher une collectivité. En effet, notre collectivité était déjà établie; nous savions qui nous étions. Aussitôt que la décision Powley a été rendue — je suis l'historienne locale —, nous avons constaté que notre situation répondait à ses critères. Nous savions qui nous étions et nous commencions à retomber sur nos pieds.
La région est très historique. Il y a tellement de sociétés maritimes, historiques, et cetera. Lorsqu'on a commencé à écrire l'histoire traditionnelle, dans les années 1960 et 1970, on aurait dû parler de ceux qui étaient mentionnés dans les anciens livres centenaires, et cetera.
La tradition orale décrivant les premiers négociants n'a pas été reprise et on a vérifié les premiers négociants par l'histoire du wampum Piché, qui s'est retrouvée au Musée royal de l'Ontario. Le wampum Piché pour la paix sur le territoire a été donné à mon arrière-grand-mère, qui l'a donné à sa fille. Sa fille l'a donné à Fred Lamorandiere, qui est devenu commis à Cape Croker. Elle s'est ensuite mariée avec lui.
À sa mort, elle lui a laissé le wampum perlé. Il est allé à Owen Sound et il a authentifié l'histoire du wampum, et sa version s'est retrouvée au Musée royal de l'Ontario, où on la cherche; malheureusement, on ne peut pas la retrouver.
Si on remonte aussi loin que possible, cela nous lie aux premiers échanges commerciaux et nous donne notre caractère distinctif au sein du Canada.
Je crois qu'il y a de la diversité. Il y a un peuple métis, mais plusieurs Métis. Nous voulons préserver ce caractère distinctif de nos communautés, car notre communauté est historique. L'Ontario a des principes en matière de diversité, et les grands organismes devraient être diversifiés. Nous ne sommes pas allés à Peterborough. Si je vais à Penetang, l'autre grande collectivité, et que je dis à ses membres que je suis à la maison et que je suis là pour le grand retour, ils me diront que je ne suis pas sur la liste. Si je vais à Peterborough, peu importe où est la frontière, je ne suis pas sur la liste.
Je suis certaine que nos ancêtres n'ont pas utilisé ce territoire, car j'ai documenté les endroits où sont allées les familles de notre communauté pendant 200 ans. Toutes les recherches que nous avons effectuées me permettent de savoir qui faisait partie de la communauté. La péninsule constituait un obstacle de taille; on ne la traversait pas. Il y a eu très peu de mariages avec les Métis du côté éloigné qui se sont rassemblés là-bas après 1828. Nous avons précédé tout cela.
À notre avis, on devrait permettre aux communautés d'établir leur diversité et leur histoire. C'est important. La Société historique de l'Ontario a reconnu notre peuple avec une plaque et elle a écrit un document d'information.
Le cœur n'y serait plus. Comment peut-on avoir le goût d'écrire son histoire, et de faire toutes ces choses, si le contrôle est exercé ailleurs? Ce n'est pas logique.
Le sénateur Meredith : Madame McArthur, vous parlez avec beaucoup de passion et de cœur de ce que vous bâtissez et de la façon dont vous allez progresser. Je vous félicite et je vous souhaite de réussir. Merci.
Le président suppléant : Madame McArthur, j'aimerais que vous nous présentiez les membres de votre communauté qui vous accompagnent aujourd'hui.
Mme McArthur : Certainement. C'est une affaire de famille. J'aimerais vous présenter ma fille, Krista Lewis, qui habite à Thornhill. Voici ma nièce, Cindy Zarzycki et mon autre nièce, Cathy Zarzycki. Et voici ma sœur, Goldie Mielhausen.
Le sénateur Meredith : Bienvenue.
Mme McArthur : Merci beaucoup.
Le sénateur Watt : Ma question vise surtout à clarifier vos réponses aux questions du président. Tout d'abord, bienvenue à cette réunion du comité. J'ai déjà collaboré avec des membres de votre communauté, par exemple, Harry Daniels et Tony Belcourt, lors des travaux qui ont mené au rapatriement de la Constitution en 1982.
Mme McArthur : J'ai aussi travaillé pour Tony Belcourt. En effet, j'ai été registraire suppléante pour la Métis Nation of Ontario en 1999 et 2000, et je respecte beaucoup le fait qu'il a consacré sa vie aux Métis.
Le sénateur Watt : Le point sur lequel j'aimerais obtenir des éclaircissements concerne la Métis Nation of Ontario, que vous appelez la MNO, je crois.
Mme McArthur : Oui.
Le sénateur Watt : Votre groupe se fonde sur la décision Powley; elle concernait trois hommes poursuivis pour une affaire de chasse. Je me souviens lorsque l'affaire s'est retrouvée devant la Cour suprême du Canada.
Je constate qu'il y a un peu de tension entre les deux groupes — s'il existe bien une tension. Je ne sais pas; c'est à vous de me le dire.
Je présume que ce que vous dites, c'est qu'une communauté est mieux placée pour savoir cela. Cela devrait être votre responsabilité, et les organismes régionaux ne devraient pas traiter avec les autres régions à votre place. Ainsi, vous aimeriez établir vos propres relations avec le gouvernement, si des projets de mise en valeur sont prévus, en tenant compte qu'il pourrait y avoir un projet concernant l'uranium dans votre collectivité. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme McArthur : Nous avons le nucléaire...
Le sénateur Watt : L'énergie nucléaire?
Mme McArthur : Des centrales nucléaires, oui.
Le sénateur Watt : Si je vous comprends bien, vous avez entrepris des négociations avec la municipalité à ce sujet, ou est-ce votre organisme régional qui s'en occupe? Qu'est-ce qui se passe?
Mme McArthur : Je pense que toutes les collectivités autochtones de la région ont des relations avec les promoteurs.
Le sénateur Watt : Des relations avec qui?
Mme McArthur : Avec les entreprises qui exercent leurs activités dans la région. Je suis certaine que toutes les collectivités autochtones de la région ont des relations avec...
Le sénateur Watt : Vous parlez de votre collectivité?
Mme McArthur : Oui, nous sommes une communauté distincte. Les municipalités et d'autres organismes semblables à la MNO nous consultent. La MNO est un collectif, et nous sommes une entité distincte.
Le sénateur Watt : Êtes-vous en train de nous dire que vous ne voulez pas que l'organisme régional s'ingère dans vos affaires?
Mme McArthur : Nous n'avons pas accepté sa politique.
Le sénateur Watt : Qui a élaboré cette politique?
Mme McArthur : La Métis Nation of Ontario. Nous n'avons pas accepté ses politiques, et c'est la façon dont l'organisme recrute les collectivités. Toutefois, les collectivités ont 30 jours pour rejeter ses chartes. Nous ne sommes pas liés aux conditions. Il existe une entente selon laquelle les parties peuvent se retirer dans un délai de 30 jours, mais il semble qu'une fois qu'on se joint à l'organisme, il est très difficile d'en sortir. Il faut seulement dire non, mais nous ne voulions pas qu'on nous enlève notre droit de consultation, car nous sommes en mesure de mener nos propres négociations. Nous voulions le conserver. Nous avons aimé faire partie du collectif, car il y a de nombreux avantages à en faire partie, mais lorsque nous avons joint l'organisme, nous pensions qu'on nous appuierait.
Le sénateur Watt : Vous pensiez quoi?
Mme McArthur : Nous pensions qu'on nous appuierait, afin que notre collectivité atteigne son plein potentiel et que nous puissions nous réapproprier notre culture. C'était l'idée. À l'époque, il n'existait aucune aide dans ce domaine. Nous voulons nous réapproprier notre culture et nous affirmons que nous avons une collectivité historique. Comment allons-nous y arriver? Si nous pouvons obtenir une charte, nous aurons alors l'appui d'un plus grand groupe pour nous réapproprier notre héritage.
Les choses en sont venues au point où nous avions l'impression que la définition des collectivités régionales était qu'elles étaient historiques et qu'elles pouvaient prouver qu'elles exerçaient leurs activités dans une certaine région géographique. Lorsque cela change, qui sommes-nous? Qui est notre peuple? C'est ce qu'on a fait. Cette définition correspond à la décision Powley, alors pourquoi la modifier?
Je présume qu'on l'a modifiée surtout pour faciliter la gestion des terres et des ressources, mais qui faciliterait la consultation au sujet des terres et des ressources? Le groupe. Nous avons rejeté cela, car si nous avions le droit de consulter la Couronne, conformément à la décision Powley, nous avions un droit. Je présume que jusqu'à ce qu'il soit contesté, nous avons donc un droit en vertu de la décision Powley, et nos droits sont établis et crédibles, et ils sont donc acceptés. Pourquoi renoncerions-nous à cela?
Le sénateur Watt : Selon votre interprétation, la décision Powley s'applique donc au-delà des activités d'exploitation. Est-ce exact?
Mme McArthur : Non, le droit communautaire métis concerne la nourriture, donc l'exploitation des ressources. Il s'agit d'un droit communautaire de subsistance. On nous consulte au sujet de projets qui pourraient avoir des répercussions sur notre territoire traditionnel, car il doit être conservé pour que nous puissions transmettre ce droit.
Le sénateur Meredith : Madame McArthur, vous avez mentionné à plusieurs reprises que vous aviez des liens avec des entreprises de la région. Qu'est-ce que cela signifie? Pouvez-vous expliquer ce que cela signifie sur le plan du développement économique? Qu'apportent à votre groupe les entreprises qui s'installent dans la région? Y a-t-il des négociations au sujet de l'endroit où elles peuvent s'établir? Ou s'agit-il seulement de veiller à ce que votre peuple puisse avoir accès à ces emplois?
Mme McArthur : En partie. Il y a des avantages, mais les consultations servent à nous informer qu'il y a une activité dans notre région.
Le sénateur Meredith : Quelle est cette activité?
Mme McArthur : Il pourrait s'agir, par exemple, d'un égout, de l'exploitation d'une carrière ou de l'enfouissement des déchets nucléaires. Il s'agit de toutes les activités, même celles concernant l'hébergement, car la province de l'Ontario a décidé qu'on devait nous avertir lorsque ces activités s'exerçaient sur notre territoire traditionnel. On communique donc avec nous et on nous informe qu'une activité sera entreprise. Ensuite, nous rencontrons habituellement le promoteur, c'est-à-dire la personne qui exerce l'activité.
En général, s'il s'agit de quelque chose qui ne va pas avoir de répercussions sur nos droits, nous croyons que c'est la fin de l'histoire. Toutefois, s'il s'agit de quelque chose qui pourrait entraîner des répercussions sur nos droits et que nous avons besoin d'aide ou d'expertise pour examiner les études et les documents présentés, le promoteur doit parfois fournir le budget qui nous permettra d'étudier le projet et de formuler des commentaires. Nous commentons toutes ces choses; c'est le processus.
Lorsqu'un budget est établi, une partie est parfois affectée à l'appui de notre bureau. Les promoteurs de la région acceptent également de financer d'autres choses, par exemple, un fonds de bourses d'études; la collectivité peut donc ainsi profiter de ces activités.
Le sénateur Meredith : Je voulais seulement obtenir des éclaircissements sur la façon dont cela fonctionnerait.
Mme McArthur : Il s'agit d'un processus de consultation. C'est très fréquent.
Le sénateur Meredith : Vous ne recevez pas de compensation directe, par exemple, on vous donne 3 millions de dollars ou quelque chose de ce genre?
Mme McArthur : Non. Nous commentons toujours les projets et nous avons cette relation avec les promoteurs, ce qui est une bonne chose, car parfois, ces projets s'échelonnent sur 20 ans — par exemple, un projet éolien — et il est alors nécessaire d'avoir un lien avec les promoteurs.
Le président suppléant : Madame McArthur, au nom du comité, je vous remercie de votre témoignage très instructif. Il est facile de deviner que vous êtes historienne. Merci également à tous ceux qui vous ont accompagnée.
(La séance se poursuit à huis clos.)